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L'activisme des investisseurs institutionnels est-il un outil ... - cergam

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UNIVERSITE DE DROIT, D'ECONOMIE ET DES SCIENCES D'AIX MARSEILLEINSTITUT D'ADMINISTRATION DES ENTREPRISESCENTRE D’ETUDES ET DE RECHERCHESUR LES ORGANISATIONS ET LA GESTIONL’ACTIVISME DES INVESTISSEURS INSTITUTIONNELSEST-IL UN OUTIL EFFICACE ?QUELQUES REPONSES DE LA LITTERATURECéline DU BOYS*W.P. n° 655 Mars 2003* Etudiante en Doctorat en Sciences de G<strong>est</strong>ion, rattachée au CEROG-IAE d’Aix-en-Provence , Université Aix-Marse<strong>il</strong>le III, Clos Guiot, Boulevard <strong>des</strong> Camus, 13540 PuyricardToute reproduction interditeL'institut n'entend donner auc<strong>un</strong>e approbation, ni improbation aux opinions émises dans ces publications : cesopinions doivent être considérées comme propres à leurs auteurs.Institut d’Administration <strong>des</strong> Entreprises, Clos Guiot, 13540 Puyricard, FranceTel. : 04 42 28 08 08.- Fax : 04 42 28 08 00.


CELINE DU BOYSWORKING PAPER – IAE AIX EN PROVENCEL’ACTIVISME DES INVESTISSEURS INSTITUTIONNELS EST –IL UN OUTILEFFICACE ?QUELQUES REPONSES DE LA LITTERATUREMARS 2003


Résumé :Cette revue de littérature s’intéresse à l’activisme <strong>des</strong> actionnaires et plus particulièrement celui <strong>des</strong><strong>inv<strong>est</strong>isseurs</strong> <strong>institutionnels</strong>. Après l’avoir défini, ce papier explique comment ce « nouvel out<strong>il</strong> degouvernance » <strong>est</strong> apparut et <strong>il</strong> en présente ces caractéristiques principales. Un nouveau type d’activismequi touche depuis peu les <strong>inv<strong>est</strong>isseurs</strong> <strong>institutionnels</strong> <strong>est</strong> abordé : l’activisme éthique.Enfin afin de comprendre l’activisme, <strong>il</strong> faut en connaître ses effets sur les entreprises. Les différentesétu<strong>des</strong> de la littérature semblent conclure à <strong>un</strong> effet nul sur la richesse <strong>des</strong> actionnaires et sur laperformance. Le seul effet positif, mais faible, de l’activisme <strong>est</strong> de provoquer certains changement decomportement ou de politique dans l’entreprise. Ce papier présente aussi quelques éléments de littérature etd’actualités permettant d’espérer <strong>un</strong> effet positif de l’activisme éthique sur le comportement <strong>des</strong>entreprises.Mots Clés : Activisme - Inv<strong>est</strong>isseurs Institutionnels - Activisme éthique – Effets de l’activismeAbstract :This literature survey treats of shareholders’ activism and more precisely of institutional inv<strong>est</strong>ors’ activism.First off all a definition is given, then the paper tells how this “new governance tool” has appeared and whatare its main characteristics. A new kind of activism for institutional inv<strong>est</strong>ors is developed : ethic activism.Then to <strong>un</strong>derstand activism better, its effect on firms have to be known. The different studies conclude in alack of effect on shareholders’ wealth and on performance. The only positive, but weak effect of activism isto provoke changes in the behaviour or in the policy of the firm. This paper also presents a few literatureand topical elements that permit to think that ethic activism may have a positive impact on firms’ behaviour.Key Words : Activism – Institutional Inv<strong>est</strong>ors – Ethic Activism – Activism Effects


TABLE DES MATIERESI. ACTIVISME DES INVESTISSEURS INSTITUTIONNELS............................................ 71. DEFINITIONS DE L’ACTIVISME.................................................................................................72. HISTORIQUE DE L’ACTIVISME DES INVESTISSEURS.....................................................................9• Premiers <strong>inv<strong>est</strong>isseurs</strong> activistes..................................................................................... 9• Arrivée <strong>des</strong> <strong>inv<strong>est</strong>isseurs</strong> <strong>institutionnels</strong> ......................................................................... 93. CARACTERISTIQUES DE L’ACTIVISME DES INVESTISSEURS INSTITUTIONNELS ............................10• Présentation <strong>des</strong> <strong>inv<strong>est</strong>isseurs</strong> actifs ............................................................................ 10• Caractéristiques <strong>des</strong> entreprises ciblées....................................................................... 11• Instruments de l’activisme institutionnel....................................................................... 11• Thèmes <strong>des</strong> propositions activistes ............................................................................... 13• L’activisme éthique....................................................................................................... 13II. EFFETS DE L’ACTIVISME............................................................................................. 161. EFFETS DE LA PRESENCE D’INVESTISSEURS INSTITUTIONNELS DANS LE CAPITAL.......................162. EFFETS DE L’ACTIVISME CLASSIQUE.......................................................................................17• Effets de l’activisme sur l’entreprise ............................................................................ 17• Effets de l’activisme sur la valeur boursière ................................................................ 18• Effets de l’activisme sur les valeurs comptables ........................................................... 193. EFFETS DE L’ACTIVISME ETHIQUE..........................................................................................19


INTRODUCTIONDepuis <strong>un</strong>e quinzaine d’années, les <strong>inv<strong>est</strong>isseurs</strong> <strong>institutionnels</strong>, traditionnellement passifs, ont comprisl’influence qu’<strong>il</strong>s avaient sur les gran<strong>des</strong> entreprises internationales. Possédant en moyenne près de 40% ducapital <strong>des</strong> sociétés cotées, <strong>il</strong>s peuvent potentiellement orienter la politique de nombreuses entreprises. Fortde ce pouvoir, les <strong>inv<strong>est</strong>isseurs</strong> <strong>institutionnels</strong> sont devenus de plus en plus activistes. Ils se sont ainsi mis àprésenter <strong>des</strong> centaines de propositions visant à améliorer la gouvernance, la performance et mêmerécemment l’éthique <strong>des</strong> entreprises.L’immixtion de ces nouveaux acteurs dans la politique <strong>des</strong> entreprises a fait grand bruit. Enfinapparaissaient <strong>des</strong> acteurs assez puissants pour créer <strong>un</strong> contre pouvoir aux dirigeants, et permettre <strong>un</strong>contrôle plus fort. L’activisme <strong>est</strong> alors considéré comme <strong>un</strong> nouvel out<strong>il</strong> de gouvernance.Si la recherche de la création de valeur <strong>est</strong> souvent l’objectif premier de ces <strong>inv<strong>est</strong>isseurs</strong>, certains se sontrécemment sentis préoccupés par la responsab<strong>il</strong>ité sociale <strong>des</strong> entreprises. Ainsi, les comm<strong>un</strong>autésreligieuses ont vite compris la possib<strong>il</strong>ité qu’offrait l’activisme de sensib<strong>il</strong>iser les entreprises à <strong>des</strong> problèmessociaux ou environnementaux. Les <strong>inv<strong>est</strong>isseurs</strong> <strong>institutionnels</strong> classiques ont rapidement suivi, pensantqu’<strong>un</strong>e bonne santé de l’entreprise peut à terme permettre <strong>un</strong>e rentab<strong>il</strong>ité supérieure. L’activisme apparaîtalors comme la solution à tous les problèmes <strong>des</strong> entreprises et <strong>des</strong> <strong>inv<strong>est</strong>isseurs</strong>. Les zinzins deviennenttous puissants et le pouvoirs <strong>des</strong> retraités américains fait trembler les salariés du monde entier.Cependant, aujourd’hui, on revient de plus en plus sur les bénéfices de cet out<strong>il</strong> « magique ». Est-<strong>il</strong> vraimentefficace ? Les <strong>inv<strong>est</strong>isseurs</strong> <strong>institutionnels</strong> ont-<strong>il</strong>s réellement les clés pour améliorer la performance et lecomportement <strong>des</strong> entreprises ? La diversification, out<strong>il</strong> suprême de la théorie financière ne r<strong>est</strong>e t’elle pasla me<strong>il</strong>leure alliée <strong>des</strong> <strong>inv<strong>est</strong>isseurs</strong> ?Ainsi, le but de cet article, outre comprendre les différentes formes d’activisme, <strong>est</strong> de déterminer s<strong>il</strong>’activisme peut être <strong>un</strong> out<strong>il</strong> efficace ou si son importance a été au contraire sur<strong>est</strong>imée.Nous avons donc cherché à rassembler l’ensemble de la littérature sur l’activisme <strong>des</strong> <strong>inv<strong>est</strong>isseurs</strong><strong>institutionnels</strong> afin de comprendre ce que recouvre cette notion et afin de savoir si, oui ou non, c’<strong>est</strong> <strong>un</strong> out<strong>il</strong>efficace. Ce papier s’intéresse de plus à cette nouvelle forme d’activisme qui touche le comportementéthique <strong>des</strong> entreprises : quelle influence ont les <strong>inv<strong>est</strong>isseurs</strong> <strong>institutionnels</strong> dans ce domaine si particulier dela morale ? Cette qu<strong>est</strong>ion <strong>est</strong> sans réponse, car si l’intérêt <strong>des</strong> actionnaires envers l’éthique <strong>est</strong> reconnu,personne ne s’<strong>est</strong> jusqu’à présent intéressé à savoir si <strong>un</strong> tel activisme peut avoir <strong>un</strong> impact réel et positifsur le comportement <strong>des</strong> entreprises.


Ainsi, en première partie, <strong>un</strong>e définition et <strong>un</strong>e <strong>des</strong>cription <strong>des</strong> caractéristiques de l’activisme sontproposées. Dans ce cadre, le concept d’activisme éthique <strong>est</strong> approfondi.En second lieu, cet article s’intéresse aux résultats <strong>des</strong> actions activistes afin de déterminer l’efficacitépotentielle de l’activisme. Il explore aussi quelques éléments de littérature théorique et quelques chiffres surl’activisme éthique afin de se faire <strong>un</strong>e idée <strong>des</strong> effets sur les entreprises de ce type d’actions.


I. Activisme <strong>des</strong> Inv<strong>est</strong>isseurs InstitutionnelsAvant de s’intéresser au cœur de notre sujet : « activisme, rêve ou réalité ? », <strong>il</strong> nous faut comprendre lephénomène. Cette première partie cherche donc à décrire et expliquer le phénomène d’activismeinstitutionnel. Une définition sera donc donnée, puis nous verrons comment <strong>est</strong> né, puis s’<strong>est</strong> développél’activisme <strong>des</strong> <strong>inv<strong>est</strong>isseurs</strong>. Enfin, nous étudierons les caractéristiques de ce moyen d’expression et nousnous attarderons sur <strong>un</strong>e nouvelle facette de l’activisme : l’éthique.1. Définitions de l’activisme« L’activisme <strong>est</strong> <strong>un</strong>e doctrine ou <strong>un</strong>e pratique qui met l’accent sur <strong>un</strong>e action directe et vigoureuse, plusparticulièrement pour exprimer son appui ou son avis à l’égard d’<strong>un</strong>e qu<strong>est</strong>ion controversée », (Crête etRousseau, 1997)L’activisme <strong>est</strong> ici défini très largement : <strong>il</strong> englobe toute expression d’opinion de la part d’<strong>un</strong> acteurquelconque vers <strong>un</strong>e cible quelconque. Le point essentiel de cette définition <strong>est</strong> l’expression active d’<strong>un</strong>eopinion.Cependant, la plupart <strong>des</strong> définitions de l’activisme se centrent sur <strong>un</strong>e cible : la firme. Ainsi, selonDavid P. Baron (2000), « le terme activiste se réfère à <strong>un</strong> joueur qui cherche à changer lespratiques d’<strong>un</strong>e firme »L’activiste qui prend pour cible la firme, peut être chac<strong>un</strong> <strong>des</strong> stakeholders de l’entreprise.Cependant, les consommateurs et les <strong>inv<strong>est</strong>isseurs</strong> jouent <strong>un</strong> rôle particulier dans l’activisme.Dans ce papier, nous nous intéresserons à <strong>un</strong> seul type d’activisme : celui <strong>des</strong> actionnaires, quenous allons chercher à définir plus précisément.Les définitions de l’activisme <strong>des</strong> actionnaires varient selon les moyens d’expression d’opinionut<strong>il</strong>isés, les sujets abordés et le type d’inv<strong>est</strong>isseur concerné.- Certains chercheurs parlent d’activisme <strong>des</strong> actionnaires dès que ces derniers exprimentleur opinion vis à vis du comportement de la firme.Par exemple, pour Crête et Rousseau (1997), « Le terme activisme <strong>est</strong> souvent ut<strong>il</strong>isé […] pour qualifier lesactivités les plus visibles de certains actionnaires qui remettent en qu<strong>est</strong>ion le comportement <strong>des</strong>entreprises. »


De même, Hervé (2001) définit « l’activisme au sens large comme la manif<strong>est</strong>ation de la part d’<strong>un</strong>inv<strong>est</strong>isseur de son mécontentement quant à la stratégie ou à la performance d’<strong>un</strong>e firme dont <strong>il</strong><strong>est</strong> actionnaire ». Ainsi, l’auteur considère que ce n’<strong>est</strong> pas tant le mode de comm<strong>un</strong>ication avec lafirme qui fait qu’<strong>un</strong> inv<strong>est</strong>isseur <strong>est</strong> activiste mais plutôt le signal qu’<strong>il</strong> émet à l’encontre de cettefirme.- Pour d’autres auteurs, au contraire, l’activisme correspond à <strong>un</strong>e manif<strong>est</strong>ation del’opinion de l’actionnaire, à travers son droit à pouvoir proposer et voter <strong>des</strong> résolutions. Dans cetteconception étroite de l’activisme, seul <strong>un</strong> mode d’expression existe.Ainsi, pour Caby (2002), « Les relations <strong>des</strong> <strong>inv<strong>est</strong>isseurs</strong> <strong>institutionnels</strong> avec les entreprises peuventprendre deux formes principales : négociée ou conflictuelle. La forme négociée passe par <strong>des</strong> négociationsinformelles <strong>des</strong>tinées à faire évoluer la gouvernance <strong>des</strong> entreprises concernées. La forme conflictuelle, àpropos de laquelle on parle d’activisme , consiste à proposer <strong>des</strong> résolutions aux assemblées généralesd’actionnaires, généralement lorsque les négociations ont auparavant échoué. »De même, Hervé (2001) propose <strong>un</strong>e autre définition plus étroite que celle citée précédemment. Ilparle d’activisme <strong>des</strong> actionnaires quand ces derniers encouragent les firmes à modifier leursstratégies par l’intermédiaire de l’exercice <strong>des</strong> droits de vote que leur confèrent leurs actions.- Il existe <strong>des</strong> visions encore plus étroites de l’activisme. Smith (1996) décrit l’activisme <strong>des</strong>actionnaires comme « le contrôle effectué par les traditionnellement passifs <strong>inv<strong>est</strong>isseurs</strong> <strong>institutionnels</strong> ».Ainsi, les zinzins deviennent les seuls actionnaires activistes.De plus, pour son étude de 1996, <strong>il</strong> rétrécit encore la définition en qualifiant les sujets de l’activisme.« L’activisme <strong>des</strong> actionnaires, c’<strong>est</strong> le contrôle et la tentative d’amener <strong>des</strong> changements dans la structurede contrôle organisationnel <strong>des</strong> firmes perçues comme ne poursuivant pas l’objectif de maximisation de lavaleur actionnariale »Cette dernière définition très étroite ne traite plus que d’<strong>un</strong> seul type d’activisme : celui <strong>des</strong> <strong>inv<strong>est</strong>isseurs</strong><strong>institutionnels</strong> sur les structures de gouvernance.Ce type de définition nous paraît trop étroit et nous préférerons la suivante.Ainsi, nous définirons l’activisme <strong>des</strong> <strong>inv<strong>est</strong>isseurs</strong> comme l’action exercée par <strong>un</strong> actionnaire pourtenter de modifier les caractéristiques d’<strong>un</strong>e firme.


2. Historique de l’activisme <strong>des</strong> <strong>inv<strong>est</strong>isseurs</strong>Maintenant défini l’activisme, <strong>il</strong> <strong>est</strong> intéressant de comprendre comment <strong>il</strong> <strong>est</strong> apparu et s’<strong>est</strong> développé.Premiers <strong>inv<strong>est</strong>isseurs</strong> activistesOn rencontre les premiers <strong>inv<strong>est</strong>isseurs</strong> activistes dans les années 1930 aux Etats Unis. Les frères G<strong>il</strong>berten sont les pionniers, <strong>il</strong>s cherchent à faire valoir les droits <strong>des</strong> actionnaires afin d’obtenir <strong>un</strong>e plus grandepart <strong>des</strong> bénéfices.Dans les années 1960, <strong>des</strong> mouvements politiques et sociaux secouent les Etats-Unis. Des groupesactivistes tentent alors de mettre l’accent sur la responsab<strong>il</strong>ité sociétale <strong>des</strong> entreprises et abordent <strong>des</strong>qu<strong>est</strong>ions touchant l’environnement ou la protection <strong>des</strong> consommateurs en soumettant <strong>des</strong> propositions pourles assemblées annuelles.Ainsi, jusque dans les années 1980, les propositions activistes <strong>des</strong> actionnaires émergeaient principalement<strong>des</strong> <strong>inv<strong>est</strong>isseurs</strong> individuels ou <strong>des</strong> groupes activistes sociaux et confédérations religieuses.L’amplification <strong>des</strong> actions activistes commence en 1982 lorsque la cour suprême <strong>des</strong> USA modifieprofondément la loi sur les prises de contrôle qui prévalait jusque là, et libéralise les OPA. Les dirigeants <strong>des</strong>entreprises cherchent alors à se défendre et à mieux sécuriser leur contrôle, <strong>il</strong>s inventent <strong>des</strong> instruments dedéfense tels que les amendements anti-OPA ou les p<strong>il</strong>ules empoisonnées 1 . Ces mesures défensives ont trèsfortement handicapé les prises de contrôles et empêché <strong>un</strong> <strong>des</strong> mo<strong>des</strong> de surve<strong>il</strong>lance <strong>des</strong> dirigeants.Beaucoup d’<strong>inv<strong>est</strong>isseurs</strong> qui souhaitaient influencer les politiques <strong>des</strong> entreprises se sont alors transformésen activistes en soumettant aux assemblées d’actionnaires <strong>des</strong> proxy propositions portant principalement surl’élimination de ces mesures anti-OPA. Beaucoup d’auteurs considèrent d’a<strong>il</strong>leurs l’activisme comme <strong>un</strong>nouveau modèle de gouvernance d’entreprise permettant <strong>un</strong>e surve<strong>il</strong>lance flexible et se substituant auxmarchés <strong>des</strong> prises de contrôle. (Smith, 1996; Wahal, 1996; Karpoff et al., 1996; Girard, 2001).Arrivée <strong>des</strong> <strong>inv<strong>est</strong>isseurs</strong> <strong>institutionnels</strong>Au cours <strong>des</strong> quinze dernières années, les <strong>inv<strong>est</strong>isseurs</strong> <strong>institutionnels</strong> traditionnellement passifs, sontdevenus <strong>des</strong> acteurs importants de l’activisme. Avec leur arrivée, de nouvelles formes d’intervention ontémergé et l’activisme <strong>est</strong> devenu <strong>un</strong> phénomène plus visible en raison de leurs efforts pour maximiser lerendement de leurs titres ou pour promouvoir <strong>des</strong> objectifs de nature économique, politique ou sociale.Deux raisons sont venues renforcer les efforts activistes <strong>des</strong> <strong>inv<strong>est</strong>isseurs</strong> <strong>institutionnels</strong>:1 Les p<strong>il</strong>ules empoisonnées (poisons p<strong>il</strong>ls) donnent en cas d’OPA, le droit aux actionnaires (sauf pour l’acquéreur)d’acheter les actions de leur compagnie avec <strong>un</strong>e forte réduction (souvent à moitié prix) . Ainsi, avec d’autresactionnaires capables d’acheter <strong>des</strong> actions à moitié prix, la société cible devient financièrement inintéressante et lesdroits de vote de l’acquéreur seraient d<strong>il</strong>ués.


- L’arrivée <strong>des</strong> <strong>inv<strong>est</strong>isseurs</strong> <strong>institutionnels</strong> dans le clan <strong>des</strong> activistes <strong>est</strong> tout d’abord liée à l’augmentationde leur ta<strong>il</strong>le. En effet, leurs avoirs dépassent le PIB de l’Europe <strong>des</strong> quinze, du Japon et <strong>des</strong> Etats Unis. En1998, les <strong>inv<strong>est</strong>isseurs</strong> <strong>institutionnels</strong> du monde géraient plus de 30 000 m<strong>il</strong>liards de dollars, dont près de 60%pour les USA, et 5,5% pour la France. Leurs actifs ont augmenté de +124% de 1990 à 1998. Aux EtatsUnis, en 1998 les actifs totaux <strong>des</strong> zinzins représentaient 218,8% du PIB, et en France 115,7%. (Caby,2002 ; Jeffers et Plihon, 2001; Carleton et al., 1998)Or, traditionnellement, les g<strong>est</strong>ionnaires de portefeu<strong>il</strong>les ut<strong>il</strong>isaient la «Wall Street Walk » : face à <strong>un</strong>eentreprise sous-performante, <strong>il</strong>s préféraient vendre les titres de cette société plutôt que de l’encourager àchanger de politique. Mais, les positions de certains fonds étaient devenues si larges qu’elles n’étaient plusliqui<strong>des</strong>, ainsi pour appliquer la « Wall Street Rule », <strong>il</strong> fallait accepter <strong>un</strong>e forte baisse du prix <strong>des</strong> titres oules vendre sur <strong>un</strong>e longue période.- Une autre raison à l’importance grandissante <strong>des</strong> <strong>inv<strong>est</strong>isseurs</strong> <strong>institutionnels</strong> concerne les nouvellesmétho<strong>des</strong> de g<strong>est</strong>ion <strong>des</strong> portefeu<strong>il</strong>les. La plupart <strong>des</strong> fonds ont désormais <strong>un</strong>e large partie de leurs actifs qui<strong>est</strong> indexée, <strong>il</strong>s ne peuvent donc pas modifier la structure <strong>des</strong> portefeu<strong>il</strong>les pour suivre la « Wall StreetRule », sinon <strong>il</strong>s risqueraient d’obtenir <strong>un</strong>e diversification inadéquate de leur portefeu<strong>il</strong>le.Aujourd’hui, les <strong>inv<strong>est</strong>isseurs</strong> <strong>institutionnels</strong> sont les principaux activistes. Si leur pouvoir s’exerceparticulièrement aux Etats Unis, <strong>il</strong>s agissent cependant à travers le monde.Les entreprises françaises ne sont donc pas protégées : « la présence de plus en plus forte <strong>des</strong> <strong>inv<strong>est</strong>isseurs</strong><strong>institutionnels</strong> étrangers, les exigences nouvelles <strong>des</strong> <strong>inv<strong>est</strong>isseurs</strong> <strong>institutionnels</strong> nationaux et lajudiciarisation systématique <strong>des</strong> cont<strong>est</strong>ations par les actionnaires minoritaires ont conduit, en France aussi,au développement d’<strong>un</strong> activisme actionnarial. » (Girard, 2001)3. Caractéristiques de l’activisme <strong>des</strong> <strong>inv<strong>est</strong>isseurs</strong> <strong>institutionnels</strong>L’activisme met en jeu <strong>un</strong> actionnaire qui s’adresse à <strong>un</strong>e firme sur <strong>un</strong> sujet particulier. Le typed’actionnaire, de firme, de moyen d’expression et le sujet du conflit sont autant d’éléments qui caractérisentl’activisme. Ce paragraphe expose les dimensions de l’activisme institutionnel.Présentation <strong>des</strong> <strong>inv<strong>est</strong>isseurs</strong> actifsLa première interrogation concerne l’identité <strong>des</strong> <strong>inv<strong>est</strong>isseurs</strong> activistes. Nous allons essayer de présenterqui sont les <strong>inv<strong>est</strong>isseurs</strong> impliqués dans <strong>des</strong> démarches activistes.En France, les actionnaires actifs sont :- d’<strong>un</strong>e part, les blocs de contrôle tels que les fonds de pensions américains.


- d’autre part, les actionnaires individuels. Cependant, les actionnaires minoritaires, dans l’ensemble,ut<strong>il</strong>isent les associations d’actionnaires pour avoir <strong>un</strong>e action collective et bénéficier <strong>des</strong> conse<strong>il</strong>s deprofessionnels.Les OPCVM français mènent <strong>un</strong>e politique d’actionnaires passifs (30% votent aux assemblées, mais 95%de ceux qui votent avaient adressé leur pouvoir en blanc au président de la société) (Girard, 2001)« Les fonds de pension (particulièrement les publics) ne font pas d’affaires avec les dirigeants d’entreprises,si bien qu’<strong>il</strong>s ne sont pas directement concernés par le fait que ceux ci apprécient ou non leurs votes lors<strong>des</strong> assemblées générales. » (Black, 1990). Cela vient expliquer le rôle particulier joué par les fonds depension dans l’activisme.Aux Etats Unis, Wahal (1996) considèrent les 9 fonds de pension suivants comme les plus activistes :CalPERS (California Public Employee Retirement System), CalSTRS (California State Teachers RS),Colpera (Colorado Public Employee RS), NYC (New York City retirement System), PSERS (PennsylvaniaPublic School Employee RS), SWIB (State of Wisconsin Inv<strong>est</strong>ment board), TIAA-CREF (TeachersInsurance and Annuity Association : College Retirement Equities F<strong>un</strong>d), FSBA (Florida State Board ofAdministration), NYSCR (New York State Common RS).Tous sont <strong>des</strong> fonds de pension publics, sauf TIIA CREF.Caractéristiques <strong>des</strong> entreprises cibléesAprès avoir vu qui sont les activistes, nous allons chercher à identifier les cibles. La littératureempirique s’<strong>est</strong> beaucoup intéressée à la détermination <strong>des</strong> caractéristiques comm<strong>un</strong>es <strong>des</strong>cibles.Ainsi, les auteurs s’accordent pour dire que la probab<strong>il</strong>ité d’être la cible d’<strong>un</strong>e opération activiste <strong>est</strong>positivement liée au pourcentage de participation et au nombre d’<strong>inv<strong>est</strong>isseurs</strong> <strong>institutionnels</strong>, à la ta<strong>il</strong>le de lafirme et négativement liée à la performance passée (Del Guercio, Hawkins, 1999; Karpoff, Malat<strong>est</strong>a etWalkling, 1996 ; Smith, 1996 ; Carleton et al., 1998 ; Opler et Sokobin, 1995).De plus, CalPERS prend aussi en compte le niveau de capital possédé en interne (par les dirigeants et lessalariés), puisque cela rend plus diffic<strong>il</strong>e la mise en place <strong>des</strong> propositions. (Smith, 1996).Enfin, les fonds de pension, tels que TIAA-CREF et CalPERS, sélectionnent plus volontiers les entreprisesdans lesquelles <strong>il</strong>s ont <strong>un</strong>e large participation. (Smith, 1996 ; Carleton et al., 1998).Instruments de l’activisme institutionnelMaintenant que nous avons situé les acteurs de l’activisme, intéressons nous aux out<strong>il</strong>s ut<strong>il</strong>isés.


Les <strong>inv<strong>est</strong>isseurs</strong> ont deux alternatives lorsqu’<strong>il</strong>s sont mécontents de l’entreprise dont <strong>il</strong>s sont actionnaires :soit <strong>il</strong>s vendent les titres (exit), soit <strong>il</strong>s essayent de faire modifier la politique de l’entreprise grâce au pouvoirqui leur <strong>est</strong> conféré par les droits de vote (voice). (Hirschman, 1970). Cette deuxième solution constituel’activisme.Le signal envoyé par les activistes peut prendre plusieurs formes :- poursuite en justice- vote contre- ciblage formel <strong>des</strong> firmesC’<strong>est</strong> ce dernier moyen qui <strong>est</strong> le plus ut<strong>il</strong>isé aux Etats Unis. Wahal (1996) distingue deux grands types deciblage. Le ciblage par proxy et le ciblage pour performance. Le premier suppose la présentation d’<strong>un</strong>eproposition (proxy proposals) lors de l’assemblée générale <strong>des</strong> actionnaires, le second se caractérise parl’expression publique du mécontentement du fond quant à la performance de l’entreprise.Le premier type de ciblage se décline en plusieurs étapes (Wahal, 1996):- L’entreprise <strong>est</strong> sélectionnée selon <strong>des</strong> critères propres à chaque activiste.- Le fond propose <strong>un</strong>e résolution à la firme ciblée, afin de l’inclure dans le rapport envoyé auxactionnaires- Le fond cherche ensuite à rentrer en contact avec la firme ciblée (lettre, téléphone). Cette étape peutêtre confidentielle ou non. Tous les fonds ne comm<strong>un</strong>iquent pas autour de leur action activiste, Calpersfait de la publicité, alors que TIAA CREF laisse ses négociations confidentielles. La publicité permet defaire réagir les entreprises ayant <strong>des</strong> caractéristiques sim<strong>il</strong>aires à la cible, mais n’ayant pas été ciblées.(Del Guercio et Hawkins, 1999)- Selon, les résultats de la négociation, le fond soumet ou non la proposition (shareholder proposals) àl’assemblée <strong>des</strong> actionnaires. Cette proposition a <strong>un</strong> caractère non obligatoire : même si la proposition<strong>est</strong> acceptée par les actionnaires, les dirigeants ne sont pas obligés de l’appliquer.Le second type de ciblage qui touche les entreprises sous performantes ne suit pas le même processuspuisqu’<strong>il</strong> ne peut exister de vote sur <strong>des</strong> qu<strong>est</strong>ions de performance. Ce type d’activisme passe par lapublication <strong>des</strong> noms de sociétés listées pour leur sous performance. Le CII (Co<strong>un</strong>c<strong>il</strong> of InstitutionalInv<strong>est</strong>ors) publie ainsi chaque année <strong>un</strong>e liste d’entreprises, Calpers a aussi pratiqué ce genre d’activismepar le biais de ses lemons lists.


En France, l’activisme r<strong>est</strong>e peu développé du fait de participations <strong>des</strong> <strong>inv<strong>est</strong>isseurs</strong> <strong>institutionnels</strong> plusfaibles et donc plus liqui<strong>des</strong>. Cependant, les out<strong>il</strong>s ut<strong>il</strong>isés r<strong>est</strong>ent les mêmes à quelques caractéristiquesprès : la médiatisation <strong>est</strong> plus poussée, les actionnaires n’hésitent pas à s’adresser aux autorités de marchéou à l’état, et à mener <strong>des</strong> actions en justice. (Girard, 2001)Thèmes <strong>des</strong> propositions activistesLe panel de sujets abordés dans les propositions activistes <strong>est</strong> large. La littérature met en avant quatregrands thèmes (Karpoff et al.,1996 ; Del Guercio et Hawkins, 1999 ; Wahal, 1996).- la performance- l’annulation <strong>des</strong> mesures anti-OPA- les qu<strong>est</strong>ions concernant le conse<strong>il</strong> d’administration et la gouvernance d’entreprise- les qu<strong>est</strong>ions de vote (la principale étant l’instauration de votes confidentiels 2 ). Cette catégorie étantincluse par certains auteurs dans la précédente.Ces quatre catégories sont celles étudiées dans la plupart <strong>des</strong> étu<strong>des</strong> et nous les regrouperons sous le nomd’activisme institutionnel classique.On rajoutera <strong>un</strong>e catégorie à cette classification pour prendre en compte les nouvelles préoccupationséthiques <strong>des</strong> <strong>institutionnels</strong> (Caby, 2002). Nous allons étudier plus particulièrement cette dernière catégorie,peu traitée par la littérature, mais dont la pratique se développe.L’activisme éthiqueLes lac<strong>un</strong>es de la littérature ayant trait à l’activisme éthique, nous obligent à nous éloigner de l’activisme purpour situer le concept d’éthique par rapport à la g<strong>est</strong>ion et ainsi donner <strong>un</strong>e définition du phénomène.Les derniers scandales financiers tels que ceux qui ont touché Enron ou WorldCom ont fortement accru lademande de responsab<strong>il</strong>ité, de transparence et de confiance. De plus en plus d’<strong>inv<strong>est</strong>isseurs</strong> <strong>institutionnels</strong>commencent à intégrer aux cotés d’objectifs purement financiers, <strong>des</strong> critères alternatifs éthiques. Ceci <strong>est</strong>souvent le fruit de la conviction que le respect de certaines valeurs morales se traduira, à terme, par <strong>un</strong>eefficacité supérieure <strong>des</strong> entreprises et de la société en général.Cette préoccupation éthique <strong>des</strong> <strong>inv<strong>est</strong>isseurs</strong> existe depuis longtemps pour les associations ou lesconfédérations religieuses, mais elle <strong>est</strong> récente pour les <strong>institutionnels</strong>. Elle s’exprime principalement par2 Ut<strong>il</strong>isation de bulletins de vote confidentiels pour les votes <strong>des</strong> actionnaires. Cela permet de ne pas influencer le vote<strong>des</strong> actionnaires qui voudraient voter contre la direction, mais qui seraient en relation avec elle.


l’inv<strong>est</strong>issement dit éthique, ou par la création de fonds solidaires qui reversent <strong>un</strong>e partie de leurs bénéficesà <strong>des</strong> causes humanitaires ou caritatives. L’activisme <strong>est</strong> aussi devenu <strong>un</strong> out<strong>il</strong> pour influencer la mise enplace de politiques éthiques au sein <strong>des</strong> entreprises. Ainsi, la mob<strong>il</strong>isation contre l’apartheid en Afrique duSud a été la grande cause qui a poussé les <strong>inv<strong>est</strong>isseurs</strong> vers l’activisme éthique. (Caby, 2002)Définition de l’éthique :Pour définir plus précisément ce qu’<strong>est</strong> l’activisme éthique, <strong>il</strong> faut bien entendu comprendre ce que signifiele terme éthique. La chose n’<strong>est</strong> pas aisée et nécessite quelques développements 3 .Le petit dictionnaire d’éthique note « l’éthique ph<strong>il</strong>osophique, conduite par l’idée d’<strong>un</strong>e vie humaine riche <strong>des</strong>ens, cherche méthodiquement, et sans référence ultime à <strong>des</strong> autorités politiques ou religieuses ou à <strong>des</strong>traditions vénérables ou éprouvées, à énoncer <strong>des</strong> propositions <strong>un</strong>iversellement valables sur l’action bonne etjuste.»Notre société aurait connu durant ces dernières décennies de profon<strong>des</strong> mutations, caractérisées par <strong>un</strong>changement assez net sur le plan <strong>des</strong> systèmes de valeurs. Les hommes étaient autrefois guidés par lamorale, qui énonçait <strong>des</strong> règles de vie à la lumière de principes imposés par <strong>un</strong>e conception religieuse ouph<strong>il</strong>osophique. De nos jours, la société occidentale, ayant perdu ses repères religieux, se repose sur l'éthiquepour maintenir <strong>un</strong> certain équ<strong>il</strong>ibre. Il s'agit d'<strong>un</strong>e valeur de base que les conduites humaines devrontrespecter pour permettre à tous de vivre dignement en société. Définir cette valeur de base <strong>est</strong> complexe etdépend souvent de chac<strong>un</strong>. C’<strong>est</strong> pourquoi <strong>il</strong> n’existe pas <strong>un</strong>e éthique <strong>un</strong>iverselle, mais <strong>des</strong> éthiques.Le principe d’action bonne et juste s’applique bien évidemment aux comportements <strong>des</strong> entreprises. Crozier(1994) parle alors de nouvelles logiques du management.La complexité de ces notions explique le grand nombre de courants d’analyse de l’éthique en g<strong>est</strong>ion. Lacompréhension de ces différentes approches, de leurs particularités et de leurs sim<strong>il</strong>itu<strong>des</strong> <strong>est</strong> délicate. Cesconcepts se sont souvent développés parallèlement et s’entrecroisent régulièrement. Ainsi, on peut citerl’école allemande, la Business Ethic, la Corporate Social Reponsib<strong>il</strong>ity, le Développement Durable, laThéorie <strong>des</strong> Stakeholders, la Citoyenneté d’Entreprise, la Performance Sociale…Nous allons développer deux courants particulièrement repris par les entreprises et les chercheurs : laCorporate Social Reponsib<strong>il</strong>ity et le Développement Durable.3 Le concept d’éthique mérite <strong>des</strong> développements plus précis que ceux apportés ici. Pour plus de déta<strong>il</strong>, voir parexemple : Bergmann A. (1997), « Ethique et G<strong>est</strong>ion », Encyclopédie de G<strong>est</strong>ion, sous la direction de Y. Simon et P.Joffre, 2éme édition


Ces deux courants insistent sur la nécessité, pour l’entreprise, de protéger l’environnement et de respecterles hommes, tout en poursuivant ses objectifs classiques de rentab<strong>il</strong>ité.Caroll (1999) formalise la notion de responsab<strong>il</strong>ité sociétale (corporate social responsib<strong>il</strong>ity) endifférenciant quatre responsab<strong>il</strong>ités :- La responsab<strong>il</strong>ité économique qui recouvre les rôles classiques de l'entreprise capitaliste, c'<strong>est</strong> àdire la capacité à produire <strong>des</strong> biens et services dans <strong>des</strong> conditions de profitab<strong>il</strong>ité.- La responsab<strong>il</strong>ité légale qui correspond à la nécessité pour l'entreprise d'obéir et de se soumettreaux lois en vigueur dans la société.- La responsab<strong>il</strong>ité éthique correspond à <strong>des</strong> comportements et <strong>des</strong> normes éthiques que lesmembres de la société s'attendent à voir assumer par les entreprises, bien qu'<strong>il</strong>s ne soient pascodifiés par les lois (ex: normes sociales)- Et la responsab<strong>il</strong>ité discrétionnaire (ou ph<strong>il</strong>anthropique) qui correspond à <strong>des</strong> actions volontaristesprises par l’entreprise, et qui ne sont pas explicitement souhaitées par la société (mécénat, donspropres à <strong>un</strong>e cause…), ce qui différencie cette dimension de la dimension précédente. Carrollcompare alors cette dimension à la citoyenneté d’entreprise.Le concept de Développement Durable (Sustainable Development) fut développé lors du sommet <strong>des</strong>Nations Unis "Planète Terre", à Rio en 1992. Une entreprise durable associe la rentab<strong>il</strong>ité économique aurespect de l’environnement et de l’équité sociale. Pour cela, elle réalise désormais <strong>un</strong> triple b<strong>il</strong>an (triplebottom line) de son activité d’<strong>un</strong> point de vue économique, social et environnemental.L’éthique vue par les actionnaires activistesLa vision qu’a l’actionnaire activiste de l’éthique, n’<strong>est</strong> pas développée dans la littérature scientifique.Cependant, certains grands thèmes récurrents dans les actions activistes permettent de la comprendre. Ellereprend très fortement les courants de développement durable et d’entreprise sociétalement responsable.Ainsi, <strong>un</strong>e consultation <strong>des</strong> actions activistes du CII 4 (qui rassemble environ 250 <strong>inv<strong>est</strong>isseurs</strong><strong>institutionnels</strong>), permet de présenter <strong>un</strong>e vision de leurs souhaits éthiques, certainement représentativepuisque basée sur l’action et non pas sur le discours. Ainsi, on trouve parmi les 327 propositions faites par leCII pendant l’année 2001, 110 deman<strong>des</strong> ayant <strong>un</strong> caractère éthique. Elles peuvent se classer en troiscatégories.4 www.cii.org : Co<strong>un</strong>c<strong>il</strong> of Institutional Inv<strong>est</strong>ors qui publie chaque année la liste <strong>des</strong> proxy propositions faites par sesmembres, aux entreprises


- Il y a tout d’abord les valeurs « non éthiques », qui ont <strong>un</strong>e activité contraire à <strong>un</strong>e certaine vision de lamorale : tabac, alcool, armes, énergie nucléaire, jeux ou pornographie qui représentent 19 propositions.- Puis, l’adhésion au concept de développement durable qui, à travers les qu<strong>est</strong>ions d’environnement, deconditions de trava<strong>il</strong>, et d’autres problématiques sociales représentent 60 propositions.- Et enfin, les causes diverses tels que le respect <strong>des</strong> droits de l’homme, la santé publique, l’aide aux paysen développement ou la résolution de conflits dans le monde représentent 31 propositions.Définition de l’activisme éthique :Maintenant explicitée la notion d’éthique, et après avoir tenter de formaliser l’éthique <strong>des</strong> activistes, nousdéfinirons l’activisme éthique <strong>des</strong> <strong>inv<strong>est</strong>isseurs</strong> comme l’action exercée par <strong>un</strong> actionnaire pour tenterde modifier les caractéristiques d’<strong>un</strong>e firme qui sont contraires à l’éthique de l’actionnaire.Conclusion :Cette première partie s’<strong>est</strong> attachée à la <strong>des</strong>cription et à l’explication du phénomène d’activismeinstitutionnel. Nous avons aussi insisté sur l’émergence d’<strong>un</strong> nouveau type d’activisme institutionnel :l’activisme éthique.Ces informations nous montrent l’existence d’<strong>un</strong> nouvel out<strong>il</strong> de gouvernance ou de contrôle de la g<strong>est</strong>ion<strong>des</strong> entreprises. Cependant, <strong>il</strong> nous faut désormais étudier l’efficacité de cet out<strong>il</strong>, car si on parle beaucoupd’activisme, on ne connaît que peu ses effets.II. Effets de l’activismeNous allons étudier l’efficacité de l’activisme de trois façons. Nous verrons tout d’abord, l’effet de laprésence d’<strong>inv<strong>est</strong>isseurs</strong> <strong>institutionnels</strong> dans le capital, puis les effets directs de l’activisme et en dernièrepartie nous verrons les quelques éléments de littérature nous renseignant sur l’efficacité possible del’activisme éthique.1. Effets de la présence d’<strong>inv<strong>est</strong>isseurs</strong> <strong>institutionnels</strong> dans le capitalUne première catégorie d’étu<strong>des</strong> a cherché à connaître l’influence de la présence d’<strong>inv<strong>est</strong>isseurs</strong><strong>institutionnels</strong> sur différentes variables.En Europe, Thomsen et Pedersen (2000) ont montré l’influence de l’identité du principal actionnaire sur lapolitique et la performance de l’entreprise. Ils montrent que l’identité de l’actionnaire principal <strong>est</strong> <strong>un</strong>evariable aussi importante que la structure de l’actionnariat. L’identité de l’actionnaire va influencer les


objectifs de l’entreprise et la façon dont <strong>il</strong> exerce le pouvoir. Ainsi, chaque type d’actionnaire principal a <strong>des</strong>objectifs différents : les <strong>inv<strong>est</strong>isseurs</strong> <strong>institutionnels</strong> ont <strong>un</strong>e forte préférence pour la maximisation de lavaleur boursière, l’actionnariat fam<strong>il</strong>ial <strong>est</strong> intéressé par la longue vie de l’entreprise, l’Etat a <strong>des</strong>considérations sociales (trava<strong>il</strong> et sécurité sociale) et les entreprises veulent développer <strong>des</strong> échangescommerciaux et la croissance.Wright et al (1996) ont montré que la prise de risque de l’entreprise était plus élevée en présenced’<strong>inv<strong>est</strong>isseurs</strong> <strong>institutionnels</strong> dans le capital.Enfin, <strong>il</strong> <strong>est</strong> intéressant de noter l’étude de Baudru et Lavigne (2001) qui notent qu’en France l’activismer<strong>est</strong>e faible, mais que l’influence <strong>des</strong> <strong>inv<strong>est</strong>isseurs</strong> <strong>institutionnels</strong> sur le comportement <strong>des</strong> entreprisesfrançaises <strong>est</strong> indéniable et passe plus par <strong>un</strong>e « évaluation globale du marché » que par la pression réaliséepar <strong>un</strong> inv<strong>est</strong>isseur institutionnel en particulier. L’influence <strong>des</strong> fonds semble, selon eux, passer par <strong>des</strong>mécanismes différents : aux Etats Unis, l’influence <strong>est</strong> directe, en France, elle semble parfois être indirecteet venir de l’ensemble du marché financier.Ainsi, la présence d’<strong>inv<strong>est</strong>isseurs</strong> <strong>institutionnels</strong> influe réellement la politique <strong>des</strong> entreprises. Pour cela, <strong>il</strong> <strong>est</strong>intéressant de s’intéresser plus précisément à leur mode priv<strong>il</strong>égié d’influence : l’activisme.2. Effets de l’activisme classiqueIl existe plusieurs moyens de mesurer les effets de l’activisme :- Est-ce que l’activisme permet <strong>des</strong> changements dans l’entreprise et donc <strong>est</strong>-ce que les propositionsvoulues par les <strong>inv<strong>est</strong>isseurs</strong> <strong>institutionnels</strong> sont mises en place?- Est-ce que l’activisme augmente la richesse de l’actionnaire ?- Est-ce que l’activisme augmente la rentab<strong>il</strong>ité de l’entreprise ?Effets de l’activisme sur l’entrepriseSmith (1996) montre que l’activisme permet <strong>des</strong> changements de structure de gouvernance et quedans les dernières années de son étude, 72% <strong>des</strong> firmes ciblées entreprenaient les changementsdemandés. De même, TIAA-CREF arrive dans 98% <strong>des</strong> cas à <strong>un</strong> accord (Carleton et al.,1998).Pour Del Guercio et Hawkins (1999), les propositions <strong>des</strong> fonds sont suivies de changement(r<strong>est</strong>ructuration, vente d’actif) et viennent aider d’autres mécanismes de gouvernance. Dans leurétude, CalPERS <strong>est</strong> le fond qui obtient le plus de changements.Ainsi, <strong>il</strong> apparaît que l’activisme permet d’opérer <strong>des</strong> changements dans les structures et dans lespolitiques <strong>des</strong> entreprises dans la plupart <strong>des</strong> cas. Ainsi, de ce point de vue, l’activisme seraitefficace.


De plus, <strong>il</strong> <strong>est</strong> intéressant de noter que l’actionnariat interne joue <strong>un</strong> rôle dans cette efficacité. En effet,Carleton et al. (1998) montrent l’impact négatif de l’actionnariat <strong>des</strong> membres de l’entreprise (insiderownership) sur la probab<strong>il</strong>ité d’arriver à <strong>un</strong> arrangement entre le fond activiste et l’entreprise, sans avoir àsoumettre <strong>un</strong>e proposition à l’assemblée annuelle <strong>des</strong> actionnaires.Effets de l’activisme sur la valeur boursièreLa littérature sur les effets de l’activisme sur la richesse <strong>des</strong> actionnaires <strong>est</strong> très hétérogène. Les différentsauteurs ne parviennent pas à s’accorder sur le sens et les déterminants <strong>des</strong> effets de l’activisme.Par exemple, Opler et Sokobin (1995) étudient les entreprises sous performantes listées par le CII et l’effetde cette nomination sur leur cours boursier. Ainsi, <strong>il</strong>s observent que leur valeur boursière augmente suite à laparution de la liste. Ils mettent donc en avant les effets positifs d’<strong>un</strong>e action concertée.Smith (1996) trouve quant à lui <strong>un</strong> impact positif sur la valeur boursière si les mesures demandées parCalPERS sont adoptées par les dirigeants. Si au contraire ces derniers résistent aux deman<strong>des</strong> du fond depension, l’impact devient négatif.Wahal (1996) étudie les actions <strong>des</strong> 9 fonds de pension les plus actifs. Il montre que les firmes ciblées parCalPERS sont les seules à voir leur cours boursier augmenter suite aux propositions. Il ne trouve auc<strong>un</strong>rendement anormal pour les actions visant les mesures anti-OPA ou touchant le gouvernement d’entreprise,même quand ces propositions ont été mises en place par les dirigeants. Par contre, les non-proxypropositions concernant la performance produisent <strong>des</strong> rendements anormaux positifs.Karpoff et al.(1996) montrent que l’activisme n’augmente pas la valeur boursière <strong>des</strong> firmes.Carleton et al. (1998) montrent que les conséquences boursières d’<strong>un</strong>e action activiste de TIAA-CREFdépendent du sujet. Ainsi, les négociations sur la composition <strong>des</strong> conse<strong>il</strong>s d’administration ont <strong>un</strong> effetnégatif sur le cours boursier. Les négociations portant sur l’instauration d’<strong>un</strong> vote confidentiel pour lesactionnaires n’ont auc<strong>un</strong> effet sur la valeur boursière, alors que les propositions cherchant à éliminer lesmesures anti-OPA ont <strong>un</strong> effet positif. Ainsi, les conséquences pour les actionnaires d’<strong>un</strong>e action activiste,dépendraient du sujet abordé.G<strong>il</strong>lan et Starks (2000) différencient les effets de l’activisme selon l’identité de celui qui fait les propositions.Ainsi, les propositions faites par les <strong>inv<strong>est</strong>isseurs</strong> individuels ou les organisations religieuses ne suscitent quepeu de soutien aux assemblées d’actionnaires, par contre elles ont <strong>un</strong> impact positif sur la valeur boursière.


Au contraire, les <strong>inv<strong>est</strong>isseurs</strong> <strong>institutionnels</strong> et les groupes coordonnés bénéficient d’<strong>un</strong> large soutien enassemblée, mais l’impact boursier <strong>est</strong> négatif.Les auteurs soulignent aussi que les effets sont plus ou moins accentués selon les sujets <strong>des</strong> propositionsfaites. Ainsi, <strong>des</strong> propositions telles que l’élimination <strong>des</strong> p<strong>il</strong>ules empoisonnées obtiennent plus de soutien que<strong>des</strong> sujets tels que le salaire <strong>des</strong> CEO ou la participation <strong>des</strong> directeurs.Ainsi, les étu<strong>des</strong> ne parviennent pas à avoir <strong>des</strong> résultats probants, puisque les conclusions varient selonchaque étude. Certains auteurs ont tenté d’expliquer ces divergences.Del Guercio et Hawkins (1999) expliquent l’hétérogénéité <strong>des</strong> résultats de la littérature par le fait que lesmarchés financiers ne réagissent pas de façon sim<strong>il</strong>aire à toutes les actions activistes. Les effets dépendent<strong>des</strong> <strong>inv<strong>est</strong>isseurs</strong> <strong>institutionnels</strong>. En effet, si leur g<strong>est</strong>ion <strong>est</strong> faite en interne ou externe ou selon lepourcentage d’actifs indexés passivement, les effets varieront. Ainsi, CalPERS obtient plus de résultats queSWIB ou CREF sans être plus actif. De plus, les fonds n’ut<strong>il</strong>isent pas tous, les mêmes métho<strong>des</strong> activistes :la confidentialité ou la publicité aura <strong>des</strong> effets différents.De même, Opler et Sokobin montraient aussi les limites <strong>des</strong> autres étu<strong>des</strong> qui n’étudient souvent que lespropositions activistes et pas les négociations en privée, et donc qui ne prennent en compte que lesentreprises les plus récalcitrantes.Ainsi, l’hétérogénéité <strong>des</strong> résultats <strong>des</strong> différentes étu<strong>des</strong> s’expliquerait par le fait qu’<strong>un</strong> grand nombre defacteurs jouent sur le succès de l’activisme : l’identité de l’activiste, son type de g<strong>est</strong>ion, le sujet abordé, l<strong>est</strong>echniques d’activisme et la réaction de l’entreprise à l’action.Il <strong>est</strong> donc diffic<strong>il</strong>e de savoir si les propositions activistes sont bénéfiques pour la richesse <strong>des</strong> <strong>inv<strong>est</strong>isseurs</strong><strong>institutionnels</strong>, d’autant plus que les effets, même lorsqu’<strong>il</strong>s sont positifs, r<strong>est</strong>ent faibles.Nous conclurons donc à <strong>un</strong>e absence d’effet significatif sur la richesse <strong>des</strong> actionnaires d’<strong>un</strong>e actionactiviste.Effets de l’activisme sur les valeurs comptablesLes différentes étu<strong>des</strong> concluent toutes à <strong>un</strong>e absence d’effet de l’activisme sur les différentes valeurscomptables (Smith, 1996 ; Karpoff et al., 1996 ;Wahal, 1996)3. Effets de l’activisme éthiqueAprès avoir présenté l’activisme « classique » <strong>des</strong> <strong>inv<strong>est</strong>isseurs</strong> <strong>institutionnels</strong>, nous allons à présent nousintéresser à leur activisme éthique.


La littérature n’a pas étudié les effets de l’activisme éthique. Ainsi, nous ne pourrons exposer que <strong>des</strong>aspects théoriques et non <strong>des</strong> résultats empiriques comme c’<strong>est</strong> le cas pour les autres sujets d’activisme.La littérature nous fournit quelques éléments pour mieux comprendre les motivations qui poussent lesentreprises à adopter <strong>un</strong> comportement éthique.Une étude récente faite pour le Figaro économie 5 montre que sur <strong>un</strong> échant<strong>il</strong>lon de firmes françaises etétrangères, les motivations à devenir éthique sont réparties de la sorte : 77% adoptent <strong>un</strong> comportementéthique pour <strong>des</strong> raisons internes et externes, 16% pour <strong>des</strong> raisons seulement internes et 2% pour <strong>des</strong>raisons seulement externes. La pression <strong>des</strong> marchés semble jouer <strong>un</strong> rôle important.5 Figaro Economie du 18 juin 2002, « La vague éthique bouleverse la vie <strong>des</strong> entreprises »


Motivations de la réflexion éthiqueInternesExternesConviction du dirigeant 73% Pression <strong>des</strong> marchés 45%Diversification <strong>des</strong> activités 30% Atout concurrentiel 27%Nouveaux membres dans le CA 7% Agence de rating 13%D. P. Baron (2000) liste trois raisons pouvant motiver <strong>un</strong>e entreprise à adopter <strong>des</strong> politiquesd'entreprise socialement responsable :- par altruisme- par profit- pour se défendre d’<strong>un</strong>e pression externe venue de groupes activistes (consommateurs ou <strong>inv<strong>est</strong>isseurs</strong>)Ainsi, la pression <strong>des</strong> marchés et l’activisme peuvent pousser <strong>un</strong>e entreprise à être plus éthique. Lalittérature semble pronostiquer <strong>des</strong> effets favorables de l’activisme.Afin de compléter ces éléments <strong>un</strong> peu faibles de la littérature, nous allons procéder à <strong>un</strong> historiquede l'activisme éthique <strong>des</strong> <strong>inv<strong>est</strong>isseurs</strong>. Puis, nous présenterons quelques résultats empiriquessur les effets de l’activisme <strong>des</strong> <strong>inv<strong>est</strong>isseurs</strong> éthiques, fournies par <strong>des</strong> associations d’activistes.Ces données sont bien évidemment à prendre avec soin, mais nous permettent faute d’étu<strong>des</strong>scientifiques, d’obtenir quelques informations.Historique de l’activisme éthiqueAux Etats Unis, l’inv<strong>est</strong>issement éthique existe depuis les années 1920. Les Quakers créèrent en 1923, lepremier fond éthique. La politique n’était alors pas très activiste, <strong>il</strong> s’agissait juste d’exclure du choix <strong>des</strong>inv<strong>est</strong>issements, certaines entreprises ayant <strong>des</strong> activités amorales (« sin stocks »). 6L’activisme éthique commence plus tard, dans les années 1960. Divers groupes d’intérêts, mais aussi <strong>des</strong><strong>inv<strong>est</strong>isseurs</strong> <strong>institutionnels</strong> mettent l’accent sur la responsab<strong>il</strong>ité sociétale <strong>des</strong> entreprises en abordant <strong>des</strong>qu<strong>est</strong>ions sur l’environnement, sur la protection <strong>des</strong> consommateurs, les droits fondamentaux et le bien-être6 Pour plus d’information sur l’historique de l’inv<strong>est</strong>issement socialement responsable et <strong>des</strong> fonds éthiques, voirPlihon D. et Ponssard J.P. (2002) « Les fonds éthiques », dans La montée en puissance <strong>des</strong> fonds d’inv<strong>est</strong>issement,quels enjeux pour les entreprises, La documentation Française, n° 5146


public. Par exemple, en 1966, Kodak, sous la pression du groupe activiste FIGHT, <strong>est</strong> obligé de revoir sapolitique d’emploi <strong>des</strong> noirs, Général Motors devient la cible d’<strong>un</strong>e campagne anti-pollution, et <strong>des</strong>actionnaires s’attaquent à Honeywell pour tenter de stopper la fabrication de certains armements.La cause activiste prend de l’ampleur dans les années 1970 quand se forme <strong>un</strong>e coalition d’<strong>inv<strong>est</strong>isseurs</strong><strong>institutionnels</strong> de différentes religions (the Interfaith Center on Corporate Responsib<strong>il</strong>ity) qui ut<strong>il</strong>isentl’activisme pour tenter de mettre en place <strong>un</strong>e responsab<strong>il</strong>ité sociale dans les entreprises.En 1989, suite au désastre de l’Exxon Valdez 7 , <strong>des</strong> <strong>inv<strong>est</strong>isseurs</strong> et <strong>des</strong> écologistes se regroupent pourformer la « Coalition for Environmentally Responsible Economies » (CERES). Cette alliance ut<strong>il</strong>ise lepouvoir de l’actionnariat pour persuader certaines entreprises d’adopter <strong>un</strong> ensemble de principesécologiques.Aujourd’hui, plus de 300 résolutions éthiques sont présentées chaque année devant lesassemblées d’actionnaires et de grands fonds de pensions y participent désormais (comme TIAA-CREF, CalPERS, les fonds de pension de la v<strong>il</strong>le et de l’état de New York et les fonds de pension<strong>des</strong> états du Wisconsin et du Minnesota).Les fonds éthiquesQuel <strong>est</strong> le rôle <strong>des</strong> fonds éthiques dans l’activisme? Il <strong>est</strong> à noter que la plupart <strong>des</strong> fonds éthiques r<strong>est</strong>enttrès passifs dans leur g<strong>est</strong>ion. Ils soumettent leurs opinions aux dirigeants, mais n’exigent rien. Lewis etMackenzie (2000) différencient selon les fonds éthiques, deux types d’activisme. Les premiers agissent defaçon « soft » : la politique du fond les empêchant d’inv<strong>est</strong>ir dans <strong>des</strong> entreprises faibles socialement, <strong>il</strong>s nepeuvent que pousser les entreprises éthiques à poursuivre leurs engagements. Les seconds agissent defaçon « hard », c’<strong>est</strong> à dire qu’<strong>il</strong>s inv<strong>est</strong>issent dans <strong>des</strong> entreprises à la performance sociale faible, afin detenter de les réformer.Quelques résultats pour l'activisme éthique <strong>des</strong> <strong>inv<strong>est</strong>isseurs</strong>Les propositions éthiques remportent de plus en plus d’adhésion lors <strong>des</strong> assemblées générales. Dans lesannées 1970, si elles remportaient 3% <strong>des</strong> votes, c’était <strong>un</strong> succès, aujourd’hui, elles sont votées avec 10%à 25% d’approbation. Or, quand <strong>un</strong>e résolution reçoit <strong>un</strong> nombre significatif de voies de soutien (au moins10%), les entreprises sentent la nécessité d’entamer <strong>un</strong> dialogue, qui souvent mène à l’action.7 Pétrolier ayant coulé au large de l’Alaska en 1989. Plus gros naufrage de l’histoire <strong>des</strong> Etats Unis.


Or pour l’année 2002, les scores sont records : 23 résolutions sociales ont déjà reçu plus de 10% de soutienet 13 plus de 20% (selon Shareholder Action Network 8 ). Sur 712 propositions faites aux entreprises pour2002, 261 traitaient de problèmes sociaux.De plus, <strong>un</strong> grand nombre de résolutions sont mises en œuvre sans avoir eu besoin d’être votées (entre <strong>un</strong>quart et <strong>un</strong> tiers <strong>des</strong> résolutions ) (Smith (1992))Le manque de soutien aux assemblées à amener <strong>un</strong> certain nombre de critiques sur le fait que le pouvoir<strong>des</strong> actionnaires ne pouvait pas influencer le comportement social <strong>des</strong> entreprises. De plus, l’effet final del’activisme <strong>des</strong> actionnaires <strong>est</strong> très diffic<strong>il</strong>e à déterminer, puisque les compagnies peuvent entamer <strong>des</strong>changements suite aux propositions <strong>des</strong> actionnaires, sans avouer publiquement le rôle de la pressionactiviste dans leur décision.Pourtant, l’activisme <strong>des</strong> actionnaires a permis, selon le Shareholder Action Network, d’aider <strong>un</strong> grandnombre de causes, par exemple :- A mettre fin à l’apartheid en Afrique du Sud en se retirant massivement <strong>des</strong> entreprises appuyant lerégime- A obliger <strong>des</strong> entreprises comme General Motors, Ford ou S<strong>un</strong> Company à signer les principes CERES- A convaincre au moins 100 entreprises de diversifier la composition de leur conse<strong>il</strong> d’administration etde leurs employés- A forcer <strong>des</strong> multinationales comme Nike, à ut<strong>il</strong>iser <strong>des</strong> contrats de trava<strong>il</strong>, à améliorer les conditions detrava<strong>il</strong> dans les sweatshops 9 et à prendre plus de responsab<strong>il</strong>ités pour le bien-être de leur employésdans la nouvelle économie mondiale.Mais même quand l’activité <strong>des</strong> actionnaires ne produit pas <strong>des</strong> résultats immédiats, l’action concertée <strong>des</strong>actionnaires et <strong>des</strong> autres activistes <strong>est</strong> <strong>un</strong> out<strong>il</strong> important pour le changement social. Les actionnaires encomm<strong>un</strong>iquant leurs valeurs et leurs préoccupations à la compagnie dont <strong>il</strong>s détiennent les titres, exercentleur responsab<strong>il</strong>ité d’actionnaires et incitent les entreprises à devenir plus responsables. Ils aident ainsicertainement les marchés financiers à devenir plus sensibles aux deman<strong>des</strong> sociales.8 Shareholder Action Network <strong>est</strong> <strong>un</strong> projet du Social Inv<strong>est</strong>ment Forum (association américaine regroupant plus de 600professionnels et institutions de la finance). Il sert de centre d’information et d’analyse <strong>des</strong> inv<strong>est</strong>issementssocialement responsables. Il cherche à promouvoir ce type d’inv<strong>est</strong>issement auprès d’autres actionnaires.9 Ateliers de production de gran<strong>des</strong> multinationales, où les employés sont payés au plus bas salaire, pour de longuesheures et dans <strong>des</strong> conditions bafouant les droits de l’homme. Il en existe beaucoup dans les pays en voie dedéveloppement, mais aussi aux Etats Unis.


CONCLUSIONL’activisme, défini comme l’action exercée par <strong>un</strong> actionnaire pour tenter de modifier les caractéristiquesd’<strong>un</strong>e firme, apparaît aujourd’hui comme le moyen principal à la disposition <strong>des</strong> actionnaires minoritairespour influencer le comportement <strong>des</strong> entreprises.Au cours <strong>des</strong> quinze dernières années, les <strong>inv<strong>est</strong>isseurs</strong> <strong>institutionnels</strong> sont devenus les principauxactionnaires activistes et ont permis le développement d’<strong>un</strong> nouveau mode de surve<strong>il</strong>lance <strong>des</strong> entreprises.Cependant, les résultats empiriques sur l’efficacité de cet out<strong>il</strong> ne sont pas aussi probants que ce que laissecroire la littérature théorique. L’activisme qui traite de la performance ou de la gouvernance <strong>des</strong> entreprises<strong>est</strong> surtout efficace pour provoquer <strong>des</strong> changements dans l’entreprise, mais n’impacte ni la rentab<strong>il</strong>ité ni laperformance.Il apparaît donc que l’activisme classique : out<strong>il</strong> « magique » à la disposition <strong>des</strong> <strong>inv<strong>est</strong>isseurs</strong> seraitfinalement peu efficace. Le seul espoir r<strong>est</strong>e donc dans l’efficacité de l’activisme éthique.La littérature présentée dans ce papier permet justement la confrontation très peu exploitée, de deuxcourants de recherche, la recherche sur l’activisme <strong>des</strong> <strong>inv<strong>est</strong>isseurs</strong> <strong>institutionnels</strong> et la recherche surl’éthique <strong>des</strong> entreprises. Une définition de l’activisme éthique a donc pu être donnée, mais la littératureexistante ne nous suffit pas pour juger de son efficacité. Cependant, les résultats positifs (en termed’influence sur les comportements) de l’activisme classique, peuvent laisser <strong>un</strong> espoir quant audéveloppement d’<strong>un</strong> out<strong>il</strong> éthique performant. L’efficacité potentielle de l’activisme éthique, qui ne demandeque <strong>des</strong> changements de comportements, apparaît d’autant plus que la peur de l’activisme <strong>est</strong> <strong>un</strong>e <strong>des</strong>motivations importantes <strong>des</strong> entreprises à devenir éthiques (Baron, 2000 ).Ce papier souffre <strong>des</strong> lac<strong>un</strong>es de la littérature scientifique sur l’activisme en France. Nous connaissons trèsmal l’influence <strong>des</strong> <strong>inv<strong>est</strong>isseurs</strong> <strong>institutionnels</strong> sur les entreprises françaises en matière de gouvernance etd’autant plus sur les décisions prises en matière d’éthique.Ces diverses considérations sur l’état de la littérature concernant l’activisme, nous signalent plusieurs voiesde recherches intéressantes à développer.L’étude <strong>des</strong> effets de l’activisme et particulièrement de l’activisme éthique, en France apparaît comme <strong>un</strong>epriorité. Elle peut passer par <strong>un</strong>e étude de cas sur l’activisme éthique, ou dans <strong>un</strong> premier temps parl’identification <strong>des</strong> éventuels liens existant entre les comportements éthiques <strong>des</strong> entreprises et la présenced’<strong>inv<strong>est</strong>isseurs</strong> <strong>institutionnels</strong> activistes.


L’activisme éthique mérite aussi <strong>un</strong>e étude à <strong>un</strong> niveau international. Cela nous permettrait de confirmer lesprésomptions de la littérature sur le potentiel de l’activisme éthique ou au contraire de montrer quel’activisme, <strong>un</strong>e fois encore, n’<strong>est</strong> pas l’out<strong>il</strong> si performant que le laisse croire les activistes.Ces recherches permettraient de parfaire la connaissance <strong>des</strong> out<strong>il</strong>s capable d’instaurer <strong>un</strong>e éthiqued’entreprise. Elles identifieraient les acteurs les plus à même de modifier les comportements <strong>des</strong> sociétés etde favoriser l’instauration d’<strong>un</strong>e éthique dans notre société.


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Institut d’Administration <strong>des</strong> Entreprises, Clos Guiot, 13540 Puyricard, FranceTel. : 04 42 28 08 08.- Fax : 04 42 28 08 00.

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