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Numéro 34 - Le libraire

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Polar | Thriller | NoirL UCB ARANGERVies d’anges!La curiosité la plus récente à paraître chez Alire cette saison est à n’en pas douter cette Balade des épavistes écrite par LucBaranger. Pouvant se targuer d’un des plus beaux titres parmi les livres parus cette année, ce roman de quelque 300 pages pourraitvaloir à ce Français d’origine une renommée québécoise dans le domaine du polar sale et déglingué.© Marc-André GrenierLuc BarangerPar Pierre BlaisSur la photo de presse, Baranger a une gueule deconducteur de tout-terrain en plein safari; et c’estd’ailleurs la plus belle des qualités de ses personnages: ils ont de la gueule, rejoignant dans l’imaginaireles bouilles de Jean Gabin ou Lino Ventura.Joint au téléphone pour nous en apprendre autantsur lui que sur sa Balade, Luc Baranger, affable etpince-sans-rire, prouve qu’il peut être fort…en gueule.« C’est à l’âge de 14 ou 15 ans, enécoutant du Brel, que j’ai décidé de mettresur papier mes rêves d’enfant, le toutdernier étant de venir finir ma vie auQuébec, où d’ailleurs j’ai déjà été plongeur,dans une auberge à Lac-Beauport ». Voilàcomment l’auteur âgé de 53 ans expliqueson arrivée récente en terre canadienne :« Mon contrat sur un sous-marin dans lePacifique ne menait nulle part et j’avaisune fille de 19 ans qui désirait étudier àl’université. De là-bas (sur l’île volcaniquede Tana, près des îles Fidji), j’envoyaismes manuscrits par la poste à Gallimard,qui a édité deux de mes romans. Mais ilsne m’ont jamais vu la tête ».Puis, Baranger s’est échoué près du montTremblant, se retrouvant un peu parhasard chez Alire, lui qui entendait donnersuite à son roman précédent intituléBackstage (Baleine, 2001), dans lequel onretrouvait plusieurs des personnages deLa Balade des épavistes. <strong>Le</strong>s épavistes, cesont Max et Clovis. <strong>Le</strong> premier, âgé de 72ans (l’auteur admet aimer mettre un vieuxdans tous ses romans), est un survivantdes camps de la mort, un manouchefarouche. <strong>Le</strong> second, Clovis, de vingt ansle cadet de l’autre, est un ex-journaliste demusique rock. Deux âmes esseulées perdues dansune cour à scrap, là où travaillent les épavistes,eux qui récupèrent les épaves sur quatre roues.Après le décès de la compagne de Max, un jeuneBeur qui travaille pour eux est kidnappé et lachienne Éva est blessée par balle. Tout ça pour dela cocaïne cachée dans une voiture envoyée à lacasse. La mission : rembourser la dette, sauver lemôme et s’en sortir vivants avec la complicité dedeux Texanes, Kate et Patty. Autour de cesembrouilles mortelles, Luc Baranger en profitepour tirer sur la mafia de l’Est, les notaires véreuxet les hommes en soutane : « J’avais des comptesà régler avec la ville d’Angers. Mon père, que j’ai àpeine connu, y était inspecteur pour une banque etil avait mis à jour une arnaque montée par l’évêchéqui s’est réglée à l’amiable pour éviter le scandale.<strong>Le</strong> notaire, lui, a un côté balzacien ; les magouillesdes notaires de province, on en a tous connu. »© Louis DesjardinsQuand on lui souligne son talent pour mettre en scèneses personnages davantage que pour tisser l’intrigueelle-même, le romancier rétorque : « C’est le travail,la manière de raconter l’histoire qui compte, plus quel’histoire elle-même. » Et récemment, le travail serésuma à retrancher l’argot français du roman et à luitrouver un titre, fort beau répétons-nous.©Steve BolducLa balade sous influencesBien que La Balade des épavistes soit un roman noiravec de l’humour, un peu dans la veine de ceux de JimThompson, le livre transpire des influences musicalesde Luc Baranger, qui cite allègrement Townes VanZandt et les Rolling Stones. <strong>Le</strong> roman est même dédiéà un bluesman suisse de 43 ans, Hank Shizzoe, pourlequel l’auteur ne tarit pas d’éloges. Et pour ce qui estde l’américanité très marquée de son univers,Baranger souligne que chez lui, tout jeune, ce mytheétait très présent. Il a grandit en lisant les ouvrages deJack London, Ernest Hemingway et, plus récemment,Jim Harrison et Philip Roth. <strong>Le</strong> rapprochement avecle septième art est aussi à faire. <strong>Le</strong>s images de ferrailleurssont fortes, comme si une caméra inspiraitses descriptions : « Je visualise mes scènes en lesécrivant ; je verrais bien mon livre adapté par ClaudeChabrol, mais pour ça… »Ses descriptions ne s’arrêtent pas au « cache-culbuteur »d’une Mazda, mais aussi à la chose. La description du travailinfatigable de Clovis sur le minuscule totem rubescentde la vétérinaire est particulièrement jouissif, du moinspour les personnages, car l’auteur avoue avoir d’énormesproblèmes à écrire ce genre de scène : « Ma femme esttoujours morte de rire en lisant ces lignes. Mais c’est mapremière lectrice, elle détecte toutes les invraisemblancesdu récit ». Et goguenard, il ajoute en anecdote :« Ce qui nous a d’ailleurs valu une brouille avecAlexandre Jardin. On avait lu <strong>Le</strong> Zèbre et on l’avaitinformé d’une invraisemblance dans son roman.Il a répondu en nous envoyant une carte danslaquelle il disait : « J’en ai vendu 400 000 et jevous emmerde! »Luc Baranger, dès qu’il fait référence à unmilieu, à un lieu, semble y être passé. Sa feuillede route est impressionnante : carrossier enSuisse, éducateur spécialisé à Paris (les émeutesne l’ont pas surpris, et il dit ne plus comprendrela France), auteur de chansons pour PaulPersonne, exploitant d’un submersible et tuttiquanti. En fait, si son nouvel ouvrage portait surl’exercice du parapente dans les Andes, il auraitdéjà trouvé le moyen d’en faire l’expérience.D’ici là, son prochain roman, publié en France,racontera l’itinéraire d’un journaliste canadienqui vient finir ses jours dans l’île de La Réunion.Un second projet de livre s’intéresse aux Sioux(avec lesquels il a vécu, décidément!) et à leurparticipation à la guerre de 14-18 : « Ils étaientplus de 6000 à traverser l’Atlantique. Il y amême des restes d’un village sioux à Brest, enFrance», ajoute t-il avec passion.Sinon, un peu misanthrope, seul du matin au soirpour écrire, il poursuit avec fierté la traduction deromans américains, dont ceux de ChristopherMoore chez Calmann-Lévy. Son plus récent livre devraitplaire à ceux qui veulent se faire raconter une histoired’amitié, même si elle semble cruelle : « Je suis toujoursen quête d’un père spirituel, d’une enfance normale. Jeviens d’un milieu où les rapports étaient durs et j’aimedécrire l’atrocité de la vie », conclura Luc Baranger. Telleune bouteille lancée à la mer, sa Balade des épavistes serarepêchée par des lecteurs avides de personnages à gueulequi ont soif de paix avec eux-mêmes!La Balade desépavistesAlire, 303 p., 14,95 $M A I - J U I N 2 0 0 635

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