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Numéro 34 - Le libraire

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<strong>Le</strong> monde du livreGrande noirceurou âge d’or?L’éditorial deStanley PéanDécidément, Gaston Bellemare, président de l’Association nationale des éditeurs de livres (ANEL),sait attirer l’attention. Dommage qu’il le fasse à l’occasion avec la grâce d’un éléphant dans uneboutique de porcelaine.Ainsi, en février dernier, le grand manitou des Écrits des Forges et de l’indispensable Festival internationalde la poésie de Trois-Rivières a fait couler pas mal d’encre avec sa sortie publique sur ledéficit de visibilité de la littérature québécoise sur son propre territoire. Pour mémoire, rappelonsque dans le cadre d’une entrevue accordée au quotidien <strong>Le</strong> Devoir, Gaston Bellemare a rendupubliques les conclusions tirées d’un document publié par l’ANEL, énumérant les nombreusescarences dont souffre le livre québécois. Bellemare déplorait notamment le déficit de visibilité denotre littérature dans les librairies d’ici, constat qui repose sur une enquête maison que l’ANEL amenée auprès de ses membres, leur demandant combien d’exemplaires de chaque nouveau titre lesdistributeurs réclamaient aux éditeurs pour la diffusion en librairie.Il n’a pas tort sur toute la ligne, le président de l’ANEL, et je connais beaucoup d’intervenants dumilieu qui partagent ses préoccupations. Difficile de ne pas lui donner raison, par exemple, alors quesur le plan du rayonnement, le cinéma et la chanson québécoises connaissent un véritable âge d’oret bénéficient sur leur propre territoire d’une audience dont les artisans de la littérature, écrivainscomme éditeurs, ne peuvent encore, sauf exception, que rêver. Comme l’a souvent fait remarquerGaston Bellemare, on verrait mal la France ou les États-Unis se féliciter si leur littérature nationalen’occupait grosso modo que 30 % de leur marché respectif.Déplorer la situation est certes légitime. Mais l’expliquer par des déclarations à l’emporte-pièce etfustiger des acteurs qui n’en sont pas les responsables, c’est faire abstraction de bien des facteurs historiqueset sociaux propres au Québec. Comme l’a maintes fois affirmé le dramaturge Jean-ClaudeGermain, porte-parole de l’admirable campagne annuelle La lecture en cadeau lancée par laFondation québécoise pour l’alphabétisation, nous pouvons collectivement nous enorgueillir durecul prodigieux du taux d’illettrisme recensé chez nous au fil du dernier demi-siècle. Dans ces conditions,ne devrions-nous pas nous réjouir à l’idée qu’à défaut de battre les records de fréquentation,comme c’est le cas pour des formes de productions culturelles plus populaires, la littérature québécoiseait vu son public s’accroître de manière assez constante au fil des trente dernières années?Après tout, y a-t-il un seul pays au monde où le roman et la poésie fassent courir davantage les foulesque le cinéma ou la chanson?Sur un plan plus pragmatique, la sortie du président de l’ANEL de février dernier me semble d’autantplus malvenue que pour pallier le manque de chiffres sur la question, une étude beaucoup plusvaste et rigoureuse a été commandée par la Table de concertation interprofessionnelle du milieu dulivre parrainée par la Société de développement des entreprises culturelles (SODEC), dont GastonBellemare est d’ailleurs membre, aux côtés de représentants des associations de <strong>libraire</strong>s, de distributeurs,de bibliothécaires et d’écrivains. <strong>Le</strong>s résultats de cette enquête sur la mise en marché desnouveautés, avec un intérêt particulier porté à l’édition québécoise, devraient être connus avant l’été(et peut-être le seront-ils même au moment de la sortie de ce numéro du <strong>libraire</strong>). L’empressementde l’ANEL à cracher dans la soupe par anticipation étonne donc, d’autant plus que ce réflexe va àl’encontre de l’esprit de coopération et de convergence des efforts que l’on cherche à créer depuisquelques années avec cette Table de concertation interprofessionnelle.Certes, d’ici la publication désormais urgente de l’étude, la question demeure entière : sur le plan durayonnement à l’intérieur comme à l’extérieur de nos frontières nationales, la littérature québécoisepatauge-t-elle en pleine grande noirceur ou traverse-t-elle son âge d’or? Sans doute la vérité sesitue-t-elle entre ces deux pôles, puisque souvent, comme la raison, elle fuit les extrêmes.Et sans doute aussi la route du progrès, toute jonchée d’embûches qu’elle soit, s’accommode-t-ellemieux d’actions concertées que de frasques intempestives et contre-productives.Rédacteur en chef du journal le <strong>libraire</strong>, président de l’Union des écrivaines et écrivains québécois,animateur à la radio de Radio-Canada, Stanley Péan a publié de nombreux romans et recueils denouvelles. Lorsqu’il n’écrit pas, il casse les oreilles de ses proches en faisant ses gammes à latrompette.M A I - J U I N 2 0 0 63

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