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LE TRAUMATISME CRÂNIEN NON ACCIDENTEL - Université Laval

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<strong>LE</strong> <strong>TRAUMATISME</strong> CRÂNIEN <strong>NON</strong> <strong>ACCIDENTEL</strong>Jean Labbé, MD, FRCPCProfesseur titulaireDépartement de pédiatrieUniversité <strong>Laval</strong>;1. IntroductionPlan1. Introduction2. Importance du phénomène3. Épidémiologie4. Physiopathologie5. Modes de présentation6. Investigation7. Diagnostic8. Aspects médico-légaux9. Controverses10. ConclusionOn réfère encore beaucoup au syndrome du bébé secoué (SBS) pour désigner unensemble de lésions causées par le fait de secouer violemment un jeune enfant. Lemilieu scientifique lui préfère actuellement le terme de traumatisme crânien nonaccidentel. Selon les Centers for Disease Control and Prevention (CDC), le TCNA sedéfinit comme une lésion au crâne ou à son contenu chez un nourrisson ou un jeuneenfant, causée par un impact infligé et/ou des secousses violentes (Parks, 2012).On a décrit pendant des siècles une incidence élevée d’hémorragies intracrânienneschez des bébés décédés, mais leur origine traumatique n’a été identifiée qu’au XX èmesiècle. En 1946, un pédiatre et radiologiste américain, John Caffey, rapportel’association d’hématomes sous-duraux avec des fractures multiples des os longs chez6 nourrissons, mais sans pouvoir en déterminer la cause. En 1971, Norman Guthkelch,un neuro-chirurgien anglais, relie pour la première fois l’hématome sous-dural du jeuneenfant à un traumatisme crânien par rotation. L’année suivante, Caffey lance le terme de« bébé secoué » et en précise les manifestations cliniques, ainsi que les conséquences.Depuis sa description, le traumatisme crânien non accidentel ne cesse d’alimenter descontroverses à tel point que son existence même est mise en doute, même par certainsmédecins (Geddes, 2004). Le texte qui suit est basé sur les connaissances qui fontconsensus actuellement chez les experts en maltraitance.___________________________________________________________________________Dans ce texte, le terme « parent » désigne toute personne responsable des soins d’un enfant.


2. ÉpidémiologieLe TCNA se voit surtout chez les jeunes enfants, la plupart des victimes ayant moins de1 an. Deux études, réalisées au Royaume-Uni, ont rapporté une incidence annuelle de21,0 et 24,6 par 100,000 enfants de moins d’un an (Jayawant, 1998; Barlow, 2000). EnCaroline du nord, le taux d’incidence a été établi à 29,7 (Keenan, 2003). On ne connaîtpas l’incidence précise du problème au Québec, mais, en appliquant ces taux, celareprésente entre 15 et 22 cas par année. Au Canada, en 2006, 51 cas ont été rapportésau Programme canadien de surveillance pédiatrique.Ces chiffres sous-estiment cependant la fréquence réelle du problème, puisque seulsles cas suffisamment graves et investigués adéquatement sont diagnostiqués. Selonune étude québécoise réalisée en 2004, 4,8% des mères d’enfants de moins de 2 ansont avoué avoir secoué leur enfant au moins une fois au cours de l’année précédente.(Institut de la statistique du Québec, 2004)Les agresseurs sont par ordre décroissant, des pères biologiques, des conjoints de lamère, des gardiennes et des mères biologiques. Ils ont habituellement en commun unepatience et une expérience limitées avec les jeunes enfants. Les facteurs de risque lesplus souvent associés au syndrome sont les suivants :Du côté du parent- jeune âge- violence conjugale- manque de soutien- maladie mentale- antécédents de violence dans l’enfance- usage d’alcool et/ou de drogues- faible niveau socio-économiqueDu côté de l’enfant- prématurité- handicap- perçu comme difficileLe geste lui-même survient habituellement suite à la tension et à la frustration généréespar certains comportements du bébé, notamment de l'irritabilité ou des pleurs excessifs.Il peut s'agir d'un manque de contrôle isolé de la part du parent ou bien l'événementpeut s'inscrire dans une suite de gestes violents. Lors de l’investigation d’une victime duTCNA, on retrouve des indications d’abus antérieurs dans 33 à 40% des cas (AmericanAcademy of Pediatrics, 2001).2


3. PhysiopathologieLe TCNA se rencontre surtout chez les jeunes bébés parce qu'ils présentent plusieursfacteurs de vulnérabilité:- disproportion de leur taille avec celle d’un adulte- tête grosse et pesante- muscles cervicaux faibles- cerveau plus mou et immature (moins de myéline et de connectionsdendritiques)- larges espaces sous-arachnoïdiens, avec plus de liquide céphalorachidien- veines pont courtes, à parois minces, entre le cortex et le sinus longitudinalmédianLa plupart du temps, l'enfant est saisi par les membres, les épaules ou le thorax pourêtre secoué violemment. Il peut être projeté ou non sur une surface par la suite. Lesenfants seraient pour la plupart secoués pour une durée de moins de 20 secondes, àraison de 2 à 4 secousses par seconde. Les lésions produites dépendent du degré deviolence des secousses et de leur répétition.Aux endroits où l'enfant est saisi, on peut retrouver des ecchymoses évoquant desmarques de doigts. Les mouvements des extrémités peuvent entraîner des fractures,dont les plus caractéristiques se situent à l'extrémité des métaphyses (fractures en coinou en anse de seau). La compression du thorax peut entraîner des fractures de côtesqui se situent habituellement en postérieur, près de l'articulation costo-vertébrale.S'il y a traumatisme crânien par impact, on peut retrouver des lésions en regard du sited'impact:- ecchymose du cuir chevelu- hématome sous-galéal- fracture du crâne- hématome épidural- hématome sous-dural focal- contusion cérébrale focaleLes secousses violentes entraînent des hémorragies rétiniennes dans 80% des cas.Dans les deux tiers des cas, elles sont spécifiques au syndrome, puisqu’elles multiples(> 10 sites), confluentes, et touchent les trois couches de la rétine. On peut rencontrerd’autres anomalies oculaires comme des hémorragies sous-conjonctivales, deshémorragies dans le vitrée, des rétinoschisis et des décollements de rétine.Lors des secousses, le déplacement du cerveau à l'intérieur de la boîte crânienne peutentraîner des lésions par impact du cerveau sur des structures osseuses (contusionscérébrales).3


Le traumatisme par accélération-décélération peut amener de plus les lésionsintracrâniennes suivantes:- hématomes sous-duraux- hémorragies sous-arachnoïdiennes- hémorragies intraparenchymateuses- lésions axonales à l'interface des substances blanche et grise- lésions de la moelle épinière cervicaleLes hématomes sous-duraux les plus spécifiques au TCNA sont multiples et localisésen postérieur dans la scissure interhémisphérique et à la région sous-tentorielle.En cas d'atteinte cérébrale sévère avec lésions axonales diffuses, l’enfant perdconscience immédiatement et son état évolue le plus souvent, à moins d’uneintervention médicale de soutien, vers un coma de plus en plus profond où il devientapnéique. Il se développe secondairement de l’hypoxie et de l’ischémie au cerveau,auxquels contribuent différents mécanismes, dont une libération d’aminoacidesexcitatoires, comme le glutamate, ainsi que des modifications vasculaires.Il s’ensuit de l’œdème cérébral, ce qui réduit davantage la perfusion au cerveau. Il enrésulte des lésions cérébrales de plus en plus graves, voire irréversibles. L’hypertensionintracrânienne, engendrée par cet œdème cérébral, est la cause la plus fréquente dudécès, en raison d’une herniation au foramen magnum (compression des centrescardio-respiratoires du tronc cérébral) ou par arrêt de la circulation sanguineintracérébrale.4. Modes de présentationLes modes de présentation clinique sont très variables et dépendent de l'importance deslésions survenues lors de l’événement:Symptômes légers- difficulté d'alimentation- vomissements- irritabilité- trouble du sommeilSymptômes modérés- incapacité à sucer ou téter- yeux vitreux, sans convergence- léthargie4


Symptômes sévères- troubles respiratoires, apnée- hypotonie- convulsions- comaEn cas de lésions cérébrales sévères, l'enfant présente des symptômes immédiatementou dans les minutes suivant l'événement. Une détérioration du tableau clinique peutsurvenir plus tardivement, traduisant la survenue de complications, comme l’oedèmecérébral.La non-spécificité des symptômes, dans les cas où la vie de l’enfant n’est pas mise endanger, explique que le tiers des cas sont manqués initialement (Jenny, 1999). Il arrivedonc que le mode de présentation soit une conséquence tardive du TCNA, telle unemacrocranie (hydrocéphalie), une microcéphalie, une épilepsie, ou du retard mental.5. InvestigationHistoireL'objectif de l'histoire médicale est d'obtenir des renseignements pour expliquer l'état del'enfant. Bien que les responsables mentent habituellement sur les circonstances del'événement, l'histoire demeure très importante pour le diagnostic, par ses imprécisions,ses explications insuffisantes, ses contradictions, les changements notables d’unquestionnaire à l’autre. Pour le médecin, il ne s’agit pas d'un interrogatoire visant àidentifier un coupable. Le ton accusatoire et la confrontation sont à éviter.Il est préférable de faire des entrevues séparées des parents et d'utiliser des questionsouvertes, du genre « Qu’est-ce qui est arrivé? ». Leurs attitudes sont à noter aussi bienque les explications obtenues. Si ces explications sont insuffisantes, il faut éviter desuggérer d'autres mécanismes pour les lésions constatées.Les informations importantes à obtenir comprennent la situation socio-familiale, lesantécédents médicaux de l'enfant, son niveau de développement, les détails et lachronologie des événements ayant précédé la symptomatologie. Qui était avec l'enfant?Que s’est-il passé par la suite? Y a-t-il eu un délai de consultation? Y a-t-il des facteursde risque?En cas d’histoire de chute accidentelle, il faut préciser la hauteur de la chute, la surfacede réception et l’état de l’enfant après la chute.5


Examen physiqueUn examen physique complet s'impose, incluant un examen neurologique. Y a-t-il desecchymoses au niveau des membres supérieurs, des épaules et du thorax? Toutelésion significative doit être décrite d'une façon détaillée, et, idéalement, photographiée.Fond d'oeil par un ophtalmologistePrès du tiers des hémorragies rétiniennes sont manqués par des non-ophtalmologistesqui utilisent uniquement une ophtalmoscopie directe (Kimlin, 2000).LaboratoireUne formule sanguine et des tests de coagulation s'imposent dans tous les cas.D'autres examens seront indiqués en fonction de découvertes à l'investigation ou del'état clinique de l'enfant. Ainsi, une ponction lombaire sera effectuée en cas desuspicion d'hémorragie sous-arachnoïdienne (en l'absence d'hypertensionintracrânienne). Une aminoacidurie sera faite en cas d'atrophie fronto-temporale, pouréliminer une acidurie glutarique de type 1.Tomodensitométrie cérébrale (TDM)C’est l’examen de choix pour les traumatismes crâniens aigus, permettant de déterminers’il y a une indication chirurgicale. On peut évaluer à la fois le cerveau, le crâne et lestissus mous, avec une bonne sensibilité pour la plupart des lésions rencontrées dans leTCNA.Résonance magnétique cérébraleCet examen est complémentaire à la TDM et devrait idéalement se faire dans lespremières 48 heures d’hospitalisation. La résonance magnétique est plus sensible pourla détection de petits hématomes sous-duraux et d’hémorragies parenchymateuses.Elle peut parfois identifier des lésions de cisaillement non hémorragiques (lésionsaxonales diffuses) et permettre de retrouver des hématomes et des contusions à larégion médullaire cervicale haute. Elle aide à dater les lésions hémorragiques, en raisondes signaux différents provenant de la dégradation de l’hémoglobine.Bilan squelettique complet (radiographies ciblées)Squelette axialThorax (AP, oblique droit et gauche)Bassin (AP)Colonne lombo-sacrée (latéral)Crâne (AP et latéral)ExtrémitésHumérus (AP)Avant-bras (AP)Mains (PA)Fémurs (AP)Jambes (AP)Pieds (AP)6


Le bilan squelettique peut être refait une dizaine de jours plus tard (au complet oupartiellement selon le cas). Le processus de guérison rend souvent visibles desfractures qui ne l’étaient pas en phase aiguë.Scintigraphie osseuseCet examen n'est pas indiqué d'emblée, mais peut s'avérer utile si le bilan squelettiqueest négatif et qu'il demeure une suspicion élevée de fracture. La scintigraphie est plussensible que la radiographie pour certaines lésions squelettiques: fractures aux côtes, àl'omoplate, à la colonne, au bassin et fractures subtiles (fractures en bois vert, fracturesde stress). Elle peut manquer toutefois des fractures du crâne, des fracturesmétaphysaires et des fractures anciennes.6. DiagnosticLe TCNA se caractérise par une certaine constellation de signes et de symptômessurvenant ensemble. Il n’est pas nécessaire qu’ils soient tous présents pour confirmer lediagnostic. Selon la Société canadienne de pédiatrie (2007) : « Un rétinoschisistraumatique est fortement indicateur de TCNA. En l’absence d’antécédents detraumatisme accidentel grave ou de pathologie médicale explicative, un enfant quiprésente des hémorragies rétiniennes multicouches et un hématome sous-dural estnécessairement présumé avoir subi un traumatisme crânien non accidentel. »Cependant, des hémorragies rétiniennes ne se rencontrent que dans 80% des TCNA.En leur absence, il faut considérer le diagnostic en présence d’un hématome sous-duralinexpliqué, en particulier si l’on en association avec l’un ou l’autre des élémentssuivants :- encéphalopathie anoxique/ischémique- fracture du crâne- fractures de côtes- fractures métaphysaires classiques- marques cutanées caractéristiques d’abusLa présence de facteurs de risque n’a pas de valeur diagnostique en soi. Elle ne faitqu’augmenter le risque de survenue d’abus physique.Il faut s’assurer qu’il n’y a pas d’autres problèmes pouvant expliquer les lésionsretrouvées chez l’enfant, en particulier les hématomes sous-duraux et les hémorragiesrétiniennes.7


Diagnostic différentiel des hématomes sous-duraux- trauma accidentel majeur- complication post-chirurgie- hématome sous-dural foetal- accouchement traumatique- anévrisme rupturé- kyste arachnoïdien- méningite- trouble de la coagulation- acidurie glutarique de type 1- galactosémie- hypernatrémie- élargissement bénin des espaces sous-arachnoïdiensDiagnostic différentiel des hémorragies rétiniennes- naissance- trauma majeur accidentel- troubles de la coagulation- réanimation cardio-pulmonaire- acidurie glutarique de type 1- hypertension artérielle- leucémie- endocardite bactérienne- vasculitesLes fausses explications les plus couramment invoquées par les agresseurs sont lessuivantes :- L’enfant a fait une chute accidentelle de faible hauteur.- L’enfant a été secoué accidentellement ou dans un but de réanimation.- Quelqu’un d’autre l’a secoué.7. PronosticPlusieurs facteurs vont influencer le pronostic. Il sera plus mauvais dans lescirconstances suivantes : jeune âge de la victime, gravité des symptômes lors de laprésentation (Glasgow abaissé, coma prolongé), présence d’un œdème cérébral diffusprécoce se traduisant par une hypodensité diffuse à la tomographie cérébrale initiale.Dans une étude faite au Canada sur 364 victimes du TCNA hospitalisés dans deshôpitaux pédiatriques, le taux de mortalité était de 19%. Chez les survivants, 55%avaient des séquelles neurologiques importantes: retard mental, paralysie cérébrale,8


épilepsie, cécité, surdité, etc (King, 2003). Seulement 22% des victimes n'avaient pasde séquelles apparentes. D'autres études ont indiqué que plusieurs victimes quisemblent s'en tirer sans problème évident au début présentent après quelques annéesdes troubles d'apprentissage et/ou des problèmes de comportement (Bonnier, 1995;Stipanicic, 2008).8. Aspects médico-légauxLa réception d’un signalement pour abus physique grave déclanche automatiquement lamise en place du protocole établi en vertu de l’Entente multisectorielle. En pratique, celasignifie que l’évaluation se fera conjointement par un délégué du DPJ et un policier etqu’un substitut du procureur général sera informé de leurs conclusions.La collaboration médicale est essentielle pour le bon fonctionnement du processussocio-judiciaire. Comme il est rare en effet d’obtenir initialement une confession del’agresseur (preuve directe), la preuve repose souvent sur les données médicales(preuve circonstancielle). La collaboration est de deux types, soit le partage desinformations médicales et leur interprétation.Il est essentiel que toutes les données factuelles soient recueillies et fournies àl’intervenant du DPJ. Ceci comprend les renseignements obtenus à l’histoire, lesobservations faites sur les attitudes parentales, les blessures constatées à l’examenphysique et aux tests d’imagerie ainsi que les résultats des autres tests effectués. Cetravail est habituellement la responsabilité du médecin traitant.Ces données doivent ensuite être interprétées par un consultant expert en protection del’enfance. C’est à lui qu’il revient d’établir la probabilité du diagnostic, d’éliminer lesautres possibilités et de tenter de situer la date de l’événement (bien souvent le seulélément pour identifier l’agresseur).À la chambre de la jeunesse, il suffit d’une prépondérance de preuve pour protégerl’enfant il n’est pas toujours nécessaire de déterminer précisément l’identité del’agresseur. Pour que des accusations soient portées au criminel, il faut non seulementfaire la démonstration qu’un crime a été commis, mais aussi identifier un présumécoupable avec une preuve hors de tout doute raisonnable. Là encore, le médecin expertest souvent mis à contribution.La datation du traumatisme crânien n’est pas toujours facile à établir. Certains élémentssur le plan clinique et au niveau des tests d’imagerie peuvent aider à situer le(s)moment(s) où l’enfant aurait été secoué.- en cas de secouement sévère, l’enfant qui subit des lésions axonales diffusesperd conscience immédiatement et développe rapidement des difficultésrespiratoires.9


- dans d’autres cas, l’enfant peut avoir des manifestations légères au début(irritabilité, difficulté d’alimentation) et ne développer des symptômes plussérieux qu’au bout de quelques heures, en raison de complications (œdèmecérébral, hématome sous-dural expansif).- les convulsions post-traumatiques apparaissent habituellement dans lesheures suivant un trauma, mais peuvent aussi ne survenir qu’après quelquesjours.- la xanthochromie dans le LCR apparaît 6-12 heures après une hémorragiesous-arachnoïdienne.- dans les 3 heures qui suivent un événement sévère, on peut déjà identifier àla TDM des hypodensités du parenchyme cérébral et de l’œdème.- à la TDM, les hématomes sous-duraux aigus sont hyperdenses, deviennentisodenses en phase subaiguë et hypodenses en phase chronique. Toutefois,des collections de densité différentes ne correspondent pas nécessairement àdes hématomes d’âges différents, puisqu’il y a d’autres explications pour unedensité mixte de l’épanchement sous-dural, comme une brisure traumatiquede l’arachnoïde entraînant le passage de liquide céphalo-rachidien dansl’espace sous-dural (Vinchon, 2004).- à la résonance magnétique, la dégradation de l’hémoglobine permet dedécrire l’hématome sous-dural comme aigu (< 1 semaine), sub-aigu (1-3semaines) ou chronique ( > 3 semaines).- Un enfant avec un hématome sous-dural chronique peut présenter unnouveau saignement spontanément ou suite à un trauma mineur, ce qu’il fautdistinguer d’un nouvel épisode de secouement. Dans ces cas, il n’y a pas desymptômes aigus, ni de lésion cérébrale associée, ni d’hémorragiesrétiniennes (Hymel, 2002).- les hémorragies rétiniennes ne peuvent être datées. Les petites hémorragiesen flammèches peuvent disparaître en quelques jours alors que les grosseshémorragies peuvent demeurer des semaines ou des mois.- les tables pour la datation des fractures sont utiles, bien que non précises.- les tables pour la datation des ecchymoses ne sont pas fiables.- à l’autopsie, on ne peut mettre en évidence des signes de lésions axonalesdiffuses à l’immunohistochimie (technique de la protéine précurseur β-APP)que si l’enfant a survécu au moins deux heures après l’événement. Si c’est latechnique d’immunoperoxydase indirecte qui est utilisée (anticorps dirigéscontre des neurofilaments), l’enfant doit avoir survécu autour de 48 heuresaprès les coupures axonales pour que les lésions soient apparentes.10


8. ControversesAu cours des dernières années, certains problèmes avec des témoignages d’expertsmédicaux ont amené en Angleterre une révision de procès dans des situations où desparents avaient été reconnus coupables d’avoir secoué leur enfant (Jenny, 2007). Leprocureur général, Lord Goldsmith, après la révision de 297 cas d’homicides d’enfantsayant mené à des condamnations, dont 88 cas de SBS, n’a trouvé que 3 cas où leverdict portait à controverse.En Ontario, le scandale relié au Dr Charles Smith, pathologiste, a entraîné unecommission d’enquête présidée par le juge Goudge qui a recommandé une révision descondamnations pour homicide par syndrome du bébé secoué. Le gouvernementontarien a donné suite en nommant une Équipe d’examen des décès dus au syndromedu bébé secoué (Ministère du procureur général, 2008). Le groupe d’experts a procédéà l’analyse de 129 cas d’individus condamnés sur une période de 20 ans pour avoircausé un traumatisme crânien fatal à un enfant. Il a remis son rapport en 2011. Dansplusieurs cas, la culpabilité était évidente en première analyse. Sur les 48 cas analysésen détail (dont 10 cas du Dr Smith), le groupe d’experts n’a trouvé aucun motifd’inquiétude dans 44 cas. Seulement quatre cas, dont deux dans lesquels le Dr Smithavait été impliqué, ont soulevé une préoccupation quant à la justesse des conclusionsdes procès.Par ailleurs, certains médecins, particulièrement des pathologistes, ont émis des doutessur l’hypothèse que le fait de secouer un enfant sans impact direct au crâne puissecauser les lésions associées au TCNA. Ils se basent sur des études avec des modèlesmécaniques montrant que la force exercée lors de secousses serait insuffisante pourcauser des hémorragies intracrâniennes. On a avancé la théorie du « re-saignement »selon laquelle le problème serait causé par un nouveau saignement dans un hématomesous-dural causé par la naissance. Une pathologiste a proposé que les hématomessous-duraux seraient secondaires à de l’hypoxie (Geddes, 2004).Les opposants au syndrome du bébé secoué ne sont pas ébranlés par les nombreusesconfessions d’agresseurs. Pour eux, lorsqu’un parent trouve son enfant inerte et tentede le réanimer en le secouant « légèrement », ceci serait interprété à tort comme unaveu. Ils expliquent aussi les confessions par des pressions indues lors desinterrogatoires policiers. Des sites web ont été créés pour aider les parents accusésd’avoir secoué leur enfant (voir références).Ces controverses ont entraîné des répercussions dans les poursuites criminelles en casde TCNA. Particulièrement aux États-Unis, des « experts » médicaux sont engagés pardes avocats de la défense pour nier le syndrome du bébé secoué et apporter d’autresexplications pour les lésions cérébrales et oculaires. En plus des éléments cités plushaut, ces explications comprennent des effets secondaires de vaccins, des syndromesde mort subite avortés, des infections non diagnostiquées, des accidents…11


Chose certaine, il ne peut y avoir de preuve expérimentale de la relation cause effetentre le fait de secouer un enfant et l’apparition de lésions typiques du TCNA. Parcontre, les experts en protection de l’enfant estiment qu’il y a suffisamment d’étudesépidémiologiques, cliniques, pathologiques, confirmées par des confessionsd’agresseurs, pour affirmer que des lésions neurologiques sévères et même fatalespeuvent être causées par des traumatismes crâniens avec ou sans impact. Cet avis estpartagé par plusieurs organismes dont l’American Academy of Pediatrics (Christian,2009) et la Société canadienne de Pédiatrie (SCP, 2007).10. ConclusionsLe traumatisme crânien non accidentel fait référence à une constellation de signesproduits par le fait de secouer violemment un jeune enfant, et/ou de lui frapper la tête.Les manifestations sont très variables, en fonction de la sévérité des conséquences,suite aux gestes posés.Si le diagnostic ne pose pas de doute en présence d’un rétinoschisis traumatique oud’une association d’hémorragies rétiniennes multicouches et d’un hématome sous-duralen l’absence d’un traumatisme accidentel grave, l’absence d’hémorragies rétiniennesconstitue un défi diagnostique important.La situation se complique davantage avec les controverses entourant ce syndrome surla scène judiciaire.Révision octobre 201212


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