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Travailleuses du sexe chinoises a paris face aux violences

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1TRAVAILLEUSES DU SEXECHINOISES A PARISFACE AUX VIOLENCESSYNTHESE D’ENQUETE17 décembre 2012<strong>Travailleuses</strong> <strong>du</strong> <strong>sexe</strong> <strong>chinoises</strong> à Paris : <strong>face</strong> <strong>aux</strong> <strong>violences</strong> –Synthèse d’enquête – décembre 2012


2Une femme victime de viol se rend <strong>aux</strong> urgences médico-judiciaires de l’hôpital Hôtel Dieu à Paris / © Boris SvartzmanINTRODUCTION A Paris, des centaines de femmes <strong>chinoises</strong> sont amenées à vendre des services sexuels pour untemps donné et pour des raisons diverses. De fait elles sont exposées à de multiples formes de <strong>violences</strong>physiques, sexuelles et morales, le délit de racolage passif aggravant leur situation. Médecins <strong>du</strong> Monde,qui intervient à leurs côtés depuis dix ans pour améliorer leur accès <strong>aux</strong> droits et <strong>aux</strong> soins, a réalisé uneenquête sur les <strong>violences</strong> qu’elles rencontrent et les stratégies qu’elles mettent en place pour y faire <strong>face</strong>.Le programme Lotus Bus de Médecins <strong>du</strong> Monde (voirencadré ci-contre) intervient auprès des travailleuses<strong>du</strong> <strong>sexe</strong> <strong>chinoises</strong> à Paris depuis 2002. Sur le terrainplusieurs fois par semaine nous constatons que les<strong>violences</strong> sont au centre de leurs préoccupations etconstituent un enjeu majeur de santé.De 2010 à 2012, l’équipe <strong>du</strong> Lotus Bus a réalisé uneenquête auprès de 86 femmes rencontrées sur leterrain. Cette enquête repose sur un questionnaireanonyme et confidentiel élaboré par l’équipe avecl’appui des services techniques de Médecins <strong>du</strong>Monde. Le questionnaire a été proposé à toutes lesfemmes se rendant au Lotus Bus ou au local <strong>du</strong>programme par une équipe d’enquêteursspécialement formés. Chaque femme ayant acceptéde répondre à l’enquête a été reçue en entretienindivi<strong>du</strong>el par un enquêteur accompagné, si besoin,d’un interprète. L’enquête représente un total de 70heures d’entretien.Ce travail permet de mieux connaître les <strong>violences</strong><strong>aux</strong>quelles ces femmes sont confrontées ainsi que lesstratégies employées pour les prévenir. Il nouspermet par ailleurs d’identifier les obstacles qu’ellesrencontrent pour faire valoir leurs droits et protégerleur santé.Les travailleuses <strong>du</strong> <strong>sexe</strong> migrantes sont parmi lesfemmes les plus exposées <strong>aux</strong> <strong>violences</strong> 1 . De fait, les<strong>violences</strong> <strong>aux</strong>quelles elles sont confrontées sontexacerbées par la stigmatisation de leur activité et lapénalisation <strong>du</strong> racolage.Une approche de santé publique et de ré<strong>du</strong>ction desrisques doit être au cœur des politiques publiques envue d’améliorer la santé, la sécurité et les droits destravailleurs et des travailleuses <strong>du</strong> <strong>sexe</strong>.1 Potterat, John J. et. Al. « Mortality in a Long-term OpenCohort of Prostitute Women», American Journal ofEpidemiology, 2004; 159(8):778-785.; Ward, Helen et. al.«Risky Business: health and safety in the sex in<strong>du</strong>stry over a9 year period», Sex Transm Inf 1999; 75:340-343 ; Church,Stephanie et. al. «Violence by clients towards femaleprostitutes in different work settings: questionnairesurvey» , British Medical Journal, 2001; 322(7285): 524–525<strong>Travailleuses</strong> <strong>du</strong> <strong>sexe</strong> <strong>chinoises</strong> à Paris : <strong>face</strong> <strong>aux</strong> <strong>violences</strong> –Synthèse d’enquête – décembre 2012


3LE LOTUS BUSUn programme de promotion de la santé et des droits auprès des travailleuses <strong>du</strong> <strong>sexe</strong> <strong>chinoises</strong> à ParisLe programme Lotus Bus de Médecins <strong>du</strong> Monde a pour objectif de ré<strong>du</strong>ire les risquesliés <strong>aux</strong> pratiques prostitutionnelles et de favoriser l’accès <strong>aux</strong> soins et <strong>aux</strong> droits desfemmes <strong>chinoises</strong> se prostituant à Paris. Le Lotus Bus répond à un très fort besoind’information et d’accès <strong>aux</strong> soins d’une population très exposée à de multiples risqueset cumulant les facteurs de vulnérabilité liés à leur activité prostitutionnelle et à leursituation de personnes migrantes.Le programme Lotus Bus mène les actions suivantes : 4 à 5 interventions hebdomadaires dans les lieux de prostitution chinoise; Une permanence d’accueil hebdomadaire en lieu fixe ; Des accompagnements physiques dans des structures médicales, sociales oujuridiques ; Des ateliers ponctuels sur des thématiques liées à la prostitution, à la santé et <strong>aux</strong>droits ; Des actions de témoignage et de communication sur la situation et les difficultésrencontrées par les personnes <strong>chinoises</strong> se prostituant à Paris.En 2011, le Lotus Bus a eu 14 371 contacts avec 770 femmes <strong>chinoises</strong> différentes.NOS ACTIONS DANS LE MONDEEn France comme à l’international, Médecins <strong>du</strong> Monde et son réseau mènent de nombreuses actionsde ré<strong>du</strong>ction des risques (RdR), de promotion de la santé et des droits en faveur des travailleurs et destravailleuses <strong>du</strong> <strong>sexe</strong> les plus marginalisés :CanadaMdM travaille en partenariatavecl’associationcommunautaire Stella pourpromouvoir la santé destravailleurs <strong>du</strong> <strong>sexe</strong> àMontréal.EuropeLe réseau Médecins <strong>du</strong> Monde en Europe (Allemagne, Suisse, Portugal, Espagne etRoyaume-Uni) mène des actions de ré<strong>du</strong>ction des risques, de promotion de lasanté et des droits auprès des femmes, hommes et personnes transgenrestravailleurs <strong>du</strong> <strong>sexe</strong> dans une trentaine de villes européennes dont Londres,Stuttgart, Lausanne, Madrid… Ce travail est parfois mené en partenariat avec desassociations communautaires locales.FranceDans 5 villes (Poitiers,Nantes, Paris, Montpelieret Rouen), MdM mènedes actions de RdR auprèsdes travailleurs <strong>du</strong> <strong>sexe</strong>dans la rue.MexiqueMdM mène un projetd’accès à la santé sexuelleet repro<strong>du</strong>ctive auprès desfemmes migrantes centreaméricainesdans les villesde Tapachula et Huixtla,dans la région <strong>du</strong> Chiapas.Les travailleuses <strong>du</strong> <strong>sexe</strong>constituent 44% <strong>du</strong> publiccible <strong>du</strong> programme.MyanmarMdM intervient depuis1996 auprès despopulations les plusexposées à un risqueinfectieux dont lestravailleuses <strong>du</strong> <strong>sexe</strong>. Ceprojet s’appuie sur uneforte implication de lacommunauté : é<strong>du</strong>cationpar les pairs, activitésd’auto-support, plaidoyeren faveur des droits…République démocratique <strong>du</strong> CongoA Kinshasa, MdM mène un travail depromotion de la santé et de ré<strong>du</strong>ctiondes risques sexuels auprès desadolescentes vivant dans la rue. Ce projetrepose sur une forte implication desbénéficiaires et comporte des actions deplaidoyer pour l’accès à la contraception.TanzanieMdM mène des activités mobiles deRdR auprès des usagers de droguesavec un focus particulier sur lesfemmes, nombreuses à exercer laprostitution, et qui sontparticulièrement exposées au VIH.<strong>Travailleuses</strong> <strong>du</strong> <strong>sexe</strong> <strong>chinoises</strong> à Paris : <strong>face</strong> <strong>aux</strong> <strong>violences</strong> –Synthèse d’enquête – décembre 2012


4Au centre médico-social de Belleville des services de dépistage sont proposés / © Boris SvartzmanRESUMEDe juin 2010 à juin 2012 Médecins <strong>du</strong> Monde a réaliséune enquête sur les <strong>violences</strong> rencontrées par lestravailleuses <strong>du</strong> <strong>sexe</strong> <strong>chinoises</strong> à Paris, les stratégiesqu’elles mettent en place pour y faire <strong>face</strong>, et leursaccès <strong>aux</strong> soins et <strong>aux</strong> droits.Les femmes interrogées ont majoritairement entre 40et 50 ans. En moyenne, elles sont en France depuisdeux ans en et se prostituent depuis un an. 41% sonten France depuis plus de trois ans. Une majorité (55%)des femmes interrogées est en situation régulièrebien que très peu disposent d’une autorisation detravail (9%).La majorité des femmes interrogées (86%) arencontré au moins une forme de violence depuis leurarrivée en France. La forme de violence la plusfréquente est le retrait non-consenti <strong>du</strong> préservatif(63%). D’autres <strong>violences</strong> rencontrées sont les<strong>violences</strong> physiques (55%), le viol (38%), laséquestration (23%), les menaces de mort (17%) etl’obligation de reverser ses revenus à autrui (5%). Plusde 61% des femmes déclarent également avoirrencontré d’autres formes de <strong>violences</strong> notammentdes vols, des insultes et des brimades. Aucune femmene déclare être contrainte par autrui à se prostituer.Les femmes interrogées sont aussi sujettes à une trèsforte pression policière. 74% des femmes ont faitl’objet d’une arrestation au motif de racolage au coursdes 12 mois précédant l’enquête. Chacune de cesfemmes a été arrêtée en moyenne 6 fois au cours decette période. Lors des gardes à vue elles sont sujettesà de nombreuses humiliations dont des fouilles aucorps (81%), le port de menottes (56%), l’obligation designer des documents (53%) et la privation denourriture (24%). Ces arrestations fréquentes sontvécues comme une forme de harcèlement.Ces <strong>violences</strong> ont des conséquences importantes surla santé des femmes interrogées. Celles-ci sontd’autant plus graves que la majorité des femmes(63%) n’a pas recours <strong>aux</strong> soins suite à des <strong>violences</strong>physiques ou à un viol. Ces <strong>violences</strong> constituentégalement un facteur de risque important en ce quiconcerne l’exposition <strong>aux</strong> IST dont le VIH puisque lamajorité des femmes (54%) n’ont pas recours autraitement prophylactique suite à un rapport à risqueimposé par la violence.Une minorité des cas de <strong>violences</strong> (21%) font l’objetd’un dépôt de plainte. L’accès à la justice estconsidérablement entravé par un manque deconfiance envers la Police qui découle des arrestationssubies. La barrière de la langue (23%), la peur enraison de leur activité (31%) ou en raison de leursituation administrative (28%) constituent égalementdes freins à l’accès à la justice.De nombreuses femmes mettent en place desstratégies pour prévenir les <strong>violences</strong> (choix etnégociation avec les clients, travail en journée, travailen « indoor »…) mais la mise en place de stratégiesefficaces et l’amélioration de leurs conditions detravail sont ren<strong>du</strong>es difficiles par leur isolement et lapénalisation <strong>du</strong> racolage.<strong>Travailleuses</strong> <strong>du</strong> <strong>sexe</strong> <strong>chinoises</strong> à Paris : <strong>face</strong> <strong>aux</strong> <strong>violences</strong> –Synthèse d’enquête – décembre 2012


5Trois fois par semaine le Lotus Bus intervient auprès des travailleuses <strong>du</strong> <strong>sexe</strong> sur leur lieu d’activité / © Boris SvartzmanSYNTHESE DE L’ENQUETEDes migrantes exclues <strong>du</strong> marché del’emploi en FranceLa majorité des femmes interrogées ont entre 40 et50 ans. Elles ont quitté leur pays pour des raisonssocio-économiques, généralement pour subvenir <strong>aux</strong>besoins de leur famille restée en Chine 2 . Certaines ontdû payer des sommes importantes pour financer leurmigration. En France, elles sont exclues <strong>du</strong> marché del’emploi dès leur arrivée car l’autorisation provisoirede séjour dont elles bénéficient, pour la plupart suiteau dépôt d’une demande d’asile, ne leur accorde pasce droit. Seules 9% d’entre elles peuvent travaillerlégalement.L’enquête démontre que ce sont ces facteurs soci<strong>aux</strong>et économiques qui déterminent leur décision devendre des services sexuels en France, soitrégulièrement, soit de façon occasionnelle enparallèle avec d’autres activités économiques.« Je ne parle pas français, et je n’ai pasd’autorisation de travail, <strong>du</strong> coup je n’ai pastrouvé d’emploi quand je suis arrivée enFrance, même pas en tant que nourrice. J’aidû dormir dehors. J’ai payé 180000 Yuans[21600 €] pour venir ici... Ma vie était difficileen Chine, je suis divorcée, et j’ai trois enfantsque j’élève seule. Leur père ne nous donnepas d'argent. En France, je ne savais pas queje ferais ce travail, mais je me sens toutefoismoins sous pression qu’en Chine » – Mme...,54 ans, en France depuis quatre moisDes femmes indépendantesAucune des femmes interrogées lors de cette enquêten’a été contrainte par autrui à se prostituer. Leurchoix d’exercer la prostitution est déterminé par uncontexte social et économique.Seules 5% d’entre elles déclarent avoir été obligées dereverser à autrui une partie ou la totalité de leursrevenus tirés de la prostitution. Si ces femmes sontsoumises à une forte pression économique, leursdettes en Chine sont contractées auprès de leurpropre famille qui n’est pas au courant de leur activitéde prostitution en France.55% des femmes disent n’avoir personne sur quicompter en France. L’isolement, les difficultés qu’ellesrencontrent pour exercer leurs droits, les pressionséconomiques qu’elles subissent, et la peur de ladélation lorsqu’elles sont en situation irrégulière sontautant de facteurs qui augmentent leur exposition auchantage, au racket, et à l’exploitation.Notre échantillon n’est pas représentatif del’ensemble des travailleuses <strong>du</strong> <strong>sexe</strong> en France.Cependant, notre enquête démontre que lesdéterminants qui poussent ou contraignent certainespersonnes étrangères à exercer la prostitution sontcomplexes et multiples et contredit le positionnementcommunément affirmée que « les personnesprostituées étrangères [sont], en grande majorité,soumises à des rése<strong>aux</strong> de prostitution, qui gèrenttoute la filière prostitutionnelle, <strong>du</strong> recrutement aurapatriement des pro<strong>du</strong>its de la prostitution » 3 .2 Les raisons citées sont : financer les études de leurs enfants,financer l’achat d’un logement, ou rembourser une dette. Lespersonnes auprès desquelles elles s’endettent, très souvent desmembres de leur propre famille, ne sont pas au courant de leuractivité de prostitution.3 Geoffroy, Guy et Bousquet, Danielle. Prostitution : l’exigence deresponsabilité. Rapport d’information parlementaire présenté aunom de la commission des Lois le 13 avril 2011.<strong>Travailleuses</strong> <strong>du</strong> <strong>sexe</strong> <strong>chinoises</strong> à Paris : <strong>face</strong> <strong>aux</strong> <strong>violences</strong> –Synthèse d’enquête – décembre 2012


6« J’ai de grosses dettes à rembourser maisje peux choisir la manière dont je lesrembourse. J’ai emprunté environ 15 000euros pour venir et je n'ai pas encore fini derembourser cette somme. Ce sont des amisproches en Chine qui m’ont prêté cet argentet je ne paie pas d’intérêts. Ils ne savent pasque je me prostitue pour rembourser, maisje dois rembourser quand même. J’ai essayéd'autres emplois : nounou, femme deménage mais, premièrement, ce n'était pasfacile à trouver et, deuxièmement, je negagnais pas assez d'argent. Je ne suis pasfière de faire ce travail mais personne neme force, c’est la situation qui m’oblige. » –Mme…, 26 ans, en France depuis un anUne exposition <strong>aux</strong> <strong>violences</strong> alarmanteL’enquête révèle un t<strong>aux</strong> d’exposition <strong>aux</strong> <strong>violences</strong>alarmant. Plus de 86% des femmes interrogées ontdéjà été confrontées à une ou plusieurs formes de<strong>violences</strong> : 63% des femmes ont été confrontées à desretraits de préservatif non-consentis ; 55% des femmes ont été victimes de <strong>violences</strong>physiques ; 38% des femmes ont été victimes de viol ; 23% ont été victimes de séquestration ; 17% ont fait l’objet de menaces de mort ; 61% ont subi d’autres formes de violence (vols,insultes, brimades…).En comparaison avec des études récentes menéesdans la population générale des femmes enFrance 4,5 les travailleuses <strong>du</strong> <strong>sexe</strong> <strong>chinoises</strong> à Paris sontbeaucoup plus exposées <strong>aux</strong> <strong>violences</strong> physiques et<strong>aux</strong> viols que les autres femmes. De plus, la fréquencede ces <strong>violences</strong> reste bien supérieure à la fréquencede celles subies par les femmes étrangères hors-UnionEuropéenne résidant en France 6 .C’était un client que je connaissais. Il estarrivé en voiture avec un ami Ils m’ontproposé d'aller dans un hôtel où j’avaisl'habitude d'aller. Le copain ne devait pasvenir, il était juste censé con<strong>du</strong>ire lavoiture. Comme je connaissais le client, j’aiaccepté. Finalement, ils ne se sont pasdirigés vers l'hôtel mais vers un parkingsouterrain. J’ai été séquestrée et violée parles deux hommes pendant cinq heures. Ilsont ensuite repris le chemin pour medéposer. A un moment ils se sont arrêtésdans une station-service. J’en ai profitépour prendre les clefs de la voiture et j’aicouru vers le guichet en criant au secoursLa police est arrivée et a arrêté l'un desdeux hommes sur place. L'autre a été arrêtéle lendemain. - Mme…, 32 ans, en Francedepuis 2 ansDes <strong>violences</strong> <strong>aux</strong> multiples conséquencesSeul un tiers des femmes consulte un médecin suite àdes <strong>violences</strong> physiques ou à un viol, et seule unefemme sur quatre obtient un certificat médical, unedémarche pourtant essentielle si la victime souhaitepoursuivre ses agresseurs en justice.Les retraits <strong>du</strong> préservatif non-consentis et les violssont également un facteur de risque importantd’exposition <strong>aux</strong> IST et au VIH. Ce risque est aggravépar le faible recours <strong>aux</strong> soins suite <strong>aux</strong> agressions, etle faible t<strong>aux</strong> d’accès au traitement post-exposition :54% des victimes de ces <strong>violences</strong> n’ont pas eurecours au traitement d’urgence.Les <strong>violences</strong> ont également des conséquencespsychologiques importantes. En détériorant l’estimede soi des travailleuses <strong>du</strong> <strong>sexe</strong>, ces <strong>violences</strong>ré<strong>du</strong>isent leur capacité à mettre en place desstratégies de prévention efficaces et à se protéger<strong>face</strong> <strong>aux</strong> risques.L’accès à la justice entravé4 Tournyol <strong>du</strong> Clos et al. « Les <strong>violences</strong> faites <strong>aux</strong> femmes », INSEEPremière, 2008 :1180.5 Bajos et al. « Les <strong>violences</strong> sexuelles en France : quand la parolese libère ». INED, Population & Sociétés, 2008 :4456 En effet, ces mêmes études démontrent que les femmes denationalité extracommunautaire sont plus exposées <strong>aux</strong> viols quela population générale, Tournyol, op.cit.L’enquête révèle que seul un cas de violence sur cinqfait l’objet d’un dépôt de plainte. La grande majoritédes victimes renonce à recourir à la justice pourdifférentes raisons : barrière linguistique, peur d’êtrearrêtées ou jugées en raison de leur activité, peurd’être expulsées si elles sont en situation irrégulière…<strong>Travailleuses</strong> <strong>du</strong> <strong>sexe</strong> <strong>chinoises</strong> à Paris : <strong>face</strong> <strong>aux</strong> <strong>violences</strong> –Synthèse d’enquête – décembre 2012


La présence d’interprète est systématique lors desgardes à vue dans le cadre d’arrestations pourracolage. Cependant les femmes doivent venir avecleur propre interprète pour porter plainte.Dans ces conditions le recours <strong>aux</strong> droits estquasiment impossible.« À quoi ça sert de porter plainte ? Ce queje fais est illégal alors si je vais à la Policeils vont m’arrêter ! C'est toujours nousqui avons tort car on se prostitue » –Mme…, 52 ans, victime de <strong>violences</strong>physiquesDes politiques publiques qui aggravent les<strong>violences</strong> : les effets contre pro<strong>du</strong>ctifs <strong>du</strong>délit de racolage passifLes trois quarts des femmes interrogées ont faitl’objet d’arrestations et de gardes à vue au cours desdouze derniers mois précédant l’enquête, souvent demanière arbitraire. Ces femmes ont été arrêtées enmoyenne six fois au cours de l’année écoulée.Dans un très grand nombre de cas elles sont arrêtéesalors même qu’elles ne racolaient pas. D’après leurstémoignages le seul fait d’être soupçonnée par laPolice de se prostituer est bien souvent un motifsuffisant pour être placée en garde à vue.Lors de la garde à vue, qui <strong>du</strong>re généralement entre12 et 24 heures, beaucoup de femmes subissent deshumiliations et des traitements dégradants : 81% des femmes ont été obligées de sedéshabiller intégralement pour subir une fouilleau corps 7 ; 56% des femmes ont été menottées lors de leurarrestation 8 ; 53% des femmes ont été obligées de signer desprocès-verb<strong>aux</strong> sans qu’elles soient informéesde ce qui y était écrit ou alors qu’elles n’étaientpas d’accord avec le contenu ; 43% estiment avoir fait l’objet d’humiliationslors de leur garde à vue ; 24% des femmes ont été privées de nourriture 9 .7 Le Code de Procé<strong>du</strong>re Pénale stipule que la fouille au corps nepeut être pratiquée uniquement « lorsqu'elle est indispensablepour les nécessités de l'enquête ».8 Elle précise également que « nul ne peut être soumis au port desmenottes ou des entraves que s'il est considéré soit commedangereux pour autrui ou pour lui-même, soit comme susceptiblede tenter de prendre la fuite. ».9 Les instructions <strong>du</strong> ministère de l’intérieur précise que les gardésà vue doivent être alimentés « avec des repas chauds, <strong>aux</strong> heures7De fait, pour les femmes interrogées, la Police et lajustice ne sont pas considérées comme les garants deleur sécurité mais comme une source de <strong>violences</strong>.Notre enquête révèle de nombreuses autresirrégularités : des interprètes défaillants ou parti<strong>aux</strong>,des procès-verb<strong>aux</strong> mensongers, des conditionsd’enfermement insalubres, des pressions exercées surles gardées à vue pour signer des documents …Le fait d’exercer la prostitution n’est pas réprimé enFrance. Cependant, la Loi pour la Sécurité Intérieure,mise en application le 18 mars 2003, a instauré le délitde racolage, dit « passif », sur la voie publique.L’instauration de ce délit s’est tra<strong>du</strong>ite par unerépression de toutes les formes visibles de laprostitution. Par ailleurs, cette loi confère <strong>aux</strong> forcesde l’ordre chargées de l’appliquer un large pouvoird’appréciation qui mène, dans les faits, à un grandnombre d’arrestations arbitraires.« J’ai été arrêtée alors que je rentraischez moi avec mes courses, accompagnéede deux copines. La Police a fouillé nossacs et, comme ils ont trouvé despréservatifs sur moi, c’est moi qui ai étéemmenée en garde à vue. Depuis cettefois-là je suis fichée. Mes deux copinesn'avaient pas de préservatifs sur elles, etla Police les a laissées partir. » - Mme…,51 ans, arrêtée vingt fois au cours desdouze derniers mois.Par ailleurs, notre enquête montre que les femmesayant déjà subi une arrestation ont 4 fois plus derisque de subir d’autres <strong>violences</strong> physiques que cellesqui n’ont pas été arrêtées. Ces risques sont exacerbésencore davantage lorsque les femmes sont ensituation irrégulière. Les femmes en situationirrégulière, lorsqu’elles ont été arrêtées par la Police,ont 6 fois plus de risque de subir un viol ou des<strong>violences</strong> physiques.C'est moins dangereux de se prostituer enjournée mais il y a plus de policiers, jesuis donc obligée de travailler la nuitquand c'est plus dangereux. – Mme…, 51ans, en France depuis 2 ans.normales, et composés selon les principes religieux dont elles fontétat »<strong>Travailleuses</strong> <strong>du</strong> <strong>sexe</strong> <strong>chinoises</strong> à Paris : <strong>face</strong> <strong>aux</strong> <strong>violences</strong> –Synthèse d’enquête – décembre 2012


8Les travailleuses <strong>du</strong> <strong>sexe</strong> sont des actricesmajeures dans la lutte contre les <strong>violences</strong>faites <strong>aux</strong> femmesNotre enquête montre que les travailleuses <strong>du</strong> <strong>sexe</strong><strong>chinoises</strong> ne sont pas passives <strong>face</strong> <strong>aux</strong> <strong>violences</strong><strong>aux</strong>quelles elles sont exposées. Dans les limites desressources dont elles disposent, elles mettent enplace, indivi<strong>du</strong>ellement et collectivement, desstratégies pour se prémunir contre les <strong>violences</strong>.Travailler en journée, dans un local où d’autrespersonnes sont présentes, par le biais d’annonces surinternet, en binôme, partager les informations sur lesbons et les mauvais clients, toutes ces pratiques sontautant de moyens d’améliorer leur sécurité.Cependant, travailler en journée expose lestravailleuses <strong>du</strong> <strong>sexe</strong> <strong>aux</strong> arrestations, les autresstratégies les exposant, ou exposant ceux qui lesaident, <strong>aux</strong> poursuites pour proxénétisme. De ce fait,le délit de racolage passif contribue à rendre leuractivité plus dangereuse et les empêche de mettre enplace des stratégies de prévention efficaces.Je ressens une forte pressionpsychologique à cause de la Police. J’aitellement peur d'être arrêtée que jeressens une pression dans la poitrine.Mon travail est devenu plus dangereux, jen'ai plus le temps de négocier avec lesclients. Je n'ai qu'une seule envie, c'est demonter dans la voiture <strong>du</strong> client tout desuite pour ne pas être vue par la Police. –Mme…, 45 ans, arrêtée trente fois <strong>aux</strong>cours des douze derniers mois..<strong>Travailleuses</strong> <strong>du</strong> <strong>sexe</strong> <strong>chinoises</strong> à Paris : <strong>face</strong> <strong>aux</strong> <strong>violences</strong> –Synthèse d’enquête – décembre 2012


9Une femme poursuivie pour racolage consulte un avocat avant son audience au tribunal / © Boris SvartzmanRECOMMANDATIONS Une approche de santé publique et de ré<strong>du</strong>ction des risques doit être au cœur des politiquespubliques en vue d’améliorer la santé, la sécurité et les droits des travailleurs et des travailleuses <strong>du</strong><strong>sexe</strong>.Créer un environnement favorable à la santé et la sécuritéLa pénalisation et la répression sont contre pro<strong>du</strong>ctives en matière de santé publique et de ré<strong>du</strong>ction des risques.Médecins <strong>du</strong> Monde préconise de : Abroger immédiatement et sans conditions le délit de racolage passifCette loi a pour conséquence d’isoler les travailleurs et travailleuses <strong>du</strong> <strong>sexe</strong>, les éloignant des structures desoins et d’accès <strong>aux</strong> droits et les exposant davantage <strong>aux</strong> risques de <strong>violences</strong>. Rejeter toute pénalisation de l’achat de services sexuelsPénaliser les services sexuels entre a<strong>du</strong>ltes consentants aura comme effet d’augmenter les risques de<strong>violences</strong>, les risques sanitaires et la stigmatisation des travailleurs et des travailleuses <strong>du</strong> <strong>sexe</strong> et de leursclients. L’expérience d’autres pays où la pénalisation de l’achat de services sexuels est déjà en vigueurdémontre les conséquences négatives qu’elle in<strong>du</strong>it pour les travailleuses <strong>du</strong> <strong>sexe</strong> 10 .Améliorer l’accès <strong>aux</strong> soins et <strong>aux</strong> droitsL’Etat doit garantir à toute personne victime de violence, quelque soit son activité ou sa situation administrative, unaccès effectif à la justice et <strong>aux</strong> soins. Assurer une meilleure prise en charge des personnes victimes de <strong>violences</strong>Généraliser des bonnes pratiques au sein des commissariats pour l’accueil des personnes victimes deviolence (dépôt de plainte sur rendez-vous, recours à l’interprétariat…). Faciliter l’orientation entre lesservices de Police et les services de santé pour assurer une prise en charge globale des victimes de violence. Garantir un accès effectif <strong>aux</strong> droits pour les personnes étrangèresPermettre un accès égal à la justice <strong>aux</strong> personnes étrangères victimes de violence. Leur garantir unepossibilité de séjourner en France jusqu’à l’aboutissement des procé<strong>du</strong>res judiciaires lorsqu’elles portentplainte. Permettre <strong>aux</strong> personnes en situation irrégulière de bénéficier d’une indemnisation par laCommission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions (CIVI).10 C’est la conclusion d’un rapport onusien récent : Commission mondiale sur le VIH et le droit, Risques, droits et santé. Juillet 2012.<strong>Travailleuses</strong> <strong>du</strong> <strong>sexe</strong> <strong>chinoises</strong> à Paris : <strong>face</strong> <strong>aux</strong> <strong>violences</strong> –Synthèse d’enquête – décembre 2012


10Lotus BusMédecins <strong>du</strong> Monde62bis avenue Parmentier, 75011 ParisTél : 01.43.14.81.65lotusbus@medecins<strong>du</strong>monde.netDirection des Missions FranceMédecins <strong>du</strong> Monde62 Rue Marcadet, 75018 ParisTél : 01.44.92.16.01dmf@medecins<strong>du</strong>monde.netLe Lotus Bus bénéficie <strong>du</strong> soutien de la Ville de Paris et de l’Agence Régionale de Santé - Ile-de-France<strong>Travailleuses</strong> <strong>du</strong> <strong>sexe</strong> <strong>chinoises</strong> à Paris : <strong>face</strong> <strong>aux</strong> <strong>violences</strong> –Synthèse d’enquête – décembre 2012

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