duVoyage - Fondation Groupama Gan pour le Cinéma
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Dans un entretien de 1937, Georges Méliès raconte : « Je rencontrai M. Lumière dans l’escalier du théâtre Robert-Houdin...<br />
Il me dit : « Dites donc, Méliès, vous qui avez l’habitude dans vos trucs d’étonner votre public, je serais bien heureux de vous<br />
faire venir ce soir au Grand Café... Vous al<strong>le</strong>z voir quelque chose qui peut-être vous épatera vous-même ».<br />
Dans ce même entretien, Méliès décrit ainsi la projection :<br />
« Nous nous trouvions, <strong>le</strong>s autres invités et moi, en présence d’un petit écran semblab<strong>le</strong> à ceux qui nous servaient <strong>pour</strong> <strong>le</strong>s projections<br />
Molteni et, au bout de quelques instants, une photographie immobi<strong>le</strong> représentant la place Bel<strong>le</strong>cour à Lyon apparut en<br />
projection. Un peu surpris, j’eus à peine <strong>le</strong> temps de dire à mon voisin : - C’est <strong>pour</strong> des projections qu’on nous dérange.<br />
J’en fais depuis dix ans...<br />
Je terminai à peine cette phrase qu’un cheval traînant un camion se mit en marche vers nous, suivi d’autres voitures, puis des<br />
passants, en un mot toute l’animation de la rue. A ce spectac<strong>le</strong> nous restâmes bouche bée, frappés de stupeur, surpris au-delà de<br />
toute expression ».<br />
Le succès est considérab<strong>le</strong>, en effet. Clément Maurice qui gère <strong>le</strong>s projections a affirmé par la suite :<br />
« Mais <strong>le</strong> succès fut si rapide que, trois mois après, <strong>le</strong>s entrées se chiffraient par deux mil<strong>le</strong> et deux mil<strong>le</strong> cinq cents par jour sans<br />
aucune réclame dans <strong>le</strong>s journaux ».<br />
À la différence d’autres appareils de projection, <strong>le</strong> cinématographe Lumière, à la fois caméra, tireuse et visionneuse,<br />
supplante <strong>le</strong>s autres procédés de reproduction du mouvement utilisés jusqu’alors. Il est plus léger,<br />
plus commode que <strong>le</strong>s autres systèmes. La qualité des prises de vues est meil<strong>le</strong>ure que cel<strong>le</strong> du kinétographe –<br />
moins précises et plus spectra<strong>le</strong>s. Son originalité est de comporter un mécanisme d’entraînement qui permet<br />
une plus grande fluidité de l’image animée et une projection élargie.<br />
Et il est certain que Georges, passionné par la présentation des frères Lumière <strong>le</strong>ur immédiatement proposé<br />
d’acheter un <strong>Cinéma</strong>tographe mais ces derniers refusèrent à Méliès comme à d’autres, de vendre <strong>le</strong>ur appareil,<br />
préférant se réserver <strong>le</strong>s bénéfices de l’exploitation de <strong>le</strong>ur invention.<br />
« Pressé de donner des projections coûte que coûte » dans son théâtre :<br />
retour à Londres et début des projections à Paris en avril 1896<br />
N’ayant pas réussi à acheter <strong>le</strong> précieux appareil des Lumière, Méliès retourne à Londres <strong>pour</strong> rencontrer Robert<br />
W. Paul qui avait mis au point, un projecteur, Theatograph (qui sera appelé plus tard Animatograph), mis<br />
au point tout début 1896, peu après la projection des frères Lumière et breveté <strong>le</strong> 2 mars 1896. En mars-avril 1896,<br />
Georges Méliès achète à Robert W. Paul l’un de ses projecteurs. Il achète éga<strong>le</strong>ment quelques petits films produits<br />
par Robert Paul, ainsi que d’autres produits par Edison <strong>pour</strong> ses Kinétoscopes à projection individuel<strong>le</strong>.<br />
Méliès rebaptisa <strong>le</strong> projecteur Theatograph de Robert William Paul et lui donna <strong>le</strong> nom de « Kinétograph(e) ».<br />
Méliès projeta <strong>le</strong>s films fournis par Paul au Théâtre Robert-Houdin <strong>pour</strong> la première fois <strong>le</strong> 5 avril 1896 : on peut<br />
en effet <strong>le</strong> lire dans un journal quotidien de l’époque, l’Orchestre, dans son édition du 5 avril, une annonce<br />
qui présente <strong>le</strong>s séances de Robert-Houdin avec « <strong>le</strong> Kinetograph, appareil américain perfectionné » de projection de<br />
« photographies naturel<strong>le</strong>s animées ». Les projections étaient assurées par Eugène Calmels, horloger du théâtre. Le<br />
14 avril, une publicité dans l’Orchestre précise : « Le Théâtre Robert-Houdin a ajouté à son spectac<strong>le</strong> si intéressant <strong>le</strong> Kinétograph,<br />
appareil américain perfectionné, <strong>le</strong>s photographies animées grandeur naturel<strong>le</strong>, sans aucune trépidation».<br />
Méliès a libellé cette annonce en donnant une nationalité américaine à son appareil <strong>pour</strong> attirer <strong>le</strong> public. Il<br />
utilise d’ail<strong>le</strong>urs <strong>pour</strong> son projecteur un nom déjà utilisé par Edison <strong>pour</strong> sa première caméra, brevet qui ne<br />
sera pas déposé avant 1897...<br />
Georges Méliès a par la suite minimisé l’importance du Theatograph anglais, version largement relayée par son<br />
ami Maurice Noverre quand ils reviendront sur <strong>le</strong> parcours et <strong>le</strong>s inventions de Georges Méliès. Voici l’extrait<br />
des textes de 1936 où Méliès, parlant de lui à la troisième personne, donne sa propre version des faits :<br />
« Il apprit que l’opticien anglais W. Paul venait de mettre en vente un projecteur permettant l’emploi, <strong>pour</strong> la projection, des films<br />
sur fond noir du kinétoscope Edison. Pressé de donner des projections coûte que coûte, il acheta un de ces appareils et se procura<br />
quelques films Edison, <strong>le</strong>s seuls que l’on pouvait trouver, et encore en nombre très restreint. C’est avec ce matériel rudimentaire<br />
24<br />
Projecteur 35 mm « Kinétographe du<br />
Théâtre Robert-Houdin. Brevet Korsten,<br />
Méliès, Reulos », 36 x 34 x 15 cm<br />
Fond Méliès – <strong>Cinéma</strong>thèque française<br />
Caméra 35 mm « Theatrographe Robert<br />
William Paul transformé en caméra par<br />
Georges Méliès en 1896. », 38 x 38 x 24,5 cm<br />
Fond Méliès – <strong>Cinéma</strong>thèque française