30.11.2012 Views

duVoyage - Fondation Groupama Gan pour le Cinéma

duVoyage - Fondation Groupama Gan pour le Cinéma

duVoyage - Fondation Groupama Gan pour le Cinéma

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

Pour coloris ! Sensationnel <strong>pour</strong> coloris !<br />

Spécial <strong>pour</strong> coloris !<br />

Catalogues Star Film français de 1906 et 1908<br />

La Star Film, comme la plupart des grandes maisons éditrices de<br />

vues animées, offrait un certain nombre de <strong>le</strong>urs vues en coloris.<br />

Les copies étaient donc vendues soit en noir et blanc, soit en<br />

cou<strong>le</strong>ur, moyennant un prix plus é<strong>le</strong>vé (<strong>le</strong> doub<strong>le</strong> généra<strong>le</strong>ment,<br />

en France comme à l’étranger). Georges Méliès proposait ainsi<br />

plusieurs de ses films coloriés à la main à ses riches clients,<br />

comme <strong>le</strong> magasin Dufayel qui n’achetait que des vues spectaculaires<br />

en cou<strong>le</strong>ur.<br />

« Les films de Georges Méliès<br />

devaient, dans son esprit,<br />

être projetés en cou<strong>le</strong>urs. »<br />

J-P. Mauclaire, cité par P.Leprohon in Le <strong>Cinéma</strong>,<br />

cette aventure, A.Bonne, Paris, 1970, p.65<br />

C’était en effet <strong>le</strong>s films <strong>le</strong>s plus spectaculaires, en particulier <strong>le</strong>s féeries, qui étaient vendus en cou<strong>le</strong>ur. D’autres<br />

titres pouvaient être cependant recommandés « <strong>pour</strong> coloris » ou accompagnés de la mention « sp<strong>le</strong>ndide<br />

en cou<strong>le</strong>urs ».Le Rêve du radjah (1900) dans <strong>le</strong> catalogue Star Film américain de 1908.<br />

Les films de Méliès semb<strong>le</strong>nt avoir été coloriés dès 1897, c’est-à-dire dès ses débuts. Il eu d’ail<strong>le</strong>urs très tôt <strong>le</strong> soucis<br />

de tourner la plupart de ses films avec, en tête, <strong>le</strong>s différents coloris qu’il ferait appliquer sur la pellicu<strong>le</strong>.<br />

Pour ce faire, il met en place un incroyab<strong>le</strong> dispositif dès la conception des décors, des costumes puis des maquillages.<br />

En effet, comme <strong>le</strong>s pellicu<strong>le</strong>s orthochromatiques de l’époque ne restituaient que certaines cou<strong>le</strong>urs,<br />

il eu l’idée de peindre ceux-ci en divers tons de gris afin d’éviter de se retrouver à l’étape du coloriage<br />

avec des masses noires et opaques pratiquement impossib<strong>le</strong>s à colorier. Méliès s’est d’ail<strong>le</strong>urs lui-même expliqué<br />

sur sa pratique :<br />

« Les décors sont exécutés d’après la maquette adoptée (…) et peints à la col<strong>le</strong>, comme la décoration théâtra<strong>le</strong>;<br />

seu<strong>le</strong>ment la peinture est exclusivement exécutée en grisail<strong>le</strong>, en passant par toute la gamme des gris intermédiaires<br />

entre <strong>le</strong> noir pur et <strong>le</strong> blanc pur. (…) Les décors en cou<strong>le</strong>urs viennent horrib<strong>le</strong>ment mal. Le b<strong>le</strong>u devient<br />

blanc, <strong>le</strong>s rouges et <strong>le</strong>s jaunes deviennent noirs, ainsi que <strong>le</strong>s verts; il s’ensuit une destruction complète<br />

de l’effet. Il est donc nécessaire que <strong>le</strong>s décors soient peints comme <strong>le</strong>s fonds des photographes. (…) Le mieux<br />

est de n’employer (…) que des objets fabriqués spécia<strong>le</strong>ment, et peints éga<strong>le</strong>ment dans diverses tonalités de<br />

gris graduées avec soin, suivant la nature de l’objet. Les films ou pellicu<strong>le</strong>s cinématographiques importants<br />

étant souvent coloriés à la main avant de <strong>le</strong>s projeter, il serait impossib<strong>le</strong> de colorier des objets réels photographiés,<br />

<strong>le</strong>squels, s’ils sont en bronze, en acajou, en étoffes rouges, jaunes ou vertes, viendraient d’un noir<br />

intense, sans transparence par conséquent, et sur <strong>le</strong>quel il serait impossib<strong>le</strong> de donner <strong>le</strong> ton réel translucide<br />

nécessaire à la projection (…). Par la même raison, la plupart des costumes doivent être fabriqués spécia<strong>le</strong>ment<br />

dans des tonalités qui viennent bien en photographie et susceptib<strong>le</strong>s de recevoir plus tard <strong>le</strong> coloris (…). Mais,<br />

là encore, (<strong>le</strong>s artistes) n’échappent pas à la loi qui régit la peinture des décors, dans <strong>le</strong>squels <strong>le</strong> blanc et <strong>le</strong> noir<br />

sont seuls employés. Ici, plus de rouge sur <strong>le</strong>s joues, ni sur <strong>le</strong>s lèvres, sous peine d’obtenir des têtes de nègres.<br />

Le maquillage se fait exclusivement au blanc et au noir. »<br />

«Les vues cinématographiques de Georges Méliès », Annuaire Général et International de la Photographie, Plon, Paris, 1907, p.376 et suivantes.<br />

L’atelier de coloris<br />

Une fois <strong>le</strong> film tourné, si une commande de film cou<strong>le</strong>ur lui arrivait passage de l’Opéra, Georges Méliès se tournait<br />

alors vers un « ateliers de coloris ». À l’époque, <strong>le</strong>s éditeurs de films avaient la possibilité de faire « colorier<br />

à façon » <strong>le</strong>urs bandes dans différents ateliers. Ainsi, en 1906, Char<strong>le</strong>s Pathé possédait, rue du Bois à<br />

Vincennes, un atelier de coloriage occupant 200 ouvrières où <strong>le</strong> travail se faisait entièrement au pochoir. De<br />

même, la maison Gaumont indique dans son catalogue : « Nous nous chargeons, moyennant un prix à façon,<br />

de colorier même <strong>le</strong>s bandes qui ne sont pas de notre col<strong>le</strong>ction. »<br />

128<br />

Mais l‘un des plus importants ateliers fut sans doute celui que dirigeait Elizabeth Thuillier, 87 rue du Bac, à<br />

Paris. Cette ancienne coloriste de plaques en verre et celluloïd <strong>pour</strong> lanternes magiques passait <strong>pour</strong> l’une des<br />

meil<strong>le</strong>ures de la profession. Rien d’étonnant donc que Georges Méliès, qui ne possédait pas son propre atelier<br />

de coloris, se soit tourné vers el<strong>le</strong> dès ses premiers films.<br />

« J’ai colorié tous <strong>le</strong>s films de M. Méliès. Ce coloriage était entièrement fait à la main. J’occupais deux cents<br />

ouvrières dans mon atelier. Je passais mes nuits à sé<strong>le</strong>ctionner et à échantillonner <strong>le</strong>s cou<strong>le</strong>urs. Pendant <strong>le</strong> jour,<br />

<strong>le</strong>s ouvrières posaient la cou<strong>le</strong>ur, suivant mes instructions. Chaque ouvrière spécialisée ne déposait qu’une<br />

cou<strong>le</strong>ur. Cel<strong>le</strong>s-ci, souvent, dépassaient <strong>le</strong> nombre de vingt. »<br />

Il faut ici bien évidemment comprendre que ce sont <strong>le</strong>s ouvrières spécialisées, et non pas <strong>le</strong>s cou<strong>le</strong>urs, qui dépassaient<br />

la vingtaine.<br />

Et Elisabeth Thuillier de <strong>pour</strong>suivre, à propos des coûts que la cou<strong>le</strong>ur engendrait : « De six à sept mil<strong>le</strong> francs<br />

par copie <strong>pour</strong> une bande de 300 mètres, et cela avant guerre. Nous exécutions en moyenne soixante copies <strong>pour</strong><br />

chaque production. Le coloriage à la main grevait donc assez lourdement <strong>le</strong> budget des producteurs. »<br />

L’Ami du Peup<strong>le</strong> (du Soir) – 13 décembre 1929<br />

« La cou<strong>le</strong>ur des films de Méliès est à cel<strong>le</strong> des films d’aujourd’hui<br />

ce que <strong>le</strong> vitrail est au linoléum artistique. »<br />

François Mazeline, 1929<br />

Au contraire des films de Pathé et Gaumont, <strong>le</strong>s bandes de Méliès semb<strong>le</strong>nt, au moins <strong>pour</strong> ceux passés chez<br />

E. Thuillier, n’avoir été coloriées qu’à la main, sans l’aide du pochoir. En effet, tous ses films en cou<strong>le</strong>ur connus<br />

présentent des coloriages instab<strong>le</strong>s d’une image à l’autre (au contraire du pochoir) et <strong>le</strong>s traits de pinceaux sont<br />

souvent très visib<strong>le</strong>s.<br />

Mais ce qui fait la particularité de la cou<strong>le</strong>ur chez Méliès est bien évidemment l’excel<strong>le</strong>nce du travail réalisé<br />

par l’atelier Thuillier. Le goût sûr d’Elisabeth Thuillier sur <strong>le</strong> choix et la répartition des cou<strong>le</strong>urs ainsi que l’habi<strong>le</strong>té<br />

des coloristes fait des films Méliès en cou<strong>le</strong>ur des œuvres d’art uniques.<br />

En-tête de <strong>le</strong>ttre provenant de l’atelier<br />

de coloris de Madame Elisabeth Thuillier à Paris.<br />

Letterhead from the Mrs Thuillier Ateliers,<br />

colorist in Paris.<br />

129

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!