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duVoyage - Fondation Groupama Gan pour le Cinéma

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Gorki au Royaume des Ombres<br />

En juil<strong>le</strong>t 1896, Maxime Gorki assista à une projection du <strong>Cinéma</strong>tographe Lumière<br />

à Nijni-Novgorod en Russie. Dans l’un des textes qu’il publia dans <strong>le</strong>s journaux à<br />

cette occasion, l’écrivain russe re<strong>le</strong>va avec une extrême sensibilité <strong>le</strong> si<strong>le</strong>nce et<br />

l’absence des cou<strong>le</strong>urs :<br />

« Hier soir, j’étais au Royaume des Ombres. Si seu<strong>le</strong>ment vous pouviez<br />

vous représenter l’étrangeté de ce monde. Un monde sans cou<strong>le</strong>ur, sans<br />

son. Tout ici – la terre, l’eau et l’air, <strong>le</strong>s arbres, <strong>le</strong>s gens – tout est fait<br />

d’un gris monotone. Des rayons de so<strong>le</strong>il gris dans un ciel gris, des yeux<br />

gris dans un visage gris, des feuil<strong>le</strong>s d’arbres qui sont grises comme la<br />

cendre. Pas la vie, mais l’ombre de la vie. (...) <strong>le</strong>s feuillages gris comme<br />

la cendre sont agités par <strong>le</strong> vent et <strong>le</strong>s silhouettes grises de gens condamnés<br />

à un perpétuel si<strong>le</strong>nce, cruel<strong>le</strong>ment punis par la privation de toutes<br />

<strong>le</strong>s cou<strong>le</strong>urs de la vie, ces silhouettes glissent en si<strong>le</strong>nce sur <strong>le</strong> sol gris.<br />

(...) Une vie naît devant vous, une vie privée de son et du spectre des<br />

cou<strong>le</strong>urs – une vie grise et si<strong>le</strong>ncieuse – une vie blafarde, une vie au rabais».<br />

Artic<strong>le</strong> paru dans <strong>le</strong> quotidien Nijegorodskilistok <strong>le</strong> 4 juil<strong>le</strong>t 1896. Traduction française par Jay Leyda,<br />

« Kino. Histoire du cinéma russe et soviétique », Lausanne, Ed. L’Age d’homme, 1976, p 472-474.<br />

126<br />

La<br />

Cou<strong>le</strong>ur<br />

L’absence des cou<strong>le</strong>urs fut effectivement très vite ressentie par <strong>le</strong>s spectateurs des premiers films. C‘est probab<strong>le</strong>ment<br />

ce qui explique que <strong>le</strong>s fabricants de vues animées d’alors se firent fort de présenter aux spectateurs<br />

des films coloriés. Les inventeurs redoublèrent donc d’imagination et <strong>le</strong>s procédés <strong>pour</strong> y parvenir furent<br />

nombreux avant de pouvoir présenter <strong>le</strong> premier film cou<strong>le</strong>ur en 1922. Certains procédés connurent une assez<br />

grande fortune et furent d’un emploi plus fréquent qu’on croit généra<strong>le</strong>ment 1 (même si, à l’époque de Méliès,<br />

<strong>le</strong>s vues coloriées sont restées minoritaires, constituant <strong>le</strong> clou des programmes).<br />

1. En 1905-1906, 25% des titres Pathé étaient vendus en cou<strong>le</strong>urs, dont 7% au pochoir.<br />

Les procédés<br />

Ce fut <strong>le</strong> cas du procédé <strong>le</strong> plus ancien mais qui donnait des résultats spectaculaires : <strong>le</strong> coloriage au pinceau.<br />

Cette technique est apparue dès 1894 (La Danse d’Annabel<strong>le</strong> de W.K.L.Dickdon, bande <strong>pour</strong> Kinetoscope) et consistait<br />

à peindre à la main avec un pinceau ou une brosse des cou<strong>le</strong>urs à l’aniline (transparentes, cel<strong>le</strong>s-ci étaient<br />

très lumineuses et préservaient l’effet de profondeur) sur des pellicu<strong>le</strong>s positives des films, image par image.<br />

On peut mesurer l’immensité du travail fourni <strong>pour</strong> colorier un film comme Le Voyage dans la lune si l’on songe<br />

qu’il a fallu peindre avec une minutie hors pair, cou<strong>le</strong>ur après cou<strong>le</strong>ur, <strong>le</strong>s 13 375 images de la bande.<br />

À partir de 1904, se développe la technique du pochoir, sans remplacer <strong>pour</strong> autant <strong>le</strong> coloriage. Les ouvrières<br />

découpaient alors à l’aide d’un sty<strong>le</strong>t, dans une copie positive, <strong>le</strong>s parties qui devaient être coloriées. Le pochoir<br />

ainsi obtenu était alors consacré à une seu<strong>le</strong> et même cou<strong>le</strong>ur. L’opération est répétée autant de fois qu’il y avait<br />

de cou<strong>le</strong>urs à poser. On appliquait ensuite la cou<strong>le</strong>ur à l’aide d’un coton imbibé.<br />

Au début de 1907, <strong>le</strong> découpage des pochoirs se mécanise puis, rapidement, plusieurs procédés sont mis au<br />

point <strong>pour</strong> colorier <strong>le</strong>s bandes grâce à des machines qui contrô<strong>le</strong>nt à la fois la superposition du pochoir et l’application<br />

des cou<strong>le</strong>urs.<br />

Se développent éga<strong>le</strong>ment très tôt d’autres techniques moins coûteuses et plus aisées d’exécution. Retenons <strong>le</strong><br />

teintage et <strong>le</strong> virage.<br />

La technique du teintage utilisait un colorant acide (Amaranthe, B<strong>le</strong>u direct, Ponceau, Vert acide, Vert naphtol,<br />

Vio<strong>le</strong>t acide…) qui pénétrait uniformément la gélatine de l’image positive, n’affectant que <strong>le</strong>s parties<br />

claires de la pellicu<strong>le</strong>. Les bandes étaient alors monochromes et l’image argentique fixée restait noire dans une<br />

gélatine entièrement teintée. On choisissait la cou<strong>le</strong>ur en fonction de l’ambiance dominante : vert <strong>pour</strong> <strong>le</strong>s paysages,<br />

b<strong>le</strong>u <strong>pour</strong> la nuit, jaune <strong>pour</strong> <strong>le</strong>s scènes d’intérieur…<br />

Quant à la technique du virage, el<strong>le</strong> consiste à remplacer l’argent métallique de la pellicu<strong>le</strong> positive par un sel<br />

coloré. La coloration sera donc plus intense sur <strong>le</strong>s parties sombres de l’image, contrairement aux parties<br />

claires où la gélatine est presque pure.<br />

Ces deux procédés, qui étaient parfois appliqués ensemb<strong>le</strong>, visaient à pallier modestement l’absence de coloriage<br />

(même si certains films pouvaient être en partie coloriés en parties virés).<br />

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