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Comment Wang-Fô fut sauvé des eaux, Margurite Yourcenar ...

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Rencontre départementale du 10 mai 2006« Quelles situations d’écriture pour quelle compréhension <strong>des</strong> textes ? »Compte-rendu de l’atelier autour de l’œuvre de Marguerite <strong>Yourcenar</strong>,<strong>Comment</strong> <strong>Wang</strong>-Fô <strong>fut</strong> sauvé, Gallimard, « Folio cadet ».Catherine Delarue, IUFM de CréteilIntervenants :Catherine Mathieu, école élémentaire Blaise-Pascal, Gagny.Bruno Rocca, collège Théodore-Monod, Gagny.Participants :Caroline Guidon, Professeur de Lettres, collège Christine de Pisan, Aulnay-sous-Bois.Christiane Lucchini, Professeurs de Lettres, collège Jean-Baptiste Corot, Le Raincy.Sylvie Maltraversi, Professeur de Lettres, MIDAP.René Paulin, Professeur de Lettres, collège Anatole France, Les Pavillons-sous-Bois.Marie-Louise Piquet, Professeur de Lettres, collège Joséphine Baker, Saint-Ouen.Aude Prévost, Professeur de Lettres, collège Pablo Neruda, Gagny.Dominique Privitera, Conseillère Pédagogique, Noisy-le-Sec.Sandra Séralini, Conseillère Pédagogique AIS,Valérie Verbrugge, Professeur <strong>des</strong> Ecoles, école Vert-Galant 2, Villepinte.La rencontreL’inaugural tour de table s’est vu immédiatement transmué en communion autour du grandclassique de <strong>Yourcenar</strong>, unanimement estimé <strong>des</strong> participants.Toutefois, cette belle harmonie s’est discrètement fendillée quand les questions didactiquesont été évoquées : texte digne <strong>des</strong> élèves, certes, mais élèves dignes du texte ? Enseignantscertes enthousiastes, mais pour combien de temps, si les élèves ne répondent pas ? Quepartager ? L’amour du texte, certes ; et si d’aucun ne l’aimaient pas ? Pire encore, s’il laissaitindifférent ?Grand classique donc, mais qui a eu, semble-t-il, le mérite de réveiller l’interrogation sur laplace de la subjectivité dans la lecture littéraire, notamment quand il s’agit d’une situation delecture à plusieurs.D’autre part, l’interrogation qui en découlait sur la réception <strong>des</strong> textes consacrés, susceptiblede ré-interroger les pratiques pédagogiques, a paru à tous salutaire.Les uns ont ainsi évoqué leur inquiétude, relative à leurs propres capacités de « passeurs »d’un texte aussi investi, tandis que d’autres ont transféré leurs craintes sur les élèves, doutant<strong>des</strong> critères qui permettraient de savoir à l’avance s’ils « correspondaient » à l’œuvre ! Biensûr, certains ont rappelé que tout élève avait le droit de ne pas aimer une œuvre ; maisl’inquiétude initiale est réapparue, quand il s’est agi d’imputer les causes de ce désamour.Et nous étions là au cœur <strong>des</strong> préoccupations qui présidaient à notre rencontre, <strong>des</strong>tinée à fairepasser au second plan les discours univoques sur l’œuvre, au profit de situations de productiond’écrit, qui visaient à amener les élèves à la fois à la questionner toujours plus en profondeur,et à le faire d’une manière toujours plus impliquée.L’œuvreL’édition proposée aux élèves du cycle 3 par le biais de la liste institutionnelle (Folio cadet) ad’emblée placé les participants au cœur d’un débat qui déborde largement l’école (mais quinous paraît justement tout à fait susceptible d’intéresser les élèves), concernant la définition<strong>des</strong> rapports tumultueux entre littérature et littérature de jeunesse.En effet, l’édition proposée aux élèves du cycle 3 par le biais de la fameuse listeinstitutionnelle n’est pas l’édition originale de 1938. C’est un texte réécrit par Marguerite<strong>Yourcenar</strong> elle-même à l’attention <strong>des</strong> enfants.1


<strong>Comment</strong> <strong>Wang</strong>-Fô <strong>fut</strong> sauvé relate l’histoire d’un peintre chinois de génie, <strong>Wang</strong>-Fô, dont lesœuvres donnent à voir un monde noble, grand et beau, et de son disciple Ling ; déçu par laréalité, trahi, dit-il, par <strong>Wang</strong>-Fô, l’Empereur le fait arrêter, et fait tuer Ling. Avant de luifaire subir son châtiment, l’Empereur ordonne au peintre d’achever son chef-d’œuvre, unpaysage de montagne et de mer. Et <strong>Wang</strong>-Fô s’y consacre, représentant une barque sur la mer,dirigée par Ling ressuscité, venu à la rencontre de <strong>Wang</strong>-Fô , pour l’emmener.Le texte édité par Folio est un texte tronqué, qui fait abstraction notamment d’un épisodenarratif que d’aucuns trouvent essentiel, et qui évoque le passé de Ling avant sa rencontreavec <strong>Wang</strong>-Fô. Il est par ailleurs réécrit, afin d’alléger certains passages, et d’en expliciterd’autres. Etait-ce opportun ? Le débat, grand classique du genre lui aussi, n’a été qu’ébauché ;mais tous étaient d’accord pour réaffirmer la nécessité d’une réflexion partagée avec lesélèves à la fois sur la propriété littéraire, et sur l’adressage de l’écriture. On trouvera unexemple de cette réécriture par Marguerite <strong>Yourcenar</strong> dans les documents de travail deCatherine Mathieu, fiche 0, et sur l’appropriation de cette problématique par les élèves dansles commentaires qui les suivent.La problématique de la propriété littéraire et du « vrai » texte ne <strong>fut</strong> néanmoins pas la seulesoulevée : La question initiale de la réception du texte a aussi entraîné celle de la résistance<strong>des</strong> textes, entendue comme une résistance intrinsèque de l’œuvre, au sens où l’entend C.Tauveron, mais aussi comme une résistance liée aux conditions de sa réception.Puis, c’est celle du genre qui a été abordée, et on a pu mettre en évidence le fait que les textesdits « poétiques » ne sont justement pas <strong>des</strong> poèmes, et que ce paradoxe méritait lui aussid’être soumis au jugement <strong>des</strong> élèves, leur permettant ainsi d’enrichir leurs représentations<strong>des</strong> catégories qu’ils sont amenés à manipuler.Enfin, face à la difficulté du vocabulaire et du lexique (entre autres), la question de la lectureinitiale a été soulevée : lecture magistrale, donc déjà subjective et interprétative, ou lecture<strong>des</strong> élèves, susceptible de produire aussi bien une confrontation productive entre les élèves etle texte, que de plonger certains d’entre eux dans <strong>des</strong> difficultés dont ils auraient du mal à sedégager par la suite. Pour cette question, une réponse d’ordre global a pu être suggérée : latendance était de la confier systématiquement aux élèves, sauf à les mettre en péril ; ce quiconstituait en quelque sorte un « élément repère », permettant de traiter ce problème enfonction du contexte de classe et du contexte de l’œuvre, plutôt que d’une manièresystématique, prédéterminée.Les intervenants ont alors présenté leur travail.Touchée elle-même par la découverte, lors de ses recherches préparatoires, de la versionréduite, à laquelle elle ne s’attendait pas, Catherine Mathieu s’est empressée de rechercherl’édition originale, qu’elle est parvenue à trouver. Après avoir exploré les différences entre lesdeux versions (Cf fiche 0), elle a présenté l’œuvre aux élèves, d’une manière qu’elle estime aposteriori peu favorable, puisque ceux-ci ont eu à leur tour le sentiment d’être en présenced’un « faux texte », donc d’un texte peu crédible, peu susceptible d’entraîner l’adhésion (etcelle-ci sera en effet difficile). Expérience originale, enrichie d’emblée d’une problématiquepeu fréquente, qui permettait de renouveler l’observation <strong>des</strong> modalités d’approche d’un textelittéraire par les élèves, et notamment de se pencher sur le rôle de l’enseignant dans cetteaffaire.Toutefois, pour complexifier la remarque précédente, ajoutons que l’œuvre faisait partie decelles proposées, à un moment de l’année bien antérieur à celui de l’étude de notre nouvelle,lors du rallye lecture, et qu’elle n’avait été choisie spontanément que par 3 élèves sur 26 : la2


problématique du « faux texte » a-t-elle été réellement un facteur de désenchantement pour lesélèves, ou n’a-t-elle fait que confirmer un préjugé défavorable ?Bruno Rocca, qui proposait l’œuvre à sa classe de 6°, confirme le caractère très résistant dutexte (même simplifié) pour ses élèves pourtant âgés de trois ans de plus que ceux deCatherine, à cause, dit-il, du caractère très « stylisé » de l’écriture, qui dissimule laproblématique pourtant très occidentale du rôle de l’artiste dans la société.La résistance du texte se voyait donc définie à la fois par <strong>des</strong> caractéristiques intrinsèques(transposition d’une situation culturelle à une autre, écriture très onirique), et par <strong>des</strong> élémentsextrinsèques, relatifs notamment à l’ignorance de cette problématique par les élèves, qui nepouvaient donc « la reconnaître » dans sa transposition orientale. Sur le plan didactique,l’identification (parfois anticipée !) d’éléments de résistances permettait évidemment nonseulement d’identifier également un certain nombre de moyens pour les dépasser, mais aussiet surtout de fournir à l’enseignant les modalités d’accès à l’œuvre s’appuyant d’abord surl’expérience <strong>des</strong> élèves.Ainsi, pour Catherine, outre les difficultés précédant la lecture évoquées plus haut, un certainnombre d’éléments de résistance ont été perçus après la lecture magistrale de la premièrepartie (jusqu’à l’arrivée <strong>des</strong> soldats). Notamment, l’incapacité pour les élèves de distinguer leséléments <strong>des</strong>criptifs <strong>des</strong> actions du livre, ou encore d’identifier le personnage dont il estquestion.Pour Bruno, parmi les difficultés anticipées, figuraient notamment celles-ci : ayant écritbeaucoup de récits et travaillé abondamment sur l’écriture du récit, ses élèves savaient écriredans la forme d’un récit, mais se montraient en peine d’en faire vivre l’univers. L’œuvre de<strong>Yourcenar</strong> était donc susceptible de poursuivre la réflexion <strong>des</strong> élèves, déjà bien amorcée, surles particularités du geste artistique.Et parmi les difficultés non anticipées, rencontrées notamment lors de la lecture de l’incipit dutexte, figure celle-ci : une représentation de l’orient exclusivement situé dans le Maghreb !Remarque : On trouvera dans les rubriques « commentaires » à la fois <strong>des</strong> commentaires relatifs auxproductions d’écrit citées en exemple, et d’autres, concernant l’ensemble <strong>des</strong> activités d’écritureproposées dans chaque classe.I. Catherine Mathieu, classe de CE2, école Blaise Pascal, à GagnyA. Notes et documents de travail élaborés par Catherine MathieuCritique parue dans Le Monde du 20/09/1991Cette édition (Pleïade) n'est même pas du " sale travail ". C'est tout simplement une absencede travail. Quelques semaines auraient suffi pour que la " Pléiade " proposât au moins un texte" propre ", assorti d'un répertoire <strong>des</strong> personnages cités et de quelques commentaires sur cerassemblement hétéroclite d'ouvrages d'inégale importance. L'ultime argument, pour s'abstenirde ce travail, était naturellement : " Ça se vendra quand même. "Cette " Pléiade " illustre parfaitement ce que les grands écrivains expriment dans leursaffrontements avec ceux qui les publient : pour un éditeur, un écrivain est parfait quand il estmort et pas encore " tombé " dans le domaine public. Il ne peut plus se plaindre et personnen'est en droit de proposer une édition convenable de ses textes.3


A Marguerite <strong>Yourcenar</strong>, qui prenait la peine d'écrire à <strong>des</strong> libraires pour savoir si <strong>des</strong> "exemplaires fautifs " de ses ouvrages étaient encore " malencontreusement " en circulation, ondevrait faire l'ultime cadeau de négliger ce volume inutile (3), fâcheux, " coûteux " aurait-elledit, et qui signale trop bien ce qu'elle a constamment dénoncé : un certain mépris pour lesécrivains.Savigneau JosyanePrésentation : <strong>Comment</strong> <strong>Wang</strong>-Fô <strong>fut</strong> sauvé <strong>des</strong> <strong>eaux</strong>Ce n’est pas le texte intégral, ni original. C’est une adaptation d’un apologue taoïste de lavieille Chine. Il a donc sans doute existé plusieurs versions de cet apologue, jusqu’à ce qu’ilsoit peut-être fixé par un écrivain, comme ont été fixés par Charles Perrault les contesconstituant la tradition orale française.Marguerite <strong>Yourcenar</strong> a eu connaissance d’une version de cet apologue qu’elle a réécrit pouren faire une nouvelle.Mais ce texte pose problème. En effet, les versions actuellement dans le commerce sont toutesvendues sous le nom de Marguerite <strong>Yourcenar</strong> mais diffèrent parfois beaucoup de l’une àl’autre. Ce que je trouve personnellement très gênant, c’est que rien n’indique qu’il s’agitd’une édition fautive.La version sur laquelle nous faisons généralement travailler nos élèves en élémentaire estcelle qui est commercialisée par Folio Cadet. Or, dans cette version, par exemple, ne figurepas l’histoire de Ling avant sa rencontre avec WF. Or, rien n’indique qu’il ne s’agit pas dutexte original, et rien n’indique non plus le nom de l’éditeur du texte (celui qui l’a réécrit). Ontrouve juste le nom de la maquettiste. Est-elle également éditeur du texte ? Nous ne pouvonspas le savoir.J’ai voulu retrouver le texte original de la nouvelle. En cherchant <strong>des</strong> éléments d’informationsur internet, j’ai trouvé un article paru dans Le Monde du 20 Septembre 1991, expliquant quemême la version Pleïade n’est pas fidèle aux textes divers de Marguerite <strong>Yourcenar</strong>.Marguerite <strong>Yourcenar</strong> a écrit ce texte en 1938. J’ai donc recherché l’édition de 1938,première édition <strong>des</strong> Nouvelles Orientales, dont il a été tiré les exemplaires numérotés. Cellecicomporte donc le vrai texte de Marguerite <strong>Yourcenar</strong>.Il n’y a sans doute, s’il y en a, que très peu entre l’édition Pleiade et l’édition de 1938, mais ily en a beaucoup entre l’édition Folio Cadet et le texte de Marguerite <strong>Yourcenar</strong>.Faut-il pour autant le dire aux élèves ? Je l’ai dit aux miens, et ils en ont conclu que le livrequ’ils avaient était un « faux » et qu’il ne méritait donc pas leur intérêt. Sans doute sont ilstrop jeunes pour en comprendre la portée. Mais je trouvais intéressant de leur faire comparerdeux versions d’un même texte.En tout état de cause, il me semble important, pour vous, de le savoir. Et je vous en montreraiun exemple tout à l’heure.J’ai fait travailler mes élèves sur ce texte selon 5 axes principaux , qui constituent lesParticularités du livre :- le poétique, le beau de l’écriture (ce qui frappe l’adulte dès la première lecture)- le fantastique (avec la fin énigmatique)- la culture d’Asie (par exemple, être vêtu de loques a une connotation négative pournous)- la comparaison de textes (puisque nous avons plusieurs éditions différentes, autant enprofiter)4


- réflexion sur le rapport entre la peinture et la vision du monde (la grande question del’Art).Ce livre faisant partie d’un rallye lecture du journal La Classe pour le CE1-CE2, je ne me suispas posée la question de sa difficulté. Or, dès que j’en ai entrepris la lecture, j’ai dû revoir mesobjectifs, et mon principal objectif a été de faire comprendre ce texte à mes élèves.ObjectifsJe considère que le livre est compris quand les élèves auront réussi à se représenterclairement :ce que raconte le livre : 1er niveau de compréhension, celui de l’anecdote<strong>Comment</strong> l’histoire est racontée : par qui ? C’est la question du narrateur ou de l’éditeur,et, du point de vueCe que signifie l’histoire racontée : un récit littéraire est une construction symbolique quisignifie toujours plus que les événements qu’il configure.Surtout dans ce cas puisque c’est l’adaptation par Marguerite <strong>Yourcenar</strong> d’un apologue taoïste(Apologue : court récit en prose ou en vers, allégorie comportant un enseignement decaractère souvent moral)Du plus simple au plus complexe, j’ai proposé à mes élèves d’écrire pour mieux lire :- les E écrivent et/ou <strong>des</strong>sinent- M écrit les débats et les réponses trouvées oralement. Importance de la trace écritepour y revenir.L’important est souvent d’y réfléchir, ce n’est pas d’avoir bon ou faux.C’est pourquoi on est contre les questions de compréhension.C’est pourquoi j’évalue la participation seulement mais pas la réponse.L’ORL se fait sur l’histoire, la géo, les sciences, l’ed. civique (documents ou récits), sur lelivre de lecture, mais pas sur la littérature (pour ne pas gâcher le plaisir)Je vais donc maintenant vous présenter le travail que j’ai proposé à mes élèves. L’objet decette rencontre étant écrire pour mieux lire, je vous présente leur travail en fonction <strong>des</strong>objectifs de lecture.Fiche 0Texte 1 de 1938Un jour, au soleil couchant, ils atteignirent les faubourgs de la ville impériale, et Ling cherchapour <strong>Wang</strong>-Fô une auberge où passer la nuit. Le vieux s’enveloppa dans <strong>des</strong> loques et Ling secoucha contre lui pour le réchauffer, car le printemps venait à peine de naître, et la maisonétait encore glacée. A l’aube, <strong>des</strong> pas lourds retentirent dans les corridors de l’auberge ; onentendit les chuchotements effrayés de l’hôte, et <strong>des</strong> commandements criés en en languebarbare. Ling frémit, se souvenant qu’il avait volé la veille un gâteau de riz pour le repas dumaître. Ne doutant pas qu’on ne vînt l’arrêter, il se demanda qui aiderait demain <strong>Wang</strong>-Fô àpasser le gué du prochain fleuve.5


Les soldats entrèrent avec <strong>des</strong> lanternes. La flamme filtrant à travers le papier barioléjetait <strong>des</strong> lueurs rouges ou bleues sur leurs casques de cuir. La corde d’un arc vibrait sur leurépaule, et les plus féroces pourraient tout à coup <strong>des</strong> rugissements sans raison. Ils posèrentlourdement la main sur la nuque de <strong>Wang</strong>-Fô, qui ne put s’empêcher de remarquer que leursmanches n’étaient pas assorties à la couleur de leur manteau.Texte 1 de 1990Un soir, au soleil couchant, ils atteignirent les faubourgs de la capitale, et Ling cherchapour <strong>Wang</strong>-Fô une auberge où passer la nuit. Le vieux s’enveloppa dans <strong>des</strong> loques et Ling secoucha contre lui pour le réchauffer, car le printemps commençait à peine, et le sol de terrebattue était encore gelé. Ling souffrait de la saleté de l’auberge, mais le vieux s’enchantait <strong>des</strong>ombres tremblotantes qu’une maigre lampe jetait sur les murs et <strong>des</strong> étranges <strong>des</strong>sins quefaisaient au plafond les traces de suie. A l’aube, <strong>des</strong> pas lourds retentirent dans les corridors,et <strong>des</strong> commandements criés en en langue barbare. Ling frémit, se rappelant qu’il avait volé laveille un gâteau pour le repas du maître. Ne doutant pas qu’on ne vînt l’arrêter, il se demandaqui aiderait demain le vieux à passer le gué du prochain fleuve.Les soldats entrèrent avec <strong>des</strong> lanternes. La flamme filtrant à travers le papier bariolémettait sur leurs visages <strong>des</strong> reflets rouges, jaunes et bleus. Ils rugissaient comme <strong>des</strong> bêtesfauves et la corde de leur arc vibrait à chaque cri. L’un d’eux posa rudement la main sur lanuque de <strong>Wang</strong>-Fô, qui ne pouvait s’empêcher d’admirer la broderie de leurs mant<strong>eaux</strong>.Fiche 111. Lis cette phrase p.22Le jour, assis sur un tapis dont je savais par cœur les <strong>des</strong>sins, reposant mes mains sur mesgenoux de soie jaune, je me représentais le monde, le pays de Han au milieu, pareil à la plainecreuse et monotone de la main que sillonnent les lignes profon<strong>des</strong> <strong>des</strong> Cinq Fleuves.Maintenant, dis successivement les suites de mots codés /1-1-4/, puis /1-2-1-1/, puis /1-1-4-1/,puis /1-1-3-1/1. Le jour,2. assis sur un tapis dont je savais par cœur les <strong>des</strong>sins,3. reposant mes mains sur mes genoux de soie jaune,1. je me représentais le monde,1. le pays de Han au milieu,4. pareil à la plaine creuse et monotone de la main que sillonnent les lignes profon<strong>des</strong> <strong>des</strong>Cinq Fleuves.Enfin, prépare-toi à dire toute la phrase ? Quand tu dois t’arrêter pour respirer, tu le faisuniquement à la fin d’une ligne :Le jour, assis sur un tapis dont je savais par cœur les <strong>des</strong>sins,reposant mes mains sur mes genoux de soie jaune,je me représentais le monde,le pays de Han au milieu,pareil à la plaine creuse et monotone de la main que sillonnent les lignes profon<strong>des</strong> <strong>des</strong> CinqFleuves.2. Lis cette phrase p.28Je possède dans ma collection de tes œuvres une peinture admirable où les montagnes,l’estuaire d’un fleuve et la mer se reflètent, infiniment rapetissés sans doute, mais avec une6


intensité qui surpasse celle <strong>des</strong> objets eux-mêmes, comme les figures qui se mirent sur lesparois d’une sphère.Maintenant, dis successivement les suites de mots codés /1-1/, puis /1-2-1/, puis /1-1-3/, puis/1-1-3-4-4/1. Je possède2. dans ma collection de tes œuvres1. une peinture admirable3. où les montagnes, l’estuaire d’un fleuve et la mer se reflètent,5. infiniment rapetissés sans doute, mais4. avec une intensité qui surpasse celle <strong>des</strong> objets eux-mêmes,4. comme les figures qui se mirent sur les parois d’une sphère.Enfin, prépare-toi à dire toute la phrase ? Quand tu dois t’arrêter pour respirer, tu le faisuniquement à la fin d’une ligne :Je possède dans ma collection de tes œuvres une peinture admirableoù les montagnes, l’estuaire d’un fleuve et la mer se reflètent, infiniment rapetissés sansdoute,mais avec une intensité qui surpasse celle <strong>des</strong> objets eux-mêmes,comme les figures qui se mirent sur les parois d’une sphère.Débats d’interprétation- Le don10. <strong>Wang</strong>-Fô aurait dû être riche, mais il aimait mieux donner que vendre.11. Ling, en échange de ses leçons, lui donnait tous les soins qu’un disciple doit à son maître.Il mendiait du riz quand <strong>Wang</strong> et lui étaient à court de piécettes d’argent ; et quand les gensétaient trop avares pour donner, il volait.11. Il massait le soir les pieds fatigués du vieux, et, le matin, il se levait de très bonne heurepour aller voir aux alentours s’il n’y avait pas un paysage que le maître aimerait peindre.16. Ne doutant pas qu’on ne vînt l’arrêter, il se demanda qui aiderait demain le vieux à passerle gué du prochain fleuve.18. ..., et Ling désolé regardait son maître en souriant, ce qui était pour lui une façon plustendre de pleurer.- La richesse, la puissance absolue qui isolent du monde.20. Comme ses courtisans, rangés au pied <strong>des</strong> colonnes, tendaient l’oreille pour recueillir lemoindre mot sorti de ses lèvres, il avait pris l’habitude de parler toujours à voix basse.22. Personne, sauf quelques vieux serviteurs qui se montraient le moins possible, n’avait ledroit de franchir mon seuil, de crainte que l’ombre de ces passants ne s’étendît jusqu’à moi .22. Et, pour m’aider à me représenter toutes ces choses, je me servais de tes peintures.26. ... j’ai décidé qu’on te brûlerait les yeux, puisque tes yeux dont deux portes magiques quit’ouvrent ton royaume. Et puisque tes mains sont les deux routes aux dix embranchements quimènent au cœur de ton empire, j’ai décidé qu’on te couperait les mains.26. Et je te hais aussi, vieux <strong>Wang</strong>-Fô, parce que tu as su te faire aimer.27. L’Empereur fit un signe, et deux esclaves essuyèrent les yeux de <strong>Wang</strong>-Fô.28. Sur un signe du petit doigt de l’empereur, deux esclaves apportèrent respectueusement lapeinture inachevée où <strong>Wang</strong>-Fô avait tracé l’image de la mer et du ciel.36. Je ne me doutais pas qu’il y avait assez d’eau dans la mer pour noyer un empereur.- Un monde idéal donné à voir à ceux qui le méritent : savoir en savourer toutes lesbeautés.7


11. Il massait le soir les pieds fatigués du vieux, et, le matin, il se levait de très bonne heurepour aller voir aux alentours s’il n’y avait pas un paysage que le maître aimerait peindre.12. Ling souffrait de la saleté de l’auberge, mais le vieux s’enchantait <strong>des</strong> ombrestremblotantes qu’une maigre lampe jetait sur les murs et <strong>des</strong> étranges <strong>des</strong>sins que faisaient auplafond les traces de suie.- Les forts et les faibles : l’injustice mais finalement la justice rétablie.32.C’était bien Ling.32. <strong>Wang</strong>-Fô lui dit doucement en continuant à peindre :- Je te croyais mort.- Vous vivant, dis respectueusement Ling, comment aurais-je pu mourir ?32. Et il aida le maître à monter en barque.37. - La mer est belle, le vent bon, les ois<strong>eaux</strong> marins font leurs nids. Partons, mon Maître,pour le pays de l’au-delà <strong>des</strong> flots.- La puissance du peintre qui crée l’illusion.10. On disait que ses images saintes exauçaient d’emblée les prières ; quand il peignait uncheval, il fallait toujours qu’il le montrât attaché à un piquet ou tenu par une bride, sans quoile cheval s’échappait au grand galop du tableau pour ne plus revenir. Les voleurs n’osaientpas entrer chez les gens pour qui <strong>Wang</strong>-Fô avait peint un chien de garde.30. Puis, il ajouta à la surface de la mer de petites ri<strong>des</strong> qui ne faisait que rendre plusprofonde sa sérénité. Le pavement de jade devenait singulièrement humide, mais <strong>Wang</strong>-Fô,absorbé dans sa peinture, ne remarquait pas qu’il travaillait les pieds dans l’eau.33. Les tresses <strong>des</strong> courtisans submergés ondulaient à la surface comme <strong>des</strong> serpents, et latête de l’empereur flottait comme un lotus.- Le peintre est-il un imposteur ? A-t-il le droit de transformer le réel en imaginaire ?22. A seize ans, j’ai vu se rouvrir les portes qui me séparaient du monde ; je suis monté sur laterrasse du palais pour regarder les nuages, mais ils étaient moins b<strong>eaux</strong> que ceux de tescrépuscules.J’ai commandé une litière ; secoué sur <strong>des</strong> routes dont je ne prévoyais ni la boue ni les pierres,j’ai parcouru les provinces de l’Empire sans trouver tes jardins pleins de femmes semblables à<strong>des</strong> fleurs et tes forêts remplies d’antilopes et d’ois<strong>eaux</strong>. Les cailloux <strong>des</strong> rivages m’ontdégoûté <strong>des</strong> océans ; la laideur <strong>des</strong> villages m’empêche de voir la beauté <strong>des</strong> rizières, et le rireépais de mes soldats me soulève le cœur. Tu m’as menti, <strong>Wang</strong>-Fô, vieil imposteur : leroyaume de Han n’est pas le plus beau <strong>des</strong> royaumes et je ne suis pas l’Empereur.- Finalement, qu’est-ce que l’art ?24. Le seul empire sur lequel il vaille la peine de régner est celui où tu pénètres, vieux <strong>Wang</strong>,par le chemin <strong>des</strong> Mille Courbes et <strong>des</strong> Dix Milles Couleurs. Toi seul règnes en paix sur <strong>des</strong>plaines couvertes d’une neige qui ne peut fondre et sur <strong>des</strong> champs de fleurs qui ne peuventpas mourir.- L’autre monde<strong>Comment</strong> Ling peut-il réapparaître ? Sont-ils morts tous les deux ? Sont-ils vivants tousles deux ? Passent-ils vraiment dans l’autre monde ?B. Les productions <strong>des</strong> élèves8


Productions ManoRecopie les 5 premiers mots de chaque paragraphe.Le vieux peintre <strong>Wang</strong>-Fô etPersonne ne peignait mieux que<strong>Wang</strong>-Fô aurait du être riche.Ling en échange de ses.Un soir, au soleil couchantLes soldats entrèrent avec <strong>des</strong>Soutenu par son disciple, <strong>Wang</strong>-Fô.Il arrivèrent sur le seuil.C’était une grande pièce (rajouté).Le Maitre. Céleste était aussi (flèche vers la partie suivante)____________________________________________________Sa voix était si douce.____________________________________________________Tu me demande ce que.En entendant cette sentence.le.Ling fit un bond en.L’empereur fit un signe.Sur un signe du petit___________________________________________________(barré) Il co wang-fô recommença à teinter. deLe frêle canot grossi sous.C’était bien Ling. Il<strong>Wang</strong>-Fô lui dit doucement en.______________________________________________________Vous vivant dit respectueusment Ling.Et Ling (barré) il aida le maitre.Les tresses <strong>des</strong> courtisans submergés.L Regarde mon disciple dit mélancoliquement(barré) Ne crins rien maître murmure(barré) La mer est belle, le(barré) Partons. Dit le vieux peintre.<strong>Wang</strong>-Fô se saisit du guvernail..La pulsation <strong>des</strong> rames.sEnfin la barque vira autoutLe sillage s’éffaça de.Donne un titre a chacune <strong>des</strong> parties de l’histoire.1 Le maître et son disciple2 Le maître et son disciple se font arréter.3 L’empereur a une douc vie4 la sentence de <strong>Wang</strong>-Fô5 La peinture de <strong>Wang</strong>-Fô6 (barré) La, il partir dansle tbleau.9


Productions Romain (1° page).Recopie les 5 premiers mots de chaque paragraphe.En entendant cette sentence, la(toute la phrase barrée) Ling fit un bond enL’Empereur fit un signe, etEcoute (barré)< dit> vieux <strong>Wang</strong>-Fô, dit l’’EmpeureSur un signe du petit<strong>Wang</strong>-Fô commença par teinter dePuis il ajouta à la (barré)< surface>Le frêle canot grossi sous(barré)C’était bien Ling. Il (barré) WF lui dit doucement enEt il aida le maîtreLes tresses <strong>des</strong> courtisans submergés(barré) WF se saisit du (réécrit) (barré) .La pulsation <strong>des</strong> rames s’affaiblitEnfin, la barque vira autourLe (barré) sillage s’effaça de laDonne un titre à chacune <strong>des</strong> parties de l’histoire1) WF et Ling2) L’entrer (barré) chez l’Empereur.3) Rencontre avec l’Empereur4) La mort de Ling5) La magie de la (barré) peiture de WF6) La peiture devient (barré). ou le retour de Ling> vraisC. <strong>Comment</strong>aires (C. Delarue).L’ensemble <strong>des</strong> activités d’écriture proposées par C. Mathieu vise à permettre à l’élève unecirculation plus fluide entre l’espace de l’auteur, circonscrits par ses intentions, et celui dulecteur, en quête de ses propres émotions et de ses propres rés<strong>eaux</strong> de signification. Il s’agitdonc bien ici de chercher à instaurer un rapport dialogique entre l’œuvre et son lecteur.Du côté de l’auteur, l’objectif de la première activité (« Recopie les 5 premiers mots dechaque paragraphe »), appliqué à la première moitié du livre pour un groupe, à la deuxièmepour l’autre, avait pour but de retrouver ce qui avait présidé à la composition de l’œuvre, etqui n’apparaissait pas de manière explicite (pas de titres, pas de chapitres…).La comparaison entre les deux versions (celle de 1938 et celle de 1991) du texte proposé enfiche 0 avait la même finalité : percevoir, grâce au procédé de la double écriture, donc, en10


quelque sorte, grâce à la « reformulation » de son propre texte par l’auteur, ses intentionsimplicites.Dans l’exercice 1, le travail de Romain montre une activité intellectuelle sélective : les débutsde dialogues ont été retirés (« Et je te hais » a été barré), et Romain s’est efforcé de ne prendreen compte que les alinéas, et non tous les débuts de page.Mano, pour sa part, qui a travaillé sur l’ensemble de l’œuvre et non sur la moitié seulement, achoisi de restituer à la fois les paragraphes, dont il repère aussi la matérialité (lecture) grâc<strong>eaux</strong> alinéas, et les « chapitres », qu’il matérialise (écriture) sur sa feuille au moyen d’un traitde séparation appuyé, et qu’il définit en fonction <strong>des</strong> changements de lieux (« sur le seuil »),de temps (« un soir »), ou encore en fonction <strong>des</strong> éléments narratifs déterminants de l’histoire: (« puis il ajouta à la surface de la mer », « vous vivant… »). On entre ici dans un vrai rapportdialogique avec l’œuvre, donc impliquant le lecteur, et cherchant à définir <strong>des</strong> élémentsobjectifs en s’appuyant sur sa propre subjectivité de lecteur.La deuxième activité, (« Donne un titre à chacune <strong>des</strong> parties »), s’est révélée d’autant plusintéressante qu’elle demeure difficile à analyser : dans les deux productions proposées (quisont représentatives de l’ensemble de la classe), les titres sont constituées à la fois de phrasesnominales, et de phrases conjuguées.Une première analyse consiste à considérer que les phrases nominales représentent lespassages les moins investis par les élèves (c’est ce que suggère Catherine, qui, par le biaisd’autres activités, a pu percevoir ce type de différences), et les phrases conjuguées lespassages appréciés.Une autre étape de la réflexion consiste à prendre pour référence de l’analyse le caractèrecanonique, institutionnel de l’exercice : un titre, ce n’est pas une phrase ! C’est donc ungroupe nominal.Mais il est également possible d’approcher d’un peu plus près la subjectivité ici exprimée :chez Mano, par exemple, les titres « l’empereur a une douce vie » et « ils partirent dans letableau » ne cherchent-ils pas à restituer la dimension poétique de ces passages, ainsi quel’émotion qu’ils suscitent ? L’emploi d’un groupe nominal au lieu d’une phrase conjuguéeaurait davantage marqué une position de surplomb, donc affectivement moins investie sansdoute.D’autres aspects pourraient faire l’objet d’analyse : la phrase conjuguée tient peut-être aussiparfois de titre quand la création d’un groupe nominal se présente comme une activité tropardue pour l’élève : par exemple, dans la copie de Romain, « La peinture devient vraie » : laconstitution d’un groupe nominal acceptable de signification voisine était improbable !Il ne s’agit donc pas de trancher sur l’exactitude de telle ou telle analyse ; mais plutôt demontrer l’hétérogénéité <strong>des</strong> modalités discursives <strong>des</strong> élèves eux-mêmes, hétérogénéité quitémoigne ici de la richesse <strong>des</strong> significations perçues, plutôt que de leur dispersion.Enfin, face à l’hétérogénéité <strong>des</strong> significations, il était essentiel de faire percevoir aux élèvesquelque chose de l’homogénéité du genre : les élèves ont donc eu à « réécrire en poème » unpassage (de leur choix) du texte de <strong>Yourcenar</strong>, qui leur paraissait justement particulièrementpoétique. Et ils ont eu le sentiment de l’impossibilité de cette transposition-là, impossibilitéqui ouvrait la réflexion sur le lien entre poésie et page poétique.II. Bruno Rocca, classe de 6 e , collège Théodore Monod à GagnyA. Notes et documents de travail élaborés et rédigés par Bruno RoccaLire et écrire : autour de <strong>Comment</strong> <strong>Wang</strong>-Fô <strong>fut</strong> sauvé, <strong>Yourcenar</strong>11


Le texte de <strong>Yourcenar</strong>- Une <strong>des</strong> Nouvelles orientales : donc une altérité revendiquée, orientale dans le sujet (etdans l’écriture ?)- Une interrogation sur la peinture et la représentation du monde par l’artiste : quirejoint la question occidentale de la mimesis et du rôle de l’artiste dans la « république »,- Un récit bref qui tend au fantastique : où la contemplation du geste artistique amène lemerveilleux et la création.Ce récit, court, mais complexe pour <strong>des</strong> élèves de sixième en raison de son extrêmestylisation, où le « réel » évoqué par la narration et l’œuvre de <strong>Wang</strong>-Fô tendent à seconfondre, est éloigné <strong>des</strong> habitu<strong>des</strong> culturelles <strong>des</strong> élèves. Toute la séquence sera doncjustifiée par la nécessité de s’interroger, de nommer et investir la « résistance » du texte.L’objectif est davantage de formuler et suivre les questions posées par le texte que dechercher un message univoque.La séquence dans l’année de sixième1. Objectifs généraux de la sixièmeElle répond aux attentes <strong>des</strong> programmes de 6ème et leurs accompagnements :· Le discours narratif et le genre littéraire du conte sont les principaux objets d’étude ensixième,· Le travail sur la poésie vise à développer la sensibilité à l’« émotion esthétique », maisla fonction poétique n’est pas l’apanage de la poésie,· L’étude de l’image invite à s’interroger sur ses fonctions narratives,· La pratique de l’écriture porte essentiellement sur le récit et une initiation à la<strong>des</strong>cription. L’écriture par imitation est encouragée mais au service de la « sensibilité etl’imagination » particulières de chaque élève.· La nouvelle de <strong>Yourcenar</strong> est préconisée dans les accompagnements à la rubrique «Romans et récits merveilleux »2. Place de la séquence dans la progression annuelleElle prend place en avril et mai, les contraintes de temps n’ont pu faire éviter la coupure <strong>des</strong>vacances de printemps. Le travail réalisé a nécessité 13 heures de classe soit près de troissemaines (5 heures par semaine).Elle s’intègre à la progression de l’année visant à mieux maîtriser la lecture et l’écriture derécits : après un récit pour la jeunesse (Les voleurs d’écriture, Begag), et avoir exploré leconte merveilleux, nous avions étudié les récits mythologiques grecs, latins et bibliques (àcette occasion, nous avions étudié un poème de <strong>Yourcenar</strong> reprenant la Genèse) puis lul’Odyssée. Par ailleurs, les élèves avaient lu cursivement d’autres romans : La rivière àl’envers, Mourlevat, et L’œil d’Horus, Surget. Pour les amener à fréquenter le CDI, ils ontégalement lu pour décider d’une partie <strong>des</strong> achats de romans disponibles au prêt. Ces travauxs’ajoutent à ceux menés en primaire, les élèves ont donc déjà une certaine culture du récitlittéraire, essentiellement puisée dans la littérature de jeunesse ou adaptée pour la jeunesse.Au cours de ces séquences, les élèves ont appris à organiser un récit, construire <strong>des</strong>personnages, expliquer leur conduite, changer de narrateur et à pratiquer certains genres : leconte, le récit à visée explicative (légende et mythe), la lettre narrative, le récit « épique ».12


L’objectif n’est donc pas dans cette séquence d’acquérir les compétences fondamentales de lalecture de récit : retrouver une chronologie, repérer les personnages, s’interroger surl’enchaînement <strong>des</strong> actions et le mode de narration sont <strong>des</strong> pratiques habituelles de la classe.Presque tous les élèves les maîtrisent pour <strong>des</strong> textes simples et brefs, mais cela ne suffit paspour accéder à <strong>des</strong> textes dont les références leur sont radicalement étrangères commel’Odyssée, ou plus généralement pour accéder aux textes qui ne sont pas écrits spécifiquementen vue d’une lecture par la jeunesse (difficultés de la langue, jeu sur l’implicite…).En expression écrite, à ce moment de l’année, un palier semble difficile à franchir : la plupart<strong>des</strong> élèves écrivent <strong>des</strong> textes bien construits mais ne parviennent pas, dans la grandemajorité, à faire exister leur univers narratif faute de recourir à la <strong>des</strong>cription. D'autre part,bien <strong>des</strong> difficultés de langue subsistent, en particulier pour écrire <strong>des</strong> phrases complexes,assurer les accords et utiliser un vocabulaire précis pour nommer et qualifier les émotions etréactions <strong>des</strong> personnages.La séquence fait immédiatement suite à une séquence de découverte <strong>des</strong> formes poétiques oùl’on s’est en particulier interrogé sur la représentation de l’écriture poétique chez plusieursauteurs (Queneau, Tardieu, Guillevic, Claude Roy) et l’écart distinguant la parole poétique del’usage commun de la langue. Dans cette séquence, les écritures proposées relevaient du jeupoétique à contrainte et de l’imitation. Elles ont permis essentiellement d’aborder lesproblèmes de la <strong>des</strong>cription et de l’image : comment l’écriture donne-t-elle à voir ou sentir unmonde ? (écriture de calligrammes, de haïkus, lecture de Ponge). Mais la gratuité du poème asouvent amené <strong>des</strong> textes très techniques et ludiques, sans que véritablement une sensibilités’y exprime, sauf pour quelques élèves.3. Objectifs de la séquence sur <strong>Comment</strong> <strong>Wang</strong>-Fô <strong>fut</strong> sauvéLe travail mené autour de <strong>Wang</strong>-Fô a donc visé les objectifs suivants :- comprendre un récit complexe,- écrire <strong>des</strong> récits intégrant <strong>des</strong> passages <strong>des</strong>criptifs dans le but de transmettre au lecteurune image de l’univers fictif que l’on a créé,- poursuivre la réflexion sur la singularité du geste artistique et de la parole poétique.Ces perspectives ont conduit à écarter d’autres pistes qui auraient pu permettre d’explorer lanouvelle de <strong>Yourcenar</strong>, en particulier celle de l’Orient. Le lien avec d’autres textes <strong>des</strong>Nouvelles orientales ne sera donc pas fait, ni la recherche <strong>des</strong> sources de <strong>Comment</strong> <strong>Wang</strong>-Fô<strong>fut</strong> sauvé.Le lien lecture-écriture dans cette séquenceTout travail de lecture donne lieu à un travail d’écriture, ne serait-ce qu’au moment d’écrire lecours. A l’inverse, l’écriture suppose <strong>des</strong> lectures antérieures mais le lien reste souventimplicite dans ce sens, sauf dans la pratique scolaire.1. Ecriture de commentaire et écriture de création :Elles sont souvent opposées mais l’écriture d’invention est un outil intéressant pour amener lalecture et justifier la nécessité de l’analyse. Ce <strong>fut</strong> le cas en particulier lors du travail surl’incipit et le retour en arrière initial : pour écrire un texte qui ne se limite pas à unetransformation grammaticale, il fallait s’interroger sur la relation que Ling entretient avec<strong>Wang</strong>-Fô (maître admirable, père symbolique et initiateur) donc lire le texte de <strong>Yourcenar</strong>. De13


la même manière, pour imaginer les réactions face au tableau du chien par <strong>Wang</strong>-Fô et samanière de procéder, il faut s’appuyer sur la nouvelle.Difficultés :- l’utilisation du texte <strong>des</strong> élèves comme pistes d’entrée dans celui de <strong>Yourcenar</strong> conduità distinguer les difficultés d’expression écrite et celles de lecture. Pour certains élèves, celacrée de la confusion : peu à l’aise dans leur expression écrite, leur attention s’est détournée dutexte de <strong>Yourcenar</strong> mais dans la grande majorité, cela a motivé la lecture qui trouvait unefinalité précise.- l’élaboration d’un consensus sur les textes produits par les élèves (que peut-onaccepter ou non ?) fait du texte de <strong>Yourcenar</strong> un juge, ce qui peut amener une paraphrase sansvéritable compréhension, par souci de « coller » au texte initial et de montrer à l’enseignantqu’on a compris la procédure.2. Que faire <strong>des</strong> écrits intermédiaires ?En temps normal, la plupart <strong>des</strong> textes écrits au cours <strong>des</strong> séances de lecture seraient restésstrictement personnels. Mais, devant présenter la séquence, je leur ai demandé de me remettreleurs brouillons ce qui change immédiatement leur attitude puisque leur écrit trouve un<strong>des</strong>tinataire, voire un évaluateur sournois.Si plusieurs textes avaient pour objectif de mieux lire le récit de <strong>Yourcenar</strong>, on peuts’interroger sur le choix de ne pas revenir sur leur qualité d’écrits. Il me semble qu’enannonçant clairement aux élèves le statut de leur texte, ils comprennent que les exigences delisibilité et de respect de la langue restent essentielles même si elles ne sont pas l’objet d’uneévaluation. Au contraire, intervenir systématiquement sur la syntaxe, l’orthographe, le lexiquede tout texte produit par les élèves pourrait bloquer les apprentissages, y compris d’expressionécrite.3. <strong>Comment</strong> concilier l’écriture individuelle et la transmission collective à la classe ?La plupart <strong>des</strong> textes écrits par les élèves ont donné lieu à <strong>des</strong> lectures orales pour faireémerger les questions de lecture, de grammaire et d’expression écrite qui forgeaient l’axedirecteur <strong>des</strong> cours. Le premier écueil de ce fonctionnement est qu’il ne part jamais que <strong>des</strong>textes de quelques élèves. A écouter les textes d’autrui, les élèves jugent le leur ets’interdisent parfois de proposer leur écriture après d’autres qu’ils jugent plus réussies. Si l’onne joue qu’avec les élèves volontaires, on favorise les plus à l’aise. Si l’on prend <strong>des</strong> élèvesmoins en réussite, on devra les amener à entendre souvent leurs difficultés mises à jour devanttous, ce qui peut apparaître comme un piège tendu par l’enseignant.Une solution consiste à l’oral à ne pas juger de la qualité <strong>des</strong> textes lus mais à relever leséchos et les divergences d’un texte d’élève à l’autre pour amener la formulation de questionsqui sont ensuite explorées collectivement.La transmission orale du texte au groupe conduit également parfois à faire disparaître certainstraits de l’écrit. Fréquemment, les élèves lecteurs ont ainsi modifié à l’oral le texte qu’ilsavaient écrit en particulier pour ajouter <strong>des</strong> commentaires sur ce qu’ils voulaient dire maisn’ont pas rédigé. Cela démontre l’intérêt de l’oral pour prendre une attitude réflexive parrapport au texte que l’on a produit mais diminue l’exigence d’un texte écrit qui se suffise àlui-même.La solution pourrait être de reproduire à l’écrit <strong>des</strong> textes d’élèves pour demander leur lecturesilencieuse. Alors se pose le problème du rôle de l’enseignant : faut-il corriger ou non lestextes produits ? Si on ne le fait pas, l’attention se détourne vite sur <strong>des</strong> problèmes de langueau détriment de l’objectif visé. Mais si on le fait, cela peut rendre l’élève dépendant du travaildu correcteur et faire apparaître l’attention portée à la lisibilité comme secondaire. De plus,14


elever et mettre en forme le texte <strong>des</strong> élèves retarde l’échange avec la classe et conduirait à<strong>des</strong> allers et retours trop fréquents entre les différents moments d’une séquence déjà longue.4. Quelle évaluation après la lecture d’une œuvre complète ?Les cours ayant porté sur la compréhension de la nouvelle de <strong>Yourcenar</strong>, il serait logique del’évaluer en fin de séquence. Mais alors que demander d’autre aux élèves que la répétition dutravail de la séquence ? C’est la raison pour laquelle, au collège, l’évaluation finale de lectured’une œuvre complète consiste le plus souvent à en analyser un extrait non étudié qui permetde retrouver les aspects majeurs du texte. Ici, ce n’était pas possible car ce texte bref a faitl’objet d’une étude dans pratiquement tous ses passages.La compréhension du texte de <strong>Yourcenar</strong> (c’est-à-dire la compréhension <strong>des</strong> questions qu’ilsoulève) n’est donc pas évaluée isolément : elle apparaîtra dans l’évaluation <strong>des</strong> textesproduits par les élèves en fin de séquence.Le choix d’une autre <strong>des</strong> Nouvelles orientales ne me paraissait pas non plus pertinent pourmesurer les progrès de lecture <strong>des</strong> élèves puisque je n’avais pas retenu l’orientalisme commeaxe d’étude.Enfin, j’avais surtout à cœur d’amener les élèves à s’interroger sur la nature <strong>des</strong> œuvres d’artor je ne voyais pas bien comment évaluer la progression d’une réflexion esthétique. Au fond,la seule évaluation qui devrait convenir concernerait l’évolution <strong>des</strong> pratiques culturelles <strong>des</strong>élèves : ce travail les a-t-il rendus curieux de peinture ?De ce point de vue, les exposés réalisés en fin de séquence ont été un peu décevants, car laplupart <strong>des</strong> groupes ont fait l’erreur habituelle de s’abriter sous une masse d’informationsqu’ils ne maîtrisaient pas, collectées sur internet, plutôt que d’investir les tabl<strong>eaux</strong> qu’ilsavaient choisis souvent pour leur notoriété plus que par goût personnel (La Joconde etdifférents tabl<strong>eaux</strong> de Picasso ou Van Gogh). Cependant, plusieurs d’entre eux sont allés vers<strong>des</strong> choix originaux : un tableau de Dali, une illustration proposée par le manuel <strong>des</strong> Fables dela Fontaine ou même un tableau peint par la mère d’un élève…J’ai cependant choisi d’évaluer les compétences de lecture et d’écriture que les élèves peuventmettre en œuvre dans d’autres situations que celle proposée par <strong>Yourcenar</strong>, c’est-à-dire lalecture et l’écriture de <strong>des</strong>criptions dans un texte narratif. C’est à la fois précis et très vague :le texte d’évaluation risque alors d’apparaître comme un prétexte.5. Quel passage de la littérature à l’écriture individuelle <strong>des</strong> élèves ?En prenant la littérature comme support de formation à l’expression écrite, on fait un choixétrange puisque l’on prend justement les textes exceptionnels, qui posent <strong>des</strong> questions à lalangue, pour former les élèves à maîtriser les normes de l’écrit. C’est la raison pour laquelle letravail sur la langue est plutôt passé par les textes <strong>des</strong> élèves que celui de <strong>Yourcenar</strong>, saufpour ce qui concerne l’écriture plus proprement littéraire comme la <strong>des</strong>cription parcomparaison.L’objectif n’est pas d’écrire « comme <strong>Yourcenar</strong> » en reliant dans cette séquence écriture etlecture mais plutôt de motiver une création personnelle nouvelle. Le texte littéraire motivedonc l’écriture dans la mesure où il installe <strong>des</strong> silences que le lecteur peut investir et où ilpose <strong>des</strong> questions complexes. Il sert donc moins de modèle que de déclencheur.Bilan du travail mené avec les élèvesIl est encore trop récent pour permettre d’en mesurer la portée. Mais, alors que la difficulté dutexte m’avait fait douter de la possibilité de son étude, j’ai été particulièrement frappé par laqualité <strong>des</strong> réflexions <strong>des</strong> élèves autour <strong>des</strong> fonctions <strong>des</strong> œuvres d’art et du geste artistique.15


Le filtre du récit a permis d’aborder <strong>des</strong> questions d’esthétique très profon<strong>des</strong>. Ce textecomplexe en a incité plusieurs à chercher <strong>des</strong> passerelles très pertinentes auxquelles je n’avaispas immédiatement pensé : le relier à notre travail précédent sur le haïku ou au poème dePrévert « <strong>Comment</strong> peindre un oiseau ».Je regrette de ne pas avoir pu travailler avec leprofesseur d’arts plastiques pour développer cette réflexion esthétique.Par contre, je reste insatisfait de la qualité <strong>des</strong> <strong>des</strong>criptions écrites par les élèves : habitués àrecevoir <strong>des</strong> images, ils sont encore très rares à ressentir le désir d’en produire à l’aide dutexte. Cet apprentissage se poursuivra puisqu’il est une <strong>des</strong> grands thèmes du cycle centralmais il révèle un profond clivage entre élèves-lecteurs et non-lecteurs. La séquence acependant permis à plusieurs d’entre eux de révéler un certain goût pour l’image mise enmots.Il aurait pu être davantage pertinent d’étudier cette œuvre en classe de cinquième.L’orientalisme de <strong>Yourcenar</strong> aurait trouvé une place dans la réflexion autour du voyage et del’évocation de l’altérité. De plus, l’Orient est étudié en histoire et géographie, ce qui auraitpermis <strong>des</strong> rapprochements intéressants. On aurait pu également étudier ce texte parmid’autres évoquant la relation d’apprentissage pour aborder les questions <strong>des</strong> élèves autour del’éducation.Enfin, le travail mené est peut-être disproportionné par rapport à l’ampleur de la nouvelle de<strong>Yourcenar</strong>. En étudiant ainsi durant douze heures un texte de quelques pages, on prend lerisque d’écraser les émotions qu’il a pu faire naître. Transformé en objet d’étude, le textelittéraire perd son goût nature pour prendre celui de la classe. Mais très peu d’élèves seraientallés vers un texte aussi complexe et éloigné de leur contexte culturel. Il n’y a donc pas <strong>des</strong>acrilège à construire une séquence pédagogique à partir d’une œuvre littéraire.Un dernier prolongement prendra peut-être place en fin d’année si le calendrier le permet.Afin de réintroduire l’Orient dans la lecture de la nouvelle, je compte proposer aux élèves lavisite du musée Guimet qui propose un parcours autour de <strong>Wang</strong>-Fô.B. Les productions <strong>des</strong> élèvesLa lettre de <strong>Wang</strong> Fô à ses parents après récriture :Chloé : un texte qui progresse bien, avec un certain sens de la formule, <strong>des</strong> constructions dephrase complexes, et <strong>des</strong> erreurs d’orthographe et de syntaxe.Chers parents,Je ne sais pas si vous l’avez, mais depuis que je suis tout petit, j’aime <strong>des</strong>iner tout se quim’entoure.Je pense que je suis doué et j’aimerais devenir peintre. Je serais obligé de quitter levillage où j’ai grandi pour trouver mon inspiration. Bien sûr, je reviendrais vous voirrégulièrement pour prendre de vos nouvelles et celles <strong>des</strong> habitants de mon village. J’espère quepère ne sera ni vexé ni déçus que je ne reprene pas les champs qu’il a travaillé pendant tantd’années, mais il pourra les vendre pour récupérer de l’argent car tant pis si je ne gagne pas mavie et que je deviens pauvre je serais comme même peintre car c’est ma passion. Si la peinturesemble inintéressante à la société je trouve que c’est intéressant de ne pas voir la même beauté<strong>des</strong> choses que vous deux. La peinture n’est pas un jeu, cet art est le meilleur cours de sciencesnaturel pour observer la vie qui nous entoure.La peinture est un art que j’aime plus que tout au monde après vous mes parents qui monélevé toute mon enfance, je compte bien devenir peintre je veux être un artiste, un <strong>des</strong> plus16


grand. Chers parents vous êtes maintenant au courant de mes décisions et de mes projets.J’espère que vous m’encourageré.Je vous aime, je vous embrasse,<strong>Wang</strong>, votre filsMathieu : un texte court mais qui développe bien l’idée du voyage et qui s’appuie sur le textede <strong>Yourcenar</strong>, <strong>des</strong> erreurs récurrentes sur les verbes du premier groupe.Chers parents,Je pars faire un long voyage.Je sais que vous auriez préféré que je devienne un sujet de l’empereur mais je pars dansle royaume de Han pour apprendre le métier de peintre.Un maître m’a déjà enseigné quelques bases de ce beau et dur métier et j’espère quecomme lui mes tabl<strong>eaux</strong> seront connus dans toute la Chine.Ce métier me passionne depuis mon plus jeune âge. A trois ans j’ai fait ma premièrepeinture et depuis je ne rêve que de ça : traverse le monde pour faire un autre tableau plus beauque le précédent, rendre beau ce qui ne l’ai pas, enseigne mon savoir a un disciple et surtoutd’être libre.Je ne pourrais pas vivre sans peindre.Je vous envoi mon cahier avec mes croquis pour que vous découvrier mon talent.N’essayer pas de me retenir ma décision est prise,Au revoir,<strong>Wang</strong>Marilou : une élève très en difficulté à l’écrit mais qui depuis la séquence sur la poésie etcelle sur <strong>Wang</strong> Fô semble retrouver un goût d’écrire malgré une dysorthographie trèsmarquée, ici, elle s’est vraiment intéressée au peintre dans son travail :Chers parents,Je vous écri cette lettre pour vous dir que ma passion que je reve depuis longtemp ses lapinture. Si vous avez peur de quelque chose, tou va pour le mieux. La pinture ses la magie unmonde ou on peut senfure on s’échape dedant. Mais ma passion je peut m’céhaper dans se mondeparfait. Je peux peutêtre être povre mais je leur demanderait quel tableau vouler vous que jefasse ? et je gagnieurai ma vie. Un voyage, je rêve de partire en voyage voire se que le monde mecache et si je pare je vous écrirait et je vous rendrait visite. Ou si vous avez peur que je vousoubli ses raté je vous aime et vous aurez toujours dans mon cœur. Si vous plait prenait le bientdite que vous ete dacore je ne sera pas riche mes pas povre nonplu alors je serait comme tous lemonde et la pinture n’est pas que pour les famme.Jadore prendre mont pinso et ne plus penser a rien et comancer par faire un trai etcontinuer a me delivrer. Vous vous demandez se que je délivre. Je délivre mes émossions si jesuis amoureux je <strong>des</strong>ine la tete enlair, si je suis énerver je <strong>des</strong>sine en apuyent sur le pinso, si jesui joyeux je fais délicatement sans apuier et si je suis normale japui pas fort mes japui. Vousvoyez les emotions on un rapore avec la pinture.Merci de votre compré entionPS : dit que vous émerBisou écriver moi votre réponse,17


<strong>Wang</strong> Fô (signature)C. <strong>Comment</strong>aires (Bruno Rocca)Les premiers textes n’étaient pas satisfaisants car ils se limitaient à l’annonce de la décisionde devenir peintre. Seuls quelques élèves s’étaient lancés dans l’argumentation implicitementdemandée par le sujet. La récriture a été motivée en partant <strong>des</strong> textes d’élèves les pluslapidaires en demandant quelle serait la réaction <strong>des</strong> parents de <strong>Wang</strong> Fô pour s’interroger surl’efficacité d’une telle lettre.Collectivement, un argumentaire a donc été réalisé en partant <strong>des</strong> objections que pourraientsoulever les parents de <strong>Wang</strong> Fô (la peinture suppose la pauvreté, la peinture supposel’éloignement, la peinture n’est qu’un simple passe-temps). La récriture a eu lieuimmédiatement en classe puis en binômes, les élèves ont relu leur texte pour s’assurer de leurlisibilité, en particulier de leur orthographe. Je retranscris donc les textes de quelques élèvestels qu’ils me les ont remis.Evaluation <strong>des</strong> textes : elle porte sur les points suivants :• Le respect du genre de la lettre (présentation, utilisation de la seconde personne…)• La capacité à construire une argumentation qui vise à convaincre les parents(explication du choix, para<strong>des</strong> aux objections, construction logique…)• La capacité à utiliser les lectures et les travaux réalisés en classe autour de <strong>Wang</strong> Fô(une réflexion sur la peinture, la référence aux techniques picturales, les indicesbiographiques donnés sur <strong>Wang</strong> Fô par le texte, le contexte historique de lanouvelle…)• La qualité de l’expression écrite (la syntaxe, le vocabulaire et l’orthographe)• Je ne fixe pas de barème pour me donner une certaine liberté dans la notation etvaloriser les réussites.18

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