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Numéro 116 Septembre • Octobre 2000Les compétencestransversales


Vie pédagogique, septembre-octobresommaire 2000mot de la rédaction4AIDER LES ÉQUIPES-ÉCOLESÀ FAIRE APPRENDRE LESÉLÈVES PLUS ET MIEUXEntrevue avec Luce Brossardpropos recueillis par Marthe VanNeste et Arthur MarsolaisDans une entrevue qu’elle a acceptéde donner avant son départ à laretraite, M me Luce Brossard, directricede Vie pédagogique de mai1978 à juin 2000, rappelle l’historiquede la revue, sa mission et sonévolution. De plus, riche des observationsqu’elle a été en mesure defaire compte tenu du poste qu’elleoccupait depuis plus de vingt ans,elle partage brièvement son point devue personnel sur l’état d’avancementde dossiers tels le projetéducatif et l’autonomie professionnelledu personnel enseignant.5dossier9LA COMMUNICATION AVECLES PARENTS : UN TOUR DEPLUS DANS LE SACD’ÉCOLE DE L’ENSEIGNANTpar René AmmannDans une école du Manitoba, lesenseignantes et les enseignants convaincusque le développement optimaldes élèves repose sur l’engagementde tous les partenaires et,notamment, sur celui des parents,ont mis en œuvre un ensemble demesures favorisant l’émergenced’une collaboration efficace entre lafamille et l’école.48LES COMPÉTENCES TRANSVERSALESrecherche en éducationLA PUCE À L’OREILLE AUSUJET DU REDOUBLEMENTpar Louisette Pouliot et Pierre PotvinBien que la recherche démontrel’inefficacité du redoublement, lesrésultats d’une enquête menée en1996 auprès de 230 enseignants etenseignantes du primaire de larégion de la Mauricie et du Centredu-Québec,indiquent que cettepratique est encore, malgré tout,largement considérée comme unmoyen pertinent pour contrerl’échec scolaire.Les auteurs de l’article proposentdes explications à cette situation etdes pistes d’action susceptiblesd’amener le personnel enseignant àprendre davantage en considérationles nouvelles connaissances issuesde la recherche en cette matière.49entre les lignesCOMBIEN FAUDRA-T-IL DERÉFORMES POUR CHANGERUNE SEULE ÉCOLEpar Marc St-PierreDans son article, l’auteur porte unregard critique sur les effets réelsdes différentes réformes de l’écolequébécoise depuis le début desannées 60. Il explique pourquoi lesdiverses tentatives de réorientationdu curriculum se sont finalementsoldées par l’introduction de changementsplus cosmétiques que fondamentaux.Son propos constitueune invitation à la réflexion à laveille de la mise en oeuvre dunouveau curriculum.53en abrégé56lus, vus et entendus57histoire de rire58C’est maintenant bien connu, le Programme de formation de l’école québécoise s’articule autour de compétencesdisciplinaires et de compétences transversales. L’acquisition de ces dernières ne saurait se faire sans une interactionconstante des deux types de compétences. Pour favoriser l’intégration des apprentissages proposés aux élèves, la mise enœuvre des compétences transversales exige une concertation accrue entre les enseignants et les enseignantes.Quelles sont ces compétences ? Pourquoi a-t-on décidé de les intégrer au curriculum des élèves ? Comment amener les élèvesà les acquérir ? Voilà autant de questions sur lesquelles Vie pédagogique vous propose une réflexion dans le dossier duprésent numéro.LES COMPÉTENCESTRANSVERSALES : UNRÉFÉRENTIEL PORTEURpar Nicole Gagnon10LES COMPÉTENCESTRANSVERSALES : UNCONCEPT À LA FOISNOUVEAU ET FAMILIERpar Paul Francoeur14LES ONZE COMPÉTENCESTRANSVERSALES : CLEF DEVOÛTE DE LA RÉFORMECURRICULAIREpar Paul Francoeur18ENTRER DANS LEPROGRAMME DEFORMATION DE L’ÉCOLEQUÉBÉCOISE : UNEHISTOIRE VÉCUEpar Geneviève St-Maurice22LES COMPÉTENCESTRANSVERSALES : UNEPRÉOCCUPATION PRÉSENTEDANS DES PRATIQUESACTUELLESpar Luce BrossardCAP SUR LES COMPÉTENCESAVEC UNE JEUNEENSEIGNANTE QUI SAITNAVIGUER À VUE26DEUX ENSEIGNANTES DUSECONDAIRE EN RECHERCHE28DE LA COOPÉRATION ET DESPROJETS DÈS LA PREMIÈREANNÉE33À L’ÉCOLE SECONDAIRECAVELIER-DE-LA-SALLE : UNGROUPE DE PRÉCURSEURS35À L’ÉCOLE MGR BLUTEAU : LESCOMPÉTENCES D’ORDREPERSONNEL ET SOCIAL AUCŒUR DU PROJET ÉDUCATIF37À L’ÉCOLE SOLEIL-DE-L’AUBE :DE L’EXPÉRIENCE DANSLA PRÉCISION ET L’ÉVALUA-TION DE COMPÉTENCESTRANSVERSALES39COMPÉTENCESTRANSVERSALES ETCOMPÉTENCESDISCIPLINAIRES : UNESYNERGIE CERTAINEpar Jean-François Giguère40UNE RÉFORMEPARTICULIÈREMENTPROMETTEUSE POUR LESECONDAIREpar Arthur Marsolais44


comité de rédaction, de participerà des événements régionaux commele congrès pédagogique del’Abitibi-Témiscamingue, le forumpédagogique de la région du Bas-Saint-Laurent–Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine ou l’opération Mission95 en Montérégie. Le comité derédaction tient à se renseigner surle travail de développement pédagogiqueeffectué dans chaquerégion par des groupes de travailrégionaux ou par des projets de formationcontinue. Dans les dossiers,nous essayons de présenter desexpériences pédagogiques vécuesdans divers milieux. La dynamiquepédagogique de chaque région semanifeste de multiples façons, ilsuffit d’être attentif pour les découvrir.V.P. — Si on essayait de situerla revue Vie pédagogiqueentre, à un extrême, un genrede magazine, avec l’allure dereportages, de journalisme, età l’autre extrême, un genrebeaucoup plus analytique,justificatif, un genre quilégitime des pratiques et quien fait aussi la promotion,comment pourrait-on situerles premières années de larevue ?L.B. — Même si la revue a commencéplus comme un magazine,pour évoluer vers l’analyse, la miseà jour des connaissances desenseignants dans le domaine de lapédagogie, on constate, dès ledébut, le souci de situer et d’examinerles expériences. Si on regardeles premiers numéros, on s’aperçoitque, à côté d’articles plusdescriptifs, se trouvent des analyseset des réflexions. Dès les premiersnuméros, on a parlé d’intégrationdes matières, de recherche-actiondans le cadre du projet éducatif, deprévention des difficultés desélèves, de formules d’encadrementplus favorables aux apprentissages,de l’aide aux décrocheurs, du projetéducatif des écoles innovatrices,de l’évaluation comme partie intégrantedes apprentissages, de l’utilisationde l’ordinateur en classe, etc.Très tôt, on s’est égalementintéressé aux résultats de larecherche en éducation : les travauxde Gilbert de Lansheere sur lescomportements non verbaux desenseignants, ceux de Yves Bégin etGilles Dussault sur la pédagogiede la maîtrise, l’ensemble desrecherches sur les stratégies d’apprentissagede la lecture, sur lesstyles d’apprentissage, etc. Dans lefond, on a tout de suite traité lessujets qui nous préoccupent encoreaujourd’hui, mais peut-être defaçon moins approfondie qu’on nele fait maintenant dans les dossiers.De plus, la composition même ducomité de rédaction nous a permisde ne pas esquiver de sujets importants.Venant d’horizons divers, lesmembres du comité ont immédiatementapporté les questions de fondsoulevées dans leur domaine respectif,ce qui nous a amenés àtraiter des sujets qui correspondaientà de véritables préoccupations.V.P. — Est-ce que vous aviez,déjà assez tôt dans l’histoirede la revue, une rétroactionsur ce que les gens trouvaientle plus utile, le plus stimulant?L.B. — Après la première année,au printemps de 1980, on a fait unsondage auprès de nos lecteurs etlectrices. Ce sondage-là a été repristous les cinq ans. Donc, on a su trèstôt que les articles qui rapportentdes expériences pédagogiquesmenées dans les écoles étaient ceuxqui suscitaient le plus d’intérêt. Cetintérêt s’est maintenu au cours desannées, mais le goût pour les textesde fond a augmenté. Toujours, leslecteurs et lectrices nous ont ditque la revue était à la fois une revuepratique et théorique, et qu’il fallaitqu’elle conserve ces deux aspects.On peut donc dire qu’on a cherchéimmédiatement à obtenir la rétroactiondes lecteurs. De plus,comme le Conseil du trésor nousoblige à demander aux abonnés dese réabonner tous les deux ans etdemi, (même si la revue est gratuite,il faut que les gens en fassentla demande), et que ces derniers seréabonnent régulièrement, on apensé qu’il fallait y voir un indiceclair de l’intérêt que suscite le contenude la revue.V.P. — Vous parliez, tout àl’heure de projet éducatif.C’est une idée qui est arrivéedans les années 80. Cela a étéun événement dans la Loi.Entre la première partie del’histoire de Vie pédagogiqueet aujourd’hui, percevez-vousque les écoles se rassemblentplus autour du projet éducatif? Est-ce que le projetéducatif fait plus sensaujourd’hui qu’au momentoù l’idée a été lancée ?L.B. — Il y a certainement eu uneévolution. Le projet éducatif faitplus sens aujourd’hui. Cependanton ne sait pas jusqu’à quel point ceprojet éducatif est mis en application,jusqu’à quel point il inspirel’action et plus particulièrementl’action pédagogique. Toutes lesécoles disent qu’elles ont un projetéducatif, mais ce projet éducatifconstitue souvent un simple ralliementdes personnes à une ou àquelques grandes valeurs, surlesquelles on a réussi à établir unconsensus minimal dans l’école.Une école qui a un projet éducatifpédagogique, c’est plus rare. <strong>Au</strong>début, l’élaboration d’un projetéducatif faisait peur parce qu’oninsistait sur un processus qui apparaissaitlourd et compliqué. Il fallaitmettre tout le monde d’accord.Dans certains milieux, on a mis enplace un processus qui s’étendaitsur des années, pour en arriver,comme je le disais tantôt, à un consensusminimal sur une valeurcomme le respect, par exemple.C’est dire tout le chemin qui reste àparcourir pour s’entendre sur unréférentiel pédagogique commun etsur la mise en œuvre cohérente duprojet éducatif… Même si l’idée duprojet éducatif remontre à une vingtained’année, on a encore duchemin à faire pour la concrétisersous tous ses aspects. De plus, avecla réforme en cours, bon nombrede projets éducatifs sont à réécrireafin de les rattacher davantage auxvisées actuelles. On peut supposerque les projets éducatifs des annéesà venir comporteront des choixpédagogiques.V.P. — Il y a un autre élémentqui a été beaucoup discuté etmis en valeur au cours desdeux dernières décennies,c’est l’autonomie professionnelle,le sentiment d’autonomieet de responsabilité.De votre poste d’observation àla revue, par des tables rondesou par vos contacts dansle milieu scolaire, trouvezvousque c’est un front surlequel on a nettement progressédepuis une quinzained’années ?L.B. — On a progressé dans le discourssur l’autonomie professionnelledes enseignants. On en parlebeaucoup plus et on croit savoir unpeu plus ce que c’est. Mais, qu’enest-il dans la pratique ? De plus, ilfaut se demander jusqu’à quel pointles enseignants veulent de cetteautonomie professionnelle. Le discoursest un peu en contradictionavec la réalité. Quand on explore lanotion d’autonomie, on constatequ’elle s’accompagne nécessairementde la responsabilité, ce quientraîne parfois une hésitation às’engager dans cette voie. De plus,on ne peut pas vouloir l’autonomieet en même temps des directivesclaires, des guides précis et dumatériel didactique tout fait. Alors,le discours et la pratique sont unpeu en discordance; l’autonomiefait peur. Lorsque l’on est autonome,on fait des choix et onexplique pourquoi on a fait ceschoix-là; on rend compte de cequ’on a fait. Il faut avouer qu’on n’apas beaucoup l’habitude de tellespratiques dans l’enseignement.Lorsque quelqu’un demande à unenseignant pourquoi il a fait tellechose, il se sent rapidement attaquéau lieu de considérer qu’il est normalqu’un professionnel donne lesraisons qui fondent son action.V.P. — On voit des revuespédagogiques qui sont trèspratiques, pleines de fichesréutilisables, de modèles didactiques…Dans la revue, lecôté « outils » n’est pas plusdéveloppé qu’il faut. Est-ce àcause d’un parti pris pourl’autonomie professionnelle,d’une volonté d’éviter de rendreles enseignants trop « exécutants» à partir de chosespensées ailleurs et pard’autres ?L.B. — Dès le début, le comité derédaction a convenu que Vie pédagogiquene serait pas un livre derecettes, et qu’on ne mettrait pasl’accent sur des fiches pratiques…À l’occasion, la rubrique Outils ettechniques paraît; des lectures sontégalement proposées mais on nepublie pas de fiches qui servent àpréparer une activité en classe.Pour le comité, le développementpédagogique ne passe pas par laboîte de fiches mais plutôt par lamise à jour des connaissances, parla description de pratiques pédagogiquesstimulantes, par desréflexions inspirantes. Vie pédagogiqueayant pour mission de promouvoirl’innovation, on ne trouvaitpas que c’était très novateur de proposerdes fiches et des « outils ».Les enseignants sont capables deconstruire les « outils » dont ils ontbesoin. On sait bien que les cahiersVIE 6 Vie pédagogique 116, septembre-octobre2000


Vie pédagogique 116, septembre-octobre2000dossierLES COMPÉTENCESTRANSVERSALESAprès les compétences, voiciles compétences transversales! En effet, nous publiionsdans le numéro de septembreoctobre1999 un dossier intitulé« Faire acquérir des compétences àl’école », dans lequel nous précisionsd’où vient le souci de mettrel’accent sur les compétences etexaminions un certain nombre dequestions soulevées par la mise enœuvre d’une approche par compétences.Nous y explorions aussi despratiques pédagogiques qui contribuentà la construction des compétences.Le passage des programmesd’études formulés par objectifs auxprogrammes formulés par compétencesconstituait déjà toute unenouveauté. Que dire maintenant descompétences transversales énoncéesdans le Programme des programmesqui, avec les domainesd’expérience de vie, constituent enquelque sorte l’épine dorsale duProgramme de formation de l’écolequébécoise puisqu’elles doiventêtre construites dans l’apprentissagede toutes les matières ainsi quedans l’ensemble des activitésauxquelles les élèves participent àl’école!Le concept même de compétencestransversales est contesté par certainspenseurs parce qu’il pourraitlaisser croire qu’elles existent horsde tout contexte ou encore qu’elless’exercent de la même manièredans tous les domaines 1 . Puisqu’il aété retenu pour la réforme du curriculum,il importe de préciser lesens qu’on lui donne, de faireressortir ce qu’il apporte de plus eten quoi il peut aider les enseignantset les enseignantes à mieux faireapprendre les élèves. Nous nevoulons pas, dans ce dossier, parlerdes compétences transversales defaçon abstraite, mais plutôt tenterde les contextualiser dans la classeet dans l’école et de les relier auxcompétences disciplinaires afin queles lecteurs et les lectrices en construisentune compréhension quiinspire leur action quotidienne.En prenant connaissance des énoncésdes compétences transversalesdu Programme des programmes,d’aucun seront tentés de dire : ons’en occupe déjà. Encore faut-ilpouvoir préciser quand et de quellefaçon on le fait individuellement,mais surtout comment on peut ytravailler de façon collective.Un article de réflexion sur le conceptde compétences transversalesouvre le dossier. La responsable duProgramme des programmes auministère de l’Éducation, NicoleGagnon, établit le sens qu’il faut luidonner dans le contexte québécoisde la réforme et précise les intentionséducatives qui le sous-tendent.Puis, au cours de deux tablesrondes, des enseignants et desenseignantes du primaire et dusecondaire font état de leur compréhensiondu concept et cernentleurs acquis, c’est-à-dire les pratiquespédagogiques qui préparentou qui annoncent déjà, des compétencestransversales. Leurs propos,riches et stimulants, sont rapportéspar Paul Francoeur, consultant enéducation et membre du comité derédaction de Vie pédagogique.Une enseignante à l’école primairedes Petits-Cheminots, établissementd’enseignement qui expérimentaitl’an dernier la mise en œuvre duProgramme de formation, GenevièveSt-Maurice, se livre ensuite à unexercice de pratique réflexive montrantcomment un enseignant peuts’approprier le référentiel des compétencestransversales : par quoi ilpeut commencer, sur quoi il doitréfléchir, ce que cela changera danssa pratique pédagogique, ses relationsavec ses collègues, son engagementdans l’école.Comme il se doit dans un dossier deVie pédagogique, des descriptionsde pratiques pédagogiques individuellesou d’équipe illustrent concrètementle fait que, dans bonnombre de milieux scolaires, lescompétences transversales font déjàl’objet d’une préoccupation expliciteet que la mise en œuvredu Programme des programmess’appuie sur des acquis précieux.Suit un examen des liens à tisserentre les compétences disciplinaireset les compétences transversales.Jean-François Giguère,responsable du programme d’enseignementmoral au ministère del’Éducation insère l’acquisition descompétences transversales dansl’apprentissage des disciplines etmontre comment on doit tenircompte des deux types de compétencesen même temps.À première vue, la mise en œuvrede la réforme et plus particulièrementdu Programme des programmesparaît plus aisée au primairequ’au secondaire. ArthurMarsolais, agent de recherche auConseil supérieur de l’éducation, aPhoto : Denis Garonvoulu montrer comment, contrairementà ce que plusieurs pensent,elle est plus prometteuse pour cedernier.Nous espérons que le présentdossier alimentera la réflexion del’équipe-école sur le concept mêmede compétences transversales ainsique sur les pratiques pédagogiquesles plus aptes à en favoriser l’acquisition.Nous sommes conscientsque, pour certains, la mise enœuvre du Programme des programmesprovoquera un choc etexigera des changements en profondeur,alors que pour d’autres,elle s’inscrira harmonieusementdans la démarche de changement etde formation continue en cours, etque pour d’autres encore, elle viendraconfirmer des choix effectuésdepuis longtemps déjà. Quoi qu’ilen soit, la réflexion que nous proposonsne peut être entreprise qu’àpartir de la situation actuelle dechaque école. Le rythme que luidonnera chaque équipe-écoledépendra par la suite de la perceptionque chacun aura de l’urgenced’agir pour amener les élèves àfaire des apprentissages pour la vie.Luce Brossard1. REY, Bernard. Les compétences transversalesen question, Paris, ESF, 1996.PÉDAGOGIQUE 9<strong>DOSSIER</strong>


<strong>DOSSIER</strong>LES COMPÉTENCES TRANSVERSALES : UN RÉFÉRENTIEL PORTEURpar Nicole Gagnon<strong>Au</strong> Québec, nous sommes actuellementà revoir, commebien d’autres communautésdans le monde, notre curriculum deformation pour l’éducation préscolairede même que pour l’enseignementprimaire et secondaire.Nous élaborons en quelque sortenotre réponse à la question énoncéepar l’OCDE 1 en 1994 « Dequelles compétences les jeunesadultes arrivés en fin de scolaritéauront-ils besoin pour être capablesde jouer un rôle constructif dans lasociété en tant que citoyens ? ».Depuis longtemps, de façon récurrente,dans toutes les sociétés, ons’interroge sur ce que la nouvellegénération a besoin de savoir. Uneremise en question souvent teintéede la conviction que les jeunes ensavent moins que ceux et celles quiles ont précédés sur les bancs del’école et du désir de revenir à l’âged’or de l’éducation.Mais s’éloignant de cette tendancenostalgique, la plupart des regardssont actuellement tournés versl’avenir. Ainsi la façon dont estposée la question élargit le débat. Iln’est plus question seulement dedéterminer des connaissances maisaussi de nommer des compétences,des savoir-faire permettant des’adapter, de se développer et d’intervenirde manière constructivedans un monde complexe, dans une« société du savoir ». À cette fin, ilnous faut reconnaître l’importanceque revêt le fait d’assimiler un largebagage de connaissances mais ausside comprendre comment nouspouvons les combiner avec différentesressources personnelles(intellectuelles, affectives et psychomotrices)et externes (banquesde données, documentation, expertise)pour traiter des problèmescomplexes.Cette façon de voir marque le nouveauprojet de formation de l’écoleprimaire énoncé dans le Programmede formation de l’écolequébécoise 2 . Ainsi les programmesd’études s’articulent autour decompétences disciplinaires et unenouvelle section – le Programmedes programmes – présente descompétences transversales et desdomaines d’expérience de vie 3 .Bien que ce soit la première foisque l’on nomme des compétencestransversales dans le curriculum del’école québécoise, il ne faudraitpas croire qu’il s’agit de la prise encompte de préoccupations complètementnouvelles. Depuis toujours,des éducatrices et des éducateursont visé l’acquisition desavoir-faire généraux. Ainsi,lorsqu’on proposait de développer« des têtes bien faites plutôt que destêtes bien pleines », on poursuivaitdes visées du même type que cellesqui sont proposées dans leProgramme de formation desannées 2000 où les compétencestransversales ont une fonction centrale.D’entrée de jeu, nous nous demanderonspourquoi nommer des compétencestransversales dans leProgramme de formation de l’écolequébécoise. Ayant ainsi attirél’attention sur la pertinenced’analyser le concept de compétencetransversale au regard de sonutilité, nous rappellerons le processusd’élaboration et le contenu ducadre de référence relatif aux compétencestransversales dont leQuébec est en train de se doter.Nous traiterons ensuite de l’utilitéde celui-ci et de son mode de miseen œuvre pour le personnel scolaire,pour les élèves et pour lesparents.1. UNE COMPÉTENCETRANSVERSALE : UNCONCEPT DONT L’USAGEEST CIRCONSCRITL’intuition populaire reconnaîtl’existence de compétences générales,d’habiletés génériques, desavoir-faire utilisables dans différentscadres — disciplinaires ounon disciplinaires, scolaires ouextrascolaires. L’appellation compétencestransversales surprendd’avantage que ce qui la sous-tend.Mais là n’est pas la plus grandedifficulté que suscite le concept.Effectivement, lorsqu’on s’engagedans une analyse plus rigoureuse dece concept, plusieurs questions sontsoulevées, dont celle de l’existencemême de compétences générales,de compétences « utilisables àtoutes les sauces », diront certains.Sans nous engager dans un débatphilosophique ou neurophysiologiquesur la question de l’existencede compétences transversales, ilnous faut commencer par cerner lesens et les limites d’une telle notiondans un programme de formation.Dans le Programme de formationde l’école québécoise (version dejuin 2000) on peut lire :« Un compétence transversale,comme une compétence disciplinaire,correspond à un savoiragirfondé sur la mobilisation etl’utilisation efficaces d’un ensemblede ressources. Une compétencetransversale se distingue toutefoisd’une compétence disciplinaireparce qu’elle est caractérisée parun très haut degré de généralisationet parce qu’elle dépasse largementles frontières de chacune des disciplines.« Par essence, la dénomination descompétences transversales estdécontextualisée. Cependant, pourassurer leur développement, il fautrecourir à des contextes spécifiques,en l’occurrence ceux desdomaines d’expérience de vie et desdomaines d’apprentissage.« Les compétences transversales sedévelopperont d’autant plus qu’onmettra l’accent sur le réinvestissementet le transfert. Par l’interventionexplicite de l’enseignant, l’élèvesera amené à réaliser qu’une compétencetransversale acquise dansun certain contexte disciplinaire estégalement utile dans d’autrescontextes disciplinaires ou dansdifférents domaines d’expériencede vie. »Une compétence transversale estdépendante, elle ne peut se développeren soi. Il n’est absolumentpas question de prétendre êtrecompétent pour résoudre tout typede problème ou pour être créatifdans n’importe quel domaine.Comme il est reconnu qu’une compétencese développe de façon disciplinaireou dans un domaine devie particulier, avant de pouvoiraccéder à un niveau de transversalité,il ne saurait être question decautionner des approches visant lapratique, a priori, desdites compétencestransversales.2. UN CADRE DE RÉFÉRENCECOMMUN POUR AIDER LESÉLÈVES À ALLER PLUS LOINLes attentes sociales envers l’écolesont de plus en plus élevées. On nelui demande plus seulement detransmettre les savoirs, savoir-faireet savoir-être des générationsprécédentes, ce qui demeure toujourspertinent, mais on exige enplus qu’elle fasse acquérir des compétencesqui permettront à l’ensembledes élèves de devenir des individus,des citoyens, des travailleursadaptés et constructifs dans unmonde où le savoir sera au centrede l’organisation sociale.Quels sont ces grands enjeux quitransforment notre quotidien etnous obligent, comme éducateursou comme parents à prendreconscience de la responsabilité quiest la nôtre et qui consiste à outillerles jeunes afin qu’ils puissentrelever les défis qui sont à notreporte.• Maintes fois décriée, la mondialisationavec sa kyrielle de problèmesnécessite à la fois ledéveloppement d’individus, decitoyens et de travailleurs capablesde fonctionner dans uneorganisation complexe maisaussi, peut-être encore plus,l’éducation d’êtres humainsconscients de la nécessité d’établirun nouveau contrat socialdans lequel la redistribution desbienfaits de la mondialisationsera garante d’une paix durable.• Un autre grand enjeu est celui del’explosion des connaissances etdu développement exponentieldes technologies de l’informationet de la communication qui fontdu savoir la vraie richesse. Ayantun effet visible sur bien desaspects de l’existence humaine,cette évolution rapide des connaissancesexige que les individuset les sociétés apprennent àapprendre de façon constante etpermanente.• La conjugaison de la mondialisation,de l’explosion des connaissanceset des technologiesfait émerger un autre défipour les individus, soit celuide la complexité des relationsVIE 10 Vie pédagogique 116, septembre-octobre2000


Vie pédagogique 116, septembre-octobre2000interpersonnelles. Les individus,les familles et les communautésdoivent s’adapter sans cesse dansun monde où les valeurs, lesidées, les mœurs évoluent rapidement.Les jeunes doiventapprendre à vivre en équilibre etmême à contribuer à l’harmoniedes relations interpersonnellesdans cette dynamique humainequasi chaotique.Ce bref regard sur les changementsdéjà amorcés permet de comprendrela nécessité pour l’école québécoised’amener les jeunes àacquérir les outils leur permettantde s’engager dans l’action et dedonner un sens à leur vie. Lesattentes de la société envers lesécoles sont élevées, mais cesattentes ne sont pas des caprices. Lacapacité d’intégration à la sociétédu savoir de l’ensemble de la populationen est l’enjeu.Effectivement, dans une société dusavoir, il faut savoir utiliser ceque l’on sait pour faire face à desproblématiques complexes. Cettefaculté par laquelle on se sert de sesconnaissances et de ses compétencespour comprendre ce mondecomplexe et agir n’est plus seulementle défi d’une élite.Pour préparer tous nos jeunes à seformer adéquatement, c’est l’ensembledu curriculum qui est modifié.Chaque programme disciplinaireénonce des compétences deniveau élevé et prend en considérationcertaines problématiques contemporainestouchant son domaine.Pourquoi alors y ajouter un Programmedes programmes énonçantdes compétences transversales etdes domaines d’expérience de vie ?De façon paradoxale, cet ajout n’estpas une occasion de diviser entreplus de préoccupations le tempsscolaire déjà si limité mais, au contraire,d’en intensifier l’emploi.Nommer des compétences transversalespermet de souligner la nouvellepriorité collective — ledéveloppement de compétences deniveau élevé dans toutes les disciplines— et de reconnaître plusfacilement les possibilités de réinvestissemententre les différentessources de formation : les disciplinesentre elles, les activitésparascolaires et extrascolaires. Lierles compétences transversales à desdomaines d’expérience de vie, touten les rattachant aux disciplines,favorise un plus grand engagementdes élèves dans leur propre formation.La réforme présentement en courss’appuie, notamment, sur lesconstatations suivantes : les élémentsque les élèves mémorisentsans leur donner un sens sont difficilementretenus et ils ne sont pasmis à profit au moment où ils pourraientl’être; de plus, on ne peutespérer l’apparition spontanéed’habiletés supérieures si la formationne porte que sur les opérationsde base, particulièrement la mémorisation.Nommer des compétences transversalesest un moyen d’appuyer leschangements de pratiques éducatives.Dans tous les domaines il fautdépasser, même avec les plusjeunes, la mémorisation des contenuspour aller vers l’acquisitionde compétences grâce auxquelleson peut traiter l’information,Photo : Denis Garonrésoudre des problèmes, fairepreuve de sens critique et de créativité.Dans tous les contextesd’apprentissage, il faut savoirdévelopper des stratégies méthodologiqueset utiliser des outils technologiques,sans négliger l’importanced’un équilibre constructifdans les relations interpersonnellesni l’incontournable acquisition d’unhaut niveau de savoir-faire enmatière de communication.En permettant de rappeler, cesintentions communes à toutes lesinterventions éducatives, les compétencestransversales peuvent êtredes catalyseurs de changement dansl’ensemble des pratiques éducatives.Acquérir des compétences exigebeaucoup de temps. Chaque compétencedevra être mise en pratiquependant plusieurs heures, durantde nombreuses années, avantqu’elle soit maîtrisée de façon suffisantepour en faire un outil pourla vie. L’école a tout avantage àutiliser à plusieurs fins chaqueunité de temps, c’est-à-dire à renforcerdans différents contextes —enseignement de plusieurs disciplines,activités parascolaires —l’acquisition de certaines connaissanceset de certaines compétencesdont on reconnaît les ressemblancesgrâce à leurs liens avec descompétences transversales.De plus, pour tirer le meilleur partidu temps scolaire, il faut s’assurerque les élèves l’utilisent intensément,c’est-à-dire qu’ils soient motivés àdévelopper leurs compétences. Pourfavoriser ce plus grand engagementdes élèves dans leur formation, lasensibilisation au lien qui existeentre les apprentissages scolaires etles défis de la « vraie vie » peut certainementêtre utile, d’où l’occasionde prendre en considération lesgrandes problématiques contemporainesénoncées dans les domainesd’expérience de vie.C’est pourquoi, bien qu’une révisiondu curriculum en cours permettede tenir compte des défiscontemporains dans l’ensemble desdisciplines, nous choisissons, auQuébec, de constituer en un ensemblesuccinct des compétences quitranscendent la structuration disciplinairede notre relation avec lemonde et de nommer des domainesd’expérience de vie où s’actualisedans la vie quotidienne l’ensemblede nos savoirs.3. ÉMERGENCE D’UN CADREDE RÉFÉRENCE QUI NOUSRESSEMBLE ET NOUSRASSEMBLEUne vague de fondLe Québec vit ses changements enéducation à l’heure de la mondialisation.L’intérêt pour les compétencestransversales est porté parun courant international. Mentionnonsici deux publications servantde repère aux différentes réformesde l’éducation actuellement encours à travers le monde.– Le rapport de l’OCDE, Prêts pourl’avenir, publié en 1994, où onpose la question énoncée audébut du présent article relativementaux compétences requisespour participer activement à lasociété du XXI e siècle.– Le rapport de l’UNESCO, L’éducation: un trésor est cachédedans, publié en 1996, où onsouligne que « l’éducation estavant tout formation du jugementpour une véritable compréhensiondes événements ».Des choix québécoisBien qu’influencé par ce courantinternational, le Québec a élaboréses propres réponses aux défis de ladémocratisation des savoirs. Depuisune dizaine d’années, différentsrapports et énoncés d’orientationjalonnent la route de la collectivitéquébécoise vers une adaptation deson curriculum aux besoins de formationde la génération montante.Parmi les groupes de travail ayantmarqué la route de ce cheminementcollectif, rappelons en trois :• Le groupe Corbo, dont le rapportPréparer les jeunes au 21 esiècle, publié en 1994, mettaitl’accent sur les grandes tendancesdont on devrait tenircompte pour préparer les jeunesau 21 e siècle, soit la mondialisationainsi que l’explosion desconnaissances, le développementaccéléré des technologies et lacomplexité de la vie sociale.• Puis, en 1995, la mise sur pieddes États généraux sur l’éducationmobilise tout le Québec etlui permet de faire le point sur lasituation. On ébauche alors lesnouvelles intentions éducatives.On constate, notamment, qu’enplus d’un large répertoire deconnaissances, les jeunes devrontacquérir des compétencesPÉDAGOGIQUE 11<strong>DOSSIER</strong>


<strong>DOSSIER</strong>et des attitudes favorisant unfonctionnement adapté à unesociété du savoir. On reconnaîtainsi que les changements apportésau programme de formationdevront être substantiels etaccompagnés d’une transformationde la dynamique pédagogique.• Le ministre de l’Éducation confieensuite à un groupe de travail surla réforme du curriculum lemandat d’indiquer les changementsà apporter au plan de formationde l’éducation préscolaireet de l’enseignement primaireet secondaire. En juin1996, le groupe Inchauspé remetson rapport Réaffirmer l’école.Dans ce rapport, en plus de donnerdes orientations au regard dela formation dans les différentesdisciplines, le groupe de travailpropose l’élaboration d’un Programmedes programmes.L’élaboration du Programme desprogrammes, au cours des années1998, 1999 et 2000, se fait grâce à lacollaboration de plus d’une centained’enseignants et d’enseignantes,conseillères et de conseillers pédagogiques,directeurs et directricesd’école et d’autres professionnels etcadres travaillant dans le domainede l’éducation dans l’ensemble desrégions du Québec. Plusieurs universitairessont consultés. De plus, lamise à l’essai du Programme de formationdans 16 écoles, dites écolesciblées, contribue à l’améliorationde plusieurs aspects de celui-ci,notamment une meilleure structurationdes éléments constitutifs duProgramme des programmes. Cedernier prend donc forme dans unmouvement d’aller-retour entreplusieurs recherches et courants enéducation, d’une part, et la pédagogieen exercice, d’autre part, poury retenir les éléments des pratiquesgagnantes.Il existe un large éventail de processusqui répondent à la définition dece qu’est une compétence transversaleet il existe aussi plusieurs façonsde les nommer. Le groupe de travailchargé d’élaborer le Programme desprogrammes a retenu un nombrelimité de définitions possibles. Leschoix ne sont pas pour autant arbitrairespuisqu’ils reflètent des convictionslargement partagées.Un curriculum national est nécessairementmarqué par les valeurs etles choix, à une époque donnée, dela collectivité qui l’établit. <strong>Au</strong>Québec, en fondant nos choix surune réflexion collective — Étatsgénéraux et groupes de travailafférents — , en nous ouvrant auxidées de fond partagées par lacollectivité internationale —rapports de l’UNESCO et de l’OCDE— et en optant pour un moded’élaboration participatif, nousfavorisons, croyons-nous, l’émergencede ce qui pourra être reconnucomme un projet collectif.Attendu, comme nous l’avonssouligné précédemment, qu’unréférentiel sur les compétencestransversales a essentiellement pourfonction de favoriser les complémentaritésdans l’action, nous pouvonsespérer que ce processusd’élaboration aura en soi un effetbénéfique.4. UN ENSEMBLE INTÉGRÉDE COMPÉTENCESTRANSVERSALES – UNRÉFÉRENTIELTelles qu’elles ont été formuléesdans L’école tout un programme,les compétences transversales sontd’ordre intellectuel, méthodologique,personnel et social ainsi quede l’ordre de la communication.Il est facile de constater dans la pratiquequotidienne de l’éducation lesraisons qui ont motivé le choix desonze compétences transversalesprésentées dans l’encadré. Parce queles connaissances se multiplientsans cesse, il est impossible de toutemmagasiner. Le jeune devra doncnotamment être capable d’avoirrecours à l’information selon sesbesoins et ses champs d’intérêt,apprendre à chercher et à traiterl’information pertinente avec uneméthode de travail efficace, enexploitant au maximum les technologiesde la communication et enexerçant une pensée critique.Dans nos classes, nous devons trouverde nouvelles façons de vivreensemble fondées sur• une meilleure connaissance dusystème de valeurs qui constituela base de l’identité personnellede l’élève;•la capacité d’établir et d’entretenirdes relations interpersonnellesharmonieuses;• le recours au travail en coopération.Photo : Denis GaronDe bouleversants problèmes se profilentà l’horizon. Évoquons le spectredes manipulations génétiques, lafabrication artificielle de la vie, laconcentration des sources d’informationet le contrôle des réseaux dedistribution et de diffusion de celleci.Les jeunes devront dans leur viepersonnelle comme dans leur viesociale, faire des choix éthiques à lafois complexes et déchirants. Fairepreuve de sens éthique apparaîtcomme une compétence indispensable.Tout le monde en convient, le jeunedoit être en mesure de communiquerde façon appropriée entoute situation en ayant recours àun langage qui lui permet de partagerses idées, ses sentiments, sesconnaissances, ses images ou sacompréhension du monde.Il est important de relever ici queces compétences constituent plusqu’une liste d’éléments, ils font partied’un ensemble, ils constituent uncadre de référence. Chaque compétencea son importance en soi, maisdans la pratique, elles ne sont pasindépendantes l’une de l’autre.Elles sont complémentaires, voirecumulatives. Ainsi, traiter de l’informationsert de base à la résolutionde problème et à la pensée critique.Dans certains cas, l’une ou l’autreamène à mettre en œuvre sa penséecréatrice. Dans les ordres intellectuel,personnel et social, les compétencessont progressives. Commedans les échelles taxonomiques,l'organisation des compétencesnous amène vers des niveaux deplus en plus complexes, du traitementde l’information à la créativité,de l’affirmation de soi autravail d’équipe et à la résolutionpratique des dilemmes éthiques.De plus, chaque compétenceappelle le développement de capacitéssupérieures. Par exemple l’anglesous lequel est envisagé le développementde méthodes de travailpermet de prendre en compteune organisation humaine, danslaquelle la vie sociale aussi bien quele travail sont de moins en moinsmarqués par la routine. En effet,pour apporter sa contribution à unprocessus évolutif, il faut savoirremettre en question ses façons des’organiser. Pour perpétuellementêtre en apprentissage, les méthodesQuatre compétences transversales sont d’ordre intellectuel :Exploiter l’information;Résoudre des problèmes;Exercer sa pensée critique;Mettre en œuvre sa créativité.Les compétences d’ordre méthodologique sont :Pratiquer des méthodes de travail efficaces;Exploiter les TIC comme outils méthodologiques.Les compétences d’ordre personnel et social sont :Développer son identité personnelle;Entretenir des relations interpersonnelles harmonieuses;Travailler en coopération;Faire preuve de sens éthique.Quant à l’ordre de la communication, la compétence énoncée est la suivante :Communiquer de façon appropriée.VIE 12 Vie pédagogique 116, septembre-octobre2000


Vie pédagogique 116, septembre-octobre2000de travail doivent elles-mêmesévoluer.5. UN RÉFÉRENTIEL ABSTRAITPOUR GUIDER DES ACTIONSCONCRÈTESLe Programme des programmesmet l’accent sur la nécessité d’harmoniserle développement de compétenceset certaines préoccupationsde la vie appelées domainesd’expérience de vie. Il est donc unréférent à la fois abstrait et concertau regard de la réalité environnante.Par les compétences transversalesqui y sont énoncées defaçon abstraite, c’est-à-dire sans lienavec des contextes particuliers, ilpeut favoriser la perception descomplémentarités et soutenir lestransferts dans l’apprentissage. Parl’attention portée aux domainesd’expérience de vie, il facilite l’élaborationde situations d’apprentissageplus significatives pour lesélèves.De même dans la pratique, l’outilque constitue l’ensemble des compétencestransversales devrait servirà faire des choix concrets, notamment,pour :– préciser le projet éducatif,– élaborer des situations d’apprentissages,– faire un retour réflexif surnos pratiques et sur l’exempleque nos propres comportementsoffrent aux élèves,– faciliter les collaborations entrel’école et ses différents partenaires,en commençant par lesparents,Photo : Denis Garon– soutenir les élèves dans la priseen charge de leur développement.Le personnel scolaireLes enseignantes et les enseignants,les directions d’école, les professionnels,les techniciens travaillantdans une école sont tous touchéspar les compétences transversales.Le choix de nommer un ensemblede compétences transversales quireflète les valeurs collectives devraitnotamment contribuer à la complémentaritédes actions en vue d’unecouverture complète des besoins dedéveloppement des élèves. Pour leschoix afférents au projet éducatifcomme pour les exercices d’évaluationinstitutionnelle, le tableau descompétences transversales peutêtre utile. Il peut aider à faire lepoint : le plan de match de l’écoleprend-il adéquatement en compteles aspects intellectuels, méthodologiques,personnel et social,accorde-t-on toute l’attention qu’ilfaudrait à la qualité des communications?C’est particulièrement aux enseignanteset aux enseignants quel’outil « compétences transversales» devrait servir. Mais commetout outil, ce référentiel peutdemander une certaine familiarisation,voire l’acquisition de certainescompétences :–les compétences intellectuelles,méthodologiques, sociales et decommunication peut-être ?Il est effectivement possible d’utiliserce référentiel pour comprendreles défis que pose aux enseignanteset aux enseignants le développementdes compétences transversalespar les élèves. Sans compterque dans ce type d’apprentissage,comme dans bien d’autres, onprêche souvent plus par l’exempleque par le discours.Ainsi, les enseignantes et les enseignantspourront utiliser et accroîtreleurs propres compétences intellectuellespour chercher et organiserl’information en vue d’élaboreravec les élèves des projets mobilisateurs.Ils pourront mettre à profitleurs compétences à résoudre desproblèmes, leur esprit critique etleur créativité en vue d’assurer laréalisation des projets élaborés.Les enseignants et les enseignantesauront aussi à utiliser des compétencesméthodologiques évolutives,incluant l’apport technologique,pour jongler avec plusieurs viséesde développement en même tempset garder le fil conducteur dans desactivités dont le déroulement n’estpas toujours prévisible. Le défi de larégulation, de l’évaluation des compétencestransversales nécessiterades mises à jour au regard de méthodesqui seront proposées : leséchelles descriptives, le portfolio,etc.Des compétences personnelles etsociales seront nécessaires auxenseignants et aux enseignantespour pouvoir s’appuyer avec confiancesur leurs pratiques antérieureset prendre en équipe lerisque de participer à une communautéd’apprentissage.De plus, leurs compétences de l’ordrede la communication contribuerontà assurer la qualité de leursrelations avec l’ensemble des partenairesde l’école, notamment lesparents.Les élèvesFaire connaître explicitement auxélèves les grands axes de compétencestransversales à l’aidedesquels ils chemineront tout aulong de leur formation, favoriseraleur engagement conscient dans laréalisation d’un projet qui les concerneau premier chef.Pour chacune des compétencestransversales, les élèves serontappelés à réfléchir systématiquementsur la façon dont ils auront exercéleurs propres compétences. Si onprend pour exemple la compétence«Résoudre des problèmes», on peuttrouver parmi ses composantes uneréflexion sur la démarche de résolutionde problèmes proprement dite,laquelle devrait se manifester de lafaçon suivante:•l’élève sait quelles étapes il afranchies;• il peut dégager les réussites et lesdifficultés;• il cerne les améliorations possibles.Ce processus d’autoanalyse est enquelque sorte une autoévaluationqui permet aux élèves, reconnuscomme premiers responsables deleurs apprentissages, de régulerleur progression et même departager avec leurs enseignants etleurs parents la perception qu’ilsont de leur cheminement.La réflexion qu’on pourra les aiderà mener sur les liens entre les compétencestransversales, les disciplinesscolaires et les domainesd’expérience de vie permettra auxélèves d’établir un rapport plussignificatif à leurs apprentissages.Peut-être entendrons-nous moinscette expression courante dans nosécoles : «Ç’a pas rap ».Il faut cependant être conscientque, bien qu’elle soit motivante,l’approche par compétences peutêtre déstabilisante pour certains.Celles et ceux qui réussissent biendans l’école du « répète-moi ce queje t’ai dit » n’apprécieront pas toujours,surtout au début, l’effortsupplémentaire que demande lapoursuite d’un plus grand développementde compétences transversaleset disciplinaires. Il fautespérer que les jeunes enfantsappelés, dès le début de leur scolarité,à composer avec cette approche,somme toute plus exigeante,ne connaîtront pas les difficultésd’adaptation que risquent de rencontrercertains de leurs aînéshabitués à plus de passivité.Les parentsLorsqu’on parle de mobiliser efficacementun ensemble deressources, il faut savoir que cesressources ne se limitent pas seulementaux acquisitions scolaires,elles englobent aussi les connaissanceset les expériences desélèves, leurs attitudes, leurs comportements,leurs champs d’intérêt,leur personnalité, bien des élémentsauxquelles les parents contribuentlargement. Dans cetteoptique, les parents doivent êtrereconnus comme des partenairesde plein droit. On ne peut plus limiterleur rôle à celui de surveillantde devoirs ni à celui de préfet dediscipline qui sanctionne les succèset les échecs. Pour les parents, connaîtreles compétences transversalesdu Programme de formationde l’école québécoise et être invitésà contribuer à leur acquisition estune reconnaissance du rôle importantqu’ils ont à jouer dans ledéveloppement de leurs enfants,notamment dans le profit que ceuxcitirent de leur séjour à l’école.C’est aussi, par ricochet, leurfournir l’occasion de mieux comprendreles grandes visées del’école et leur donner l’occasion deles valoriser.En somme, les compétences transversalesdu Programme des programmespeuvent être commePÉDAGOGIQUE 13<strong>DOSSIER</strong>


Vie pédagogique 116, septembre-octobre2000Marcelle Beaulieu, école Marc-<strong>Au</strong>rèle-Fortin à Laval (Commissionscolaire de Laval)Linda Clément, école Ste-Marguerite-Bourgeoys, à Montréal (Commisionscolaire de la Pointe-de-l’Île)Julie Cyr, École Louis-Lafortune-Les-Cheminots à Delson (Commissionscolaire des Grandes-Seigneuries)Claudine Lajeunesse, école Bienvilleà Montréal (Commission scolaire deMontréal)Danielle Ouellet, école L’Envolée àGatineau (Commission scolaire desDraveurs)Johanne Raymond, école du Champ-Fleuri à Prévost (Commission scolairede la Rivière-du-Nord)Lyne Roy, école Sainte-Famille àGranby (Commission scolaire du Valdes-Cerfs)Cristiane Thiffault, école de l’Étincelleà Terrebonne (Commission scolairedes Affluents)<strong>DOSSIER</strong>Photos : Denis Garonrépéter la lourde erreur commiseavec la fragmentation des objectifset des sous-objectifs au cours desdernières années. Tout dépendra del’interprétation que nous en feronset du découpage en capacités et enhabiletés. Pour ma part, je déploreque les assises théoriques duProgramme de formation ne soientguère accessibles. Je souhaite quenous puissions travailler sur le terrain,avec la collaboration d’expertset de chercheurs, à la mise au pointla plus concrète possible d’unedémarche d’apprentissage conformeà une juste perception de lanouvelle orientation. »Lyne s’emploie à rassurer sacollègue en l’informant qu’à laCommission scolaire du Val-des-Cerfs quelques enseignants ont déjàparticipé à des ateliers portantsur l’épistémologie socioconstructiviste,sur le mode de fonctionnementdu cerveau humain et surles conditions d’un transfert efficacedes connaissances acquises.« Et l’on compte maintenant surnous pour collaborer à la diffusionde ces nouveaux courants ! »3. DU PAIN SUR LA PLANCHEPour intégrer cette nouvelle préoccupation,les enseignantes sontconscientes qu’elles devront progresseravec rigueur sur le planprofessionnel.–L’assimilation des compétencestransversales nous pousse àconsolider quelques acquis et àmaîtriser de nouvelles habiletés,tels les TIC, la méthodologiedu travail intellectuel, les techniquesde recherche, l’approchecoopérative et l’enseignementstratégique. Les ateliers de formation,axés sur ces thématiques,seront sûrement trèsfréquentés. (Marcelle)– Dans cette perspective, l’accentdevra être mis dans les programmesde formation continuesur le comment plutôt que sur lecontenu, pour nous permettre debien travailler en équipe, de vraimentcoopérer et de disposer desoutils indispensables. (Claudine)– Nous n’échapperons pas à lanécessité de procéder à une vérificationdes valeurs qui nousinspirent comme éducatrices, dedéceler celles qui nous sont communeset de les traduire ensuitedans un projet éducatif cohérentd’où découleront les exigencesd’un développement professionnelà poursuivre. (Lyne)Dans cette optique, l’apport despairs est nettement privilégié;– La plupart des compétencestransversales se retrouvent aumoins à l’état latent chez lamajorité des enseignants. Il s’agitde nous entraider à en prendreconscience, à les repérer, à lesactualiser. (Danielle)– Il appartient, au premier chef, àl’enseignant lui-même de prendrel’initiative de sa formationcontinue, avec détermination, enprenant à l’occasion le cheminde l’université, par exemple.(Linda)– Il y a peu de temps, nous avonsexpérimenté à l’école une formulequi s’est révélée fructueuse: une journée portes ouvertesau cours de laquelle nousavons circulé librement d’uneclasse à l’autre pour prendreconnaissance des réalisations denos collègues et procéder à unéchange spontané de nos expériences.(Julie)– Nous sommes conviées en effet ànous incorporer à une communautéd’apprentissage. Ce quiexige une modification radicalede nos mentalités fortement individualistes.Nous aurons àapprendre à travailler ensemble.Pour y arriver, un bon leadershippédagogique et la collaborationde chercheurs m’apparaissentdes conditions de succès. (Linda)PÉDAGOGIQUE 15


<strong>DOSSIER</strong>– La formule du groupe d’analysedes pratiques pédagogiques a étéune réalisation majeure dansnotre commission scolaire, maisabandonnée, malheureusement,faute de moyens et de temps.(Lyne)Il va sans dire que l’on compteaussi sur les ressources d’appoint.– Nous souhaitons une supervisiondynamique de la part dela direction et l’accompagnementd’un conseiller pédagogique.(Claudine)– Il est indispensable que la directiond’école s’associe des expertspour assurer un soutien de proximitéet une aide dans la démarched’évaluation. (Johanne)Pour y parvenir, il faut du temps;– Un chevauchement entre l’ancienprogramme et le nouveau estprévisible pendant les quelquesannées de transition. Or, la discussiond’aujourd’hui sur lescompétences transversales montrebien l’effort qui sera exigé desenseignants sur le plan de la conception.Nous aurons à nousmesurer à un sérieux problèmede temps. (Johanne)4. UNE PIERRE D’ACHOPPE-MENT REDOUTÉEPour ne pas rester au stade desintentions vagues et généreuses, lesonze compétences transversales,devront faire l’objet d’une mesureet d’une évaluation. Sur ce chapitre,les participantes entretiennent lescraintes d’un dérapage possible.Elles ont beaucoup à dire sur lesujet.• Une forme à inventerSurtout pas d’évaluation consignéedans un bulletin standardisé, aveccotation et pourcentage, plaideMarcelle. « Nous aurons à mettre aupoint un instrument d’évaluationmieux adapté et plus ouvert quemaintenant, fondé sur la confiancedans le jugement de l’enseignant etformulé sous forme de commentaires.C’est le degré d’acquisitionde la compétence qui sera mesuréet non celui de sous-objectifs parcellaires.»« Comment en effet coter les traitsde caractère d’une personnalitéen évolution ? », souligne CristianeThiffault.• Des étapes à déterminerOn s’interroge aussi sur lafréquence de l’évaluation. Commel’acquisition des compétencestransversales s’étale sur l’ensembledu parcours scolaire, Claudine estd’avis qu’il importe de planifier unrythme convenable d’évaluation :par exemple, définir des tempsforts, peu nombreux, pour dresserun portrait évolutif et significatif dechaque enfant. « La fin d’un cycle, etparticulièrement la fin du primaire,seraient des occasions privilégiéesde faire le point. »« Et, dans ce but, enchaîne Johanne,nous aurons à raffiner notre maîtrisedu processus de développementintégral de l’élève. Pour jugeravec pertinence de l’état des aptitudes,des capacités et des habiletésd’un être qui évolue à son proprerythme, nous devrons aussi tenircompte de son potentiel de départ,du conditionnement de son histoirefamiliale et sociale. Chaque cas serévèle unique. »• L’intérêt du portfolioL’usage du portfolio est unanimementconsidéré comme la piste laplus intéressante à explorer, quoiquel’expérimentation s’amorce àpeine et que la formule ne soit pasencore « généralisable ». « En faisantle point avec l’enfant, affirmeDanielle, il y a nécessité de laisserdes traces tangibles de son évolution.Les possibilités qu’ouvre leportfolio paraissent prometteuses. »Julie rapporte en faire l’expériencerégulièrement dans sa classe. Ainsi,chaque semaine, ses élèves écriventen toute liberté dans un cahierprévu à cet usage. Par la suite, ilschoisissent eux-mêmes les textesqu’ils pensent utiles de conserver.• La participation des élèvesMarcelle décrit comment elle a faiten classe l’expérience, positive,d’amener ses élèves à participer àl’opération d’évaluation. « On peutleur faire confiance. Ils se révèlentdes juges incorruptibles à l’égardde leur comportement. En précisantdes seuils de réussite, on leur fournitdes balises qui stimulent leurresponsabilité à l’égard de leursapprentissages. La justesse du jugementformulé par l’enfant est souventétonnante. »Selon Linda, c’est une aptitude précieusepour l’enfant que d’apprendreà s’autoévaluer correctement età juger les autres avec objectivité.On doit reconnaître à l’élève la responsabilitéde s’évaluer lui-mêmeen faisant un retour sur des attitudestrès concrètes, tel le respectdu tour de parole. « En faisant ainsiconfiance au jugement de l’enfant,nous l’associons de façon constructiveà une perception stimulante deson cheminement dans ses apprentissages.En m’inspirant de lathéorie des intelligences multipleset en prenant appui sur les seuils deréussite, je crois avoir gagné mesélèves à se prendre plus facilementen main et à interagir de façon efficace.Dans le cadre de Défi-Mathématique, par exemple, j’aidéterminé des niveaux de compétence,novice, praticien et expert, cequi favorise une entraide beaucoupmieux ciblée. »Lyne raconte à ce sujet commentelle a pris l’habitude de privilégierdes rencontres individuelles à intervallesréguliers, en faisant usage dequestions ouvertes qui permettent àl’élève de nommer les étapesfranchies. « Dans cette perspective,il est nécessaire que nous soyons enmesure de renouveler en profondeurnotre gestion de classe et demettre en oeuvre des stratégiesadaptées. Il y a aussi place pour lacoévaluation. Il ne faut pas sousestimerla pertinence du jugementdes pairs et l’heureux effet de leurintervention dans la démarche d’apprentissagede chacun. »Julie a confié à des élèves quiéprouvaient des problèmes de comportementle soin de remplir euxmêmesleur feuille de route. Leurjugement s’avère plus efficaceque celui d’un regard extérieur,plus sévère aussi : « Mais, quand tuavais le dos tourné, j’ai fait telleidiotie... » Elle prend le tempsensuite de discuter avec l’élève àpartir des résultats notés.L’autoévaluation doit s’apprendretrès tôt, conclut Danielle. « Nouspratiquons à la maternelle desformes d’objectivation dont lesenfants sont très fiers. Avouonstoutefois que préparer des activitésvariées et les outils nécessairesexige beaucoup de temps de notrepart. »5. UNE PRATIQUE EN VOIE DETRANSFORMATIONL’avènement des compétences transversalessuppose une mise au pointpédagogique préalable. Pour ne pasdemeurer artificielle et insignifiante,l’acquisition de ces compétencesdoit se déployer dans desconditions plus riches et plusstimulantes que le cadre traditionnelde transmission magistrale deconnaissances. Chacune y va d’untémoignage vivant et crédible.– Linda : Dans le contexte du travailcoopératif que j’ai instauré dansma classe depuis quelquesannées, je peux repérer un grandnombre de compétences qui sontdirectement sollicitées, en particuliersur le plan social. Ilimporte que chaque élève comprenneet joue effectivement lerôle complémentaire qui lui estdévolu dans son équipe (lecteur,chercheur, rapporteur, etc.).– Johanne : Je me sens fortementinterpellée dans mes attitudescomme enseignante. Je dois précisermes valeurs de référence,choisir une approche pédagogiquecohérente et laisser uneplus grande place à l’initiative età l’activité de mes élèves.–Lyne : Pour ma part, j’ai ainsicompris que les enseignants sonteux-mêmes placés en situationd’apprentissage continu, relié àleur référentiel pédagogique.–Danielle : La participation desélèves à leur apprentissage nousconduit en classe maternelle àcréer un environnement toujourstrès vivant et à faire appel à desressources nouvelles : visites à labibliothèque et au laboratoired’informatique, recours au parrainagedes élèves de sixièmeannée, travaux de recherche, etc.Nous effectuons des retours surces activités pour que les enfantspuissent prendre conscience dece qu’ils ont vécu et mettre desmots sur leur expérience.– Marcelle : J’intègre les TIC dansmon enseignement depuis unedouzaine d’années. Selon monexpérience dans ce domaine,c’est l’introduction de l’ordinateur,alliée à une pédagogie parprojets et par ateliers, qui auraitl’effet le plus percutant sur ledéveloppement des compétencestransversales en général. À causede cela, je me sens immédiatementà l’aise avec le tableau deces onze compétences. L’introductiond’un conseil de coopérations’est aussi révélée un facteurdéterminant à cet égard. J’en aiappliqué la formule par étape,avec pondération. Les résultatssont probants, à conditiond’avoir le courage de persévérerà l’étape de mise au point.VIE 16 Vie pédagogique 116, septembre-octobre2000


Vie pédagogique 116, septembre-octobre2000– Julie : À l’école Les Cheminots, àDelson, j’ai eu la chance de participerà un projet de rechercheportant sur l’influence qu’exerceun environnement stimulant surla classe. De ce fait, j’ai bénéficiéde conditions particulièrementfavorables et d’un encouragementtangible de la direction.J’en ai profité pour travailler à laconception et à la production dematériel. Des projets de recherchemettant à profit lesressources d’Internet, une activitéd’animation en lectureaboutissant à une représentationthéâtrale, un bulletin de nouvellesdu matin rédigé par lesélèves, voilà autant d’exemplesd’une pratique pédagogique quifait appel à la participation detous.– Cristiane : Depuis quatre ans,mes élèves travaillent essentiellementen équipe et par projets.J’ai acquis la conviction profondeque l’enseignante prend trop deplace en classe, que l’élève doitse sentir vraiment responsable deses apprentissages et être enmesure de gérer lui-même sontemps et ses travaux à faire àl’école. Dans ce but, j’ai travailléà créer des contextes dans lesquelsles tâches à accomplir sontrattachées le plus possible à lavraie vie. À titre d’exemple, unprojet de rédaction d’un journal,qui remonte à quatre ans, estmaintenant presque entièrementréalisé par les élèves à toutes lesétapes : étude de marché, plan definancement, production, diffusion.Le lien entre les différentesmatières s’établit d’une manièrespontanée par les enfants euxmêmes.« Tiens, le papillon estsymétrique ! », remarque unefillette. Quand un transfert se fait,mes élèves disposent des « motspour le dire ». Dans cette formede pédagogie, c’est la personnalitéentière de l’élève qui est priseen considération et qui entre enjeu.6. TOUTE L’ÉCOLE DANS LADANSETirée de sa semi-clandestinité, l’innovationpédagogique a doncpignon sur rue non seulement dansla classe, mais dans toute l’écoledont l’organisation et la vie doiventrefléter les nouvelles préoccupationsd’une mission éducativePhoto : Denis Garonredéfinie. Les onze compétencestransversales commandent, en toutelogique, le rafraîchissement du projetéducatif de l’établissement, lamise au point d’un référentiel pédagogiqueassurant un minimumde cohérence dans l’action del’équipe-école et l’élaboration d’unprogramme d’activités parascolairesau diapason.Par les exemples qu’elles rapportent,nos interlocutrices montrentbien que plusieurs écoles n’ont pasattendu l’arrivée du règne des compétencestransversales pour semettre en mouvement. En voiciquelques preuves.– Le thème intégrateur du MoyenÂge a soulevé l’intérêt et l’initiativemultiforme des élèves del’école du Champ-Fleuri, àPrévost (Johanne)– Grâce au projet PAIX, les élèvesde l’école Bienville, à Montréal,participent à des ateliers d’initiationà la gestion pacifique desconflits. (Claudine)– La mise sur pied d’un conseild’élèves, ayant le mandat d’animerla vie de l’école de l’Étincelle,à Terrebonne, a permis àses jeunes membres de s’initier àl’art de déléguer des responsabilités,de sonder l’opinion, d’exposerdes projets, de contribuerà l’intensification du sentimentd’appartenance au groupe, etc.(Cristiane)– Les heureuses retombées de laprésence d’une classe régionaled’élèves handicapés par une déficienceintellectuelle à l’écoleMarc-<strong>Au</strong>rèle-Fortin, à Laval, surtous les élèves sont qu’ils deviennentconscients de la situationdes personnes handicapées etqu’ils apprennent à les respecter,à leur venir en aide, à les aimeret à les protéger. Chaque classeparraine un élève. (Marcelle)– Un salon de l’écriture tenu àl’école Sainte-Famille, à Granby,à l’intention des élèves de lamaternelle à la sixième année,comportait une exposition deleurs écrits et des ateliers destinésaux parents. (Lyne)7. L’INAUGURATION D’UNCHANTIER CONSIDÉRABLELes enseignantes résistent toutefoisà la tentation d’être euphoriques.Elles font sans cesse preuve d’ungrand réalisme, bien que plusieursd’entre elles aient fait leur entréedans la profession depuis peu. Ellesont vite saisi que l’école idéalen’existe pas et n’existera jamais.Elles acceptent de relever le défi detravailler, avec l’ensemble de leurscollègues, à leur progression personnelleet à celle de l’établissementdont elles sont solidaires. Et,selon leur diagnostic, il y auraitencore beaucoup à faire pourapprivoiser les compétences transversales.• Sur le plan personnelC’est le développement de la formuledu portfolio qui revient le plussouvent comme thème de consolidationou d’amélioration souhaitées: son adaptation à une approcheinterdisciplinaire, son élargissementà toutes les matières, sonexploration et son expérimentation.On mentionne aussi l’intégrationdes TIC, la cogestion des élèves,l’exploration du groupe multiâge, lesuivi concerté d’une cohorted’élèves, une meilleure contextualisationde l’apprentissage desmathématiques, etc.• Sur le plan collectifDe ce point de vue, ce qui resteà faire semble colossal. Collectivement,une équipe-école devrasans doute mettre quelques annéespour assurer l’épanouissementsatisfaisant des onze compétencestransversales à l’ensemble desélèves.– Il nous faut, en premier lieu, biensaisir ce concept relativementneuf. Une voie possible serait des’en tenir à quelques compétencesà un cycle donné, d’expérimenterdes modes possiblesd’acquisition par les élèves etd’évaluer la démarche faite.(Linda)– Encore faut-il pour cela trouverle temps de nous rencontrer ! Cen’est guère évident pour lemoment. (Danielle)– Ne serait-il pas indiqué de partirdu savoir et de l’expérience desenseignants ? La plupart ont développépersonnellement un grandnombre de compétences transversales.Nous avons nous-mêmesà en témoigner, notamment enétant un exemple vivant decoopération entre nous. (Lyne)– Il est vrai que le premier pas quenous avons à faire, c’est de nousassurer que nous maîtrisonsnous-mêmes convenablement lescompétences que nous entendonsfaire acquérir à nos élèves et, lecas échéant, de les parfaire pournotre propre compte. (Linda)– Cependant, ce domaine n’est pasvraiment étranger aux enseignants.Dans l’enseignement traditionnel,nous en tenons comptesinon explicitement, du moinsd’une manière plus ou moinsimplicite. Je crois donc que lemouvement peut surgir du seinde l’équipe enseignante. Deschefs de groupe ou des chefsd’équipe pourraient prendrel’initiative de nous entraîner, denous motiver, de nous former. Ilnous faut renoncer à un comportementde techniciens deprogrammes et modifier radicalementnotre intervention professionnelle.Cette évolution requiertune puissante motivationqui ne peut venir que de l’intérieur.(Marcelle)– J’abonde dans ce sens. Cetteresponsabilité de formation nousrevient au premier chef commeéquipe-école. Nous devons nousprendre en main, assumer collectivementcette transformation,nous donner des modes defonctionnement cohérents et enPÉDAGOGIQUE 17<strong>DOSSIER</strong>


<strong>DOSSIER</strong>harmonie avec ce qu’exigent lescompétences transversales. Entrepairs, avec l’aide d’enseignantsressources,il est possible de faireun bon bout de chemin. (Linda)– Néanmoins, le travail d’animationde la direction et des conseillersdemeure indispensable.Une personne responsable etcrédible, capable d’un certainrecul, doit nous rassembler, nousmobiliser, nous aider à faire desretours réflexifs sur l’action.(Johanne)– Notre autonomie professionnellen’infirme en rien le leadershipnécessaire de la direction et desconseillers pédagogiques. Nousavons à refondre en profondeurnos projets éducatifs. Établir unlien avec les parents s’imposeaussi. Il faut les sensibiliser àcette nouvelle dimension, en particulierau sein des conseilsd’établissement. (Lyne)– Oui, les grands débats sur nosvaleurs communes n’ont pasencore eu lieu. Les décisionsrelatives à des questions importantescomme le code de vie oula place de la langue secondesont souvent prises sous la pressiondu quotidien et en fonctionde critères techniques d’organisationet de fonctionnement.Dans nos plans d’action annuels,découlant d’un projet éducatifrevu et corrigé, nous serons enmesure de mieux incorporer lapréoccupation des compétencestransversales. (Linda)CONCLUSIONPour mettre en œuvre la réformecurriculaire, les enseignantes fontpreuve d’un sain réalisme. Ellesacceptent la situation réelle de leurécole comme point de départ solidede cette révolution. Elles souhaitentaussi disposer de toute l’informationnécessaire à une vue d’ensemblede l’opération le plus rapidementpossible. Il arrive que cetteinformation soit diffusée aucompte-gouttes. Des chefs d’établissementcraignent de semer unvent de panique en révélant tropbrusquement l’ampleur du pas àfranchir. Les enseignantes disent nepas avoir froid aux yeux et êtrecapables de porter le poids d’unevision d’avenir qui se bâtira néanmoinsau jour le jour, pas à pas.Paul Francoeur est consultant enéducation et membres du comité derédaction de Vie pédagogique.LES ONZE COMPÉTENCES TRANSVERSALES :CLEF DE VOÛTEDE LA RÉFORME CURRICULAIREpar Paul FrancoeurEAvec l’introduction des compétences transversales, les écoles secondaires vont disposer d’unlevier puissant de transformation pédagogique. Pourtant, la question de l’évaluation s’avèrecruciale. C’est la conclusion marquante d’une table ronde qui rassemblait, le 30 mars 2000,huit enseignants et enseignantes du secondaire.Enfin ! C’est l’exclamation inattenduequi ponctue chez cegroupe d’enseignants et d’enseignantesl’annonce d’une officialisationdes compétences transversales.Selon eux, dans un parcoursscolaire compartimenté, cettenotion fournit un fil conducteurpouvant assurer l’unité du cheminementde l’élève. Composantesessentielles du Programme de formationde l’école québécoise, lesonze compétences transversalesdevraient entraîner peu à peu leséquipes enseignantes à travailler defaçon plus solidaire et plus continueà la formation pleine et entière desjeunes en apprentissage.Cependant, cette adhésion spontanéede leur part n’équivaut pas àdonner un feu vert inconditionnel àl’ensemble de la réforme scolaire.L’orientation que préconise le ministèrede l’Éducation suppose desmodifications considérables dans lecomportement professionnel desenseignants – et celles-ci sontencore loin d’être faites. Cependant,d’après les commentaires recueillis,le personnel enseignant peut releverce défi considérable si certainesconditions sont remplies :– respecter jusqu’au bout sonautonomie professionnelle, nepas le parachuter d’une manièreinconsidérée dans le travaild’équipe à forte dose, tenircompte de son jugement critiquequant aux modes d’applicationdu Programme;– éviter de lui imposer une approchepédagogique exclusive, théoriquementsupérieure;– avoir confiance en son intelligence,en son jugement pratique,en sa volonté de concourir aubien de l’élève et en sa capacitéd’évolution et de développementprofessionnel;– l’encadrer par un leadershipinspiré d’une vision large, dansun courant de participation, desynergie et d’interdépendance;– faire appel à la délibération collectiveet aux choix d’une équipeenseignante;– accorder le temps nécessaire etles moyens proportionnés pourmener à bien l’opération d’intégrationde nouvelles habitudes.C’est donc un certain vent de fraîcheurque ces enseignants détectentau seuil d’une réforme qui suscite,par ailleurs, tant de points d’interrogationet qui soulève quelquescraintes. S’ils évoquent sans complaisancela situation des écolessecondaires publiques et leurresponsabilité à cet égard, ils affirmentnéanmoins les possibilitésd’une mutation déjà amorcée àplusieurs endroits et dont ilscomptent parmi les agents actifs.Cela étant dit, reconnaissons queles membres de ce groupe – qui sesituent sûrement parmi les forcesvives de leur milieu – ne donnentpas l’impression de prétendre à uneunanimité artificielle. Leurs positionsrespectives illustrent plutôt lariche diversité des points de vuecomplémentaires qui caractérisentles équipes enseignantes du secondaire.<strong>Au</strong>ssi avons-nous choisi, dansla forme de ce compte rendu, dedégager le point de vue personnel,exprimé tour à tour par chacun etchacune, tout au long d’une discussionoù les thèmes se sont emmêléslibrement malgré la fermeté del’animatrice.• Suzanne Cianflone ou lesvicissitudes de l’avantgardeEnseignante de français en premièreet en deuxième secondaire,Suzanne parle d’abondance de l’expériencequ’elle vit depuis trois ansà l’école Cavelier-de-La Salle, àLaSalle. À titre de responsable d’unprogramme d’enrichissement etd’interdisciplinarité (PEDI), elle aconnu une aventure à la fois exaltanteet traumatisante, à la finepointe du développement pédagogique.Ce contact avec la réalitél’amène à mettre un bémol à l’enthousiasmede certains théoricienset planificateurs de la réforme.L’appropriation du concept de compétencestransversales et leur applicationcorrecte seraient loin d’êtreacquises d’une manière générale.La majorité des enseignants aurontbesoin d’approfondir une juste définitionde ces compétences et des’initier aux façons concrètes d’enfavoriser l’acquisition chez lesélèves.De son expérience, elle déduitd’utiles conclusions pour l’actionpratique. Selon elle, il ne sauraitêtre question de rejeter en bloc lescours magistraux toujours dominants,ni les tâches intégratricesassociées aux matières. On devraittravailler plutôt à créer un nouveléquilibre en introduisant d’unemanière progressive le travail enprojet dans une perspective interdisciplinaire.Il faudra beaucoup detemps avant d’arriver à harmonisertous les objectifs et à initier lesenseignants à la gestion du travailen projet. Il sera indispensable audébut de leur proposer des exemplesou des modèles concrets d’intervention.Les enseignants, de tendancesplutôt individualistes, aurontaussi à s’apprivoiser au travaild’équipe, à mettre au point une trajectoired’évolution qui s’inscrirade préférence dans un processus etdans un cheminement. On nesaurait toutefois forcer la main àqui que ce soit dans cette conversionprofessionnelle, car touteforme de coercition engendrera lesabotage.Elle souligne le fait que l’élève – etnon plus l’enseignant – constituemaintenant le pivot du programme.Soit l’élève considéré dans toutesses dimensions, particulièrementVIE 18 Vie pédagogique 116, septembre-octobre2000


Vie pédagogique 116, septembre-octobre2000Photo : Denis GaronSUZANNE CIANFLONEl’élève en difficulté qui tire profitdes stratégies du nouveau programme.L’enseignant doit donclâcher prise en ce qui concerne latransmission des connaissancesdont il est porteur. Finies les classessilencieuses, suspendues au verbedu magister. Maintenant, les élèvesparlent et circulent dans la salle decours.Suzanne insiste sur l’importanced’un soutien explicite de la directionaux efforts d’innovation desenseignants qui accepteront des’engager dans cette voie et d’expérimenterde nouvelles approches.Il faudra sans doute cohabiter pendantquelques années avec lesdiverses tendances que manifestentles enseignants, ce qui peut s’avérerdélicat. Pourquoi ne pas regrouperceux et celles qui veulent travaillerensemble ? Il serait impensable, parexemple, de contraindre certainsenseignants, irrémédiablementindividualistes, à faire l’exercice dela collégialité.L’acquisition des compétencestransversales étant fortement tributairedes disciplines, Suzanneconstate qu’un effort de clarifications’imposera. Il ne s’agit évidemmentpas de mesurer des habiletéset des capacités, mais d’en arriverà exprimer clairement un ouiou un non sur la capacité réellede l’élève à exécuter une tâche précisedans le tableau des compétences.Libérée de six heures d’enseignementen vue d’accompagnerquelques collègues engagés dansun projet d’expérimentation etde recherche, Suzanne a doncvécu en précurseur pendant troisPhoto : Denis Garonans le parcours agité et exigeantd’une enseignante-ressource. Elleen tire des leçons précieusespour la phase de généralisationqui s’amorce dans les écoles secondaires.• Monique Roy–Saint-Laurentou la troisième voieEnseignante de mathématique enpremière secondaire à l’écoleÉmilie-Gamelin, à La Prairie,Monique propose une sorte decompromis pour une mise enœuvre réaliste et réussie de l’acquisitiondes compétences transversales.Sans complexe, elle confessequ’elle dispense toujours unenseignement de type magistral,avec une ouverture à une évolutionpossible dans son approche. Ce quine l’empêche nullement d’entretenirune relation harmonieuseavec ses élèves dont elle se sent trèsproche et un climat détendu dans saclasse où l’humour a droit de cité.Ses propos tendent donc à désignerune troisième voie possible entre lemaintien d’un statu quo et l’applicationtous azimuts d’un brusquevirage pédagogique.MONIQUE ROYElle brandit le tableau des onzecompétences transversales. « Maisle voilà tout prêt, notre programmede formation continue ! Concédonsque nous avons de grands progrès àfaire dans les domaines de la communicationet du développementpersonnel et social. Assurons-nousd’abord de maîtriser convenablementles compétences que nousaurons à faire acquérir à nosélèves. » La formation continue luisemble la voie royale du développementprofessionnel, à la conditionque l’équipe enseignante en prennel’initiative et la responsabilité etqu’elle soit l’affaire de tous lesmembres du personnel, y comprisde la secrétaire et du concierge.Sans oublier la direction qui ne faitl’objet, de sa part, d’aucune attenteparticulière du point de vue pédagogique.« Ce sont avant tout desgestionnaires qui doivent faire dubon boulot dans ce domaine. »Pour elle, les compétences transversalessont présentes à l’écoledepuis plusieurs années d’une manièreofficieuse. Ce qui est nouveau,c’est d’avoir à les mettre en oeuvresystématiquement. « Nous aurons àmodifier notre approche et à remettreen question nos modes et nosobjets d’évaluation. C’est nettementun PLUS qui nous est proposé... »Monique est foncièrement réaliste :« Partons de la situation telle qu’elleest. » Elle a eu l’occasion de piloterun projet dans son école. L’initiativea été bien reçue, mais, au début, illui a fallu structurer les tâches avecbeaucoup de précision, à cause dela difficulté de ses collègues à s’approprierconcrètement la démarcheà faire. Elle croit que les personnesressourcesdoivent soigner leur attitudeà l’endroit des collègues,sensibles à toute forme subtiled’arrogance ou de suffisance.« Nous avons encore beaucoup àapprendre sur le chapitre des compétencespersonnelles et sociales. »Pour l’évaluation des compétences,elle reconnaît que la tâche s’annonceardue. Les enseignants ontcommencé à formuler des commentairesau sujet de leurs élèves,mais des balises seront nécessaires.Il faudra aussi s’initier à la pratiquedu jugement collectif au sein d’uneéquipe de travail. « Il est courantd’entendre que ce n’est plus lamatière que l’on évalue désormais,mais la personne. » L’avènementdes compétences n’atténue en rienl’importance des connaissances àacquérir et dont il faudra fixer lesseuils.Monique favorise les rencontresindividuelles avec ses élèves. Quatrefois par année, elle ménage àchaque élève un tête-à-tête au coursduquel elle lui dit simplement commentelle le perçoit, comment ellele voit évoluer dans les différentsaspects de sa personnalité. Ces rencontressont marquantes et appréciéesdes élèves.Elle a travaillé pendant deux ansavec des groupes d’élèves en difficultégrave d’apprentissage, ce quilui a fait prendre conscience del’importance d’établir un lien affectifenseignant — élève stable. C’estpourquoi elle investit beaucoupd’espoir dans la possibilité qu’unnoyau d’enseignants suive ungroupe d’élèves pour la durée d’uncycle.Elle conclut avec vigueur que « c’estdans l’école que la responsabilitédoit s’exercer et que les ressourcesdoivent être disponibles de façonimmédiate. La commission scolairese révèle une structure inadéquatedans ce mouvement de transformationqui exige de la proximité ».• Normand Paris ou le ventdans les voilesHomme de science, Normandenseigne la biologie en quatrième eten cinquième secondaire à l’écoleJoseph-François-Perrault, à Montréal.Cette spécialisation ne l’empêchenullement d’entretenir unevision multidimensionnelle de sonengagement en tant qu’éducateur.Dans des propos souvent passionnés,il montre une indépendanced’esprit à l’endroit du système scolaire,tout en faisant preuve d’unesolidarité lucide à l’égard de sescollègues. Son allégeance premièreva aux besoins des élèves qui luisont confiés. Il s’inscrit résolumentdans un courant d’innovation pédagogiquequ’il explore avec rigueuret détermination.Avec l’arrivée des compétencestransversales, il note que l’enseignant,libéré du souci obsédantde couvrir un programme d’étudesfortement associé à un contenu deconnaissances cataloguées, pourra,en toute légitimité, consacrer dutemps à la formation de citoyensresponsables.Il se fait l’ardent défenseur d’uneapproche éducative qui tientcompte de tous les élèves, sansprivilégier indûment les plus forts etles mieux doués. Son ambition estd’engager à fond ses élèves dans devéritables activités d’apprentissagequi les obligent à accomplir destâches complexes, à se placer ensituation de déséquilibre cognitif, àse frotter aux exigences du travaild’équipe dans la réalisation de projets.Il observe que là où l’onapplique ces mesures, le taux d’absentéismerégresse d’une manièrePÉDAGOGIQUE 19<strong>DOSSIER</strong>


<strong>DOSSIER</strong>Photo : Denis GaronNORMAND PARISnotable. Les garçons, en général, sesentent à l’aise dans l’action concrète.Selon lui, les compétences transversalessonnent le glas des cours magistrauxqui engendrent deschercheurs de bonnes réponses.« Nous sommes tous un produit dece moule, et nous avons, d’instinct,tendance à le perpétuer. Cette formed’enseignement encore dominanteva de pair avec un individualismequi s’enracine dans la convictionque le travail d’équipe est lourd,souvent pénible, toujours grandconsommateur de temps. Il nousdonne l’impression de faire du surplace.À première vue, c’est tellementplus simple, plus efficace defaire carrière en solo. »Il est d’avis que les enseignantsdoivent se familiariser sans tarderavec un nouveau vocabulaire en vued’accélérer les débats indispensables.« Nous pourrons ensuitenous poser les vraies questions ettenter d’y répondre collectivement,ouvrir nos portes de classe et travaillerensemble. »Il est carrément partisan de confierà l’assemblée générale des enseignantsle soin de déterminer lesorientations collectives, de désignerles candidats aux fonctions de chefsd’équipe, de chefs de groupe etd’enseignants-ressources. Les collègueslibérés auront des comptes àrendre aux autres.Il se fait modeste en traitant de laquestion délicate de l’évaluationdes compétences transversales. Àl’heure actuelle, il expérimente laformule du portfolio comme solutionde rechange à une formed’évaluation désuète, qu’il se permetd’ailleurs de court-circuiter. Ilconvient qu’il s’agit là d’une véritablerévolution dans la façon deprocéder et que le dispositif n’estpas encore rodé. Il sera indispensabled’évaluer jusqu’à quel pointles élèves ont acquis les compétencestransversales en cultivantd’abord le réflexe de rétroactionchez les apprenants eux-mêmes. Ils’applique à doter les travaux derecherche de clefs de correctionqui faciliteront l’autoévaluation.Pour l’instant, il avoue marcher surdes oeufs... Le portfolio électronique,utilisé dans un contexte devraie vie, lui semble une pisteprometteuse.• Stéphane Masson ou ledroit à l’erreurStéphane enseigne les sciences endeuxième, en quatrième et encinquième secondaire, à l’écoleLe Sommet, à Charlesbourg. Professeurdynamique et innovateur, ilavoue profiter d’un contexte favorablegrâce à la présence d’unedirection avant-gardiste. « Parrapport à la réforme, notre directeurdispose au moins d’une annéed’avance sur le chapitre de l’information,de l’appropriation et de lavolonté de la mettre en œuvre. »Stéphane affirme sa foi dans l’exercicede la collégialité chez lesenseignants, dans l’efficacité deséchanges d’idées entre pairs, dansl’action concrète accomplie sur leterrain même. « Pourquoi ne pasnous accorder le droit à l’erreur,accepter de courir des risques enexpérimentant de nouvelles pistes ?La peur de manquer notre coup, denous planter, paralyse souvent notreeffort pour avancer. »Selon lui, le cadre des compétencestransversales est un bon canevaspour structurer les activités d’enseignementet d’apprentissage. Lesprogrammes actuels ne sont guèreconçus pour le travail en projet.« J’ai l’avantage de travailler avecdes groupes enrichis, aussi ai-je puexpérimenter audacieusement denouvelles avenues. En effet, lerythme d’apprentissage de cesélèves dégage une marge demanoeuvre pour les essais en nouslibérant des contraintes de temps. »À titre de professeur de sciences, ilreconnaît que la réforme du curriculumforce les enseignants àremettre en question leur pratiqueet que ce défi se révèle essoufflantPhoto : Denis GaronSTÉPHANE MASSONpour ceux et celles qui tentent de lerelever trop rapidement. « Pour mapart, j’ai exploré plusieurs pistes,tenté des essais et des expériencesde toutes sortes. J’ai reçu destémoignages d’élèves qui m’ontréconforté. Même ceux qui éprouventdes difficultés d’apprentissageme disent parfois qu’ils apprécientmes nouvelles méthodes, qu’ellesretiennent leur intérêt. » Il a misl’accent sur les compétences encommunication et sur l’exploitationsystématique des TIC.Toute la démarche d’évaluationdoit, selon lui, s’inscrire directementdans la perspective du progrèsde l’élève. « Il appartient àl’élève de s’autocritiquer et des’autoévaluer à partir d’objectifsqu’il s’est consciemment fixés aupréalable. Les jugements que formulentd’autres élèves, à la faveurdes travaux d’équipe, contribuentà l’éclairer utilement sur l’état deson développement sous diversaspects. »Il juge indispensable que les compétencestransversales figurent dansle projet éducatif de l’école et qu’unréférentiel pédagogique assure unminimum de cohérence dansles pratiques sur divers plans, parexemple sur le plan méthodologique.• Pierre Pouliot ou la fin del’homogénéitéPierre enseigne actuellement lagéographie en troisième secondaireà la polyvalente La Baie, dans la villedu même nom. Il a d’abord consacrécinq années à l’enseignementde l’histoire en deuxième secondaire.Dans son approche pédagogique,il s’efforce de varier lesstratégies. Il a eu l’occasion de collaborerà des travaux d’envergurenationale, ce qui lui donne une perspectivelarge sur les questions liéesà la réforme du curriculum et uneinformation privilégiée relativementaux enjeux. C’est sans doutepourquoi il s’est exprimé avecsobriété tout au long de la discussion.Dans son milieu, il est peu questionde la réforme pour le moment.Toutefois, depuis quelques années,l’équipe-école a fait un effortnotable en vue d’intégrer des TICen classe et d’améliorer les méthodesde travail. Ce qui préparedirectement la voie aux compétencestransversales qui « nousrecentrent sur l’objectif de formerun citoyen conscient et ouvert,capable d’aller chercher l’informationet de la décoder. Mais, pour yarriver, les enseignants devront sedéprogrammer et devenir euxmêmescompétents en compétences,leaders dans leur classe etcoopérateurs. »Son intervention la plus vigoureuseest dirigée contre la tendance àl’homogénéité dans la formationdes groupes d’élèves et du dangerqui en résulte de « former des trèscompétents, des compétents et desdemi-compétents, sans parler deslaissés-pour-compte ». Pierre soutientqu’il faut remettre en questionla récupération par les écolespubliques d’une dynamique propreau système privé. Dans sa région,les écoles internationales et lesécoles privées drainent déjà lesmeilleurs élèves. « En regroupantentre eux les élèves forts et en laissantà leur sort les moins doués,PIERRE POULIOTVIE 20 Vie pédagogique 116, septembre-octobre2000Photo : Denis Garon


Vie pédagogique 116, septembre-octobre2000Photo : Denis Garonnous ne rendons service ni aux unsni aux autres. À la Baie, nous avonsexigé que les groupes soienthétérogènes en 2000-2001. »Le principal obstacle lié à l’acquisitiondes compétences repose, à sonavis, sur la démarche d’évaluation.« Nous n’aurons plus à évaluer desconnaissances, mais à mesurer ledegré d’acquisition de compétencesdisciplinaires et transversales. Cen’est pas évident. »Préoccupé par la problématiquedes élèves en difficulté, il soulignecombien ceux-ci ont maille à partiravec des objectifs liés aux connaissances.L’approche par compétencesdevrait favoriser leurdémarche d’apprentissage.• Luc De Gagné ou l’éclatementdes structuresEnseignant de français en troisièmeet en quatrième secondaire, àl’école Rive-Nord, à Bois-des-Filion,Luc est manifestement porteurd’une vision progressive de l’éducation.Ses interventions, marquéesau coin de la concision et dela pondération, n’en sont pasmoins percutantes. Il se situe nettement,mais avec réalisme, dansla trajectoire de l’innovation pédagogique.Depuis plus de cinq ans,il a multiplié les occasions d’exploiteravec ses élèves les connaissancesacquises en français en leurproposant une gamme d’activitésstimulantes : exploitation de situations-problèmes,essai d’explicationd’un phénomène mystérieux, conduited’enquêtes policières, etc.D’entrée de jeu, il se félicite du faitque l’officialisation des compétencestransversales entraîne unereconnaissance de ce que nombreLUC DE GAGNÉd’enseignants ont essayé de réaliseren stimulant la motivation de leursélèves et en mettant l’accent sur letransfert des apprentissages. Il faudraaller plus loin cependant. « Dèsque nous tentons de modifier notreapproche pédagogique, nous nousheurtons à des problèmes presqueinsolubles d’organisation. Il estimpératif de faire éclater la structureactuelle de l’école secondairequi encourage le cloisonnement.Pour « décompartimenter » des disciplines,une intervention de ladirection sera sans doute indispensable.Les enseignants devrontaussi mieux maîtriser l’art de communiquers’ils ne veulent pasdemeurer confinés dans leursmatières respectives. » Le tondemeure suave, mais on voit bienque Luc ne fait pas exclusivementdans la dentelle.Il souligne avec satisfaction que leprojet éducatif est en cours derefonte, à l’école Rive-Nord, avec leconcours de tous les partenaires :direction, enseignants, parents etélèves. Il devrait favoriser la priseen considération collective descompétences transversales et susciterun minimum d’uniformitédans la formation continue, ce quifournirait ainsi une base communeet un même langage aux membresde l’équipe.<strong>Au</strong> sujet de l’évaluation des compétences,ses interrogations sont nombreuses.Conviendrait-il de mesurerl’ensemble des compétences ou des’en tenir à quelques-unes? Faudraitilplutôt s’attaquer au processus ?Est-ce que le portfolio est vraiment lasolution miracle ? Poser ces questions,c’est un peu y répondre.• Daniel Champagne ou lesgrandes manoeuvresEnseignant de géographie en premièreet en deuxième secondaire àl’école de Rochebelle, à Sainte-Foy,Daniel prend rarement la parole.On voit qu’une longue pratique del’enseignement l’a rendu économede ce point de vue et plutôt soucieuxd’un usage modéré du verbe.Pourtant, il intervient à point nommé,après une longue écoute, et sonpropos est direct, pertinent et souventfrappant.Selon lui, bien des écoles auraientprécédé la réforme du curriculumen amorçant des projets transdisciplinaires.« Avec le Programme dePhoto : Denis GaronDANIEL CHAMPAGNEformation de l’école québécoise, etnotamment avec les compétencestransversales, nous disposons d’unéclairage qui nous faisait défaut.Nous marchions souvent à tâtons. »Néanmoins, il rapporte avecenthousiasme une activité interdisciplinaired’envergure faite à sonécole au premier cycle et qui a misen interrelation la géographie et lesarts : il s’agissait d’un travail longsur les différents pays du monde, ycompris la fabrication d’un posterreprésentant un personnage typique.De même, en cinquièmesecondaire, un projet transdisciplinairemobilise toutes les matièresdepuis trois ans autour de l’objectifgénéral d’apprendre aux élèves àfaire la distinction entre les faits etles opinions. Ces projets ont exigéune entente préalable sur la définitiondes concepts. La réaction desprofesseurs est très positive; ils onttrouvé l’expérience extraordinairemalgré des réticences au départ.Il s’inscrit en faux contre un mouvementque soutiennent des parentsen vue de créer des ghettos d’élèvesdoués au sein de l’école publique.Les compétences transversales sedévelopperont mieux dans desgroupes hétérogènes qui reproduisentles conditions de la vraie vieet qui permettent d’en arriver à unéquilibre dans le jeu de la coopération,en mettant en interaction lesplus forts et les plus faibles. Chacuny trouve son compte finalement.<strong>Au</strong> sujet de l’évaluation des compétences,il se déclare fort embêté.« Je ne sais trop qu’en penser. Entout cas, ça ne sera pas facile. L’idéedu portfolio me paraît bonne, maiselle ne règle pas toute la question.Est-ce que nous devons nécessairementprocéder à une évaluation descompétences transversales qui formentla base même de la réforme ?Je l’ignore, surtout quand je mereporte à l’expérience vécue au collégialà ce sujet. »En terminant, il suggère que soitdécrétée, dans tout le Québec, latenue d’une journée pédagogiquenationale sur le thème de laréforme du curriculum. Il croit quel’importance de l’enjeu justifie cetévénement qui sensibiliserait toutela population au mouvement defond que l’école publique est entrain d’effectuer.• Jacqueline Jobin ou l’exildans un gymnaseProfesseure d’éducation physiqueen deuxième, en quatrième eten cinquième secondaire àl’école Félix-Leclerc, à Repentigny,Jacqueline n’en demeure pas moinsfortement solidaire des préoccupationsprofessionnelles de ses collèguesdont elle s’efforce dedemeurer proche. Elle se demandecependant s’il y a vraiment uncouloir qui relie le gymnase aureste de l’établissement, étant donnél’isolement dans lequel sont confinésen général les professeursd’éducation physique. On observeen effet très peu de communicationsystématique avec l’ensemble dupersonnel enseignant. En ce qui atrait aux compétences transversales,elle s’interroge sur la façon dont onpourrait incorporer l’éducationphysique dans un mouvementsouhaitable de transformation et dedécloisonnement.Elle observe qu’une insécuritérègne chez les enseignants, pastellement en ce qui a trait aumatériel didactique, mais plutôtquant au changement des façons defaire. « Ils auront besoin d’information,de soutien, d’élan, et la directiond’école, les conseillers pédagogiqueset la direction générale dela commission scolaire doivents’engager à les fournir. »Pour sa part, elle a déjà commencéà se soucier de l’acquisition descompétences transversales. Elle endonne pour exemple une expériencevécue avec des élèves inscritsà un cours à option d’éducationphysique. Elle leur a proposé depréparer et de donner un cours devolley-ball. Un peu craintif auPÉDAGOGIQUE 21<strong>DOSSIER</strong>


<strong>DOSSIER</strong>départ, le groupe a néanmoins pristrès au sérieux la préparation ducours et a produit un document quicomportait des photographies.L’expérience s’est révélée heureusepour tous, et particulièrement gratifiantepour les élèves qui l’ontmenée.Elle partage l’inquiétude de sescollègues au sujet de la démarched’évaluation des compétences. Ellese réjouit cependant que l’élève soitjugé désormais en fonction de luimême,de son potentiel, de sesacquis, plutôt que d’être comparé àun groupe ou en fonction d’unenorme moyenne extérieure.JACQUELINE JOBINLES ENSEIGNANTS, MAÎTRESDU SORT DE LA RÉFORMELa réaction de l’ensemble desenseignants du Québec – et particulièrementde ceux du secondaire– demeure la grande inconnuedans le cadre général de lamise en œuvre de la réforme ducurriculum. Leur attitude réglera lesort de l’école publique québécoisepour les prochains dix ans. Del’échantillon des huit professeursqui ont participé à la table ronde du30 mars 2000, se dégagentquelques tendances.•L’accueil des compétences transversalesest en général positif. Ilappartient désormais aux enseignantsde s’entendre sur uneperception commune de ce conceptet de le traduire avec créativitédans une démarche soutenued’apprentissage.• La théorie socioconstructiviste,proposée comme cadre d’acquisitiondes compétences transversales,est reçue avec une certainePhoto : Denis Garonréserve. On en reconnaît lavaleur du point de vue épistémologique,mais on accepte malqu’elle envahisse tout le champde l’intervention pédagogique.L’enseignement magistral et certainsapports du behaviorismepeuvent contribuer à conserverun équilibre dans le faisceau desapproches qu’exploite l’enseignant.•L’organisation par cycles, propiceau suivi des compétencestransversales, sera faisable à lacondition d’y aller progressivementet de laisser un minimumindispensable d’autonomie àceux et celles qui s’initient au travaild’équipe.•L’accent mis sur les compétences– d’aucuns parlent de fixation –est acceptable dans la mesure oùil se concilie avec le maintiend’un riche contenu de connaissances.C’est grâce aux disciplinesque pourront se développerces capacités et ces habiletés.• Il revient aux équipes enseignantesde prendre l’initiative demettre en oeuvre la réforme :fixer le rythme réaliste de progression,planifier la formationcontinue nécessaire, désigner lescollègues qui assumeront lesrôles d’enseignants-ressources,participer à la mise à jour d’unprojet éducatif qui incorporera lapréoccupation des compétencestransversales.• On attend des directions d’écolequ’elles s’emploient à assouplirle cadre d’organisation ouqu’elles le réclament desinstances et qu’elles exercent unleadership axé sur la participation,la synergie et l’interdépendance.L’impression ressentie à la fin de larencontre est donc nettement favorableà la réussite à long terme de laréforme engagée en éducation etdont le souci de développer descompétences transversales constitueun aspect déterminant. À lacondition d’y mettre du temps.« C’est pourquoi il faut commencersans tarder, y compris au deuxièmecycle du secondaire », conclutJacqueline Jobin.Paul Francoeur est consultanten éducation et membre ducomité de rédaction de Vie pédagogique.ENTRER DANSLE PROGRAMME DE FORMATIONDE L’ÉCOLE QUÉBÉCOISE :UNE HISTOIRE VÉCUEÉpar Geneviève St-MauriceÉtant enseignante dans une desécoles qui ont mis à l’essai leProgramme de formation del’école québécoise en 1999-2000,Vie pédagogique m’a demandé detémoigner de mon expérience. Voicidonc mon histoire.Dès réception du Programme deformation de l’école québécoise duministère de l’Éducation, j’airegardé ce qu’il contenait. J’aidécouvert alors le Programme desprogrammes. Tout de suite, cettepartie a attiré mon attention et m’aplu.Le Programme de formation secompose du Programme des programmeset des programmes disciplinaires.Le Programme des programmescomprend deux volets : les compétencestransversales et les domainesd’expérience de vie.Je crois qu’il faut d’abord prendreen considération le Programme desprogrammes. C’est ce dernier quinous permet de changer ou d’améliorernos interventions , notre pratiquepédagogique dans la classe.Les domaines d’expérience de vienous donnent la première prise surl’apprentissage, ils sont le moteurde l’action. Il s’agit de thèmes, decontextes qui permettent d’élaborerun projet et d’amener l’élève à semettre lui-même en projet, à êtreactif dans ses apprentissages. À partirdes domaines d’expérience devie, nous créons une situation réelledans laquelle peuvent se développertoutes les compétences transversales.Une fois mis en contact avec lesnouveaux programmes, c’est doncle Programme des programmesqu’il faut s’approprier tout particulièrement.Il est certain que, comme enseignanteou enseignant, nous pensonsau contenu disciplinaire. Le premierréflexe de la plupart d’entrenous sera d’aller voir de ce côté.Une fois les enseignants rassurés àce propos, ils pourront facilements’adapter au nouveau contenu. Ilfaut poursuivre avec le comment.C’est le Programme des programmesqui y mène. C’est là que levirage s’effectue. Il faut y mettrebeaucoup d’énergie afin que laphilosophie des nouveaux programmespermette de changer despratiques pour que l’élève soit aucœur de ces dernières et y soit uneentité active.Une fois ma réflexion amorcée, j’aiaimé regarder ma façon de travaillerpour y chercher ce qui serattachait déjà aux nouveaux programmeset ce que je pouvaischanger, modifier. C’est tout un travail! Je voyais ainsi mes bons coups,mes moins bons et je me suis ditqu’il fallait me lancer pour essayerde rendre l’élève plus actif dans sontravail. Ce n’est pas toujours facilepuisque je suis, comme biend’autres, habituée d’organiser leschoses, de tout prendre en main.Maintenant, il faut lâcher prise,partager ce pouvoir avec les élèves.Bien que je ne sois qu’en 2 e année,ils m’ont prouvé qu’ils en sont toutà fait capables ! Il faut leur faireconfiance.VIE 22 Vie pédagogique 116, septembre-octobre2000Photo : Denis Garon


Vie pédagogique 116, septembre-octobre2000Le Programme des programmes mepermet d’enseigner large, de voirl’enfant non seulement comme unélève, mais aussi comme un êtreentier qui doit développer toutes lesfacettes de sa personnalité, de sonêtre. Dans cette optique, on ne peutpasser à côté de la transdisciplinarité,du projet, puisque l’élève doitaccomplir des tâches signifiantes,motivantes, dans lesquelles il s’engageà fond et par lesquelles il solliciteles ressources de son milieu(famille, amis, connaissances, etc.).QU’EST-CE QUE ÇA CHANGE ÀMA PRATIQUE PÉDAGOGIQUE ?Si l’on tient compte du développementcomplet de l’enfant, du rôleactif qu’il doit jouer dans l’apprentissagede toutes les compétencesque nous devons l’aider à développer,il m’est apparu évident que mapratique pédagogique devait continuerd’évoluer et que l’évaluationdevait être remise en cause. Si l’onpense à l’approche traditionnelle,l’enseignante était la personne quisavait, qui donnait, qui corrigeait.Maintenant, c’est elle qui guidel’enfant vers l’acquisition de compétences.L’approche par compétences amènel’élève à être actif, à participerdavantage. Cette approche conduitau projet. Il faut cependant fairepreuve de prudence car le projet neconduit pas nécessairement à l’approchepar compétences. En effet,si on décide, si on dirige, si onchoisit pour les élèves, si on lesévalue à des périodes fixes ou si onévalue seulement le produit fini, onne travaille pas dans l’esprit desnouveaux programmes.Cependant, si on travaille les compétencestransversales, on ne peutrester dans un modèle où les élèvesreçoivent les connaissances et lesemmagasinent. Comme le dit sibien Suzanne Francoeur-Bellavance,« l’exercice d’une compétence estun projet ». Pour développer lescompétences, l’élève doit êtrel’acteur principal de ses apprentissages.Le projet permet ainsi d’intégrerdes tâches et des disciplines. Ladémarche du projet faisant appel aurappel des connaissances antérieureset au questionnement sur le« Qu’est-ce que je veux savoir ? »,l’élève se met naturellement enaction pour réaliser le projet qu’il aen tête.Photo : Denis GaronLorsqu’il élabore un projet, l’élèvedoit cerner son intérêt et décider dece qu’il désire entreprendre. Ildevra aussi trouver les moyens pouraccomplir la tâche qu’il se fixe(trouver ce qu’il veut, où il peut letrouver, comment aller le chercher,etc.) et effectuer les apprentissagesqu’il cherche à faire grâce au projet.Nous devrons l’aider, ainsi queses amis, à utiliser des méthodesefficaces de travail et à exploiter lesTIC comme des moyens de trouverde l’information ou de présenterson produit. C’est à l’intérieur duprojet qu’il pourra exploiter l’informationrelative au sujet choisi, fairedes choix, résoudre des problèmes,exercer sa pensée critique et mettreen œuvre sa pensée créatrice pourtrouver des nouvelles façons defaire. Pour arriver à terminer sontravail, il se rendra vite compte qu’ila beaucoup à retirer de la coopération.En travaillant avec d’autres, ilapprendra des stratégies pour optimiserle climat nécessaire au travailen coopération et les techniquesefficaces pour accomplir une tâche.Il confrontera ses idées avec cellesdes autres et développera son identitédans le travail en groupe. Toutau long du projet, il aura à évaluerson travail pour déterminer cequi va bien, ce qui est difficile etsavoir pourquoi, pour voir commentil avance et ce qu’il doit modifier,pour poser des questions quipermettent à ses amis et à l’enseignantde l’aider à réfléchir et àtrouver des solutions. Finalement, ildécidera de quelle façon il désirecommuniquer le résultat de sontravail : présentation matérielle,ressources nécessaires (humaineset matérielles), public visé, séquenced’actions nécessaires pour terminerson projet à temps.J’aimerais dire, avant de passer àautre chose, qu’il est essentiel quel’élève soit actif dans sa démarched’apprentissage et que ça vienne delui. Mais je crois aussi que l’enseignantepeut lui proposer desmini-projets, des situations danslesquelles les élèves acquerront etdévelopperont des compétences. Jecrois qu’on peut également être actifet compléter les idées de l’élève.Finalement, on remarque que toutau long du projet, l’élève développeles compétences transversalesdécrites dans le nouveau programme.Il en est d’ailleurs demême pour ma propre démarcheque je partage avec vous aujourd’hui.SUR QUOI RÉFLÉCHIR ?Comme les nouveaux programmesm’amènent à changer ma pratiquepédagogique, des questions seprésentent à mon esprit. Plusieurséléments sont à réajuster.Nous pensons maintenant en fonctionde cycles. L’organisation scolairedevra se définir autrement.Quelle formule sera retenue ? Onnous propose de suivre nos élèvestout le long du cycle. C’est une possibilité,mais il faut réfléchir aussiaux autres modèles qui s’offrent ànous. Pourquoi deux enseignantesne seraient-elles pas responsables,à l’intérieur d’un cycle, d’un grouped’élèves du cycle ? Des projets pourraientdémarrer, à l’intérieur d’uncycle, avec le cycle au complet etensuite, les élèves, ayant choisi leprojet qui leur convient, pourraientse regrouper selon leurs centresd’intérêt ainsi que leurs goûts etc. Ilpourrait aussi y avoir place pourdes regroupements à l’intérieurdu cycle, à partir des difficultésqu’éprouvent les élèves ainsi quedes « cliniques » ponctuelles leurpermettant d’aller chercher del’aide rapidement sur des contenusdisciplinaires ou des compétences àdévelopper. La réflexion ne fait quecommencer, mais il est importantde nous ouvrir à toutes les possibilitésque les nouveaux programmesnous offrent et de faire preuve decréativité.<strong>Au</strong>tre point sur lequel une réflexions’impose : l’évaluation. Les pratiquesdoivent changer, puisquel’évaluation doit se faire en cours decycle. L’enfant a deux ans pour progresserdans ce dernier. Il faut doncréfléchir à la façon de s’y prendre.L’évaluation doit aller de pairavec l’implantation des nouveauxprogrammes. Comme l’approcheentraîne un autre type de démarcheévaluative, les deux doivent se fairePÉDAGOGIQUE 23<strong>DOSSIER</strong>


<strong>DOSSIER</strong>simultanément. Ce que j’ai trouvédifficile, cette année, a été dechanger mes façons de faire enn’ayant que très peu de moyens, desuggestions à ma disposition. Ilaurait fallu que les programmes etl’évaluation soient prêts au mêmemoment pour que les changementschez l’un trouvent écho chezl’autre. Nous avons réfléchi, pensé àce dont nous avons besoin, mais,comme le temps est toujours unfacteur important, nous n’avons pasréussi à tout faire cette année.Pour évaluer en cours d’apprentissage,il nous faut développer unenouvelle expertise, soit regarder laprogression de l’élève tout au longdu cycle, par rapport à des compétencesdonnées, s’habituer à questionnerl’élève sur le comment et lePhoto : Denis Garonpourquoi pour qu’il puisse faire lepoint et voir le portfolio comme uninstrument très intéressant d’évaluationdu cheminement de l’élèvependant un cycle. Le portfolio nouspermet de développer la capacitéchez l’élève de réfléchir sur son travail,de connaître le comment et lepourquoi, de cerner les défis àrelever et d’évaluer ses progrès, etc.Je crois que cet instrument deviendrarapidement un incontournabledans les nouvelles pratiques évaluativeset qu’il nous faudra en savoirencore plus à ce sujet.Nous devons évaluer les compétencestransversales et disciplinaires.Pour les compétences disciplinaires,la réflexion porte surtoutsur le comment faire. Il faudra, biensûr, intégrer les compétences disciplinairesà l’intérieur du projet, etl’évaluation devra se faire pendantque l’élève travaille. Nous devonsréfléchir à la façon de déterminerclairement où en est l’élève dansl’acquisition de chaque compétence.Pour les compétences transversales,cela se complique. Il estdifficile actuellement de les évaluerà ma satisfaction, car je ne peuxque me servir de mon jugement etde ce qui est écrit dans les nouveauxprogrammes, tout en étantrigoureuse. Nous aurons besoin dedéfinitions plus précises; ellespourraient l’être en fonction decomportements ou d’échelles descriptives.Pour ce qui est du bilan de fin decycle, nous avons besoin d’aidepour le dresser. Beaucoup d’élémentsdes programmes étant à travailler,le temps, encore une fois,nous a empêché de créer des tâchesintégratrices ou des situationsd’apprentissage rigoureuses quisont dans l’esprit des programmes.Je crois aussi qu’il faudra préparerdifférentes grilles d’observationpour être en mesure de suivrerégulièrement le développementdes compétences chez l’élève. Ilsera important de bien préciser lescomportements à observer poursituer l’évolution de l’élève .Nous devrons aussi mettre au pointdes instruments pour que l’élèvepuisse s’autoévaluer tout au long desa démarche et juger de la valeur deson travail.Deux autres points nécessitent uneréflexion particulière : l’intégrationdes TIC et l’intégration des matièresà l’intérieur d’un projet.Les TIC doivent être de plus en plusprésentes dans les projets del’élève. Il les utilisera pourchercher de l’information, faire untravail, correspondre avec d’autresclasses du Québec ou d’ailleurs,etc. Les possibilités étant très nombreuses,il faut utiliser les technologiesle plus possible puisqu’ellesferont de plus en plus partie intégrantede la vie des élèves. Si nousnous en servons nous-mêmes (logiciels,outils de recherche, Internet,etc.) leur utilité ira de soi pourl’élève.L’intégration des matières doit aussiêtre présente à notre esprit, car leprojet, qui nous permet de développersi bien les compétences, nousoffre une porte d’entrée tout à faitparticulière à cet égard. À partir desprojets réalisés avec les élèves,nous devons cerner de quelle façonnous touchons les différentes compétencestransversales et disciplinairesau fil du temps. Nousdevons donc, comme professionnelles,lier le tout et voir les possibilitésde développer à l’intérieurd’un projet, les compétences transversales,disciplinaires présentesdans le Programme de formation.Il s’avère de plus en plus difficile deprésenter aux élèves un horaire fermé: 9h15 math; 10h30 : français;etc. Il est préférable de faire unmenu ouvert pour une journée oupour la semaine.Enfin, il y a lieu de réfléchir surl’utilisation du matériel didactique.Si nous laissons une plus grandeplace aux élèves, si nous intégronsles matières, le matériel didactiquene répondra pas nécessairement ànos besoins. Certains manuels contiendrontsans doute des tâchesintégratrices. <strong>Au</strong> début, ces tâchespourront être aidantes, mais jecrois que plus nous avancerons etserons à l’aise avec le nouveau programme,plus nous pourrons nouspasser du matériel. Nous auronssans doute longtemps besoin d’unebanque de textes destinés à un cyclemais peut-être qu’à la longue noustrouverons d’autres façons de faire.Bon nombre de solutions peuventêtre envisagées. Il est impossible deles voir toutes pour le moment; ilfaut prendre le temps de nousfamiliariser avec ces nouveautés.Mais qui sait si, un jour, une maisond’édition n’aura pas la bonne idéede mettre, sur Internet, une banquede textes par cycles, par thèmesavec des références (adresses Internet,livres, personnes-ressources,etc.) et de fixer un prix pour unabonnement à l’école pour y avoiraccès ?L’avenir appartient aux gens ouverts...QU’EST-CE QUE ÇA CHANGEDANS MES RELATIONS AVECMES COLLÈGUES ET DANS LAVIE DE L’ÉCOLE ?Le Programme de formation nousoblige, comme membres d’uneéquipe, à nous parler davantage et,surtout, à ouvrir les équipes de travailen fonction du cycle. En effet,de plus en plus, nous avons à discuterdes compétences à travailler,de ce à quoi nous nous attendonsdans le cycle relativement audéveloppement des compétences etde l’organisation scolaire. Les discussionss’élargissent encoredavantage quant aux sujets à aborder: comment expliquer aux parentsles nouveaux programmes ?Comment rendre le parcours del’élève le plus clair possible ?Comment travailler l’outil de communicationaux parents ? Commentpenser l’organisation scolaire ?En ce qui a trait au contenu, le programmeoblige l’équipe à re-situerles compétences disciplinaires àl’intérieur d’un cycle. Pour lesVIE 24 Vie pédagogique 116, septembre-octobre2000


domaines d’expérience de vie, nouspouvons échanger des idées sur nosfaçons de voir et de faire. Pour lescompétences transversales, nousdiscutons de la façon de lesdévelopper, de bien les camper.Nous parlons aussi de la façon deles évaluer.Finalement, je crois que le rôle dela direction est extrêmement importantdans la vaste entreprise qu’estla mise en œuvre des nouveaux programmes.Une direction soutenante,positive, ouverte, mais aussi structurée,permettra à chacun de s’yintéresser et de se sentir importantcomme agent de changement.Et la vie de l’école ?Comme on le dit si bien, les compétencestransversales se retrouventdans toutes les sphères de la vie del’élève. On peut remarquer l’influencequ’exerce le développementdes compétences sur la vie del’école. Que l’on parle des récréations,du climat de la classe ou del’école, du projet éducatif, lesélèves s’y engagent davantage, car,dans leur vie de tous les jours, àl’école et à la maison, nous lesaurons aidés à développer des comportementset des habiletés qui setransfèrent constamment. Pensez,entre autres, à la résolution de conflitsdans la cour d’école ou dans laclasse. L’enseignante n’est plus cellequi règle les conflits et qui en montreles conséquences, mais biencelle qui incite les élèves à utiliserPhoto : Denis Garonleurs compétences pour le faireeux-mêmes. Plus le temps avancera,plus nous pourrons aider les élèvesà développer les différentes compétences,et plus ceux-ci les utiliserontfacilement.DE QUELLE FAÇON LESNOUVEAUX PROGRAMMESM’ONT-ILS CHANGÉE ?La fin de l’année approchant, je mesuis demandée pourquoi j’éprouvaisun sentiment différent de celuiqui m’habitait à la fin des classesl’an dernier. De vieux réflexes metenaillaient : ai-je vu mon programme? Comment vais-je évaluer ?Où suis-je rendue ? Et ma consœur ?Pendant deux jours, je me suisinterrogée sur ce qui n’allait paspour me rendre compte finalementque mon rôle a changé. Je ne peuxpas comparer les compétences demes élèves en me disant par exemple,« Dans le matériel, où es-turendue ? », mais plutôt en medemandant ce qu’ils ont appris,comment ils s’y sont pris, commentils progressent dans toutes les compétencesautant transversales quedisciplinaires? En fin de compte,voici ce qui m’est venu : « J’ai travailléavec mes élèves, je les aiaccompagnés ». Pour moi, cesphrases résument mon année d’expérimentation: mon rôle a changé,je suis, fort heureusement, encoretrès utile, mais d’une autre façon. Jesuis avec mes élèves celle qui lesaccompagne, celle qui les guidedans leur projet d’apprendre, cellequi voit leur potentiel et les soutientdans le développement des compétencesqui feront de chacun d’euxun être complet, entier, en harmonieavec lui-même et les autreset capable de bâtir un monde àvenir. Et je me rends compte aussique je les connais mieux que lesélèves des années précédentes,parce que je travaille davantageavec tout ce qu’ils et elles sont.Eh oui ! je me dis que je fais, bienhumblement, partie de celles et deceux qui peuvent changer lemonde !Geneviève St-Maurice enseigneen 2 e année à l’école des Petits-Cheminots à la Commissionscolaire des Navigateurs.Vie pédagogique 116, septembre-octobre2000PÉDAGOGIQUE 25


LES COMPÉTENCES TRANSVERSALES : UNE PRÉOCCUPATIONPRÉSENTE DANS DES PRATIQUES ACTUELLESpar Luce Brossard<strong>DOSSIER</strong>CAP SUR LES COMPÉTENCES AVEC UNE JEUNE ENSEIGNANTEQUI SAIT NAVIGUER À VUEEn septembre 1999, MélanieDeschênes a embarqué lesdix-huit élèves de sa classemultiprogramme (cinq enfants dematernelle, six élèves de 1 re annéeet sept de 2 e année) sur le bateau dela réussite et, ensemble, ils ontvogué, de projet en projet, sur leseaux fascinantes de l’apprentissage.Jeune enseignante à statut précaireà la Commission scolaire deCharlevoix, Mélanie a choisi l’imagedu bateau pour motiver ses élèves etles engager, sur un mode coopératif,dans leurs apprentissages,parce qu’elle trouve que cettemétaphore colle à leur milieu. Eneffet, située en haut de la côte, lapetite école de 42 élèves où elleenseigne en compagnie de deuxautres enseignantes offre une vueimprenable sur le Saint-Laurent. Deplus, venant d’une famille demarins, elle avait déjà des idées surla façon d’encourager ses élèves àNous l’avons souvent répété,quel que soit le changementde façons d’agir proposé,personne ne part de zéro. <strong>Au</strong>ssi, lapremière action à faire est d’examinersa pratique pédagogique actuellepour voir si certains aspectsvont dans le sens souhaité. L’arrivéedu Programme des programmesavec ses compétences transversaleset ses domaines d’expérience de vieincitera certainement les équipesécolesà jeter un regard sur cequ’elles font déjà afin d’y trouverdes points d’appui. Elles chercherontsans doute aussi des modèlespour se donner une représentationde la pratique attendue et pour s’eninspirer, un modèle n’étant pas unerecette à appliquer telle quelle.Nous avons souvent présenté dansnos pages des exemples de pratiquespédagogiques dans lesquellesles compétences transversalesétaient prises en considération.Qu’on pense aux aires d’interactiondu programme d’éducation internationale,à des projets particuliersmenés avec des élèves en difficultéd’apprentissage, aux expériences dela voie technologique, aux projetséducatifs des écoles innovatrices, àla voie artistique et au projet d’intégrationdes sciences et de l’informatiquede la polyvalente deBuckingham 1 .Dans ces cas, il s’agissait de réalisationsd’envergure touchant un grandnombre d’élèves, mais il existe aussides enseignants et des enseignantesqui, dans leur classe, ont une pratiquepédagogique qui témoigne deleur intérêt pour les compétencestransversales, ou encore des petiteséquipes qui expérimentent desapproches différentes.Nous décrivons donc dans cet articlesix expériences vécues au primaireet au secondaire qui vont dela pratique d’une enseignante danssa classe à celle de toute uneéquipe-école.Nous remarquons que la plupart desexpériences présentées dans desfaire partie de l’équipage de cebateau de la réussite dont elle seraitle capitaine, y compris celle d’inviterson oncle, capitaine de bateau,à venir parler à ses élèves du fonctionnementd’un bateau, desattentes à l’égard de l’équipage etdes compétences exigées du capitaine.Les élèves ont vite établi le lien avecla classe et compris que même siMélanie était leur capitaine, eux,membres de l’équipage, devaientfaire leur possible pour l'aider. Ilsont donc décidé de monter à bordde ce bateau et d’y jouer un rôleactif. Le pari de Mélanie était gagné.Elle voulait en effet que tous lesélèves sentent qu’ils formaient uneclasse et que chacun avait une contributionà apporter.Elle savait bien qu’il lui fallait dès ledébut installer une culture de l’entraideet de la coopération afinqu’elle puisse jouer de la façon lanuméros antérieurs ou dans leprésent numéro de Vie pédagogiquetournent autour d’une pédagogie duprojet, ce qui pourrait amener leslecteurs et les lectrices à penser quel’approche par compétences et lapédagogie du projet sont synonymes.Ce n’est pas le cas. Cependant,il faut bien reconnaître que le projetpermet de donner un sens à l’apprentissage,de préciser une finalité,de mettre les élèves en actiondans des tâches complexes et diversifiées,de leur donner une certainemaîtrise de leur démarche, de leurfaire résoudre des problèmes, deles amener à recourir à un grandnombre de ressources, à fairepreuve de jugement et à exploiterleur créativité. De plus il n’empêchenullement de mettre en œuvre desapproches diverses : l’apprentissagecoopératif pour susciter des interactionsentre les élèves et leurapprendre à travailler ensemble;l’enseignement explicite des stratégiespour leur donner plus de prisesur leur apprentissage et enaméliorer l’efficacité; la constructionplus systématique de certainsconcepts pour s’assurer qu’ils sontbien ancrés.D’aucuns associent la pédagogie duprojet à une pédagogie de la découvertedans laquelle l’élève, laissé àlui-même, n’apprend que ce qui luiplaît et n’acquiert pas les compétencesdisciplinaires et transversalesprescrites dans les programmesd’études. Les expériences quenous vous présentons de même quecelles que nous vous avons déjàprésentées dans des numérosprécédents sont loin de cette dérive,les enseignants et les enseignantesétant bien conscients que les compétencesne peuvent s’acquérir àvide et que les contenus surlesquels les élèves auront à travaillerne sauraient être autres queceux qui sont décrits dans les programmesd’études.plus efficace possible son rôle. C’estpourquoi, dès le début de l’année,elle a placé ses élèves en équipesspontanées, petits et plus grandsmêlés, et elle les a fait participer àl’organisation de la classe. Ayant suassez tard qu’elle aurait ce poste,elle n’avait pas pu se préparer, aussia-t-elle jugé, pour le groupe, que lameilleure chose à faire en entrantétait de prendre le temps de se connaîtreet de s’organiser.Les compétences de l’ordre de lacommunication ont donc été abondammentsollicitées au début,puisque chacun a dû à apporter unephoto et se présenter. Les questionsde Mélanie ont alors jailli :Pourquoi as-tu choisi cette photo ?Comment as-tu fait pour la trouver ?etc. Si bien que les élèves n’ont paspu s’empêcher de lui faire remarquerqu’elle n’arrêtait pas de leurdemander pourquoi, comment. Ilsl’appelaient même madame Pourquoi.Elle leur a expliqué qu’ilsallaient tout au long de l’année travaillerbeaucoup à partir de questions,les siennes et les leurs,MÉLANIE DESCHÊNESVIE 26 Vie pédagogique 116, septembre-octobre2000


Photo : Denis Garonpuisqu’elle n’utilisait pas de matérieldidactique particulier et qu’elleengageait ses élèves dans des projetsdivers, courts et longs, suscitéspar des besoins d’apprentissageprécis, de thèmes proposés parelle-même mais le plus souvent pardes questions venant d’eux.QUELQUES EXEMPLESDE PROJETSIl est assez difficile d’imaginer commenton peut engager des enfantsde maternelle, ainsi que des élèvesde 1 re et de 2 e année dans un projetcommun et faire en sorte que chacuny trouve son compte. <strong>Au</strong>dacieuse,Mélanie relève le défi. <strong>Au</strong>début de l’année, elle a demandéaux élèves de 2 e année comment ilspourraient aider les élèves de 1 re àapprendre à lire. L’un deux a alorssuggéré d’écrire et d’afficher lenom de chaque objet qui se trouvedans la classe. Ensuite, devantl’abondance de mots, un autre apensé qu’en utilisant le nom desamis et les mots affichés, les élèvesde 2 e année pourraient composerdes phrases que ceux de 1 reapprendraient le soir et illustreraient.Les auteurs des phrases lessignaient et découvraient ainsi cequ’est un auteur. Chaque semaine,cinq phrases étaient choisies queles enfants de maternelle devaient àleur tour illustrer, mais après avoirnégocié pour se les répartir. Tousles élèves ont donc eu un rôle àjouer dans cette activité d’apprentissage.Un projet naît parfois de la nécessitéd’approfondir une notion.Constatant que les élèves n’appliquaientpas la règle du m devant leslettre b et p, Mélanie a rédigé unehistoire sur la police bp qu’elle aracontée aux élèves. Ils l’ont trouvéetrès drôle et ont pensé qu’ilspourraient faire quelque choseavec cette histoire. Ah oui ! Maisquoi? Après être allés à la bibliothèquevoir quelles sortes de livress’y trouvaient, ils ont voté de façontrès démocratique pour la créationd’une bande dessinée au cours delaquelle ils ont fait des apprentissagesen écriture puisqu’ils ont euà respecter des consignes dans lechoix des mots à inscrire dans lesbulles, mais aussi en mathématiques,quand il leur a fallu placerles images sur le carton prévu à ceteffet. Les élèves ont eu un vrai problèmeà résoudre pour répartir lesimages. Le résultat de leur travail aété présenté aux autres classes etun retour a été fait sur les stratégiesde communication utilisées. Issud’un besoin précis, ce projet a étécourt mais très réussi.La confection de l’agenda ademandé beaucoup plus de temps.Les élèves de Mélanie n’avaient pasd’agenda comme les autres élèvesde l’école. Lorsque Mélanie avaitdes messages à envoyer aux parents,elle les écrivait sur desfeuilles détachées et il arrivait quecertains élèves perdaient cesfeuilles. Comme il y a des élèves dela même famille dans les diversesclasses, certains ont fait remarquerà Mélanie que s’ils avaient un agendacomme leur frère ou leur sœur,elle pourrait y mettre les messagesaux parents. Alors, ils ont décidé decommander des agendas pour leurclasse. Mais à qui ? Ils ont doncexaminé les agendas de leurs frèreset sœurs et vu qu’il y avait un éditeur.Ils ont alors décidé de téléphonerà des maisons d’édition.Mais encore fallait-il trouver lesnuméros de téléphone dans les grosannuaires de Montréal. La connaissancede l’ordre alphabétique s’estrévélée bien utile. Les numérostrouvés, il fallait décider quoi dire àl’interlocuteur, comment se présenter,comment s’adresser à lui, letutoyer ou le vouvoyer. Bref, il a fallupréparer une communication,puis choisir un porte-parole pourl’équipe. Grande déception, il étaittrop tard dans l’année pour faireimprimer de nouveaux agendas.Qu’à cela ne tienne, les élèves,déterminés à en avoir un, vont enconfectionner un eux-mêmes.Suivent l’examen de divers modèlesd’agendas, la visite d’un parent quivient expliquer la façon dont ilutilise le sien et affirmer qu’il nepeut plus s’en passer, la répartitiondes dix-huit élèves en équipe(en s’assurant qu’il y a au moinsun élève de chaque groupe dansl’équipe), l’étude des éléments quiconstituent un agenda, les élémentsd’apprentissage du français et desmathématiques utiles, etc. La motivationse maintenait chez les plusgrands, mais elle allait en diminuantchez les petits de la maternellequi, eux, n’effectuaient pas l’apprentissageprécis de différentesmatières. <strong>Au</strong>ssi, Mélanie, qui depuisnovembre jouissait de l’aide d’unetechnicienne pour dix cours parsemaine, a examiné avec elle ce quepourraient faire les petits. Ils sontdevenus responsables des icônesVie pédagogique 116, septembre-octobre2000illustrant la température, icônesqu’ils ajoutaient lorsqu’une pageétait terminée. Finalement, lesélèves ont pu disposer d’un belagenda pour les quatre derniersmois de l’année scolaire.TOUJOURS EN PROJET ?Non, bien sûr ! Il y a des activités quirythment le cours de la semainecomme la lecture avec un jumeau,le tableau d’humeur où les élèvesqui le veulent expriment ce qu’ilsressentent, les rencontres de l’équipagepour régler des conflits oumettre certaines choses au point. Il ya aussi les moments réservés auxcours donnés par les spécialistes.Puis, les élèves de 2 e année ont septheures par semaine de mathématiquesdonnées par l’enseignante dela classe de 3 e et de 4 e année.Il reste que la plus grande partie dutravail se fait au cours de projetsqui, comme on l’a vu, permettentd’exploiter diverses ressources :bibliothèque, laboratoire d’informatique,parents, etc. et auxquelsse greffent de nombreuses activitésd’apprentissage.ET L’ÉVALUATION ?On voit bien que toutes les compétencestransversales sont sollicitéeset développées dans l’action, maissont-elles évaluées ? Mélanie, qui aparticipé à l’expérimentation d’uneapproche de développement etd’évaluation des compétencesproposée par François Lasnier,évalue les compétences en coursd’apprentissage. Elle détermineavec les élèves ce qui sera évaluépendant une semaine précise. Elleobserve et prend des notes. Ellegarde des traces de ses observationsdans le dossier informatisé dechaque élève.De plus, elle expérimente le portfolio.Cette année, il a pris la formed’un dossier de présentation plusque d’un dossier d’apprentissage,mais Mélanie compte bien allerplus loin dans l’utilisation de cetinstrument d’évaluation. À celas’ajoute l’autoévaluation des élèvespendant le projet et à la fin de celuici.Ces derniers se donnent alorsdes défis personnels à relever. Lesélèves de 2 e année, déjà habiles àjeter un regard sur leurs apprentissages,tiennent un journal de bordhebdomadaire. Enfin, Mélanie organiseégalement des activités d’évaluationen classe.PÉDAGOGIQUE 27<strong>DOSSIER</strong>


UNE ENSEIGNANTE AUXMULTIPLES COMPÉTENCESPour décider de travailler de cettefaçon il faut être animé de solidesconvictions pédagogiques mais aussiposséder un certain savoir-faire.<strong>Au</strong> sortir de ses études Mélanie, quin’avait pas de contrat de travail, areçu des élèves en difficulté enenseignement individuel. Elle sesouvient que ces élèves disaient quec’était plat à l’école, qu’ils restaientassis sans bouger pendant desheures. Elle s’est promis alors derendre ses futurs élèves actifs. Puis,comme elle les recevait de façonindividuelle, elle a cherché à savoirce qui se passait dans leur tête, cequi les empêchait d’apprendre.Cette question qui la préoccupait l’aamenée à lire des ouvrages sur lapsychologie cognitive, sur l’enseignementstratégique et sur diverscourants pédagogiques.Enfin, lorsqu’elle a eu des expériencesde travail plus longues quePhoto : Denis Garondes suppléances, elle a été placéedans des conditions qui l’ontamenée à créer des situations d’apprentissageinédites, à partir desélèves qu’elle avait et de la situationdans laquelle elle se trouvait. Quefaire en effet lorsqu’on doitenseigner l’anglais, la musique, l’éducationphysique aux 25 élèvesd’une petite école, toutes classesconfondues, ou le français auxenfants de maternelle, aux élèves de1 re et de 2 e année, ou donner desservices d’orthopédagogie aux élèvesde toutes les classes du primairede différentes écoles ? Mieux vautavoir confiance en soi, être créatifet ne pas se fier à du matériel didactiquetout fait. Mieux vaut aussis’occuper de son développementprofessionnel. Mélanie a acquis desconnaissances en apprentissagecoopératif, en gestion mentale, enenseignement stratégique, en pédagogiedu projet par ses lecturesd’abord, puis par quelques sessionsde formation. L’an dernier, à titre depersonne-ressource, elle a participéà l’implantation de la réforme danssa commission scolaire. Lorsquenous l’avons rencontrée en maidernier, elle savait qu’elle neresterait pas dans sa petite école,l’enseignante qu’elle remplaçaitétant de retour, et qu’elle n’auraitprobablement pas de contrat pourcette année, l’effectif scolaire étanten baisse dans sa commission scolaire.Cependant, elle ne perd pasespoir et elle se sent prête à relever,dans l’esprit de la réforme, toutnouveau défi qui se présentera.1. Voir notamment le dossier sur les compétencesparu dans le numéro 112,septembre-octobre 1999, p. 26- 41; ledossier intitulé « Mettre en place un projetéducatif pédagogique et moderne »,numéro 104, septembre-octobre 1997,p. 31-39.<strong>DOSSIER</strong>DEUX ENSEIGNANTES DU SECONDAIRE EN RECHERCHEGHISLAINE DUCHESNEPhoto : Denis GaronNATHALIE LONGPRÉLa réforme du curriculum n’atteindrale secondaire qu’enseptembre 2003, ce qui n’empêchenullement les enseignantset les enseignantes de prendreles devants et de s’y préparer.C’est ce qu’ont fait, il y a deux ans,Ghislaine Duchesne et NathalieLongpré, alors qu’elles étaienttoutes deux enseignantes de françaisà la polyvalente La Magdeleinede La Prairie, en s'engageantdans un travail de recherche quiles a menées à l’obtention d’unemaîtrise en enseignement de l’Universitéde Sherbrooke. Les mémoiresqu’elles ont rédigés portentsur l’élaboration d’une situationpédagogique pour l’acquisition decompétences transversales dansl’enseignement du français ausecondaire.POURQUOI ENTREPRENDREUN TEL TRAVAIL ?D’abord, par simple curiosité intellectuelle.Les premiers élémentsd’information sur les compétencestransversales commençaient à circuler,notamment ceux que contientPhoto : Denis Garonle document rédigé par la Commissiondes programmes d’études,Orientations et encadrementspour l’établissement du Programmede formation. Plus ellesentendaient parler des compétencestransversales, plus Ghislaine etNathalie sentaient le besoin de clarifiercertains concepts, plus particulièrementceux de compétenceset de transfert.Ensuite, pour déterminer ce queces compétences transversalesallaient changer dans leur pratique.Il était en effet impossible que leProgramme des programmes, l’élémentle plus neuf de la réforme ducurriculum, d’application obligatoirepour tous les enseignants,n’ait pas d’effets importants sur leurpratique pédagogique.Enfin, pour tenter de trouver dessolutions aux difficultés de leursélèves. Elles constataient d’année enannée que les élèves n’utilisaientpas les connaissances apprises aucours des années antérieures soitparce que les examens passés, ilsles avaient oubliées, soit parcequ’ils ne savaient pas quand lesappliquer. Quoi qu’il en soit, letransfert des connaissances n’avaitpas lieu et elles devaient enseigner ànouveau des notions qui auraientdû être acquises. Ghislaine etNathalie se sont dit que la réponse àl’incapacité des élèves à effectuer letransfert des connaissances se trouvaitpeut-être dans les compétencestransversales et qu’il valait la peinequ’elles s’y intéressent. D’autantplus que les élèves de 4 e et de5 e secondaire ont souvent desemplois à temps partiel pourlesquels les compétences transversalesnon seulement constituent unatout, mais aussi leur font voir quel’école n’est pas complètementdétachée de la vie.Elles ont donc lu la plupart desécrits disponibles sur le sujet et aufur et à mesure qu’elles avançaientdans leurs lectures, elles devenaientde plus en plus convaincues queles compétences transversales devraientêtre contextualisées dans lescontenus des disciplines. C’estpourquoi leur travail de recherchea porté sur l’ancrage des compétencestransversales dans les contenusdisciplinaires.ÉLABORATION D’UN SCÉNARIOD’APPRENTISSAGEElles se sont en effet demandé commentprocéder pour élaborer unesituation pédagogique en tenantVIE 28 Vie pédagogique 116, septembre-octobre2000


Vie pédagogique 116, septembre-octobre2000compte des compétences transversales.Elles ont construit un modèlepour lequel elles retiennent d’abordune compétence transversale etcherchent ensuite quels contenusde leur programme sont les pluspropices au développement de cettecompétence, pour enfin créer unesituation pédagogique. Cependant,pour faire ressortir davantage l’idéede transversalité, c’est-à-dire l’idéeque les compétences transversalespourraient s’actualiser dans diversesdisciplines, elles ont égalementcherché des contenus dans uneautre discipline que la leur pourélaborer une situation d’apprentissageservant aux deux disciplines.Pour illustrer leur démarche, prenonsla situation imaginée parGhislaine qui met en cause lefrançais, puisque les élèves doiventécrire un texte de type argumentatif,et l’enseignement moral, le textedevant porter sur un enjeu moral.La compétence transversale retenueest d’ordre intellectuel puisqu’ils’agit de chercher et traiter del’information provenant de sourcesvariées. Souvenons-nous queGhislaine et Nathalie ont travaillé àpartir des programmes d’étudesactuels qui ne sont pas formulés parcompétences ainsi qu’avec desénoncés de compétences transversalesqui n’étaient pas libellés dansleur version définitive. Dans ladernière version du Programme desprogrammes, la compétence transversaleen question s’énonce ainsi« Exploiter l’information ». Cela nechange rien cependant à la valeurde l’étude effectuée ni à l’intérêt duscénario proposé, lequel comprendtoute une démarche qui permet àl’élève de donner un sens à son travail,de choisir judicieusement sonsujet de recherche en s’interrogeantsur ce qu’il sait du texte argumentatif,du défi moral ainsi que de lacollecte et du traitement de l’informationet de procéder avec méthodeà l’exploitation de l’informationsur le sujet retenu et à la rédactionde son texte. <strong>Au</strong> terme du travail, unquestionnaire permet à l’élève defaire un retour sur sa démarche enjetant un regard autant sur les compétencesdisciplinaires que sur lescompétences transversales mises enœuvre et en précisant la valeur decette démarche appliquée à différentsdomaines d’expérience devie.Le scénario élaboré comprend unguide du maître et un cahier del’élève. Ghislaine l’a en partieexpérimenté avec ses élèves qui ontfait des recherches sur les organismesgénétiquement modifiés.Nathalie et elle-même se proposentde l’expérimenter avec la collaborationd’un collègue qui enseigneune autre matière cette année dansleur nouvelle école parce queNathalie enseigne maintenant auCollège Notre-Dame, à Montréal, etGhislaine, à l’école secondaireLouis-Cyr, à Napierville.DES ENSEIGNANTESD’EXPÉRIENCEIl importe de dire que ce ne serapas la première fois que ces deuxenseignantes mettront leurs élèvesdans des situations d’apprentissagequi les obligent à mobiliser diverstypes de compétences. Elles ontdéjà réalisé des projets avec eux,par exemple, le récital de poésiedécrit par Ghislaine dans un articleparu dans Vie pédagogique(no 101, novembre-décembre1996, p. 4) ou encore des activitésintégratrices en lecture. De plus,elles font travailler leurs élèves encoopération. C’est de cette façonque, par exemple, les élèves deNathalie ont pu étudier l’époqueromantique dans l’histoire de la littérature.De plus, elles ont toujoursamené leurs élèves à effectuer uneréflexion sur leur démarche parcequ’elles se souciaient du transfertdes apprentissages. Elles ont ainsil’impression d’avoir de tout tempseu une préoccupation pour descompétences qu’on dit maintenanttransversales, mais sans les nommerde façon claire ni les évaluer,bien sûr.D’ailleurs, l’évaluation ne fait paspartie des scénarios qu’elles ontélaborés et, s’il ne leur semble pastrop difficile de juger des compétencesintellectuelles et méthodologiques,elles considèrent qu’ellesauront beaucoup plus de mal àévaluer les compétences d’ordrepersonnel et social, quoiquelorsque les élèves travaillent encoopération, ils ont à effectuer uneautoévaluation du travail qu’ils ontfait ensemble autant sur le plan dela méthode utilisée que de la participationde chacun. Comme elles ledisent elles-mêmes, elles en sont àleur début et la réflexion sur l’évaluationreste à faire.Ghislaine et Nathalie constatentcependant que, pour mettre enœuvre des pratiques pédagogiquesqui conviennent à l’acquisition descompétences, il faudra des classesplus ouvertes et une organisationscolaire plus favorable aux allées etvenues des élèves, ne serait-ce quepour aller à la bibliothèque. Deplus, un véritable accès à dessources variées d’information seranécessaire. Elles espèrent donc quetous les décideurs soient pleinementconscients des enjeux pédagogiquessous-jacents à la mise enœuvre de la réforme.<strong>DOSSIER</strong>DE LA COOPÉRATION ET DES PROJETS DÈS LA 1 re ANNÉEFRANCE LACROIX« En 1 re année, on commence lentement», affirme France Lacroix,enseignante à l’école des Hautbois àSaint-Colomban (Commission scolairede la Rivière-du-Nord). C’estpourquoi le premier projet danslequel elle engage ses élèves a pourobjet d’instaurer un climat dans laPhoto : Denis Garonclasse. Il s’intitule « Comment on vitdans la classe. » Elle veut que sesélèves s’y sentent bien, qu’ils ysoient acceptés et valorisés. Ce premierprojet permet donc d’établirdes règles de vie en classe et unconseil de coopération.Les élèves apprennent d’entrée dejeu à accepter les autres comme ilssont et à ne pas rire de ceux etcelles qui font des erreurs. De plus,les premiers pas au conseil decoopération s’effectuent avec lamise en lumière des aspects positifsde la vie de la classe, c’est-à-direqu’au cours du premier moisFrance privilégie les « Je félicite…», puis les « Je veux parlerde… ». Les « Je critique… » viendrontplus tard. Tout au longde l’année, elle amène ses élèvesà énoncer des messages clairsau conseil de coopération, dutype « Je n’aime pas ça quandtu… ».On voit tout de suite poindre unintérêt particulier pour les compétencesd’ordre personnel et socialainsi que pour celles de l’ordre de lacommunication. D’ailleurs, l’organisationet l’aménagement de la classede France visent à susciter lacoopération entre les élèves et à lesamener à organiser leur travail, toutcomme les projets visent l’acquisitionde compétences intellectuelles ainsique de l’ordre de la communication.UNE ORGANISATION ET UNAMÉNAGEMENT QUI ONT DESBUTS PRÉCISLorsqu’une nouvelle classe a étéouverte dans son école, FranceLacroix a demandé à son directeurd’y faire transporter ses pupitres etde les remplacer par des tables,PÉDAGOGIQUE 33


<strong>DOSSIER</strong>qu’elle juge plus propices au travailcoopératif. Depuis, presque toutesles classes de l’école ont des tablesplutôt que des pupitres. Les élèvessont quatre par table. Ils n’ont pasde places assignées; ils doiventnégocier entre eux pour déciders’ils vont garder tout le temps lamême ou s’ils vont changer d’endroitet selon quel principe. En étantquatre à la même table, ils apprennentà se comporter correctementavec les autres, notamment à ne pasoccuper tout l’espace et à garderleurs pieds à la bonne place.De plus, ils doivent partager lematériel, car il a été décidé, avecl’accord des parents, que cedernier serait commun à tous lesélèves. Cela n’a pas été facile àaccepter pour les parents quiaiment bien acheter le matériel scolairede leur enfant. Cependant, ilsont bien compris les raisonsavancées par les enseignantes —celles de 1 re et de 2 e année font demême — et ils contribuent financièrement(25 $ par enfant) àl’achat du matériel. Les élèves ontdonc appris à négocier parce queles conditions en place favorisaientla coopération. En effet, que font-ilslorsque les quatre veulent le crayonrouge en même temps ? Il faut biense parler et trouver un mode defonctionnement qui convient à tous.France affirme qu’après la premièreétape la question est réglée : lesélèves s’échangent le matériel et l’utilisentà tour de rôle.Si l’aménagement facilite le travailcoopératif, il n’en reste pas moinsque les petits doivent apprendre àtravailler en équipe. « Pour eux,remarque France, au début, le travaild’équipe, c’est d’être assisl’un à côté de l’autre et chacunfait son travail sur sa feuille.» Ilfaut les amener à contribuer à unetâche tout comme à s’organiser et àutiliser le temps qui leur est impartide façon productive. Le tableau deprogrammation, sur lequel sontinscrites des activités obligatoiresou facultatives, indique le travail àfaire. Mais si les enfants utilisent lespériodes libres pour jouer, ilsrisquent de ne pas avoir terminéleur travail le vendredi. Durapprentissage de l’organisation deson temps parfois !Le choix des activités influe égalementsur les compétences que l’enseignantesouhaite faire acquérir àses élèves. Ainsi, France a décidé deconserver la causerie du lundimatin que les enfants de la maternelleconnaissent bien. Les élèvesfont un retour sur leur fin desemaine et tous ont quelque chose àdire. C’est une bonne occasionpour apprendre à communiqueroralement. Puis il y a les projets…DES PROJETS QUI MOBILISENTDIVERSES COMPÉTENCESLes élèves de France Lacroix participentà quatre projets importantspar année. Le premier, on l’a vu,touchait la vie de la classe. Le deuxièmeportait sur le calendrier. Pourle réaliser, les élèves ont dû utiliserl’ordinateur. France en a trois danssa classe. Elle amène également sesélèves au laboratoire d’informatiqueoù, là encore, ils doiventcoopérer parce que, placés deux àdeux, ils doivent à tour de rôleécrire ou donner de l’information.Même si bon nombre d’élèvessavent déjà utiliser l’ordinateur, ilsont encore beaucoup à apprendrepour être autonomes. L’enseignantePhoto : Denis GaronPhoto : Denis Garonest constamment sollicitée au débutde l’année; aussi essaie-t-elled’avoir l’aide des plus grands pouraccompagner les petits.<strong>Au</strong> moment de notre visite, lesélèves s’apprêtaient à commencerun projet sur la ferme. Comme tousles projets ont pour but de répondreà une question, celui-ci doitpermettre de dire comment on vit àla ferme. Il commence, bien sûr,par une mise en situation : MmeSanterre vient d’acheter une fermeet elle a besoin d’aide pour organiserses bâtiments et ses pâturages.Elle se pose toutes sortes de questions: par exemple, les chevauxpeuvent-ils vivre à côté des poules ?Les élèves explorent ensuite leursconnaissances. Que savent-ils déjàsur la vie à la ferme ? Il leur fautchercher de l’information, la traiteret prendre des décisions, car le butdu projet est de réaliser unemaquette de la ferme et, par lasuite, de la présenter aux élèves desautres classes qui viendront les visiter.On voit bien que des compétencesintellectuelles et méthodologiquessont nécessaires ici, demême que des compétences personnelleset sociales ainsi que del’ordre de la communication.Raconté de cette façon, tout a l’airfacile, mais on se doute bien quechercher de l’information pour despetits de 1 re année, ce n’est pas sisimple et qu’ils ont besoin de beaucoupde soutien.Pour chacun des projets, les élèvesont un carnet de bord dans lequelils peuvent inscrire les élémentsd’information trouvés. Ce carnetcontient également des activités àeffectuer pour atteindre leur but demême que quelques indices d’évaluationportant surtout sur l’organisationdu travail et la coopération(respect du droit de parole et desidées des autres, tâches effectuéesdans le temps prévu, etc.). Lesélèves sont aussi invités à releverleurs points forts et à indiquer ceuxqui sont à améliorer.Ces projets ont été bâtis en collaborationavec Micheline-JoanneDurand, conseillère pédagogiquedans une commission scolaire voisine.Avant, France travaillait surtoutpar thème dans sa classe. <strong>Au</strong>moment où sa conseillère pédagogique,Nathalie Côté, lui a proposéde suivre une formation avecMicheline-Joanne, France en était àchercher quelque chose de plus.Elle était prête pour le travail parprojet. Elle sert maintenant deVIE 34 Vie pédagogique 116, septembre-octobre2000


Vie pédagogique 116, septembre-octobre2000personne-ressource auprès de sescollègues qui souhaitent travaillerde la même façon.UNE ÉQUIPE EN ÉVOLUTIONFrance revient souvent sur le faitqu’elle fait partie d’une équipedynamique qui évolue sans cesse.L’apprentissage coopératif est misen œuvre partout dans l’école. Bonnombre de ses collègues travaillentpar projet. Une d’entre elles suitactuellement une formation sur leportfolio et joue, elle aussi, le rôlede personne-ressource auprèsde ses collègues. France affirmequ’elles ont le goût d’essayer de lemettre en œuvre dès septembre.Elle constate qu’elle avait déjà cettepréoccupation de garder des tracesdes progrès de ses élèves puisqu’elleconservait des petits travauxeffectués au début de l’année pourles montrer aux jeunes à la fin decelle-ci afin qu’ils puissent voir lechemin parcouru. « Cette journéelà,ils ont des ailes », affirme-t-elle,tant ils sont surpris et contents devoir la différence. Le prochain pas àfaire concerne donc l’évaluation,qu’il faudra rendre cohérente parceque le bulletin actuel ne convientpas tout à fait. De plus, il faudras’attarder de façon plus systématiqueà l’observation des compétencestransversales, lesquelles —France en est convaincue — sontdéveloppées dans les projets.La réforme arrive, mais, comptetenu du chemin parcouru, elle n’inquiètepas France et ses collèguesdu 1 er cycle, qui se posent déjà desquestions sur la façon dont ellesvont s’organiser. En effet, elles fontde l’intégration des matières depuislongtemps, elles préparent ellesmêmesleur matériel parce qu’ellesn’ont pas de manuel de base ni decahier d’exercices, elles maîtrisentla gestion de classe et l’apprentissagecoopératif, elles intègrent l’ordinateurà leur enseignement,mènent des projets et travaillent enéquipe.Reste à acquérir plus d’aisancedans le travail, pour construire desprojets encore plus ouverts ou issusdes questions des élèves, et àajuster l’évaluation à l’approche parcompétences. France a tout à faitraison de considérer que sonéquipe-école a une longueurd’avance sur d’autres et d’envisagersereinement la prochaine année.À L’ÉCOLE SECONDAIRE CAVELIER-DE-LASALLE : UN GROUPE DE PRÉCURSEURSDans une école secondaired’environ 1500 élèves, uneéquipe de sept enseignantset enseignantes (voir la liste dansl’encadré) mènent une expériencede travail par projets interdisciplinairesavec près d’une centained’élèves regroupés en trois classes :une de 1 re , une de 2 e et une autre de3 e . L’aventure a commencé il y aquatre ans lorsque la direction del’école secondaire Cavelier-de-LaSalle (Commission scolaireMarguerite-Bourgeoys) a demandéà Suzanne Cianflone de réfléchir surle type d’enrichissement qui pourraitêtre offert aux élèves desgroupes forts, les cours de latinqu’on leur donnait jusqu’alors nesemblant guère les stimuler. On étaiten avril 1997 et le projet devaitcommencer au mois de septembrede la même année. Est alors ressortiel’idée de mettre en oeuvre unprogramme d’enrichissement etd’interdisciplinarité (PEDI) quiPERSONNES RENCONTRÉESSuzanne Cianflone, professeurede français et responsable du projetPEDIBruno Desbois, professeur de sciencesJulie Larivière, professeure degéographieClaude Malenfant, professeur desciencesMark Normand, professeur desciencesCatherine Thomassin,professeure de géographie etd’histoireSophie Turbide, professeured’histoire et de géographieoccuperait quatre cours par cyclede neuf jours. Comme il ne s’agitpas d’un programme à option, cesquatre cours sont prélevés surle temps alloué au français, auxsciences de la nature, aux scienceshumaines et aux arts.UN PROGRAMME ENCONSTRUCTIONLa première année a été plutôtexploratoire. Claude Malenfant,Julie Larivière et Suzanne Cianfloneont commencé à travailler avec desélèves de 1 re secondaire en leurproposant des tâches intégratriceset des travaux interdisciplinaires.L’équipe était à la recherche de cequ’elle pourrait offrir de particulierà ces élèves.Puis, au cours de la deuxièmeannée d’expérimentation, les élèvesde 1 re sont passés en 2 e et l’équipes’est agrandie. Sophie Turbide etMark Normand se sont joints àleurs collègues. Il est devenu plusclair pour les membres de l’équipequ’ils souhaitaient mettre de plusen plus l’accent sur l’interdisciplinaritéet sur le travail coopératif. Ilsont commencé à monter des projetsqui, selon eux, n’étaient pas parfaits,mais ils se sont ajustés et,surtout, ils se sont beaucoup remisen question de sorte que, latroisième année, ils ont décidé deprivilégier une approche par projetsqui étaient, le plus possible,interdisciplinaires.Deux nouveaux membres se sontajoutés à l’équipe la troisièmeannée. Ils sont maintenant sept.Ce sont tous des volontairesqui espèrent d’ailleurs que d’autresPhoto : Denis GaronCLAUDE MARCHAND, JULIE LARIVIÈRE, SUZANNE CIANFLONE, MARKNORMAND, SOPHIE TURBIDE, CATHERINE THOMASSIN ET BRUNO DESBOIScollègues viendront se joindre àeux.QUELLE SORTE DE PROJETS ?L’année dernière, les élèves dechaque classe ont réalisé quatreprojets. Il est impossible de lesdécrire tous. Voici tout de mêmequelques exemples. En 2 e secondaire,les élèves se sont engagésdans un projet fort exigeant sur leMoyen Âge qui touchait les programmesde français, d’histoire etd’informatique. Ils devaient construireune maquette (elle était enstyromousse et assez impressionnante,paraît-il) représentant lesquatre groupes sociaux existant àl’époque : seigneurs, chevaliers,paysans et serfs en action au coursd’une journée particulière. Chaquegroupe devait être en train d’effectuerles tâches qui lui étaienthabituellement dévolues. Les élèvesavaient été répartis au hasard dansl’un des quatre groupes. Pour êtreen mesure de présenter leur personnageet de jouer leur rôle, ilsont dû faire des recherches à la bibliothèquemunicipale et dansInternet, ils ont lu sur le Moyen Âge,vu un film et, à la fin du projet, ilssont même allés prendre un repasmédiéval. Après tout ce travail, lesélèves ont parfaitement comprisque l’image idyllique du Moyen Âgeprésentée dans certains films esttotalement fausse et que la réalitéétait beaucoup moins rose...En 3 e secondaire, les élèves ont préparéet tenu un débat — lequel estau programme de français — surles énergies renouvelables. Ils devaientexpliquer en quoi la formed’énergie renouvelable qu’ilsavaient retenue était la plus valableet par le fait même quelles étaientles lacunes des autres. Ils devaientaussi être prêts à interroger leurscamarades sur les choix qu’ilsavaient faits. Le débat a eu, semblet-il,beaucoup de succès, mais lesélèves n’étaient pas satisfaits dePÉDAGOGIQUE 35<strong>DOSSIER</strong>


<strong>DOSSIER</strong>leurs arguments et ils voulaientpoursuivre leur recherche pour entrouver d’autres. Ils avaient pris laquestion très au sérieux.L’équipe des sept a acquis avec letemps beaucoup d’habileté à préparerdes projets et à guider lesélèves dans la réalisation de ceuxci,mais au début, elle a connuquelques ratés, rappellent Mark etSophie, qui se souviennent du premierprojet de recherche sur lesminéraux dans lequel ils avaientlaissé un peu trop la bride sur lecou aux élèves. Ils se sont vite renducompte qu’il fallait aider lesélèves à se donner des méthodes detravail efficaces.ET LES COMPÉTENCES TRANS-VERSALES DANS TOUT CELA ?L’équipe du PEDI est certaine queles compétences d’ordre intellectuel,méthodologique, personnelet social ainsi que celles de la communicationsont acquises par lesélèves au cours de la réalisation desprojets qu’elle leur présente parceque les élèves sont placés dans dessituations où ils doivent les mobiliser.Ils ont à chaque fois à exploiterde l’information, à résoudre desproblèmes, à faire preuve de jugementcritique et de créativité, à travaillerefficacement avec les autreset à communiquer leurs découvertes.La difficulté éprouvée parl’équipe actuellement, c’est degarder des traces de tout cela et d’évalueroù en est l’élève par rapport àchacune de ces compétences.Nos précurseurs ont souvent discutéd’évaluation au cours descauseries qu’ils ont régulièrement.Faut-il une feuille de route ? Un carnetde bord ? Quel genre d’échelleconvient aux compétences ? Danscertains projets, ils ont fourni auxélèves des grilles d’autoévaluationportant surtout sur les compétencessociales (le travail d’équipe) et méthodologiques(la façon de s’yprendre pour exécuter le travail).Jusqu’à maintenant, le produit et lesconnaissances ont fait l’objet d’uneévaluation plus que les compétences…quoique dans un projetparticulier dont nous dirons quelquesmots, puisqu’il peut être considérécomme un effet du PEDI surles autres élèves, une grille d’évaluationdes compétences a été élaborée.ARCHITECTES DU FUTURTel était le titre du projet proposé parSophie et Julie à leurs collègues etauquel toutes les classes de 3 e secondaireont participé, ce qui signifieque onze enseignants ont eu à seconcerter pour en assurer la réalisation.Les rencontres au cours dejournées pédagogiques et à l’heuredu dîner ont été nombreuses.Le projet Architectes du futur a étéréalisé avec la collaboration duCentre canadien d’architecture(CCA). Après avoir assisté à unesoirée d’enseignants au Muséed’architecture, Sophie et Julie, quicherchaient un moyen d’intéresserleurs élèves à la géographie et deleur faire voir l’utilité de cette discipline,ont constaté que les contenustraités au Musée (matériaux, énergie,etc.) rejoignaient ceux de leurprogramme et qu’il y avait là unepossibilité de les rendre plus concretspour les élèves. En mêmetemps, dans l’esprit de la réformequi touchera bientôt le secondaire,elles ont voulu mettre à profit leurexpérience de PEDI et tenter d’élargirle cadre de leur expérimentationde l’approche par projet.Photo : Denis GaronPhoto : Denis GaronC’est ainsi que tous les élèves de 3 esecondaire ont participé à la réalisationd’un projet en cinq étapesqui se sont déroulées d’octobre àjuin. En octobre, les personnesressourcesdu CCA sont venues àl’école initier les élèves à l’architecture.Puis, à la deuxième étape, a eulieu une activité préparatoire à lavisite de 250 élèves au CCA. La visiteau Musée a été effectuée à la 3 eétape. La 4 e étape a été bien rempliepar la rédaction d’un texte explicatifqui pouvait être accompagné d’uneprésentation visuelle sur un contenude géographie et de mathématique(une construction de l’avenir)pour laquelle les connaissancesacquises en français, en arts plastiqueset en informatique ont aussiété mises à profit.Enfin, en juin, l’exposé oral a marquéla fin du projet.La grille d’évaluation du projet portesur les compétences d’ordre intellectuel,méthodologique ainsi quesur celles de la communication aumoyen d’une échelle allant de nonsatisfaisant à très satisfaisant. L’enseignanty inscrit son évaluation demême que l’élève et ses coéquipiers.Les élèves ont été très étonnés devoir que ces aspects étaient évalués.Ils ont d’ailleurs été décontenancésdès le début du projet en constatantqu’on leur demandait de rédiger untexte explicatif en géographie et queles matières n’étaient plus cloisonnées.Dans le projet Architectes du futur,les compétences ont été clairementévaluées mais, comme certains l’ontfait remarquer, même si elles nel’ont pas été d’une manière systématique,la différence entre lesélèves qui travaillent par projets etles autres saute aux yeux : ils savents’organiser, travailler en équipe,chercher de l’information. Ils ontune méthode de travail. Les outilsservant à noter tous les effets du travailayant pour objet de faire acquérirdes compétences aux élèves nesont peut-être pas encore créésmais les compétences acquises n’ensont pas moins réelles.UNE STRUCTURE À ASSOUPLIRET DES RESSOURCES ÀENRICHIRL’équipe du PEDI a constaté au fildes ans les difficultés que comportela réalisation de tels projets expérimentauxdans une grosse écoleayant une structure bien établie. <strong>Au</strong>début, les élèves du projet PEDIn’appartenaient pas à des groupesfermés. On s’est vite rendu comptequ’ils n’étaient pas faciles à joindre.Maintenant les élèves de 1 re secondaireconstituent un groupe ferméet ceux de 2 e secondaire sont ensemblepour les matières de baseainsi que pour les sciences de lanature et les sciences humaines. En3 e secondaire, les élèves sont ensemblepour les cours de français,de mathématiques, de géographie etde biologie.Les enseignants et les enseignantesengagés dans la réalisation du projetenseignent aussi à d’autresélèves. Ils ont un horaire bien rempliet doivent trouver des momentspour se rencontrer. Seule la responsabledu projet est exemptée dedonner six cours pour pouvoircoordonner la réalisation du projetet pour soutenir ses collègues. Lesdeux enseignants responsables dela 3 e secondaire disposent de deuxcours seulement. La causerie qu’ilstiennent une fois tous les neuf joursdoit avoir lieu après la classe.De façon générale, l’horaire nefacilite pas la réalisation des projets.Il serait utile parfois de disposerde cours consécutifs pour certainesactivités. Il arrive souvent queles élèves utilisent les trois heuresVIE 36 Vie pédagogique 116, septembre-octobre2000


Vie pédagogique 116, septembre-octobre2000d’études obligatoires par cycle deneuf jours inscrites à leur horairepour travailler en équipe à leur projet,les rencontres le soir ou durantla fin de semaine n’étant pas toujoursfaciles à organiser. D’ailleurs,les exigences du travail par projetsont amené certains élèves à se retirerdes groupes du PEDI.Le soutien du professeur de françaisparaît indispensable pourassurer une cohérence méthodologique,note l’équipe du PEDI. Oractuellement, en 3 e secondaire,aucun professeur de français ne faitpartie de l’équipe. Il faudrait trouverun moyen de remédier à cela.Les membres de l’équipe font égalementremarquer que pour engagerdes élèves dans la réalisation deprojets, il faudrait enrichir labibliothèque scolaire et favoriserl’accès à Internet. De plus, la misesur pied d’un centre de ressourcespédagogiques destiné aux enseignantssoucieux d’explorer d’autresapproches serait bien utile.Cela dit, les contraintes propres àl’organisation scolaire au secondairen’ont pas eu raison de l’enthousiasmede ces précurseurs quisont bien décidés à continuer departiciper au projet PEDI qu’ilsvoient comme un tremplin extraordinairepour entrer dans la réformeà petits pas, en expérimentant l’approchepar projets interdisciplinairesavec des élèves motivés, soutenuspar leur direction et appuyéspar une équipe avec laquelle ils peuventréfléchir, discuter et progresser.À L’ÉCOLE MGR BLUTEAU: LES COMPÉTENCES D’ORDRE PERSONNEL ET SOCIALAU CŒUR DU PROJET ÉDUCATIFPERSONNES RENCONTRÉESDenise Laforge, directriceLouise Gaulin, professeure d’artsMichel Otis, enseignant de4 e annéeSuzanne Sabourin, éducatrice àla maternelleDanielle Savard, enseignante de1 re annéeLise Tremblay, enseignante de2 e annéeTout a commencé par une lecturefaite simultanément parla directrice et une enseignantede 1 re année, soit celle dulivre de Daniel Goleman sur l’intelligenceémotionnelle. Cependant,c’est bien connu, aucun livre nepeut apporter de réponse s’il n’y apas d’abord une question, unepréoccupation. Or à l’école MgrBluteau, à Saint-Félicien (Commissionscolaire du Pays-des-Bleuets),on s’interrogeait déjà sur le fait quedes élèves intelligents et capablesd’apprendre ne progressaient pasautant qu’ils l’auraient pu. On constataitque bon nombre d’élèvesétaient préoccupés par des problèmesqui détournaient leur attentionde l’apprentissage. On avait mêmedéjà engagé une « travailleuse decour » pour aider les élèves à réglerleurs conflits dans la cour d’école.Bref, lorsque Denise Laforge etDanielle Savard se sont revues aumois d’août 1997, elles ont sentiqu’elles avaient trouvé au cours del’été une réponse aux difficultésd’apprentissage des élèves, à leurincapacité à gérer leurs émotions,de même qu’une piste à exploiter :l’éducation à l’intelligence émotionnelle.Restait à trouver des collèguesprêts à participer à l’élaborationd’un projet qui allait être soumisà l’ensemble de l’équipe-écoleet qui allait se transformer par lasuite (ce qui n’était pas prévu) enprojet de recherche-action menéepar six personnes (voir la liste decelles-ci dans l’encadré).JETER LES BASES DU PROJETEn janvier 1998, Danielle Savard,Michel Otis et Denise Laforge sesont donc appliqués à jeter lesbases du projet, c’est-à-dire à préciserdans un premier documentpourquoi il est si important d’apprendreà gérer des émotions et enquoi l’éducation à l’intelligenceémotionnelle pourrait contribuer àrégler certaines situations problématiques.Ils y affirmaient que pourrépondre de façon appropriée auxbesoins d’apprentissage des élèvesil faut se préoccuper d’autresbesoins fondamentaux. Ils situaientl’éducation à l’intelligence émotionnelledans le projet éducatif del’école, lequel visait le développementde l’autonomie et du sens desresponsabilités chez les élèves.Les concepteurs du projet proposaientalors d’élaborer un programmed’éducation à l’intelligenceémotionnelle en deux volets : éducationet rééducation. Le premierferait partie intégrante de la vie de laclasse et favoriserait l’acquisitiond’attitudes et d’habiletés au regardde la conscience et de la réalisationde soi, de la maîtrise de ses émotionsainsi que de la maîtrise de sesrelations. Le second s’adresseraitaux élèves qui ont de grandes difficultésde comportement et dont laréussite éducative est compromise.L’école disposait alors des servicesd’un rééducateur du comportement,ce qui n’est plus le cas aujourd’hui.Le projet a été présenté au personnelde l’école qui a accepté dePhoto : Denis GaronSUZANNE SABOURIN, DANIELLE SAVARD, DENISE LAFORGE, LOUISE GAULIN,MICHEL OTIS ET LISE TREMBLAYlibérer Danielle et Michel de leurtâche d’enseignement pour élaborerun programme d’éducation àl’intelligence émotionnelle en utilisantle budget alloué au développementpédagogique.UN PROGRAMME ET DESACTIVITÉSDanielle et Michel se sont donc misà la tâche et ont élaboré un programmeet une banque d’activitésque les enseignants et les enseignantespourraient utiliser enclasse. Pour bien faire saisir le conceptde l’intelligence émotionnelle,ils ont utilisé la bicyclette commesymbole, la roue avant représentantl’ouverture nécessaire pour entreren contact avec soi et les autres, laroue arrière signifiant l’empathierequise pour comprendre ce queressent l’autre et le pédalier étant ladétermination indispensable pouragir. Ils en ont également précisé ladéfinition : « la capacité de gérer sesémotions afin de vivre en équilibreavec soi et les autres. »La constitution de la banque d’activitésleur paraissait nécessaire parceque même si les enseignants et lesenseignantes étaient convaincus del’importance d’amener les élèves àgérer leurs émotions, ils restaientassez démunis sur la façon de s’yprendre pour y parvenir. Michel etDanielle qui avaient déjà vécu uneexpérience personnelle de travailsur soi étaient bien préparés pourconstruire des activités pertinentes.Ils se sont inspirés de programmesexistants ainsi que des catégoriesretenues par Goleman et ils ont créénon seulement des activités maisaussi tout le matériel nécessairepour les mettre en œuvre.Michel, qui était alors rééducateurdu comportement, a mis plusieursde ces activités éducatives à l’essaiauprès de groupes d’élèves. Puis,les enseignants qui le voulaient lesont utilisées dans leur classe. Cesactivités portent, bien sûr, sur lestrois aspects retenus dans le documentd’orientation. Elles permettentaux élèves de reconnaître et denommer leurs émotions, elles lesaident à progresser dans la maîtrisede leurs émotions et dans la résolutionde leurs conflits.PÉDAGOGIQUE 37<strong>DOSSIER</strong>


<strong>DOSSIER</strong>UNE RECHERCHE DANSL’ACTION ASSORTIE D’OUTILS ETD’ACCOMPAGNEMENT<strong>Au</strong> moment où Danielle et Michelmettaient au point le programme etles activités, s’est créé un consortiumrégional de recherche en éducation.L’idée a alors surgi deprésenter un projet de rechercheactionafin d’obtenir une subvention.Trois autres personnes se sontjointes au groupe de départ pourélaborer le projet qui a pris unegrande envergure en 1999-2000 etconnaîtra une véritable expérimentationen 2000-2001. Non seulementle projet a-t-il été accepté,mais il a même obtenu un prix.On peut donc considérer l’année1998-1999 comme la situation initialeau cours de laquelle lesenseignants ont été invités à répondreà un sondage pour repérer lesdifficultés le plus fréquemmentrelevées chez les élèves et qui semanifestent dans des comportementsobservables. Ainsi, on a puconstater que bon nombre d’élèvesmanquaient d’autonomie, d’efficacitéet de confiance en eux.Puis, en 1999-2000, ont commencéles interventions de l’école, notammentla création d’une allégoriemettant en scène des personnagesqui avaient des difficultés semblablesà celles qu’éprouvaient lesélèves. Cette allégorie a été transforméeen pièce de théâtre qui a étéjouée le jour de l’accueil au débutde l’année. Une chanson a égalementété composée par LouiseGaulin pour l’occasion. Depuis, lesélèves la chantent régulièrement. Lacréation de l’allégorie a joué unrôle important parce qu’elle a permisà l’ensemble du personnelde l’école de même qu’aux élèvesd’utiliser les mêmes images et lemême langage pour parler desémotions.En même temps que les enseignantset les enseignantes étaient invités àmettre en œuvre les activités de labanque dans leur classe pourfavoriser l’éducation à l’intelligenceémotionnelle des élèves, ils étaientinformés sur les attitudes de l’intervenantqui pouvaient aider l’élève.Les attitudes qui favorisent l’apprentissagesont à développer nonseulement chez l’apprenant maisaussi chez l’intervenant. C’est pourquoiune session de formation dedeux jours a été offerte au début del’année à ceux et à celles qui ledésiraient. Quinze membres du personnelde l’école sur vingt-deux yont participé et s’en sont montréstrès satisfaits.À cette session de formation, il fautajouter la création du cercle de viepédagogique (sur le modèle descercles de qualité) auquel ceux etcelles qui le désirent peuvent participer.La rencontre a lieu une foispar mois. Elle est animée parDanielle qui propose des sujets dediscussion. À chaque rencontre,huit à dix enseignants et enseignantessont présents. C’est un lieud’échange d’idées très riche quipermet de créer un esprit d’équipemais aussi de travailler à la définitionde concepts précis. Ceux etcelles qui le souhaitent peuventdonc être accompagnés et soutenusdans la mise en œuvre d’actionsvisant le développement de compétencesd’ordre personnel et social.D’ailleurs l’équipe responsable duprojet a élaboré des grilles d’attitudesque chacun peut utiliser pours’autoévaluer, reconnaître ses attitudeset réfléchir à des moyens des’améliorer. L’équipe a égalementcréé un outil pour jauger le climatde la classe ainsi qu’une série degrilles portant sur des problèmesprécis.Les membres de l’équipe responsabledu projet ont expérimenté cesoutils, ce qui leur a permis de fairedes découvertes étonnantes, entreautres, celles-ci : souvent, le matérieldidactique est étouffant etbrime la créativité, ou encore, lesélèves ont l’impression qu’ils n’ontpas le droit de rire dans la classe,alors qu’on croyait faire preuved’humour. Ce sont donc des outilsde réflexion à la disposition de tous.Nous ne parlerons pas de l’expérimentationplus systématique quidoit avoir lieu cette année, les membresde l’équipe s’étant engagés àrédiger un article pour faire partdes résultats de leur travail. Commeils visaient une amélioration de 10p. 100 en ce qui a trait aux comportementsdes élèves qui, selon lesenseignants, ne favorisaient pasl’apprentissage, nous verrons sileur action a porté ses fruits.LA COLLABORATION DESPARENTSOn se doute bien que les parents ontaussi un rôle à jouer dans l’améliorationdes compétences d’ordrepersonnel et social des élèves. <strong>Au</strong>ssi,l’équipe-école n’a-t-elle pas manquéde les informer du projet et de solliciterleur collaboration.Les parents des enfants de la maternelle,ceux des élèves de 1 re et de 2 eannée ont été invités à participer àune rencontre animée par la directrice,ainsi que par Danielle et leresponsable du programme Passe-Partout. On leur avait fait part desdifficultés des élèves décelées parles enseignantes et dit clairementqu’on ne cherchait pas à éluciderles causes de ces difficultés maisbien à trouver les moyens d’aider lesjeunes à les surmonter. Une deuxièmerencontre animée par une psychologuea permis aux parentsd’examiner quel type de parents ilsétaient et comment ils pourraientaméliorer leurs interventions.Bien sûr, le projet a été présenté auconseil d’établissement. Depuis,Danielle signe régulièrement desarticles dans le journal La page desparents.CIBLER SES INTERVENTIONSLe projet d’éducation à l’intelligenceémotionnelle de l’école MgrBluteau montre bien que l’équipe aciblé ses interventions sur un ordreprécis de compétences transversales,mais il est certain que lesactions entreprises auront desrépercussions beaucoup plus largesnon seulement sur les élèves, maisaussi sur l’équipe-école elle-mêmequi entre dans l’esprit de la réformeet qui sera de plus en plus appelée àtravailler de façon concertée. Quantaux élèves, on constate qu’ils commencentà utiliser le langage desémotions, à prendre conscience desmoments où ils n’arrivent pas à lesmaîtriser et à faire un effort pour yarriver. De plus, comme l’a constatéDanielle, il arrive que le seul fait deleur passer un questionnaire surleur comportement en classe ait uneffet bénéfique sur leur comportement.VIE 38 Vie pédagogique 116, septembre-octobre2000Photo : Denis GaronPhoto : Denis Garon


Vie pédagogique 116, septembre-octobre2000À L’ÉCOLE SOLEIL-DE-L’AUBE : DE L’EXPÉRIENCE DANS LA PRÉCISION ETL’ÉVALUATION DE COMPÉTENCES TRANSVERSALESComment peut-il exister desécoles qui ont de l’expériencedans la précision et l’évaluationde compétences transversales,alors que le Programme de formationcommence tout juste à êtreconnu? A-t-on oublié que bon nombred’écoles innovatrices ont, depuisplusieurs années, un projet éducatifdifférent? Située à Repentigny, l’écoleSoleil-de-l’<strong>Au</strong>be de la Commissionscolaire des Affluents est de celles-là.Créée il y a dix-huit ans, elle achangé d’emplacement et de commissionscolaire, mais elle est toujourslà, avec ses 140 élèves cetteannée, regroupés en sept classes dela maternelle à la 6 e année. Lademande des parents lui permettraitd’en recevoir plus, les locaux dontelle dispose, non. Nous y avons rencontréJennifer Lahey-Arseneault,enseignante d’anglais et responsablede l’école, Johanne Fontaine, éducatriceà la maternelle, Nicole Fontaine,enseignante de 1 re année et GhislaineMorin, enseignante de 4 e année.Toutes les quatre considèrent laréforme comme une confirmationdu travail accompli dans leur écolepuisqu’on y a déjà défini des compétencestransversales dont l’évaluationest inscrite au bulletin. Ilreste à établir les correspondancesentre les compétences du Programmedes programmes et cellesretenues par l’école et à faire lesajustements qui s’imposent.De plus, dans cet établissement, onpratique déjà une pédagogie quifavorise l’acquisition de compétences,la participation des parentsest acquise et le travail d’équipe faitpartie de la réalité quotidienne.UN PARTI PRIS POUR LESCOMPÉTENCESInsatisfaite d’un bulletin dans lequelne figuraient que les apprentissagesdans les différentes disciplines,l’équipe de l’école Soleil-de-l’<strong>Au</strong>be adécidé d’y inscrire clairement uncertain nombre de compétences,dont la planification, la prévision, laprise de décision et la créativité.Depuis, affirment les enseignantesrencontrées, les compétences transversalessont devenues aussi importantesque les contenus des disciplines.Chaque compétence a étédécortiquée. Ainsi, la capacitéd’émettre des hypothèses entre dansla prévision, alors que la créativitécomprend la flexibilité, la fluidité,l’originalité et l’élaboration. Cela dit,il a ensuite fallu se demander commentse manifestent l’élaboration oul’originalité dans la réalité. On imaginefacilement les longues discussionsqui ont mené au choix descritères permettant d’évaluer cescompétences et de définir ce qu’onpeut raisonnablement attendre d’unélève de 1 re année ou de 6 e année.De plus, on fait participer l’élèveà son évaluation. En effet, les feuillesd’autoévaluation rattachées auxactivités ouvertes contiennent unecolonne pour l’enseignante, uneautre pour l’élève et un espace pourles commentaires des parents. « Onne peut pas se tromper tous lestrois », fait remarquer Jennifer.Photo : Denis GaronPhoto : Denis GaronNICOLE FONTAINE, GHISLAINE MORIN, JENNIFER LAHEY-ARSENEAULTET JOHANNE FONTAINEIl reste que, pour évaluer les compétencesdes élèves, il faut avoirtrouvé des moyens de les observerdans l’action et d’aller chercherl’information. Nicole avoue qu’elledoit souvent rencontrer les élèvesindividuellement pour voir si tel outel objectif est atteint mais, de toutefaçon, elle le fait pour la lecture.Curieusement, ce n’est pas l’évaluationdes compétences transversalesqui leur cause le plus de difficultés,leur approche pédagogique leurpermettant d’observer les élèves;c’est plutôt l’évaluation des compétencesdisciplinaires, pour lesquellesil leur faut parfois allerchercher plus d’information. Biensûr, elles s’intéressent en priorité audéveloppement global des élèves,mais elles veulent aussi qu’ils réussissentbien dans leurs études. C’estpourquoi elles veulent savoir avecprécision où ils en sont dans leursapprentissages afin de mettre enplace les stratégies et les mesuresnécessaires pour les aider.UNE PÉDAGOGIE OUVERTED’ailleurs, elles se préoccupent defaçon toute particulière de faireacquérir aux élèves des stratégiesd’apprentissage efficaces. Elles leurproposent des outils pour les guideret leur permettre de se questionneret d’évaluer leur démarche. Cesoutils procurent une structure auxélèves et les amènent à travailleravec une certaine rigueur. L’approchede la pédagogie ouverte privilégiéeà l’école ne signifie pas libertéabsolue pour les élèves. <strong>Au</strong> contraire! Elle ne signifie pas non plusuniformité dans les pratiques,comme l’ont montré les propos deJohanne, Nicole et Ghislaine. Chacunea sa façon bien à elle d’intervenir.À la maternelle, Johanne travaillesurtout par projet. Elle propose desthèmes, mais ce sont les élèves quidécident du projet et des tâches àaccomplir. Pour chaque projet, ilsdoivent planifier le travail, le réaliseret le présenter. À ce moment, ilsexpriment les difficultés éprouvéesmais aussi ce qu’ils ont appris et cequ’ils ont aimé. Ils reçoivent alorsles commentaires de quelquesautres enfants de la classe. <strong>Au</strong> coursdes projets, ils apprennent àchercher de l’information, à latraiter et à la présenter; ils apprennentaussi à écouter les autres.Comme ils utilisent l’ordinateur etorganisent leur démarche, les compétencesméthodologiques ne sontpas négligées. Quant à la créativité,elle est largement exploitée parcequ’ils ont à inventer. Par exemple,dans le projet sur les animaux,ils ont créé à l’ordinateur le jeudes intrus avec des indices etils y ont joué ensuite avec un camarade.Nicole, quant à elle, conçoit desactivités ouvertes à partir des situationsqui se passent en classe. Ellea, bien sûr, une banque d’activités,mais l’élément déclencheur vientsouvent de ce qu’un enfant aapporté. Par exemple, au début del’année, un élève avait apporté desPÉDAGOGIQUE 39<strong>DOSSIER</strong>


<strong>DOSSIER</strong>fleurs. Or le lendemain, le pollenétant tombé sur le bureau, tout desuite la question a surgi : qu’est-ceque c’est ? Belle occasion d’émettredes hypothèses et de faire unerecherche. Dans les activités ouvertes,Nicole introduit un défi qui correspondla plupart du temps à desapprentissages précis que les élèvesdoivent faire. Parfois, une activitéouverte débouche sur un projet. Enfait, Nicole ne sait pas à l’avance oùl’activité va mener. Certaines activitéssont courtes, d’autres trèslongues. Elles comportent toujoursune part de créativité : inventer desproblèmes mathématiques, créerun personnage, rédiger des histoires,etc. Pour ne pas travaillersans cesse sur le même projet, lesélèves peuvent aussi poursuivre laconstitution de leur dictionnaire,aller au coin d’exploration ou fairede petites activités. Celles-ci sontinscrites sur leur feuille de route etils peuvent les effectuer à différentsmoments s’ils le veulent. Tous lesprojets se terminent par uneprésentation et un retour sur ce quia été appris. Le seul regret deNicole est de ne pas pouvoir donnersuite à toutes les situations qui surgissentdans la classe.Ghislaine a une pratique pédagogiquetrès diversifiée qui va de laréalisation de projets à l’étude denotions précises à des tempsarrêtés à l’horaire de la semaine.Lorsque les élèves sont en ateliers,elle donne des cliniques sur unenotion qui n’est pas encore saisie àceux et celles qui en ont besoin.Elle propose ensuite des tâchesintégratrices aux élèves pour leurpermettre d’appliquer la notiondans différents contextes. <strong>Au</strong> momentde notre visite à l’école, lesélèves travaillaient sur le thèmedes nations autochtones. De nombreusesactivités de français et demathématiques étaient liées à cethème. Elle organise sa classe defaçon à pouvoir aider les élèves quiont des difficultés. D’ailleurs elleconnaît bien ses élèves parcequ’elle leur enseignait l’an dernier,en 3 e année.Il est aisé de voir que ces enseignantesse sont approprié leréférentiel pédagogique retenu etqu’elles l’actualisent par une pratiquepédagogique personnalisée.Cette maîtrise est le fait d’unelongue maturation.UNE RÉFLEXION D’ÉQUIPECONTINUEL’école Soleil-de-l’<strong>Au</strong>be a une longuehistoire, mais la réflexion pédagogiqueest loin d’être achevée. <strong>Au</strong>contraire, l’établissement et lemaintien d’une cohérence dansl’action nécessitent un travaild’équipe constant. Les enseignantesse sont souvent rencontrées aucours de journées pédagogiques etaprès la classe, et « ce n’est pasfini », affirment en chœur nos interlocutrices.Heureusement, ellessont dégagées de leur tâche d’enseignementsept après-midi parannée pour se réunir. Ce sont lesparents qui les remplacent dansleur classe et qui effectuent avec lesélèves des activités de leur cru oupréparées par les enseignantes. Ilfaut dire que, dans ce type d’écolechoisi par les parents, ces dernierss’engagent activement.L’équipe-école a aussi reçu de laformation tout au long de cesannées. Par exemple, elle a souventtravaillé avec Michelyne Lortie-Paquette pour refaire le référentielpédagogique.De plus, pour décider des mesuresles plus efficaces pour aider lesélèves en difficulté, la collaborationentre les membres de l’équipe estindispensable. Lorsqu’on a l’impressiond’avoir tout essayé, labonne idée vient souvent d’une collègue.Puis, dans une approche depédagogie ouverte, le soutien vientaussi des autres élèves de la classe.Conscientes du temps qu’elles ontconsacré au fil des ans à discuterpour s’approprier des concepts et às’entendre pour travailler de façoncohérente tout en respectant leursdifférences, Jennifer, Johanne,Nicole et Ghislaine ne croient pasqu’une réforme comme celle quiest en cours actuellement puisseréussir si les équipes-écoles neprennent pas le temps de se parler,de se former et de bâtir ensembledes outils. Le travail d’équipe leursemble une condition de réussiteincontournable. Depuis trois ans,leur groupe est assez stable et lespersonnes qui pourraient s’y joindredoivent s’engager à recevoirune formation, à travailler en classemultiprogramme et en collaborationavec les parents, parce que,selon elles, l’harmonie avec cesderniers pourrait bien être l’autrecondition de réussite.ICOMPÉTENCES TRANSVERSALESET COMPÉTENCES DISCIPLINAIRES :UNE SYNERGIE CERTAINEpar Jean-François GiguèreIl n’est pas nécessaire de scruter un raisonnement mathématique àlongtemps les concepts de compétencedisciplinaire et de com-et de procédures mathématiquesl’aide d’un réseau de conceptspétence transversale pour percevoir (mathématique) ou inventer desles similitudes et les convergences séquences dramatiques (art dramatique)fait preuve, sans l’ombreentre les deux types de compétences.Et cette première impression d’un doute, de savoir-faire complexes,donc de savoir-agir. Dene sera habituellement pas contreditesi l’on approfondit le sujet. <strong>Au</strong> même, les compétences transversalesà exercer sa pensée critique,contraire, plus on comprend cesconcepts, plus on saisit ce qu’il y a à travailler en coopération et àdans chacune des compétences disciplinaireset transversales du priée appartiennent à des sphèrescommuniquer de façon appro-Programme de formation de l’école de complexité proches des compétencesdisciplinaires qui précèdent.québécoise, plus on perçoit les parentés,les convergences et les complémentaritésentre les deux types pétences disciplinaires et transver-En plus d’être complexes, les com-de compétences. Ce sont ces parentés,convergences et complémenta-cas, leur pertinence en dehors desales gardent aussi, dans tous lesrités que je souhaite illustrer dans lesl’école. C’est une autre de leurslignes qui suivent. Je le ferai à l'aided'exemples tirés du Programme deformation (les exemples sont indiquésen italique). Toutefois, la descriptiondes liens entre les deuxtypes de compétences doit s'appuyersur une reconnaissance de leurs différenceset de leurs ressemblances.C'est par là que je commencerai.LES SIMILITUDESLes compétences transversales etdisciplinaires sont avant tout descompétences. C’est leur point communle plus fort, le plus évident. Cesont donc des savoir-faire complexes.Pour bien faire ressortir cettecomplexité, on utilise souvent l’expressionsavoir-agir, plus nouvelleque savoir-faire, qui permet dedétacher la notion de compétencedes savoir-faire relativement simplesque l’on associe assez souventaux opérations mentales décritesnotamment par les verbes« repérer », « associer » et « reconnaître». Un élève francophone quirepère dans un message en anglaisles expressions et les mots essentielsou bien l’élève qui décrit lesattributs du triangle à l’aide du langagemathématique possède dessavoir-faire élémentaires. À l’opposé,une élève qui sait un tant soitpeu interagir oralement en anglais(anglais, langue seconde), déployercaractéristiques importantes. Ce nesont pas des compétences pourl’école mais pour la vie. Sur cechapitre, il vaudrait peut-être mieuxdire qu’elles sont des compétencespour l’école et pour la vie dans lamesure où l’école parvient à être lavie plutôt qu’à y préparer. Même siun élève ne devient pas interprète,mathématicien, comédien, juge,gestionnaire de projet ou annonceur,les six compétences citéesconstituent des outils précieux pourtoute sa vie.<strong>Au</strong>tre point commun entre les compétencesdisciplinaires et transversales: les processus qui leur sontindissociablement attachés. Unepersonne compétente, selon le sensle plus courant des mots, n’est passeulement quelqu’un qui sait, maisaussi quelqu’un qui sait faire, quisait comment faire et dans quelordre le faire. Un photographe, parexemple, ne connaît pas seulementla chimie de la pellicule photographiqueou les jeux de réfractionde la lumière dans la lentille de sonappareil photo. Évidemment, il connaîtces choses. Mais, surtout, il saiten tenir compte pour prendre debonnes photos. Il sait commentutiliser ses connaissances. Il saitqu’il lui faut d’abord préparer sonappareil pour pouvoir saisir l’actionou l’expression du visage dans laVIE 40 Vie pédagogique 116, septembre-octobre2000


Vie pédagogique 116, septembre-octobre2000fraction de seconde où tous les élémentsde l’image sont à leurmeilleur. Il sait qu’il lui faut ensuitetenir compte de la lumièreambiante, puis trouver le meilleurpoint de vue possible pour prendrela photo. Et l'on pourrait allonger laliste de ses savoir-faire et préciserleur place dans le processusrattaché à la compétence.DÉBUSQUER L’INVARIANTUne autre caractéristique des compétencestransversales et disciplinairestient dans la capacité despersonnes qui les possèdent dereconnaître les situations danslesquelles elles s’avèrent utiles.Comme ces situations peuvent grandementdifférer les unes des autres,les personnes compétentes saventpercevoir ce qui ne change pas del’une à l’autre. Elles savent repérerl’invariant, c’est-à-dire les caractéristiquesfondamentales des situations,caractéristiques qui ne changentpas d'une situation à l'autre etqui font en sorte que la compétencepeut y être utilisée efficacement.Souvent, l’invariant saute aux yeux,mais, d’autres fois, il se dissimulesous les caractéristiques uniques etinédites d’une situation. Imaginons,par exemple, un adulte qui construitde nouveaux murs à l’intérieurde sa maison. Parce qu’il n’a pasd’équerre ou de rapporteur d’angle,il ne sait pas comment s’assurerque les nouveaux murs forment unangle droit avec les murs adjacents.On peut dire de cette personnequ’elle ne possède pas la compétenceà résoudre des problèmesmathématiques, parce qu’elle nevoit pas les caractéristiques invariablesdu problème mathématiquesous l’enrobage du problème deconstruction. Si elle savait reconnaîtrecet invariant, elle pourraitposer le problème d’une façon mathématiqueet recourir au théorèmede Pythagore.Comme les compétences transversaless’exercent dans des situationsencore plus diverses et bigarréesque les compétences disciplinaires,la capacité à débusquer l’invariantqui leur est attaché s’avère souventplus complexe que celle que l’ondoit mettre en œuvre avec les compétencesdisciplinaires. Ainsi, lacompétence transversale à mettreen œuvre sa pensée créatrice peutse révéler utile dans des situationsdiverses et apparemment sanspoints communs. À y regarder deprès, cette compétence transversaleserait fort utile dans des situationsaussi différentes que les suivantes :1) communiquer d’une manièreoriginale les résultats d’unerecherche sur l’apport des peuplesamérindiens à la société québécoiseactuelle; 2) trouver des façons deremédier à la violence dans la courde récréation; 3) énoncer desexplications possibles au mouvementde rotation de la terre.LES DIFFÉRENCESÀ partir de ce qui précède, on aurasaisi qu’une des principales différencesentre les compétences disciplinaireset transversales est lecontexte dans lequel on les utilise.Les compétences disciplinaires sontévidemment utilisées dans un contextedisciplinaire. Elles s’appliquentdonc à une branche particulièredu savoir. Les compétencestransversales quant à elles sont plusPhoto : Denis Garonuniverselles. On dit aussi, dans lamême ligne, qu’elles sont décontextualisées,orphelines de contexte.Elles ne se rattachent ni au contextede la mathématique ni à ceux de lascience et des arts, mais elles peuventservir dans tous ces contextes.Il est donc tout aussi vrai de direqu’aucun contexte ne s’y rattache(elles sont décontextualisées) ouqu’elles valent pour tous les contextes(ou, du moins, pour ungrand nombre). Ainsi, la compétencetransversale à résoudre desproblèmes n’est ni langagière, nimathématique, ni morale ou sportive.Elle peut être tout cela selonles circonstances particulières danslesquelles on l’active.On pourrait dire les choses autrement: une compétence ne peut êtredite transversale que si on l’utiliseefficacement dans plusieurs disciplines.Un élève qui excelle dans larésolution de problèmes mathématiquesne possède pas nécessairementla compétence transversale àrésoudre des problèmes, même sisa compétence en mathématiqueexiste bel et bien. Pour que sa compétenceà résoudre des problèmesdevienne transversale, il doitpouvoir l’utiliser efficacement enfrançais, en histoire, géographie etéducation à la citoyenneté, en éducationphysique. S’il y arrive, lacompétence peut être dite transversaleau sens étymologique du mot,parce qu’elle traverse plusieurs disciplines(« transversal » vient dumot latin transversus qui a d'aborddonné le mot français « travers »,puis le verbe « traverser »). Danscette logique, l’apprentissage d’unecompétence transversale passeobligatoirement par des apprentissagesdans plusieurs disciplines.L’élève manifestera une compétencetransversale s’il peut l’utiliser efficacementdans plusieurs disciplines,s'il peut changer de discipline,traverser d'une discipline àl'autre, tout en manifestant le mêmesavoir-agir.LIENS EXPLICITES ETIMPLICITESOn mentionne dans le Programmede formation, une cinquantaine decompétences disciplinaires et onzecompétences transversales. Existe-tildes liens entre chacune des compétencesdisciplinaires et chacunedes compétences transversales ?Probablement pas. Mais même si ladémonstration reste à faire, on peutaffirmer sans se tromper quechaque compétence disciplinaireest en relation avec plusieurs compétencestransversales. Encore fautilpréciser que ces liens ne sautentpas tous aux yeux avec la même évidence.Il existe, entre les deux typesde compétences, des relations tantôtexplicites, tantôt implicites.Relations explicitesLes relations explicites entre les deuxtypes de compétences sont souvent lefait d’une parenté des formulations. Ilne faut pas être fin limier, par exemple,pour voir la proximité de la compétencetransversale à communiquerde façon appropriée avec lacompétence disciplinaire à communiqueren utilisant les ressourcesde la langue (éducation préscolaire)ou, en y regardant d’un peu plusprès, avec celle à interagir dans lesrôles de récepteur et d’émetteur(anglais, langue maternelle). De lamême manière, bien que le libellédes compétences diffère, on perçoitaisément la proximité de la compétencetransversale à mettre enœuvre sa pensée créatrice avec lacompétence disciplinaire à inventerdes pièces vocales ou instrumentales(musique).Relations implicitesCet exemple de la créativité permetd’envisager des relations moinsexplicites entre les compétencesdisciplinaires et transversales. Eneffet, si l’on associe spontanémentla créativité et les arts, il n’endemeure pas moins qu'elle s’avèretout aussi nécessaire en mathématique,en science ou en morale, àmoins que l’on n’ait une visiontoute mécaniste de ces disciplineset que l’on considère que l’on yapplique rigoureusement, sans lemoindre écart, des processus établisd’avance. Pourtant, il est bienclair que, à des niveaux très élevéscomme à des niveaux simples, despersonnes peuvent faire preuve decréativité en morale ou en mathématique.Einstein n’était pas unsimple applicateur de processusquand il a conçu la théorie de larelativité. Des élèves du primaire nesont pas non plus esclaves desprocessus quand on leur laissedéterminer à leur manière, pendantle cours de mathématique, la superficiede la cour d’école. Ils fontpreuve de créativité.En fait, pour déterminer lesrelations qui existent entre unePÉDAGOGIQUE 41<strong>DOSSIER</strong>


<strong>DOSSIER</strong>compétence transversale et unecompétence disciplinaire, il fautsouvent se référer à une situationd’apprentissage. Si l’on se demande,par exemple, s’il existe une parentéentre la compétence disciplinaire àlire des textes variés (français,langue maternelle) et la compétencetransversale à faire preuve de senséthique, la réponse peut changerradicalement selon la situation d’apprentissageà laquelle on se réfère.Selon que le texte proposé auxélèves est un manifeste en faveur dela stérilisation des personnes handicapéesou un poème sur la beautédu printemps, on pourra ou on nepourra pas établir de relations entrela compétence transversale et lacompétence disciplinaire.On pourrait dire aussi que les liensentre les compétences transversaleset disciplinaires apparaissent deplus en plus explicites à mesure queprogresse la compréhension quel’on a de chacune des compétencestransversales et disciplinaires. <strong>Au</strong>delàdes mots utilisés pour décrireune compétence et ses composantes,il existe des parentés quel’on ne peut pas saisir avant de lesavoir scrutées de près. Ainsi, seulun œil averti reconnaîtra que lacompétence transversale à résoudredes problèmes possède beaucoupde similitudes avec la compétencedisciplinaire à prendre uneposition éclairée sur des situationscomportant un enjeu moral(enseignement moral). On pourraitaffirmer, sans trahir le programmed’enseignement moral, que cettedernière compétence correspondjustement à la résolution de problèmesdans cette branche particulièredu savoir qu’est la morale.Prendre une position éclairée surdes situations comportant unenjeu moral, c’est résoudre desproblèmes moraux. Une fois familiariséavec les compétences disciplinaireset transversales, un enseignantpeut repérer, au-delà desapparences, les parentés et les convergencesentre elles.L’INTERSECTIONUne bonne façon de comprendreles relations entre les compétencesdisciplinaires et transversales consisteà les comparer à des routes. Lemot « transversal » est d’ailleursutilisé depuis des siècles pour parlerde chemins. Dès le 13 e siècle, enfrançais provençal, on disait viatransversala pour « chemin de traverse». <strong>Au</strong>jourd’hui encore, onutilise l’adjectif « transversal » dansle langage de la voirie. Une route estappelée transversale lorsqu’elle encoupe une autre perpendiculairement,lorsqu’elle la traverse à angledroit. Dans cette logique, on peutimaginer que plusieurs compétencestransversales coupent plusieurscompétences disciplinaires perpendiculairement.Qu’est-ce à dire ? Il ya une intersection, un point de rencontre,entre plusieurs compétencesdisciplinaires et plusieurs compétencestransversales. Il s’agit dechemins qui se croisent, se rencontrent,à l’intersection desquels ilexiste une nouvelle réalité. Quandon s’y trouve, on n’est plus ni surl’une ni sur l’autre, mais au coin deSherbrooke et Papineau, par exemple.Il appartient à l’enseignant decréer des situations d’apprentissagequi donneront l'occasion aux élèvesde se trouver dans des lieux decroisement des deux types de compétences.L’ÉCHANGEURLa relation entre une compétencedisciplinaire et une compétencetransversale risque toutefois d’êtreà l’étroit dans l’image d’une intersectionentre deux voies routières,même si celles-ci sont d’immensesboulevards comme les compétencesà écrire des textes variés (français,langue maternelle) ou à exploiterl’information (compétence transversaled’ordre intellectuel). Unesituation d’apprentissage, un projetmené par plusieurs enseignants parexemple, peut se situer au carrefourde plusieurs compétencestransversales et disciplinaires.L’imagerie routière doit alors quitterle coin de la rue pour se déplacervers les immenses échangeursque l’on trouve à la croisée deplusieurs autoroutes. Une situationd’apprentissage dans laquelle lesélèves seraient amenés à créer unepièce de théâtre pour sensibiliserleurs compagnons et compagnes àl’importance de l’activité physique,par exemple, serait au carrefourd’un grand nombre de compétencestransversales et disciplinaires.En voici quelques-unes, à titre indicatif: parmi les compétences transversales,exploiter l’information,mettre en œuvre sa pensée créatrice,pratiquer des méthodes efficacesde travail et travailler en coopération;parmi les compétencesdisciplinaires, inventer des séquencesdramatiques (art dramatique),mettre en œuvre une démarchevisant à améliorer unehabitude de vie (éducation physique)et agir en prenant en comptedes modes de raisonnement propresaux sciences et à la technologie(science et technologie).SITUATIONS D'APPRENTISSAGECOMPLEXESQuelles sont les conséquences dece qui précède sur l’apprentissagedes compétences transversales etdisciplinaires ?D'abord, comme les compétencesdes deux types sont des savoir-fairecomplexes, leur développement nepeut pas se réduire au seul apprentissagede leurs éléments les plussimples. Il est certes fort utiled'apprendre à parler suffisammentfort pour communiquer oralementd’une manière efficace. Mais 50exercices de projection de la voix neferont pas d'un élève un communicateurefficace. On pourra luiapprendre à présenter ses idées defaçon cohérente, mais 10 exercicessur les relations entre les idées etl'ordre de leur présentation n'enferont pas non plus un orateur persuasif.Il faudra tôt ou tard, et le plustôt sera le mieux, le mettre en situationde communiquer réellement. Ilfaudra le placer en situation complexe,c'est-à-dire dans une situationoù il aura à coordonner, àorchestrer toutes les ressources querequiert la compétence. Dans cettesituation complexe, adaptée à sondéveloppement, il devra bien sûrparler clairement et d’une façonaudible et présenter ses idées selonun déroulement cohérent, tout enmettant en œuvre encore beaucoupd'autres habiletés.<strong>Au</strong> développement de savoir-fairecomplexes correspond donc lamise en place de situations d'apprentissagecomplexes. On dit souventque pour manger un éléphant,il suffit de le découper en petitesbouchées. Cette perspective est partiellementfausse en ce qui touche ledéveloppement des compétencestransversales et disciplinaires. Pourapprendre à interpréter le changementdans une société et lestransformations apportées à sonterritoire (géographie, histoire etéducation à la citoyenneté), on nepeut s'en tenir uniquement auxpetites bouchées comme situer lasociété dans le temps ou situer desévénements sur la ligne du temps.Ces deux opérations sont indispensablesmais insuffisantes. Il fautaffronter cet éléphant qu'est l'interprétationdu changement, quitte àne pas prendre un éléphant tropâgé et trop encombrant pour tenircompte de l'âge et du développementdes élèves. <strong>Au</strong>trement dit,l’enseignant doit créer des situationsdont la complexité est réelle,mais adaptée à l'élève.S'il fallait un argument de plus enfaveur des situations complexes, onpourrait en ajouter un de taille. Unevéritable compétence est destinée àêtre utilisée dans la vraie vie. Or lavraie vie nous place souvent dansdes situations complexes qui requièrentdes savoir-faire de haut niveau.CARREFOUR DESAPPRENTISSAGESUne autre des caractéristiques dessituations qui visent l'apprentissagede compétences disciplinaires ettransversales, c'est qu'elles se trouventtoujours à une intersection decompétences. Dans le plus simpledes cas, il s'agit de l'intersectiond'une compétence transversale etd'une compétence disciplinaire.Pourquoi en va-t-il ainsi ? D'abord,comme on l'a déjà dit, parce qu'ilexiste plusieurs points de rencontreentre les compétences disciplinaireset les compétences transversales.Toutefois, cette raison seuleserait insuffisante. Il faut ajouterque les compétences transversalesVIE 42 Vie pédagogique 116, septembre-octobre2000Photo : Denis Garon


Vie pédagogique 116, septembre-octobre2000sont sans contexte, donc sans objet,mais qu'il faut les développer dansun contexte qui a du sens. <strong>Au</strong>trementdit, les compétences transversalesservent à tout, ou serventpartout si l'on préfère, mais on nepeut les acquérir qu'en les utilisantpour quelque chose, quelque part.Quant aux disciplines, elles sont desoccasions en or pour exercer etdévelopper des compétences transversales.Ainsi, en éducation physique,développer la compétence àmettre en œuvre une démarchevisant à améliorer une habitudede vie offre une belle occasion dedévelopper, en même temps, lacompétence transversale à développerson identité personnelle. Eneffet, cette compétence transversaledoit permettre à l'élève de cernerles valeurs et les buts qui guidentson agir et de réaliser ses intentions.Les habitudes de vie constituentun contexte signifiant etpertinent pour incarner cette compétence.En fait, dans ce cas-cicomme dans tous les autres, la disciplinen'est pas seulement un lieud'enracinement de la compétencetransversale dans la vraie vie. Il y aplus encore. Il y a convergenceentre la compétence transversale etla compétence disciplinaire. Lesdeux mènent dans la même direction.On peut les développer ensynergie, non pas l'une à côté del'autre, mais l'une grâce à l'autre,l'une en même temps que l'autre.L'APPRENTISSAGE EXPLICITEIl existe une autre caractéristiquedes situations d'apprentissage quifavorisent le développement descompétences transversales et disciplinairesqui n'a pas été citée oupréparée par ce qui précède, maisqui semble incontournable. Lescompétences transversales et disciplinairess'apprennent d’une manièreexplicite. Cela signifie quel'élève sait quelles compétences disciplinaireset transversales il al'occasion de développer dans unesituation d'apprentissage. Cela supposede plus que l’élève connaît etutilise les processus généraux descompétences qu'il développe.On n'acquiert pas une compétenceà son insu, sans en avoir conscience.On ne se réveille pas unbeau matin en disant : « Tiens, voilàque je suis quelqu'un qui sait bienécrire. Comment ai-je pu en arriverlà ? » ou « Je suis capable d'expliquercomment le Québec d'aujourd'huiest façonné par des événementsqui se sont produits il y a 200ans, mais je ne peux pas dire commentj'ai acquis cette compétence ».Conséquemment, l'enseignant nejoue pas à la cachette avec lesélèves. Il ne se dit pas : « Je vais leurconcocter une belle situation d'apprentissageet je verrai avec eux,lorsqu'elle sera terminée, s'ils peuventreconnaître les compétencesqu'ils ont améliorées ». Bien sûr, ilfaut faire cet exercice au termed'une situation d'apprentissage,mais c'est aussi dès le début et encours d'apprentissage que l'élèvedoit être conscient des compétencesqu'il développe, des processusqu'il met en œuvre, des connaissancesqu'il mobilise relativement àces compétences.Cette conscience de ce que l'onapprend et de la façon dont on l'apprendest inscrite d'une façon particulièredans le Programme de formationde l'école québécoise. Danstoutes les compétences transversaleset dans plusieurs compétencesdisciplinaires, on trouve, en effet,une composante métacognitive.Qu'est-ce à dire ? La formulationdes compétences comporte des élémentsqui rappellent qu'une personnecompétente prend consciencede ce qu'elle fait et de lafaçon dont elle le fait. C'est une partieimportante de son expertise.Ainsi l'enseignant qui aide un élèveà nommer et à expliquer ce qu'ilfait et comment il s'y prend ne seplie pas aux caprices d'une modepédagogique, mais lui donne unautre moyen de devenir de plus enplus expert et de plus en plusautonome pour affiner son expertise.On se trouve ici dans ledomaine de l'application pédagogiquedu proverbe Il vaut mieuxapprendre à pêcher que de donnerun poisson. Sur le plan pédagogiquecela se traduit ainsi : il vautmieux apprendre par soi-même àfaire le point sur sa compétence,ses forces et ses faiblesses et à tirerparti de toutes les situations pour laparfaire plutôt que de demeurer àla remorque de quelqu'un d'autrepour discerner ce que l’on est entrain d'apprendre.Comme on l'a déjà signalé, lapersonne compétente est cellequi reconnaît les caractéristiquesd'une situation dans laquelle sacompétence peut être utile. CettePhoto : Denis Garonreconnaissance de l'invariant doitaussi s’apprendre d’une manièreexplicite. C'est une raison de plus enfaveur de situations d'apprentissagependant lesquelles tous les élémentsdes situations elles-mêmes et de lacompétence visée sont clairementmis à jour, nommés et analysés.LA DÉRIVE DISCIPLINAIREArriver à créer des situations d'apprentissagequi favorisent le développementde compétences disciplinaireset transversales est un artqui demande le sens de l'équilibre.Cet art requiert de savoir doser lesdiverses composantes de la situationd'apprentissage que l'on proposeà l'élève. Quand cet équilibren'est pas respecté, au moins troisdérives sont possibles. Chacune deces dérives est causée par une insistanceexcessive sur un aspect essentield'une bonne situation d'apprentissage.La première est la dérive disciplinaire.Elle consiste à passer soussilence les compétences transversales,sous prétexte que chaquecompétence disciplinaire cache unecompétence transversale et que, desurcroît, la discipline fournit lecontexte nécessaire au développementde la compétence transversale.Cette attitude de l'enseignantne favorise pas l'acquisition d'acquistransversaux, parce qu'elle nepermet pas un apprentissage conscientet explicite des compétencestransversales. Elle présume que lescompétences transversales sontdonnées en prime et sans douleur àl'élève qui développe des compétencesdisciplinaires. Elles lui sontdonnées à la manière d'un cadeausurpriseque l'on glisserait à soninsu dans sa poche et dont il saurase servir naturellement au momentopportun sans même en connaîtrele mode d'emploi.Comme les apprentissages disciplinairessont bien ancrés dans lespratiques pédagogiques, la tentationde s'en tenir à eux est bien réelle.En y succombant, l'enseignant évitede relever réellement le défi de l'intégrationexplicite des compétencestransversales dans les situationsd'apprentissage.LA DÉRIVE TRANSVERSALELa deuxième dérive dans la constructiondes situations d'apprentissageest à l'opposé de la première.Elle consiste à ne se préoccuperque des compétences transversales,sous prétexte qu'elles contiennenttoutes les compétences disciplinaires.Dans cette logique, on pourradire que la compétence transversaleà mettre en œuvre sa penséecréatrice englobe un bon nombrede compétences en langue et en artpar exemple (écrire des textes variés,inventer des séquences dramatiques,réaliser des créationsplastiques personnelles, inventerdes danses, inventer des piècesvocales ou instrumentales). Enpoursuivant l'exercice de fusion descompétences disciplinaires dans lescompétences transversales, on peutsûrement se donner l'illusion queles premières peuvent toutes êtreabsorbées par les secondes.Dans cette perspective, on considèreles disciplines comme des accessoiresutiles mais non indispensables.Il suffit de saupoudrer unpeu de sucre disciplinaire sur lescompétences transversales pourleur donner bon goût, pour montrerqu'elles peuvent servir à quelquechose. On surfe sur les disciplinesavec la planche des compétencestransversales sans vraiment y entrer.PÉDAGOGIQUE 43<strong>DOSSIER</strong>


<strong>DOSSIER</strong>LA DÉRIVE (OU LA FOLIE) DESGRANDEURSLa troisième dérive tient à la grandeparenté des compétences disciplinairesentre elles et avec les compétencestransversales. En concevantune situation d'apprentissage, il estfacile de s'emballer et d'établirqu'elle visera au développement desix compétences transversales et dequatre compétences disciplinaires.À cause de la parenté d'un grandnombre de compétences, il estévidemment aisé de démontrer lacohérence de l’agencement des dixcompétences. Et cette démonstrationne fait pas que jeter de lapoudre aux yeux. La convergenceet la complémentarité des dixcompétences sont réelles. Maispeut-on affirmer sans sourcillerqu'un élève peut réellementdévelopper en toute conscience dixcompétences dans une seule activitéd'apprentissage ? On aura beau consacrerdeux ou trois semaines àcette activité, on n'y parviendra pas.On entend ici l'écho du proverbeQui trop embrasse mal étreint.LA SYNERGIELes lignes qui précèdent, je l'espère,auront permis de percevoirque les relations entre les deuxtypes de compétences sont réellesen théorie et possibles dans la pratique.On pourrait retenir, en fait,que c'est par leur fusion dans lessituations d'apprentissage que lescompétences transversales et disciplinairesrévèlent tous les liens quiles unissent et prennent tout leurpouvoir formateur, toute leur force.On pourrait les comparer à l'eau etau sable qui revêtent une puissancenouvelle, différente, en devenant duciment. L'image est probablementusée, aussi vaut-il mieux laisser lepoète Gilles Vigneault la présenter.Sur l'eau et le sableOn bâtit rarementL'eau est insaisissableEt le sable mouvant.Mais tous les deux ensembleRenforcent le ciment(Les outils, chanson tirée del’album C'est ainsi que j'arrive àtoi.)Jean-François Giguère est responsabledu programme d’enseignementmoral à la Directionde la formation généraledes jeunes au ministère del’Éducation.D’entrée de jeu, il faut faire placenette de deux grands malentendus,dont le premier ressemble fort à unprocès : la machination pour dévaloriserles disciplines ou le complotpsychopédagogique, d’une part; laperception d’une approche duchangement par « table rase »,d’autre part.Le premier malentendu a connuune formulation haute en couleur,en vigueur rhétorique, en indignationd’avocat de la poursuite, toutrécemment, dans un ouvrage collectifintitulé Main basse sur l’éducation(Montréal, éd. Nota Bene,1999). Comme, dans le film néoréalisteMain basse sur la ville, lamafia détourne à son profit le pouvoirmunicipal, les psychopédagoguesauraient conquis la formationdes enseignants et l’école augrand détriment du sérieux des disciplines: lettres, arts, sciences, histoire,etc. Ce pamphlet repose surun postulat de « jeu à sommenulle », comme on dit dans lathéorie des jeux : plus l’école sera« pédagogique », moins elle serasavante et authentique, et viceversa.Nous sommes en pleine paranoïaet théorie du complot (disons :herméneutique du soupçon, pournous dédouaner auprès de quelquesaugustes sociologues !) : lapsychopédagogie se ferait passerpour un discours rigoureux en vuede soustraire des ressources uni-DUNE RÉFORME PARTICULIÈREMENTPROMETTEUSE POUR LE SECONDAIREpar Arthur MarsolaisD’une certaine façon, la réformedes programmes décrite de banaliser celles-ci dans les clasversitairesaux vraies disciplines etdans l'énoncé de politique ses en les réduisant à l’état de prétexteset d’occasions pour desL’école, tout un programme est plusprometteuse pour le secondaire que apprentissages détachés d’elles. Or,pour le primaire ou, du moins, plus nous ne sommes pas dans un jeu àorganiquement articulée en fonction somme nulle. Un enseignement dedes besoins et du potentiel du premierque du second. Pourtant, à langue et littérature, absolumentl’histoire, ou de la physique, ou del'heure actuelle, les effets du calendrierd’implantation laissent planer plinaire, mais en même tempsauthentique sur son terrain disci-le doute inverse, car on commence inspiré et peut-être génial du pointlogiquement par le primaire dans la de vue pédagogique, sera toujoursrévision des programmes. Je voudraisdonc explorer ici en quoi cette ment inepte ou bébête.meilleur que le même pédagogique-réforme est attrayante et prometteuse Il y a un second malentendu possibleà prévenir : l’idée d’un change-pour les élèves et pour les enseignantsdu secondaire.ment qui fait table rase, qui est unerupture totale. Comme si, jusqu’ici,QUELQUES OBJECTIONSnous avions travaillé contre l’apprentissageet que c’était grâce PRÉALABLES À LEVERauxprogrammes révisés que nous commencerionsà travailler pour eux !En réalité, il y a une forte continuitémais aussi une certaine rupture,saine et prometteuse. Nous y reviendrons.L’important, pour aborder letout avec l’esprit libre et critique,c’est de comprendre que l’onaccentue la nouveauté pour des raisonsrhétoriques, de persuasion, derattachement du présent à un idéaldurable d’excellence de l’éducation.La réforme, cependant, n’estpas un retour à la case zéro : c’estun pas en avant, possible, exigeantet professionnellement gratifiant àpartir du point où nous sommesarrivés et des grands progrès réalisésdepuis 10, 20, 30 ans dansl’éducation scolaire.Pour procéder en toute clarté, regardonsce qui concerne chaquematière sur son terrain, ce qui concerneplus d’une matière, ce quiconcerne l’ensemble des matières et,enfin, ce qui relève de la structurationde la progression des élèves.CHAQUE MATIÈRE AU DÉFI DESOLLICITER PLUS DIRECTEMENTLES CAPACITÉS DES ÉLÈVESQue signifie, dans l’esprit de laréforme, relier une matière donnée,quelle qu’elle soit, à des compétencesintellectuelles transversales ?Pour mieux le comprendre, examinonsce que dit de plus en plusla recherche empirique sur cequi se passe dans les classes excellentes.La recherche, en effet, a beaucoupconsisté à observer ce que fontd’instinct les professeurs qui obtiennentd’excellents résultats. Ilressort qu’ils poussent leurs élèvesà se servir de capacités intellectuellesqui dépassent un seuilélémentaire. Ainsi, retenir del’information est élémentaire. Latraiter est déjà plus complexe.Traiter intellectuellement de l’informationcomporte toutes sortesd’actions : la trouver, la compléter,bien l’agencer, la vérifier parfois. Et,dans tout cela, la comprendre seprofile d'une manière inévitable :comprendre de mieux en mieux etde plus en plus.Si, dans une classe très ordinaire, lesélèves ne dépassent pas beaucoup latâche médiocre de retenir, d’engrangerpour ainsi dire, l’informationfournie par le professeur ou lemanuel, dans la classe plus performante,les élèves sont obligés d'appliquer,avec de l’aide mais en modeautonome croissant, des capacitésintellectuelles plus élevées. Si certainschanceux, comme la recherchea permis de l’observer, le font d’instinct,il est possible aussi de le fairede manière délibérée, avec méthode.Poser comme consigne, comme«souci partout » (d’où le qualificatiftransversal des compétences transversales),de pousser vers l’exercicede capacités intellectuelles plusélevées et plus complexes que simplementretenir pour répéter à l’examen,c’est le sens des compétencestransversales d’ordre intellectuel.Depuis très longtemps, il est questiondans les travaux de rechercheen Amérique du Nord de genericskills ou de higher skills. <strong>Au</strong>Québec, la réflexion sur ce sujet abeaucoup passé par le thème de laformation fondamentale. Ce n’est passi neuf, mais enfin reconnu etproclamé comme important, importantdans chaque matière.Il y a, en quelque sorte, une façoncomplice de la paresse intellectuellede faire apprendre l’histoireou la chimie ou la musique ouune langue vivante et une façonnon complice. Le grand psycho-VIE 44 Vie pédagogique 116, septembre-octobre2000


Photo : Denis Garonlogue Vigotsky avait une façon éloquentede dire cela. Pour lui, nousn’aidons pas beaucoup l’élève en lelaissant se tirer d’affaire avec cequ’il maîtrise très bien. Il ne fautpas non plus lui demander l’impossible.Il faut plutôt le faire travaillerdans la « zone proximale » de sescapacités acquises, légèrement audelàd’elles, dans une zone où ilpeut réussir avec assistance, avec leprofesseur comme guide.Cela admis, il est utile de nommerles capacités en question, comme lefera le futur « Programme des programmes» du secondaire. Déjà, lafaçon de les nommer qu’on trouvedans la version provisoire du programmedu primaire (Programmede formation de l’éducation préscolaireet de l’enseignement primaire,août 1999) et sa version consolidéeattendue pour l’été 2000nous inspire. Peu importe, le défi estlancé, et il permet déjà un examende chaque enseignement disciplinairedu secondaire, sous la questioncommune suivante : « Commentcette discipline, la mienne, peut-ellele mieux solliciter et stimuler leshabiletés intellectuelles les pluspoussées chez mes élèves?»Une partie de la réponse, aux yeuxde cet amas d’expériences cristalliséque représente la rechercheempirique, résiderait sans doutedans le choix d’approfondir encoreplus, quitte à étendre moins le proposd’un cours, et de préservermieux l’aspect de complexité desquestions abordées en travaillantparfois ou souvent dans le cadred’un projet d’une certaine envergureet d'une certaine continuité.De même, toute évaluation qui valoriseles tentatives, même semifructueuses,d’interprétation, d’analyseet de validation critique, en feraautomatiquement la promotion àl’intérieur de la démarche d’apprentissage.UNE ATTENTION PARTAGÉEENTRE CONTENU ET PROCESSUSNous savons comment l’énoncé depolitique éducative L’école, tout unprogramme pousse à cultiver partoutnon seulement des compétencesintellectuelles, mais aussides compétences méthodologiques.Pourquoi les secondes ? Essentiellementpour attirer l’attention surl’importance de la démarche d’apprentissage,sur l’importance deguider le processus lui-même d’apprentissage.Encore ici, il y a à la fois continuitéet rupture. Depuis longtemps, nousreconnaissons l’importance de « savoirapprendre », donc d’apprendreà apprendre tout en apprenanttoutes sortes de choses. Nous avonsbeaucoup insisté sur les habiletés etles savoir-faire, jusqu’au point, parfois,de réduire les connaissancesau statut de prétexte pour exercerdes savoir-faire. Il va de soi qu’il n’ya rien de plus inquiétant pour l’enseignementsecondaire. Si l’onapprend l’histoire et la géométrie,c’est parce que l’histoire et lagéométrie ont une valeur formatrice;il ne s'agit pas seulementd'une sorte de matière première àexercer l’analyse, le traitement del’information ! Valoriser les compétencesintellectuelles et méthodologiquestransversales, ce n’est en riendévaloriser les diverses matières dusecondaire : c’est, au contraire, unepiste pour les apprendre mieux !L’équilibre et l’interdépendanceentre contenu à apprendre etprocessus d’apprentissage sontatteints beaucoup mieux dans l’actuelleperspective de compétences,dont le lieu d’émergence estl’ensemble des disciplines, que danscertains discours trop réductifs surla formation fondamentale, discoursréductifs où l’essentiel était plutôt àcôté que dans les disciplines.Malgré tout, il faut reconnaître deuxétages, pour ainsi dire, aux habiletésméthodologiques. Le premierétage, le plus évident, consiste àaider l’élève à organiser son travailintellectuel, à persévérer dans unedémarche où le fait de buter sur cequ’il ne sait pas encore, ce qu’il necomprend pas encore, mobilise etstimule, sans détériorer la confianceen soi. Il faut, dans les études,apprendre à repousser la gratificationdans le temps mais il faut aussiqu’elle se produise, à terme. Qu’ilémerge des moments de joie d’apprendre,de découverte de son proprepotentiel ! Le professeur ne peutpas apprendre à la place de l’élève.<strong>Au</strong> premier degré, l’attention auxcompétences méthodologiques del’élève, c’est précisément le décentrementprofessoral d’une attentiontrop axée sur son enseignementvers une attention partagée vers ladémarche d’apprentissage, unedémarche proprement assistée etencadrée puis stimulée.Il y a un deuxième degré, ou un« deuxième étage », aux compétencesméthodologiques. Il est del’ordre du métacognitif, c’est-à-direde la prise de conscience graduelleet de la maîtrise partielle de lafaçon de s’y prendre dans une tâcheintellectuelle. L’approche dite stratégique,largement propagée auQuébec par Jacques Tardif (L’enseignementstratégique, Montréal, éd.Logiques, 1992) est de cet ordre.C’est une perspective relativementneuve, très féconde, intéressantepour toutes les disciplines. D’unecertaine façon, elle propage uneprise en charge plus évoluée de ladémarche d’apprentissage par uneintériorisation des habiletés méthodologiqueschez les élèves.Vie pédagogique 116, septembre-octobre2000LES COMPÉTENCES SOCIALES :LEURS IMPLICATIONS POUR UNEÉQUIPE ÉDUCATIVELa réforme en cours du curriculumentend aussi porter sur une troisièmecatégorie de compétences: des compétencessociales. Dans le programmede formation (version provisoire)il est plutôt question decompétences à la fois personnelles etsociales, mais cela ne change pas lavisée de fond. En quoi cela est-il pertinentpour l’enseignement secondaire? C’est pertinent de diversesfaçons, mais cela exige, plus encoreque pour les compétences précédentes,que les éducateurs de diversesdisciplines travaillent ensemble.Il y a, dans les compétences sociales,à la fois un minimum et unoptimum. Commençons par examinerle minimum. Chaque classe, demême que l’ensemble de l’école,est un lieu où existe une loi, unerègle, un lieu où une loi interditl’interaction violente. Une sorte desocialisation élémentaire se poursuità l’école, en même temps quedans le milieu de vie de l’élève, àmoins que ce milieu de vie ne soittotalement inapproprié : l'élève yapprend à suspendre ses impulsions,à vivre pacifiquement dansun groupe. La vie y obéit à une prescriptionde non-violence. Les élèvess'expliquent plutôt que de se battre.L’école comme la classe ne sont pasgouvernées par les émotions et l'affection,car l’affection ne se commandepas. Elle engendre desgroupes fermés qui expulsent lesmal-aimés. La classe, elle, est ungroupe gouverné par un principesous-jacent d’égalité de tous ettoutes, de dignité et de respect detous. <strong>Au</strong> minimum donc, pour cequi est des compétences sociales, laclasse est un environnement danslequel l'élève fait preuve de civismeet adopte des attitudes qui resterontà la base du civisme au cours detoute la vie. Toutefois, cette dimensionde l’éducation sociale se vitd’autant mieux s’il y a concertationdans l’équipe éducative, et si toutel’école se place délibérément dansun climat d’interaction qui favorisele civisme. Cela se situe naturellementdans l’ordre du projet éducatifde l’école.Il se trouve ensuite un second degréd’ambition, qui touche, cette fois,les compétences sociales. Il s’agitde développer deux capacités impossiblesà travailler et à mettre enjeu dans la solitude. D’abord, lacapacité de travailler intellectuellementà plusieurs et d’être productifsà plusieurs. Ensuite, la capacitéde « délibérer » en groupe, d’échangerdes arguments, de profiter deceux des autres, d’écouter vraimentses pairs. La première capacité esttrès précieuse pour le travail et lavie active. Parmi les capacités génériquesprivilégiées par tous lesobservateurs sociaux du point devue d’une préparation à quelquecarrière que ce soit, c’est, au-delàdu potentiel intellectuel le plusdéveloppé possible, la principale. Ilfaut prendre cela comme un faitincontournable.Trop de critiques humanistes del’éducation sursautent à l’idée que legrand patronat, sous la forme, parexemple, du Conference Board duCanada, affirme cela, et dénoncentle tout comme une perversion utilitaristeou fonctionnaliste d’uneécole qui devrait s’arc-boutersur son idéal d’épanouissementPÉDAGOGIQUE 45<strong>DOSSIER</strong>


<strong>DOSSIER</strong>personnel. Pourtant, même du pointde vue de l’épanouissement personnel,réussir à trouver de la joie dansune productivité collective, un travailcoopératif réussi, c’est aussi unacquis précieux.La seconde compétence sociale nonbanale a ses propres exigences. Ils’agit d’une capacité de délibérationà plusieurs. C’est le dialogue portésur le terrain d’enjeux sérieux, dedilemmes, de situations complexes.Discuter en travaillant la rigueur, lalogique et la capacité persuasive deson propre propos, tout en accueillantle propos analogue de son visà-vis,n’est pas une chose simple.Mais ce serait gravement disqualifierle secondaire que de penser queseuls le cégep et l’université sontdes lieux appropriés pour cela.L’apprentissage de la délibération,du débat, d’une recherche quiavance par des échanges de propossensés, d’objections et par la clarificationde consensus partiels reposesur le développement de l’espritcritique. L’esprit critique, ce n’estpas du tout l’esprit combatif, quis’emploie à disqualifier d’entrée dejeu ceux et celles qui ne pensentpas comme moi. Ici, le professeurest un modèle incontournable,parce que sa propre position sur unsujet ne se présente pas comme « ledernier mot », la fin d’une démarchede recherche, mais souventcomme son amorce.La capacité de délibération sociale ades affinités directes avec l’éducationpolitique, l’éducation du citoyen.Le citoyen qui se sent commeune marionnette des pouvoirs enplace réagit émotivement et par« tout ou rien », en adoptant uncamp dans la lutte universelle pourle pouvoir et ses divers avantages. Lecitoyen critique capable de délibérergarde une distance par rapportaux slogans de son propre parti ougroupe d’intérêt. Comme il a l’habitudede s’efforcer de comprendredes enjeux avant de s’engager…Dans l'enseignement secondaire, ladélibération ne peut pas jouer toujourset partout. Il ne s’agit pas deréinventer Galilée ou l’algèbre !Cependant, la disposition à s’écoutermutuellement avant de se réfuternécessite un certain climat, unebribe d’éthique intellectuelle. L’élève,s’il a à changer d’idée, ne peut lefaire qu’à partir de son idée présente.Comment l’aider sans comprendrecelle-ci ?L’HORIZON D’UNECOMMUNAUTÉ DE RECHERCHEEnfin, il y a, au-delà des compétencessociales de civilité et dedélibération, un optimum pensable,pour ce qui est d'un idéal pédagogique: celui d’une classe fonctionnanten communauté de recherche.Cela découle en droite ligne derecherches approfondies sur ce quesignifie devenir expert. « Expert »,rappelons-le, est un terme plus fortque « compétent ». La différenceprincipale entre la personne compétenteet la personne experte, c’estque la première profite de sesacquis, de la libération d’énergiementale accomplie par une maîtrisesuffisante d’un problème, d’unprocédé ou d’un diagnostic pour sedétendre et prendre du bon temps,tandis que la seconde réinvestitl’énergie mentale disponible pouraller plus loin dans le domaine. CarlBereiter et Marlene Scardamalia ontétudié les implications de cettemarge pour l’école dans un livreremarquable : Surpassing Ourselves.An Inquiry Into the Nature andImplications of Expertise (Chicago,Open Court, 1993). Ils rejoignentl’idée de la classe comme une communautéd’apprenants, développéede façon convergente dans unrécent avis du Conseil supérieur del’éducation : L’école secondaire, unecommunauté éducative (1998).Bereiter et Scardamalia se situent àla jonction des compétences intellectuelleset des compétencessociales lorsqu’ils décrivent lesprincipes directeurs d’une classefonctionnant en « groupe de productionde savoir » :«L’éducation scolaire basée sur lemodèle d’un » groupe de productionde savoir » a les caractéristiquesdistinctives suivantes :1° Il s’y trouve une étude soutenueet en profondeur des sujets, parfoisétendue sur des mois, plutôtqu’un vaste survol superficiel.2° L’attention se concentre sur desproblèmes plutôt que sur descatégories de connaissances;non pas « le cœur » mais « commentle cœur fonctionne-t-il ? »3° La recherche est impulsée parles questions des élèves. Le professeuraide les élèves à poserde meilleures questions et lesencourage à reformuler lesquestions à des niveaux plusapprofondis à mesure que larecherche avance.4° Le défi dominant est celui d’expliquer.Les élèves sont poussésà présenter leurs propres théoriespour rendre compte desfaits et à critiquer mutuellementleurs théories en les confrontantaux faits.5° Même si les professeurs portentattention au progrès individueldes élèves, l’attention quotidienneporte d’abord sur les butscollectifs de compréhension etde jugement plutôt que sur l’apprentissageet le rendementindividuels.6° Il y a peu de travail scolaire traditionneloù tous les élèves travaillentindividuellement en faisanttous la même chose. Defaçon plus générale, les élèvestravaillent en petits groupes;chaque groupe a une tâche particulièreliée au thème central etplanifie la distribution du travailentre ses membres.7° La parole est prise au sérieux.On attend des élèves qu’ilsréagissent au travail des autreset on leur montre à le faire defaçon aidante et encourageante.8° Le savoir propre du professeurne limite pas ce qu’il faut apprendreou chercher. Les professeurspeuvent contribuer à la démarchepar leur savoir, mais il y ad’autres sources d’information.9° Le professeur reste le leader,mais son rôle se déplace : il nese tient plus en dehors de ladémarche d’apprendre pour laguider; il y participe activementet sert de leader à titre d’apprenantplus expert. »Cela n’est pas une utopie, mais c’estrare et difficile. <strong>Au</strong> minimum, il fautapprendre aux élèves à travaillerensemble. <strong>Au</strong> mieux, comme ici, ilsle font d’abord et avant tout pourapprendre encore plus d'unemanière authentique. En quelquesorte, la boucle est bouclée : lescompétences sociales contribuentdirectement aux compétences intellectuelles.UNE CONTRIBUTION DE TOUTESLES DISCIPLINES À LA MAÎTRISEDE LA LANGUELa quatrième et dernière catégoriede compétences transversales colleà une difficulté propre aux étudessecondaires. Elle s’appuie sur uneconstatation bien connue : s’il n’y a,au secondaire, que dans la classede français que le français estimportant, les résultats seront décevantset on perpétuera les plaintesdes professeurs de cégep. D'abord,on apprend à lire puis, de plus enplus, on lit pour apprendre. Si l’habiletéinstrumentale qu’est la lecturen’est que très peu utilisée àl’école elle-même, elle stagne, ellen’atteint pas les niveaux d’aisance etde compréhension qu’il faut. Il enva de même pour l’écriture : sipresque partout, sauf en classe defrançais, on peut se passer d’écrirepour raffiner son analyse et sonargumentation ou d’écrire aussipour s’exprimer, c’est peine perdue.Il y a alors très peu de chancesd’atteindre un niveau de high literacy,comme le disent les chercheursnord-américains. Il s’agit là, eneffet, d’établir un rapport intimeavec la langue, un rapport sensibleà sa souplesse, à ses nuances, à sarichesse. Le vrai moment propicepour acquérir un rapport étroit,aisé, fin, avec une langue orale correcteet avec la langue écrite setrouve à partir du milieu du secondaire.Cela ne se rattrape pas dansun baccalauréat en informatique,en administration des affaires ou engénie. Même un baccalauréat ensociologie n’est pas une garantie derattrapage, sur ce terrain.Qu’est-ce que des cours de biologie,de mathématique, de musique et degéographie peuvent fournir dans uneffort convergent de maîtrise de lalangue ? L’exercice de l’écrit ? L’imprégnationpar une langue oralecorrecte ? La frousse de « perdre despoints » pour l’écriture ? La seulefaçon d’aller au-delà d’une pressionsymbolique en corrigeant le françaispartout, c’est de travailler entre professeursde français et professeursde sciences, ou de mathématiques,VIE 46 Vie pédagogique 116, septembre-octobre2000Photo : Denis Garon


ou d’art, ou de sciences humaines.Les experts sont dans les murs.Jusqu’ici, personne n’a pour ainsidire eu recours à eux. Dans lesécoles de langue française, on n’apratiquement pas encore eu de tentativesde ce type. Toutes les disciplinespeuvent contribuer à la progressiondes élèves en français, maiscela est presque impensable sansconcertation avec les professeurs defrançais.LE POTENTIEL DES DOMAINESD'EXPÉRIENCE DE VIE<strong>Au</strong>-delà des compétences transversalesposées comme faisant appel àchaque discipline, la réforme actuellepropose à l’attention des professeursdes champs d'explorationet d'approfondissement transdisciplinaires.On les a appelés« domaines d’expérience de vie »dans la première version des programmesrévisés du primaire. Il y aune raison à cela. Il s’agit en effetd’enjeux proches de l’expériencesubjective individuelle et collectivedes jeunes, pas seulement en qualitéd’élèves : choix de carrière; relativeliberté quant aux conditionnementsmédiatiques et aux sollicitationscommerciales; prise en chargegraduelle de sa santé; « alphabétisation» progressive sur les planscivique et politique; etc. L’école initieet transmet, cela va de soi. Maiselle initie non seulement aux dérivésadaptés des « savoirs savants »(grâce à une transposition didactiqueappropriée), elle initie aussi àdes pratiques sociales (« fonctionner» dans une démocratie, choisirun métier, devenir un consommateuraverti, et ainsi de suite).Le curriculum proposé pour lesecondaire, dans le cadre de laréforme, a un aspect structurel trèsimportant. En effet, il défait et metde côté l’isolement, instauré audébut des années 80, de tout ce quirelève de la formation personnelleet sociale au sens large. Il rapatriedans les disciplines des dimensionsde la formation qui concernentdirectement l’engagement personneldans des pratiques sociales :pratiques de santé, d’écologie, decitoyenneté, de choix de carrière.Il est inadmissible de nos jours quel’ensemble des sciences humainesse dissocient des visées d’éducationsociale, réfugiées, pour ainsi dire,dans une petite dose parallèle deformation personnelle et sociale etque l’éducation scientifique resteisolée des pratiques et des domainesde carrière technologiques, en laissantle fardeau de « l’école orientante» à une autre petite matière. Orla majorité des enjeux prochesd’une expérience de vie, pas forcémentscolaire, ne peuvent pas avoirune seule discipline comme pointde chute. Pensons, par exemple, à lasanté : elle est au carrefour d’aumoins trois disciplines, l'éducationmorale, les sciences et l'éducationphysique. Pensons au choix de carrière: l’apprentissage de sciences ettechnologie ne peut pas jouer seul.Celles et ceux dont l’avenir professionnelest en graphisme, en musique,en politique ou en enseignementseront « allumés » et séduits,révélés à eux-mêmes, par toutessortes de disciplines.Chacun des six grands domainestransdisciplinaires retenus par laCommission des programmesd’études (1° l’éducation interculturelle,l’éducation à la citoyennetéet la compréhension internationale;2° l’éducation à la consommation;3° l’orientation personnelle et professionnelle,l’entrepreneurship; 4°l’éducation aux médias et aux technologiesde l’information et de lacommunication; 5° l’éducation à lasanté, à la sécurité et à la sexualité;6° l’éducation à l’environnement.Orientations et encadrements pourl’établissement du programme deformation, 1998, p. 41 et 42.) tendune perche aux équipes enseignantesdu secondaire. Il y a là unchantier qu’il faut envisager dèsmaintenant 1 . S’il est réussi, l’écolesecondaire sera plus authentiquementéducative et plus accessible,plus mobilisante, tout en instruisantmieux qu'avant. Sinon, elle redeviendraencore plus livresque etplus détachée de la recherche desens des jeunes.DÉFIS COMMUNS ET DÉFISVARIABLES SELON LESDISCIPLINESIl est insensé de croire que la valorisationde compétences transversalesimpliquerait une dévalorisationdes disciplines. L’intuition, puisla confirmation de l’importance descompétences transversales sontprécisément venues du souci d’apprendreà la fois plus et mieux toutce qu’il est possible d'apprendre àl’école.Les programmes disciplinaires officielsévoluent dans leur forme. Ens’efforçant de graviter autour dequelques compétences disciplinairescentrales, ils deviendrontmoins analytiques, moins atomisésen mini-objectifs. C’est favoriserune démarche ou un processusd’apprentissage dans lequel l’interdépendanceentre éléments et lacomplexité du tout se dégage.Il reste que les grandes disciplinesclassiques du secondaire n’aurontpas toutes le même défi. L’histoire,la géographie de même que lecours de 5 e secondaire sur lemonde contemporain devront faireune place beaucoup plus nette à laformation sociale, dans sa dimensionde sociabilité au quotidien, sadimension politique et sa dimensionéconomique aussi. La citoyennetédevenant une préoccupationprivilégiée, greffée explicitementaux sciences humaines mais constituéeaussi en thème interdisciplinaire,il faudra travailler en collaborationavec les responsablesd’éducation morale, d’éducationphysique, des cours de français aumoins, pour consolider une approcheconcertée. Même l’éducationscientifique, pour peu qu’elle soitouverte à la perspective « sciences,technologie et société », a une bellecontribution potentielle à apporteraux enjeux collectifs et politiques.La réforme devrait permettre deremédier à la quasi-absence deprise en considération de la technologiedans le cursus scolaire, et,pour le secondaire, ce défi tombecarrément dans le jardin de l’éducationscientifique. Comment bienrelier les pratiques techniques et lessavoirs propres aux sciences ?Comment ne pas restreindre latechnologie aux sciences physiquesappliquées, et comment donner laplace qu'elles méritent aux techniquesd’ordre biologique, auxtechniques de communication, àdes techniques de la vie courantegreffées pour l'instant à l’économiefamiliale ? Le tout, non sans unearrière-pensée de sensibilisationaux choix de carrière ?Il me semble que l’enseignement dela langue est particulièrement apteà contribuer à la formation personnelle.En effet, c’est un lieu privilégiéde l’expression personnelle. Enmême temps, l’apprentissage de lalangue peut avoir un rapport directavec l’expérience du beau et l’ouverturesur l’esthétique et l’art,grâce à la poésie, au théâtre. QuandVie pédagogique 116, septembre-octobre2000l’équilibre entre la communicationet ses règles, relativement impersonnelles,d’une part, et l’expression,personnelle par définition, d’autrepart, est assuré, le besoin d’espacesparallèles pour une formation ditepersonnelle est moindre.Les grands thèmes transversaux fontappel à toutes les disciplines maisd'une manière diverse. N’est-ce pastout à fait opérationnel de sedemander dès maintenant où etcomment atterriront l’éducationcritique aux médias, ainsi quel’éducation à l’environnement, à lacitoyenneté et à la consommation ?Et, question centrale : comment uneapproche bien pensée d’une vastegamme de disciplines fera-t-elle del’école secondaire une écoleauthentiquement orientante ?La réforme : une nouveauté à comprendre,un changement à maîtriserPour le secondaire, la réformecomporte à la fois des éléments decontinuité et des éléments de nouveauté.Les écoles secondaires disposentde délais convenables avantle déclenchement de la mise enœuvre des nouveaux programmes.C’est le temps nécessaire pour sefamiliariser avec les nouveautés etcommencer à s’y préparer. C’est enmême temps l'occasion de maîtriserle changement. Il est possibled’ores et déjà de préparer le terrain,d'une manière individuelle etcollective, ne serait-ce que relativementaux quatre grandes catégoriesde compétences transversales. Lastructure même d’un parcours scolairepar cycles, jusqu’à la troisièmesecondaire, se dessine, et peut permettreà des équipes enseignantesde préparer une transition qui neprendra personne par surprisemais qui, au contraire, libérera desénergies nouvelles. La carte géographiquen’est certes pas le territoirelui-même, mais la carte, mêmefloue et approximative, existe : letemps est propice pour s’aventurersur le terrain.Arthur Marsolais était chargé dedossiers au Conseil supérieurde l'éducation jusqu'à l'étédernier.1. Les deux domaines d’expérience de vieajoutés dans le programme actuel au primaire(souci d’une croissance dans sonidentité personnelle, souci des habiletéssociorelationnelles) paraissent, pour leurpart, une dimension de la formation personnellequi peut colorer tous les enseignementsd’une manière diverse.PÉDAGOGIQUE 47<strong>DOSSIER</strong>


Photo : Denis GaronQuel est le principal partenairede l’enfant qui se développecomme apprenant ?Les parents ou l’enseignant ? Pour lepersonnel de l’école Centrale, laréponse vient tout de suite : lesdeux, dans la mesure où desattentes semblables sont établiesautour de l’enfant. Et pour y parvenir,la communication soutenueentre parents et enseignants demeurel’instrument privilégié.L’article qui suit présente la façondont le personnel de l’école Centrales’est assuré de garder un contactrégulier avec les parents de sesélèves. Tous les éléments qui y ontcontribué ont été introduits un à lafois au cours des années, pourfinalement constituer la tradition del’école; ils font partie de la normalitépour parents et élèves maintenant.Cette tradition est fort appréciéepar les parents qui se voientoffrir un portrait détaillé de la viescolaire de leur enfant. C’est aussiune façon de rassurer nos parentsanglophones (la grande majorité)qui ne sont pas toujours en mesured’évaluer les progrès de leur enfantdans un programme d’immersionou qui se demandent comment s’yprendre pour appuyer le travail del’enseignant ou l’enseignante.L’ÉVALUATIONIci, dans notre école au Manitoba,l’année scolaire est divisée en troistrimestres; le premier couvre lespremiers mois jusqu’à la fin deLA COMMUNICATION AVEC LES PARENTS,UN TOUR DE PLUS...DANS LE SAC D’ÉCOLE DE L’ENSEIGNANTpar René AmmannPhoto : Denis Garonnovembre; le deuxième se termine àla fin de mars, avec la semaine derelâche; et le troisième comprendles trois derniers mois. Trois bulletinssont donc envoyés aux parents.Mais entre chaque bulletin, ceux-cisont invités à rencontrer l’enseignantou l’enseignante pour discuter del’évolution de leur enfant.En octobre, les élèves préparentune autoévaluation de leur travailen classe en abordant divers aspectsde leurs progrès scolaires, deleurs habitudes de travail et de leursrelations avec les autres. À partirdes points les plus faibles de cetteévaluation et avec l’aide de l’enseignantou de l’enseignante, les élèvesdéterminent deux ou trois objectifsà atteindre dans les six semainessuivantes, soit pour le premier bulletin.C’est autour de cette autoévaluationet de ces objectifs que ladiscussion entre parents, enfant etenseignant s’organise, chacun ydéfinissant son rôle dans l’atteintedes objectifs. Durant les sixsemaines qui suivent, ces objectifspersonnels sont revus puis, dans lepremier bulletin, l’enseignant oul’enseignante indique dans quellemesure ils ont été atteints. Ainsi, unprofil scolaire de l’élève est tracé,accompagné par les recommandationsdont pourrait bénéficier l’élèvepour s’améliorer.Entre le premier et le deuxième bulletin,on suit la même démarchemais cette fois, l’élève a une partplus active dans la rencontre élèveparents-enseignantou enseignante.Il ouvre son portfolio, fait le pointsur les nouvelles habiletés qu’il aacquises, évalue son parcours etdétermine où il concentrera sesefforts pour les derniers mois del’année. Encore une fois, parents etenseignant définissent leur proprerôle pour seconder l’élève.À la fin de l’année, le portfolio, quicontient les travaux jugés lesmeilleurs par l’élève, ses autoévaluations,etc., est amené à la maisonafin de montrer à ses parents tousles progrès accomplis durant l’annéescolaire.Il va sans dire que l’élève comptesur le soutien de son enseignant ouenseignante tout au long de l’annéepour lui servir de guide dans lechoix de ses objectifs et lui donnerson avis lors de ses autoévaluations.Mais c’est aussi l’enseignant oul’enseignante qui définit les objectifsde chacune de ses situationsd’apprentissage, explique commentce qui se vit en classe est reportésur chaque bulletin, aide l’élève àfaire le point sur ses acquis aprèschaque unité, appelle à la maisonpour souligner un effort particulierou en recommander un autre, ouencore écrit une note dans l’agendade l’élève de la 3 e ou de la 4 e année.Une telle approche est exigeante,tant pour l’élève que pour les parentset l’enseignant. L’expériencemontre que la justesse de l’autoévaluationaugmente avec la pratique;de plus, il n’est pas étonnantde voir les élèves prendre une plusgrande part de responsabilité dansleur apprentissage. Par ailleurs, desparents se montrent moins intimidésquand leur enfant a un rôleactif dans leur rencontre avec l’enseignant.Enfin, avec l’engagementde chacun, les chances de succèssont multipliées. On est loin dutemps où le bulletin se donnait bienvite au-dessus de la tête des enfants.LES PORTES OUVERTESLes remises de bulletins ne sont pasles seules occasions où les parentssont invités à l’école. Tôt, en septembre,une soirée d’orientation estorganisée par le personnel enseignant.Les parents sont appelés àrencontrer une première foisl’équipe qui travaillera avec leurenfant. Chaque enseignant les amèneensuite dans sa classe afin de leurfaire un tour d’horizon de l’annéequi s’amorce : attentes générales,fonctionnement de la classe, évaluation,portfolio, devoirs, etc. En 3 e eten 4 e année, on remet également untableau qui présente quelques élémentsdu programme de mathématique,ceux sur lesquels il serait bonde travailler périodiquement à lamaison (opérations, mesure detemps, de longueur, estimation,heure, argent, etc.).<strong>Au</strong>ssi, chaque année, parfois enautomne, parfois au printemps, lecomité de parents organise tantôtune danse, tantôt un souper au barbecue,ou encore une soirée deVIE 48 Vie pédagogique 116, septembre-octobre2000


plantation de fleurs dans la courd’école... Le personnel de l’écoleest invité à y amener sa proprefamille, un type de rencontre bienapprécié par les élèves.En mai, le personnel prépare unejournée ou une soirée portesouvertes sur un thème qui varied’année en année : les portfolios, lamathématique, les sciences, etc. Lesélèves présentent alors, sous formede jeux ou d’activités destinés auxparents, quelques aspects des différentsprogrammes d’études.Enfin, il ne faut pas oublier l’incontournableconcert de Noël et lesquatre ou cinq assemblées quiparsèment nos dix mois d’école.ET ENCORE...Et pour se tenir à jour sur le quotidiende la classe ? <strong>Au</strong> début dechaque mois, enseignants et enseignantesrédigent une lettre de nouvellesà l’intention des parents deleurs élèves. Y sont présentés : lesdates à retenir, les thèmes étudiés,les objectifs visés pour le mois danschacune des matières, les travauxattendus des élèves, un aperçu del’évaluation, des recommandationsrelatives à ce qui peut être fait à lamaison pour appuyer le travail scolaire.Parents et enfants sont encouragésà lire chacune des lettres denouvelles à la maison et à en discuter.Que de travail mais quellerécompense de voir, le lendemainde l’envoi, des élèves apporter àl’école un livre sur le thème étudiéou relater une expérience se rapportantau sujet abordé en sciences,ou encore un parent se pointerpour offrir à la classe son expertisedans un domaine à l’étude !L’école envoie aussi une lettre denouvelles chaque mois; le comitéde parents a également les siennes.Et il ne faut pas oublier Internet,dans lequel l’école a son site 1 !UN ÉLÉMENT CRUCIAL :LA LECTURELe personnel enseignant s’attend àce que chaque élève travaille unetrentaine de minutes à la maison :dictée, questions mathématiques etlecture se succèdent au rythme desjours de la semaine, selon la routinede chaque classe. De plus, dessacs remplis d’activités permettantde poursuivre le développementd’habiletés acquises à l’école peuventêtre apportés à la maison. Ilscontiennent, par exemple, des jeuxde mathématiques, des livres à lireet offrant des sujets de discussion,des projets à caractère scientifique,des cassettes, des jeux pouraméliorer ses habiletés orthographiques.Mais la lecture demeure l’élémentessentiel de l’apprentissage. Il fautconstater que les parents ne possèdentpas toujours l’expertise del’enseignant ou de l’enseignantedans ce domaine. <strong>Au</strong>ssi, l’école apublié un dépliant à leur intentiondétaillant la démarche de la lecturetelle qu’elle est suivie en classe.Facile à utiliser, beaucoup de parentsl’apprécient. Il indique lesétapes nécessaires à franchir avantde commencer une lecture, donneun aperçu des stratégies de lectureenseignées en classe, encourage ladiscussion à toutes les étapes de lalecture et reconnaît son rôle essentieldans le développement de lacompréhension. Ce dépliant devientun outil essentiel pour quiconques’imagine que le temps de lecture selimite au simple décodage de mots.Dès la première rencontre parentsenfant-enseignant,en octobre, on yrecourt. L’enseignant s’en sert eneffet pour tracer le profil de lecteurde l’élève et détermine les points àtravailler à la maison pour développerses habiletés. Il fera ensuitepartie de toutes les discussions surles progrès et demeurera le fidèlecomplice de l’enseignant en classe.EN CONCLUSIONBeaucoup de temps est consacré àla communication entre enseignantet parents : lettres de nouvelles,appels, rencontres, etc. Des soiréesbien remplies font suite à desjournées bien remplies. Enseignerest une tâche lourde qui doit êtrepartagée. Car cela est clairementétabli en début d’année : le succèsde l’élève dépend de l’engagementde chaque partenaire, à la mesurede ses aptitudes.René Ammann est enseignant àl’école Centrale, centre d’immersion(de la maternelle à la4 e année) de la division scolairede Transcona-Springfield,à Winnipeg.1. www.mbnet.mb.ca/~centrale/recherche en éducationLA PUCE À L'OREILLE AU SUJETDU REDOUBLEMENTpar Louisette Pouliot et Pierre PotvinTout en respectant les croyancesde nombreux enseignantsrecherau sujet du redoublementscolaire, le présent article sème ledoute quant à l'efficacité de cettepratique pédagogique.Recommencer son année, voilà ladécision qu’environ 30 000 élèvesquébécois, de la maternelle et duprimaire, se voient imposer chaqueannée. Le redoublement relèved'une décision administrative à lasuite d’une proposition que l'enseignantpeut faire au moment del'évaluation des apprentissages.che enLe redoublement se produit fréquemment,mais aide-t-il vraimentl'élève en difficulté ? « Non », répondentles chercheurs. Mais alors,pourquoi continuer à utiliser unmoyen reconnu scientifiquementcomme étant inefficace ? La recherchene rejoint peut-être pas leséducationenseignants jusque dans leur praquesur le redoublement met à jourla dichotomie entre la recherche etla pratique du redoublement; ellemet en évidence le rôle que jouentles croyances des enseignants.Le présent article rend compte desrésultats d'une enquête prenant latique. La documentation scientifi-forme d'un questionnaire écrit auquelont répondu 230 enseignantset enseignantes de la maternelle etdu primaire, venant des régions dela Mauricie et du Centre du Québec.Mais avant de présenter ces résultats,il importe de placer leredoublement dans une perspectivehistorique. Par la suite, il convientd'étudier les résultats de recherchessur le redoublement afin derendre compte de l'efficacité ou del'inefficacité de cette pratique.CONTEXTE HISTORIQUELe redoublement est utilisé depuisque l'école existe comme institutionsociale, c'est-à-dire depuis que lesélèves sont regroupés par échelonsconstituant des barrières qui retiennentles élèves qui n'atteignent pasVie pédagogique 116, septembre-octobre2000les objectifs fixés. Il a pris naissanceen Grande-Bretagne au cours duXVI e siècle et aux États-Unis, audébut du XIX e siècle. <strong>Au</strong> Québec, sespremières traces apparaissent audébut du XX e siècle, soit depuis quel'école publique est suffisammentorganisée pour instaurer un programmeuniforme, impliquant etsuggérant la notion de passage oude redoublement. Selon Filteau(1954), ce nouveau programme estbientôt en butte à des critiques : « Lamasse prenait généralement deuxans pour parcourir la matière de lapremière année, et souvent, plutôttrois ans que deux ».Dans les années qui suivent, lesprogrammes se succèdent et, bienqu’il soit moins fréquent qu'audébut du siècle, le redoublementscolaire est encore largement utilisé.Il en est ainsi jusqu’en 1964alors que le Rapport Parent (Commissionroyale d’enquête sur l’enseignement,1964) propose dediminuer le nombre d'examensimposés aux écoles. Ce rapport meten garde : « De toute façon, il faudraétablir clairement et définitivementque le sort de l'étudiant ne doit passe jouer sur l'examen seulement ».C'est le début de la Révolution tranquille;une importante réforme scolaireinflue sur les pratiques éducativesjusqu'à la fin des années 70.Le redoublement scolaire a faillis'éteindre au cours des années 70avec la venue du courant humaniste.Le concept de progrès continuamène alors la pratique du passageautomatique dans la classesupérieure ou dans l’ordre d’enseignementsuivant.<strong>Au</strong> début des années 80, l'importantredressement préconisé dansl'École québécoise — Énoncé depolitique et plan d’action du ministèrede l’Éducation (1979),accentué par l'idéologie américainesur « l'excellence », incite lesmilieux scolaires à remettre enquestion le courant humaniste et lePÉDAGOGIQUE 49


Photo : Denis Garonpassage automatique. Une haussedes standards en éducation se produit,accentuant le recours à l'évaluationsommative. Le Conseil supérieurde l'éducation (1992) dénoncela trop grande place laissée à cetype d’évaluation. En outre, de plusen plus d'élèves en difficulté sontintégrés dans les classes ordinaireset ils ne reçoivent pas toujoursl’aide des services d’orthopédagogie.Les enseignants sont enfermésdans un dilemme : les autoritésscolaires visent la performance etl'excellence tout en intégrant deplus en plus d'élèves en difficulté.Les enseignants devraient axerl'évaluation sur le processus d'apprentissagemais ils doivent aussitenir compte des programmes quicomportent des objectifs répartisdans le temps dont il faut faire lebilan de façon sommative. Il est difficiled'individualiser l'évaluationpuisque, généralement, les enseignantsreçoivent des bulletins et desépreuves uniques qui offrent peu depossibilités d'adaptation pour lesélèves en difficulté. La décision duredoublement demeure difficile àprendre selon une étude deRobitaille-Gagnon et Julien (1994),c’est alors que « le recours à descritères quantitatifs, tels les résultatsà des examens standardisés,semble rassurer les personnes aumoment de la décision ». Le redoublementest une solution accessibleque les enseignants envisagentdevant les piètres résultats quantitatifsde plusieurs élèves.Ancré dans la tradition, le redoublementscolaire a traversé letemps, mais au-delà de la tradition,il subsiste des doutes sérieux quantà son efficacité.INEFFICACITÉ DUREDOUBLEMENTDepuis quelques décennies, il existetout un éventail de recherche surle redoublement, particulièrementaux États-Unis et au Canada anglais.Récemment, d’autres ouvrages européenss’y sont ajoutés, notamment,Le redoublement : pour oucontre ? (Paul, 1996) et Peut-onlutter contre l’échec scolaire ?(Crahay, 1996). Ce dernier auteurappuie sa large réflexion sur deséléments de recherche empirique.Qu'il s'agisse d'articles de revuesscientifiques, de mémoires, de thèses,d'ouvrages collectifs ou deméta-analyses, rares sont lesrecherches qui montrent les avantagesdu redoublement; elles ensignalent presque unanimement leseffets négatifs. Trois recherchesquébécoises comportent de nombreusesréférences bibliographiquessur le sujet (Dubé, 1997;Leblanc, 1991; Pouliot, 1998).Trois ouvrages sont fréquemmentcités dans la documentation scientifiquesur le redoublement. Il s'agitde la recension critique de Jacksonet de deux méta-analyses décritesdans un article de Paradis et Potvin(Vie pédagogique, n° 85, 1993).En résumé, pour Jackson (1975)rien ne prouve que, pour les élèvesen difficulté, le redoublement estplus bénéfique que le passage dansla classe supérieure. Holmes etMatthews (1984) concluent queceux qui continuent à utiliser leredoublement le font sans garantiescientifique de son efficacité. Quelquesannées plus tard, Shepard etSmith (1989) se prononcent clairementsur l'inefficacité du redoublement.Dans une synthèse de l'ouvragecollectif Flunking Grades :Research and Policies on Retention,Shepard et Smith (1989) utilisentdes affirmations très catégoriques.Premièrement, les auteures concluentque le redoublement n'estpas avantageux, ni sur le plan desrésultats scolaires, ni sur celui del'adaptation personnelle. Deuxièmement,elles confirment que leredoublement est intimement liéau décrochage scolaire. Troisièmement,Shepard et Smith précisentque deux ans passés dans la classede maternelle, même avec un programmede transition, ne permettentpas d'améliorer le rendementscolaire à long terme, ni derésoudre le problème de manquede préparation à la première année.Quatrièmement, elles ajoutent que,vu par les élèves, le redoublementamène des conflits et qu'il blesse.Le fait qu’il soit plus âgé que sescamarades de classe peut avantagerle redoublant qui manque de maturitéau début de son parcours scolaire,mais cet avantage n’est quepassager (Shepard et Smith, 1989)et peut, par la suite, constituer unobstacle à son sentiment d’appartenanceà un groupe d’élèves, rendantdifficile son intégration socialeà l’école. Les résultats des métaanalysesmentionnées précédemmentdevraient inciter les enseignantsà la prudence.La position prise dans le présentarticle sur la valeur du redoublements’appuie sur un ensemblecohérent de connaissances. Dansles méta-analyses consultées,tout comme dans les autres documentsscientifiques, les nombreusesrecherches examinées considèrentpresque unanimement que leredoublement est une pratiqueéducative pouvant engendrer plusd'effets nuisibles que de bienfaits.LES CROYANCES COMME VOIED'EXPLICATIONL'efficacité du redoublement estsérieusement remise en questiondans la documentation scientifiqueconsultée. Plusieurs motifs derecourir au redoublement y sontdécrits : la pression de l'opinionpublique sur les politiques d'évaluationstrictes, le désir de préserverles hauts standards et celui d'homogénéiserles groupes d'élèves.De plus, le redoublement est considérécomme une solution facilequi ne nécessite pas de changementdans l’organisation scolaire établie.À ces motifs, il importe d'ajouter unautre élément qui semble maintenirl'attachement à la pratique duredoublement : les croyances queles éducateurs entretiennent àl'égard de cette pratique.Parmi les personnes qui maintiennentla pratique du redoublement,les enseignants forment le groupe leplus engagé dans la décision defaire passer les élèves dans la classesupérieure ou de les faire redoubler.Par le jugement qu’ils portentsur l’élève à titre d’évaluateurs, lesenseignants peuvent être considéréscomme les initiateurs du redoublement.Les croyances des enseignantsinfluent sur leur jugement etleurs attitudes, ce qui a une incidencesur leurs comportements enclasse et agit sur eux lorsqu’ils proposentle redoublement ou le passagedans la classe supérieure(Crahay, 1996).VIE 50 Vie pédagogique 116, septembre-octobre2000


Dans les recherches examinées, laplupart des enseignants pensentque le redoublement a des effetspositifs. L'enseignant croit qu'uneannée de plus à répéter les mêmesactivités peut aider l'élève à comprendre,à acquérir de la maturitéet à développer les habiletés debase, évitant ainsi l'échec dans lesannées à venir. Les croyances desenseignants sont liées à leur expérience.L’enseignant croit avoir prisla bonne décision à l’égard del’élève qui redouble sa classe,surtout lorsque celui-ci a demeilleurs résultats l’année suivante.L'enseignant n'a pas la possibilité desavoir si le redoublant aurait mieuxréussi s'il était passé avec ses camaradesdans la classe supérieure. Eneffet, il lui est impossible, d'unepart, de faire redoubler l'élèvefaible, de reculer l'horloge dutemps, puis, d'autre part, de fairepasser ce même élève dans la classesupérieure afin d'observer laquelledes deux possibilités est lameilleure. Une façon valable d'établirune comparaison entre leredoublement et le passage dans laclasse supérieure est de releverdans la documentation scientifiqueles recherches longitudinales effectuéesauprès de deux groupesd'élèves faibles, l'un, composéd'élèves que l'on fait redoubler, etl'autre, d'élèves que l’on fait passerdans la classe supérieure. La plupartdes recherches effectuées auprès degroupes de redoublants et degroupes qu’on a fait passer dans laclasse supérieure concluent à l'inefficacitédu redoublement. Ellesmontrent qu'au début de l'annéeredoublée, les résultats scolairessont généralement élevés. Ces résultatsbaissent doucement au cours del'année redoublée. L'année suivante,les résultats baissent abruptement.Deux ans après avoir redoublé, leredoublant a des résultats scolairescomparables à ceux d'un élève dePhoto : Denis Garonforce égale, mais qui lui, auraitpassé dans la classe supérieure.Les enseignants croient aux bonseffets du redoublement, mais précisément,sur quelles croyances lefait de proposer le redoublementrepose-t-il ? Pour répondre à cettequestion, il importe tout d’abord dedécrire les croyances des enseignantsconcernant les effets duredoublement, puis de vérifier sices croyances sont liées aux caractéristiquesprofessionnelles des enseignants.CROYANCES DES ENSEIGNANTESET ENSEIGNANTS QUÉBÉCOISSUR LE REDOUBLEMENTEn février 1996, un questionnaire aété rempli par 230 enseignants etenseignantes venant de deux écolesde chacune des quinze commissionsscolaires que comptent lesrégions administratives de laMauricie et du Centre-du-Québec(Pouliot, 1998). Ces écoles ont étésélectionnées selon deux stratesretenues dans des recherches similaires: le taux de redoublement,fort ou faible, de chaque école ainsique les classes de maternelle, dupremier et du deuxième cycle auxquelless’applique le redoublement.Voici, quelques-unes des réponsesde ces enseignants accompagnéesde calculs en pourcentage.Un fort pourcentage d’enseignantset d’enseignantes croient que leredoublement a de bons effets surVie pédagogique 116, septembre-octobre2000TABLEAU 1CROYANCES DES ENSEIGNANTS ET ENSEIGNANTES SUR LEREDOUBLEMENTÉNONCÉSRÉPONSES DES ENSEIGNANTSET DES ENSEIGNANTESEN ACCORD EN DÉSACCORDLe redoublement est un moyenefficace de prévenir les échecs dansles classes supérieures. 81,2 % 18,8 %Le redoublement est nécessaire pourmaintenir le niveau des exigencespropres à chaque classe. 71,9 % 28,1 %Le redoublement permet d’éviter detrop grands écarts dans les apprentissagesdes élèves d’une même classe. 78,4 % 21,6 %Les élèves qui n’atteignent pas lesobjectifs dans deux des troismatières de base (lecture, écriture etmathématiques) devraient redoubler. 89,9 % 10,1 %Si un élève doit redoubler, cela devrait 78,5 % 21,5 %se faire avant la quatrième année.Les élèves ne devraient jamaisredoubler. 8,3 % 91,7 %les résultats scolaires des élèves. Àl’énoncé formulé comme suit : Lesélèves ne devraient jamais redoubler,91,7 p. 100 des répondantsont exprimé leur désaccord. Lesenseignants et les enseignantessont très fortement en accordavec la pratique du redoublement.Même les enseignants et les enseignantesde la maternelle attribuentde nombreux avantages au redoublement.S'il y a lieu de faireredoubler, ils sont aussi d'accordpour dire que le redoublementdevrait de préférence se produireavant la quatrième année. Pourtant,il semble que les conséquencesdu redoublement à ces échelonsse révèlent particulièrementimportantes, puisque, selon Brais(1992), plus l'élève a redoublé tôt,plus il risque d'abandonner sesétudes.Il est intéressant de s’attarderaux énoncés qui font ressortirles nuances des croyances desenseignants selon la classe desélèves. Ainsi, la formulation dequelques énoncés offre la possibilitéde vérifier les croyancesdes enseignants et des enseignantesselon que les élèvessont en maternelle, au 1 er cycle(1 re , 2 e et 3 e année) ou au 2 ecycle (4 e , 5 e et 6 e année) du primaire.De nombreux répondants croientque le redoublement aide l’élèveimmature, qu’il ne nuit pas àPÉDAGOGIQUE 51


TABLEAU 2CROYANCES DES ENSEIGNANTS ET DES ENSEIGNANTES SUR LESEFFETS ANTICIPÉS DU REDOUBLEMENT CORRESPONDANT AUXÉNONCÉS RELATIFS AUX ASPECTS AFFECTIF ET SOCIALÉNONCÉSRÉPONSES DES ENSEIGNANTSET DES ENSEIGNANTESEN ACCORD EN DÉSACCORDLe redoublement à la maternelle estun moyen efficace d’aider l’enfantimmature à rattraper les autres. 74,2 % 25,8 %Le redoublement au premier cycledu primaire est un moyen efficaced’aider l’élève immature à rattraperles autres. 75,9 % 24,1 %Le redoublement au deuxième cycledu primaire est un moyen efficaced’aider l’élève immature à rattraperles autres. 49,8 % 50,2 %Faire redoubler un enfant de lamaternelle nuit à l’estime de soi decelui-ci. 21,7 % 78,3 %Faire redoubler un élève du premiercycle du primaire nuit à l’estime desoi de celui-ci. 21 % 79 %Faire redoubler un élève du deuxièmecycle du primaire nuit à l’estime desoi de celui-ci. 48,3 % 51,7 %À la maternelle, l’enfant plus âgé(à cause du redoublement) présenteplus de difficultés de comportementque les autres. 16,9 % 83,1 %<strong>Au</strong> premier cycle du primaire,l’élève plus âgé (à cause du redoublement)présente plus de difficultésde comportement. 16,9 % 83,1 %<strong>Au</strong> deuxième cycle du primaire,l’élève plus âgé (à cause du redoublement)présente plus de difficultésde comportement. 43,4 % 56,6 %Le redoublement à la maternelleétiquette l’enfant de façon permanente. 12,7 % 87,3 %Le redoublement au premier cycledu primaire étiquette l’élève de façonpermanente. 10,9 % 89,1 %Le redoublement au deuxième cycledu primaire étiquette l’élève de façonpermanente. 24,3 % 75,7 %l’estime de soi, qu’il n’entraîne pasde difficultés de comportement etqu’il n’étiquette pas l’élève de façonpermanente. Il importe de notercependant que les enseignants et lesenseignantes ont des croyancespartagées lorsqu’il leur faut estimerl’effet du redoublement chez lesélèves plus âgés.En plus des énoncés à proposdesquels les enseignants devaientpréciser leur accord ou leur désaccord,le questionnaire comprenaitune demande de renseignementsprofessionnels. Les répondantsétaient notamment invités à mentionners'ils avaient déjà pris connaissancedes résultats de recherchessur le redoublement. À cettequestion, il est étonnant de constaterque 64 p. 100 des enseignants etdes enseignantes ont répondu« non ». Les enseignants et les enseignantesde l’échantillon qui ontpris connaissance des résultats derecherches sur le redoublementcroient significativement plus queles autres que le redoublement nuità l’estime de soi de l’élève. Demême, ils doutent significativementplus que les autres que le redoublementau premier cycle du primaireaide l'élève immature.Une autre caractéristique professionnellea permis de dégager desrésultats significatifs, soit le plushaut diplôme obtenu par chaqueenseignant et enseignante. Ainsi, lesenseignants qui possèdent un brevetcroient plus fortement que ceux etcelles qui ont un baccalauréat ouune maîtrise que faire redoubler unenfant de la maternelle ou un élèvedu premier cycle du primaire nenuit pas à l'estime de soi de cesderniers.CONCLUSIONLes enseignants et les enseignantessemblent faire preuve d’un comportementrationnel lorsqu’ils proposentle redoublement, mais lesraisons qui orientent cet acte professionnelreposent sur de faussesprémisses. Les enseignants et lesenseignantes proposent le redoublementparce qu’ils croient queses effets sont bénéfiques à l’élève.Pourtant, de nombreux recherchesmontrent que le redoublement estinefficace sur le plan des résultatsscolaires et qu’il peut même nuireau développement affectif et socialdes élèves. Il est étonnant de constaterqu'une forte proportion desenseignants et des enseignantesinterrogés (64 p. 100) ont mentionnéne pas avoir pris connaissancedes résultats de recherchessur le redoublement. Il y auraitdonc d'importants besoins d'informationà combler.Alors que de nombreux enseignantset enseignantes attribuent deseffets bénéfiques au redoublement,Crahay (1996) rappelle que ladémarche scientifique repose sur ledoute et exige que l’on se méfie desopinions les mieux partagées.Les études québécoises sur leredoublement sont encore peunombreuses. Il est probable que lescroyances sur ce sujet ont encorecours non seulement chez lesenseignants et les enseignantes,mais aussi parmi les administrateursscolaires, les directionsd’école ainsi que chez les parents etles élèves eux-mêmes. Il importeaussi de vérifier les croyances d’unautre groupe de personnes : lesfuturs enseignants et les futuresenseignantes. Les programmes deformation universitaire concourentilsà la diffusion des résultats de larecherche scientifique sur le redoublement?Il ne suffit pas que les résultats desrecherche sur le redoublementmettent la puce à l’oreille desenseignants pour que leurs croyancessoient modifiées; le doutequ’elles engendrent peut cependantservir d'amorce à une réflexion surcette pratique. Certes, avec la miseen œuvre du nouveau curriculum,les possibilités de recourir auredoublement sont réduites.Cependant, si les croyances desenseignants demeurent inchangées,elles risquent de nourrir des attitudeset des comportements allant àl'encontre de la réforme de l’éducationamorcée.Abandonner le recours à un moyenaussi inefficace que le redoublementconstitue un progrès, mais ilserait irresponsable de laisser lesélèves en difficulté à eux-mêmes. Leredoublement, comme le mentionnePerrenoud (1994) impliqueun énorme coût humain etfinancier. Plutôt que de consacrerd’importantes sommes à l’utilisationd’un moyen reconnu scientifiquementcomme inefficace, il estpréférable d’allouer ces mêmesressources financières à larecherche de moyens de rechangeefficaces.Il convient de remettre en questionle savoir d’expérience des enseignantset des enseignantes àl’aide de données scientifiques. Ceriche savoir, joint à la remise enVIE 52 Vie pédagogique 116, septembre-octobre2000Photo : Denis Garon


question des croyances et mis àprofit pour découvrir des solutionsde rechange relativement au phénomènedu redoublement, peutdonner un nouvel élan au systèmed’éducation.Louisette Pouliot estenseignante à la Commissionscolaire des Bois-Francs etPierre Potvin est professeur àl’Université du Québec à Trois-Rivières.Références bibliographiquesBRAIS, Yves. Retard scolaire au primaire etrisque d'abandon scolaire au secondaire,Direction de la recherche, Québec, ministèrede l'Éducation, Bibliothèque nationale duQuébec, 1992.CONSEIL SUPÉRIEUR DE L'ÉDUCATION. Évaluerles apprentissages au primaire : unéquilibre à trouver, Avis au ministre del'Éducation, Sainte-Foy (Qué.), Direction descommunications du Conseil supérieur del'éducation,1992.CRAHAY, Marcel. Peut-on lutter contrel'échec scolaire ?, Bruxelles, De BoeckUniversité, 1996.DUBÉ, France. Croyances et pratiques d’intervenantsen regard du redoublement auprimaire, mémoire de maîtrise, UQAM,1997.FILTEAU, Gérard. 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Le redoublement : pourou contre ?, Paris, collection pratiques etenjeux pédagogiques, ESF éditeur, 1996.PERRENOUD, Philippe. « Échec scolaire : dela suppression du redoublement à la différenciationde l'enseignement, un longchemin », Recherche en Éducation : théorieet pratique, Commission communautairefrançaise, Bruxelles, Périodique trimestriel,nos 16/17- 1 er et 2 e trimestre, 1994,p. 3-23.POULIOT, Louisette. Les croyances au sujetdu redoublement chez des enseignants dela maternelle et du primaire, thèse de doctoraten éducation UQTR-UQAM, 1998.ROBITAILLE-GAGNON, Nicole, et RaymondJULIEN. Les pratiques du redoublement àl'école primaire, document de travail, ministèrede l'Éducation, Québec, 1994.SHEPARD, Lorrie A., et Mary Lee SMITH.(Eds.). Flunking Grades : Research andPolicies on Retention, The Falmer Press,London, 1989.entre les lignesCOMBIEN FAUDRA-T-IL DE RÉFORMES POUR CHANGERUNE SEULE ÉCOLE ?par Marc St-Pierreentrelesment arriver.La réforme actuelle du curriculumde l'école québécoise tient duligneschangement de paradigme. Sonsuccès dépend dans une large partde la capacité des écoles à devenirde véritables organisations apprenantes.Dans cette perspective, laréorganisation du travail et laréingénierie des dispositifs d'en-Les Inuits disposent d'un nombreimpressionnant de termespour décrire la neige, alorsque les Pueblos, qui vivent dans desrégions désertiques, n'ont qu'unseul mot pour désigner tout ce quipeut tomber du ciel. Ce n'est doncpas le hasard qui a multiplié les termeset les épithètes servant àdécrire le changement — restructuration,rationalisation, réorganisation,réingénierie, réorientation,réforme, apprentissage, développement— qui peut, pour sa part, êtreorganisationnel, culturel, paradigmatique,structurel ou stratégique,et j'en passe. Pour paraphraserMark Twain, on peut dire que lechangement, c'est comme la météo :tout le monde en parle, mais personnene peut prévoir ce qui va vrai-seignement-apprentissage devraientêtre un passage obligé. Les changementsproposés ne sont cependantpas strictement structurels ou organisationnels,ils sont aussi profondémentculturels. Ils heurtent eneffet des croyances et des convictionsqui sont très ancrées dans l'inconscientcollectif de notre sociétéet dans la culture propre à l'organisationscolaire.L'échec relatif des réformes qui ontcoloré le paysage scolaire québécoisdepuis le début de la Révolutiontranquille n'est certes pasattribuable au manque d'efforts.Après le rapport Parent et le livreorange (L'École québécoise —Énoncé de politique et plan d’action),après des millions d'heuresde formation continue et à la veilled'une nouvelle réforme, le caractèrefondamental du curriculum tel qu'ils’applique actuellement n'a, sur lefond, que très peu changé en regarddes pratiques du début des années60. <strong>Au</strong> secondaire en particulier, ontrouve à peu près les mêmesmatières traditionnelles, plus oumoins coupées de la vie de tous lesjours, enseignées isolément les unesdes autres, découpées en fonctionde l'âge et quelquefois du niveaud'habileté des élèves, ancrées dansdes manuels de base et dispenséesdans des classes où tout graviteautour de l'action de l'enseignant.C'est ce que la réforme actuellesemble vouloir remettre résolumenten question. Mais cette réforme nese butera-t-elle pas aux mêmesobstacles culturels que celles quil'ont précédée ? Nous laissons lelecteur en juger.UN OUPLUSIEURSCURRICULUMS ?Il y a différentes façons de percevoirle curriculum scolaire : tout dépendde la perspective de l'observateur.Chaque nouvelle réforme transformele curriculum rhétorique.Quelquefois, comme c'est le cas àl’heure actuelle, elle parvient àRhétorique,Si on parle des idées mises de l’avantpar la communauté savante deschercheurs, des décideurs et desleaders pédagogiques, du curriculumqu’on retrouvera dans les grandsrapports, les conférences et lesdiscours :Usuel,Si ce qui compte réellementc’est ce qui est vraiment enseignéen classe;Lecurriculum sera :Vie pédagogique 116, septembre-octobre2000l'étape suivante et se concrétisedans les textes officiels et lesmanuels. Cependant, la réponse desenseignants aux changements rhétoriqueset formels se traduit biensouvent par des réaménagementsmarginaux dans la façon dont ilsdirigent leur classe. Ils parleront dece qu'ils font en puisant au nouveaulangage de la réforme, mais changerontbien peu de choses dansleurs façons de faire l'école. Ainsi,dans un récent article, Perrenoud,allait jusqu’à remettre en questionl’organisation en cycles de deuxans, expliquant que ceux-ci, tropcourts, seraient trop peu déstabilisantspour permettre une réelleremise en question des pratiquespédagogiques. Il suggère des cyclesde quatre ans, comme l’avait proposébien avant lui John Goodlad(1984) dans un ouvrage sans doutetrop avant-gardiste pour sonépoque, A Place Called School.À mesure que la réforme perce lesstrates successives du discours etdes pratiques scolaires, elle perd enforce et en cohérence. Dans leurouvrage intitulé Tinkering TowardUtopia, Tyack et Cuban (1995) disentdes réformes scolaires qu'ellesFormel,Si c’est le curriculum tel qu’on leretrouve dans les programmesd’études et, dans une certainemesure, dans les manuelsscolaires;Reçu,Si on ne tient compte que desapprentissages réels des élèves.PÉDAGOGIQUE 53


se présentent sous la forme despectaculaires vagues de changementsrhétoriques dont l’effet réelsur le curriculum usuel se mesureau micromètre. <strong>Au</strong>ssi grosse soit lavague, elle finit toujours par mourirquelque part; en éducation, plussouvent qu’autrement, c’est sur unpas de porte, celui de la salle declasse.Quels sont ces obstacles de natureculturelle auxquels se butent lesréformes de la pédagogie ? Pourquoi,au-delà d'une certaine limite,est-il si difficile de renouvelerl'école ? Voici quelques éléments deréponse.L'ÉCOLE POURSUIT DESOBJECTIFS DIVERGENTSToutes époques et tous types de curriculumsconfondus (rhétoriques,formels, usuels ou reçus), chaqueréforme s'est nourrie d'un certainnombre de principes. La noblesse dechacun d'eux n'a cependant pasgaranti la convergence de l'ensemble.En prônant la démocratie etl'équité, on a voulu fournir à tous lesélèves toutes les connaissances ettoutes les habiletés dont ils auraientbesoin pour devenir des citoyenscompétents et productifs. <strong>Au</strong> nomd'une certaine efficience sociale, ona cru que différents groupes d'élèvesdevraient recevoir différentesconnaissances et habiletés pourdevenir compétents dans les différentstypes d'emplois que requiertune économie complexe. Sensiblesaux questions de mobilité sociale, ona cru qu'il fallait offrir aux élèves lesavantages éducatifs qui leur auraientpermis d’être en compétition pourles meilleurs emplois et les meilleurespositions sociales.Tel un pendule, les différentesvagues de réformes semblentosciller entre différentes conceptionsdes besoins des enfants et s'interrogerpériodiquement sur l'identitédes bénéficiaires légitimes dusystème d'éducation. En fait, toutesles conceptions sont présentes à lafois dans le système scolaire etparviennent à se faire une niche,quelque part. À preuve, mentionnons,pour reprendre l'expressiondu Conseil supérieur de l'éducation(1999), « l'immense palette desparcours non typiques » que l'ontrouve dans les écoles québécoises,et ce, malgré un curriculum officieltrès uniforme au premier cycle dusecondaire. Cela est possible parcePhoto : Denis Garonque l'organisation scolaire est faitede sous-systèmes aux liens éthéréset que les liens entre la structure etles résultats sont ténus. Ces divergencescréent en fin de compte desrivages imprécis au relief accidentéoù l'accostage est difficile pour lesvaisseaux de la réforme.TROP SOUVENT, LES PRÉALA-BLES ET LES UNITÉS PASSENTAVANT L'APPRENTISSAGEDu point de vue de la mobilitésociale, le but de l'éducation n'estpas tant de s'approprier le curriculumque d'accumuler ce qu'il fautde résultats scolaires, de préalables,d’unités et de diplômes pours'assurer des avantages stratégiquesdans la course aux emplois et austatut social. Lorsque cet objectifdevient implicite, dans l'un oul'autre des curriculums, l'accent estmis sur la sélection et l'étiquetagedes élèves plus que sur le rehaussementde la qualité générale desapprentissages. La forme prend lepas sur la substance. La notedevient l'objectif plutôt qu'unemesure de l'atteinte de celui-ci, cequi explique sans doute que n'entrebien à l'école que ce qui s'évaluefacilement. Le curriculum seprésente alors comme une séried'étiquettes qui servent à différencierles élèves entre eux plutôt quecomme un ensemble de savoirs etd'habiletés que tous devraient minimalementmaîtriser. C'est donc unobstacle important pour touteréforme axée d'abord sur la questiondes apprentissages.POURQUOI VOULOIR CHANGERUN CURRICULUM QUIFONCTIONNE ?Un autre facteur qui mine les effortsde réforme, c'est la perception, àtort ou à raison, que le systèmeactuel fonctionne bien. C'est le cas,par exemple, des familles issues desclasses moyennes et moyennesélevéesqui voient, avec raison,leurs enfants s'en sortir relativementbien dans la vie après l'écoleet qui jugent, à la lumière de cesrésultats, que l'école peut encorefournir à une personne ce dont ellea besoin pour réussir dans la vie.D'un autre côté, les familles desclasses les moins aisées de lasociété, qui ont moins de motifs dese réjouir des bénéfices de la scolarisation,ne sont pas dans uneposition de force pour exiger desréformes.BEAUCOUP TIENNENT ÀPRÉSERVER CE QU'ILS CONSI-DÈRENT COMME LE CURRICULUMDE LA VRAIE ÉCOLEBeaucoup voudront résister auxréformes parce qu'elles mettent endanger l'existence de ce qu'ils considèrentcomme la véritable école.À cause de leur expérience intenseet prolongée comme élève, ils ontintériorisé une image très forte dece qu'est le curriculum usuel decette école idéalisée, d'autant plusque l'apprentissage de cette représentationa débuté alors qu’ilsétaient relativement jeunes et impressionnables.BEAUCOUP TENTENT DEPRÉSERVER L'IMAGE RASSU-RANTE DE CE QU'ILS CROIENTÊTRE LE VRAI MAÎTRE ET LAVRAIE MAÎTRESSE D'ÉCOLECette perception conservatrice ducurriculum de la véritable école estégalement partagée par les enseignants.Avant même leur entrée àl'université, tous ont passé par untrès long « stage d'observation ».Pendant toute leur vie passée àl’école, ils ont été exposés à desmodèles et se sont imprégnés d'uneimage détaillée du curriculum usueldes vrais enseignants. Ils n'ont pastoujours su ce qui motivait les choixcurriculaires de leurs professeurs.Ce qu'ils ont pu voir cependant, cesont les routines, les formes et lesfaçons de faire. Les programmes deformation des enseignants, quandils ne perpétuent pas eux-mêmesdes modèles traditionnels de transmissiondes savoirs, tentent tantbien que mal d’atténuer ce lourdhéritage en faisant voir aux étudiantsles nouveautés en matière depédagogie, mais ils ont à contrerune accumulation massive d'expérienceset d'impressions des sensqui agissent puissamment en vue depréserver le curriculum traditionnel.SUR LE PLAN ORGANISATION-NEL, L'ÉCOLE Y TROUVE PLUSQUE SON COMPTELes formes traditionnelles de curriculumse maintiennent contrevents et marées parce qu'elles rendentd’une façon générale la vieplus facile aux enseignants et auxgestionnaires de l'éducation.•Elles mettent l'accent sur le découpagedes matières, ellesmêmesalignées sur les disciplinesuniversitaires, ce qui apour effet de simplifier singulièrementla formation desenseignants.• Le curriculum est différencié, cequi permet aux enseignants de sespécialiser.• La stratification des contenus enfonction de l'âge, et, dans unecertaine mesure, en fonction desVIE 54 Vie pédagogique 116, septembre-octobre2000


Vie pédagogique 116, septembre-octobre2000habiletés, facilite la gestion de laclasse en permettant aux enseignantsde s'adresser à desgroupes relativement homogènesplutôt que d'avoir à adapter lecurriculum.• L'ancrage des programmes d'étudesdans des manuels de baseet des ensembles didactiques« approuvés » réduit, pour lesenseignants, le besoin d’acquérircertains types d'expertise et letemps nécessaire pour mettre aupoint leur propre matériel.• Les classes centrées sur l'enseignementplutôt que sur l'apprentissagerenforcent le contrôlede l'enseignant, simplifientla planification et le suivi desélèves.La réforme sera donc difficile à vendreet encore plus difficile àsoutenir si elle ne doit bien fonctionnerqu'avec des enseignants quiauront développé des capacitéshors de l'ordinaire : extraordinairemaîtrise des contenus disciplinaires;temps, volonté et capacitéde créer du matériel pédagogiqueoriginal; habileté à enseigner à desgroupes hétérogènes et à maîtriserde tels groupes d'élèves, tout enleur accordant la liberté d'apprendreun peu plus par eux-mêmes.Voilà donc des raisons pourlesquelles, en vertu d'une commoditéorganisationnelle évidente, desmodes traditionnels d'organisationse maintiennent.DES LIENS QUI SONT FLOUSWeick (1976) prétend que lesorganisations scolaires sont composéesde sous-systèmes liés entreeux par un réseau de liens flous.Par cette expression, relate Barnabé(1997), « […] il (Weick) désirepasser l'image que des événementssont liés, mais que chacun conserveson identité et quelque évidence desa séparation physique oulogique ». C'est ainsi que d'autresauteurs (Hoy et Miskel, 1991) ensont venus à dire que l'organisationscolaire a des buts ambigus, uneparticipation inconstante, des activitésnon coordonnées, des élémentsstructurels faiblement reliéset une structure qui influe très peusur les résultats. Ce sont sans douteces caractéristiques qui permettentà l'école de vivre et de se développermalgré les contradictionsqu'elle porte en elle.Les gestionnaires ont beaucoup depouvoir sur les crédits budgétairesalloués, les horaires, l'attributiondes ressources matérielles, etc.,mais peu sur le processus de l'instruction.Parce que l'enseignementse déroule généralement derrièreune porte close, seuls les enseignantset les élèves peuvent vraimentsavoir quel curriculum s'appliqueen classe. À l'extérieur dumonde de l'éducation, la plupartdes gestionnaires peuvent exercerune influence sur le rendement deleurs employés en manipulant certainsmécanismes traditionnels :rémunération en fonction du rendementréel, système de promotion,activités de perfectionnement, plansde carrière, etc. En revanche, undirecteur d'école peut très difficilementcongédier un employé incompétent.Quant aux salaires, ils sontfixés en fonction de l'expérience etdes années de scolarité. Les brevetsd’enseignement sont bons « à vie »sans obligation de remise à jour, etles actes professionnels ne sont officiellementl’objet d’aucun code dedéontologie reconnu. De plus,hormis un accès à certains postesde direction ou de conseillers pédagogiques,il n'existe pas de plan decarrière pour quelqu'un qui voudraitdemeurer associé de près àl'enseignement. Tout cela a conduit,dans les faits, à une autonomie relativetrès importante des enseignantset rend difficile pour les gestionnairesla supervision du curriculumofficiel et de son application enclasse.L'ÉCOLE A UNE EXTRAORDI-NAIRE FACULTÉ D'ADAPTATIONS'il est si difficile de réformerl'école, c'est également à cause deson énorme faculté d'adaptation. Lesystème scolaire fait preuve degénie pour incorporer les changementscurriculaires sans avoir à seréorganiser en profondeur. Pour yarriver, il mise principalement surson formalisme et sa segmentation.Le formalisme, selon Le PetitLarousse, c'est d'abord un attachementaux formes. Il se manifestera àl'école par la façon dont, entreautres, le personnel enseignantadoptera le langage et la terminologied'une réforme sans altérer fondamentalementce qu'il fait chaquejour. La structure très segmentée ducurriculum, quant à elle, permetPhoto : Denis Garonaux écoles d'adopter les nouveauxprogrammes par simple processusd'addition. Il sera toujours possiblede coudre un nouveau segment à uncurriculum déjà fragmenté parceque les additions ne nécessitentaucune réorganisation de l'ensemble.C'est pourquoi l'école est relativementtolérante en ce qui touchel'incorporation de programmesdont les objectifs sont contradictoiresou, au mieux, redondants. Enabandonnant tout engagementd’élaborer un curriculum cohérentet de rendre compatibles les objectifsvisés, les écoles peuvent facilementrécupérer toutes les nouvellesinitiatives sans forcer les changementscollatéraux qui pourraient endécouler. Le résultat, c'est que l'écoleparaît ouverte au changement,alors qu'en fait elle résiste passivement.Cette adaptation est d’autantplus facile que les changementspédagogiques les plus fondamentauxcontenus dans les réformes quiont ponctué le passé récent de l’écolequébécoise n’ont quasimentjamais eu de caractère prescriptif.Claude Paquette, dans une conférencequ’il a donnée aux directionspédagogiques de l’Associationquébécoise des écoles secondairesprivées, a trouvé un nom qui siedbien à cette stratégie peu communed’implantation du changement :c’est le « tentage » (ça te tentes-tu?).Les liens entre l'enseignement etl'apprentissage sont ténusMême si les enseignants, transformaient,au prix de considérablesefforts, le curriculum usuel pourl'aligner sur la réforme, rien negarantirait que les élèvesapprendraient en classe ce qui leurest proposé dans le nouveau curriculum.La loi force la présencedes élèves sur les bancs d'écolejusqu'à l'âge de 16 ans. Le marchédu travail les y maintient pluslongtemps encore. Leur présenceobligée derrière un pupitre ne seracependant jamais une garantie deleur engagement cognitif. On peutmener le cheval à la rivière, dit leproverbe, mais on ne peut le forcerà boire. C'est pourtant au curriculumreçu que l'on devra véritablement,en dernière analyse, jauger lesuccès d'une réforme et justifierdevant la population les ressourcesfinancières, humaines et matériellesque l'on y aura, en son nom,investies.EN CONCLUSIONLa question à se poser à l’heureactuelle, c'est de savoir si la dévolutionà l'école de pouvoirs supplémentairesen matière de pédagogie,l'interdisciplinarité et la transversalitéà partir desquelles on a charpentéles nouveaux programmes,l'approche par compétences etl'organisation de l'enseignementpar cycles pluriannuels suffiront àfaire contrepoids aux caractéristiqueset aux perceptions qui forgentla culture essentielle de l'écolequébécoise. Chacun des élémentssur lesquels nous nous sommesattardés n'a possiblement pas lemême poids dans ce qui pourraitêtre appelé « l'équation de la résistanceau changement ». Chaqueétablissement a sans doute sa propreéquation à l'intérieur de laquellechaque variable a son proprepoids relatif. Mais nul doute qu'ilfaut sérieusement réfléchir sur lafaculté d'adaptation qu'a acquisel'école, sur sa capacité de vivre avecPÉDAGOGIQUE 55


des objectifs divergents et sur sonaffection pour la commodité organisationnelledes modèles plus traditionnels.Cette réflexion devraaussi tenir compte des attentes desnombreux acteurs, à qui l’on vientd'accorder des pouvoirs accrus, etqui croient en général à l'efficacitédu curriculum traditionnel, àl'école et aux enseignants tels qu'ilsles ont toujours connus et quientretiennent pour leurs enfants desattentes au regard de la mobilitésociale qui peuvent avoir commeeffet, en certaines circonstances, deplacer les résultats scolaires et lesunités devant les apprentissages.Enfin, combien cela prendra-t-il deréformes pour changer une seuleécole ? Dans l’état actuel deschoses, une seule, croyons-nous…à la condition toutefois que l'écoleveuille bien changer (ou que nouslui fassions une offre… qu’elle nepourra pas refuser) !Marc St-Pierre est coordonnateurdes services à l'enseignementà l'Association québécoisedes écoles secondairesprivées.BibliographieBARNABÉ, C. La gestion totale de la qualitéen éducation, Montréal, Éditions Logiques,1997.CONSEIL SUPÉRIEUR DE L’ÉDUCATION DUQUÉBEC. Les enjeux majeurs des programmesd’études et des régimes pédagogiques,avis au ministre de l’Éducation,Québec, Les Publications du Québec, 1999.GOODLAD, J. A Place Called School, NewYork, McGraw-Hill, 1984.HOY, W. K., et V. G. MISKEL. EducationalAdministration : Theory, Research andPractice, 4 e éd., New York, McGraw-Hill,1991.LABAREE, D. F. How to Succeed in SchoolWithout Really Learning : The CredentialsRace in American Education, New Haven,Yale University Press, 1997.PAQUETTE, C. La grammaire du changementen profondeur, conférence donnée àl'assemblée du printemps des directionspédagogiques de l’Association québécoisedes écoles secondaires privées, Trois-Rivières, 22 avril 1999.PERRENOUD, Ph. « Plaidoyer pour des cyclesd’apprentissage de plus de deux ans », Éducateur,n° 7, 28 mai, 1999, p. 28-33. URL :http://www.unige.ch/fapse/acces/listesse/acperrenou.htmlTYACK, D., et L. CUBAN. Tinkering TowardUtopia : A Century of Public SchoolReform, Cambridge, Harvard UniversityPress, 1995.WEICK, K. E. " Educational Organizations asLoosely Coupled Systems ", AdministrativeSciences Quaterly, vol. 21, 1976, p. 1-19.en abrégé25 E CONGRÈS INTERNATIONAL DE L’AQETAenabrégéEn mars dernier, avait lieu le25 e Congrès international del’Association québécoise pourles troubles d’apprentissage. Axésur le thème Devenir citoyen, undéfi pour tous, l’événement a attiré,comme c’est le cas chaque année,plus de mille personnes.Dès le départ, le ministre de l’Éducation,M. François Legault, a rappeléson engagement à soutenir lacause des élèves en difficulté et adressé le bilan des actions accomplies.Il a ensuite insisté sur le butvers lequel doivent tendre tous ceuxet celles qui interviennent auprèsdes élèves en difficulté d’adaptationou d’apprentissage : l’insertionsociale et la qualification de cesélèves. En terminant, le Ministre atenu à souligner qu’il faut affirmerl’importance de l’éducation etreconnaître que la réussite éducativedes élèves se joue établissementpar établissement. C’est pourquoichacun d’eux sera invité à se doterd’un plan de réussite.CONFÉRENCE D’OUVERTUREPrononcée par M. Jacques Tardif,professeur à la Faculté d’éducationde l’Université de Sherbrookeet auteur d’ouvrages réputés, laconférence d’ouverture s’intitulaitDevenir citoyen grâce au développementde multiples compétences.D’entrée de jeu, le conférenciera affirmé que l’écoleconstitue un lieu privilégié desocialisation des jeunes et d’éducationà la citoyenneté de même qu’unlieu de pratique d’une citoyennetédémocratique. Cependant, l’éducationà la citoyenneté exige quel’école se préoccupe d’inculquerdes valeurs et qu’elle en préconisequelques-unes. L’éducation à unecitoyenneté démocratique s’appuiesur les valeurs suivantes : l’égalitéde tous les êtres humains, le respectde la dignité humaine, la valorisationde la liberté, l’ouverture auxdifférences et la résolution pacifiquedes conflits. De plus, toutel’équipe-école est responsable del’éducation à la citoyenneté, et chaquemembre doit se soucier nonseulement du rapport aux autresmais aussi du rapport à l’autre.M. Tardif considère que pourfavoriser l’éducation à la citoyenneté,l’école doit miser sur la transdisciplinarité,la résolution deproblèmes complexes, la penséecritique, les évidences contradictoireset les interprétations transculturelles,puis aider l’élève àacquérir des compétences decitoyen dans l’action et dans laréflexion sur l’action.LA FORMATION DU CITOYEN SECACHE À L’ÉCOLE AU CŒUR DELA CONSTRUCTION DU SAVOIRTel était le titre de la deuxièmeconférence, donnée par MmeÉtiennette Vellas, chargée d’enseignementà la Faculté de psychologieet des sciences de l’éducation àl’Université de Genève. « Qu’on leveuille ou non, on apprend à l’écoleà devenir un citoyen », affirme laconférencière. Il faut donc déciderquelle sorte de citoyen on veut formeret déterminer quels sont lesthéories de l’apprentissage et lesrapports aux savoirs qui s’avèrentles plus propices. Si l’on adopte unecitoyenneté planétaire, il est certainque les citoyens auront à confronterleurs points de vue et que l’écoleaura à faire acquérir les compétencespour y arriver. Elle devradonc axer la formation sur leraisonnement, l’argumentation, laproblématisation et le phénomènedu pouvoir partagé (liberté et contraintes,droits et obligations). Lapersonne devra savoir être une parmiles autres, tout en prenant saplace, avoir le courage de s’exprimeret courir le risque de la penséecritique.Or si l’on examine de quelle façonles jeunes ont à exercer leur métierd’élèves actuellement, on constateque les occasions de discuter, dechercher, de prendre des initiativeset de remettre en cause des idéesou des pratiques sont plutôt rares.On attend d’eux qu’ils écoutent bien,remplissent des fiches, respectent laparole des enseignants et répondentà des questions au lieu d’en poser,ce qui les mène à mettre en œuvredes stratégies infantiles : ne pas diresa pensée, fuir la prise de parole,tirer son épingle du jeu, vivre dansle non-sens, râler dans son coin, sevenger à la sortie de l’école, etc. Onforme ainsi un citoyen docile qui nesent pas qu’il a le pouvoir d’agirdans la société. Il se dégage del’examen de la situation actuelleque les enseignants fondent leurpratique pédagogique sur desthéories de l’apprentissage nonsocioconstructivistes et qui ne permettentpas d’acquérir les compétencesdu citoyen en même tempsque se construisent les savoirs.Modifier la conception de l’apprentissageainsi que le rapport ausavoir des enseignants pour qu’ilsadoptent des pratiques socioconstructivistesn’est pas simple, laconférencière en convient. Ils n’ontété formés ni à ces pratiques ni parces pratiques. Cependant, l’école nepourra pas esquiver la question.Elle devra préciser son projet deformation du citoyen et se demanderce qu’il faut changer aux modesde transmission des savoirs pourque les élèves puissent devenir descitoyens dans l’acte même d’apprendre.Outre les conférences, l’événementoffrait la possibilité de participer àde nombreux ateliers. Nous avonsassisté à deux d’entre eux : le premierportrait sur le défi de l’éthiqueet de la déontologie pour tous lesenseignants de toutes les disciplineset le second, sur le rôle de l’orthopédagogue.<strong>Au</strong> cours de ce congrès,nous avons pu constater que, dansles ateliers comme dans les conférences,des questions de fond ontété courageusement abordées etdes avenues nouvelles audacieusementexplorées. Cependant, commetoujours lorsqu’il faut changer desconceptions et des pratiques, lepassage à l’acte est difficile et ilexige accompagnement et soutien.VIE 56 Vie pédagogique 116, septembre-octobre2000


Vie pédagogique 116, septembre-octobre2000ÉVÉNEMENTSÀ VENIRCONGRÈS DE L’AQEPL’Association québécoise des éducateurset des éducatrices du primaire(AQEP) tiendra son congrèsannuel les 16, 17 et 18 novembreprochain au Palais des congrès etmaison du citoyen à Hull.Le thème : <strong>Au</strong> primaire : 2000 et uneidées pour une école en projet…Renseignements et inscriptionPluri Congrès inc.Tél. : (450) 652-0918Téléc. : (450) 929-1472Courriel : jocbr@videotron.caCOLLOQUE DE L’ACSQL’Association de cadres scolairesannonce la tenue de son colloqueannuel les 29 et 30 novembre ainsique le 1 er décembre 2000 à l’HôtelHilton à Québec.Le thème : L’école d’aujourd’hui etde demain : une équipe passionnéepar le développement des compétences.Renseignements :ACSQ195, rue de LavigerieBureau 170Sainte-Foy (Québec)G1V 4N3Tél. : (418) 654-0014Téléc. : (418) 654-1719SiteERRATUMDans le numéro 114, février-mars2000 à la page 43, nous avonsmalencontreusement placé dans lamauvaise colonne deux éléments dutableau de madame Portelance.Nous nous en excusons. Il faut, biensûr, placer les savoirs dynamiqueset les savoirs personnalisés dans lacolonne des Savoirs pratiques.lus, vus et entendusDELANNOY, CÉCILE. ÉLÈVES ÀPROBLÈMES, ÉCOLE À SOLUTIONS ?PARIS, ESF ÉDITEUR, 2000, 236 P.Cet ouvrage de Cécile Delannoyouvre des pistes stimulantes pouraider les jeunes en difficulté d’apprentissageet de comportement àfaire des apprentissages qui leurpermettent de se construire commepersonne et de s’intégrer à lasociété et au monde du travail. Ilréconfortera celles et ceux qui travaillentdéjà à mettre en place dessolutions de rechange et à les faireévoluer (écoles pour décrocheurs,projets d’alternance études-travail,dans leur fonction et ont le soucide se renouveler;– que « les qualités personnelles,humaines et professionnelles duchef d’établissement sont souventun élément déterminant dans laréussite – et parfois l’échec – deces structures »;– qu’on y pratique diverses formesd’alternance.L’auteure affirme que « non seulementces structures offrent uneseconde chance, mais elles permettentaux jeunes de s’identifier à uneécole fière d’elle-même ».Après avoir relevé les caractéris-lus,tiques des établissements visités, àgroupes-foyers, etc.), puisqu’ils ytrouveront une certaine confirmationdes choix qu’ils ont faits.Consciente de l’échec de l’écolepublique ordinaire à faire réussir leplus grand nombre d’élèves, l’auteurea étudié ce qui se passe dansdivers établissements d’enseignementqui reçoivent depuis nombred’années des adolescents, incapablesde s’intégrer à l’école pourtous ou rejetés par elle, et quiarrivent jusqu’à un certain point àla fin du deuxième chapitre, CécileDelannoy discute de certains choixqu’ils font et qui peuvent paraître« incompatibles » avec les valeursfondatrices de l’école laïque, notammenten ce qui a trait auxvaleurs transmises aux jeunes età la « mission émancipatrice del’école ».Enfin, dans le troisième chapitreportant sur des pistes pour l’avenir,Cécile Delanoy analyse avec soin ceque l’on entend par réussite dansvus etentendusles retenir et à les mener à la réalisationd’un projet de vie. La descriptionde quelques-uns de cesétablissements fait l’objet du premierchapitre.Puis, l’auteure analyse les traitscommuns de ces établissements enmontrant en quoi ils diffèrent desécoles ordinaires. Les professionnelsqui interviennent dans lesécoles « différentes » ne seront sansdoute pas surpris d’apprendre,entre autres choses :– qu’il s’agit d’établissements depetite taille dans lesquels les personnessont reconnues;– qu’on y soigne d’une manièreparticulière la qualité de la relation,notamment en adoptantdeux attitudes : « l’acceptation dujeune tel qu’il est à son arrivée »et « l’exigence, en tant que signed’estime, de respect »;– qu’on y jouit d’une marge demanœuvre plus grande qu’ailleurs,ce qui permet de régler plusrapidement les problèmes;– que les adultes qui ont souventchoisi d’être là s’engagent à fondces écoles et étudie les coûts deleurs structures par rapport à ceuxde l’école ordinaire. Elle s’interrogeégalement sur la possibilité deréformer l’ensemble du systèmed’éducation et considère qu’il estplus réaliste de croire que « l’offrealternative, extérieure à l’éducationnationale, restera indispensableaussi longtemps que la diversificationà l’intérieur sera insuffisantepour répondre aux besoins de tousles élèves. C’est-à-dire certainementencore longtemps. »Puisqu’il sera difficile de réformerl’ensemble du système d’éducation,que pourrait-on généraliser despratiques constatées ? Quatre éléments: réduire la taille des établissements;introduire certaines formesd’alternance dans le systèmescolaire; agir sur le recrutement, laformation et l’accompagnement desenseignants; rendre les structuresévolutives et juger les directeursd’établissement sur leur capacité àles faire évoluer. Après un dernierchapitre sur le nécessaire partenariatavec la famille, l’auteure conclutque « les “écoles différentes”nous enseignent qu’on ne peut entout cas faire l’économie ni de l’initiativeni de la responsabilité ».Luce BrossardIMBERT, FRANCIS. L’IMPOSSIBLEMÉTIER DE PÉDAGOGUE. PRAXIS OUPOIÈSIS ÉTHIQUE OU MORALE, PARIS,ESF, 2000, 172 P., COLL.PÉDAGOGIESFreud parlait en boutade de troismétiers impossibles, les deux autresétant soigner et diriger. Commequoi ceux ou celles qui fuiraientl’enseignement pour des tâches dedirection tomberaient peut-être,comme on disait au temps du navigateurUlysse, de Charybde enScylla, c’est-à-dire d’un remousdangereux à un récif fatal !La célèbre opposition entre agir etfabriquer (praxis-poièsis) héritéed’Aristote et approfondie par lescontemporains sert de limite à touteattente bureaucratique exagérée ence qui a trait à l’obligation de résultats.L’enseignant est en situationd’obligation de moyens : le résultatest aléatoire, parce que l’on n’est pasen face d’un objet mais d’un sujet.Sujet que l’on ne peut traiter, selon lenéologisme de Lacan, en « assujet »,un être assujetti et subordonné.Les analyses de Francis Imbert meparaissent particulièrement capablesde redonner du corps au soucid’une autonomie à développer,d’aider à sortir des sentiers battus ence domaine. L’auteur s’appuie sur laréflexion philosophique la plusvivante, sur une connaissance approfondiede la psychanalyse et sur ladynamique innovatrice de la pédagogieinstitutionnelle pour outiller laprise de conscience par l’enseignantd’enjeux trop souvent négligés.Quiconque a l’intuition du ravagepossible de l’idéologie managérialesciemment ou naïvement transposéeà l’école trouvera des convergencesfortes chez F. Imbert. En peu demots, disons qu’il outille pour uneanalyse des expériences d’apprentissagequi les place sur l’horizon dugrand souci humaniste d’émancipationet de prise de responsabilité.Arthur MarsolaisPÉDAGOGIQUE 57


histoire de rireChers lecteurs et lectrices, cette rubrique vous est ouverte. Ne soyez pas égoïstes, faites-nous partager les «bons» mots de vos élèves ou les faits cocasses,absurdes même, dont vous êtes les témoins dans vos classes ou dans l’école. Adressez vos envois à: Vie pédagogique, Ministère de l’Éducation, 600 rue Fullum,10 e étage, Montréal (Québec) H2K 4L1TRADITION INCONNUEAyant affiché un tableau représentant la bénédiction du jour de l’an oùl’aïeul a les bras tendus et où la famille est à genoux, un élève me dit alors :« Dyane, le grand-papa, il est somnambule ? »Dyane CourteauAUTRE CHAMP D’INTÉRÊTAprès une conférence sur la violence donnée à l’école par le CLSC, lesélèves sont invités à répondre à un questionnaire. À la dernière question, onleur demandait de quel sujet ils aimeraient discuter dans une prochainerencontre. Plusieurs élèves de 6 e année ont répondu : de la sexualité, desdrogues, de la cigarette, mais un garçon a répondu : « de chasse et depêche ».Carmen Perron❑ ABONNEMENT — ❑ CHANGEMENT D’ADRESSE POUR LES ABONNÉS DU QUÉBECRemplir ce coupon en y indiquant, pour un changement d’adresse, votre numéro d’abonné(ou votre ancienne adresse) ainsi que votre nouvelle adresse.NomPrénomN˚ rue-route appartementVille Province Code postalPaysAdresser à : Vie pédagogiqueService de la diffusionMinistère de l’Éducation3220, rue Watt, local 1, Sainte-Foy (Qc) G1X 4Z7Télécop. : (418) 646-6153Courriel : vie.pedagogique@meq.gouv.qc.caÀ quel titre travaillez-vous en éducation ou vous intéressezvousà ce domaine?• administrateur scolaire 13• commissaire d’école 14• directeur d’école ou directeur adjoint 15• enseignant 16• étudiant 17• personnel du ministère de l’Éducation 18• professionnel non enseignant 19• parent 20• autre 65❑ ABONNEMENT — ❑ CHANGEMENT D’ADRESSE POUR LES ABONNÉS ÀL’EXTÉRIEUR DU QUÉBECRemplir ce coupon en y indiquant, pour un changement d’adresse, votre numéro d’abonné(ou votre ancienne adresse) ainsi que votre nouvelle adresse.NomPrénomOrganismeAdresseB.P. Ville Code postalPaysVIE 58 Vie pédagogique 116, septembre-octobre2000appartementTARIFS 1 AN 2 ANSCanada (NB/NE/TN) 23,00 $ 42,00 $Canada (autres provinces) 21,50 $ 39,00 $<strong>Au</strong>tres pays 24,00 $ 45,00 $❑ traite bancaire ❑ mandat postal❑ Visa❑ MastercardNuméro :Date expiration :Signature :Adresser à :Les projets Benoit et Romero1075-B, avenue Van HorneOutremont (Qc) CANADA H2V 1J6Courriel : pbr@mlink.net


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