La métho<strong>de</strong> par l’exemplePar monts et par vaux<strong>de</strong> Neuchâtel au LocleAujourd’hui, pour se rendre <strong>de</strong> Neuchâtel au Locle, on emprunte généralementla route <strong>de</strong> La Tourne. La cartographie historique la plus ancienneindique cependant un tracé plus direct, par Coffrane et La Sagne, qui franchitles pentes rai<strong>de</strong>s <strong>du</strong> Mont Racine. <strong>Les</strong> informations fournies sont très approximativeset ne permettent guère <strong>de</strong> définir le parcours exact <strong>de</strong> ce tracé,dont les cartes topographiques <strong>du</strong> XIX e siècle, beaucoup plus précises, n’ontpas gardé le souvenir. L’examen minutieux <strong>de</strong>s plans d’ensemble actuels etla recherche sur le terrain ont permis <strong>de</strong> reconstituer une partie <strong>du</strong> tracépossible.Un <strong>de</strong>s plus anciens <strong>chemins</strong> pour se rendre <strong>de</strong>Neuchâtel au Locle passait par Coffrane, <strong>Les</strong>Geneveys-sur-Coffrane et La Sagne. Dans leurDescription <strong>de</strong> la frontière <strong>de</strong>s Montagnes <strong>de</strong> Valangin <strong>de</strong>1663, Abraham Robert et Benoît <strong>de</strong> la Tour citent, parmi« les <strong>chemins</strong> publics appartenant à Son Altesse », « le cheminpublicq <strong>de</strong>s Entre <strong>de</strong>ux monts dès Le Locle, venantsur le Crest <strong>de</strong> la Sagne » et « le chemin <strong>de</strong> la Charbonnièrepar la coste Marmods, tirant à Neufchastel ». Le plan quiaccompagne cette énumération montre <strong>de</strong> manière trèssuggestive une voie pénétrant sur le territoire <strong>de</strong> la « mayrie<strong>de</strong> La Sagne » par le sud-est, se dirigeant par « Marmods» vers « Sur le Crest » où se trouvent quelques maisons,puis continuant par « Entre Deux Monts » en direction<strong>du</strong> Locle, signalé par son moutier (ill. 1). Le tracé estreprésenté schématiquement mais <strong>de</strong> façon affirmée dansla carte <strong>de</strong> David-François <strong>de</strong> Merveilleux <strong>de</strong> 1694 (ill. 2).Cependant, ce chemin muletier très direct ne pourra pluslongtemps soutenir la concurrence <strong>de</strong>s <strong>chemins</strong> carrossables,même mauvais.Au cours <strong>du</strong> XVIII e siècle, le tracé par Coffrane estdélaissé pour celui passant par La Tourne. Cette désaffectionne fera que s’accentuer avec la construction d’unenouvelle route par La Tourne, entre 1807 et 1813, commeen témoigne la cartographie <strong>du</strong> XIX e siècle. Ainsi, sur lacarte très détaillée <strong>de</strong> Jean-Frédéric Ostervald, levée entre1838 et 1845, la voie muletière ne subsiste plus que parbribes.Entre 1834 et 1841, l’ancien chemin est amélioré,mais seulement entre La Sagne et Le Locle, par La Jaluse,grâce à <strong>de</strong>s souscriptions privées et au prix <strong>de</strong> grands efforts.Le roi <strong>de</strong> Prusse allouera une forte somme en reconnaissance<strong>de</strong> ces travaux d’utilité publique. La partie <strong>du</strong>tracé située entre Coffrane et La Sagne est en revanchedéfinitivement abandonnée.<strong>Les</strong> recoupements entre l’histoire et le terrainUne gran<strong>de</strong> satisfaction <strong>du</strong> travail sur le terrain est d’yretrouver <strong>de</strong>s <strong>chemins</strong> qui ne sont plus représentés sur lescartes. C’est d’autant plus agréable quand on sait qu’il y après <strong>de</strong> 200 ans que ces <strong>chemins</strong> sont ignorés par les cartographes.Le repérage <strong>du</strong> tronçon manquant <strong>de</strong> l’ancienchemin reliant Neuchâtel et Le Locle ne doit rien au hasard,mais est le résultat d’une confrontation <strong>de</strong>s informations<strong>historiques</strong> avec celles <strong>du</strong> terrain.Dans un premier temps, il a fallu repérer les partiesconnues <strong>de</strong> Neuchâtel à Coffrane et, par <strong>de</strong>là le MontRacine, <strong>de</strong> La Sagne au Locle. En simplifiant à l’extrême,l’opération consiste à reporter les parcours donnés par lescartes <strong>historiques</strong> sur les cartes topographiques actuellesà l’échelle <strong>du</strong> 1 : 25 000 e ou sur les plans d’ensemble au1 : 10 000 e . La carte <strong>de</strong> référence est la première édition <strong>de</strong>l’Atlas topographique <strong>de</strong> la Suisse (ATS), levée dans lesannées 1870, et d’une très gran<strong>de</strong> rigueur scientifique. Lereport précis <strong>de</strong>s altitu<strong>de</strong>s, la définition claire <strong>de</strong>s courbes<strong>de</strong> niveau ainsi qu’une meilleure représentation <strong>de</strong>s fa50Canton <strong>de</strong> Neuchâtel
laises, éboulis et autres pentes rai<strong>de</strong>s en font une <strong>de</strong>s premièrescartes suisses au 1 : 25 000 e qui transcrit avec précisionla troisième dimension, c’est-à-dire le relief. La superposition<strong>de</strong>s Cartes nationales actuelles et <strong>de</strong>s cartes<strong>de</strong> l’Atlas indiquent clairement les tracés qui existent encoreet ceux qui ont été modifiés ou interrompus. Ceuxqui ont disparu <strong>de</strong>s cartes ne se sont pas forcément effacés<strong>du</strong> paysage.<strong>Les</strong> indices <strong>du</strong> terrainLe tracé entre Neuchâtel et Le Locle réserve d’agréablessurprises. Il existe sans interruption entre Peseux et lesGeneveys-sur-Coffrane, puis entre La Charbonnière, enamont <strong>du</strong> Crêt, et Le Locle. Une gran<strong>de</strong> partie <strong>du</strong> tracéhistorique a été repris par une route mo<strong>de</strong>rne, tandis qued’autres parties ont conservé une richesse exceptionnelled’éléments traditionnels.Le parcours débute au niveau <strong>du</strong> temple <strong>de</strong> Peseux,où il quitte le village en amont par une rue pavée <strong>de</strong> dallesmulticolores. Plus haut, après une brève portion goudronnée,le tracé en forêt se présente avec un empierrement<strong>de</strong> qualité. Peu avant Le Trembley, le bruit <strong>du</strong> ruissellement<strong>de</strong> l’eau gui<strong>de</strong> le marcheur vers une petiteclairière où se trouve une fontaine <strong>de</strong> facture traditionnelleposée sur un sol nivelé et pavé. De retour sur le sentier,l’ascension relativement rai<strong>de</strong> se poursuit sur un pavement bien conservé <strong>de</strong> 150 m <strong>de</strong> Ill. 1 (à gauche) : Le « plan <strong>de</strong>s frontièreslongueur, composé <strong>de</strong> pierres aplaniesrectangulaires pouvant atteindre lengin » indique très clairement le tracé& <strong>de</strong>s mayries <strong>de</strong>s Montagnes <strong>de</strong> Va-60 cm <strong>de</strong> côté. Un revêtement traditionnel<strong>de</strong> cette qualité est, il faut leen provenance <strong>de</strong> Coffrane, se dirigeantvers Le Locle par « Entre Deux Monts ».préciser, extrêmement rare dans le Ill. 2 (à droite) : Sur ce détail d’une carte<strong>canton</strong> <strong>de</strong> Neuchâtel (ill. 3).<strong>de</strong> 1756, copie <strong>de</strong> la carte <strong>de</strong> MerveilleuxPlus haut, dans la Forêt <strong>de</strong> Peseux,se trouve un objet unique <strong>du</strong> et La Sagne emprunte la ligne la plus<strong>de</strong> 1694, le chemin <strong>du</strong> Locle par Coffranepatrimoine routier : une double voie directe, qui l’oblige à franchir quelquesparallèle séparée par un talus <strong>de</strong>passages difficiles.2,5 m <strong>de</strong> hauteur. Recensée par leService <strong>canton</strong>al d’archéologie, la première voie, encoreutilisée par les randonneurs, est dotée d’un empierrementmêlé d’un pavement discret. La secon<strong>de</strong> voie, située <strong>du</strong>côté amont, est malheureusement partiellement abandonnée,mais on distingue encore clairement son parcours àtravers la végétation. La suite <strong>du</strong> parcours, moins spectaculairejusqu’à Coffrane, a conservé le tracé historiqueavec quelques éléments traditionnels, comme <strong>de</strong>s murs,<strong>de</strong>s arbres et <strong>de</strong>s tronçons avec un revêtement naturel.Une riche substance traditionnelleAu-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> la « terra incognita » <strong>de</strong> La Gran<strong>de</strong> Forêt et <strong>du</strong>Mont Racine, le tracé se manifeste à nouveau clairementau lieu-dit La Charbonnière, qui gar<strong>de</strong> la trace <strong>du</strong> passageCanton <strong>de</strong> Neuchâtel 51