<strong>Le</strong> <strong>palmier</strong> à <strong>huile</strong> <strong>en</strong> <strong>Afrique</strong> : le passé, le prés<strong>en</strong>t et le futurGrâce à leur <strong>en</strong>treprise « Huileries du Congo Belge », les <strong>Le</strong>ver Brothers ont obt<strong>en</strong>u le monopole pourrécolter et traiter tous les fruits de palme au Congo inclus dans cinq « cercles » d’un rayon de 60kilomètres autour des villes de Bumba, Barumbu, Basongo, Lusanga et Ruki / Momboyo (la ville deLusanga -où le siège congolaise de la société était situé- a été <strong>en</strong> fait connue comme “<strong>Le</strong>verville”). Ainsi,ils ont obt<strong>en</strong>u une superficie de 67.800 kilomètres carrés (<strong>en</strong>viron deux fois la taille de la Belgique, outrois fois l’état du New Jersey) où ils ont créé une espèce « d’état au sein de l’État» : <strong>Le</strong>verland.L’utilisation de main-d’œuvre locale dans les plantations était jugée «libre», <strong>en</strong> affirmant qu’aucunecontrainte ne serait tolérée. Cep<strong>en</strong>dant, la recherche historique montre que le travail forcé y était pratiquéesur une grande échelle et p<strong>en</strong>dant des déc<strong>en</strong>nies.<strong>Le</strong>s résultats de cette accord <strong>en</strong>tre le Congo belge et <strong>Le</strong>ver Brothers ont été spectaculaires : à partir de1910 et jusqu’au 1920, les exportations d’<strong>huile</strong> de palme ont passé de 2.160 à 7.624 tonnes, et ceux d<strong>en</strong>oix de palmiste de 4.224 à 39.457 tonnes. Vers l’année 1922, plus de 50.000 hectares de <strong>palmier</strong>snaturels étai<strong>en</strong>t exploités. En 1930, la société <strong>Le</strong>ver Brothers est dev<strong>en</strong>ue l’une des sociétés les plusr<strong>en</strong>tables du monde et a fusionné avec la néerlandaise Margarine Unie pour former Unilever, la premièremultinationale moderne. Aujourd’hui, la compagnie anglo-néerlandaise contrôle de nombreuses marquesde produits alim<strong>en</strong>taires dans le monde, et le savon “Sunlight” est <strong>en</strong>core utilisé par beaucoup d’<strong>en</strong>tr<strong>en</strong>ous …2) Extraits de “The Cambridge <strong>World</strong> History of Food – Palm Oil”, par K. G. Berger et S. M. Martín249Ainsi, quand <strong>en</strong> 1907 William <strong>Le</strong>ver a demandé des concessions de terres à grande échelle dans lescolonies britanniques d’<strong>Afrique</strong> occid<strong>en</strong>tale, afin de produire de l’<strong>huile</strong> de palme pour ses usines de savonà Lancashire, le Colonial Office était rétic<strong>en</strong>t à l’aider. Dans une région caractérisée par des fermespetites, fragm<strong>en</strong>tées, et souv<strong>en</strong>t appart<strong>en</strong>ant à la communauté, on a estimé que le régime de <strong>Le</strong>ver seraitdifficile à administrer, politiquem<strong>en</strong>t risquée, et commercialem<strong>en</strong>t mal fondée. <strong>Le</strong>ver n’avait plus qu’àpoursuivre ses rêves dans le Congo belge, où les niveaux commerciaux et démographiques étai<strong>en</strong>tbeaucoup moins élevés et où l’administration coloniale ouvrait les portes aux <strong>en</strong>treprises europé<strong>en</strong>nes.Au Congo, cep<strong>en</strong>dant, la concession de terres et d’achat de produits accordée à <strong>Le</strong>ver <strong>en</strong> 1911 s’est avéréêtre le fondem<strong>en</strong>t d’un long processus d’expérim<strong>en</strong>tation, qui a finalem<strong>en</strong>t révolutionné l’industriemondiale de l’<strong>huile</strong> de palme. L’introduction de nouvelles variétés de <strong>palmier</strong>s a conduit à uneaugm<strong>en</strong>tation spectaculaire des r<strong>en</strong>dem<strong>en</strong>ts, ce qui a réduit le coût de production, tandis que des machinesaméliorées ont conduit à la production d’<strong>huile</strong> de qualité à un prix compétitif. Parallèlem<strong>en</strong>t à l’évolutiondes techniques de transformation des alim<strong>en</strong>ts <strong>en</strong> Europe et <strong>en</strong> Amérique, les innovations au Congo ontouvert la voie à l’<strong>en</strong>trée de l’<strong>huile</strong> de palme dans l’alim<strong>en</strong>tation occid<strong>en</strong>tale.<strong>Le</strong>ver a été originellem<strong>en</strong>t plus intéressés à l’établissem<strong>en</strong>t des usines qu’aux plantations, mais sesinvestissem<strong>en</strong>ts initiaux ont am<strong>en</strong>é de lourdes pertes. L’approvisionnem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> fruits des <strong>palmier</strong>s naturelss’est avéré difficile à contrôler, tant dans le montant apporté à l’usine comme dans sa qualité à l’arrivée.L’<strong>huile</strong> produite à partir des fruits de <strong>palmier</strong>s trop mûrs ou <strong>en</strong>dommagés devi<strong>en</strong>t très acide et demauvaise qualité, tandis que les grappes vertes donn<strong>en</strong>t de faibles r<strong>en</strong>dem<strong>en</strong>ts. Pourtant, les <strong>Le</strong>verBrothers (et son successeur Unilever après 1929) étai<strong>en</strong>t peu <strong>en</strong>clins à supporter les lourdes dép<strong>en</strong>sesinitiales de la plantation d’arbres, sauf si le matériel de plantation était amélioré afin de réduire les coûtsinitiaux. Dès 1902 au Cameroun, les Allemands avai<strong>en</strong>t id<strong>en</strong>tifié des fruits de <strong>palmier</strong> avec une carapaceexceptionnellem<strong>en</strong>t mince et une forte t<strong>en</strong>eur <strong>en</strong> <strong>huile</strong>. Mais leur palme “lisombe”, qui devi<strong>en</strong>dra plus tardconnue sous le nom de T<strong>en</strong>era, ne se trouvait que rarem<strong>en</strong>t dans la nature et la reproduction de sessem<strong>en</strong>ces n’a pas réussit pas a maint<strong>en</strong>ir les mêmes qualités.249 http://www.cambridge.org/us/books/kiple/palmoil.htm57
<strong>Le</strong> <strong>palmier</strong> à <strong>huile</strong> <strong>en</strong> <strong>Afrique</strong> : le passé, le prés<strong>en</strong>t et le futurDans un nouvel élan pour <strong>en</strong>courager les investissem<strong>en</strong>ts europé<strong>en</strong>s dans leur colonie et, <strong>en</strong> particulier,dans les plantations de <strong>palmier</strong>s à <strong>huile</strong>, les Belges ont comm<strong>en</strong>cé <strong>en</strong> 1922 à <strong>en</strong>quêter sur cette découverteallemande. Une plantation expérim<strong>en</strong>tale de <strong>palmier</strong>s T<strong>en</strong>era a été créé à la station de rechercheYangambi au Congo, et dans les années 1930, ces <strong>palmier</strong>s ont été soumis à un programme d’essai detrois ans par M. Beirnaert. P<strong>en</strong>dant ce temps, les plantations privées de T<strong>en</strong>era avait été faite par Unileveret sa filiale, la United Africa Company, au Cameroun britannique et au Congo belge lui-même.Unilever, l’investisseur le plus important <strong>en</strong> 1960 avec 47.000 ha de <strong>palmier</strong>s à <strong>huile</strong>, est resté fidèle auZaïre nouvellem<strong>en</strong>t indép<strong>en</strong>dant par le biais de deux déc<strong>en</strong>nies de pertes intermitt<strong>en</strong>tes et d’incertitudepolitique. Ainsi, les gestionnaires Unilever sont resté <strong>en</strong> place après la nationalisation <strong>en</strong> 1975, et lasociété a été autorisée à repr<strong>en</strong>dre le contrôle complet des concessions deux ans plus tard.<strong>Le</strong> <strong>palmier</strong> à <strong>huile</strong> <strong>en</strong> République du Congo<strong>Le</strong> <strong>palmier</strong> à <strong>huile</strong> pousse naturellem<strong>en</strong>t dans les zones forestières, principalem<strong>en</strong>t au Nord du Congodans les départem<strong>en</strong>ts de Sangha, les Cuvettes et Likouala. Il existe des preuves d’une longue tradition deplantation du <strong>palmier</strong>s à <strong>huile</strong> par les populations locales, comme on peut le constater dans les sitesarchéologiques de villages abandonnés « qui sont caractérisés par la prés<strong>en</strong>ce d’arbres tels que lemanguier et les <strong>palmier</strong>s… » 250L’un des principaux acteurs dans le secteur du <strong>palmier</strong> à <strong>huile</strong> a été la Compagnie Française du Haut et duBas Congo (C.F.H.B.C.), qui à l’époque coloniale a reçu une concession de 75 000 km2 de terres.Incapables de trouver des informations spécifiques sur le sujet, nous supposons que son installation àEtoumbi (Sangha) était due à l’exist<strong>en</strong>ce de palmeraies naturelles dans la région. La société a établi 1000ha de plantations dans les années 1968-72 et 1 072 ha <strong>en</strong>tre 1986 et 1987 251 .Après l’indép<strong>en</strong>dance du pays, la société passe aux mains de l’État sous le nom de Sangha Palm (créée <strong>en</strong>1983) 252 . A l’époque, 33.000 ha de superficie totale avai<strong>en</strong>t été cédés à la Sangha Palm par l’Etatcongolais. Cep<strong>en</strong>dant, dans le Départem<strong>en</strong>t de la Likouala les villageois ont été incités à travailler sur despalmeraies villageoises et à rev<strong>en</strong>dre leur production aux sociétés industrielles qui s’installai<strong>en</strong>t dans lacontrée 253 .Lors de la fermeture de l’<strong>huile</strong>rie <strong>en</strong> 1990, les plantations ont été abandonnées. Depuis quelques années,les paysans, <strong>en</strong> dépit des difficultés r<strong>en</strong>contrées, pratiqu<strong>en</strong>t la cueillette de façon anarchique et produis<strong>en</strong>tartisanalem<strong>en</strong>t l’<strong>huile</strong>. Celle-ci est leur principale source de rev<strong>en</strong>us 254 .<strong>Le</strong>s femmes jou<strong>en</strong>t un rôle important, tant <strong>en</strong> termes de production comme de v<strong>en</strong>te de l’<strong>huile</strong> de palme.Une paysanne qui produit traditionnellem<strong>en</strong>t l’<strong>huile</strong> de palme dit que « à Etoumbi nous avons toujoursextrait de l’<strong>huile</strong> de palme. Avec la v<strong>en</strong>te de notre <strong>huile</strong> nous achetons des médicam<strong>en</strong>ts et des caleçonspour nos <strong>en</strong>fants ». <strong>Le</strong>s femmes ont aussi l’habitude d’utiliser la noix de palme pour préparer lamouambé, une sauce issue de l’extraction traditionnelle des noix 255 .<strong>Le</strong>s femmes sont impliquées dans le commerce interne de l’<strong>huile</strong> de palme. Par exemple, un producteurde savon situé à Pointe-Noire rapporte que “l’<strong>en</strong>treprise fabrique et v<strong>en</strong>d des savons de ménage à base250 Geerling, Chris, N’Sosso, Dominique and Kitemo, Gaston (1991).- Plan d’Aménagem<strong>en</strong>t Environnem<strong>en</strong>tal. Congolaise deDéveloppem<strong>en</strong>t Forestier, Pointe Noire: CDF251 http://tiny.cc/egwyl252 http://www.congopage.com/30-des-palmeraies-de-la-Sangha253 http://www.congobrazzainvest.com/page.php?id<strong>en</strong>t=74254 http://tiny.cc/egwyl255 http://www.syfia.info/index.php5?view=articles&action=voir&idArticle=348458