<strong>Le</strong> <strong>palmier</strong> à <strong>huile</strong> <strong>en</strong> <strong>Afrique</strong> : le passé, le prés<strong>en</strong>t et le futurs’adapter à un contexte <strong>en</strong> constante évolution, du côté de l’offre (augm<strong>en</strong>tation de la quantité de matièrepremière), comme du côté de la demande (diversification des débouchés). 31Jusqu’à aujourd’hui, la production artisanale d’<strong>huile</strong> de palme est largem<strong>en</strong>t assurée par des femmes,individuellem<strong>en</strong>t ou év<strong>en</strong>tuellem<strong>en</strong>t aidées par une main-d’œuvre familiale. Ces artisanes emploi<strong>en</strong>t destechniques <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t manuelles. Aucun processus de conc<strong>en</strong>tration très marqué n’a eu lieu dans lesecteur, qui est resté très dispersé au sein de la population. 32A partir du début des années 1990, l’Etat béninois et les bailleurs de fonds ont décidé de changerd’approche : la gestion publique de grosses unités de transformation industrielles a montré ses limites.Celles-ci sont privatisées au cours de la déc<strong>en</strong>nie 1990, et on appuie l’émerg<strong>en</strong>ce de petites exploitationsprivées. Cet appui repose sur la diffusion de plants de <strong>palmier</strong>s sélectionnés, et sur la conception et lapromotion de petit matériel de transformation. Un programme de diffusion de plants de <strong>palmier</strong>ssélectionnés est mis <strong>en</strong> place à partir de 1993. Des pépiniéristes privés, agréés et subv<strong>en</strong>tionnés par l’Etat,v<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t au public à prix contrôlé des plants de <strong>palmier</strong>s sélectionnés. 33Une nouvelle catégorie d’acteurs apparaît dans la filière : les planteurs de <strong>palmier</strong>s sélectionnés. Ilsadopt<strong>en</strong>t une stratégie tout à fait différ<strong>en</strong>te des planteurs de <strong>palmier</strong>s naturels. Ces derniers pratiqu<strong>en</strong>tsystématiquem<strong>en</strong>t cette culture <strong>en</strong> association avec des cultures vivrières, tandis que les premiers ontt<strong>en</strong>dance à se spécialiser dans le <strong>palmier</strong>, et devi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t « planteurs » avant d’être « cultivateurs ». Dans lecontexte actuel du Sud-Bénin, où l’achat de terres est dev<strong>en</strong>u possible, ils acquièr<strong>en</strong>t des parcelles qu’ilsconsacr<strong>en</strong>t à cette culture. Ces nouveaux planteurs sont <strong>en</strong> quasi-totalité des hommes. <strong>Le</strong>s artisanes neparvi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t que très rarem<strong>en</strong>t à posséder leur propre palmeraie. <strong>Le</strong> caractère de culture de r<strong>en</strong>te du<strong>palmier</strong>, r<strong>en</strong>forcé par un aspect symbolique (« symbole de richesse ») a suscité un mouvem<strong>en</strong>td’accaparem<strong>en</strong>t par les hommes. 34<strong>Le</strong>s planteurs sont <strong>en</strong> effet tout à fait consci<strong>en</strong>ts des profits que l’on peut faire grâce à la transformation,surtout si l’on a la capacité de stocker. Actuellem<strong>en</strong>t, <strong>en</strong>viron un planteur sur deux garde au moins unepartie de sa production et embauche des artisanes pour la transformer. Depuis une dizaine d’années, lesorganismes de développem<strong>en</strong>t appui<strong>en</strong>t la diffusion du matériel de transformation (presses et malaxeurs),<strong>en</strong> insistant sur l’accroissem<strong>en</strong>t des performances techniques. 35Au bénéfice économique s’<strong>en</strong> ajoute un autre, social. <strong>Le</strong> propriétaire d’un atelier équipé bénéficie d’unevalorisation sociale que n’a pas le planteur qui embauche des femmes pour transformer sa production.L’investissem<strong>en</strong>t des planteurs vers l’aval de la filière va donc probablem<strong>en</strong>t s’amplifier. 36Or, la transformation de leur production par les planteurs eux-mêmes a une conséqu<strong>en</strong>ce directe pour lesartisanes : les quantités de matière première offertes par ces dernières vont diminuer. <strong>Le</strong> statut desartisanes leur interdisant bi<strong>en</strong> souv<strong>en</strong>t d’avoir leur propres palmeraies, une partie d’<strong>en</strong>tre elles pourrait seretrouver exclue de la filière. Celle-ci fournissant actuellem<strong>en</strong>t une part de leurs rev<strong>en</strong>us à bon nombre defemmes rurales du Sud Bénin, le développem<strong>en</strong>t de la mécanisation peut s’avérer problématique. A ladiffér<strong>en</strong>ce du secteur industriel qui a ses propres réseaux d’approvisionnem<strong>en</strong>t et de commercialisation,les petits ateliers semi-mécanisés se pos<strong>en</strong>t <strong>en</strong> concurr<strong>en</strong>ts directs des artisanes. 37En conclusion de cette analyse de la situation, le programme actuel de développem<strong>en</strong>t de la filière, quirepose sur la diffusion de plants de <strong>palmier</strong>s sélectionnés et du petit matériel, ne bénéficie qu’à une seule31 http://com.revues.org/index978.html32 http://com.revues.org/index978.html33 http://com.revues.org/index978.html34 http://com.revues.org/index978.html35 http://com.revues.org/index978.html36 http://com.revues.org/index978.html37 http://com.revues.org/index978.html19
<strong>Le</strong> <strong>palmier</strong> à <strong>huile</strong> <strong>en</strong> <strong>Afrique</strong> : le passé, le prés<strong>en</strong>t et le futurcatégorie d’acteurs, qu’il a fait émerger : les « nouveaux » planteurs privés. Ceux-ci vont être <strong>en</strong> mesurede concurr<strong>en</strong>cer les artisanes à plusieurs niveaux car ils bénéfici<strong>en</strong>t d’un accès privilégié à la matièrepremière ; leurs techniques de transformation leur permett<strong>en</strong>t des prix de revi<strong>en</strong>t inférieurs ; leurs plusgrosses productions permett<strong>en</strong>t des v<strong>en</strong>tes <strong>en</strong> gros qui attir<strong>en</strong>t les commerçants. 38L’évolution prévisible du secteur ne s’annonce donc guère favorable aux artisanes, et des programmesd’appui devrai<strong>en</strong>t être <strong>en</strong>visagés. 39<strong>Le</strong> mainti<strong>en</strong> d’un secteur artisanal de production d’<strong>huile</strong> de palme, m<strong>en</strong>acé par le développem<strong>en</strong>t desateliers semi-mécanisés, est souhaitable dans le s<strong>en</strong>s où de fortes proportions de femmes rurales tir<strong>en</strong>t unepartie de leurs rev<strong>en</strong>us de cette activité. Il est égalem<strong>en</strong>t possible, vu la bonne image dont bénéficiel’<strong>huile</strong> artisanale auprès des consommateurs (jugée meilleure que celle produite avec des machines parune majorité d’<strong>en</strong>tre eux). Certains consommateurs (36 %) se dis<strong>en</strong>t même prêts à payer plus cher pouravoir de l’<strong>huile</strong> produite artisanalem<strong>en</strong>t. 40<strong>Le</strong> bilan pour l’année 2000 de la production béninoise d’<strong>huile</strong> est le suivant 41 :– un secteur artisanal qui tire 36 000 t d’<strong>huile</strong> rouge de l’exploitation de 300 000 ha de <strong>palmier</strong>s « naturels»– une production industrielle de 10 000 t <strong>en</strong>viron, grâce à l’exploitation de 20 000 ha de palmeraiesdét<strong>en</strong>ues par des coopératives– pour l’année 2000, on peut estimer la production des palmeraies sélectionnées privées à 300 t. Cetteproduction devrait sérieusem<strong>en</strong>t augm<strong>en</strong>ter dans les prochaines années ; pour 2005, on peut prévoir uneproduction de 9 600 t d’<strong>huile</strong> de palme sur 7 500 ha.On estime que la part de la palmeraie sélectionnée privée dans la production nationale, qui était de 3 % <strong>en</strong>1995, est passée à près de 20 % <strong>en</strong> 2005, égalant ainsi la palmeraie industrielle.Cette situation pourrait <strong>en</strong>core changer avec l’év<strong>en</strong>tuelle création de plantations à grande échelle. Selonune étude publiée <strong>en</strong> 2007, «<strong>Le</strong>s plans pour le développem<strong>en</strong>t d’une industrie d’agro-carburants au Béninont fort souti<strong>en</strong> du gouvernem<strong>en</strong>t et constitu<strong>en</strong>t un élém<strong>en</strong>t clé du programme du gouvernem<strong>en</strong>t dedynamisation agricole pour le développem<strong>en</strong>t économique. » 42En ligne avec ces plans, «Divers groupes industriels de la Malaisie et l’<strong>Afrique</strong> du Sud sont déjà arrivésau Bénin pour évaluer les possibilités de production des biocarburants. » Ils ont proposé la conversion de300 000-400 000 hectares dans les zones humides du sud (à Ouémé, Plateau, Atlantique, Mono, Couffo etZou) pour des plantations de <strong>palmier</strong> à <strong>huile</strong>. 43Comme l’indique l’étude citée “Il y a déjà un certain nombre de monocultures de <strong>palmier</strong> à <strong>huile</strong> dans leSud du Bénin» qui doit «servir d’avertissem<strong>en</strong>t contre les évolutions futures, <strong>en</strong> raison des complicationset des difficultés r<strong>en</strong>contrées par les communautés qui t<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t de v<strong>en</strong>dre leurs produits du <strong>palmier</strong>.” 4438 http://com.revues.org/index978.html39 http://com.revues.org/index978.html40 http://com.revues.org/index978.html41 http://www.hubrural.org/pdf/projet_alisa_b<strong>en</strong>in_nigeria_<strong>huile</strong>_palme.pdf42 http://www.africanbiodiversity.org/media/1210585739.pdf43 http://www.africanbiodiversity.org/media/1210585739.pdf44 http://www.africanbiodiversity.org/media/1210585739.pdf20