<strong>Le</strong> <strong>palmier</strong> à <strong>huile</strong> <strong>en</strong> <strong>Afrique</strong> : le passé, le prés<strong>en</strong>t et le futur<strong>Le</strong> besoin d’impliquer le secteur traditionnel dans les nouvelles politiquesBi<strong>en</strong> que le changem<strong>en</strong>t soit propre à la nature humaine, il est important de souligner que, dans le secteurde l’<strong>huile</strong> de palme, certains changem<strong>en</strong>ts qui sembl<strong>en</strong>t mineurs et positifs peuv<strong>en</strong>t, à la longue, avoir unfort impact sur le système traditionnel et, <strong>en</strong> particulier, sur les femmes qui <strong>en</strong> dép<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t. Il est donccrucial de faire participer les producteurs traditionnels d’<strong>huile</strong> de palme si l’on veut que les modificationsamélior<strong>en</strong>t leur niveau de vie. L’exemple du B<strong>en</strong>in montre les conséqu<strong>en</strong>ces que peut avoir unchangem<strong>en</strong>t « technique » apparemm<strong>en</strong>t minime.Encadré 7 : La plantation de <strong>palmier</strong>s à <strong>huile</strong> sélectionnés au B<strong>en</strong>in« A partir du début des années 1990, l’Etat béninois et les bailleurs de fonds ont décidé de changerd’approche : la gestion publique de grosses unités de transformation industrielles a montré ses limites.Celles-ci sont privatisées au cours de la déc<strong>en</strong>nie 1990, et on appuie l’émerg<strong>en</strong>ce de petites exploitationsprivées. Cet appui repose sur la diffusion de plants de <strong>palmier</strong>s sélectionnés, et sur la conception et lapromotion de petit matériel de transformation. Un programme de diffusion de plants de <strong>palmier</strong>ssélectionnés est mis <strong>en</strong> place à partir de 1993. Des pépiniéristes privés, agréés et subv<strong>en</strong>tionnés par l’État,v<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t au public à prix contrôlé des plants de <strong>palmier</strong>s sélectionnés.Une nouvelle catégorie d’acteurs apparaît dans la filière : les planteurs de <strong>palmier</strong>s sélectionnés. Ilsadopt<strong>en</strong>t une stratégie tout à fait différ<strong>en</strong>te de celle des planteurs de <strong>palmier</strong>s naturels. Ces dernierspratiqu<strong>en</strong>t systématiquem<strong>en</strong>t cette culture <strong>en</strong> association avec des cultures vivrières, tandis que lespremiers ont t<strong>en</strong>dance à se spécialiser dans le <strong>palmier</strong>, et devi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t "planteurs" avant d’être"cultivateurs". Dans le contexte actuel du Sud-Bénin, où l’achat de terres est dev<strong>en</strong>u possible, ilsacquièr<strong>en</strong>t des parcelles qu’ils consacr<strong>en</strong>t à cette culture. Ces nouveaux planteurs sont <strong>en</strong> quasi-totalitédes hommes. <strong>Le</strong>s artisanes ne parvi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t que très rarem<strong>en</strong>t à posséder leur propre palmeraie. <strong>Le</strong>caractère de culture de r<strong>en</strong>te du <strong>palmier</strong>, r<strong>en</strong>forcé par un aspect symbolique ("symbole de richesse") asuscité un mouvem<strong>en</strong>t d’accaparem<strong>en</strong>t par les hommes.<strong>Le</strong>s planteurs sont <strong>en</strong> effet tout à fait consci<strong>en</strong>ts des profits que l’on peut faire grâce à la transformation,surtout si l’on a la capacité de stocker. Actuellem<strong>en</strong>t, <strong>en</strong>viron un planteur sur deux garde au moins unepartie de sa production et embauche des artisanes pour la transformer. Depuis une dizaine d’années, lesorganismes de développem<strong>en</strong>t appui<strong>en</strong>t la diffusion du matériel de transformation (presses et malaxeurs),<strong>en</strong> insistant sur l’accroissem<strong>en</strong>t des performances techniques.Au bénéfice économique s’ajoute un autre, social. <strong>Le</strong> propriétaire d’un atelier équipé bénéficie d’unevalorisation sociale que n’a pas le planteur qui embauche des femmes pour transformer sa production.L’investissem<strong>en</strong>t des planteurs vers l’aval de la filière va donc probablem<strong>en</strong>t s’amplifier.Or, la transformation de leur production par les planteurs eux-mêmes a une conséqu<strong>en</strong>ce directe pour lesartisanes : les quantités de matière première offertes par ces dernières vont diminuer. <strong>Le</strong> statut desartisanes leur interdisant bi<strong>en</strong> souv<strong>en</strong>t d’avoir leurs propres palmeraies, une partie d’<strong>en</strong>tre elles pourrai<strong>en</strong>tse retrouver exclues de la filière. Celle-ci fournissant actuellem<strong>en</strong>t une part de leurs rev<strong>en</strong>us à bon nombrede femmes rurales du Sud du B<strong>en</strong>in, le développem<strong>en</strong>t de la mécanisation peut s’avérer problématique. Àla différ<strong>en</strong>ce du secteur industriel qui a ses propres réseaux d’approvisionnem<strong>en</strong>t et de commercialisation,les petits ateliers semi-mécanisés se pos<strong>en</strong>t <strong>en</strong> concurr<strong>en</strong>ts directs des artisanes.En conclusion de cette analyse de la situation, le programme actuel de développem<strong>en</strong>t de la filière, quirepose sur la diffusion de plants de <strong>palmier</strong>s sélectionnés et du petit matériel, ne bénéficie qu’à une seulecatégorie d’acteurs, qu’il a fait émerger : les "nouveaux" planteurs privés. Ceux-ci vont être <strong>en</strong> mesure deconcurr<strong>en</strong>cer les artisanes à plusieurs niveaux car ils bénéfici<strong>en</strong>t d’un accès privilégié à la matière13
<strong>Le</strong> <strong>palmier</strong> à <strong>huile</strong> <strong>en</strong> <strong>Afrique</strong> : le passé, le prés<strong>en</strong>t et le futurpremière ; leurs techniques de transformation leur permett<strong>en</strong>t des prix de revi<strong>en</strong>t inférieurs ; leurs plusgrosses productions permett<strong>en</strong>t des v<strong>en</strong>tes <strong>en</strong> gros qui attir<strong>en</strong>t les commerçants.L’évolution prévisible du secteur ne s’annonce donc guère favorable aux artisanes, et des programmesd’appui devrai<strong>en</strong>t être <strong>en</strong>visagés. »De l’échelon local à l’échelon mondial... et retour<strong>Le</strong>s informations recueillies sur la question du <strong>palmier</strong> à <strong>huile</strong> dans les vingt-trois pays étudiés nous ontpermis de dresser un tableau global concernant le contin<strong>en</strong>t. Ce tableau montre, <strong>en</strong>tre autres choses,l’énorme importance du rôle que joue le <strong>palmier</strong> à <strong>huile</strong> dans les activités sociales, économiques etculturelles des peuples africains. Il montre aussi que, si le <strong>palmier</strong> à <strong>huile</strong> est bénéfique quand il fait partied’un système diversifié, déc<strong>en</strong>tralisé et c<strong>en</strong>tré sur la population, il devi<strong>en</strong>t nuisible quand on le cultive <strong>en</strong>régime de monoculture <strong>en</strong> application du système industriel c<strong>en</strong>tralisé que pratiqu<strong>en</strong>t les grandes<strong>en</strong>treprises.<strong>Le</strong>s pays africains où croît le <strong>palmier</strong> à <strong>huile</strong> se voi<strong>en</strong>t maint<strong>en</strong>ant acheminés par la plupart de leursgouvernem<strong>en</strong>ts et par des institutions financières étrangères vers un modèle qui peut dev<strong>en</strong>ir unemalédiction pour les populations locales. Des millions d’hectares ont déjà été réservés à la productiond’agrocombustibles à base d’<strong>huile</strong> de palme. De ce fait, des communautés <strong>en</strong>tières seront déplacées deleurs terres, elles perdront leurs moy<strong>en</strong>s de subsistance, leurs écosystèmes seront remplacés par desplantations de <strong>palmier</strong>s à <strong>huile</strong> <strong>en</strong> régime de monoculture, et leurs membres – les femmes <strong>en</strong> particulier –perdront la source de rev<strong>en</strong>us que représ<strong>en</strong>te l’<strong>huile</strong> de palme.Nous espérons que ce tableau global si sombre <strong>en</strong>couragera les habitants des pays concernés à essayerd’éviter la propagation du système industriel et à r<strong>en</strong>forcer les systèmes traditionnels qui se sont avérésbénéfiques pour la société et respectueux de l’<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t. <strong>Le</strong>s informations qui suiv<strong>en</strong>t peuv<strong>en</strong>t êtrele point de départ du nécessaire débat participatif sur l’av<strong>en</strong>ir de la production d’<strong>huile</strong> de palme dans cespays.14