23 noVembre 2011SYMPHONIQUE À SOUHAITNOTES ANALYTIQUESWOLFGANG AMADEUS MOZART (1756-1791)musique Funèbre maçonniqueEn 1784, Mozart est admis dans la franc-maçonnerie,société initiatique et philosophique, dont les originesremontent aux bâtisseurs <strong>de</strong> cathédrales du Moyen Âge.pour ses frères maçons, il composa plusieurs œuvres dontla Musique funèbre, K 477, est la plus remarquable dupoint <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> l’intensité expressive. Elle fut écrite pourune cérémonie où un frère passait <strong>de</strong> compagnon àmaître et subissait ainsi une « mort symbolique ».L’œuvre, originale à plus d’un titre, en particulier dansson traitement orchestral aux couleurs subtilement raffinées,fait appel à une foule <strong>de</strong> symboles maçonniques :notes liées <strong>de</strong>ux à <strong>de</strong>ux (signe <strong>de</strong> fraternité), trois bémolsà la clef, trois sections distinctes, trois parties <strong>de</strong> cor <strong>de</strong>basset (le 3 étant le nombre <strong>de</strong> la perfection), parallélismefréquent entre <strong>de</strong>ux parties (évoquant le compagnonnage),etc. Fait exceptionnel chez Mozart, l’œuvre, écritedans le mo<strong>de</strong> mineur, s’achève sur une tierce picar<strong>de</strong>,c’est-à-dire majeure, pratique typique <strong>de</strong> l’époquebaroque, mais tombée en désuétu<strong>de</strong> à l’époque classique.Cet ultime accord majeur symbolise évi<strong>de</strong>mment lalumière retrouvée.ALBAN BERG (1885-1935)concerTo pour VioLon,« à La mémoire d’un ange »Un abcès causé par une piqûre d’abeille <strong>de</strong>vait emporterprématurément Alban Berg, qui mourut le 25 décembre1935 à l’âge <strong>de</strong> 50 ans. Quatre mois plus tôt, le compo -siteur mettait la <strong>de</strong>rnière main à sa <strong>de</strong>rnière œuvremajeure, un concerto pour violon en partie inspiré parla mort <strong>de</strong> Manon Gropius, la fille d’Alma Mahler et ducélèbre architecte Walter Gropius. La jeune femme s’étaitéteinte en avril 1935 à 18 ans et Berg, profondémenttroublé par cette disparition subite, travailla sans relâcheà son concerto qui fut achevé le 11 août suivant.Cette œuvre est considérée comme l’une <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>spartitions du XX e siècle et l’une <strong>de</strong>s plus chargées d’émotion.Elle compte quatre mouvements (regroupés en <strong>de</strong>uxblocs <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux parties chacun) illustrant autant d’aspects<strong>de</strong> la vie et <strong>de</strong> la mort <strong>de</strong> Manon Gropius. La sectionmarquée Andante dans le premier mouvement trace unportrait musical <strong>de</strong> la jeune fille, en insistant en particuliersur sa grâce et sa pureté. L’Allegretto nous révèle la joieet l’insouciance <strong>de</strong> sa jeunesse, que la citation d’un airfolklorique autrichien traduit bien.Avec le second bloc, nous passons <strong>de</strong> la vie terrestre à lanuit éternelle. La mort, la soumission et la transfigurationsont au cœur du mouvement. par <strong>de</strong>s procédés ingénieux,Berg nous fera assister à l’agonie <strong>de</strong> Manon. puis, onentend la mélodie du choral « Es ist genug » (« C’en estassez ») tiré <strong>de</strong> la Cantate n° 60 <strong>de</strong> Bach, dont le texteest une prière <strong>de</strong> l’homme <strong>de</strong>mandant au Créateur <strong>de</strong> ledélivrer <strong>de</strong>s souffrances terrestres. L’orchestration utiliseles bois afin d’imiter le son <strong>de</strong> l’orgue. Deux importantesvariations développent cette mélodie, après lesquellessurgit une vague réminiscence <strong>de</strong> la chanson du premiermouvement. Enfin, une paisible coda fait entendre unaccord majeur (avec sixte ajoutée), l’âme <strong>de</strong> Manon ayantenfin atteint le repos éternel…JOHANNES BRAHMS (1833-1897)symphonie n° 1Brahms ne mit pas moins <strong>de</strong> 20 longues années pourcompléter la première <strong>de</strong> ses quatre symphonies. Bienqu’encouragé au départ par Schumann, il craignait <strong>de</strong> sevoir comparé à Beethoven dont l’influence est d’ailleursdélibérément manifeste dans le <strong>de</strong>rnier mouvement.La première exécution eut lieu le 4 novembre 1876 àKarlsruhe et se heurta à l’hostilité <strong>de</strong> plusieurs commentateursqui reprochèrent au compositeur <strong>de</strong> manquer<strong>de</strong> mo<strong>de</strong>rnité — ou plus clairement, <strong>de</strong> ne pas êtrewagnérien. Et pourtant cette symphonie n’a nul besoin<strong>de</strong> comparatif; bien au contraire, elle impose sa personnalitéet force l’admiration.Les premiers accords du mouvement initial, ponctués parune timbale fatidique, donnent un coup d’envoi magistralà l’œuvre. Tout le mouvement est marqué par <strong>de</strong>s harmoniesinstables et <strong>de</strong>s rythmes saccadés, que <strong>de</strong> brefsépiso<strong>de</strong>s plus lumineux viennent momentanément éclaircir.Un bel Andante sostenuto apporte un moment d’expressionpurement romantique, dominé par les cor<strong>de</strong>s, maistempéré <strong>de</strong> quelques touches mélancoliques <strong>de</strong> hautbois,<strong>de</strong> clarinette et autres vents. Le troisième mouvement42 LA MARQUE LE MAGAZINE SYMPHONIQUE DE QUÉBEC
prolonge partiellement l’atmosphère <strong>de</strong> l’Andante,<strong>de</strong> manière plus détendue, plus animée et souriante,cependant, grâce notamment au timbre chaleureux <strong>de</strong>la clarinette.Le finale nous transporte dans un tout autre univers : lespremières mesures installent un climat <strong>de</strong> mystère indéfinis -sable, comme si cette introduction constituait le premierépiso<strong>de</strong> d’un conte fantastique. on y entend <strong>de</strong>s pizzicatosà l’unisson, <strong>de</strong>s couleurs sombres (le timbre rauque d’uncontrebasson est superbement mis à contribution), unviolent roulement <strong>de</strong> timbale, suivi soudain d’un thèmelibérateur <strong>de</strong> cor et du son pur <strong>de</strong> la flûte. Et enfin, apparaîtLE thème (qui semble tout droit sorti du mouvement final<strong>de</strong> la iX e <strong>de</strong> Beethoven), chanté par <strong>de</strong>s cor<strong>de</strong>s enga ge antes,auxquelles répon<strong>de</strong>nt les vents plus légers, avant que nes’élance l’énergique développement dans lequel Brahms semontre particulièrement inspiré. ici, les idées s’enchevêtrentet se recoupent dans un débor<strong>de</strong>ment spectaculaire et unefantaisie éblouissante <strong>de</strong> l’imagination.DE FERNAND NAULTAVEC L’ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE QUÉBEC1 er et 2 décembre, 19 h 303 et 4 décembre, 14 h et 19 h 30418 643-8131 • 1 877 643-8131www.grandtheatre.qc.caFAITESLEBONCHOIXPROGRAMMATION COMPLÈTE DANS OSQ.ORG 43