10 <strong>International</strong> <strong>Alert</strong>Des ressources devraient donc être mises à disposition pour pouvoir la garantir dans tous lesterritoires.• Une étude de l’impact des modèles d’intervention en matière de VFSG devrait être réalisée.Les résultats de notre recherche montrent que les acteurs impliqués doivent sortir du cadre desdroits des femmes pour lui préférer un cadre du genre plus global qui explore et influence lesrelations entre les masculinités et les féminités.• Il faut reconnaître que les auteurs sont souvent des victimes eux-mêmes, comme dans le cas dessoldats à qui l’on laisse le choix de violer ou d’être tués. En d’autres termes, il y a souvent undegré de victimation même chez les auteurs manifestes. Si l’on pouvait traduire cette nuanceen programmes, cela permettrait à plus d’auteurs d’aller de l’avant, ce qui, si les interventionspsychosociales appropriées étaient mises en place, serait non seulement dans leur intérêt, maisaurait aussi l’avantage plus général de saisir beaucoup mieux ce qui se produit au niveaupersonnel dans des situations de violences sexuelles pendant un conflit.Enfin, il est difficile de trouver dans cette étude des preuves venant confirmer la thèse officielle selonlaquelle l’est de la RDC est en situation de « post-conflit », compte tenu du nombre de répondantsayant décrit des éléments de « <strong>guerre</strong> » qui persistent encore aujourd’hui, et dont l’indicateurclef est la présence de violences sexuelles. Cela signifie que les gouvernements et la communautéinternationale devraient reconnaître l’existence des problèmes fondamentaux auxquels le paysest confronté tels que la gouvernance, la qualité d’État et la géopolitique régionale, qui restentirrésolus et qui, s’ils ne sont <strong>pas</strong> traités, pourraient provoquer un regain de la violence.
« <strong>La</strong> <strong>guerre</strong> n’est <strong>pas</strong> encore finie »11I. Introduction1.1 Comprendre les violences sexuelles dans la région des Grands <strong>La</strong>cs<strong>La</strong> région des Grands <strong>La</strong>cs est devenue emblématique des hauts niveaux de violences sexuellesdans les situations de conflits. L’argument selon lequel le viol, et les violences sexuelles plusgénéralement, ont été utilisés comme une arme de <strong>guerre</strong>, notamment lors du génocide rwandaisde 1994 ainsi que lors des différentes <strong>guerre</strong>s ayant touché la République démocratique duCongo dans les années 1990 et au début des années 2000, a considérablement gagné du terrain.<strong>La</strong> recherche publiée par <strong>International</strong> <strong>Alert</strong> en 2005 a largement contribué à alimenter lalittérature disponible sur ce phénomène au Nord et au Sud-Kivu. 1L’attention accordée à la question se traduit dans les nombreuses interventions qui ont lieu dansles Grands <strong>La</strong>cs en matière de VFSG, et a permis de faire évoluer les définitions. Par exemple,le jugement Akayesu 2 du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), définit le violcomme un crime international, et en le définissant en termes généraux comme ‘une invasionphysique de nature sexuelle commise sur la personne d’autrui sous l’empire de la contrainte’ 3 ,la Chambre est allée au-delà des définitions existantes du viol comme une relation sexuelle nonconsentie en incluant le sexe oral et la pénétration forcée avec des objets, et ouvre la voie à uneinterprétation plus inclusive de la coercition. Les définitions de la violence sexuelle peuventaller plus loin : un commentateur la décrit comme une ‘catégorie plus large [que le viol] quiinclut le viol, la torture et les mutilations sexuelles, l’esclavage sexuel, la prostitution forcée,la stérilisation forcée, et la grossesse forcée’ 4 . En 2006, la RDC a introduit une nouvelle loi enmatière de violences et d’abus sexuels, la loi 06/018 du 20 juillet 2006, connue en swahili sousle nom de vitendo vya haya, ou la « loi des actes honteux ». Elle relève l’âge de la majoritéde 14 à 18 ans (désignant par là le mariage précoce, une norme existant dans la plupart descommunautés de l’est de la RDC, comme un abus sexuel) et punit sévèrement les auteurs depeines d’emprisonnement.Malgré ces évolutions importantes dans la détermination de l’étendue des violences sexuellesdans des situations de <strong>guerre</strong> et les multiples interventions dans le domaine des VFSG, il n’enreste <strong>pas</strong> moins que les niveaux de violence sexuelle semblent rester très élevés dans la région,même après la fin officielle des <strong>guerre</strong>s par la signature d’accords de paix. Tandis que leschiffres relatifs aux violences sexuelles sont dramatiques, certains évoquent une augmentationde la proportion des auteurs civils (par opposition aux auteurs militaires ou issus des milices).<strong>La</strong> conscience du fait que les violences sexuelles continuent malgré la fin formelle de la <strong>guerre</strong>a mené à la mise en place de plusieurs recherches ces dernières années visant à élargir etaméliorer la compréhension du phénomène, et notre étude a pour but de les mettre à profitet de les compléter.1 <strong>International</strong> <strong>Alert</strong>, Réseau des femmes pour un développement alternatif (RFDA), Réseau des femmes pour la défense des droits etla paix (RFDP) (2005) : Le corps des femmes comme champ de bataille durant la <strong>guerre</strong> en République démocratique du Congo. Violencessexuelles contre les femmes et les filles au Sud-Kivu (1996-2003), Londres.2 Jean-Paul Akayesu a été bourgmestre de la commune de Taba, où au moins 2000 Tutsi furent tués pendant le génocide de 1994 auRwanda. Akayesu fut accusé de génocide, meurtre, torture et viol. Jugé coupable de neuf chefs d’accusation de génocide par le TPIR, ilfut condamné à la prison à perpétuité en septembre 1998. L’affaire Akayesu a été le premier jugement dans lequel le viol a été considérécomme constitutif du génocide s’il était commis avec l’intention de détruire tout ou partie d’un groupe spécifique.3 TPIR, 2 septembre 1998 : Le procureur contre Jean-Paul Akayesu (jugement). Affaire n° TPIR-96-4-T, TPIR.4 J.E. Wood (2009): “Armed groups and sexual violence: when is wartime rape rape?”, in Politics and Society, vol. 37, n° 1, p. 133.