Iatrogénie, vie sexuelle, et représentation de la sexualité du sujet âgé

ARTICLE ORIGINALIatrogénie, vie sexuelle, et représentationde la sexualité du sujet âgéIatrogenia, sex life, and representation of sexuality of the older adultHAZIF-THOMAS C, MIGEON-DUBALLET I, BELAZREG F, PRADERE C, THOMAS P.RESUME ___________________________________Conte x te : A ppré hende r le désir des personnesâgées reste de l’ordre du tabou et est très souventocculté au profit d’une vision désexualisée des plusjeunes vers les plus âgés, ou au mieux très appau -vrissante , insistant su r la v ieille sse d u d ésir oumême sur sa portée menaçante. Si la tendresse est,à l’inverse, surinvestie, pe u de place est faite à laréalité de la sexualité de la personne âgée ainsi qu’àsa dime nsion sy mbolique et im aginaire, dans se sliens avec la qualité de vie au 3ème et 4ème âge.Méth odes : Etude de la littérature française etétrangère.Résultat : La part de la iatrogénie est égalementm éconn ue et la demande d’une écoute quant auxproblèmes posés fréquemment ignorée.Co nclusio n : S ensibiliser le s médecins géronto -logues est une nécessité si l’on souhaite opérer unchangement de regard sur le droit des anciens à lierla sexualité, l’amour et l’affectivité et si l’on souhaiteaider les familles à contenir les revendications iden -titaires de leur parent âgé.SUMMARY _________________________________Context : To handle the sexual desire of old per -sons is still a taboo and an asexual consideration isusually preferred. Restricted thoughts, lest commonde nom in ator of youn ge r p eople on age d personse xuality, point out the problems of desire aging,and even to their danger. If fondness is actually overentrusted by older people, a small place is given totheir sexual realities, and as a matter of fact, to ima -ginative and to symbolic aspects, this understood ina context of quality of life during the 3d and 4 thage.Methods : Study of French or foreign medical lite -rature.Results : Drugs side effects are also often neglec -ted. The request for empathy coping with their pro -blems is often denied.Conclusion : Sensitizing geriatricians is therefore anece ssity if a switch in min ds is wishe d on olderpeople’s rights to sexuality, to love and even to bemoved and if is wished to support families in theirstress to cope with elderly people identity claims.Revue de Gériatrie 2002;27:405-414Mots-clés : Sexualité - Iatrogénie - Vieillissement -Dépression - Motivation.Key words : Sexuality - Drug side effects - Ageing -Depression - Motivation.Servic e d e Ré a d a ptatio n et Géri atrie. C H U d e Po itiers. 86 0 2 1 P o itie rsCedex. Article reçu le 06.02.2002- Accepté le 26.03.2002.La Revue de Gériatrie, Tome 27, N°6 JUIN 2002 405

Iatrogénie, vie s exuelle, et représentatio n de la sexualité du sujet âg éSi l’on regarde la sexualité comme la rencontredu biologique et du relationnel, on e st vitefrappé par les agressions dont font preuve dansl’un et l’autre cas, le sujet âgé. Parallèlement, celui quis'intéresse au corps âgé, ne peut qu'être frappé par l'atteintede l’image corporelle certes, mais aussi et surtoutde son mouvement, de sa «geste d'être». Tout se passecomme si l'aîné était parfois privé d'un désir fondamental,celui «d'e xister son corps au milieu des a utre s»comme l'écrit Simone de Beauvoir (1) . La iatrogénie estune réa lité fréque nte dont la présenta tion sexuellesemble pour l’instant une forme méconnue aux yeux denombreux gériatres. Jusqu’à présent, la prise en chargeglobale a ignoré cette iatrogénie sexuelle liée non seulementau vieillissement mais aussi aux effets secondairesdes médicaments prescrits à la personne âgée.REPRÉSENTATION DE LA SEXUALITÉ DUSUJET ÂGÉ DE L’ANTIQUITÉ À NOS JOURS __Si da ns la tra gé die an tique, Eurip ide p ré se nte levieilla rd co mme un sujet lutta nt p our sa dignité,Aristophane saisit le vieillard au travers de l’image duvieil homme lubrique. C oncernant ce trait comportementalparticulier, il semble que l’éventualité comme ladispa rition de l’activité sexuelle chez le vieillard grecsuscite deux attitudes de rejet fondés sur la rivalité malvécue dans le premier cas, «dissocié de la jeunesse, dela vigueur, de la séduction, l’acte sexuel est ravalé aurang de pure fonction animale» écrit de Beauvoir (1) etde révolte méprisante dans le second ; le vieillard libidineuxet impuissant attaque l’idée du «bon vieillissement»que les jeunes peuvent accepter d’autant que le complexede castration, jamais véritablement liquidé, se rallumealors pour réveiller l’anxié té de la me nace quijadis effrayait tant.La philosophe existentialiste conclue ainsi que le jeunehomme hait dans le vieil homme l’annonce de la disparitionde la vigueur sexuelle ainsi annoncée comme safuture condition, d ’où le recours à la dérision : «Il larépudie par le rire : le personnage grotesque qui évoluesur scène, il peut aisément se convaincre qu’il ne luiressemblera jamais» (1) .La représentation de la sexualité du sujet âgé conservedonc bien son triple statut de savoir, de croyance et dedéni. Il est connu que certains continuent d’avoir unevie sexuelle ou deviennent impuissants ; ce qui est cruc’est le caractère comique ou déplacé que cela suppose ;ce qui est dénié c’est la communauté de destin érotiqueselon la possibilité de recommencer à vivre des sentimentsamoureux tardifs : dans cette façon d’assimiler levieux à une personne seulement capable (ou incapable)de continuer, il y a une identification à l’animal. Qu’onse ra p pe lle si o n en do ute la p hr a se de Jung :«Continuer, l’animal lui-même sait le faire ; commencerest la prérogative de l’homme» (2) .La sexualité a t-elle beaucoup changé de nos jours ?Avec le temps si le lien se renforce le désir ne s’éteint-ilpas ? Il existe toujours l’idée que la restauration de lavie sexue lle dans l’âge avancé est une curiosité, unedemande inhabituelle, un objet d’échanges ballotté augré de l’abandon rationalisé ou de l’optimisme inconsidéré(3) .Le s p etits enfa nts sont sans doute e ncore le s p lusauthentiques quand ils convoquent la chose, sans pitiéaucune, sous le signifiant de «cochonnerie s» et il fautalors bea ucoup de coura ge aux se nio rs pour oserencore s’y risquer : «Je t’embrasse au téléphone partoutoù tu aimes être embrassée, je te prends les seins –que j’appelle tendrement «tes nichons» comme au bonvieux temps, et, quand j’a i fini e t que tu re pa sse sl’appa reil à Zofia, je l’e ntends me dire : «Eh bie n,Monsie ur, vous ave z fa it rire Madame Ronsac» ( 4 ) .Comment parler de sexualité et d’amour quand on estâgé et que la maladie ajoute au poids culturel son lot dehandicaps et d’atteinte de l’image de soi ?POSITION DU PROBLÈME _____________________Le problème de la iatrogénie est donc autant un problèmede l’ordre des thérapeutiques utilisées que celuide l’adapta tion de nos représenta tions à une réa liténouvellement appréhendée : la sexualité tardive (5) et àson importance.Avec l'accroissement de la population âgé e, on voitmalheureusement apparaître de plus en plus de pathologiesia trogènes ( 6 ) , c'est-à-dire de pathologies recouvrantles effets seconda ires ou les accidents dus auxinterventions thérapeutiques. Il peut s'agir des conséquencesdirectes ou indirectes de la polymédication oudes techniques médicales ou soignantes. Dans le grandâge, la iatrogénie est 3 à 4 fois plus fréquente que chezle sujet jeune. La iatrogénie est ici caractérisée par unegran de var iété symptoma tique puisqu’ elle va de stroubles de la vision de s c oule urs (jaune -ve rt) auxchute s, de s troubles du compo rte ment jusqu ’ auxtroubles sexuels !Da ns tous les cas, il s’a git de connaître les grandeséta pes de l’apparition d’une interaction iatrogène :ce lles des doses trop élevées en est une , sans doute,mais il s’agit aussi du problè me des pics médicamenteux simultané s responsa ble s d’effe ts cumulé s, deLa Revue de Gériatrie, Tome 27, N°6 JUIN 2002 406

Iatrogénie, vie s exuelle, et représentatio n de la sexualité du sujet âg él’administration chronique, de la réalité gériatrique quotidiennede l’insuffisance rénale, hépatique ou de celledes circonsta nces physiopathologique s (hypotensionorthostatique, terrain vasculaire...).Ajoutons à cela la iatrogénie, visible au travers du «traitementdes représentations», de l’interaction médecinmaladelorsque circule encore l’idée que l’insuffisanceérectile et/ou l’incontinence urinaire sont des fatalitésliées à l’âge ou que «la sexualité ça ne concerne pas -ouplus !- les personnes âgées». Pour certains, la sexualitédu vieillard est indécente. Il y aurait ainsi lieu de parlerde façon p lus ouve rte de pla inte sexuelle de mêmequ ’on pa rle de p lainte mnésique. Le tra itement del’insuffisance érectile ou l’incontinence urinaire n’estpa s que symptomatique : il importe a ussi d’explorerquelques grands axes étiologiques, sachant que les problèmesaffectifs sont les raisons psychologiques prédominantesdes troubles érectiles. Ils sont en cause aussibien chez le sujet jeune que chez le sujet âgé.Une moindr e cécité fa ce à l'évolution des mœurssexuels chez les personnes âgées est donc à promouvoirainsi qu’une approche plus systématique et rigoureuse(tableau 1). La prise en compte des vécus sexuelsdans les différentes échelles de qualité de vie laisse ainsiaugure r un changement de mentalité et espérer unele vé e du ta bo u de la sexua lité ch e z l'âg é.Malheureusement les changements d'attitude n'évoluentpas toujours aussi vite que les changements de représentation.L’autorité des censeurs sur le droit à lasexualité des personnes âgées fait partie du symptôme :ils cautionnent le renoncement de la personne âgée.Le statut de la personne sociale par rapport à la productivitéet la place du vieillard dans la société ne sontpas suffisamment pris en compte pour que la personneâgée échappe au sentiment d'inutilité. Face à l’impuissanceet à son halo dépressogène, le sujet âgé va souventpratiquer un évitement de la sexualité et se repliersur lui-même, se démotiver, sans avoir recours à desmodes de défense sur lesquels peuvent compter les plusjeunes. Thymie et comportement se conjuguent dansun mouvement circulaire pour figer le système de viecentré sur l’impuissance.ATTACHEMENT, AFFECTIVITÉ ETSEXUALITÉ _____________________________________Postuler la nature organisatrice de la sexualité (7) , c’estra ppe ler sa nature irréductible à la trilogie qui fa itl’homme : langage , outil, institution. Que la sexualitésoit riche de découvertes affectives est un constat fréquent. La dialectique du «narcissique» et du «sexuel» estTableau 1 : Les principaux axes de questionnements étiologiques.Table 1 : Main trends in etiologic assessment.Insuffisance hormonaleInsuffisance circulatoire des artères et des veines de la vergeLésion des nerfs commandant l’érectionSclérose des muscles érectilesInhibition psychogène, dépression, effet secondaire d’unmédicament déprimant l’érectionEn pratique : Mauvaises expériences initiales ?Nouveau traitement ?Relations troublées ?Chirurgie pelvienne ?Neuropathie diabètique ?telle que de nombreux seniors se découragent de vivreleurs désirs. D’où des discours normatifs, pour ne pasdire moralisateurs, que les vieilles gens ont mémorisés,souvent dans leurs corps : «Il faut se contenter de tendresse(obligatoire) parce qu’une fois vieux, l’acte sexueln’est plus réaliste».La démotivation est alors un moyen d’évacuer le vécude honte de va nt les trouble s. L’émoussement de lademande à satisfaire le désir se manifeste par l’évitementde l’épreuve ou de l’expérience redoutée. C’estpourquoi la règle d’or face à ce genre de problèmes estde les exprimer au lieu d’en souffrir en silence. Il fautsortir la personne âgée de sa résignation devant l’indifférence,et les médecins de l’incurie, au sens premierdu mot : manque de curiosité.Il n’est pas difficile en effet, d’imaginer que la «révolutionse xuelle» touche ra aussi les sujets âgés qui, déjàsouvent, connaissent une vie sexuelle plus libérée etgratifiante qu’on ne le suppose. «Il est intéressant defaire l’amour à un âge avancé ; sur le plan psychique, ils’agit d’une représentation de soi positive ; l’orgasmeest une réponse neurophysiologique qui met tout lecorps en éveil, du cerveau aux muscles ; la libérationd’endorphine liée à l’orgasme contribuerait à la préventiondu vieillissement» (5) . Parler de la sexualité avec lapersonne âgée implique, comme à tout âge, de distinguerévidemment la sexualité comme manière d’être aumonde et d’entrer en relation par son corps sexué et lagénitalité comme mise en œuvre des organes génitaux.Même si le «lyrisme pa sse souve nt après la progéniture»,la sexua lité n’est pas assimilable à une quelconqueanimalité. Elle n’est et ne sera jamais un phénomènestatique, encore moins un objet d’étude dénuéde sens. Toujours est-il que la médicalisation de la santéde l’âgé fait parfois abstraction, et du biologique, et durelationnel. Des difficultés d’ordre iatrogène peuventLa Revue de Gériatrie, Tome 27, N°6 JUIN 2002 408

Iatrogénie, vie sexuelle, et représ entatio n de la s exualité du sujet âgéainsi grever le devenir de la fonction sexuelle du sujetâgé. Peu se plaignent toutefois et la honte a sa partdans cette logique de désinvestissement.Beaucoup de couples âgés sont aussi confrontés auxrésultats de leur histoire de vie et aux suites familialeslaissées en arrière. Nombre d’entre eux sont dominéspa r le matria rca t faisa nt dire à S ime one que leshommes sont plus dépendants du milieu social que lesfemmes (8) . Du coup voilà que les jeunes refusent souventque leurs parents âgés vivent tous les possibles etnombre de seniors en viennent ainsi à radoter sur cequ ’ils perdent. Telle fille ne veut plus que son pèreprenne le train, telle autre exige que le sien prenne sacanne pour sortir comme si nous refusions aux âgés,nous adultes, la liberté de prendre des risques, alors quenous-mêmes en prenons quotidiennement. Pire, ledivorce ou le remariage des vieillards semblent encoreune réalité contre nature à nombre d ’enfants commes’il s’agissait en premier lieu de «cacher un reste de fringaleadolescente mal assumée» (9) .Si, pour Charazac, la rupture conjugale peut entraînerune psychose de séparation, elle peut aussi bien s’intégrerdans un Syndrome de Tolstoï, le couple perdantmoins sa fonction de sublimation de la vie pulsionnelleque celle de rester le lieu du dialogue (8) . Seules les personnesâgées qui tiennent tête et se comportent avecsuffisamment d’autonomie, réussissent cette adaptationde l’alternance motivante entre amour de soi et amourde l’autre, ce dont les enfants, est-ce besoin de le rappeler, ont be soin a fin de po uvoir ultér ieure me nts’appuyer sur une représentation «suffisamment bonne»et sa tisfaisa nte psychiquement, p our le ur apporterconfiance et estime de soi durant leur propre vieillissement.Chez d’autres enfants on remarque l’angoisse devieillir à leur tour sans avoir jamais pu avoir quelquesconnaissances que ce soit sur l’évolution de la sexualitéet de l’intimité quand on vieillit : tabou, quand tu noustiens..., au point qu’on pourrait parler dans certains casTableau 2 : Sexualité et personnes âgées : les entraves à lavie sexuelle ?Table 2 :Sexuality and old people : which hurdle for a sexual life.• Climat psychosexuel démotivant au sein du couple : couple indifférent,capitulation de l’un des partenaires…• Climat psychosexuel dysharmonieux au sein du couple : couple fusionnelou conflictuel.• Altérations somatiques provoquant douleur, dépression, stress, fatique…• Pathologies gravement invalidantes : tumeurs génito-urinaires, du sein,colo-rectales, lombo-sacrées, du système nerveux central, et leurstraitements.• Alcool, diabète, iatrogénie par automédication...de trou représentationnel : «Après 50 ans, il n’y a plusrien» entend-on... Ce phénomène de trou de représentationest à craindre lorsque les sujets âgés confient queleurs enfants ne les voient pas vieillir, et qu’ils se sententen décalage avec le temps passé ensemble commesi celui-ci n’introduisait plus de perception ou de compréhensionde l’autre. D’où l’importance de la re présentationsexuelle pendant toute une vie : «la sexualitén’est pas faite pour combler un vide ; elle doit êtrel’expression d’un être achevé» (1) .SEXUALITÉ, BIEN-ÊTRE ET HISTOIREPSYCHOSEXUELLE DU PATIENT ÂGÉ _________Le désir sexuel (table au 2) pe ut être fre iné ou a ucontra ire accru selon de multiples facteurs et mêmeaprès 85 ans, il est utile de savoir que 13% environ deshomme s ont de s ra pp orts se xue ls comple ts da nsl’année et 1% des femmes ; toujours selon cette étudesuédoise menée sur 321 sujets en 1996, exemptes depathologie mentale, les sentiments sexuels seraient plusfréquents : de l’ordre de 33% pour les hommes et de32% pour le s fe mmes ( 1 0 ) . Confirmant ces donné es,Ware indique que 25% des plus de 80 ans rapportentune vie sexuelle normale (11) . L’évaluation de la fonctionsexuelle da ns l’âge avancée ou mê me chez le «jeunesujet âgé» est négligée et insuffisamment menée, alorsmême que 73,8% des hommes âgés de plus de 60 anssont actifs sexuellement et que 55 ,8% des femmesma rié e s le re ste nt é ga leme nt ( 1 2 ) . En deh ors de squelques contre indications et intolérance, l’absence detraitement estrogénique à la ménopause est de l’ordrede la iatrogénie par défaut. En matière de sexualité, lacarence hormonale non compensé e de façon prolongéepeut ê tre responsable de vaginisme , e t ce lui-ciconduire à un refus chez la femme de poursuivre unevie sexuelle. A l’inverse des plus jeunes l’homme âgé seplaint non de problèmes d’éjaculation mais de difficultésd’érection. L’érection est plus lente à obtenir chezl’homme âgé (13) et l’éjaculation plus tardive. L’orgasmeféminin est moins affecté par les effets de l’âge et unedé synchronisation du pla isir pe ut apparaître dans lecouple. Une réharmonisa tion basée sur une compréhensionde ce mécanisme et sur l’amour mutuel estpossible. La lenteur à éjaculer peut être vécue commeun échec ou, parfois, peut être fantasmé par l’hommecomme l’expression d’une virilité exceptionnelle, là oùla partenaire est confronté à la lassitude. L’intégrationou la non intégration de ces donnée s da ns la vie decouple conditionne donc l’harmonie sexuelle entre lespa rte naires. La connaissance de l’histoire psychosexuelleest fondamentale car si l’on aborde la dépres-La Revue de Gériatrie, Tome 27, N°6 JUIN 2002 409

Iatrogénie, vie s exuelle, et représentatio n de la sexualité du sujet âg ésion, il s’agit également de s’assurer si les symptômessexuels qu’elle provoque étaient présents ou non avantla dépression.Le principal ennemi du bien-être des personnes âgéesn’est pas seulement la dépression, c’est aussi la iatrogéniemé dica menteuse du traiteme nt antidé pre sseurjusque là négligée dans sa portée négative sur la sphèresexuelle (14) : schéma 1. Celle-ci entretient des relationscomplexes avec les dysfonctionnements sexuels. Sont ànote r une diminution de la libido, une inhibition dudésir, et last but not least une dysfonction érectile. Ilfaut savoir dans ce cas interroger le mala de car leretour d’une érection normale sous antidépresseurs estun des meilleurs signes de guérison de l’état dépressif.En l’absence de discours spontané des malades sur leursexualité, il y a lieu de rechercher ces troubles sexuelstandis que classiquement la ca pacité orgasmique estrespectée dans la dépression.Il est utile d’établir en détail tous les symptômes cibles,soit de la dépression soit des antidépresseurs e n tantqu’effet adverse : diminution de la libido, trouble de lalubrification, dysfonction érectile, dysfonction orgasmique,et leurs conséquences. Où ? quand ? comment ?depuis quand ? depuis quoi ? avec qui ?... sont les principalesquestions qui aident à se repérer et permettentau clinicien de reconstruire l’histoire psychosexuelle dusujet âgé. C’est ainsi qu’on mettra plus particulièrementen évidence le cercle vicieux : dépression, antidépresseur,iatrogénie sexuelle, arrêt ou mauvaise observancedes prises, dépression (schéma 1).IATROGÉNIE ET SEXUALITÉ ___________________La iatrogénie constitue un tiers des consultations pourtroubles sexuels et concerne souvent des patients polymédicamentés.En ce qui concerne l'usage des psychotropes, 60% de s hommes et 30 % des femmes évoquentdes difficultés sexue lles d'ordre ia trogène , àmettre en relation avec la prise médicamenteuse. Lesantidépresseurs inhibant la recapture de la sérotonine(ISRS), induisent des dysfonctionnements sexuels entre50 e t 7 5% de s p atie nts même s’il y a e u bonneréponse au plan de l’humeur : ceux-ci seraient plus fréquentsavec la fluoxétine, la paroxétine et la sertraline.Ils peuvent être à l’origine de baisse du désir sexuel, detroubles de l’excitation, d’anorgasmie (tableau 3). Lamoitié de s patients traités par ISRS se pla igne nt deretard à l’éjaculation et bon nombre de femmes d’anorgasmie(15) .Si l’on prend la fluoxétine par exemple, une étude deGitlin mentionne 43% de troubles sexuels induits (16) etil y alors lieu de s’interroger sur l’appellation de piluleSchéma 1 : Antidépresseurs, psychotropes et sexualité.Schema 1 : Antidepressive drugs, psychotropes ans sexuality.du bonheur comme si la se xua lité é ta it une ma leheure... Même dans l’âge avancé , la crise de sé ne s-cence peut réa ctiver l’ancienne crise d’adolescence etremettre en scène les angoisses de rencontre traumatiqueavec la sexualité. C’est peut être une des raisonsqui font que si les troubles sexuels sont plus fréquemmentrapportés chez les hommes, ils seraie nt p lusintenses chez les femmes ; mais cette constatation estsurtout vraie chez les jeunes retraités car dans le troisièmee t surtout da ns le qua triè me âge on retrouvece tte pr oblé ma tique ch e z un ho mme p our tro isfemmes. La conduite à tenir comprend une attitude singulièrecôté médecin et une partie technique : du premiercôté il s’agit en effet de se garder de moraliser surla plainte en en faisant le signe d’une inconsolabiliténévrotique (17) et de reconnaître au contraire que seulement15% des patients se plaignent spontanément destroubles sexuels conséquents aux traitements. Il s’agitPropranololAdrénolytiques alphaGuanéthidineDiurétiques thiazidiquesAnxiolytiquesDigoxineCimétidineAntidépresseurs tricycliquesISRS et IMAO : tous potentiellement...Antiinflammatoires non-stéroidiensTable au 3 : Troubles s exuels e t iatro gén ie, p rinc ipalesmolécules incriminées.Table 3 : Sexual troubles and drugs side-effects, main involved sub -stances.La Revue de Gériatrie, Tome 27, N°6 JUIN 2002 410

Iatrogénie, vie sexuelle, et représ entatio n de la s exualité du sujet âgéde mettre en parallèle ce chiffre avec les quelques 20%d’arrêts de traitements pour effets secondaires sexuels.Côté technique, il faut savoir jouer l’attente de la rémissionspontanée, proposer la réduction à la posologieminimum effica ce , le changement d’antidépre sseur,l’alternative du sildénafil chez l’homme, l’utilisation dela buspirone... On le voit l’information et l’abord sensibiliséface à la souffrance de l’âgé sont e ssentielsd’ autant qu’on ne pe ut oublier la p art d’inhibitionpesant sur la sphère affe ctivo-sexuelle. Les nouvellesmolécules inhibitrices de la recapture de la sérotonineet les nouve aux antidé presse ur s sera ient toutefoisneutres et bienveillants da ns ce domaine comme entémoigne une méta-analyse qui montre le respect desfonctions sexuelles ave c une stimulation douce de lalibido (14) . Des palliatifs de ces effets secondaires ont puêtre prudemment proposés : yohimbine, citrate de sildenafil,buspirone (15) .En dehors des antidépresseurs, et parce que l’anxiétéest un trouble fréquent da ns le grand âge, il est bond’insister pour dire que les tranquillisants en général etles benzodiazépines en particulier peuvent déprimer lesréactions sexuelles, de même que certaines associationsaux antidépresseurs peuvent se conjuguer pour inhiberle désir sexuel.Chez le parkinsonien, les patients qui n’ont jamais ététraités préalablement peuvent «revivre» après la mise enroute du traitement dopaminergique. Le Propranololdonné pour tremblements ou pour une hypertensionartérielle peut entraver la fonction érectile La plupartdes couples restent ainsi insatisfaits (deux couples surtrois d’après Singer) (18) et une perturbation de la fonc-SOCIETEBELGE DEGERONTOLOGIE ET DEGERIATRIEFONCTIONSCAPACITESRESSOURCESVII e CongrèsInternational Francophonede GérontologieLes actions gérontologiquesau XXI e sièclePalais des Congrès de BruxellesDu 22 au 25 septembre 2002www.gerontologie2002.orgLa Revue de Gériatrie, Tome 27, N°6 JUIN 2002 411

Iatrogénie, vie s exuelle, et représentatio n de la sexualité du sujet âg étion sexuelle se verrait dans 65% des cas, dont 50%d’impuissance. C oncernant les p atie ntes pa rkinsoniennesdes difficultés d’ordre iatrogène existent aussice qui accentue l’anorgasmie et le vaginisme présentsdans 1/3 des cas. Dans certains cas, le traitement antiparkinsonienexacerbe la libido sans que la dysfonctionérectile soit éliminée. Toutefois il ne semble pas y avoirde relation statistiquement é vidente entre les troublesde la fonction se xuelle et la duré e des prises ou lesdoses de L dopa.Les neuroleptiques sont eux aussi source de iatrogéniesexuelle, d’inhibition de la libido et d’impuissance érectilepar blocage dopaminergique central. Ainsi dans legrand âge, le coût du bien être psychique n'est pas seulementéconomique, il est aussi sexuel.La iatrogénie n’est pas que du seul ressort médicamenteux,elle est aussi celle de l'atteinte de l'image non élaboréevoire non discutée du corps lors des hystérectomies,de s mammectomies, des prostatectomies... etrappeler les difficiles négociations n’est pas inutile faceà la continuation des relations sexuelles, lors d'uneinsuffisance cardiaque, après un infarctus, dans l’évolutiond’une pathologie tumorale après une prostatectomie( 19 . ) Diokno remarque ainsi que la prévalence del’impuissance est plus grande si existe conjointement lanotion d’accident cardiaque, d’incontinence urinaire oude prise de sédatifs (12) .Chez certaines femmes la perte du sein est vécue dansl’enfer d’un retour vers un corps non identifiable, etl’atteinte identitaire est d’une ampleur insoupçonnée ( 20 ) :à la fois de la féminité, de la maternité et de l’amourconjugal, cet amour qui courbe nos vies pour les uns,empoisonne l’existence pour les autres ...Si l'on considère que le corps et l'esprit forment un tout, ilapparaît licite de proposer plus souvent à ces patients unsoutient psychoaffectif ainsi que des soins de psychothérapie.C’est ainsi que l’on constate une insuffisance d’élaborationdu deuil de l’amputation de l’image du corpsavec de fréquentes réactions de victimisation : la personneâgée continue certes d’investir son corps mais ellele fait sur un mode agressif : «ma patte folle», mon «putainde bras gauche» ...; sans doute le manque d’amour de soiest ici corrélé au manque de tendresse visible dans le peude temps consacré à son corps ( 21 . ) De ce côté il n’est pasinutile de mentionner que le traitement hormonal substitutifde la ménopause et sa composante œstrogénique ontun effet positif sur le désir sexuel ainsi que sur le plaisirpris par la femme durant l’acte sexuel.Dans tous les cas une psychothérapie de soutien ainsiqu’une approche conjugale est souha itable pour atténuerle retentissement du trouble et aider le sujet âgé àchasser le peurs et idées fausses, sorte de «iatrogèniepar défaut» : croire que la vie sexuelle a une influencenégative sur une maladie rhumatismale par exemple oubien penser qu’une arthroplastie de hanche condamnetoute re prise d’activité se xue lle. Au plan socia l, le sconsé que nces chez les patients institutionnalisés descontraintes de vie en collectivité expliquent qu’une«iatrogènie environnementale» reste un gros obstaclepour les pa tie nts en ma iso n de r etra ite , e n lon gséjour..., tous lieux dans lesquels la vie intime est nonseuleme nt ma l vue mais aussi non prévue. Que lqueschartes évoquent le droit à l’intimité et à la pudeur maisde façon isolée (22) , et il y a lieu de se demander parfoissi l’écrit n’est pas là pour consolider les interdits de fait.LA DYNAMIQUE MÉDICO-SOCIALE À L’HEUREDU VIAGRA ____________________________________Le sildénafil (Viagra) est prescrit pour traiter la dysfonctionére ctile . Il n e pe ut se substitue r toute fo is àl’absence de désir, et il n’est donc pas un palliatif de labaisse de la libido. Le sildénafil est un inhibiteur hypersélectif de la phosphodistérase de type V (schéma 2).Cette enzyme, présente dans le muscle lisse vasculaireet les plaquettes, dégrade le cGMP (cyclic guanosinemonophosphate) nécessaire au bon fonctionnement dela relaxation des fibres lisses musculaires. Ce médicament est à éviter chez le s mala des corona riens sousdérivés nitrés, des arrêts cardiaques s’étant produits lorsd’actes sexuels. L’insuffisance coronarienne impliquede ménager ses efforts, en matière de sexualité commedans d’autres domaines, rareme nt de le s supprimer.Parmi les effets périphériques observés chez les utilisateursdu sildénafil, des modifications de la vision ont étésignalées par 3% de s patients. Il a été ra pporté unesensibilité accrue à la lumière et des altérations de lavision des couleurs. De s résultats récents ont montréune augmentation significative du débit sanguin oculairepulsatile et une amélioration de la sensibilité auxcontrastes au bout d’environ deux heures après la prisedu sildénafil. Sachant qu’il existe une diminution de laperfusion du te rritoire choroïdien chez le s patientsatteints de dégéné re scence ma culaire liée à l’âge, leproblème soulevé est de savoir si ce médicament quiaméliore la perfusion oculaire pourrait ê tre e fficacedans certains troubles de la choroïde, de la rétine (23) .Pour un médicament actif sur l’impuissance des personnesâgées, il y a peut-être ici à garder un œil…L’arrivée de ce médicament risque de faire oublier quela sexualité du sujet trè s âgé est essentiellement cellehéritée d’une éducation culpabilisante en la matière. Laforme de la demande est différente à cinquante ans etdans le grand âge, à quatre-vingt ans : dans le premiercas, elle est médiatisée pa r les troubles de la méno-La Revue de Gériatrie, Tome 27, N°6 JUIN 2002 412

Iatrogénie, vie sexuelle, et représ entatio n de la s exualité du sujet âgéSchéma 2 : Schéma d’action du Sildénatil ® .Schema 2 : Scheme of sildenatil activity.pause tandis que dans le second, c’est le thème de lasolitude qui sert de support à la transa ction, parfoisexprimée dans la honte , souvent avec la plus grandetristesse.S’il est des conséquences qu’en effet beaucoup de personnesâgées craignent, il s’agit à coup sûr de l'isolement et de l'appauvrissement de la vie relationnelle.Que dire à propos des liens affectifs tardifs ? Il n’est pasinutile de rappele r que «le s célibata ires libres, se uls,sans souci, et sans enfants vieillissent mal. Les hommessurtout. Les couples mariés ont une espérance de vieplus longue et de meilleure qualité que les personnesseules» (24) . C'est pourquoi il n'est pas inutile de valoriserle couple quand on prend de l'âge. L'attachement à lavie de couple contient, d'après cet auteur, de quoi stimulernos vieux jours, tant affectivement qu'intellectuellementet sexuellement. D'où l'intérêt de conjoindre vieconjugale et grand âge. La tendresse y tient une grandeplace et qu'est-elle d'ailleurs sinon ce qui relie généralementle désir et l'amour ? La tendresse n'est pas unsentiment mièvre et sa fonction est d'autant plus vitalepour l'âgé qu'il/elle se considère et considè re son/sapartenaire comme d'autant plus vulnérable qu'affaibli(e)par le poids des années. La peur qu’on ne soit pastendre avec e ux motivent les personnes âgée s à uneconsulta tion pour d’ autre s ra isons, et les p la inte ssexuelles apparaisse nt alors sous-ja centes à d’autresplaintes : mémoire, asthénie…Parler des troubles de la libido peut permettre d’entreren contact avec ces patients, même si la plainte e stsouvent cachée : ainsi cet homme de 78 ans adressépour des troubles caractériels et obsessionnels retentissantsur sa vie de couple nous livrant sa demande sousla forme d’un autoquestionnaire : «Ma nquez-vous detestostérone ?» glissé dans un bulletin de l’universitéinter-âge. «C’est au centre, Docteur», autant au centredu bulletin que de ses préoccupations. Mais trop regarder le vieillissement comme un déclin, c’est aussi secondamner à regarder la fatigue comme l’expression dela «machine corporelle». Et d’oublier sa forte valeur psychosexuelle: la fatigue de la personne âgée ne traduitellepas un vide de projets ? Cela n’est pas sans serépercuter sur le rêve (le rêve en tant que projet et lerêve en tant que sommeil paradoxal) car si «la sexualitéest l’atmosphère du rêve» (25) , les tensions physiques quiremplissent ce vide occultent aussi le désinvestissementde cette singularité humaine venant lier sexualité et cequi pousse à rêver sa vie, à vivre ses rêves.Parler de iatrogénie sans aborder l’espoir que suscite lesildénafil pour de nombreux couples âgés se rait ainsiune négligeance . Qu’il soit pe rmis alors de parler icid’arme théra peutique car de nombreux sujets âgésexpriment leur dysérection ou leur cessation d’activitésexuelle de façon métaphorique :»A mon âge, cela faitlongtemps que j’ai posé le fusil sur l’armoire».Espérons aussi qu’avec l’arrivée de cette nouvelle paradequi n’est pas qu’ amoureuse mais aussi - si l’on pense àla délicate interaction entre le sildénafil et les nitrés, quiont pu provoquer quelques décès - largement techniqueet médicale, les mauvais esprits en tout genre cesserontde rappeler les vieux à l’ordre quand à leur libido. L’évaluationdu couple n’en reste pas moins fondamentaleautant que celle de la demande face au symptôme sexuel: «Ce que les femmes appellent amour, c’est leur aviditédevant la force virile dont elles souhaiteraient s’emparer»( 1 ). La conflictualité des couples, leur caractère fusionnelou indifférent, la capitulation de l’un ou l’autre des partenairesseront recherchés avec tact ce qui importe d’éviterde devenir soit juge soit complice d’un des deux patients,deux modalités contre-transférentielles fréquentes. Ellesparticipent de l’inhibition du toucher symbolique, inhibitionqui vient d ’ailleurs elle-même en contre-point decelle du toucher tout court dans la relation «moderne»avec les personnes âgées.L’arrivée du sildénafil (sché ma 2) bouscule en partiecette exclusion des vieux du droit à vivre sa ns honteune vie sexuelle comme les autres. Elle remet en questionaussi la seule compensation tendre à laquelle lesconjointes exhortaient leurs maris : la phrase «Ils pourraientse contenter de tendresse !» est ainsi, espéronsle, à entendre plus du côté de l’amour de soi afin demieux soigner son vécu corporel. L’essentiel n’est-il pasbien sûr du côté de la relation, si bien que chacun abesoin de se nourrir de la lumière de s autres pourcroître affective ment ? Re formuler de cette façon lesdifficultés conjugales peut aider à débloquer les non-ditset les entraves affectives même si celles-ci sont parfoismises en place depuis des années.La Revue de Gériatrie, Tome 27, N°6 JUIN 2002 413

Iatrogénie, vie s exuelle, et représentatio n de la sexualité du sujet âg éFantasmera t-on la place du sildénafil chez les hommescomme l’équiva lent du traitement hormona l subtitutifchez la femme ( 26 ) ? C ar comment fanta smer sur lecomprimé ble u de Viagra pour rencontre r la «peurbleue » du médecin face à sa propre impuissance ?Comme le loup da ns la berge rie ou bie n co mmel’oiseau bleu qui, aux dires d’un malade, est l’oiseau dubonheur ? «Entrer dans le bleu c’est un peu commeALICE au pays des merveilles, passer de l’autre côté dumiroir ?»PEUT-ON S’AUTORISER CETTE AUTRERÉALITÉ ? ______________________________________Quoiqu’il en soit, les personnes âgées vont pouvoir ànouve au anticiper ma lgré certaines règles familialesencor e trop rigides selon le squelles il n ’est pointd’accès au plaisir et au désir s’il n’y a plus mise en lienavec la fonction de reproduction.Que le sexuel ne soit pas le génital, la psychanalyse l’adit de longue date. Et ce qui règle le droit de réfléchir àla différence entre désir et fonction de procréation n’estpas seulement de l’ordre individuel. Le poids de ce quiest prescrit au plan de la règle familiale (l’asexualité lorsde la vieillesse) est bien plus source d’étouffoir du vécuque ce qui est proscrit au plan pe rsonne l. D’a utresmodalités peuvent exister, rares toutefois, comme ceshommes âgés Don Juan, refusant de perdre leur statutde vieux-jeunes, aux prix de multiples risques.Dans l’ensemble, pour les personnes utilisatrices duViagra, ce qui est d’abord apprécié, c’est la satisfactionde retrouver un sentiment de continuité dans la vie psychosexuelle : «P our moi, cette petite pilule combatl’impuissance et redonne vigueur pendant une certainedurée et plus longtemps qu’a uparavant. Par voie deconséquence, le passage au (et non plus dans le) troisièmeâge se fait dans le temps sans rupture brutale».Espérons que comme a vec le traiteme nt anti-dépresseur , le r app ort à la ma la die se ra re vu dan s unedéma rche d’a utonomisation et de socia lisation plutôtque dans une quête de «puissance», de droit impérieuxd’avoir accès au «Tout biologique».Le support médicamenteux a le mérite considérable deréparer une blessure personnelle, narcissique en économisantparfois la relation, seule à même d’autoriserla question sur ce qui fait mal psychiquement.CONCLUSION __________________________________La prise en compte de la sexualité doit inciter le clinicien à mie ux c omprendre les différ ence s entre lasexualité des adultes, des â gés et même des adole s-cents. Les sujets âgés plus que les autres sont sensiblesau travail du temps qui transforme l’excitation sexuelleen sexualité psychique. Il y a alors place pour plus desouplesse tant du côté soignant que du côté des personnesâgées, vis-à-vis de la sexualité en général et deschoix existentiels que la vie psychique tardive peutencore fédére r. Alors pour termine r, rappe lons cequ'enseignait Merleau-P onty : «la sexualité est ce quifait qu'un homme a une histoire». Il ajoutait également :«un homme sans main ou sans système sexuel est aussiinconcevable qu'un homme sans pensée». La sexualitédans l’âge avancé : une idée folle, demens idea ? ■RÉFÉRENCES __________________________________1. D e Be a uvo ir S. La Vie illesse. Le deuxiè me sexe . G a llima rd. P aris1976;Tome 1:408.2. Jung CG. L'âme et la vie. Buschet-Chastel. Paris 1963.3. Tignol J, Brenot P, Etcheverry M, Grafeille N. Troubles de la sexualitédu sujet âgé et conjugopathies. Flammarion. Paris 1999:284-6.4. Ronsac C. On ne se lasse pas d'amour. Laffont. Paris 1992.5. Jarousse N. Sexualité et vieillissement. Pratiques du champ social, Eres,Saint-Agne 1995.6. 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