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Le problème de l'être et de la destinée : études expérimentales sur ...

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LA DOULEUR 291Il est assez difficile <strong>de</strong> faire entendre aux hommes que <strong>la</strong> souffranceest bonne. Chacun voudrait refaire <strong>et</strong> embellir <strong>la</strong> vie à son gré, <strong>la</strong> parer<strong>de</strong> tous les agréments, sans songer qu'il n'y a pas <strong>de</strong> bien sans peine, pasd'ascension sans efforts.La tendance générale consiste à s'enfermer dans le cercle étroit <strong>de</strong>l'individualisme, du chacun pour soi ; par là l'homme se rap<strong>et</strong>isse ; ilréduit à d'étroites limites tout ce qui en lui est grand, <strong>de</strong>stiné à s'étendre,à se di<strong>la</strong>ter, à prendre l'essor : <strong>la</strong> pensée, <strong>la</strong> conscience, toute son âme enun mot. Or, les jouissances, les p<strong>la</strong>isirs, l'oisiv<strong>et</strong>é stérile, ne font queresserrer encore ces limites, rendre plus étroits notre vie <strong>et</strong> notre coeur.Pour briser ce cercle, pour que toutes les vertus cachées s'épanchent au<strong>de</strong>hors,il faut <strong>la</strong> douleur. <strong>Le</strong> malheur, les épreuves font jaillir en nous lessources d'une vie inconnue <strong>et</strong> plus belle. La tristesse, <strong>la</strong> souffrance nousfont voir, entendre, sentir mille choses, délicates ou puissantes, quel'homme heureux ou l'homme vulgaire ne peuvent percevoir. <strong>Le</strong> mon<strong>de</strong>matériel s'obscurcit ; un autre se <strong>de</strong>ssine, vaguement d'abord, mais qui<strong>de</strong>viendra <strong>de</strong> plus en plus distinct, à me<strong>sur</strong>e que notre regard se détache<strong>de</strong>s choses inférieures <strong>et</strong> plonge dans l'illimité.<strong>Le</strong> génie n'est pas seulement le résultat <strong>de</strong> travaux sécu<strong>la</strong>ires ; c'estaussi l'apothéose, le couronnement <strong>de</strong> <strong>la</strong> souffrance. D'Homère au Dante,à Camoëns, au Tasse, à Milton, <strong>et</strong>, après eux, tous les grands hommesont souffert. La douleur a fait vibrer leurs âmes ; elle leur a inspiré c<strong>et</strong>tenoblesse <strong>de</strong> sentiment, c<strong>et</strong>te intensité d'émotion qu'ils ont su rendre avecles accents du génie <strong>et</strong> qui les ont immortalisés. L'âme ne chante jamaismieux que dans <strong>la</strong> douleur. Quand celle-ci touche aux profon<strong>de</strong>urs <strong>de</strong>l'être, elle en fait jaillir ces cris éloquents, ces appels puissants quiémeuvent <strong>et</strong> entraînent les foules.Il en est <strong>de</strong> même <strong>de</strong> tous les héros, <strong>de</strong> tous les grands caractères, <strong>de</strong>scoeurs généreux, <strong>de</strong>s esprits les plus éminents. <strong>Le</strong>ur élévation se me<strong>sur</strong>eà <strong>la</strong> somme <strong>de</strong>s souffrances endurées. Devant <strong>la</strong> douleur <strong>et</strong> <strong>la</strong> mort, l'âmedu héros, du martyr se révèle dans sa beauté touchante, dans sa gran<strong>de</strong>urtragique qui confine parfois au sublime, <strong>et</strong> l'auréole d'une lumièreinextinguible.Supprimez <strong>la</strong> douleur <strong>et</strong> vous supprimez du même coup ce qui est leplus digne d'admiration en ce mon<strong>de</strong>, c'est-à-dire le courage <strong>de</strong> <strong>la</strong>supporter. <strong>Le</strong> plus noble enseignement que l'on puisse proposer auxhommes, n'est-ce pas <strong>la</strong> mémoire <strong>de</strong> ceux qui ont souffert <strong>et</strong> sont morts

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