Le problème de l'être et de la destinée : études expérimentales sur ...
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LES ENFANTS PRODIGES ET L'HEREDITE 193Considérée sous cette lumière, la marche de l'humanité revêt uncaractère grandiose. Elle se dégage lentement de l'obscurité des âges,émerge des ténèbres de l'ignorance et de la barbarie, et avance à pasmesurés au milieu des obstacles et des tempêtes. Elle gravit la voie âpre,et, à chaque détour de sa route, entrevoit mieux les grandes cimes, lessommets lumineux où trônent la sagesse, la spiritualité, l'amour.Et cette marche collective est aussi la marche individuelle, celle dechacun de nous. Car cette humanité, c'est nous-mêmes ; ce sont lesmêmes êtres qui, après un temps de repos dans l'espace, reviennent desiècle en siècle, jusqu'à ce qu'ils soient mûrs pour une société meilleure,pour un monde plus beau. Nous étions parmi les générations écoulées etnous serons parmi les générations à venir. En réalité, nous ne formonsqu'une immense famille humaine en marche pour réaliser le plan divinécrit en elle, le plan de ses magnifiques destinées.Pour qui veut y prêter attention, tout un passé vit et tressaille en nous.Si l'Histoire, si toutes les choses anciennes ont tant d'attrait à nos yeux,si elles éveillent en nos âmes tant d'impressions profondes, parfoisdouloureuses, si nous nous sentons vivre de la vie des hommesd'autrefois, souffrir de leurs maux, c'est parce que cette histoire est lanotre. L'empressement mis par nous à étudier, à recueillir l'oeuvre desaïeux, les impulsions soudaines qui nous portent vers telle cause ou tellecroyance, n'ont pas d'autre raison d'être. Lorsque nous parcourons lesannales des siècles, nous passionnant pour certaines époques, quand toutnotre être s'anime et vibre aux souvenirs héroïques de la Grèce ou de laGaule, du moyen âge, des croisades, de la Révolution, c'est le passé quisort de l'ombre, s'anime et revit. A travers la trame tissée par les siècles,nous retrouvons les propres angoisses, les aspirations, les déchirementsde notre être. Le souvenir en est momentanément voilé en nous ; mais sinous interrogions notre subconscience, nous entendrions sortir de sesprofondeurs des voix tantôt vagues et confuses, tantôt éclatantes. Cesvoix nous parleraient de grandes épopées, de migrations d'hommes, dechevauchées furieuses qui passent comme des ouragans, emportant toutdans la nuit et dans la mort. Elles nous entretiendraient aussi des vieshumbles, effacées, des larmes silencieuses, des souffrances oubliées, desheures lourdes et monotones passées à méditer, à oeuvrer, à prier dans lesilence des cloîtres ou la vulgarité des existences pauvres et désolées.
194 LE PROBLEME DE L'ETRE ET DE LA DESTINEEA certaines heures, tout un monde obscur, confus, mystérieux, seréveille et vibre en nous, un monde dont les bruissements, les rumeursnous émeuvent et nous enivrent. C'est la voix du passé ; elle parle dansla transe somnambulique et nous raconte les vicissitudes de notre pauvreâme, errant à travers le monde. Elle nous dit que notre moi actuel est faitde nombreuses personnalités qui se retrouvent en lui comme les affluentsdans un fleuve, que notre principe de vie a animé bien des formes, dontla poussière repose là-bas parmi les débris des empires, sous les vestigesdes civilisations mortes. Toutes ces existences ont laissé au plus profondde nous-mêmes des traces, des souvenirs, des impressions ineffaçables.L'homme qui s'étudie et s'observe sent qu'il a vécu et revivra ; il héritede lui-même, récoltant dans le présent ce qu'il a semé autrefois, etsemant pour l'avenir.Ainsi s'affirment la beauté et la grandeur de cette conception des viessuccessives, qui vient compléter la loi d'évolution entrevue par lascience. S'exerçant à la fois dans tous les domaines, elle répartit à chacunsuivant ses oeuvres et nous montre, au-dessus de tout, cette majestueuseloi du progrès qui régit l'univers et entraîne la vie vers des états toujoursplus beaux, toujours meilleurs.XVI. - LES VIES SUCCESSIVES. - OBJECTIONS ETCRITIQUES.Nous avons répondu aux objections que fait naître tout d'abord dans lapensée l'oubli des vies antérieures. Il nous reste à en réfuter d'autres, d'uncaractère soit philosophique, soit religieux, que les représentants desEglises opposent volontiers à la doctrine des réincarnations.En premier lieu, nous dit-on, cette doctrine est insuffisante au point devue moral. En ouvrant à l'homme d'aussi vastes perspectives sur l'avenir,en lui laissant la possibilité de tout réparer dans ses existences futures,elle l'encourage au vice et à l'indolence ; elle n'offre pas un stimulantassez puissant et assez actuel pour la pratique du bien ; pour toutes cesraisons, elle est moins efficace que la crainte d'un châtiment éternelaprès la mort.
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LES ENFANTS PRODIGES ET L'HEREDITE 193Considérée sous c<strong>et</strong>te lumière, <strong>la</strong> marche <strong>de</strong> l'humanité revêt uncaractère grandiose. Elle se dégage lentement <strong>de</strong> l'obscurité <strong>de</strong>s âges,émerge <strong>de</strong>s ténèbres <strong>de</strong> l'ignorance <strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> barbarie, <strong>et</strong> avance à pasme<strong>sur</strong>és au milieu <strong>de</strong>s obstacles <strong>et</strong> <strong>de</strong>s tempêtes. Elle gravit <strong>la</strong> voie âpre,<strong>et</strong>, à chaque détour <strong>de</strong> sa route, entrevoit mieux les gran<strong>de</strong>s cimes, lessomm<strong>et</strong>s lumineux où trônent <strong>la</strong> sagesse, <strong>la</strong> spiritualité, l'amour.Et c<strong>et</strong>te marche collective est aussi <strong>la</strong> marche individuelle, celle <strong>de</strong>chacun <strong>de</strong> nous. Car c<strong>et</strong>te humanité, c'est nous-mêmes ; ce sont lesmêmes êtres qui, après un temps <strong>de</strong> repos dans l'espace, reviennent <strong>de</strong>siècle en siècle, jusqu'à ce qu'ils soient mûrs pour une société meilleure,pour un mon<strong>de</strong> plus beau. Nous étions parmi les générations écoulées <strong>et</strong>nous serons parmi les générations à venir. En réalité, nous ne formonsqu'une immense famille humaine en marche pour réaliser le p<strong>la</strong>n divinécrit en elle, le p<strong>la</strong>n <strong>de</strong> ses magnifiques <strong>de</strong>stinées.Pour qui veut y prêter attention, tout un passé vit <strong>et</strong> tressaille en nous.Si l'Histoire, si toutes les choses anciennes ont tant d'attrait à nos yeux,si elles éveillent en nos âmes tant d'impressions profon<strong>de</strong>s, parfoisdouloureuses, si nous nous sentons vivre <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie <strong>de</strong>s hommesd'autrefois, souffrir <strong>de</strong> leurs maux, c'est parce que c<strong>et</strong>te histoire est <strong>la</strong>notre. L'empressement mis par nous à étudier, à recueillir l'oeuvre <strong>de</strong>saïeux, les impulsions soudaines qui nous portent vers telle cause ou tellecroyance, n'ont pas d'autre raison d'être. Lorsque nous parcourons lesannales <strong>de</strong>s siècles, nous passionnant pour certaines époques, quand toutnotre être s'anime <strong>et</strong> vibre aux souvenirs héroïques <strong>de</strong> <strong>la</strong> Grèce ou <strong>de</strong> <strong>la</strong>Gaule, du moyen âge, <strong>de</strong>s croisa<strong>de</strong>s, <strong>de</strong> <strong>la</strong> Révolution, c'est le passé quisort <strong>de</strong> l'ombre, s'anime <strong>et</strong> revit. A travers <strong>la</strong> trame tissée par les siècles,nous r<strong>et</strong>rouvons les propres angoisses, les aspirations, les déchirements<strong>de</strong> notre être. <strong>Le</strong> souvenir en est momentanément voilé en nous ; mais sinous interrogions notre subconscience, nous entendrions sortir <strong>de</strong> sesprofon<strong>de</strong>urs <strong>de</strong>s voix tantôt vagues <strong>et</strong> confuses, tantôt éc<strong>la</strong>tantes. Cesvoix nous parleraient <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s épopées, <strong>de</strong> migrations d'hommes, <strong>de</strong>chevauchées furieuses qui passent comme <strong>de</strong>s ouragans, emportant toutdans <strong>la</strong> nuit <strong>et</strong> dans <strong>la</strong> mort. Elles nous entr<strong>et</strong>iendraient aussi <strong>de</strong>s vieshumbles, effacées, <strong>de</strong>s <strong>la</strong>rmes silencieuses, <strong>de</strong>s souffrances oubliées, <strong>de</strong>sheures lour<strong>de</strong>s <strong>et</strong> monotones passées à méditer, à oeuvrer, à prier dans lesilence <strong>de</strong>s cloîtres ou <strong>la</strong> vulgarité <strong>de</strong>s existences pauvres <strong>et</strong> désolées.