Le problème de l'être et de la destinée : études expérimentales sur ...
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LES ENFANTS PRODIGES ET L'HEREDITE 189et d'espérances. Mais, de toute cette splendeur de vie, la plupart deshommes ne voient et ne veulent voir que ce fragment chétif del'existence actuelle, existence d'un jour qu'ils croient sans précédent etsans lendemain. De là la faiblesse de la pensée philosophique et del'action morale à notre époque.Le travail antérieur effectué par chaque esprit peut être facilementcalculé, mesuré par la rapidité avec laquelle il exécute de nouveau untravail semblable sur un même sujet, ou bien par la promptitude qu'il metà s'assimiler les éléments d'une science quelconque. A ce point de vue, ladifférence entre les individus est tellement considérable qu'elle resteraitincompréhensible sans cette donnée des existences antérieures. Deuxpersonnes également intelligentes, étudiant un même sujet, ne sel'assimileront pas de la même façon ; l'une en saisira à première vue lesmoindres éléments, l'autre ne s'en pénétrera que par un lent travail et uneapplication soutenue. C'est que l'une a déjà connu ces matières et n'a qu'àse ressouvenir, tandis que l'autre se trouve pour la première fois en facede ces questions. Il en est de même de la facilité qu'ont certainespersonnes à accepter telle vérité, tel principe, tel point d'une doctrinepolitique ou religieuse, tandis que d'autres ne se laissent convaincre qu'àla longue, à force d'arguments. Pour les uns, c'est là une chose familièreà leur esprit, tandis qu'elle est nouvelle pour d'autres. Les mêmesconsidérations s'appliquent, nous l'avons vu, à la variété si grande descaractères et des dispositions morales. Sans la donnée des préexistences,la diversité sans bornes des intelligences et des consciences resterait unproblème insoluble, et la liaison des différents éléments du moi en untout harmonieux deviendrait un phénomène sans cause.Le génie, disions-nous, ne s'explique pas par l'hérédité ; pas davantagepar les conditions du milieu. Si l'hérédité pouvait produire le génie, ilserait beaucoup plus fréquent. La plupart des hommes célèbres eurentdes ascendants d'intelligence médiocre et leur descendance leur futnotoirement inférieure. Le Christ, Socrate, Jeanne d'Arc sont nés defamilles obscures. Des savants illustres sont sortis des milieux les plusvulgaires, par exemple Bacon, Copernic, Galvani, Kepler, Hume, Kant,Locke, Malebranche, Réaumur, Spinoza, Laplace, etc.. J. J. Rousseau,fils d'un horloger, se passionne pour la philosophie et les lettres dans laboutique de son père ; d'Alembert, enfant trouvé, fut ramassé, pendantune nuit d'hiver, sur le seuil d'une église et élevé par la femme d'un
190 LE PROBLEME DE L'ETRE ET DE LA DESTINEEvitrier. Ni l'ascendance, ni le milieu n'expliquent les conceptionsgéniales de Shakespeare.Les faits ne sont pas moins significatifs, lorsque nous considérons ladescendance des hommes de génie. Leur puissance intellectuelledisparaît avec eux ; on ne la retrouve pas chez leurs enfants. Les filsconnus de tel grand poète, de tel grand mathématicien, sont incapablesdes oeuvres les plus élémentaires dans ces deux modes de travaux. Parmiles hommes illustres, la plupart ont eu des fils stupides ou indignes.Périclès engendra deux sots tels que Parallas et Xantippe. Desdissemblances d'autre nature, mais aussi accentuées, se retrouvent chezAristippe et son fils Lysimaque, chez Thucydide et Milésias. Sophocle,Aristarque, Thémistocle ne furent pas mieux partagés dans leurs enfants.Quel contraste entre Germanicus et Caligula, entre Cicéron et son fils,Vespasien et Domitien, Marc Aurèle et Commode ! Et des fils deCharlemagne, d'Henri IV, de Pierre le Grand, de Goethe, de Napoléon,que peut-on dire ?Il est des cas cependant où le talent, la mémoire, l'imagination, les plushautes facultés de l'esprit, semblent héréditaires. Ces ressemblancespsychiques entre parents et enfants s'expliquent par l'attraction et lasympathie. Ce sont des esprits similaires, attirés les uns vers les autrespar des penchants analogues et que d'anciens rapports ont unis.Generans generat sibi simule. En ce qui concerne les aptitudesmusicales, on peut constater ce fait dans les cas de Mozart et du jeunePepito. Mais ces deux personnages dépassent de haut leurs ascendants.Mozart trône parmi les siens comme un soleil parmi d'obscures planètes.Les capacités musicales de sa famille ne suffisent pas à nous fairecomprendre qu'à 4 ans il ait pu révéler des connaissances que personnene lui avait encore enseignées, et montrer une science profonde des loisde l'harmonie. Lui seul est devenu célèbre ; tous les autres Mozart sontrestés ignorés. Evidemment, quand ces hautes intelligences le peuvent,afin de manifester plus librement leurs facultés, elles choisissent, pour seréincarner, un milieu où leurs goûts sont partagés et où les organismesmatériels sont, de génération en génération, exercés dans le sens qu'ilspoursuivent. Cela se rencontre particulièrement parmi les grandsmusiciens, pour qui des conditions spéciales de sensation et deperception sont indispensables. Mais, dans la plupart des cas, le génieapparaît au sein d'une famille, sans précédent et sans successeur, dans
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190 LE PROBLEME DE L'ETRE ET DE LA DESTINEEvitrier. Ni l'ascendance, ni le milieu n'expliquent les conceptionsgéniales <strong>de</strong> Shakespeare.<strong>Le</strong>s faits ne sont pas moins significatifs, lorsque nous considérons <strong>la</strong><strong>de</strong>scendance <strong>de</strong>s hommes <strong>de</strong> génie. <strong>Le</strong>ur puissance intellectuelledisparaît avec eux ; on ne <strong>la</strong> r<strong>et</strong>rouve pas chez leurs enfants. <strong>Le</strong>s filsconnus <strong>de</strong> tel grand poète, <strong>de</strong> tel grand mathématicien, sont incapables<strong>de</strong>s oeuvres les plus élémentaires dans ces <strong>de</strong>ux mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> travaux. Parmiles hommes illustres, <strong>la</strong> plupart ont eu <strong>de</strong>s fils stupi<strong>de</strong>s ou indignes.Périclès engendra <strong>de</strong>ux sots tels que Paral<strong>la</strong>s <strong>et</strong> Xantippe. Desdissemb<strong>la</strong>nces d'autre nature, mais aussi accentuées, se r<strong>et</strong>rouvent chezAristippe <strong>et</strong> son fils Lysimaque, chez Thucydi<strong>de</strong> <strong>et</strong> Milésias. Sophocle,Aristarque, Thémistocle ne furent pas mieux partagés dans leurs enfants.Quel contraste entre Germanicus <strong>et</strong> Caligu<strong>la</strong>, entre Cicéron <strong>et</strong> son fils,Vespasien <strong>et</strong> Domitien, Marc Aurèle <strong>et</strong> Commo<strong>de</strong> ! Et <strong>de</strong>s fils <strong>de</strong>Charlemagne, d'Henri IV, <strong>de</strong> Pierre le Grand, <strong>de</strong> Go<strong>et</strong>he, <strong>de</strong> Napoléon,que peut-on dire ?Il est <strong>de</strong>s cas cependant où le talent, <strong>la</strong> mémoire, l'imagination, les plushautes facultés <strong>de</strong> l'esprit, semblent héréditaires. Ces ressemb<strong>la</strong>ncespsychiques entre parents <strong>et</strong> enfants s'expliquent par l'attraction <strong>et</strong> <strong>la</strong>sympathie. Ce sont <strong>de</strong>s esprits simi<strong>la</strong>ires, attirés les uns vers les autrespar <strong>de</strong>s penchants analogues <strong>et</strong> que d'anciens rapports ont unis.Generans generat sibi simule. En ce qui concerne les aptitu<strong>de</strong>smusicales, on peut constater ce fait dans les cas <strong>de</strong> Mozart <strong>et</strong> du jeunePepito. Mais ces <strong>de</strong>ux personnages dépassent <strong>de</strong> haut leurs ascendants.Mozart trône parmi les siens comme un soleil parmi d'obscures p<strong>la</strong>nètes.<strong>Le</strong>s capacités musicales <strong>de</strong> sa famille ne suffisent pas à nous fairecomprendre qu'à 4 ans il ait pu révéler <strong>de</strong>s connaissances que personnene lui avait encore enseignées, <strong>et</strong> montrer une science profon<strong>de</strong> <strong>de</strong>s lois<strong>de</strong> l'harmonie. Lui seul est <strong>de</strong>venu célèbre ; tous les autres Mozart sontrestés ignorés. Evi<strong>de</strong>mment, quand ces hautes intelligences le peuvent,afin <strong>de</strong> manifester plus librement leurs facultés, elles choisissent, pour seréincarner, un milieu où leurs goûts sont partagés <strong>et</strong> où les organismesmatériels sont, <strong>de</strong> génération en génération, exercés dans le sens qu'ilspoursuivent. Ce<strong>la</strong> se rencontre particulièrement parmi les grandsmusiciens, pour qui <strong>de</strong>s conditions spéciales <strong>de</strong> sensation <strong>et</strong> <strong>de</strong>perception sont indispensables. Mais, dans <strong>la</strong> plupart <strong>de</strong>s cas, le génieapparaît au sein d'une famille, sans précé<strong>de</strong>nt <strong>et</strong> sans successeur, dans