« Dans ma formation à l’I.D.S., ça a été complètem<strong>en</strong>t différ<strong>en</strong>t. D’abord c’est <strong>un</strong> organisme d’é<strong>du</strong>cationpopulaire, inspiré <strong>des</strong> écoles Freinet. Le projet de vie de l’appr<strong>en</strong>ant est pris <strong>en</strong> compte (…) » Avec lesformateurs « c’était <strong>un</strong> échange perman<strong>en</strong>t, constructif. On nous a poussé à être autonomes face àl’appr<strong>en</strong>tissage : on nous a donné <strong>un</strong>e boîte à outils, après c’était à nous de nous <strong>en</strong> servir. Là ce n’étaitplus « appr<strong>en</strong>dre par cœur, recracher, oublier ». C’était dynamique. Je p<strong>en</strong>se qu’instituer la découvertedans l’appr<strong>en</strong>tissage est primordial ». Lucie p<strong>en</strong>se, et cela exprime ce que vit Théo, « le bon élève qui serepose sur ses acquis » et ne fait plus d’efforts, qu’ « on nous appr<strong>en</strong>d à être <strong>des</strong> fumistes, à vivre sur nosacquis, <strong>en</strong> nous disant « peut mieux faire » et <strong>en</strong> nous rabâchant sans cesse les mêmes choses (…), ilmanque l’appr<strong>en</strong>tissage de la curiosité. On ne nous appr<strong>en</strong>d pas à chercher par nous-mêmes mais à sesatisfaire <strong>du</strong> minimum ». La plupart trouv<strong>en</strong>t <strong>en</strong>fin que, si <strong>un</strong>e certaine autonomie existe à l’Université,l’ancrage dans <strong>un</strong>e réalité concrète, vers l’indép<strong>en</strong>dance, l’av<strong>en</strong>ir professionnel, est toujours faible.Marc : « La fac j’ai trouvé ça trop neutre. Et puis on se rapproche <strong>du</strong> monde professionnel et on n’a ri<strong>en</strong>de concret, pas de stages… ».Ces reproches faits à l’<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> général - plus précisém<strong>en</strong>t au système é<strong>du</strong>catif françaistraditionnel (et cela vaut alors dans l’approche traditionnelle de l’<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t <strong>du</strong> français commelangue étrangère, car si cet <strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t sort dans de nombreux contextes <strong>du</strong> cadre de l’é<strong>du</strong>cationnationale, il n’<strong>en</strong> reste pas moins académique) – sont aussi <strong>du</strong> même coup adressés aux <strong><strong>en</strong>seignant</strong>s.Inform<strong>en</strong>t-ils correctem<strong>en</strong>t leurs élèves sur la finalité de leur cours ? Sont-ils les dét<strong>en</strong>teurs d’<strong>un</strong> savoirabstrait ou <strong>des</strong> gui<strong>des</strong> vers <strong>un</strong>e connaissance utile aux appr<strong>en</strong>ants ? Beaucoup d’<strong><strong>en</strong>seignant</strong>s sont perçuspar leurs élèves comme <strong>des</strong> juges, <strong>des</strong> c<strong>en</strong>seurs. Pour Lucie par exemple, « le système de notation est <strong>un</strong>ecastration ». Pour B<strong>en</strong>jamin, l’évaluation est intéressante si elle est <strong>un</strong> guide, <strong>un</strong> aiguillage pourprogresser, si elle est <strong>en</strong>courageante. « Pour moi c’est comme ça que tu appr<strong>en</strong>ds, <strong>en</strong> te r<strong>en</strong>dant comptede tes erreurs ». Les appr<strong>en</strong>ants att<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t <strong>un</strong>e évaluation formatrice et non plus sommative. Un<strong><strong>en</strong>seignant</strong> qui les guide et non qui les juge.Ces dernières réflexions montr<strong>en</strong>t que l’<strong><strong>en</strong>seignant</strong> peut être assimilé, dans la perception qu’<strong>en</strong> ontses élèves, au système qu’il est c<strong>en</strong>sé représ<strong>en</strong>ter, aux métho<strong>des</strong> qu’il est c<strong>en</strong>sé utiliser, qu’il soit <strong>en</strong>accord ou non avec. Ils n’appréci<strong>en</strong>t pas toujours ce qui représ<strong>en</strong>te la tradition. Certains commeB<strong>en</strong>jamin la définiss<strong>en</strong>t comme dépassée (« préhistorique »), d’autres la trouve <strong>en</strong>core bénéfique(Christophe : «J’ai eu <strong>un</strong>e prof d’espagnol (…) qui portait <strong>des</strong> t<strong>en</strong>ues strictes, <strong>un</strong> peu rigide, qui nousfaisait r<strong>en</strong>trer <strong>en</strong> classe à la queue leu leu, et t<strong>en</strong>ir <strong>un</strong> cahier de verbes… Pourtant elle a réussi à nousfaire apprécier l’espagnol (…) »). On peut dire que l’arrivée de l’Approche Comm<strong>un</strong>icative dans ladidactique <strong>des</strong> langues répond dans son domaine, alliée aux élém<strong>en</strong>ts efficaces de l’approchetraditionnelle - c’est à dire dans <strong>un</strong>e forme de pédagogie éclectique - à plusieurs att<strong>en</strong>tes formulées par17
les personnes interrogées (et y répondrait dans d’autres si <strong>un</strong>e méthodologie similaire était adoptée…) :cette approche pr<strong>en</strong>d <strong>en</strong> compte son public le plus possible, ses besoins, et le considère dans soncontexte social et non plus scolaire. C’est pour F. Debyser « <strong>un</strong>e pratique plus efficace parce que plusfonctionnelle, plus pragmatique et plus concrète ». La faute n’est plus objet de sanction mais devi<strong>en</strong>t« erreur », constitutive de l’appr<strong>en</strong>tissage et point de repère dans l’évolution <strong>des</strong> appr<strong>en</strong>ants (on rejointici les propos de B<strong>en</strong>jamin sur le système d’évaluation employé par son professeur d’allemand)…Lucie att<strong>en</strong>d <strong>un</strong>e remise <strong>en</strong> question d’eux-mêmes de la part de certains de ses <strong><strong>en</strong>seignant</strong>s, et <strong>un</strong>eouverture d’esprit. Faut-il imputer au système et aux métho<strong>des</strong> souv<strong>en</strong>t imposées aux <strong><strong>en</strong>seignant</strong>s <strong>un</strong>ecertaine fermeture ? Ce que Lucie perçoit comme <strong>un</strong> manque de remise <strong>en</strong> question serait-il simplem<strong>en</strong>t<strong>un</strong> manque de liberté laissée aux <strong><strong>en</strong>seignant</strong>s ? Il est difficile d’apporter <strong>en</strong> peu de mots <strong>des</strong> réponses àces questions, et tel n’est pas mon propos, simplem<strong>en</strong>t s’il est certain que les métho<strong>des</strong> utilisées par les<strong><strong>en</strong>seignant</strong>s et la qualité de leur <strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t sont étroitem<strong>en</strong>t liées, ce qui m’intéresse ici sont lesélém<strong>en</strong>ts de leur personnalité qui influ<strong>en</strong>t sur l’appr<strong>en</strong>tissage de divers indivi<strong>du</strong>s, indép<strong>en</strong>damm<strong>en</strong>t <strong>des</strong>métho<strong>des</strong> imposées… Ce professeur de musique « blasé <strong>du</strong> cadre <strong>du</strong> programme » dont parle Ludmillaétait-il défaitiste, manquait-il d’imagination ou bi<strong>en</strong> lui interdisait-on réellem<strong>en</strong>t tout initiative…Durant mon stage à l’ école de San Blas j’ai observé <strong>des</strong> <strong><strong>en</strong>seignant</strong>s utilisant les mêmes métho<strong>des</strong> et lesrésultats étai<strong>en</strong>t tous différ<strong>en</strong>ts. Peut-être Juan était-il moins à l’aise dans l’approche comm<strong>un</strong>icative etincorporait-il à son cours plus d’exercices issus de l’approche traditionnelle. Mais cela faisait partie d’<strong>un</strong>choix et donc relève de sa personnalité propre. Les <strong><strong>en</strong>seignant</strong>s que décriv<strong>en</strong>t les personnes interrogéesfont égalem<strong>en</strong>t partie d’<strong>un</strong> même système, et certains compos<strong>en</strong>t apparemm<strong>en</strong>t avec mieux qued’autres.SynthèsePour clore ce second point, j’aimerais résumer ce qui vi<strong>en</strong>t d’être dit, <strong>en</strong> énumérant les qualitéscitées par les personnes interrogées à propos de leurs divers <strong><strong>en</strong>seignant</strong>s et <strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>ts, qualitésexistantes ou manquantes selon les cas… J’ai distingué :- <strong>un</strong> équilibre <strong>en</strong>tre fermeté/autorité et souplesse/humour- la proximité avec les élèves, sans dépasser <strong>un</strong>e limite souhaitable (cette proximité ne doit nisignifier égalité <strong>des</strong> places <strong>en</strong>tre <strong><strong>en</strong>seignant</strong>s et appr<strong>en</strong>ants, ce qui perturberait ces derniers, nijeu de sé<strong>du</strong>ction excessif de la part de l’<strong><strong>en</strong>seignant</strong>)- la psychologie18