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Etre un enseignant en devenir - Atelier des Sciences du Langage ...

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SommaireIntro<strong>du</strong>ction :Première expéri<strong>en</strong>ce d’<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t douloureuse, nécessité de compr<strong>en</strong>dre <strong>un</strong> malaise propre auxje<strong>un</strong>es <strong><strong>en</strong>seignant</strong>s, de réfléchir au rôle de l’<strong><strong>en</strong>seignant</strong> et à son l’influ<strong>en</strong>ce sur les appr<strong>en</strong>ants, auxatt<strong>en</strong>tes de ceux-ci, dans le souci de préparer au mieux l’<strong>en</strong>trée dans la profession.I. Le rôle de l’<strong><strong>en</strong>seignant</strong> : témoignages et observations d’appr<strong>en</strong>ants- Témoignage personnel- Témoignages de mon <strong>en</strong>tourage- Observations faîtes lors de mon stage à l’école officielle de langue de San Blas à MadridII.La personnalité de l’<strong><strong>en</strong>seignant</strong>, son influ<strong>en</strong>ce sur l’appr<strong>en</strong>ant : converg<strong>en</strong>ces(Analyse <strong>des</strong> propos et observations faîtes <strong>en</strong> première partie)+ synthèseIII.Malaise d’<strong><strong>en</strong>seignant</strong>s <strong>en</strong> dev<strong>en</strong>ir(Recueil et analyse <strong>des</strong> propos de je<strong>un</strong>es <strong><strong>en</strong>seignant</strong>s français et britanniques)IV.Vers <strong>des</strong> remédiations au malaise <strong>des</strong> je<strong>un</strong>es <strong><strong>en</strong>seignant</strong>s et pour <strong>un</strong>e meilleurequalité d’<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t- Se questionner sur son rôle futur auprès <strong>des</strong> appr<strong>en</strong>ants- Conseils d’<strong><strong>en</strong>seignant</strong>s- Se former <strong>en</strong> multipliant les expéri<strong>en</strong>ces- Se former par le théâtre :Parallèle <strong>en</strong>tre le métier d’<strong><strong>en</strong>seignant</strong> et le métier de comédi<strong>en</strong>Quelques outilsConclusion :Vers la déc<strong>en</strong>tration de soi et l’ouverture aux appr<strong>en</strong>ants…1


• Théo, 15 ans, élève de Seconde au Lycée Val de Seine (Grand-Quevilly, Seine-Maritime) :« Oui, j’aimais l’école, j’aimais appr<strong>en</strong>dre … Surtout l’histoire et le français » « Là je fais plus grandchose : je suis le bon élève qui se repose sur ses acquis »« On avait <strong>un</strong>e prof de français assez stricte, mais <strong>du</strong> coup tu appr<strong>en</strong>ais. Et puis elle avait <strong>un</strong> bonhumour, assez cynique » « On avait <strong>un</strong> prof de math qui saquait les élèves, qui faisait <strong>des</strong> réflexionsméchantes. J’aimais pas aller à son cours »« J’ai pas trop de problèmes à l’oral, mais c’est difficile dans certains cours, si la classe est dissipée, onparticipe à l’arrachée » « Les profs se font pas toujours respecter, y’<strong>en</strong> a certains qui ont l’airdésespérés »« Pour moi la plus grande qualité d’<strong>un</strong> prof c’est la comm<strong>un</strong>ication… Parler avec <strong>des</strong> termes clairs,pas être <strong>en</strong> décalage avec les élèves. Et puis savoir se faire respecter sans taper <strong>du</strong> poing sur la table »• B<strong>en</strong>jamin, 22 ans, étudiant <strong>en</strong> M1 informatique à l’ I.U.P. de Montpellier II (Hérault) :« Oui j’aimais l’école : on appr<strong>en</strong>ait plein de trucs, et puis c’est <strong>un</strong>e étape importante de l’intégrationsociale… Les bonnes notes c’était gratifiant » « Je détestais les interros, et puis les récitations devanttoute la classe »« Je ne trouvais pas le temps long, c’était comme ça, c’était normal » « Le rythme est dev<strong>en</strong>u plus <strong>du</strong>rau lycée, plus lourd, et j’<strong>en</strong> avais marre de certaines matières »« En primaire l’instit c’était <strong>un</strong>e deuxième maman, ou <strong>un</strong>e sorte de tuteur, de référ<strong>en</strong>t <strong>du</strong> mondea<strong>du</strong>lte » « Au collège ça change : on a plein de profs différ<strong>en</strong>ts, on peut les comparer »« En troisième j’avais <strong>un</strong>e prof d’allemand excell<strong>en</strong>te. Moi je trouve qu’on appr<strong>en</strong>ait souv<strong>en</strong>t <strong>des</strong>choses systématiques, et elle, elle nous donnait <strong>en</strong>vie, elle dédramatisait l’appr<strong>en</strong>tissage, il y avait<strong>un</strong>e finalité explicite à son cours. Et puis c’était pas <strong>un</strong> <strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t traditionnel, c’était beaucoupplus ludique. Par exemple on avait <strong>des</strong> jeux de cartes pour appr<strong>en</strong>dre les verbes… »« Elle était plutôt je<strong>un</strong>e, proche de nous, <strong>un</strong> peu comme <strong>un</strong>e grande sœur, et elle avait beaucoupd’humour. Ca changeait <strong>des</strong> profs préhistoriques ! » « Elle notait pas à la tête, et puis son systèm<strong>en</strong>’était pas impersonnel, on se s<strong>en</strong>tait reconnus » « Ca changeait <strong>des</strong> profs plus ou moins passifs aveclesquels on était anonymes »« J’aimais bi<strong>en</strong> sa manière de nous évaluer. Elle ne corrigeait pas nos copies <strong>en</strong> rayant nos fautes,mais <strong>en</strong> nous aiguillant, sans nous donner directem<strong>en</strong>t la solution, et on avait <strong>un</strong>e seconde chance<strong>en</strong> lui r<strong>en</strong>dant notre propre correction. C’était <strong>en</strong>courageant. Pour moi c’est comme ça que tuappr<strong>en</strong>ds, <strong>en</strong> te r<strong>en</strong>dant compte de tes erreurs »6


« On a eu aussi <strong>un</strong>e prof de math comme ça, qui donnait <strong>des</strong> images, <strong>des</strong> exemples, <strong>des</strong>mnémotechniques. C’est important pour accrocher à <strong>un</strong>e matière aussi abstraite »« J’ai bi<strong>en</strong> aimé mon arrivée à la fac : plus d’autonomie, pas d’obligations, t’es pas fliqué <strong>en</strong> fait, tuappr<strong>en</strong>ds pour toi, même si <strong>des</strong> fois c’est à double tranchant » « Ce qui me gêne plus c’est qu’on estdéconnectés <strong>du</strong> monde professionnel, sauf si on veut travailler dans l’<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t ou larecherche »• Marc, 23 ans, récemm<strong>en</strong>t diplômé de l’I.F.P (Ecole d’ingénieur informatique ettélécomm<strong>un</strong>ications à Paris) :« J’aimais pas vraim<strong>en</strong>t l’école, à part pour voir les copains »« J’ai eu <strong>un</strong>e prof de math qui me détestait parce-que je ne faisais ri<strong>en</strong> mais que j’étais bon. Elle aessayé de me décourager <strong>en</strong> me disant que j’allais me planter <strong>en</strong> prépa… Et puis de manière généraleelle nous faisait subir ses problèmes personnels, elle changeait tout le temps d’humeur »« Y’a <strong>des</strong> profs qui m’ont plu, si. Je me souvi<strong>en</strong>s d’<strong>un</strong> prof d’histoire, c’était pas « juste <strong>un</strong> prof ». Ilétait pédagogue, il faisait vivre son cours, il parlait comme <strong>un</strong> je<strong>un</strong>e, et puis il mettait l’histoire <strong>en</strong>rapport avec l’actualité… Il avait de l’humour et il était strict quand il fallait. Il était proche de nous.On a même fait <strong>des</strong> repas avec lui »« La fac j’ai trouvé ça trop neutre. Et puis on se rapproche <strong>du</strong> monde professionnel et on n’a ri<strong>en</strong> deconcret, pas de stages… »• Lucie, 28 ans, étudiante <strong>en</strong> première année d’arabe à Montpellier III (Hérault) :« J’aimais l’école, le fait de ne pas être chez moi, l’aspect social. Et puis le jeu, la découverte, lesmatières considérées comme secondaires : le <strong>des</strong>sin, la musique… » « Je n’aimais pas qu’on nousoblige à faire la sieste »« Je n’ai jamais aimé ne pas connaître la finalité d’<strong>un</strong> travail »« Je m’<strong>en</strong>nuyais <strong>des</strong> fois <strong>en</strong> classe, je me taisais parce qu’on me disait de me taire, je restais tranquilledans mon coin » « Je ne me s<strong>en</strong>tais pas à l’aise à l’oral. Des fois j’étais la seule à connaître larécitation, et le prof am<strong>en</strong>ait si mal les choses que je faisais semblant de ne pas savoir non plus… Il ya <strong>des</strong> profs qui interrog<strong>en</strong>t toujours le même bon élève, <strong>en</strong> dernier recours, quand toi tu voudrais tefaire toute petite »« Je trouve que dans le système scolaire français, il n’y a pas de place pour le défoulem<strong>en</strong>t. Desactivités primordiales telles que la musique, le <strong>des</strong>sin, le sport, sont considérées commesecondaires »7


« Je ne compr<strong>en</strong>ds pas la disposition frontale dans les classes. On devrait faire comme <strong>en</strong>Allemagne : ils dispos<strong>en</strong>t les classes <strong>en</strong> U, tout le monde se voit et peut comm<strong>un</strong>iquer…»« Le système de notation est <strong>un</strong>e castration. Et quand on annonçait les notes de tout le mondedevant la classe, j’<strong>en</strong> dev<strong>en</strong>ais fière d’avoir <strong>des</strong> mauvaises notes » « Je n’avais pas peur <strong>des</strong> interros,j’étais détachée… Ca avait de moins <strong>en</strong> moins de valeur. Je trouve qu’on nous appr<strong>en</strong>d à nous <strong>en</strong>foutre » « On nous appr<strong>en</strong>d à être <strong>des</strong> fumistes, à vivre sur nos acquis, <strong>en</strong> nous disant « peut mieuxfaire » et <strong>en</strong> nous rabâchant sans cesse les mêmes choses »« Je crois que tout se joue <strong>en</strong> primaire : il manque l’appr<strong>en</strong>tissage de la curiosité. On ne nousappr<strong>en</strong>d pas à chercher par nous mêmes mais à se satisfaire <strong>du</strong> minimum » « Il manque <strong>un</strong>e véritableé<strong>du</strong>cation civique, <strong>un</strong> appr<strong>en</strong>tissage de la vie »« J’aimais les profs qui am<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t <strong>du</strong> ludisme, et qui fonctionnai<strong>en</strong>t au cas par cas, parce que çadonnait à chac<strong>un</strong> <strong>un</strong> rôle à jouer » « Je n’aimais pas les cours traditionnels, où on nous répétaittoujours la même chose, sans surprises, les professeurs qui lisai<strong>en</strong>t leurs fiches, trop sévères, ou quine maîtrisai<strong>en</strong>t pas leur classe et faisai<strong>en</strong>t la police. Par exemple j’<strong>en</strong> suis arrivée au dégoût <strong>des</strong>maths dans <strong>un</strong>e classe où il n’y avait auc<strong>un</strong>e discipline et où le prof était laxiste »« Je n’aim<strong>en</strong>t pas les profs qui ne s’impliqu<strong>en</strong>t pas, g<strong>en</strong>tils mais mous, assez âgés et avec <strong>des</strong> idéesarrêtées, qui ne se remett<strong>en</strong>t pas <strong>en</strong> question »« Il y a eu <strong>un</strong> prof de philo <strong>en</strong> terminale qui m’a vraim<strong>en</strong>t motivée. Il était passionné, et il avait <strong>du</strong>charisme : il avait <strong>un</strong> physique agréable, et puis <strong>un</strong>e certaine froideur qui nous intriguait. Il faisaitde l’humour à froid, il était pince sans rire, et <strong>en</strong> même temps assez chaleureux. En fait c’était <strong>un</strong>bon équilibre. Il faisait la part <strong>des</strong> choses <strong>en</strong>tre son cours et le dialogue : il savait repr<strong>en</strong>dre le coursoù il <strong>en</strong> était, le faire avancer, faire avancer le débat. Il avait <strong>un</strong>e voix grave, et <strong>un</strong> air <strong>un</strong> peuinquiétant… Un débit l<strong>en</strong>t… Il faisait <strong>des</strong> pauses, il nous t<strong>en</strong>ait <strong>en</strong> haleine. Il y avait <strong>un</strong>e part <strong>des</strong>é<strong>du</strong>ction <strong>en</strong> fait. Et puis il cherchait toujours les mots justes, ri<strong>en</strong> n’était laissé au hasard. Je croisqu’il aurait fait <strong>un</strong> bon journaliste ! »• Christophe, 30 ans, médecin à Perpignan (Pyrénées Ori<strong>en</strong>tales) :« J’ai eu <strong>un</strong> prof d’espagnol qui m’a vraim<strong>en</strong>t motivé. Il organisait <strong>des</strong> échanges avec <strong>des</strong>correspondants. Il était proche de toi, te parlait de choses qui te touchai<strong>en</strong>t <strong>en</strong> tant qu’adolesc<strong>en</strong>t…On a même été <strong>en</strong> boîte avec lui ! Et puis il n’avait jamais besoin d’élever la voix… »« Plus tard j’ai eu <strong>un</strong>e prof d’espagnol complètem<strong>en</strong>t différ<strong>en</strong>te, qui portait <strong>des</strong> t<strong>en</strong>ues strictes, <strong>un</strong>peu rigide, qui nous faisait r<strong>en</strong>trer <strong>en</strong> classe à la queue leu leu, et t<strong>en</strong>ir <strong>un</strong> cahier de verbes…Pourtant elle a réussi à nous faire apprécier l’espagnol : elle v<strong>en</strong>ait de là-bas et elle aimait sa langue.Elle était vraim<strong>en</strong>t passionnée »8


« Il y avait <strong>des</strong> profs qui mettai<strong>en</strong>t <strong>des</strong> notes terribles dès le début. Soit ça te décourageait, soit ça temettait au défi… C’est <strong>un</strong>e méthode de sélection, ou alors <strong>un</strong> moy<strong>en</strong> pour que les élèves seremett<strong>en</strong>t <strong>en</strong> question… »• Ludmilla, 32 ans, récemm<strong>en</strong>t diplômée <strong>du</strong> DEFA (Diplôme d'Etat relatif aux Fonctionsd'Animation) (Rou<strong>en</strong>, Seine Maritime) :« Je n’aimais pas l’école, les cont<strong>en</strong>us <strong>des</strong>c<strong>en</strong>dants. Un prof qui parle et que tu écoutes. Pour moic’était <strong>du</strong> gavage »« Avec certains profs sévères, j’avais vraim<strong>en</strong>t la trouille, même de demander à sortir pour aller auxtoilettes » « J’ai eu <strong>des</strong> profs sadiques. Une prof d’anglais qui a mis le chewing-gum d’<strong>un</strong> élève dansses cheveux parce qu’il avait fait semblant de le jeter à la poubelle et l’avait gardé dans la bouche.Une autre fois elle a vidé le cartable d’<strong>un</strong> élève sur l’estrade parce qu’il remballait ses affaires avantla fin <strong>du</strong> cours… »« Dans l’<strong>en</strong>semble je trouve que les professeurs ne mett<strong>en</strong>t pas les élèves à l’aise à l’oral »« Il y a quelques profs que j’ai vraim<strong>en</strong>t appréciés. Un prof d’histoire, qui nous racontait <strong>des</strong>anecdotes <strong>en</strong> dehors <strong>du</strong> programme, qui faisait vivre son cours, qui le r<strong>en</strong>dait concret » « Un autreprof d’histoire, assez âgé, avec <strong>un</strong>e voix grave. C’était <strong>un</strong> bon vivant et il aimait visiblem<strong>en</strong>t samatière. Il avait beaucoup de prés<strong>en</strong>ce, il nous parlait à la manière d’<strong>un</strong> conteur. Et puis on pouvaitparticiper. Il nous considérait comme de futurs citoy<strong>en</strong>s »« On a eu <strong>un</strong> prof de math aussi, qui avait beaucoup d’humour. Il s’appelait Mr Bœuf, et on faisait<strong>des</strong> blagues sur son nom, g<strong>en</strong>re « on n’est pas <strong>des</strong> bœufs ». Il riait avec nous et lançait <strong>des</strong> craies àtravers la classe ! » « Son cours était concret. Il nous expliquait à quoi allai<strong>en</strong>t nous servir tel ou telexercice dans la vie »« On avait <strong>un</strong> super prof de musique, mais il était blasé <strong>du</strong> cadre <strong>du</strong> programme. J’ai jamais comprispourquoi on nous impose la flûte à bec, c’est <strong>un</strong> instrum<strong>en</strong>t qui ne fait pas vite <strong>un</strong> joli son, c’estdécourageant. Et puis on pourrait varier, faire <strong>des</strong> petits orchestres avec la classe, ce g<strong>en</strong>re dechoses… »« J’aimais les sorties, dans les musées par exemple. On avait <strong>des</strong> mom<strong>en</strong>ts de quartier libre, on nousfaisait confiance »« J’aimais bi<strong>en</strong> les professeurs proches de nous, mais dans <strong>un</strong>e certaine mesure. Une fois au lycée <strong>un</strong>prof est sorti avec <strong>un</strong>e élève, là j’ai trouvé ça carrém<strong>en</strong>t inadmissible »« Dans ma formation à l’I.D.S.*, ça a été complètem<strong>en</strong>t différ<strong>en</strong>t. D’abord c’est <strong>un</strong> organismed’é<strong>du</strong>cation populaire, inspiré <strong>des</strong> écoles Freinet. Le projet de vie de l’appr<strong>en</strong>ant est pris <strong>en</strong> compte »« On était <strong>un</strong> groupe d’<strong>un</strong>e quinzaine de personnes, et on avait <strong>un</strong> rapport de « collègues à9


collègues » avec nos formateurs… Par exemple on se tutoyait. C’était <strong>un</strong> échange perman<strong>en</strong>t,constructif. On nous a poussé à être autonomes face à l’appr<strong>en</strong>tissage : on nous a donné <strong>un</strong>e boîte àoutils, après c’était à nous de nous <strong>en</strong> servir. Là ce n’était plus « appr<strong>en</strong>dre par cœur, recracher,oublier ». C’était dynamique »« Je p<strong>en</strong>se qu’instituer la découverte dans l’appr<strong>en</strong>tissage est primordial » « L’école de A. S. Neill,basée sur la confiance (les cours à la carte, les règles de vie votées par les élèves), montre qu’il fautcroire <strong>en</strong> l’Humain ».* Institut Départem<strong>en</strong>tal SocialObservations faîtes lors de mon stage à l’école officielle de langue de San Blas à MadridEnfin, pour clore cette partie, suiv<strong>en</strong>t quelques observations que j’ai pu faire lors de mon stage àl’école de langues de San Blas. Il s’agit d’<strong>un</strong> bref comparatif <strong>en</strong>tre différ<strong>en</strong>tes manières d’aborder <strong>un</strong>cours par quatre professeurs de français, et l’influ<strong>en</strong>ce visible de celles-ci sur les appr<strong>en</strong>ants. (Il ne s’agitici que de mes impressions. Je n’ai pu interroger les élèves au sujet de leurs <strong><strong>en</strong>seignant</strong>s <strong>du</strong>rant monstage pour <strong>des</strong> raisons de temps et surtout de contexte : il aurait semblé maladroit de le faire sur leterrain de l’école et je n’ai pu à ce mom<strong>en</strong>t disposer d’<strong>un</strong> terrain neutre…).J’ai observé les classes de Lola, d’Armelle, de Juan et de Celia. Ils ont tous le même âge (<strong>en</strong>tre 35et 40 ans). Seule Armelle est française d’origine, Juan et Lola ont longtemps vécu <strong>en</strong> France et Celia aappris le français <strong>en</strong> Espagne…Armelle est celle qui semble la plus organisée. Son cours est parfaitem<strong>en</strong>t « huilé », les diversesactivités réparties sur les deux heures s’<strong>en</strong>chaîn<strong>en</strong>t sans mom<strong>en</strong>ts creux, et chac<strong>un</strong>e alterne pour donner<strong>un</strong>e respiration à l’autre. Les exercices de grammaire laiss<strong>en</strong>t place à <strong>un</strong>e activité ludique, puis celle-ci à<strong>un</strong>e activité de réflexion personnelle, puis à <strong>un</strong> dialogue, puis à <strong>un</strong> débat, ainsi de suite… Ri<strong>en</strong> n’estlaissé au hasard. J’ai observé plusieurs fois le même cours avec ses différ<strong>en</strong>tes classes, et il se déroulaitchaque fois de la même façon. J’ai observé att<strong>en</strong>tivem<strong>en</strong>t les appr<strong>en</strong>ants p<strong>en</strong>dant ses cours, et il était trèsrare d’<strong>en</strong> voir <strong>un</strong> rêvasser ou se tourner les pouces. J’ai pu noter que certaines plaisanteries, jeux demots, anecdotes, tombai<strong>en</strong>t chaque fois au même mom<strong>en</strong>t : Armelle théâtralise ses cours pour capterl’att<strong>en</strong>tion de ses élèves, <strong>en</strong> pro<strong>du</strong>isant différ<strong>en</strong>ts effets (rire, étonnem<strong>en</strong>t, curiosité…). Elle ménage <strong>des</strong>pauses à certains <strong>en</strong>droits de son discours, laisse planer le mystère après avoir posé <strong>un</strong>e question, balaiela classe <strong>du</strong> regard sourire aux lèvres <strong>en</strong> att<strong>en</strong>dant les réactions. Parfois, l’effet escompté se pro<strong>du</strong>it dans10


<strong>un</strong>e classe et pas dans la suivante, « la sauce ne pr<strong>en</strong>d pas ». Apparemm<strong>en</strong>t, cela peut être dû à la fatigued’Armelle, et à celle <strong>des</strong> élèves (cours plus tardifs de 19h à 21h).Elle donne beaucoup d’énergie <strong>du</strong>rant ses cours. Elle ramène souv<strong>en</strong>t quelque chose de sesséjours <strong>en</strong> France, à l’occasion <strong>des</strong> fêtes ou pour l’anniversaire <strong>des</strong> élèves. Elle est att<strong>en</strong>tive à chac<strong>un</strong>d’eux - ils sont <strong>un</strong>e quinzaine <strong>en</strong>viron par classe - et connaît les prénoms de chac<strong>un</strong> par cœur depuis lepremier jour (elle me confie qu’elle fait cela depuis <strong>des</strong> années, que cela « bluffe » les élèves et instaure<strong>un</strong> rapport de confiance plus rapidem<strong>en</strong>t). Les tours de parole lors <strong>des</strong> débats ou participations diversessont équitables. Elle fait beaucoup d’humour, semble connaître leurs personnalités et les taquine. Ilsréagiss<strong>en</strong>t avec le sourire. Elle les infantilise <strong>un</strong> peu, avec <strong>un</strong>e façon de parler très douce et <strong>en</strong>employant par mom<strong>en</strong>t la troisième personne <strong>du</strong> singulier pour s’adresser à l’<strong>un</strong> d’eux. Comme lesélèves ont <strong>des</strong> âges très variés (de 16 à 70 ans), cela paraît parfois étrange, mais je n’ai perçu auc<strong>un</strong>eréaction négative. Les élèves d’Armelle m’ont paru la plupart <strong>du</strong> temps <strong>en</strong>thousiastes, motivés, etappliqués dans leur travail…Lola est la directrice <strong>du</strong> départem<strong>en</strong>t de français, et l’<strong><strong>en</strong>seignant</strong>e la plus anci<strong>en</strong>ne de l’école.Elle pratique égalem<strong>en</strong>t l’humour avec ses élèves, avec lesquels on la s<strong>en</strong>t proche. Elle demande queceux-ci la tutoi<strong>en</strong>t même <strong>en</strong> français (<strong>en</strong> espagnol on se tutoie très facilem<strong>en</strong>t, à tous niveaux d’<strong>un</strong>ehiérarchie sociale), contrairem<strong>en</strong>t à Armelle qui p<strong>en</strong>se que ce serait leur donner de mauvaises habitu<strong>des</strong>langagières quant aux normes socioculturelles <strong>du</strong> pays dont ils appr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t la langue…Elle est moins énergique qu’Armelle et le rythme de ses cours est moins sout<strong>en</strong>u. Pour autantses élèves ne sembl<strong>en</strong>t pas s’éparpiller : le cours est structuré, même si on peut noter quelques mom<strong>en</strong>tsde flottem<strong>en</strong>t où elle cherche <strong>des</strong> docum<strong>en</strong>ts ou accessoires non préparés à l’avance…Elle aime fairefaire aux élèves <strong>des</strong> jeux pour appr<strong>en</strong>dre la langue (jeux de carte, de devinettes, quiz par équipes …).L’atmosphère de la classe est dét<strong>en</strong><strong>du</strong>e, chac<strong>un</strong> participe, le dialogue est ouvert. Lola a <strong>un</strong>e voixtrès douce, rassurante. Elle a l’air fatiguée et m’a confiée quelques problèmes personnels, mais son étatn’avait pas l’air de perturber la classe. On la s<strong>en</strong>t appréciée de ses élèves.Juan a <strong>un</strong>e approche différ<strong>en</strong>te de celle d’Armelle et de Lola, plus traditionnelle. Il a <strong>un</strong>eattitude plus scolaire, plus prescriptive et ses élèves sembl<strong>en</strong>t plus timi<strong>des</strong>. Dans l’<strong>en</strong>semble ilss’exprim<strong>en</strong>t moins bi<strong>en</strong> <strong>en</strong> français que les élèves de Lola et d’Armelle, à <strong>un</strong> niveau de classe pourtantégal.S’ils ne trouv<strong>en</strong>t pas facilem<strong>en</strong>t les réponses att<strong>en</strong><strong>du</strong>es il a t<strong>en</strong>dance à leur donner sans lesaiguiller. Il ne leur propose quasim<strong>en</strong>t pas d’activités ludiques et laisse peu de place à l’oral. En retourles élèves ont l’air moins à l’aise que dans les classes d’Armelle et de Lola.11


D’<strong>un</strong>e manière générale, on peut s<strong>en</strong>tir Juan peu épanoui dans son travail. Il regarde souv<strong>en</strong>t samontre, et son cours n’a pas toujours l’air préparé : il cherche parfois au fur et à mesure de son coursquelles activités faire faire aux élèves, et p<strong>en</strong>dant ce temps leur donne <strong>des</strong> docum<strong>en</strong>ts à lire. Cela se faits<strong>en</strong>tir dans la classe. Les élèves sont <strong>un</strong> peu distraits, dissipés, et regard<strong>en</strong>t aussi leurs montres…Juan ne manque cep<strong>en</strong>dant pas d’humour. Il est <strong>un</strong> peu cynique et taquine égalem<strong>en</strong>t ses élèves,qui eux-mêmes le taquin<strong>en</strong>t. On s<strong>en</strong>t pourtant <strong>un</strong>e légère pointe d’acidité dans les réparties échangées,<strong>un</strong> regard critique de la part de l’<strong><strong>en</strong>seignant</strong> sur ses élèves et vice-versa…Celia est <strong>un</strong>e <strong><strong>en</strong>seignant</strong>e de français extérieure à l’école, elle est v<strong>en</strong>ue remplacer <strong>un</strong>e<strong><strong>en</strong>seignant</strong>e souffrante. Sa façon d’<strong>en</strong>seigner contraste énormém<strong>en</strong>t avec celle <strong>des</strong> trois <strong><strong>en</strong>seignant</strong>sprécédemm<strong>en</strong>t cités. D’abord, elle disp<strong>en</strong>se sa classe <strong>en</strong> majorité dans la langue maternelle <strong>des</strong>appr<strong>en</strong>ants. Elle parle très vite et les élèves sont souv<strong>en</strong>t obligés de lui demander de répéter. Elle n’avisiblem<strong>en</strong>t pas été informée <strong>du</strong> cont<strong>en</strong>u <strong>des</strong> leçons précédemm<strong>en</strong>t vues par les élèves et ceux-ci s’<strong>en</strong>plaign<strong>en</strong>t. Elle est brouillon. Elle saute d’<strong>un</strong> point à <strong>un</strong> autre, met <strong>en</strong> route <strong>des</strong> exercices audio sans lesexpliquer au préalable, est hésitante dans sa démarche… Elle parle beaucoup (toujours <strong>en</strong> espagnol,langue maternelle <strong>des</strong> appr<strong>en</strong>ants) de sujets sans rapport avec le cours… Les élèves se dissip<strong>en</strong>t, parl<strong>en</strong>t<strong>en</strong>tre eux, demand<strong>en</strong>t les consignes à leurs voisins. Elle continue d’agir de la même manière. Elle utiliseénormém<strong>en</strong>t de métalangage et les élèves (de première année) sont per<strong>du</strong>s. Ses explications sontimprovisées et peu claires. Elle ne note ri<strong>en</strong> au tableau. Elle parle <strong>des</strong> fois pour elle même, sans regarderles élèves et sans articuler… P<strong>en</strong>dant que les élèves lis<strong>en</strong>t <strong>un</strong> texte à tour de rôle à voix haute elle range<strong>des</strong> affaires dans <strong>un</strong> placard, ne semble pas les écouter att<strong>en</strong>tivem<strong>en</strong>t… On peut s<strong>en</strong>tir la conc<strong>en</strong>tration<strong>des</strong> élèves décroître au fil <strong>des</strong> minutes.12


II. La personnalité de l’<strong><strong>en</strong>seignant</strong>, son influ<strong>en</strong>ce sur l’appr<strong>en</strong>ant : converg<strong>en</strong>ces(Analyse <strong>des</strong> propos et observations faîtes <strong>en</strong> première partie)Dans ce second point, je propose de mettre <strong>en</strong> évid<strong>en</strong>ce les points comm<strong>un</strong>s ou diverg<strong>en</strong>cesrelevés dans les observations faîtes <strong>en</strong> première partie (aussi bi<strong>en</strong> à partir <strong>des</strong> propos <strong>des</strong> personnesinterrogées, que de ce que j’ai pu observer <strong>du</strong>rant mon stage), afin de dégager les att<strong>en</strong>tes <strong>des</strong> appr<strong>en</strong>antsquant à leurs <strong><strong>en</strong>seignant</strong>s, et de relever les traits de personnalité chez ces derniers influ<strong>en</strong>ts sur eux,influ<strong>en</strong>ce bi<strong>en</strong> sûr fonction de la s<strong>en</strong>sibilité et subjectivité de chac<strong>un</strong>…Toutes les personnes interrogées sembl<strong>en</strong>t apprécier s’ils le trouv<strong>en</strong>t chez leurs professeurs <strong>un</strong>certain équilibre <strong>en</strong>tre souplesse et fermeté. Ils n’accroch<strong>en</strong>t ni avec les professeurs trop sévères(certains ont pu aller jusqu’à paniquer à l’idée d’aller <strong>en</strong> classe) ni avec les professeurs trop laxistes(certains <strong>en</strong> sont arrivés jusqu’au dégoût <strong>du</strong> cours à cause <strong>du</strong> manque de discipline). L’humour est laqualité la plus citée, avec <strong>un</strong>e discipline douce, mais ferme. On aime <strong>des</strong> <strong><strong>en</strong>seignant</strong>s « stricts quand ilfaut », qui n’ont « pas besoin d’élever la voix » ni de « taper <strong>du</strong> poing sur la table pour se faire <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre».On apprécie égalem<strong>en</strong>t <strong>un</strong> cours bi<strong>en</strong> structuré. Sans structure le cours est flottant, comme dansla classe de Celia, et les élèves se dispers<strong>en</strong>t, se fatigu<strong>en</strong>t plus vite voire s’<strong>en</strong>nui<strong>en</strong>t. Ce phénomène estégalem<strong>en</strong>t visible dans la classe de Juan dans laquelle les élèves regard<strong>en</strong>t facilem<strong>en</strong>t leurs montres…Cela se ress<strong>en</strong>t <strong>en</strong>suite dans leur appr<strong>en</strong>tissage. Sans structure il est beaucoup plus difficile de mémoriserou tout simplem<strong>en</strong>t de suivre le fil d’<strong>un</strong> cours. On peut supposer que c’est <strong>en</strong> partie à cause d’<strong>un</strong> manquede structure dans son cours que les élèves de Juan ont plus de mal à suivre et à s’exprimer <strong>en</strong> langueétrangère…Une certaine proximité réciproque, <strong><strong>en</strong>seignant</strong>-appr<strong>en</strong>ants, r<strong>en</strong>tre égalem<strong>en</strong>t dans les critèrespositifs cités par les personnes interrogées. On la retrouve au niveau de l’humour, créateur deconniv<strong>en</strong>ce. On la retrouve aussi dans le discours de l’<strong><strong>en</strong>seignant</strong> : sa capacité à employer <strong>des</strong> termesclairs, à la portée de l’appr<strong>en</strong>ant, voire <strong>des</strong> termes propres à la génération de ce dernier.La pratique <strong>du</strong> tutoiem<strong>en</strong>t permet aussi de rapprocher <strong><strong>en</strong>seignant</strong>s et appr<strong>en</strong>ants, <strong>du</strong> moins d<strong>en</strong>e pas formaliser la distance existante <strong>en</strong>tre les places de chac<strong>un</strong>. Dans la formation de Ludmilla àl’I.D.S., celle-ci a instauré <strong>en</strong>tre eux <strong>un</strong> rapport de « collègues à collègues ». Armelle vouvoie ses élèves,<strong>en</strong> français <strong>un</strong>iquem<strong>en</strong>t, pour leur <strong>en</strong>seigner les normes socioculturelles propres à cette langue sur leterritoire français, alors que Lola les tutoie et leur demande de la tutoyer même <strong>en</strong> français pour ne pasétablir, dit-elle, de rapport hiérarchique, quitte à laisser de côté le facteur socioculturel.La proximité avec les élèves peut aussi se manifester dans l’évaluation, orale ou écrite : celle-cipeut être personnelle, personnalisée, et l’appr<strong>en</strong>ant se s<strong>en</strong>t <strong>du</strong> même coup considéré comme <strong>un</strong> indivi<strong>du</strong>13


<strong>un</strong>ique et reconnu par son <strong><strong>en</strong>seignant</strong>. Quand Armelle appr<strong>en</strong>d par cœur les prénoms de ses élèves lejour de la r<strong>en</strong>trée, elle participe à la mise <strong>en</strong> place de cette proximité, <strong>en</strong> comm<strong>en</strong>çant par lecomm<strong>en</strong>cem<strong>en</strong>t : ne pas laisser les élèves dans l’anonymat.Un rapport de confiance est aussi demandé. B<strong>en</strong>jamin a aimé son <strong>en</strong>trée à l’Université car il nese s<strong>en</strong>tait plus « fliqué »… Ludmilla appréciait les sorties extra-scolaires parce-que les professeurslaissai<strong>en</strong>t quartier libre aux élèves : ils leur faisai<strong>en</strong>t confiance. Et faire confiance c’est aussi <strong>en</strong>couragerla prise d’initiative, l’esprit de découverte, de curiosité (demande formulée explicitem<strong>en</strong>t par Ludmilla,ou Lucie : « il manque l’appr<strong>en</strong>tissage de la curiosité »)…Certains élèves ont l’air de chercher la proximité jusqu’au rapport presque fraternel ou amical, etappréci<strong>en</strong>t avec leurs professeurs <strong>des</strong> relations extérieures au contexte de la classe.Pour autant les appr<strong>en</strong>ants souhait<strong>en</strong>t pour la plupart que chac<strong>un</strong> garde sa place, d’<strong><strong>en</strong>seignant</strong>ou d’appr<strong>en</strong>ant. Si <strong>un</strong>e part de sé<strong>du</strong>ction <strong>en</strong>tre dans la relation <strong><strong>en</strong>seignant</strong>-<strong>en</strong>seignés, il y a <strong>un</strong>e limite àne pas dépasser, limite qui est aussi marquée par <strong>un</strong>e demande d’autorité de la part <strong>des</strong> appr<strong>en</strong>ants. A cesujet on peut par exemple consulter l’article de C. Bouyon, Des places et <strong>des</strong> relations : Analyse d’<strong>un</strong>esituation difficile <strong>en</strong> classe de langue (TD <strong>du</strong> FLE n°24), qui illustre les conséqu<strong>en</strong>ces catastrophiques surles appr<strong>en</strong>ants <strong>du</strong> refus de sa place par l’<strong><strong>en</strong>seignant</strong> lui-même (Anne-Lise, <strong><strong>en</strong>seignant</strong>e débutante,souhaite <strong>un</strong> rapport d’égal à égal avec ses élèves. Elle ne veut pas s’imposer ni imposer, pour conquérirses élèves et être au plus proche d’eux. Elle ira jusqu’à laisser sa place symbolique de professeur à John,élève « leader » <strong>du</strong> groupe, qui s’installera plusieurs fois à son bureau. Petit à petit il désorganisera legroupe et remplacera Anne-Lise…).Toutefois la distance physique <strong>en</strong>tre ces places n’est pas toujours bi<strong>en</strong> perçue. La dispositiontraditionnelle – frontale - <strong>des</strong> classes, le professeur sur son estrade, est peu appréciée. A l’école de SanBlas, la plupart <strong>des</strong> classes (accueillant au maximum vingt élèves) sont disposées soit <strong>en</strong> U, soit les tablessont regroupées <strong>en</strong> carrés de quatre places. Ces dispositions sembl<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> fonctionner : elles permett<strong>en</strong>tla circulation de l’<strong><strong>en</strong>seignant</strong> à travers la classe par exemple pour écouter ses élèves lors de discussions<strong>en</strong> petits groupes, elles mett<strong>en</strong>t les élèves <strong>en</strong> face les <strong>un</strong>s <strong>des</strong> autres (on ne se tourne pas le dos) etpermett<strong>en</strong>t ainsi d’établir plus naturellem<strong>en</strong>t la comm<strong>un</strong>ication.Cette demande de proximité peut aussi être perçue dans <strong>des</strong> propos tels que « Je ne me s<strong>en</strong>tais pas àl’aise à l’oral (…). Il y a <strong>des</strong> profs qui interrog<strong>en</strong>t toujours le même bon élève, <strong>en</strong> dernier recours, quandtoi tu voudrais te faire toute petite ». Disons que plus que de la proximité, Lucie réclame ici que lesprofesseurs fass<strong>en</strong>t preuve de psychologie. Cela <strong>en</strong> passe forcém<strong>en</strong>t par <strong>un</strong>e certaine proximité qui14


permettrait à l’<strong><strong>en</strong>seignant</strong> de mieux connaître ses élèves, et ainsi éviter de les mettre mal à l’aise, lesblesser.Certains professeurs cités sembl<strong>en</strong>t manquer cruellem<strong>en</strong>t de psychologie, ou <strong>du</strong> moins ne pasfaire l’effort d’<strong>en</strong> user, au point d’humilier sciemm<strong>en</strong>t <strong>des</strong> élèves ou de leur faire subir leurs humeursdiverses et variées… Juan ne va pas jusque là, contrairem<strong>en</strong>t au professeur d’anglais citée par Ludmilla,mais il se permet <strong>des</strong> remarques susceptibles de gêner <strong>des</strong> élèves et use de peu de délicatesse. Parexemple lorsque j’assistais à sa classe, il me parlait à voix haute d’<strong>un</strong> élève très timide <strong>en</strong> la prés<strong>en</strong>ce decelui-ci : « Bon, lui il est timide, il ne te répondra pas… ». Il fait égalem<strong>en</strong>t ress<strong>en</strong>tir à ses élèves, defaçon déguisée sous <strong>des</strong> traits d’humour, sa sympathie ou son antipathie à l’égard de certains d’<strong>en</strong>treeux. Par exemple il lui arrive de faire référ<strong>en</strong>ce à la vie privée ou à la personnalité d’<strong>un</strong> élève devanttoute la classe pour le taquiner (« Comm<strong>en</strong>t dit-on « besar » <strong>en</strong> français ? Javier, toi qui es <strong>un</strong> vraidragueur, tu dois pouvoir répondre à cette question ? »)… Cela prouve la proximité de cet <strong><strong>en</strong>seignant</strong>avec ses élèves, mais celle-ci n’est pas toujours bénéfique et peut provoquer <strong>un</strong> malaise chez certainsd’<strong>en</strong>tre eux. Une distance souhaitable <strong>en</strong>tre professeur et élèves n’a pas été observée …(A propos de psychologie j’aimerais <strong>en</strong>core m<strong>en</strong>tionner mon actuel professeur de boxe française.Celui-ci <strong>en</strong> est particulièrem<strong>en</strong>t doté. Il détecte les élèves qui veul<strong>en</strong>t s’investir totalem<strong>en</strong>t, ceux qui nedemand<strong>en</strong>t qu’à être poussés, ceux qui aim<strong>en</strong>t être discrets et ceux pour qui la timidité est <strong>un</strong> véritablefardeau. Il fait preuve d’autorité, pousse les g<strong>en</strong>s à se dépasser, tout <strong>en</strong> restant souple. Il compose avecchac<strong>un</strong> et parvi<strong>en</strong>t au fur et à mesure à répondre aux att<strong>en</strong>tes. Il semble que ses élèves s’épanouiss<strong>en</strong>tréellem<strong>en</strong>t au sein de ses cours…).Un élém<strong>en</strong>t fort égalem<strong>en</strong>t cité parmi les att<strong>en</strong>tes <strong>des</strong> élèves est la qualité de prés<strong>en</strong>ce del’<strong><strong>en</strong>seignant</strong>. Celle-ci est explicitem<strong>en</strong>t citée par Ludmilla à propos d’<strong>un</strong> de ses anci<strong>en</strong>s professeursd’histoire (« Il avait beaucoup de prés<strong>en</strong>ce, il nous parlait à la manière d’<strong>un</strong> conteur ») ou implicitem<strong>en</strong>tpar Lucie lorsqu’elle décrit son professeur de philosophie au lycée (charisme, équilibre <strong>en</strong>tre chaleur etfroideur énigmatique, débit l<strong>en</strong>t et ménagem<strong>en</strong>t de pauses dans le discours t<strong>en</strong>ant la classe <strong>en</strong>haleine…), par Marc à propos d’<strong>un</strong> professeur d’histoire (« Il faisait vivre son cours »), et de façongénérale par tous les autres lorsqu’ils parl<strong>en</strong>t d’humour (pour qu’<strong>un</strong> clin d’œil, <strong>un</strong>e plaisanterie, <strong>un</strong> jeude mot, soi<strong>en</strong>t perçus comme tels, partagés, ils nécessit<strong>en</strong>t, il me semble, <strong>un</strong>e certaine qualité deprés<strong>en</strong>ce chez son auteur)…Cette prés<strong>en</strong>ce paraît aussi associée à la passion éprouvée par l’<strong><strong>en</strong>seignant</strong> pour ce qu’il <strong>en</strong>seigne,et sa capacité à la transmettre. Un cours trop traditionnel et <strong>un</strong> <strong><strong>en</strong>seignant</strong> qui lit ses fiches et colle auprogramme sans s’impliquer, s’investir réellem<strong>en</strong>t dans ce qu’il <strong>en</strong>seigne, ne convainc pas son auditoire15


et peut aller jusqu’à <strong>en</strong>nuyer celui-ci… (Je revi<strong>en</strong>drai sur cette notion de prés<strong>en</strong>ce dans le tout dernierpoint, qui concerne les ateliers de pratique théâtrale).Les personnes interrogées sembl<strong>en</strong>t accrocher à <strong>un</strong>e manière d’<strong>en</strong>seigner <strong>un</strong> tant soit peucréative voire ludique. B<strong>en</strong>jamin appréciait ses cours d’allemand, où l’<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t n’était pas disp<strong>en</strong>séde façon traditionnelle : « C’était beaucoup plus ludique. Par exemple on avait <strong>des</strong> jeux de cartes pourappr<strong>en</strong>dre les verbes… », Lucie n’aimait pas les cours « sans surprises », et trouve que les activitéscréatives telles que la pratique musicale ou <strong>des</strong> arts plastiques ne devrai<strong>en</strong>t pas être ainsi reléguées ausecond plan <strong>du</strong> système é<strong>du</strong>catif français… A l’école de San Blas, Lola a <strong>un</strong>e boîte avec <strong>des</strong> accessoirespour faire <strong>des</strong> jeux variés à chaque cours. Elle dispose d’<strong>un</strong>e paire de dés, d’<strong>un</strong> sablier, de cartes<strong>des</strong>sinées représ<strong>en</strong>tant <strong>des</strong> métiers, de fiches colorées avec <strong>des</strong> verbes à tous les temps… Et ellecompose : devinettes à faire <strong>en</strong> groupe dans la langue étrangère, jeu <strong>du</strong> mémory avec les verbes, quiz paréquipe <strong>en</strong>tre les appr<strong>en</strong>ants… Ceux-ci se régal<strong>en</strong>t visiblem<strong>en</strong>t et le cours fonctionne très bi<strong>en</strong>… Notonsque le ludisme ne nuit <strong>en</strong> ri<strong>en</strong> à la structuration d’<strong>un</strong> cours (élém<strong>en</strong>t important cité <strong>en</strong> amont). Lescours de Juan ne sont pas ludiques, ni structurés, contrairem<strong>en</strong>t à ceux de Lola et d’Armelle qui alli<strong>en</strong>tles deux qualités.Les appr<strong>en</strong>ants éprouv<strong>en</strong>t le besoin d’être actifs et de créer, et demand<strong>en</strong>t à la personne qui les<strong>en</strong>seigne de faire elle-même preuve de créativité. Ludmilla aimait les cours d’histoire parce-que son<strong><strong>en</strong>seignant</strong> parlait « à la manière d’<strong>un</strong> conteur » et Marc parce-qu’il « faisait vivre son cours », B<strong>en</strong>jaminaimait que son professeur de mathématiques prof de math donne « <strong>des</strong> images, <strong>des</strong> exemples, <strong>des</strong>mnémotechniques ». C’est ici la faculté d’imagination qui est sollicitée chez l’<strong><strong>en</strong>seignant</strong>.Enfin, la demande <strong>des</strong> personnes interrogées semble se situer au niveau de l’<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t <strong>en</strong>général. Elle met <strong>en</strong> cause le système é<strong>du</strong>catif français plus que les <strong><strong>en</strong>seignant</strong>s eux-mêmes (cela étaitaussi le cas concernant le ludisme puisque, indép<strong>en</strong>damm<strong>en</strong>t de l’<strong><strong>en</strong>seignant</strong>, sa part dansl’<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t dép<strong>en</strong>d <strong>du</strong> programme et <strong>des</strong> métho<strong>des</strong> imposées par le système, point sur lequel jerevi<strong>en</strong>drai à la fin de cette partie). Elle concerne la finalité de l’<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t : celle-ci, surtout avant lesdernières années <strong>du</strong> lycée et l’<strong>en</strong>trée <strong>en</strong> faculté, n’est pas clairem<strong>en</strong>t dite aux appr<strong>en</strong>ants et c’estl’obt<strong>en</strong>tion <strong>du</strong> baccalauréat qui est visée. Les personnes interrogées ont besoin de concret pourappr<strong>en</strong>dre. C’est pour cela que Marc appréciait son professeur d’histoire : il mettait son cours « <strong>en</strong>rapport avec l’actualité ». Ludmilla ne saisissait pas le s<strong>en</strong>s de ce qu’elle appr<strong>en</strong>ait et comparel’<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t qu’elle a reçu avant sa formation à « <strong>du</strong> gavage ». Elle demandait <strong>un</strong> rapport deconfiance de la part <strong>des</strong> <strong><strong>en</strong>seignant</strong>s vis à vis <strong>des</strong> appr<strong>en</strong>ants et regrette le peu d’autonomie laissée àceux-ci. Cette autonomie elle l’a trouvé <strong>en</strong>suite dans <strong>un</strong> <strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t totalem<strong>en</strong>t différ<strong>en</strong>t à l’I.D.S :16


« Dans ma formation à l’I.D.S., ça a été complètem<strong>en</strong>t différ<strong>en</strong>t. D’abord c’est <strong>un</strong> organisme d’é<strong>du</strong>cationpopulaire, inspiré <strong>des</strong> écoles Freinet. Le projet de vie de l’appr<strong>en</strong>ant est pris <strong>en</strong> compte (…) » Avec lesformateurs « c’était <strong>un</strong> échange perman<strong>en</strong>t, constructif. On nous a poussé à être autonomes face àl’appr<strong>en</strong>tissage : on nous a donné <strong>un</strong>e boîte à outils, après c’était à nous de nous <strong>en</strong> servir. Là ce n’étaitplus « appr<strong>en</strong>dre par cœur, recracher, oublier ». C’était dynamique. Je p<strong>en</strong>se qu’instituer la découvertedans l’appr<strong>en</strong>tissage est primordial ». Lucie p<strong>en</strong>se, et cela exprime ce que vit Théo, « le bon élève qui serepose sur ses acquis » et ne fait plus d’efforts, qu’ « on nous appr<strong>en</strong>d à être <strong>des</strong> fumistes, à vivre sur nosacquis, <strong>en</strong> nous disant « peut mieux faire » et <strong>en</strong> nous rabâchant sans cesse les mêmes choses (…), ilmanque l’appr<strong>en</strong>tissage de la curiosité. On ne nous appr<strong>en</strong>d pas à chercher par nous-mêmes mais à sesatisfaire <strong>du</strong> minimum ». La plupart trouv<strong>en</strong>t <strong>en</strong>fin que, si <strong>un</strong>e certaine autonomie existe à l’Université,l’ancrage dans <strong>un</strong>e réalité concrète, vers l’indép<strong>en</strong>dance, l’av<strong>en</strong>ir professionnel, est toujours faible.Marc : « La fac j’ai trouvé ça trop neutre. Et puis on se rapproche <strong>du</strong> monde professionnel et on n’a ri<strong>en</strong>de concret, pas de stages… ».Ces reproches faits à l’<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> général - plus précisém<strong>en</strong>t au système é<strong>du</strong>catif françaistraditionnel (et cela vaut alors dans l’approche traditionnelle de l’<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t <strong>du</strong> français commelangue étrangère, car si cet <strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t sort dans de nombreux contextes <strong>du</strong> cadre de l’é<strong>du</strong>cationnationale, il n’<strong>en</strong> reste pas moins académique) – sont aussi <strong>du</strong> même coup adressés aux <strong><strong>en</strong>seignant</strong>s.Inform<strong>en</strong>t-ils correctem<strong>en</strong>t leurs élèves sur la finalité de leur cours ? Sont-ils les dét<strong>en</strong>teurs d’<strong>un</strong> savoirabstrait ou <strong>des</strong> gui<strong>des</strong> vers <strong>un</strong>e connaissance utile aux appr<strong>en</strong>ants ? Beaucoup d’<strong><strong>en</strong>seignant</strong>s sont perçuspar leurs élèves comme <strong>des</strong> juges, <strong>des</strong> c<strong>en</strong>seurs. Pour Lucie par exemple, « le système de notation est <strong>un</strong>ecastration ». Pour B<strong>en</strong>jamin, l’évaluation est intéressante si elle est <strong>un</strong> guide, <strong>un</strong> aiguillage pourprogresser, si elle est <strong>en</strong>courageante. « Pour moi c’est comme ça que tu appr<strong>en</strong>ds, <strong>en</strong> te r<strong>en</strong>dant comptede tes erreurs ». Les appr<strong>en</strong>ants att<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t <strong>un</strong>e évaluation formatrice et non plus sommative. Un<strong><strong>en</strong>seignant</strong> qui les guide et non qui les juge.Ces dernières réflexions montr<strong>en</strong>t que l’<strong><strong>en</strong>seignant</strong> peut être assimilé, dans la perception qu’<strong>en</strong> ontses élèves, au système qu’il est c<strong>en</strong>sé représ<strong>en</strong>ter, aux métho<strong>des</strong> qu’il est c<strong>en</strong>sé utiliser, qu’il soit <strong>en</strong>accord ou non avec. Ils n’appréci<strong>en</strong>t pas toujours ce qui représ<strong>en</strong>te la tradition. Certains commeB<strong>en</strong>jamin la définiss<strong>en</strong>t comme dépassée (« préhistorique »), d’autres la trouve <strong>en</strong>core bénéfique(Christophe : «J’ai eu <strong>un</strong>e prof d’espagnol (…) qui portait <strong>des</strong> t<strong>en</strong>ues strictes, <strong>un</strong> peu rigide, qui nousfaisait r<strong>en</strong>trer <strong>en</strong> classe à la queue leu leu, et t<strong>en</strong>ir <strong>un</strong> cahier de verbes… Pourtant elle a réussi à nousfaire apprécier l’espagnol (…) »). On peut dire que l’arrivée de l’Approche Comm<strong>un</strong>icative dans ladidactique <strong>des</strong> langues répond dans son domaine, alliée aux élém<strong>en</strong>ts efficaces de l’approchetraditionnelle - c’est à dire dans <strong>un</strong>e forme de pédagogie éclectique - à plusieurs att<strong>en</strong>tes formulées par17


les personnes interrogées (et y répondrait dans d’autres si <strong>un</strong>e méthodologie similaire était adoptée…) :cette approche pr<strong>en</strong>d <strong>en</strong> compte son public le plus possible, ses besoins, et le considère dans soncontexte social et non plus scolaire. C’est pour F. Debyser « <strong>un</strong>e pratique plus efficace parce que plusfonctionnelle, plus pragmatique et plus concrète ». La faute n’est plus objet de sanction mais devi<strong>en</strong>t« erreur », constitutive de l’appr<strong>en</strong>tissage et point de repère dans l’évolution <strong>des</strong> appr<strong>en</strong>ants (on rejointici les propos de B<strong>en</strong>jamin sur le système d’évaluation employé par son professeur d’allemand)…Lucie att<strong>en</strong>d <strong>un</strong>e remise <strong>en</strong> question d’eux-mêmes de la part de certains de ses <strong><strong>en</strong>seignant</strong>s, et <strong>un</strong>eouverture d’esprit. Faut-il imputer au système et aux métho<strong>des</strong> souv<strong>en</strong>t imposées aux <strong><strong>en</strong>seignant</strong>s <strong>un</strong>ecertaine fermeture ? Ce que Lucie perçoit comme <strong>un</strong> manque de remise <strong>en</strong> question serait-il simplem<strong>en</strong>t<strong>un</strong> manque de liberté laissée aux <strong><strong>en</strong>seignant</strong>s ? Il est difficile d’apporter <strong>en</strong> peu de mots <strong>des</strong> réponses àces questions, et tel n’est pas mon propos, simplem<strong>en</strong>t s’il est certain que les métho<strong>des</strong> utilisées par les<strong><strong>en</strong>seignant</strong>s et la qualité de leur <strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t sont étroitem<strong>en</strong>t liées, ce qui m’intéresse ici sont lesélém<strong>en</strong>ts de leur personnalité qui influ<strong>en</strong>t sur l’appr<strong>en</strong>tissage de divers indivi<strong>du</strong>s, indép<strong>en</strong>damm<strong>en</strong>t <strong>des</strong>métho<strong>des</strong> imposées… Ce professeur de musique « blasé <strong>du</strong> cadre <strong>du</strong> programme » dont parle Ludmillaétait-il défaitiste, manquait-il d’imagination ou bi<strong>en</strong> lui interdisait-on réellem<strong>en</strong>t tout initiative…Durant mon stage à l’ école de San Blas j’ai observé <strong>des</strong> <strong><strong>en</strong>seignant</strong>s utilisant les mêmes métho<strong>des</strong> et lesrésultats étai<strong>en</strong>t tous différ<strong>en</strong>ts. Peut-être Juan était-il moins à l’aise dans l’approche comm<strong>un</strong>icative etincorporait-il à son cours plus d’exercices issus de l’approche traditionnelle. Mais cela faisait partie d’<strong>un</strong>choix et donc relève de sa personnalité propre. Les <strong><strong>en</strong>seignant</strong>s que décriv<strong>en</strong>t les personnes interrogéesfont égalem<strong>en</strong>t partie d’<strong>un</strong> même système, et certains compos<strong>en</strong>t apparemm<strong>en</strong>t avec mieux qued’autres.SynthèsePour clore ce second point, j’aimerais résumer ce qui vi<strong>en</strong>t d’être dit, <strong>en</strong> énumérant les qualitéscitées par les personnes interrogées à propos de leurs divers <strong><strong>en</strong>seignant</strong>s et <strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>ts, qualitésexistantes ou manquantes selon les cas… J’ai distingué :- <strong>un</strong> équilibre <strong>en</strong>tre fermeté/autorité et souplesse/humour- la proximité avec les élèves, sans dépasser <strong>un</strong>e limite souhaitable (cette proximité ne doit nisignifier égalité <strong>des</strong> places <strong>en</strong>tre <strong><strong>en</strong>seignant</strong>s et appr<strong>en</strong>ants, ce qui perturberait ces derniers, nijeu de sé<strong>du</strong>ction excessif de la part de l’<strong><strong>en</strong>seignant</strong>)- la psychologie18


- la prés<strong>en</strong>ce, le charisme- l’humour, l’imagination, la place au ludisme et à la créativité- l’implication- la passion et la transmission de celle-ci- l’explicitation de la finalité de l’<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t et le caractère concret de celui-ci- le développem<strong>en</strong>t de la curiosité et de l’autonomie face à l’appr<strong>en</strong>tissage- <strong>un</strong>e évaluation personnelle, formatrice et non sommative, <strong>un</strong> <strong><strong>en</strong>seignant</strong> guide et non <strong>un</strong> jugeCes critères sont bi<strong>en</strong> sûr subjectifs, et c’est avec sa personnalité propre que l’appr<strong>en</strong>ant perçoit cellede l’<strong><strong>en</strong>seignant</strong>. Une grande part d’affectif <strong>en</strong>tre <strong>en</strong> jeu. En ce qui me concerne, j’imagine que mes yeuxd’<strong>en</strong>fants auront déformé ma vision de certains professeurs, et que si je me suis s<strong>en</strong>tie blessée parquelques-<strong>un</strong>s d’<strong>en</strong>tre eux, <strong>un</strong>e certaine susceptibilité n’est pas à négliger… Quand Ludmilla a <strong>un</strong>e visionplutôt négative de sa scolarité et emploie <strong>des</strong> mots forts comme « gavage », on peut imaginer de son côté<strong>des</strong> difficultés extérieures au système d’<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t, <strong>un</strong>e forme de rejet… Le malaise à l’oral est aussiinhér<strong>en</strong>t à la personnalité de l’appr<strong>en</strong>ant, et au sein d’<strong>un</strong>e même classe, suivie par le même <strong><strong>en</strong>seignant</strong>,les réactions seront toutes différ<strong>en</strong>tes d’<strong>un</strong> appr<strong>en</strong>ant à <strong>un</strong> autre. C’est là où la psychologie <strong>du</strong> professeur<strong>en</strong>tre <strong>en</strong> jeu, à lui de déceler les vrais timi<strong>des</strong> de ceux qui ne demand<strong>en</strong>t qu’à être sollicités, et derétablir l’équilibre (c’est ce que fait Armelle dans sa classe <strong>en</strong> faisant respecter les tours de parole dechac<strong>un</strong>). Un désir d’autorité ou de souplesse marqué peut aussi faire partie <strong>des</strong> représ<strong>en</strong>tations diversesde l’appr<strong>en</strong>tissage, ou d’habitu<strong>des</strong> familiales que l’on souhaite conserver ou fuir… De façon générale,apprécier l’humour de quelqu’<strong>un</strong> est quelque chose de complètem<strong>en</strong>t subjectif égalem<strong>en</strong>t. Tout commel’appréciation d’<strong>un</strong> timbre de voix, d’<strong>un</strong>e façon de parler, d’<strong>un</strong> regard… Il m’est déjà arrivé d’admirer<strong>des</strong> <strong><strong>en</strong>seignant</strong>s qui étai<strong>en</strong>t le cauchemar de certains de mes camara<strong>des</strong>…La liste serait trop longue de tous les facteurs subjectifs qui vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t interférer dans la vision <strong>des</strong>personnes interrogées sur leurs divers <strong><strong>en</strong>seignant</strong>s, et il est de toute façon évid<strong>en</strong>t que l’appréciation dela personnalité d’<strong>un</strong> indivi<strong>du</strong> est éminemm<strong>en</strong>t subjective. « Il ne s’agit pas de savoir si nous percevons leréel tel qu’il est, puisque précisém<strong>en</strong>t le réel est ce que nous percevons » (Lyotard, La phénoménologie).Quant à mes observations faîtes <strong>du</strong>rant ma période de stage, si j’ai fait de mon mieux pour rester le plusobjective possible, là <strong>en</strong>core <strong>un</strong>e part de subjectivité ne peut être niée.Je ne prét<strong>en</strong>ds donc établir auc<strong>un</strong>e vérité ni généralité d’après les informations que j’ai recueillies,mais simplem<strong>en</strong>t me servir <strong>des</strong> récurr<strong>en</strong>ces, <strong>des</strong> points comm<strong>un</strong>s relevés dans les propos <strong>des</strong> personnesinterrogées et mes propres observations, comme de pistes pour <strong>un</strong>e réflexion vers la préparation aumétier d’<strong><strong>en</strong>seignant</strong>…19


III. Malaise d’<strong><strong>en</strong>seignant</strong>s <strong>en</strong> dev<strong>en</strong>ir(Recueil et analyse <strong>des</strong> propos de je<strong>un</strong>es <strong><strong>en</strong>seignant</strong>s français et britanniques)<strong>Etre</strong> <strong>un</strong> <strong><strong>en</strong>seignant</strong> <strong>en</strong> dev<strong>en</strong>ir paraît bi<strong>en</strong> être <strong>un</strong>e situation délicate. Elle suppose <strong>un</strong>r<strong>en</strong>versem<strong>en</strong>t <strong>des</strong> places : on était appr<strong>en</strong>ant, on devi<strong>en</strong>t <strong><strong>en</strong>seignant</strong>. La transition est plutôt brutalepour certains, parfois inexistante, et l’on se retrouve catapulté, <strong>en</strong> quelque sorte, <strong>du</strong> gradin à l’estrade.Dans cette troisième partie je propose tout d’abord de r<strong>en</strong>dre compte <strong>du</strong> malaise de certainsprofesseurs débutants ou <strong>en</strong> dev<strong>en</strong>ir, à travers les propos recueillis par moi, d’Emilie (25 ans), professeur<strong>des</strong> écoles débutante <strong>en</strong> Seine-maritime, de Magali (27 ans), professeur d’espagnol débutante égalem<strong>en</strong>tdans <strong>un</strong> collège <strong>du</strong> Nord Pas de Calais, et d’Armelle (37 ans), professeur de français expérim<strong>en</strong>tée àl’école de San Blas, ainsi qu’à travers les <strong>en</strong>treti<strong>en</strong>s d’<strong><strong>en</strong>seignant</strong>s débutants français et britanniques,analysés par R. Malet dans son livre L’id<strong>en</strong>tité <strong>en</strong> formation, Phénoménologie <strong>du</strong> dev<strong>en</strong>ir <strong><strong>en</strong>seignant</strong>.Suiv<strong>en</strong>t <strong>un</strong>e partie <strong>du</strong> questionnaire que j’ai soumis à Emilie, Magali et Armelle, ainsi que leursréponses (les questions 2, 5 et 6 n’apparaiss<strong>en</strong>t pas ici et seront traitées dans les points suivants) :Qu’est-ce qui a pu vous gêner dans vos débuts, étiez-vous timi<strong>des</strong>, impressionnés, ou pas <strong>du</strong> tout ? (1)En êtes-vous passé par <strong>un</strong>e remise <strong>en</strong> question difficile ? (3)Considérez-vous avoir été bi<strong>en</strong> ou mal formé, bi<strong>en</strong> ou mal informé sur votre futur métier quand vousétiez <strong>en</strong>core étudiant ou <strong>en</strong> formation ?(4)• Emilie :1-« Ce qui m'a gênée le plus au début c'est l'inconnu ( élèves, niveau de classe, rapport avec les par<strong>en</strong>ts...). Mais je n'étais ni timide ni impressionnée ».3- « Evidemm<strong>en</strong>t, après les premières prises de classe, c'est tellem<strong>en</strong>t fatiguant (car on gère mal sesdép<strong>en</strong>ses d'énergie au début) qu'on se dit que ce n'est pas pour nous, puis on pr<strong>en</strong>d ses marques et ontrouve son rythme de travail ».4-« La formation pour les professeurs <strong>des</strong> écoles est très insuffisante, on appr<strong>en</strong>d réellem<strong>en</strong>t sur le tas, etsouv<strong>en</strong>t dans les premières années de prise de poste on se retrouve <strong>en</strong> AIS , CLIS ou SEGPA qui sont <strong>des</strong>classes spécialisées ( Handicap m<strong>en</strong>tal , élèves autistes ......) pour lesquelles on n’a eu auc<strong>un</strong>e formation ».20


• Magali :1-« Ce qui m'a gênée à mes débuts c'était de s<strong>en</strong>tir les yeux <strong>des</strong> élèves qui me scrutai<strong>en</strong>t de la tête auxpieds... De les <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre chuchoter <strong>en</strong> me regardant... On <strong>en</strong> vi<strong>en</strong>t à être parano et a p<strong>en</strong>ser qu'ils semoqu<strong>en</strong>t de nous, puis on se r<strong>en</strong>d compte qu'ils ont bi<strong>en</strong> mieux à faire...Je me suis aussi laissée déstabiliser par les questions pièges et les remises <strong>en</strong> questions de mesconnaissances.Enfin, j'ai mis quelques mois à pr<strong>en</strong>dre ma place dans la classe, à assumer mon autorité, et à compr<strong>en</strong>dreque les élèves, loin de la rejeter, la réclam<strong>en</strong>t.Un autre problème est au début de vouloir être apprécié <strong>des</strong> élèves... Cela <strong>en</strong>traîne parfois <strong>un</strong> manquede fermeté, et on se r<strong>en</strong>d vite compte qu'ils ne nous appréci<strong>en</strong>t pas moins lorsqu'on est ferme, àcondition d'être JUSTE. Je n'ai pas <strong>en</strong>core tout à fait réussi à pallier à ce problème, notamm<strong>en</strong>t parcequ'il faut être très ferme <strong>en</strong> début d'année, et que j'ai <strong>du</strong> mal...».3-« La remise <strong>en</strong> question est quotidi<strong>en</strong>ne dans ce travail, chaque fois qu'il y a "conflit" avec <strong>un</strong> élève,qu'<strong>un</strong> cours ne les intéresse pas, qu'à l'évaluation je me r<strong>en</strong>ds compte qu'ils n'ont pas bi<strong>en</strong> compris. Maisla plus grande a pour moi eu à voir avec ma place dans la classe... Je suis le prof! Et c'est <strong>du</strong>r parfois, carj'ai cessé d'être élève il y a peu de temps. Il est <strong>du</strong>r aussi de faire la part <strong>des</strong> choses <strong>en</strong>tre les attaquespersonnelles et celles qui sont adressées a ce que je représ<strong>en</strong>te, à la figure <strong>du</strong> prof ».4-« La formation laisse certes à désirer... P<strong>en</strong>dant les années de fac, elle est inexistante, <strong>en</strong> ce quiconcerne les pratiques pédagogiques. A l'IUFM, elle reste théorique, et l'on nous met <strong>en</strong>core <strong>en</strong> positiond'élèves, et non d'a<strong>du</strong>ltes, d'<strong><strong>en</strong>seignant</strong>s <strong>en</strong> formation, ce qui n'aide pas forcém<strong>en</strong>t à pr<strong>en</strong>dre sa place.On a parfois aussi l'impression que les conseils et les théories ne sont pas applicables face à <strong>des</strong> élèves"<strong>du</strong>rs", mais <strong>un</strong>iquem<strong>en</strong>t avec <strong>des</strong> élèves motivés et disciplinés. On n'est pas formés à réagir de façonadéquate face aux imprévus et aux situations t<strong>en</strong><strong>du</strong>es. On appr<strong>en</strong>d cela au jour le jour, a force de setromper, et d'y réfléchir ».• Armelle (Armelle n’a pas répon<strong>du</strong> <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t à toutes les questions, suiv<strong>en</strong>t ses propos telsquels) :« Problèmes <strong>du</strong> début :- Calculer le temps <strong>des</strong> activités à réaliser <strong>en</strong> classe.- T<strong>en</strong>dance à faire 2 activités <strong>un</strong>iquem<strong>en</strong>t.- T<strong>en</strong>dance à s’occuper <strong>un</strong>iquem<strong>en</strong>t <strong>des</strong> g<strong>en</strong>s qui particip<strong>en</strong>t…Mal informée NON, mais peu OUI »21


Les problèmes qui sembl<strong>en</strong>t se poser, ou s’être posés, aux <strong><strong>en</strong>seignant</strong>es interrogées sont deplusieurs ordres. Ils concern<strong>en</strong>t la qualité de leur <strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t (et donc <strong>un</strong> souci d’autrui, <strong>en</strong>l’occurr<strong>en</strong>ce de l’appr<strong>en</strong>ant) : le cours est-il structuré, s’éparpille-t-on, maîtrise-t-on son sujet, a-t-onréussi à transmettre les connaissances… ? Ce souci d’autrui, déc<strong>en</strong>tration de soi, est relégué au secondplan par Magali quand elle dit « La remise <strong>en</strong> question est quotidi<strong>en</strong>ne dans ce travail, chaque fois qu'il ya "conflit" avec <strong>un</strong> élève, qu'<strong>un</strong> cours ne les intéresse pas, qu'à l'évaluation je me r<strong>en</strong>ds compte qu'ilsn'ont pas bi<strong>en</strong> compris. Mais la plus grande a pour moi eu à voir avec ma place dans la classe… » . Sagrande difficulté semble être de concilier son rôle de professeur, dét<strong>en</strong>teur de l’autorité, avec son besoinde plaire à ses élèves. Elle a peur de leur regard, de ne pas être crédible. Elle se c<strong>en</strong>tre sur elle-même. C<strong>en</strong>’est apparemm<strong>en</strong>t pas le problème d’Emilie, mais elle souligne tout de même <strong>un</strong>e crainte de l’inconnu.Armelle elle parle d’<strong>un</strong>e t<strong>en</strong>dance qu’elle avait à ses débuts à « s’occuper <strong>un</strong>iquem<strong>en</strong>t <strong>des</strong> g<strong>en</strong>s quiparticip<strong>en</strong>t ». C’était peut-être <strong>un</strong>e façon de se s<strong>en</strong>tir sout<strong>en</strong>ue par ces élèves…Les problèmes évoqués par Emilie et Magali concern<strong>en</strong>t <strong>en</strong>fin (et peut-être surtout) <strong>un</strong>eformation insuffisante et mal adaptée à leur métier d’<strong><strong>en</strong>seignant</strong>es. Celle-ci paraît trop théorique etMagali s’est s<strong>en</strong>tie toujours <strong>en</strong> position d’élève. Finalem<strong>en</strong>t, c’est sur le terrain que Magali et Emiliedis<strong>en</strong>t appr<strong>en</strong>dre réellem<strong>en</strong>t leur métier.R. Malet fait dans son livre <strong>un</strong>e étude comparative <strong>en</strong>tre les différ<strong>en</strong>ts ress<strong>en</strong>tis d’<strong><strong>en</strong>seignant</strong>sdébutants français se formant aux I.U.F.M.* de Limoges et d’Orléans, et britanniques à la School ofe<strong>du</strong>cation de l’Université de Leeds. On y constate que les <strong><strong>en</strong>seignant</strong>s débutants français se plaign<strong>en</strong>td’<strong>un</strong> manque de formation. R. Malet expose dans son livre ses recherches sur les raisons d’<strong>un</strong> vraimalaise ress<strong>en</strong>ti par les <strong><strong>en</strong>seignant</strong>s débutants français. Ceux-ci sembl<strong>en</strong>t écrasés par le poids d’<strong>un</strong>eexcell<strong>en</strong>ce académique, et la transition qui les mène de leur rôle d’étudiant à celui d’<strong><strong>en</strong>seignant</strong> les faitpasser par <strong>un</strong>e véritable crise id<strong>en</strong>titaire. « Ceux-ci développ<strong>en</strong>t et favoris<strong>en</strong>t les espaces-temps deformation que l’institution les a explicitem<strong>en</strong>t <strong>en</strong>gagé à privilégier, au détrim<strong>en</strong>t de dim<strong>en</strong>sionsc<strong>en</strong>trales de la profession <strong><strong>en</strong>seignant</strong>e que sont la déc<strong>en</strong>tration de soi, le souci de l’autre, le désir detransmettre <strong>un</strong> savoir, autant d’aspects fondam<strong>en</strong>taux de leur futur métier que la formation académiquea étouffés, la satisfaction aux critères académiques <strong>du</strong> concours faisant de celui-ci <strong>un</strong>e affaire privée,coupée de la réalité.* Si ce contexte de formation n’a pas été le mi<strong>en</strong> – j’ai été formée au métier d’<strong><strong>en</strong>seignant</strong> à l’Université dans lecadre d’<strong>un</strong> Master « Pratiques professionnelles <strong>en</strong> français langue non maternelle » - je me reconnais dans lespropos <strong>des</strong> étudiants interrogés par R. Malet et dans l’analyse qu’il <strong>en</strong> fait. Ma première expéri<strong>en</strong>ced’<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t devant <strong>un</strong>e classe à l’école officielle de langues de San Blas <strong>en</strong> est <strong>un</strong>e confirmation.22


Il montre que les futurs <strong><strong>en</strong>seignant</strong>s français interrogés s’<strong>en</strong>gag<strong>en</strong>t mollem<strong>en</strong>t sur la voie del’<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t, comme sur <strong>un</strong> chemin tout tracé et subi, fin d’<strong>un</strong> épanouissem<strong>en</strong>t personnel au seind’<strong>un</strong> cadre d’étu<strong>des</strong> et qui leur imposerait <strong>un</strong> véritable travail de deuil. Leurs collègues britanniques euxviv<strong>en</strong>t beaucoup plus sereinem<strong>en</strong>t leur passage dans le monde professionnel. Ils « ne r<strong>en</strong>voi<strong>en</strong>t pas dos àdos formation académique, formation expéri<strong>en</strong>tielle et formation professionnelle, mais intègr<strong>en</strong>t les<strong>un</strong>es et l’autre dans <strong>un</strong> mouvem<strong>en</strong>t global de formation et dans <strong>un</strong>e visée <strong>un</strong>ifiante, intégratrice <strong>des</strong>tructuration de la personnalité » (R. Mallet 1998 : 196). L’approche <strong>des</strong> Britanniques <strong>du</strong> métierd’<strong><strong>en</strong>seignant</strong> est, de par leur culture, beaucoup plus empirique et pragmatique que ne l’est l’approchefrançaise. Au long de leurs étu<strong>des</strong>, les futurs <strong><strong>en</strong>seignant</strong>s britanniques réfléchiss<strong>en</strong>t à leur futur métiertout <strong>en</strong> multipliant les expéri<strong>en</strong>ces sur le terrain, et mett<strong>en</strong>t <strong>en</strong> avant le côté socialisant offert par leursétu<strong>des</strong> plus que l’excell<strong>en</strong>ce académique. Avec les élèves ils sont investis d’<strong>un</strong> rôle social, ont plus decontact avec eux : la vie scolaire et extra-scolaire est moins cloisonnée qu’<strong>en</strong> France. Lors de leurspremiers pas dans <strong>un</strong> établissem<strong>en</strong>t d’<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t ils sont guidés par <strong>un</strong> tuteur, <strong>du</strong>rant au minimumquatre mois. Ils intègr<strong>en</strong>t plus spontaném<strong>en</strong>t l’<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t dans <strong>un</strong>e logique de formation personnelleet professionnelle, et dans <strong>un</strong>e attitude plus ouverte, non dans <strong>un</strong>e crainte d’<strong>en</strong>fermem<strong>en</strong>t id<strong>en</strong>titaire oude dépersonnalisation…La c<strong>en</strong>tration sur soi <strong>des</strong> je<strong>un</strong>es <strong><strong>en</strong>seignant</strong>s évoquée plus haut est préjudiciable àl’appr<strong>en</strong>tissage., tout comme le manque de souplesse et d’ouverture. Aussi, capacité d’écoute,d’observation, d’adaptation à de nouveaux mon<strong>des</strong>, sont <strong>des</strong> qualités primordiales pour <strong>en</strong>seigner.Le malaise provoqué par le regard de l’Autre, l’appr<strong>en</strong>ant, (qui r<strong>en</strong>d Magali presque paranoïaqueselon ses dires) paraît malheureusem<strong>en</strong>t exister chez la plupart <strong>des</strong> je<strong>un</strong>es <strong><strong>en</strong>seignant</strong>s (aussi bi<strong>en</strong>français que britanniques, même si ces derniers y sont mieux préparés). Regard d’autant plus difficile àaffronter lorsque l’on sait qu’on représ<strong>en</strong>te <strong>un</strong> modèle, <strong>un</strong> référ<strong>en</strong>t d’autorité, <strong>un</strong>e forme de sagesse…« En effet c’est l’élève – ou le groupe d’élèves – qui <strong>en</strong>seigne le débutant de ce qu’il est (…) » (R. Malet1998 : 207). Il évoque aussi la solitude éprouvée par les je<strong>un</strong>es <strong><strong>en</strong>seignant</strong>s au sein de leur classe, las<strong>en</strong>sation d’<strong>un</strong> abandon de soi au bénéfice d’autrui…Un autre malaise provi<strong>en</strong>t chez les je<strong>un</strong>es <strong><strong>en</strong>seignant</strong>s de ce que R. Malet nomme « l’amplitudecorporelle ». Il s’agit d’habitus corporels propres à <strong>un</strong>e culture et d’<strong>un</strong>e capacité à se mouvoir avec ceuxcidans <strong>des</strong> espaces, ou <strong>des</strong> « mon<strong>des</strong> » variés, c’est à dire <strong>un</strong>e certaine flexibilité. « Chez les stagiairesfrançais, la brutalité <strong>du</strong> changem<strong>en</strong>t de monde <strong>en</strong>traîne <strong>un</strong>e résistance corporelle au mouvem<strong>en</strong>t (…) »(R. Malet 1998 : 200), ce qui n’est pas le cas chez leurs confrères britanniques pour qui ce changem<strong>en</strong>t23


de monde est longuem<strong>en</strong>t anticipé. Les je<strong>un</strong>es <strong><strong>en</strong>seignant</strong>s <strong>en</strong>gag<strong>en</strong>t leurs corps sur le territoire de laclasse, dim<strong>en</strong>sion proprem<strong>en</strong>t physique illustrée par Emilie lorsqu’elle dit pr<strong>en</strong>dre « ses marques ».Ce manque de flexibilité, de souplesse, existant chez de nombreux je<strong>un</strong>es <strong><strong>en</strong>seignant</strong>s dans leurrapport au corps peut aussi apparaître dans la capacité à s’adapter à <strong>des</strong> situations imprévues : les« questions pièges » dont parle Magali, les « conflits » avec les élèves, les réactions imprévisibles.« La relation d’inconnu est au cœur de la relation à l’autre et d’<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t. Il faudra doncs’adapter à <strong>un</strong> public, à <strong>un</strong>e situation : chaque expéri<strong>en</strong>ce d’<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t est <strong>un</strong>e expéri<strong>en</strong>ce nouvelle,car fondée par cette relation d’inconnu, structurée par <strong>un</strong>e forme d’ignorance <strong>du</strong> public (on ne sait pas àqui on a affaire), d’indétermination (on ne peut anticiper sur les réactions de ce public, sur seshumeurs). Cette non prévisibilité nécessite donc <strong>un</strong>e plus grande ouverture et écoute » (J-M Prieur,Faute et appr<strong>en</strong>tissage).24


IV. Vers <strong>des</strong> remédiations au malaise <strong>des</strong> je<strong>un</strong>es <strong><strong>en</strong>seignant</strong>s et pour <strong>un</strong>e meilleure qualitéd’<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>tJ’ai t<strong>en</strong>té, à travers mon observation faîte <strong>en</strong> stage et différ<strong>en</strong>ts témoignages d’appr<strong>en</strong>ants et deje<strong>un</strong>es <strong><strong>en</strong>seignant</strong>s, de cerner l’influ<strong>en</strong>ce de la personnalité de l’<strong><strong>en</strong>seignant</strong> sur l’appr<strong>en</strong>tissage, lesatt<strong>en</strong>tes <strong>des</strong> appr<strong>en</strong>ants, ainsi que les malaises éprouvés par les <strong><strong>en</strong>seignant</strong>s à leurs débuts.A partir de ces points, j’aimerais maint<strong>en</strong>ant proposer quelques outils aux futurs <strong><strong>en</strong>seignant</strong>sdont je fais partie, pour préparer au mieux leur <strong>en</strong>trée dans leur nouveau métier, remédier à leurmalaise, afin de l’exercer au mieux pour le bénéfice de leurs futurs appr<strong>en</strong>ants.Se questionner sur son rôle futur auprès <strong>des</strong> appr<strong>en</strong>antsOn a vu <strong>des</strong> critiques positives ou négatives de quelques appr<strong>en</strong>ants, leurs att<strong>en</strong>tes, quant àleurs divers <strong><strong>en</strong>seignant</strong>s. Il apparti<strong>en</strong>t donc pour comm<strong>en</strong>cer au futur <strong><strong>en</strong>seignant</strong> de se poser certainesquestions, vers <strong>un</strong>e prise de consci<strong>en</strong>ce de lui <strong>en</strong> tant qu’<strong><strong>en</strong>seignant</strong>, et t<strong>en</strong>ter d’y répondre avant mêmed’exercer son métier. Les questions difficiles, les problèmes insolubles, trouveront leurs réponses au fil<strong>du</strong> temps avec la pratique, et <strong>des</strong> réajustem<strong>en</strong>ts auront lieu (finalem<strong>en</strong>t <strong>un</strong>e remise <strong>en</strong> question régulièresera nécessaire )…Voici quelques questions qu’à mon s<strong>en</strong>s devrait se poser <strong>un</strong> futur <strong><strong>en</strong>seignant</strong> (j’ai t<strong>en</strong>té d’yapporter <strong>des</strong> réponses <strong>en</strong> m’appuyant sur les constatations faîtes au long de mon travail, elles n’ontauc<strong>un</strong>em<strong>en</strong>t la prét<strong>en</strong>tion d’établir <strong>des</strong> vérités, et figur<strong>en</strong>t simplem<strong>en</strong>t dans le but de proposer <strong>un</strong>eréflexion…).o Qu’att<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t les appr<strong>en</strong>ants, de quoi ont ils besoin ? (ils ont besoin d’être formés, d’être guidés dansleur appr<strong>en</strong>tissage, d’être écoutés, d’être cadrés, d’avoir <strong>des</strong> contacts avec la réalité professionnelle,de pr<strong>en</strong>dre <strong>du</strong> plaisir, d’être éveillés à la curiosité et à l’esprit critique, d’être responsabilisés, qu’onleur fasse confiance…)o Saurai-je répondre à leurs att<strong>en</strong>tes ? (pour y répondre au mieux il sera très utile de pr<strong>en</strong>dreconnaissance de son public, de son niveau de connaissance, de sa sphère culturelle et de ses horizonsd’att<strong>en</strong>te, de pr<strong>en</strong>dre connaissance de ses besoins… ces élém<strong>en</strong>ts pourront être déterminés par lecadre d’<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t ou au travers d’<strong>en</strong>treti<strong>en</strong>s si ceux-ci sont réalisables…)25


o Pourrai-je blesser <strong>un</strong> appr<strong>en</strong>ant ? (pour éviter cela je devrai faire preuve de psychologie, être att<strong>en</strong>tifà chac<strong>un</strong> de mes élèves afin de détecter leurs gênes, leurs craintes, les aider à les dépasser sans pourautant les mettre face à elles si cela doit être douloureux… je devrai aussi respecter <strong>un</strong>e certainedistance : je ne suis pas leur « copain », ni <strong>un</strong> de leurs par<strong>en</strong>ts… cela ne veut pas dire non plus que j<strong>en</strong>’ai pas le droit de t<strong>en</strong>ir <strong>un</strong> rôle social et de leur apporter <strong>un</strong> souti<strong>en</strong> s’ils <strong>en</strong> exprim<strong>en</strong>t le désir… -les britanniques ont <strong>un</strong> rapport de complicité beaucoup plus fort avec leurs élèves et cela ne semblepas être négatif… il est aussi important de toujours être juste…<strong>un</strong> s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t d’injustice peut êtretrès mal vécu par <strong>un</strong> élève qui ne saurait pas l’extérioriser…)o Serai-je assez ferme ? (je ne devrai pas, pour plaire à tout prix à mes élèves, établir avec eux <strong>un</strong>contact trop amical qui nuirait au bon déroulem<strong>en</strong>t de la classe. Si la classe est dissipée c’est que j<strong>en</strong>’aurai pas fait preuve d’assez d’autorité, si personne n’ose lever la main je devrai peut-êtrem’assouplir…)o Ferai-je subir mes états d’âme à mes élèves ? (avant de r<strong>en</strong>trer <strong>en</strong> classe je devrai faire <strong>un</strong> travail surmoi-même afin de ne pas faire subir aux élèves mes problèmes personnels, et faire de mon mieuxpour être d’humeur égale à chaque cours…)o Devrai-je jouer <strong>un</strong> rôle ou rester moi-même ? (je serai <strong>en</strong> représ<strong>en</strong>tation devant mes élèves, j’auraidonc <strong>un</strong> personnage face à eux, mais je serai aussi moi-même <strong>en</strong> tant qu’<strong><strong>en</strong>seignant</strong>, dans <strong>un</strong> <strong>des</strong>rôles que je joue dans la société…)o Serai-je crédible ? (je le serai si je maîtrise bi<strong>en</strong> ce que j’<strong>en</strong>seigne, si j’ai bi<strong>en</strong> préparé mon cours, et sije ne me laisse pas déstabiliser par <strong>des</strong> questions qui me surpr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t ou auxquelles je ne sais pasrépondre… je devrai appr<strong>en</strong>dre à improviser, à réagir vite, pour ne pas perdre la face devant lesélèves… l’erreur est humaine et je ne devrai pas dramatiser <strong>un</strong>e lac<strong>un</strong>e év<strong>en</strong>tuelle de ma part -même si je devrai faire mon possible pour la combler…je devrai faire s<strong>en</strong>tir aux élèves monimplication dans ce que j’<strong>en</strong>seigne pour les convaincre…)o Serai-je ridicule ? (<strong>un</strong>e trop grande crainte <strong>du</strong> regard <strong>des</strong> élèves transforme totalem<strong>en</strong>t lecomportem<strong>en</strong>t de l’<strong><strong>en</strong>seignant</strong> qui peut adopter <strong>un</strong>e posture fermée, avoir <strong>des</strong> gestes mal maîtrisés etainsi trahir son manque de confiance <strong>en</strong> lui… les élèves pourront éprouver de l’empathie – ce fut lecas lors de mon expéri<strong>en</strong>ce d’<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t à l’école de San Blas - mais très souv<strong>en</strong>t s’ils sont je<strong>un</strong>es26


ils n’hésiteront pas à se moquer de leur <strong><strong>en</strong>seignant</strong> ou à émettre <strong>des</strong> critiques négatives…il faut donctravailler la confiance <strong>en</strong> soi…)o Saurai-je transmettre les connaissances ? (je devrai <strong>en</strong>tre autre bi<strong>en</strong> structurer mon cours, varier lesactivités pour ne pas fatiguer l’att<strong>en</strong>tion <strong>des</strong> élèves et ne pas les noyer d’informations, les intéresser<strong>en</strong> leur expliquant le pourquoi de mon cours, r<strong>en</strong>dre celui-ci concret, proche d’eux, <strong>en</strong> employant<strong>des</strong> termes clairs et <strong>des</strong> référ<strong>en</strong>ces de leur génération, sans tomber dans la démagogie… apporter<strong>un</strong>e part de ludisme et de créativité est égalem<strong>en</strong>t très important…)o Saurai-je motiver mes élèves ? (je devrai leur expliquer la finalité de mon <strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t et leurprouver qu’il peut leur être utile – dans le cas où mon public n’aurait pas choisi de le suivre,l’intégrer au plus possible dans la réalité, et ne pas évaluer mes élèves de façon castratrice mais aucontraire les former, les pousser à se dépasser…)o Saurai-je passionner mes élèves ? (cela dép<strong>en</strong>dra de ma personnalité, de ma prés<strong>en</strong>ce, de ma capacitéà transmettre ma propre passion, à montrer mon implication dans ce que j’<strong>en</strong>seigne…)o Mes élèves m’apprécieront-ils ? (cela est de toute façon très subjectif… savoir allier humour etautorité paraît <strong>un</strong> atout majeur… <strong>en</strong> auc<strong>un</strong> cas il ne faut se focaliser sur soi à cause de son désir deleur plaire, si la sé<strong>du</strong>ction a <strong>un</strong>e grande part <strong>en</strong>tre <strong><strong>en</strong>seignant</strong> et élèves elle ne doit pas parasiter lecours… il vaut mieux adopter <strong>un</strong>e attitude ouverte et être à l’écoute…)o …Conseils d’<strong><strong>en</strong>seignant</strong>sPour compléter le point précéd<strong>en</strong>t, voici ce qu’ont répon<strong>du</strong> Emilie, Magali et Armelle à laquestion suivante : Quels conseils pourriez-vous donner à <strong>un</strong> je<strong>un</strong>e <strong><strong>en</strong>seignant</strong> pour « affronter » <strong>un</strong>eclasse à ses débuts ?• Emilie :« S'appuyer <strong>un</strong> maximum sur l'équipe <strong><strong>en</strong>seignant</strong>e de l'école permet d'être guidé. Préparer trèsprécisém<strong>en</strong>t ( déroulem<strong>en</strong>t et <strong>du</strong>rée de chaque activité) la journée de classe .Il faut se faire confiance ainsi qu'aux élèves. C'est normal que <strong>des</strong> séances ( pourtant bi<strong>en</strong>préparées) rat<strong>en</strong>t complètem<strong>en</strong>t mais ce n’est pas grave et on appr<strong>en</strong>d beaucoup de nos erreurs ».27


• Magali :« Ne plus faire att<strong>en</strong>tion à ce que les élèves peuv<strong>en</strong>t dire de moi (moi aussi je passais mes profs aucrible!), ouvrir le livre au chapitre correspondant pour démontrer que je maîtrise ce que j'avance, et lefaire vérifier par les élèves eux-mêmes, et si je me trompe, le pr<strong>en</strong>dre avec humour, l'erreur esthumaine!Pour l'autorité... Ce n'est pas <strong>en</strong>core ça... J’ai <strong>du</strong> mal à me mettre dans la peau <strong>du</strong> personnage... Jem'<strong>en</strong>nuie moi-même et cela ne correspond guère à ma personnalité... Mais je vais m'y mettre car je mer<strong>en</strong>ds compte que c'est indisp<strong>en</strong>sable, même si l'humour permet bi<strong>en</strong> souv<strong>en</strong>t de récupérer l'att<strong>en</strong>tion<strong>des</strong> élèves et de désamorcer les conflits! ».<strong>Etre</strong> consci<strong>en</strong>t qu'on a <strong>un</strong>e autorité de fait sur les élèves : si on est à l'aise avec ça, qu'on l'assume, lesélèves ne la remett<strong>en</strong>t pas <strong>en</strong> question... ou lorsqu'ils le font, s'ils voi<strong>en</strong>t que l'on est solide, ilsl'accept<strong>en</strong>t. Le plus important est d'être JUSTE, et de respecter les élèves. Enfin, le conseil habituel :"être ferme au début de l'année, et relâcher progressivem<strong>en</strong>t <strong>un</strong>e fois que la classe fonctionne"... Pasfacile! ».• Armelle« Problèmes <strong>du</strong> début :- Calculer le temps <strong>des</strong> activités à réaliser <strong>en</strong> classe.Petits trucs : faire les exercices lorsque l’on prépare les cours. Avec le temps, on s’habitue à calculerautomatiquem<strong>en</strong>t le temps dont on va avoir besoin.- T<strong>en</strong>dance à faire 2 activités <strong>un</strong>iquem<strong>en</strong>t.Petits trucs : prévoir plusieurs activités au moins 4 /5 par heure + utiliser <strong>un</strong> maximum de stratégiespour faire passer le message. (ne pas faire <strong>un</strong>iquem<strong>en</strong>t de l’écrit ou <strong>un</strong>iquem<strong>en</strong>t <strong>des</strong> chansons) Utiliser<strong>des</strong> outils d’appr<strong>en</strong>tissage variés : ex visuel, oral, d’écoute etc.- T<strong>en</strong>dance à s’occuper <strong>un</strong>iquem<strong>en</strong>t <strong>des</strong> g<strong>en</strong>s qui particip<strong>en</strong>t…Petits trucs : <strong>Etre</strong> pati<strong>en</strong>t et ferme <strong>en</strong> même temps : ne pas hésiter à couper la personne qui parle trop etfaire participer les plus timi<strong>des</strong>.Je n’ai jamais eu de problèmes de discipline, mais dès le premier jour j’explique les règles <strong>du</strong>jeu… par exemple… lever le doigt pour poser <strong>un</strong>e question, ne pas couper les camara<strong>des</strong> ni le professeurlorsque celui-ci parle.Je fais <strong>un</strong>e liste <strong>des</strong> objectifs de l’année + ce que j’att<strong>en</strong>ds <strong>des</strong> élèves + j’explique l’évaluation queje vais suivre.28


Conseils :- Préparer ses cours- Exposer aux étudiants les objectifs de chaque cours- Arriver <strong>en</strong> cours avec le sourire et être sûr de soi.- Contrôler les règles de discipline : les énoncer <strong>en</strong> début de cours- Éviter « le copinage » avec les élèves…garder <strong>un</strong>e certaine distance (surtout au début et si le profest je<strong>un</strong>e) cela peut créer <strong>des</strong> conflits au sein <strong>du</strong> groupe- Savoir faire rire et travailler <strong>en</strong> même temps- Finalem<strong>en</strong>t ne pas hésiter à être <strong>un</strong> peu « <strong>du</strong>r », les élèves préfèr<strong>en</strong>t <strong>un</strong> prof qui se fait respecterà <strong>un</strong> prof trop «g<strong>en</strong>til» ».Se former <strong>en</strong> multipliant les expéri<strong>en</strong>cesOn l’a vu, le système é<strong>du</strong>catif français offre <strong>des</strong> formations au métier d’<strong><strong>en</strong>seignant</strong> (<strong>en</strong> I.U.F.M.comme à l’Université) plutôt théoriques. Cela provoque <strong>un</strong> malaise au mom<strong>en</strong>t de passer à la pratiqueméconnu (<strong>du</strong> moins mieux appréh<strong>en</strong>dé) par nos confrères britanniques, qui ont <strong>un</strong>e approche beaucoupplus pragmatique et empirique de leur profession. Il n’est pas question ici de proposer <strong>un</strong>e révolution <strong>du</strong>système français de formation aux <strong><strong>en</strong>seignant</strong>s, mais de proposer <strong>des</strong> outils aux futurs <strong><strong>en</strong>seignant</strong>s quipourront leur être utiles pour pallier aux manques existant dans leur formation…Il semble que la multiplication <strong>des</strong> expéri<strong>en</strong>ces professionnelles (ou pré-professionnelles telles que<strong>des</strong> stages) tout au long de la formation soit salvatrice. C’est ce cloisonnem<strong>en</strong>t <strong>en</strong>tre monde étudiant etmonde professionnel qui provoque <strong>un</strong> malaise chez les je<strong>un</strong>es <strong><strong>en</strong>seignant</strong>s français. La transition estdouloureuse, certains n’ont pas réfléchi aux implications que leur nouveau métier comportait, et ils nesont pas <strong>du</strong> tout familiarisés avec ce qui les att<strong>en</strong>d, nouvel <strong>un</strong>ivers.Pour le futur <strong><strong>en</strong>seignant</strong>, « l’adaptation sereine ou non à ce nouvel espace de vie dép<strong>en</strong>d de sacapacité à jouer avec et dans ce monde, et cette capacité est fonction de sa familiarité à celui-ci et à <strong>des</strong>on adhér<strong>en</strong>ce à d’autres mon<strong>des</strong> » (R. Malet 1998 : 199). Il s’agit donc pour vivre au mieux son <strong>en</strong>tréedans le corps <strong><strong>en</strong>seignant</strong> de s’ouvrir aux expéri<strong>en</strong>ces (faire <strong>des</strong> stages, travailler avec <strong>des</strong> associations,avec <strong>des</strong> publics variés), et de se socialiser. Il est aussi très utile d’observer comm<strong>en</strong>t fonctionn<strong>en</strong>t lesautres <strong><strong>en</strong>seignant</strong>s, de leur demander conseil, pour résoudre <strong>en</strong>semble <strong>des</strong> problèmes, s’<strong>en</strong>richir, s’ouvrirà <strong>des</strong> techniques d’<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t auxquelles on aurait peut être pas p<strong>en</strong>sé…29


Se former par le théâtreParallèle <strong>en</strong>tre le métier d’<strong><strong>en</strong>seignant</strong> et le métier de comédi<strong>en</strong>Avant de proposer <strong>des</strong> outils de remédiation à certaines difficultés r<strong>en</strong>contrées par les je<strong>un</strong>es<strong><strong>en</strong>seignant</strong>s (ou <strong><strong>en</strong>seignant</strong>s désireux de continuer à se former) par la pratique théâtrale, j’aimeraisexposer brièvem<strong>en</strong>t quelques similitu<strong>des</strong> <strong>en</strong>tre le métier d’<strong><strong>en</strong>seignant</strong> et celui de comédi<strong>en</strong>…Le jour où l’<strong><strong>en</strong>seignant</strong> passe la porte de sa première classe, même avec <strong>un</strong> gros bagage théoriquesous le bras, il ne peut compter que sur ses tal<strong>en</strong>ts, <strong>en</strong> quelques sorte, « d’acteur » : il aura beau avoir euparfaitem<strong>en</strong>t préparé son cours, il ne sera pas, avec <strong>un</strong>e formation classique au métier d’<strong><strong>en</strong>seignant</strong>,préparé à affronter les dizaines de regards qui se pos<strong>en</strong>t sur lui. Il ne sera pas non plus préparé auxréactions multiples et diverses <strong>des</strong> appr<strong>en</strong>ants face à son cours. Anci<strong>en</strong> étudiant, il passe <strong>du</strong> gradin àl’estrade et doit conquérir sa classe.L’espace dans lequel évolue l’<strong><strong>en</strong>seignant</strong> peut être comparé à celui d’<strong>un</strong>e scène de théâtre, surlaquelle il fait son <strong>en</strong>trée et sa sortie, et qu’il doit investir. Il a <strong>un</strong> public, qu’il doit convaincre etcaptiver. Il met <strong>en</strong> scène le savoir à transmettre, le met <strong>en</strong> représ<strong>en</strong>tation dans ce s<strong>en</strong>s où il r<strong>en</strong>d prés<strong>en</strong>tquelque chose d’abs<strong>en</strong>t, où il doit faire vivre <strong>un</strong>e abstraction. Dans son livre Enseignant ou comédi<strong>en</strong>,<strong>un</strong> même métier ?, E. R<strong>un</strong>tz-Christan compare le triangle pédagogique (<strong><strong>en</strong>seignant</strong>-savoir-appr<strong>en</strong>ant)au triangle dramaturgique (comédi<strong>en</strong>-texte-spectateur).L’<strong><strong>en</strong>seignant</strong> <strong>en</strong> amphithéâtre qui donne <strong>un</strong> cours magistral fait <strong>en</strong> quelque sorte <strong>un</strong> monologue.Tout comme le comédi<strong>en</strong> il a préparé celui-ci et sait où il pourra pro<strong>du</strong>ire <strong>des</strong> effets pour capterl’att<strong>en</strong>tion de son public. Le public de l’<strong><strong>en</strong>seignant</strong> pourra cep<strong>en</strong>dant interrompre celui-ci, et même trèsrégulièrem<strong>en</strong>t dans <strong>un</strong>e petite classe où l’appr<strong>en</strong>tissage se fait de manière interactive. Alors l’<strong><strong>en</strong>seignant</strong>devra faire preuve d’<strong>un</strong>e capacité d’improvisation, qualité propre aussi au comédi<strong>en</strong>.Tout comme le comédi<strong>en</strong>, l’<strong><strong>en</strong>seignant</strong> est soumis au trac et à <strong>un</strong>e solitude face à <strong>un</strong> regard vécucomme juge (Le regard <strong>du</strong> public spectateur ou appr<strong>en</strong>ant peut être empathique plus que critique danscertains cas, mais il semble que cela ne se passe pas la majorité <strong>du</strong> temps. Cette empathie pourra naîtreplus facilem<strong>en</strong>t <strong>en</strong>tre <strong><strong>en</strong>seignant</strong> et appr<strong>en</strong>ants car ils se retrouv<strong>en</strong>t régulièrem<strong>en</strong>t et peuv<strong>en</strong>t créer <strong>un</strong>econfiance mutuelle). L’<strong><strong>en</strong>seignant</strong> et le comédi<strong>en</strong> connaiss<strong>en</strong>t le même phénomène de contagion chezleur public (rire, chahut, <strong>en</strong>nui…), les mêmes phénomènes de réceptivité. Ils sont aussi soumis à <strong>un</strong>e30


insécurité perman<strong>en</strong>te et à <strong>des</strong> remises <strong>en</strong> questions similaires propres à leur nécessité de plaire à leurpublic et de ne pas le décevoir…Pour conclure ce point suiv<strong>en</strong>t les réponses de Magali et d’Emile à la question « Considérez-vousqu’être <strong><strong>en</strong>seignant</strong> c’est aussi se forger <strong>un</strong> personnage au fil <strong>du</strong> temps… » :• Magali« Complètem<strong>en</strong>t! Je me s<strong>en</strong>s <strong>en</strong> représ<strong>en</strong>tation, pas parce que je ne suis pas moi-même, car je reste moi,je ne peux l'éviter, et les élèves le s<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t... mais parce que le rôle d'autorité n'est pas naturel, et que je"joue" la prof fâchée lorsque cela est nécessaire... ».• Emilie« Il y a quelque chose <strong>du</strong> personnage dans ce métier car il est important de tout théâtraliser pourmaint<strong>en</strong>ir l'att<strong>en</strong>tion <strong>des</strong> élèves et m<strong>en</strong>er la classe. Il faut attirer l’att<strong>en</strong>tion sur soi, m<strong>en</strong>er le jeu, jouerde sa voix. Personnellem<strong>en</strong>t c’est la pratique <strong>du</strong> chant qui m’a aidée à la poser. Il faut changerd’int<strong>en</strong>sité de voix pour maint<strong>en</strong>ir l’att<strong>en</strong>tion, et puis les faire rêver, faire passer de l’émotion, de lapassion, par le regard, la gestuelle, et <strong>en</strong>core <strong>un</strong>e fois la mo<strong>du</strong>lation de la voix… Et puis il faut faire del’humour. A force on repère ce qui fonctionne ou non, mais je ne « joue » pas la même leçon à chaquefois : c’est eux qui mèn<strong>en</strong>t la danse, surtout <strong>en</strong> primaire. Il faut s’adapter sans cesse… On se crée <strong>un</strong>personnage, <strong>un</strong> peu ami, mais il faut garder <strong>un</strong>e limite. Les élèves doiv<strong>en</strong>t pouvoir repérer quand jeplaisante ou non. Je blague avec eux mais <strong>en</strong> conservant mon autorité : <strong>en</strong> gros, je veux bi<strong>en</strong> rigoler maisil ne faut pas me pr<strong>en</strong>dre pour <strong>un</strong>e idiote. De manière générale il faut bi<strong>en</strong> réfléchir aux limitesprofessionnelles qu'on se donne car on est <strong>un</strong> modèle de référ<strong>en</strong>ce pour nos élèves et on se doit d'êtreirréprochable pour être crédible ».Enfin pour Laure, je<strong>un</strong>e <strong><strong>en</strong>seignant</strong>e interrogée par R. Malet, « on essaie <strong>un</strong> peu de forcer sanature ; là ça joue sur la naturel, et on se compose <strong>un</strong> peu <strong>un</strong> personnage ; mais malgré tout on est quandmême soi-même ». Elle parlera <strong>en</strong>suite de « travailler son propre style ». En somme la je<strong>un</strong>e <strong><strong>en</strong>seignant</strong>ese fabrique <strong>un</strong> personnage qui lui permettra de s’affirmer ou se réaffirmer (s’affirmer elle au sein de laclasse), de faire naître sa propre personnalité dans son rôle d’<strong><strong>en</strong>seignant</strong>e.31


Quelques outilsEn parallèle avec <strong>des</strong> expéri<strong>en</strong>ces sur le terrain, la participation à <strong>un</strong> atelier théâtral visant à laformation <strong>des</strong> <strong><strong>en</strong>seignant</strong>s (ou atelier théâtral non spécialisé d’ailleurs) semble particulièrem<strong>en</strong>tbénéfique. Celle-ci permettra <strong>en</strong> effet d’améliorer la confiance <strong>en</strong> soi et <strong>en</strong> l’autre, la posture corporelle,la prés<strong>en</strong>ce, la gestion <strong>du</strong> souffle, le placem<strong>en</strong>t de la voix, l’att<strong>en</strong>tion et la conc<strong>en</strong>tration, l’imaginaire, lacapacité d’improvisation…Rev<strong>en</strong>ons sur la notion de prés<strong>en</strong>ce évoquée plus haut par <strong>des</strong> élèves au sujet de leurs professeurs.E. R<strong>un</strong>tz- Christan dans son ouvrage déjà cité énumère diverses définitions de cette notion au s<strong>en</strong>sthéâtral <strong>du</strong> terme. On appr<strong>en</strong>d ainsi que pour E. Barba elle correspond à <strong>un</strong> processus de mise <strong>en</strong> formede l’énergie, qu’il nomme « le corps-<strong>en</strong>-vie », et que pour A. Mnouchkine il s’agit d’<strong>un</strong> état, d’être « auprés<strong>en</strong>t », dans l’action et dans l’émotion. Pour P. Pelletier, il s’agit de se débarrasser <strong>du</strong> « vouloir faire »et « d’être là ». E. R<strong>un</strong>tz- Christan a interrogé divers comédi<strong>en</strong>s, <strong><strong>en</strong>seignant</strong>s et didactici<strong>en</strong>s pour établir<strong>un</strong>e sorte de liste <strong>des</strong> composantes de la prés<strong>en</strong>ce. Il s’agirait <strong>du</strong> regard, de l’écoute, de la voix, del’aisance, <strong>du</strong> physique, de la conc<strong>en</strong>tration, de l’imagination, de personnalité, de professionnalisme, <strong>des</strong>é<strong>du</strong>ction … Cette notion regroupe alors tout ce qui pourra être travaillé au sein d’<strong>un</strong> atelier de pratiquethéâtrale.L’<strong><strong>en</strong>seignant</strong>, dont la profession nous l’avons vu se recoupe <strong>en</strong> plusieurs points avec celle decomédi<strong>en</strong>, aura tout intérêt à travailler chez lui cette précieuse qualité de prés<strong>en</strong>ce s’il veut captiverl’att<strong>en</strong>tion de son public et ainsi transmettre <strong>du</strong> savoir.Pour ce faire il pourra au sein d’<strong>un</strong> atelier de pratique théâtrale se livrer à divers exercices (Ilpourra consulter à ce sujet différ<strong>en</strong>ts ouvrages – voir les ouvrages de G. Pierra et de G. Qu<strong>en</strong>tin cités <strong>en</strong>bibliographie) qui lui permettront d’appr<strong>en</strong>dre à se relaxer, à retrouver confiance <strong>en</strong> lui, à placer savoix, à s’ouvrir, à écouter, à réagir, à improviser, à s’adapter, à imaginer…Il s’agira par exemple (exemple parmi <strong>des</strong> dizaines d’exercices simples à réaliser) d’être filmé <strong>en</strong>faisant <strong>un</strong>e <strong>en</strong>trée sur scène et disant : « je suis là ». Le but sera, grâce au visionnem<strong>en</strong>t vidéo, de pr<strong>en</strong>dreconsci<strong>en</strong>ce <strong>des</strong> attitu<strong>des</strong> corporelles spontanées qui ni<strong>en</strong>t la prés<strong>en</strong>ce.Tout <strong>un</strong> travail sur le corps et son expressivité améliorera la comm<strong>un</strong>icativité. Le mouvem<strong>en</strong>t <strong>du</strong>corps, sa facilité à se déplacer, à investir l’espace, son agilité donnant <strong>un</strong>e précision supplém<strong>en</strong>taire aulangage, au message à transmettre… On t<strong>en</strong>tera d’atteindre <strong>un</strong>e globalité corporelle et vocale.32


On appr<strong>en</strong>dra à improviser, exercice primordial pour appr<strong>en</strong>dre à réagir, à s’adapter, à jouer avecet dans différ<strong>en</strong>ts espaces…Un travail sur la confiance et le regard de l’autre permettra de retrouver <strong>un</strong>e sécurité qui sanslaquelle la parole reste impuissante. On ira vers <strong>un</strong>e désinhibition indisp<strong>en</strong>sable à l’épanouissem<strong>en</strong>t <strong>des</strong>oi, à l’acception de soi et de sa relation aux autres, dans le ludisme et plaisir… Autant de bénéfices pourexercer son futur métier avec aisance.ConclusionFuture <strong><strong>en</strong>seignant</strong>e angoissée à l’idée de ne pas remplir au mieux ma fonction et de léser lesfuturs appr<strong>en</strong>ants dont j’aurai la responsabilité, j’ai t<strong>en</strong>té au fil de mon travail de compr<strong>en</strong>dre ce quipouvait gêner <strong>des</strong> appr<strong>en</strong>ants dans leurs parcours ou au contraire les stimuler, les <strong>en</strong>courager, les faireprogresser. Cette angoisse, ce malaise, sont partagés par plusieurs futurs <strong><strong>en</strong>seignant</strong>s ou <strong><strong>en</strong>seignant</strong>sdébutants français, souv<strong>en</strong>t insuffisamm<strong>en</strong>t formés, mal préparés à leur profession naissante, et j’aisouhaité y réfléchir. Il semble que si les représ<strong>en</strong>tations de l’<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t et de l’appr<strong>en</strong>tissage propresà notre culture soi<strong>en</strong>t souv<strong>en</strong>t <strong>un</strong> obstacle à <strong>un</strong>e ouverture vers <strong>des</strong> pratiques nouvelles, <strong>du</strong> moins <strong>des</strong>formations nouvelles au métier d’<strong><strong>en</strong>seignant</strong>, et à <strong>un</strong>e véritable ouverture aux appr<strong>en</strong>ants et à leursbesoins, on puisse y remédier chac<strong>un</strong> <strong>en</strong> multipliant les expéri<strong>en</strong>ces, <strong>en</strong> se concertant les <strong>un</strong>s les autres,<strong>en</strong> se remettant sérieusem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> question dans son rôle d’<strong><strong>en</strong>seignant</strong> et <strong>en</strong> effectuant <strong>un</strong> travail sur soiau sein par exemple d’ateliers tels que <strong>des</strong> ateliers de pratique théâtrale, vers <strong>un</strong>e appréh<strong>en</strong>sion plusconcrète de la profession.Pour que ce malaise provoqué par le regard <strong>des</strong> appr<strong>en</strong>ants et par la v<strong>en</strong>ue à <strong>un</strong> nouveau rôle, à<strong>un</strong> nouvel espace, ne passe au premier plan et parasite l’appr<strong>en</strong>tissage, on appr<strong>en</strong>dra au plus vite à <strong>en</strong>sortir, à sortir de l’auto c<strong>en</strong>tration, d’<strong>un</strong> souci de plaire, pour se rec<strong>en</strong>trer sur les appr<strong>en</strong>ants dans <strong>un</strong>eattitude ouverte, att<strong>en</strong>tive à eux et à leurs besoins. En travaillant notre confiance, notre expressivité,notre prés<strong>en</strong>ce, <strong>en</strong> ajustant régulièrem<strong>en</strong>t nos propres techniques d’<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t, on exercera avec plusd’aisance, dans la dét<strong>en</strong>te, l’<strong>en</strong>thousiasme, qu’on souhaite comm<strong>un</strong>iquer aux appr<strong>en</strong>ants, vers le plaisird’appr<strong>en</strong>dre…33


Bibliographie consultée :R. Mallet (1998), L’Harmattan, L’id<strong>en</strong>tité <strong>en</strong> formation, phénoménologie de dev<strong>en</strong>ir <strong><strong>en</strong>seignant</strong>G. Pierra (2001), L’Harmattan, Une esthétique théâtrale <strong>en</strong> langue étrangèreJ-M. Prieur (2001), Publication de l’Université Paul Valéry, Le v<strong>en</strong>t traversierG. Qu<strong>en</strong>tin (1999), Chronique sociale, Enseigner avec aisance grâce au théâtreE. R<strong>un</strong>tz-Christan (2000), ESF Editeur, Enseignant et comédi<strong>en</strong>, <strong>un</strong> même métier?Articles parus dans Travaux de didactique <strong>du</strong> FLE :C. Bouyon, Travaux de didactique <strong>du</strong> FLE n°24. Des places et <strong>des</strong> relations : analyse d’<strong>un</strong>e situationdifficile <strong>en</strong> classe de langueG. Pierra, Dossiers d’étudiants, Travaux de didactique <strong>du</strong> FLE n°38, N. Duterne, L’expressivité et larelation au corps, N. Puz<strong>en</strong>at, La voix qui sourd <strong>du</strong> texte, M-I. Casal, D’<strong>un</strong> personnage à l’autre, <strong>du</strong>bilingue à l’acteur, P. Bonfils, Réflexion sur la notion de prés<strong>en</strong>ce34

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