L E L I B R A I R E C R A Q U E !essaiJE MANGEAVEC MA TÊTECe livre prône le végétarisme,et même le « véganisme », unmode de vie fondé sur le refusde l’exploitation animale. Mais l’auteuren’impose rien : elle explique, elle réfute lesarguments des carnivores, elle cite denombreuses études, propose des tas de pistesde lecture en fin de texte. <strong>Le</strong> hic? Peut-êtrequ’avec ce livre, Élise Desaulniers prêche auxconvertis, car rares sont les omnivores quilisent ce type d’essais. Reste que ces écrits doivent exister, aucas où ils en conscientiseraient certains. Serez-vous l’un d’eux?Christine Arseneault-Boucher PantouteÉlise Desaulniers, Stanké, 264 p., 29,95$FORÊT ET SOCIÉTÉEN MAURICIEEntrez dans les camps debûcherons, photos à l’appui!Forêt et société en Mauricieest un livre passionnant dans lequel les historiensRené Hardy et Normand Séguin revisitent la périodede 1850 à 1910 à la lumière des connaissancesactuelles en écologie. On découvre notammentl’émergence, au début du XX e siècle, d’un courantde pensée appelé « conservationnisme ». Cecourant, marqué par un souci pour l’environnement,n’a pas survécu au tumulte de la Deuxième Guerre mondiale.Un voyage dans le passé qui met en évidence la place centrale del’activité forestière, aussi bien dans l’occupation du territoire que dansla survie des habitants de la région. Benoît St-Aubin L’ExèdreRené Hardy et Normand Séguin, Septentrion, 250 p., 29,95$HISTOIRE DE MOTS SOLITES ET INSOLITESJ’ai toujours été un amateur inconditionnelde l’étymologie : je me réjouis donc de voirapparaître sur nos tablettes un ouvragequébécois qui touche à ce domaine. Sans êtreun dictionnaire, le livre de Gaétan St-Pierrenous présente les origines multiples demots choisis et l’évolution du sens d’unvocabulaire qui meuble notre parler de tousles jours. Depuis le grec, le latin et le celtique jusqu’auxanglicismes et américanismes, c’est un voyage dans le temps quinous est proposé à travers un travail de recherche hors pair. Unlivre à garder près de soi en tout temps. Passez le mot!Shannon Desbiens <strong>Le</strong>s BouquinistesGaétan St-Pierre, Septentrion, 332 p., 29,95$ÉCRIRE AU PAPE ET AU PÈRE NOËLBenoît Melançon a une curiosité dévorante. Outrel’œuvre de Diderot et celle de Maurice Richard,il se passionne pour le monde épistolaire. DansÉcrire au pape et au Père Noël, il nous présentedes « pratiques curieuses, des coutumesparticulières, des réflexions étonnantes » liéesà l’échange de lettres : histoire de sportifsépistoliers, d’un Tintin qui ne l’est pas, debouteilles à la mer, de pigeons voyageurs... <strong>Le</strong> résultat est unecélébration de l’intelligence et de l’érudition, des bonheursd’écriture, des histoires surprenantes qui raviront les amateurs debizarreries et d’inventivité. Christian Vachon PantouteBenoît Melançon, Del Busso, 168 p., 19,95$30 • LE LIBRAIRE • HORS SÉRIE • DÉCEMBRE 2011RECOURSAUX SOURCES<strong>Le</strong> peuple québécoissemble plus confus quejamais, en ces tempsgris où moult idéologues se livrent, sur laplace publique, à un bras de fer frénétiquepour récupérer à leur compte le devenircollectif. <strong>Le</strong> rapport trouble qu’entretiennentles Québécois avec leur histoire d’avant 1960ajoute à la confusion. Heureusement, ÉricBédard s’attelle à la tâche d’éclairer lesméandres de notre histoire, de Lionel Groulx à Trudeau. Tout celaafin que, forts d’une connaissance décomplexée de l’endroit d’oùnous venons, nous puissions enfin savoir où aller.Michaël Dumouchel AlireÉric Bédard, Boréal, 280 p., 27,95$LA RECONQUÊTEDU QUÉBEC<strong>Le</strong> nouvel essai de RoméoBouchard s’inscrit avecforce dans l’actualité. Àl’heure où gaz de schiste, éoliennes et autresressources naturelles maladroitement exploitéessoulèvent les passions dans différentes régionsdu Québec, M. Bouchard prône la réappropriationde notre territoire. En effet, pourquoicontinuer de confier nos ressources naturelles àdes compagnies étrangères, peu soucieuses del’économie locale, sans parler de l’impact environnemental? En sebasant sur le modèle gaspésien, l’auteur propose une nouvellevision économique, oui, mais aussi sociale et démocratique pour leQuébec. La première phase de la Révolution tranquille est terminéeet, selon M. Bouchard, il est grand temps d’entamer la secondeétape du « Maîtres chez nous ». Cynthia Brisson le <strong>libraire</strong>Roméo Bouchard, Écosociété, 228 p., 24$
ENTREVUEessaiJ I M S T A N F O R DC-comme capitalismePour les non-initiés, l’économie a des allures de créature diabolique, de monstre terrifiantconstitué de chiffres, de jargon incompréhensible et de graphiques obscurs. <strong>Le</strong> sujet est tropcompliqué, austère, aride. C’est en pensant à tous ceux qui sentent venir la migraine dès qu’onévoque la finance que l’économiste canadien Jim Stanford a écrit son Petit cours d’autodéfenseen économie (Lux). Sa devise : « L’économie est trop importante pour êtrelaissée aux économistes. »Par Benjamin EskinaziEn un peu moins de 500pages, Jim Stanford s’emploieà démystifier l’économie,pour que cette sciencesociale ne soit plus réservéeà une élite en costumetrois-pièces, mais soit accessibleà tous. L’auteur, très critique envers le capitalisme,lui donne à peine la note de passage : C-.Illustration: © Charb« Il y a de la provocation là-dedans, explique-t-il. Mais il y a aussi la volontéde ne pas fournir la réponse réflexe de la gauche, qui serait de donner unF au capitalisme. Nous sous-estimons toujours le capitalisme. Je ne croispas, malgré la crise que nous vivons actuellement, que le capitalisme vas’effondrer. »<strong>Le</strong> livre de Stanford paraît alors que le monde est plongé dans sa pirecrise financière en quatre-vingts ans : « Et ça va empirer, commentel’économiste. Nous sommes dans une situation similaire à la Crise de1929. On peut s’attendre à une décennie de récession. »Dans ce contexte économique lugubre, un mouvement planétaire – lesIndignés – demande des comptes aux gouvernements du monde entierpour leur gestion de la crise financière et les profondes inégalités de lasociété. « Nous sommes les 99% qui ne tolèrent plus l’avidité et lacorruption des 1% », clament-ils.« <strong>Le</strong> slogan des Indignés est non seulement justifié moralement, il estaussi exact économiquement, explique Stanford. Alors que 1% de lapopulation subvient à ses besoins grâce à sa fortune, les 99% restantsdoivent travailler pour vivre. » Au Canada, 1% des Canadiens possède letiers de la richesse financière du pays.« Je ne sais pas ce qui va émerger de la mobilisation desIndignés, mais ce mouvement a le potentiel de briser lapassivité et le sentiment de défaite dont je parle dans lelivre. Cette passivité est la plus grande réussite desnéolibéraux. Ils ont réussi à convaincre la population quevivre dans l’incertitude et dans la peur (de perdre sonemploi, de tomber malade…) était normal, et qu’il neservait à rien de se battre pour exiger mieux. Il faut que lagauche montre qu’elle est capable de gagner des bataillespour surmonter cette passivité », commente l’auteur.« On essaie de nous faire croire que la crise financière que nous subissonsaujourd’hui était inéluctable, que c’était une catastrophe naturelle, commeune météorite qui s’écraserait sur la Terre, tempête Stanford. C’est unmythe. La crise était non seulement prévisible, elle était aussi évitable. »Stanford blâme, entre autres choses, la déréglementation financière :« <strong>Le</strong> travail des banques, c’est de créer du créditex nihilo. C’est une chose dont l’économie a besoin.Mais pourquoi assigne-t-on cette tâche à des banquesprivées dont le but est de faire du profit? Nous devonsdissocier le travail élémentaire des banques de laspéculation. C’était un des principes des années 30,mais nous l’avons abandonné dans les années 90. »<strong>Le</strong> Petit cours d’autodéfense en économie se termine surun appel à agir. Mais comment? « Un vieux dictonsyndicaliste dit: “Éduquer, mobiliser, organiser”,rappelle Stanford. La première étape estd’apprendre – et de rejeter les conneries de la télé –avant de s’exprimer haut et fort pour défendreses intérêts. »PETIT COURSD’AUTODÉFENSEEN ÉCONOMIELux496 p. | 24,95$LE LIBRAIRE • HORS SÉRIE • DÉCEMBRE 2011 • 31