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Elèves en difficulté, rapport au savoir et écrit - Centre académique ...

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D. Perrier Page 1 20/09/2005Elèves <strong>en</strong> difficulté, <strong>rapport</strong> <strong>au</strong> <strong>savoir</strong> <strong>et</strong> écrit 1La notion d’ill<strong>et</strong>trisme, socialem<strong>en</strong>t construite, apparaît comme une « crise de lalecture » <strong>et</strong> elle est souv<strong>en</strong>t difficile à définir. C<strong>et</strong>te notion donne lieu à de nombreuxdébats (J. Hébrard, A-M. Chartier, 1992). Il n’<strong>en</strong> reste pas moins que certains élèves ontdes difficultés d’appr<strong>en</strong>tissage qui sont <strong>au</strong>ssi des difficultés à <strong>en</strong>trer dans la culture écrite<strong>et</strong> à utiliser l’écrit pour lire, écrire, appr<strong>en</strong>dre, p<strong>en</strong>ser.Nous comm<strong>en</strong>cerons par évoquer la question des appr<strong>en</strong>tissages de la lecture, compt<strong>et</strong><strong>en</strong>u du fait que ces appr<strong>en</strong>tissages sont mis <strong>au</strong> c<strong>en</strong>tre des débats sur l’ill<strong>et</strong>trisme <strong>et</strong> qu’ilsr<strong>en</strong>voi<strong>en</strong>t souv<strong>en</strong>t à des approches qui peuv<strong>en</strong>t donner l’impression du simple quand nousy voyons de la complexité. Par oubli ou sous-estimation de la pluri- dim<strong>en</strong>sionnalité del’appr<strong>en</strong>tissage de la lecture, certains discours de la « doxa » <strong>et</strong> parfois certains discours« savants » réduis<strong>en</strong>t ces appr<strong>en</strong>tissages à une seule de ses dim<strong>en</strong>sions. Ils relèv<strong>en</strong>tpourtant d’un <strong>en</strong>semble plus complexe.En nous appuyant sur des trav<strong>au</strong>x liés <strong>au</strong>x notions de <strong>rapport</strong> <strong>au</strong> <strong>savoir</strong> <strong>et</strong> de <strong>rapport</strong> <strong>au</strong>langage <strong>et</strong> <strong>en</strong> pr<strong>en</strong>ant l’exemple des élèves de l’école primaire ou de sixième, nousrevi<strong>en</strong>drons sur les modes d’appr<strong>en</strong>dre des élèves <strong>en</strong> difficulté, sur certaines de leursmobilisations à l’école <strong>et</strong> sur les usages de l’écrit qui peuv<strong>en</strong>t les gêner dans leursappr<strong>en</strong>tissages. Les notions de <strong>rapport</strong> <strong>au</strong> <strong>savoir</strong> <strong>et</strong> de <strong>rapport</strong> <strong>au</strong> langage perm<strong>et</strong>t<strong>en</strong>td’analyser les difficultés des élèves, de mieux compr<strong>en</strong>dre ce qui est <strong>en</strong> jeu dans leuractivité <strong>et</strong> dans les formes de mobilisation à l’école.Enfin, nous <strong>en</strong>visagerons égalem<strong>en</strong>t quelques pistes éducatives, pédagogiques <strong>et</strong>didactiques qui, dans le cadre de la classe ou extérieurem<strong>en</strong>t à l’école, pourrai<strong>en</strong>t aider lesélèves les plus « fragiles » à s’approprier les <strong>savoir</strong>s <strong>et</strong> à maîtriser l’écrit. Nous avanceronsl’idée que des collectifs de travail <strong>au</strong>tour de ces questions, <strong>en</strong> s’emparant de ces pistes,serai<strong>en</strong>t à même de favoriser les appr<strong>en</strong>tissages <strong>et</strong> d’influer positivem<strong>en</strong>t sur les difficultésdes élèves face à la lecture <strong>et</strong> à l’écrit.I. Difficultés de lecture : des formes de réductionnisme ?Les appr<strong>en</strong>tissages de la lecture <strong>et</strong> de la maîtrise du langage écrit, évoqu<strong>en</strong>t desapproches qui peuv<strong>en</strong>t donner l’impression d’une réduction du complexe à du simple,dans l’oubli ou la sous-estimation de la pluralité des dim<strong>en</strong>sions de l’appr<strong>en</strong>tissage de lalecture, de l’écrit.Une forme de réductionnisme porte sur l’activité de lecture à l’œuvre dansl’appr<strong>en</strong>tissage de la lecture pour de jeunes élèves. Dans les années soixante-dix, quatrevingt,une de ces approches réduisait l’activité d’appr<strong>en</strong>tissage de la lecture à une activitéuniquem<strong>en</strong>t idéo-visuelle sans <strong>rapport</strong> avec la dim<strong>en</strong>sion phonographique du système écrit(J. Foucambert, 1976). A l’inverse, ou plutôt de même, une <strong>au</strong>tre approche assimilait <strong>et</strong>assimile <strong>en</strong>core les difficultés de lecture uniquem<strong>en</strong>t à des difficultés techniquesd’appr<strong>en</strong>tissage de la lecture, à la consci<strong>en</strong>ce phonique <strong>et</strong> de la connaissance du code1 Ce texte est une version écrite d’une interv<strong>en</strong>tion à l’Université d’été de Reims d’août 2003 consacrée àl’ill<strong>et</strong>trisme.


D. Perrier Page 2 20/09/2005graphophonique (José Morais, 1994). C<strong>et</strong>te approche consiste à ne pr<strong>en</strong>dre <strong>en</strong> comptedans les premiers appr<strong>en</strong>tissages de la lecture que la dim<strong>en</strong>sion phonologique du codeécrit dans l’oubli des dim<strong>en</strong>sions culturelle, cognitive <strong>et</strong> métalinguistique de l’acte de lire.A contrario, d’<strong>au</strong>tres recherches se situant dans une approche plurielle de l’appr<strong>en</strong>tissagede la lecture soulign<strong>en</strong>t le rôle des interactions <strong>en</strong>tre opérations m<strong>en</strong>tales à l’œuvre dansl’acte de lire <strong>et</strong> l’activité stratégique de l’élève qu’elle suppose (G. Ch<strong>au</strong>ve<strong>au</strong>, M.Rémond, E. Rogovas-Ch<strong>au</strong>ve<strong>au</strong>, 1993 ; G. Ch<strong>au</strong>ve<strong>au</strong>, 1997). A l’appui de ces trav<strong>au</strong>x,certains <strong>au</strong>tres issus de la psychologie du développem<strong>en</strong>t, montr<strong>en</strong>t que le recours <strong>au</strong>contexte du mot inconnu par un élève est une « stratégie » de lecture pour tous les élèves,y compris les « bons élèves » débutants, <strong>et</strong> perm<strong>et</strong> d’éviter la confusion <strong>en</strong>tre utilisationd’une « stratégie » de débutant <strong>et</strong> une « stratégie » de « m<strong>au</strong>vais lecteur ». Ils soulign<strong>en</strong>t lerôle des processus infér<strong>en</strong>tiels <strong>et</strong> l’importance de l’utilisation du contexte littéral <strong>en</strong> débutd’appr<strong>en</strong>tissage (R. Goigoux, 2001). Par ailleurs, une étude américaine de J.Collins dontr<strong>en</strong>d compte B. Lahire montre qu’insister sur les aides portant sur le seul décodage pourles élèves <strong>en</strong> difficulté, <strong>et</strong> y passer plus de temps, quand simultaném<strong>en</strong>t les aides <strong>et</strong> l<strong>et</strong>emps de travail port<strong>en</strong>t sur des questions sur le texte pour les « bons lecteurs », acc<strong>en</strong>tueles écarts de compréh<strong>en</strong>sion des textes (B. Lahire, 1993). Par conséqu<strong>en</strong>t, pourimportantes que soi<strong>en</strong>t les dim<strong>en</strong>sions <strong>et</strong> les activités phoniques <strong>et</strong> graphophoniques desélèves, ri<strong>en</strong> ne perm<strong>et</strong> de p<strong>en</strong>ser que l’appr<strong>en</strong>tissage de la lecture s’y réduise.Certaines approches p<strong>en</strong>s<strong>en</strong>t l’appr<strong>en</strong>tissage de la lecture uniquem<strong>en</strong>t dans sesdim<strong>en</strong>sions cognitive <strong>et</strong> linguistique, dans l’oubli ou la sous-évaluation des dim<strong>en</strong>sionsculturelle <strong>et</strong> sociale. II existe une t<strong>en</strong>dance à interpréter les difficultés de lecture (<strong>et</strong> l’« ill<strong>et</strong>trisme ») sans <strong>en</strong>visager la lecture <strong>et</strong> son appr<strong>en</strong>tissage à l’école commeappr<strong>en</strong>tissage social, comme pratiques de lecture avant, p<strong>en</strong>dant <strong>et</strong> après lesappr<strong>en</strong>tissages plus techniques de l’école élém<strong>en</strong>taire. Or, <strong>en</strong> v<strong>en</strong>ant à l’école, l’<strong>en</strong>fant yadopte une « posture » qui est <strong>au</strong>ssi un statut social : il a à effectuer des appr<strong>en</strong>tissagesselon certains délais <strong>et</strong> curricula, à partir des situations pédagogiques <strong>et</strong> didactiques…(M. Brossard, 1998). On peut comme J. Downing <strong>et</strong> J. Fijalkow (1984) ou M. Brossard, seposer la question de <strong>savoir</strong> si les difficultés de lecture sont des difficultés strictem<strong>en</strong>tlinguistiques ou cognitives ou si ce sont <strong>au</strong>ssi des difficultés d’ordre social <strong>et</strong> d’ordreculturel consistant à repérer des nouve<strong>au</strong>x contextes qui sont à la fois scolaires, culturels,communicationnels <strong>et</strong> soci<strong>au</strong>x par la transmission de <strong>savoir</strong>s dans des formes scolaireselles-mêmes socio-historiquem<strong>en</strong>t construites. En eff<strong>et</strong>, se joue à l’école un drôle de« jeu » pour l’élève, celui d’appr<strong>en</strong>dre à lire dans des situations où la lecture n’est pas unmoy<strong>en</strong> mais un obj<strong>et</strong> d’appr<strong>en</strong>tissage. Les situations d’appr<strong>en</strong>tissage de la lecture sontnécessairem<strong>en</strong>t (un peu) éloignées des usages <strong>et</strong> pratiques sociales <strong>et</strong> culturelles nonscolaires. Ce qui m<strong>et</strong> la question des pratiques de lecture, des usages <strong>et</strong> des fonctions de lalecture, celles des mobiles de l’activité de lecture, <strong>au</strong> cœur des appr<strong>en</strong>tissages des élèves<strong>et</strong> pas seulem<strong>en</strong>t celle des seules opérations linguistiques <strong>et</strong> cognitives <strong>en</strong> jeu dans l’actede lire si avérées <strong>et</strong> indisp<strong>en</strong>sables qu’elles soi<strong>en</strong>t.Une <strong>au</strong>tre forme de réductionnisme consiste à p<strong>en</strong>ser les difficultés de lecture commerelevant uniquem<strong>en</strong>t de la lecture dans l’oubli du langage, du langage pour appr<strong>en</strong>dre <strong>et</strong>des <strong>rapport</strong>s <strong>en</strong>tre le langage, les <strong>savoir</strong>s <strong>et</strong> la p<strong>en</strong>sée comme invite à le p<strong>en</strong>ser Vygotski(L. S. Vygotski, 1935/85). Les difficultés de lecture sont réduites uniquem<strong>en</strong>t à unequestion de lecture <strong>au</strong> détrim<strong>en</strong>t des pratiques orales <strong>et</strong> des pratiques d’écriture maissurtout <strong>au</strong> détrim<strong>en</strong>t des interactions <strong>en</strong>tre pratiques, mom<strong>en</strong>ts <strong>et</strong> modes de faire, de dire,


D. Perrier Page 3 20/09/2005de réfléchir. En eff<strong>et</strong>, les difficultés port<strong>en</strong>t <strong>au</strong>ssi sur les cont<strong>en</strong>us culturels des écrits,leurs usages <strong>et</strong> leurs fonctions <strong>au</strong>xquels les élèves sont plus ou moins familiarisésantérieurem<strong>en</strong>t <strong>et</strong> extérieurem<strong>en</strong>t à l’école (É.B<strong>au</strong>tier, 1992 <strong>et</strong> 1995). Référer lesdifficultés de lecture <strong>au</strong> seul domaine de la lecture sans le relier explicitem<strong>en</strong>t à la maîtrisedu langage <strong>et</strong> de l’écriture nous paraît égalem<strong>en</strong>t réducteur. En eff<strong>et</strong>, les difficultés dans ledomaine de l’écrit sont loin de se limiter à ce seul domaine, ce qui est <strong>en</strong> jeu relève plusgénéralem<strong>en</strong>t du domaine des pratiques langagières <strong>et</strong> plus particulièrem<strong>en</strong>t de celles quemobilise par ailleurs l’école. B. Lahire m<strong>et</strong> <strong>en</strong> évid<strong>en</strong>ce qu’à l’école, les difficultés desélèves se situ<strong>en</strong>t <strong>en</strong> lecture, certes, mais égalem<strong>en</strong>t dans l’<strong>en</strong>semble des activités requérantl’étude de la langue, dans des tâches scolaires pr<strong>en</strong>ant le langage pour obj<strong>et</strong>, ce quiconcerne <strong>au</strong>ssi bi<strong>en</strong> l’oral, la langue écrite ou la production d’écrits (B. Lahire, 1993).Nous voyons bi<strong>en</strong> que les raccourcis <strong>en</strong> matière d’analyse des difficultés de lecture desélèves risqu<strong>en</strong>t de gêner plus que de faciliter les aides possibles <strong>et</strong> que l’analyse sedéplace de difficultés avérées mais partielles vers une analyse de difficultés relevant deprocessus plus glob<strong>au</strong>x.III. Rapport <strong>au</strong> <strong>savoir</strong>, <strong>au</strong> langage <strong>et</strong> difficultés de lectureEst-ce que la notion de <strong>rapport</strong> <strong>au</strong> <strong>savoir</strong> (étroitem<strong>en</strong>t liée à celle de <strong>rapport</strong> <strong>au</strong>langage) peut nous servir à mieux appréh<strong>en</strong>der les difficultés des élèves ? Nous lep<strong>en</strong>sons. Appr<strong>en</strong>dre suppose des élèves une activité <strong>et</strong> des mobilisations qui ont pour butl’appropriation des <strong>savoir</strong>s. Or les élèves <strong>en</strong> difficulté soit ne travaill<strong>en</strong>t pas, « ils ont latête ailleurs » dis<strong>en</strong>t les <strong>en</strong>seignants (<strong>et</strong> donc peuv<strong>en</strong>t difficilem<strong>en</strong>t appr<strong>en</strong>dre à l’école),soit, ce qui n’est pas le moins fréqu<strong>en</strong>t, travaill<strong>en</strong>t <strong>et</strong> même appr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t mais le font <strong>au</strong>plus près de la tâche <strong>et</strong> discern<strong>en</strong>t mal le but <strong>en</strong> termes de <strong>savoir</strong>s <strong>et</strong> d’activités. Ils sepolaris<strong>en</strong>t alors sur les aspects les plus utilitaires des appr<strong>en</strong>tissages, sur les aspects lesplus formels des situations <strong>et</strong> des tâches ou sur les relations avec l’<strong>en</strong>seignant <strong>et</strong> ainsi seplac<strong>en</strong>t <strong>en</strong> extériorité par <strong>rapport</strong> <strong>au</strong>x appr<strong>en</strong>tissages <strong>et</strong> <strong>au</strong>x <strong>savoir</strong>s. La notion de <strong>rapport</strong><strong>au</strong> <strong>savoir</strong> perm<strong>et</strong> d’éclairer ces mal<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dus socio-cognitifs.C<strong>et</strong>te notion a été élaborée, <strong>en</strong> particulier par l’équipe ESCOL (B. Charlot, É. B<strong>au</strong>tier,J-Y. Rochex, 1992 ; É. B<strong>au</strong>tier, J-Y. Rochex, 1997, É. B<strong>au</strong>tier, B. Charlot, J-Y. Rochex,2000) à partir de bilans de <strong>savoir</strong>s écrits produits par les élèves <strong>et</strong> à partir d’<strong>en</strong>tr<strong>et</strong>i<strong>en</strong>sréalisés avec un certain nombre d’<strong>en</strong>tre eux. Ces données ont été recueillies dans desécoles <strong>et</strong> des collèges de ZEP mais <strong>au</strong>ssi dans des collèges scolarisant globalem<strong>en</strong>t desélèves de milieux soci<strong>au</strong>x be<strong>au</strong>coup plus favorisés. Ces recherches ont mis <strong>en</strong> évid<strong>en</strong>cedes <strong>rapport</strong>s, des logiques <strong>et</strong> des processus différ<strong>en</strong>ciateurs <strong>en</strong>tre de « bons élèves » <strong>et</strong> des« élèves <strong>en</strong> difficulté » lorsqu’ à l’école, les uns <strong>et</strong> les <strong>au</strong>tres sont <strong>au</strong>x prises avec desactivités, mais <strong>au</strong>ssi des exercices, tâches, situations <strong>et</strong> des cont<strong>en</strong>us d’appr<strong>en</strong>tissage, desdisciplines. Ce sont ces <strong>rapport</strong>s, logiques <strong>et</strong> processus qui apparaiss<strong>en</strong>t différ<strong>en</strong>ciateursde la réussite scolaire, <strong>en</strong>tre milieux soci<strong>au</strong>x mais <strong>au</strong>ssi à l'intérieur de ces milieuxsoci<strong>au</strong>x. Nous <strong>en</strong> r<strong>en</strong>drons compte sur trois dim<strong>en</strong>sions pour lesquelles ont été dégagéesdes constellations « idéaltypiques ». Précisons que ces résultats de recherche n’ont paspour but de produire des pronostics, de l'étiqu<strong>et</strong>age, mais qu’ils peuv<strong>en</strong>t aider les acteurs àproduire de la réflexivité sur les pratiques à l’école mais égalem<strong>en</strong>t dans d’<strong>au</strong>tresdomaines comme celui de l’accompagnem<strong>en</strong>t scolaire.


D. Perrier Page 4 20/09/2005Une dim<strong>en</strong>sion du <strong>rapport</strong> <strong>au</strong> <strong>savoir</strong> concerne le s<strong>en</strong>s de l’école. Les élèves <strong>en</strong>difficulté sont dans une logique de cheminem<strong>en</strong>t. Pour les élèves <strong>en</strong> difficulté, le s<strong>en</strong>s del'école est pragmatique. Ils appr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t pour réussir dans la classe, « avoir bon », avancerdans le système scolaire, « passer » dans la classe supérieure, « aller le plus loinpossible », monnayer un emploi, « avoir un bon métier »… Les élèves <strong>en</strong> difficulté sontdans la logique du nive<strong>au</strong> à atteindre <strong>et</strong> non <strong>et</strong> pas de l'activité à exercer sur des cont<strong>en</strong>us.Les « bons élèves », eux, ne mésestim<strong>en</strong>t pas la possibilité d'avoir un métier, mais ilstrouv<strong>en</strong>t dans les appr<strong>en</strong>tissages, du s<strong>en</strong>s, de l'intérêt, pour les cont<strong>en</strong>us qu'on y acquiert.Ils peuv<strong>en</strong>t dire, par exemple, que " les maths, c'est tellem<strong>en</strong>t passionnant, que je voudraisdev<strong>en</strong>ir ingénieur." L'ici <strong>et</strong> maint<strong>en</strong>ant de l’école nourrit le proj<strong>et</strong> <strong>et</strong> non l'inverse.Une <strong>au</strong>tre dim<strong>en</strong>sion concerne l’appr<strong>en</strong>dre, le <strong>savoir</strong> <strong>et</strong> les modes de dire. Pour lesélèves <strong>en</strong> difficulté, le mode d’interprétation des situations scolaires les élèves« balanc<strong>en</strong>t » <strong>en</strong>tre deux pôles. Sur le pôle de l’indistinction, ils peuv<strong>en</strong>t attribuer un s<strong>en</strong>strès généralisant <strong>au</strong>x disciplines sans percevoir la spécificité de celles-ci. Dès le primaire,à des questions comme pourquoi est-ce qu'on appr<strong>en</strong>d la grammaire à l'école ?, ilsrépond<strong>en</strong>t de façon très générale : parce que c'est important, - parce que ça perm<strong>et</strong>d'avoir un bon métier… Ces réponses peuv<strong>en</strong>t valoir pour n'importe quelle discipline. Al'<strong>au</strong>tre pôle, celui du ponctuel, les élèves <strong>en</strong> difficulté (<strong>et</strong> parfois les mêmes élèves <strong>au</strong>cours du même <strong>en</strong>tr<strong>et</strong>i<strong>en</strong>), décriv<strong>en</strong>t l’activité scolaire, égalem<strong>en</strong>t dès le primaire, commel’effectuation de tâches parcellaires, de rituels, les maths c’est qu'on fait après la récré, derepérage, la grammaire c'est ce qu'il y a dans le cahier rouge, ou de tâche (vs activité), jeremplis les cases, je colle les étiqu<strong>et</strong>tes. La confusion <strong>en</strong>tre appr<strong>en</strong>tissages <strong>et</strong> tâches ouappr<strong>en</strong>tissages <strong>et</strong> satisfaction <strong>au</strong>x prescriptions scolaires les ti<strong>en</strong>t à distance des activitéspertin<strong>en</strong>tes que requièr<strong>en</strong>t les <strong>savoir</strong>s <strong>en</strong> jeu dans ces mêmes tâches <strong>et</strong> situations.Inversem<strong>en</strong>t, les « bons élèves » font la différ<strong>en</strong>ce <strong>en</strong>tre calcul <strong>et</strong> mathématiques,orthographe d'usage <strong>et</strong> syntaxique... Ils sav<strong>en</strong>t s'affranchir du ponctuel <strong>et</strong> contextuel destâches <strong>et</strong> situations pour donner du s<strong>en</strong>s <strong>au</strong>x appr<strong>en</strong>tissages scolaires.Sur le registre des modes de dire le <strong>savoir</strong>, les élèves <strong>en</strong> difficulté ont desformulations qui id<strong>en</strong>tifi<strong>en</strong>t le <strong>savoir</strong> à celui qui <strong>en</strong> est le porteur <strong>et</strong> <strong>au</strong>x situations danslesquelles il est appris quand d’<strong>au</strong>tres peuv<strong>en</strong>t t<strong>en</strong>ir des discours décontextualisants <strong>et</strong>peuv<strong>en</strong>t se référer à des principes génér<strong>au</strong>x (même s'ils sont stéréotypés) <strong>au</strong>-delà d'euxmêmes,<strong>au</strong> delà de la situation où ils sont appris, J'ai appris… (à faire la cuisine, lesmaths, les sci<strong>en</strong>ces…). (Faire la cuisine, les maths, les sci<strong>en</strong>ces…), c’ est très intéressant.Le <strong>savoir</strong> est alors l'obj<strong>et</strong> d'un principe nommé qui v<strong>au</strong>t pour tout le monde. Ils peuv<strong>en</strong>tégalem<strong>en</strong>t modaliser c’est-à-dire évaluer, dire des choses sur ce fait : appr<strong>en</strong>dre à lire estparfois difficile. Ils <strong>en</strong> parl<strong>en</strong>t <strong>en</strong> ayant une position de réflexion, métacognitive surl'appr<strong>en</strong>tissage.On trouve égalem<strong>en</strong>t de la différ<strong>en</strong>ce sur la dim<strong>en</strong>sion de la relation à l’<strong>en</strong>seignant (<strong>et</strong>)à soi. Les élèves <strong>en</strong> difficulté développ<strong>en</strong>t une grande dép<strong>en</strong>dance à l'égard del'<strong>en</strong>seignant. A la question : Qu'est-ce que tu fais quand tu ne compr<strong>en</strong>ds pas, ilsrépond<strong>en</strong>t par exemple, - je demande à la maîtresse, <strong>et</strong> non pas je demande quelque choseà la maîtresse. Les « bons élèves » évoqu<strong>en</strong>t l’aide de l’<strong>en</strong>seignant mais <strong>en</strong> ce qu’ellerelance leur activité pour relire, recomm<strong>en</strong>cer, réessayer. De la même manière, le cursusscolaire est perçu <strong>en</strong> terme relationnel avec l'<strong>en</strong>seignant, l'année dernière, j'étais avec X(prénom de la maîtresse). En ce qui concerne la posture de l’appr<strong>en</strong>ant, l’<strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t desoi, les élèves <strong>en</strong> difficulté opèr<strong>en</strong>t une dichotomie <strong>en</strong>tre <strong>savoir</strong> / ne pas <strong>savoir</strong>, pouvoir /


D. Perrier Page 5 20/09/2005ne pas pouvoir quand les « bons élèves » sav<strong>en</strong>t qu’<strong>en</strong>tre <strong>savoir</strong> <strong>et</strong> ne pas <strong>savoir</strong>, il y aappr<strong>en</strong>dre <strong>et</strong> que c<strong>et</strong>te activité exige avec <strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t de soi. Ils sav<strong>en</strong>t qu'<strong>en</strong>tre pouvoir <strong>et</strong>ne pas pouvoir, il y a essayer. C<strong>et</strong>te posture d’appr<strong>en</strong>tissage induit un <strong>rapport</strong> <strong>au</strong> temps quiaccepte l'idée de cheminer pour construire des réponses différées par <strong>rapport</strong> <strong>au</strong>xquestions <strong>et</strong> un principe d’internalisation (le <strong>savoir</strong> dép<strong>en</strong>d de soi) <strong>et</strong> non pas un principed’externalisation (le <strong>savoir</strong> dép<strong>en</strong>d des <strong>au</strong>tres). C<strong>et</strong>te dim<strong>en</strong>sion est fortem<strong>en</strong>tdiffér<strong>en</strong>ciatrice des élèves.En bref, les élèves doiv<strong>en</strong>t percevoir que derrière ce métier d'élève, il y a desexig<strong>en</strong>ces propres <strong>au</strong>x activités d'appr<strong>en</strong>tissage <strong>et</strong> à leurs cont<strong>en</strong>us. Elles dépass<strong>en</strong>tl’effectuation de la tâche, les habillages des situations didactiques, les rituels de l’école.Les cont<strong>en</strong>us sont transmis culturellem<strong>en</strong>t, ils ont une épaisseur <strong>et</strong> une histoire. Ilsrelèv<strong>en</strong>t d’exig<strong>en</strong>ces qui mèn<strong>en</strong>t <strong>au</strong>-delà de la réussite immédiate à l’exercice <strong>et</strong> ducheminem<strong>en</strong>t scolaire. Les <strong>rapport</strong>s <strong>au</strong> <strong>savoir</strong> des élèves sont plus « malléables » <strong>en</strong> débutde la scolarité <strong>et</strong> risqu<strong>en</strong>t de se cristalliser <strong>au</strong> fur <strong>et</strong> à mesure de la scolarité si l’école <strong>et</strong> lespratiques n’aid<strong>en</strong>t pas les élèves à se dépr<strong>en</strong>dre de formes de mobilisations nonpertin<strong>en</strong>tes. Certains élèves ont <strong>en</strong> eff<strong>et</strong> une évolution voire une transformation de leur<strong>rapport</strong> <strong>au</strong> <strong>savoir</strong> <strong>et</strong> <strong>au</strong> langage à opérer, ce qui n’est pas peu. B. Lahire va, quant à lui,jusqu’à avancer la notion de conversion du <strong>rapport</strong> du langage (B. Lahire, 1993) quel’école demande à certains élèves d’opérer. Dans ce s<strong>en</strong>s, <strong>en</strong>visageons maint<strong>en</strong>antquelques pistes dans le cadre de la classe ou extérieurem<strong>en</strong>t à l’école qui pourrai<strong>en</strong>t aiderles élèves les plus « fragiles » à s’approprier les <strong>savoir</strong>s <strong>et</strong> à maîtriser l’écrit.III. Des pistes pour les pratiques des acteursSelon nous, des collectifs de travail, d’<strong>en</strong>seignants <strong>et</strong> d’<strong>au</strong>tres professionnels, <strong>au</strong>tour deces questions, perm<strong>et</strong>trai<strong>en</strong>t de favoriser les appr<strong>en</strong>tissages des élèves <strong>et</strong> d’influerpositivem<strong>en</strong>t sur leurs difficultés avec l’écrit. Il convi<strong>en</strong>t donc de préciser ces pistes pourfaciliter les mobilisations efficaces des élèves à l’école <strong>et</strong> pour maîtriser les usages del’écrit que les appr<strong>en</strong>tissages sollicit<strong>en</strong>t. Nous <strong>en</strong> avons r<strong>et</strong><strong>en</strong>u quatre : l’activité de l’élève(<strong>au</strong> delà de la tâche prescrite), les interactions <strong>en</strong>tre l’écriture <strong>et</strong> les appr<strong>en</strong>tissages,l’élève comme suj<strong>et</strong> de ses appr<strong>en</strong>tissages <strong>et</strong> les relations <strong>en</strong>tre les <strong>en</strong>seignants <strong>et</strong> lespar<strong>en</strong>ts.- P<strong>en</strong>ser l’activité de l’élève <strong>au</strong> moins <strong>au</strong>tant que la tâcheLe r<strong>et</strong>our réflexif des <strong>en</strong>seignants sur leurs pratiques (cela est facilem<strong>en</strong>t transposable<strong>au</strong>x accompagnateurs scolaires <strong>et</strong> éducatifs) nécessite certes un r<strong>et</strong>our sur la pertin<strong>en</strong>cedes situations, des tâches prescrites parce qu’elles ne se val<strong>en</strong>t pas toutes par leurépaisseur cognitive, langagière, culturelle, patrimoniale… Mais pour importante que soitla pertin<strong>en</strong>ce des propositions didactiques, elle ne s<strong>au</strong>rait suffire à réduire les mal<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dussocio-cognitifs évoqués. En eff<strong>et</strong>, à tâche égale, avec le même <strong>en</strong>seignant, les activités desélèves sont différ<strong>en</strong>ciées <strong>au</strong> sein d’une même classe. Ce que font les élèves de la tâche, lafaçon dont ils l’interprèt<strong>en</strong>t <strong>et</strong> l’effectue à partir des consignes, supports, buts désignés,n’est jamais tout à fait celle que l’<strong>en</strong>seignant leur soum<strong>et</strong>, elle est toujours co-construitedans une « négociation » du s<strong>en</strong>s <strong>en</strong>tre l’<strong>en</strong>seignant <strong>et</strong> les élèves. Elle est le « lieu » demal<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dus socio-cognitifs. Cela concerne particulièrem<strong>en</strong>t les difficultés que ces élèveséprouv<strong>en</strong>t à articuler les différ<strong>en</strong>ts nive<strong>au</strong>x du <strong>savoir</strong> : le nive<strong>au</strong> local <strong>et</strong> ponctuel de la


D. Perrier Page 6 20/09/2005tâche, le nive<strong>au</strong> global de la discipline, le nive<strong>au</strong> général de l’appr<strong>en</strong>dre <strong>et</strong> du <strong>savoir</strong> (É.B<strong>au</strong>tier, B. Charlot, J-Y. Rochex, 2000). Ils confond<strong>en</strong>t la réussite <strong>au</strong>x exercices <strong>et</strong> le faitd’appr<strong>en</strong>dre <strong>et</strong> de <strong>savoir</strong>. Les disciplines ou sous-disciplines leur sont opaques <strong>et</strong> ils lesassimil<strong>en</strong>t <strong>au</strong>x types d’exercices, <strong>au</strong>x formats de tâches qu’ils r<strong>en</strong>contr<strong>en</strong>t. Appr<strong>en</strong>dre <strong>et</strong><strong>savoir</strong> est alors confondu avec les aspects de surface de l’appr<strong>en</strong>tissage. En ce s<strong>en</strong>s, ilsmanifest<strong>en</strong>t plus un <strong>rapport</strong> à l’appr<strong>en</strong>dre qu’<strong>au</strong> <strong>savoir</strong>.La question qui se pose pour aller dans le s<strong>en</strong>s d’une transformation du <strong>rapport</strong> <strong>au</strong>langage <strong>et</strong> <strong>au</strong> <strong>savoir</strong> de ces élèves <strong>en</strong> difficulté est celle d’une clarification des <strong>en</strong>jeux destâches, des disciplines, de l’appr<strong>en</strong>dre <strong>et</strong> du <strong>savoir</strong>, des <strong>en</strong>jeux langagiers <strong>et</strong> cognitifs. Celanécessite sans doute une pédagogie « rationnelle », c'est-à-dire comme l’écrivait P.Bourdieu (1964), une pédagogie qui ne ti<strong>en</strong>ne pas pour évid<strong>en</strong>t ce que seuls certainsélèves se sont déjà approprié parfois extérieurem<strong>en</strong>t à l’école. C<strong>et</strong>te pédagogie del’explicitation de ce qui est t<strong>en</strong>u pour tacite, évid<strong>en</strong>t, présupposé acquis, suppose donc unepratique <strong>en</strong>seignante de la clarté cognitive, de la verbalisation des mises <strong>en</strong> relation <strong>en</strong>treles différ<strong>en</strong>ts nive<strong>au</strong>x, celui des tâches, celui de la discipline <strong>et</strong> celui de l’appr<strong>en</strong>dre <strong>et</strong> du<strong>savoir</strong>. Cela suppose égalem<strong>en</strong>t une pratique <strong>en</strong>seignante de la construction de « ponts <strong>et</strong>passerelles », une pratique de la clarification du contrat pédagogique <strong>et</strong> didactique avecune véritable prise <strong>en</strong> compte de l’activité intellectuelle requise ce qui suppose de se t<strong>en</strong>iréloigné de la « négociation à la baisse » (réussir n’est pas nécessairem<strong>en</strong>t appr<strong>en</strong>dre) <strong>et</strong> dede l’ « effondrem<strong>en</strong>t de la tâche » (l’explicitation ne doit <strong>en</strong> <strong>au</strong>cun cas donner les« solutions »). Il est important pour les élèves de faire la différ<strong>en</strong>ce <strong>en</strong>tre la réussite de latâche <strong>et</strong> l’appr<strong>en</strong>tissage, les exercices ponctuels <strong>et</strong> les disciplines, les comportem<strong>en</strong>tsnormatifs <strong>en</strong> classe <strong>et</strong> l’activité d’appr<strong>en</strong>tissage.Cela exige égalem<strong>en</strong>t des élèves de distinguer le produit (l’exercice écrit, laproduction écrite…) de l’appr<strong>en</strong>tissage perm<strong>et</strong>tant de s’approprier un <strong>savoir</strong>, deux chosesque des élèves confond<strong>en</strong>t. Cela suppose d’id<strong>en</strong>tifier les <strong>en</strong>jeux d’appr<strong>en</strong>tissages qui s<strong>et</strong>rouv<strong>en</strong>t posés par les « exercices écrits » mais <strong>au</strong>ssi par les activités du type « proj<strong>et</strong> declasse » qui sont souv<strong>en</strong>t loin d’être « transpar<strong>en</strong>ts » <strong>au</strong>x élèves quant <strong>au</strong>x <strong>savoir</strong>s qu’ilssont c<strong>en</strong>sés s’y approprier alors même que, pour l’<strong>en</strong>seignant, ces « proj<strong>et</strong>s » sont mis <strong>en</strong>œuvre pour « donner du s<strong>en</strong>s » <strong>au</strong>x appr<strong>en</strong>tissages. Mais le s<strong>en</strong>s que va donner l’élève à ceg<strong>en</strong>re de situation scolaire est à interroger du point de vue des logiques à l’œuvre, logiquedu faire <strong>et</strong> de la réussite ponctuelle <strong>et</strong> logique de l’appr<strong>en</strong>dre <strong>et</strong> de l’id<strong>en</strong>tification des<strong>savoir</strong>s.- Les interactions <strong>en</strong>tre <strong>savoir</strong>s <strong>et</strong> formes scolaires écritesEn accord avec ce qui précède, il s’agirait égalem<strong>en</strong>t de mieux pr<strong>en</strong>dre <strong>en</strong> comptel’importance des interactions <strong>en</strong>tre mom<strong>en</strong>ts de faire, de parler, écouter, lire, écrire,réfléchir, <strong>au</strong>trem<strong>en</strong>t dit, de mieux t<strong>en</strong>ir compte des li<strong>en</strong>s indissociables <strong>en</strong>tre le langageoral ou écrit <strong>et</strong> les <strong>savoir</strong>s. Nous voudrions plus particulièrem<strong>en</strong>t insister sur les mom<strong>en</strong>tsd’écriture qui ne peuv<strong>en</strong>t pas être suffisamm<strong>en</strong>t bénéfiques s’ils ne sontqu’occasionnellem<strong>en</strong>t pris <strong>en</strong> compte dans les séances <strong>et</strong> les séqu<strong>en</strong>ces. Tout <strong>au</strong> contraire,il s’agit de familiariser <strong>et</strong> d’habituer les élèves, surtout ceux dont nous avons dit qu’ilssont plus dans une logique du faire que de l’appr<strong>en</strong>dre, à des pratiques d’écriture commeformation intellectuelle dans la durée <strong>et</strong> la systématicité. Il s’agit pour nous de pr<strong>en</strong>dre l<strong>et</strong>emps de faire ces appr<strong>en</strong>tissages <strong>en</strong> classe.


D. Perrier Page 7 20/09/2005Certains appr<strong>en</strong>tissages nécessit<strong>en</strong>t la lecture d’un texte, le surlignage, des prises d<strong>en</strong>otes, des copies, des reformulations écrites… Ecrire suppose des échanges langagiers,des lectures, des relectures, des échanges verb<strong>au</strong>x, des mises <strong>en</strong> relation de textes d’élèves<strong>et</strong> de textes d’<strong>au</strong>teurs. L’appropriation des <strong>savoir</strong>s disciplinaires est <strong>au</strong>ssi une mise <strong>en</strong>texte de ces <strong>savoir</strong>s dans des g<strong>en</strong>res <strong>et</strong> des formes d’écrits que l’école utilise ou aconstruits (par exemple des comptes r<strong>en</strong>dus ou des synthèses). Loin d’être une perte d<strong>et</strong>emps, loin d’être une simple « redite » des appr<strong>en</strong>tissages <strong>et</strong> des or<strong>au</strong>x, l’écriture qui lesréfléchit <strong>et</strong> les secondarise, est une des conditions r<strong>en</strong>dant possible l’appropriation des<strong>savoir</strong>s par les élèves. Les interactions <strong>en</strong>tre l’écriture <strong>et</strong> les <strong>savoir</strong>s disciplinairesnécessit<strong>en</strong>t la pratique par les élèves des g<strong>en</strong>res <strong>et</strong> formes écrites que suppos<strong>en</strong>t lesdisciplines. Ce qui, du point de vue des pratiques <strong>en</strong>seignantes, ne peut rester dansl’ombre des disciplines. De plus, il est illusoire de p<strong>en</strong>ser que l’habitude de l’écritur<strong>en</strong>arrative est suffisante pour pratiquer l’écriture « sci<strong>en</strong>tifique ». Bi<strong>en</strong> <strong>au</strong> contraire, il estpar exemple loin d’être évid<strong>en</strong>t pour be<strong>au</strong>coup d’élèves d’écrire, dans le domainedisciplinaire de la biologie ou de la géologie, un questionnem<strong>en</strong>t, un compte-r<strong>en</strong>du, unesynthèse, la reformulation des informations d’un écrit, une explication modélisante… Deplus, à la question des g<strong>en</strong>res d’écrits, s’ajoute celle des formes graphiques <strong>et</strong>linguistiques avec, pour conserver l’exemple des sci<strong>en</strong>ces, le rôle particulier du schéma,avec sa fonction synoptique favorisant les mises <strong>en</strong> relation des informations (J-P. Astolfi,B. P<strong>et</strong>erfalvi, A. Vérin, 1998). Nous voyons dans la prise <strong>en</strong> compte des formes écritesdans les pratiques <strong>en</strong>seignantes, une piste de travail fructueuse, susceptible de pr<strong>en</strong>dre <strong>en</strong>charge les interactions nombreuses qui se nou<strong>en</strong>t <strong>en</strong>tre le langage <strong>et</strong> les appr<strong>en</strong>tissages.- Elève suj<strong>et</strong> appr<strong>en</strong>ant écrivantAppr<strong>en</strong>dre c’est faire des choses qu’on ne sait pas <strong>en</strong>core faire, cela comporte doncune dose de risques que certains élèves support<strong>en</strong>t mal, consci<strong>en</strong>ts qu’ils sont de leursdifficultés, <strong>et</strong> cela d’<strong>au</strong>tant plus qu’ils avanc<strong>en</strong>t <strong>en</strong> âge <strong>et</strong> sont plus soucieux du regard des<strong>au</strong>tres. Pourtant, ce que nous avons évoqué précédemm<strong>en</strong>t, nous amène à insister surl’<strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t des élèves nécessaire à leurs appr<strong>en</strong>tissages. Pour les aider à se construirecomme suj<strong>et</strong>, à exister comme acteur de leurs appr<strong>en</strong>tissages, comme <strong>au</strong>teur de leursécrits, les <strong>en</strong>seignants ont à construire une confiance mutuelle <strong>en</strong> classe pour faciliter lacirculation de la parole <strong>et</strong> les prises de risques que cela implique. Mais <strong>au</strong>-delà de c<strong>et</strong>tedim<strong>en</strong>sion nécessaire, ils ont <strong>au</strong>ssi à interv<strong>en</strong>ir pour modifier le <strong>rapport</strong> à l’appr<strong>en</strong>tissagequand celui-ci est plus fait d’att<strong>en</strong>te, de passivité <strong>et</strong> de dép<strong>en</strong>dance à l’adulte que decuriosité, d’activité cognitive <strong>et</strong> intellectuelle, de distanciation. La gestion de la classedemande une capacité à faire des choix décisifs. De ce point de vue, les pistes exist<strong>en</strong>tsans doute moins du côté de « nouvelles » tâches que du côté de leur gestion <strong>en</strong> situation.Il s’agirait moins de faire <strong>au</strong>tre chose, que de faire <strong>au</strong>trem<strong>en</strong>t pour développer chez lesélèves des capacités de recherche, de justification des choix, d’argum<strong>en</strong>tation, ce quisuppose souv<strong>en</strong>t pour l’<strong>en</strong>seignant de parler moins de temps, d’être att<strong>en</strong>tif <strong>au</strong>x échanges<strong>et</strong> <strong>au</strong>x confrontations <strong>en</strong>tre élèves, de relancer la dynamique d’appr<strong>en</strong>tissage, par exemple,<strong>en</strong> pointant les contradictions ou les ambiguïtés, d’être att<strong>en</strong>tif à une validation dont lemom<strong>en</strong>t est différé pour perm<strong>et</strong>tre la recherche individuelle mais n’est pas pour <strong>au</strong>tantoublié... La question qui se pose ici est celle d’une clarification des postures intellectuellesdes élèves, une posture d’élève « actif <strong>et</strong> chercheur ». Autrem<strong>en</strong>t dit, les <strong>savoir</strong>s sont lerésultat de processus qui nécessit<strong>en</strong>t <strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t, recherches, explorations, erreurs


D. Perrier Page 8 20/09/2005rectifiées, confrontations, formalisations, synthèses. L’<strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t de soi dans lesappr<strong>en</strong>tissages devrait perm<strong>et</strong>tre à l’élève de se r<strong>en</strong>dre compte que <strong>savoir</strong> consiste àrépondre à des questions mais <strong>au</strong>ssi, ou surtout, à s’<strong>en</strong> poser, de se r<strong>en</strong>dre compteégalem<strong>en</strong>t que ce qu’il croit <strong>savoir</strong> peut le gêner <strong>au</strong>tant sinon plus que ce qu’il sait, que cequ’il appr<strong>en</strong>d s’inscrit dans une histoire humaine, sci<strong>en</strong>tifique qui donne de la « saveur »<strong>au</strong> <strong>savoir</strong> (J. Bernardin, 1997, J. Bernardin, D. Perrier, 2003).- Les <strong>en</strong>seignants <strong>et</strong> les par<strong>en</strong>tsLe thème de l’implication insuffisante des familles populaires dans la scolarité desélèves est bi<strong>en</strong> connu <strong>et</strong> parasite souv<strong>en</strong>t la réflexivité sur les pratiques. Au contraire desdiscours « usuels », les trav<strong>au</strong>x sociologiques montr<strong>en</strong>t que l’abs<strong>en</strong>ce « physique » debe<strong>au</strong>coup de « familles » populaires à l’école n’est pas équival<strong>en</strong>te à un désintérêt despar<strong>en</strong>ts vis-à-vis de la scolarité. Pour ce qui relève de la réflexivité des pratiques<strong>en</strong>seignantes, laisser c<strong>et</strong>te question <strong>en</strong> susp<strong>en</strong>s fait courir le risque d’un r<strong>et</strong>our du« refoulé » <strong>et</strong> piège par avance les t<strong>en</strong>tatives de réflexion sur les pratiques pédagogiques.On peut donc <strong>en</strong>visager un travail spécifique de c<strong>et</strong>te question. C’est ce qui nous pousse àconsidérer la question des relations <strong>en</strong>tre <strong>en</strong>seignants <strong>et</strong> par<strong>en</strong>ts comme un levier pourfaire reculer les représ<strong>en</strong>tations « fatalistes » de l’école <strong>et</strong>, év<strong>en</strong>tuellem<strong>en</strong>t, pour changerde regard sur les par<strong>en</strong>ts… Des expéri<strong>en</strong>ces sont m<strong>en</strong>ées <strong>et</strong> ont été m<strong>en</strong>ées dansdiffér<strong>en</strong>tes écoles, à la fois <strong>au</strong> nive<strong>au</strong> des ori<strong>en</strong>tations <strong>et</strong> des modalités pratiques(Bernardin, Perrier, 2003). Elles perm<strong>et</strong>t<strong>en</strong>t de p<strong>en</strong>ser que des r<strong>en</strong>contres <strong>en</strong>tre les<strong>en</strong>seignants <strong>et</strong> les par<strong>en</strong>ts sur les thèmes des appr<strong>en</strong>tissages ou de l’écrit peuv<strong>en</strong>t nonseulem<strong>en</strong>t produire des changem<strong>en</strong>ts de regard sur les par<strong>en</strong>ts mais <strong>au</strong>ssi aider les élèves àappr<strong>en</strong>dre.En conclusion, les approches de l’<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t trop réductrices comme nous l’avonsvu pour la lecture à l’école primaire, ne nous sembl<strong>en</strong>t pas être <strong>en</strong> mesure de faire avancersignificativem<strong>en</strong>t la compréh<strong>en</strong>sion des difficultés des élèves les plus « fragiles » ou des<strong>en</strong>fants <strong>en</strong> difficulté. Les notions de <strong>rapport</strong> <strong>au</strong> <strong>savoir</strong> <strong>et</strong> de <strong>rapport</strong> <strong>au</strong> langage aid<strong>en</strong>t àmieux r<strong>en</strong>dre compte de ce qui est <strong>en</strong> jeu dans les difficultés scolaires de ces élèves <strong>et</strong>perm<strong>et</strong>t<strong>en</strong>t de mieux compr<strong>en</strong>dre ce qu’ils font <strong>et</strong> leurs manières de se mobiliser à l’école.Une véritable c<strong>en</strong>tration des <strong>en</strong>seignants sur l’activité (vs tâches) de ces élèves, une prise<strong>en</strong> compte des pratiques langagières orales <strong>et</strong> surtout écrites dans l’<strong>en</strong>semble desdisciplines, une dynamique d’appr<strong>en</strong>tissage favorisant l’<strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t des élèves « dépris »de leur relation à l’adulte, des relations <strong>en</strong>tre l’<strong>en</strong>seignant <strong>et</strong> les par<strong>en</strong>ts « profitables »sont de nature à être des pistes susceptibles de faire évoluer positivem<strong>en</strong>t les situationsscolaires des élèves qui <strong>en</strong> ont le plus besoin. Ces exemples pris à l’école nous sembl<strong>en</strong>tutiles <strong>et</strong> transposables à d’<strong>au</strong>tres domaines comme celui l’accompagnem<strong>en</strong>t scolaire <strong>et</strong>éducatif des élèves, ce que nous n’avons pas développé ici. Enfin, dans un souci decohér<strong>en</strong>ce des pratiques, les pistes évoquées nous sembl<strong>en</strong>t devoir davantage être reliées<strong>et</strong> articulées les unes <strong>au</strong>x <strong>au</strong>tres que prises isolém<strong>en</strong>t. Il n’<strong>en</strong> reste pas moins que descollectifs de travail nous sembl<strong>en</strong>t être nécessaires pour des avancées plus rapides sur cechemin.Didier Perrier, CPC à Cherbourg-Octeville, Doctorant – Equipe ESCCOL - Paris VIII


D. Perrier Page 9 20/09/2005Ouvrages citésASTOLFI J- P., PETERFALVI, B., VERIN, A., Comm<strong>en</strong>t les <strong>en</strong>fants appr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t lessci<strong>en</strong>ces, Paris, R<strong>et</strong>z, 1998.BAUTIER, É., « Caractéristiques sociocognitives <strong>et</strong> ill<strong>et</strong>trisme », in J-M. BESSE, M-M.de GAULMYN, D. GINET, B. LAHIRE, (dir.) L'ill<strong>et</strong>trisme <strong>en</strong> question, Lyon, PUL,1992, pages 109-118.BAUTIER, É., 1995, Pratiques langagières, Pratiques sociales - De la sociolinguistique àla sociologie du langage, Paris, L'Harmattan.BAUTIER, É., ROCHEX, J-Y, « Appr<strong>en</strong>dre, les mal<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dus qui font la différ<strong>en</strong>ce » in J-P. Terrail (dir.), La scolarisation de la France, Paris, La Dispute/Snédit, 1997, pages105-122.BAUTIER, É., CHARLOT, B., ROCHEX, J-Y., « Entre appr<strong>en</strong>tissages <strong>et</strong> métier d’élève :le <strong>rapport</strong> <strong>au</strong> <strong>savoir</strong> » in A. VAN ZANTEN (dir.), L’état des <strong>savoir</strong>s, Paris, Ladécouverte <strong>et</strong> Syros, 2000, pages 179-188.BERNARDIN, Jacques, 1997, Comm<strong>en</strong>t les <strong>en</strong>fants <strong>en</strong>tr<strong>en</strong>t dans la culture écrite, Paris,R<strong>et</strong>zBERNARDIN, J., PERRIER, D., (coord.), « Comm<strong>en</strong>t aborder l’écrit <strong>en</strong> classe », Dossier« L’écrit <strong>en</strong> classe », INRP, C<strong>en</strong>tre Alain Savary, 2003.BERNARDIN, J., PERRIER, D., (coord.), « La question des par<strong>en</strong>ts », Dossier « L’écrit<strong>en</strong> classe » INRP, C<strong>en</strong>tre Alain Savary, 2003.BOURDIEU, P., PASSERON, J-C., 1964, Les Héritiers, Paris, Minuit.BROSSARD, M., « Approche socio-historique des situations d’appr<strong>en</strong>tissage de l’écrit »,in Brossard M., Fijalkow J., (dir.) Appr<strong>en</strong>dre à l’école : perspectives piagéti<strong>en</strong>nes <strong>et</strong>vygotski<strong>en</strong>nes, Tal<strong>en</strong>ce, Presses Universitaires de Borde<strong>au</strong>x, 1998, pages 37-50.CHAUVEAU, G., Comm<strong>en</strong>t l’<strong>en</strong>fant devi<strong>en</strong>t lecteur. Pour une psychologie cognitive <strong>et</strong>culturelle de la lecture, Paris, R<strong>et</strong>z, 1997.CHAUVEAU, G., REMOND, M., ROGOVAS-CHAUVEAU, É., (dir.), L’<strong>en</strong>fantappr<strong>en</strong>ti-lecteur, Paris, CRESAS - INRP, L’Harmattan, 1993.CHARLOT, B., BAUTIER, É., ROCHEX, J-Y., Ecole <strong>et</strong> <strong>savoir</strong> dans les banlieues ... <strong>et</strong>ailleurs, Paris, Armand Colin, 1992.CHARTIER, A- M., HEBRARD, J., « Rôle de l'école dans la construction sociale del'ill<strong>et</strong>trisme » in J-M. BESSE, M-M. de, GAULMYN, D.,GINET, B. LAHIRE,L'"ill<strong>et</strong>trisme" <strong>en</strong> question, Lyon, PUL, 1992.DOWNING, J., FIJALKOW, J., Lire <strong>et</strong> raisonner, Toulouse, Privat. 1987.FOUCAMBERT, J., La manière d’être lecteur, Paris, OCDL-SERMAP, 1976.GOIGOUX, R., « De l’importance du contexte littéral <strong>au</strong> début de l’appr<strong>en</strong>tissage de lalecture », in G. Ch<strong>au</strong>ve<strong>au</strong> (dir.), Compr<strong>en</strong>dre l’<strong>en</strong>fant appr<strong>en</strong>ti-lecteur, Paris, R<strong>et</strong>z,2001.LAHIRE, B., Culture écrite <strong>et</strong> inégalités scolaires. Sociologie de « l’échec scolaire » àl’école primaire, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 1993.MORAIS, J., L’art de lire, Paris, O. Jacob, 1994.VYGOTSKI, L. S., P<strong>en</strong>sée <strong>et</strong> langage, Paris, Messidor/Editions Sociales, 1934/1985.

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