« Peu <strong>de</strong> temps apï'ès, eelte popu<strong>la</strong>tion .se portait en masse <strong>de</strong>vant mon habitationet les anciens combattants qui en 'irisaient partie se rangèrent à part pourrendre, à leur manière, les honneurs augouverneur.ce A cette manifestation en quelque sortespontanée, du loyalisme <strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tiondu canton à l'égard <strong>de</strong> celui qui symbolisait,à ses yeux, <strong>la</strong> présence <strong>de</strong> <strong>la</strong> Franceen ces territoires, le procureur parut sen- ,sible. Il me félicita vivement et déc<strong>la</strong>ra ;constater que je jouissais d'une influence |considérable parmi mes administrés. » :« Ayant pris <strong>la</strong> pair oie et, ^'adressant !aux habitants rassemblés, le gouverneurleur dit que <strong>de</strong>ux chemins s'ouvraient <strong>de</strong>vanteux et qu'il fal<strong>la</strong>it suivre le sien qui«était le bon chemin. Le second mèneraitè leur perte. »13 conclut en les mettant en gar<strong>de</strong> contreceux qui prêchent les paroles <strong>de</strong> haineet <strong>de</strong> séparatisme, les hommes du R. D. A.« J'ai tenu à vous re<strong>la</strong>ter cet. entretiendu gouverneur et <strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion, monsieurle procureur, pour que vous sachiezque si <strong>de</strong>s faite me sont reprochés ce sont<strong>de</strong>s faits purement politiques.« Je serai traduit <strong>de</strong>vant vous à cause<strong>de</strong> mes opinions idéologiques, et non àcause d'une faute professionnelle. »Ce jeune chef, ancien instituteur, est actuellementrévoqué comme chef avec cesaiulilb :•< J<strong>de</strong>rnièrement, n'a' pas suivi lesconseils <strong>de</strong>stinés à le mettre dans <strong>la</strong> bonnevoie; a eu une activité importante dansles élections; a fait pression sur <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion<strong>de</strong> son canton pour voter dansun sens déterminé ;« Deuxièmement, a donné, dans <strong>la</strong> nuitdu 30 novembre au l- r décembre, asile audéputé du rassemblement démocratiqueafricain, M. Ouezzin Coulibaly, et lui apermis <strong>de</strong> jecevoir, à son domicile, <strong>la</strong>popu<strong>la</strong>tion du vil<strong>la</strong>ge. Ce faisant il a organiséune réunion sans autorisation, <strong>la</strong>maison du chef étant considérée commeun endroit administratif. »Voici ce que son commandant <strong>de</strong> cerclelui dit le jour où il fut expulsé <strong>de</strong> son canton.car il Fa été pour <strong>de</strong>s questions quin'ont rien à voir avec son service et contrele gré <strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion tout entière.«/ Quand je fus introduit auprès <strong>de</strong> l'administrateurToulza, il me <strong>de</strong>manda sije savais pourquoi j'étais convoqué <strong>de</strong>vantlui. Sur ma réponse négative, il reprit:«• Vous faites l'étonné. Ehl bien, nous enavons assez <strong>de</strong> vos agissements; il y alongtemps que vous avez été prévenu.Vous vous êtes entêté. Nous vous avonsaujourd'hui, et ferons <strong>de</strong> vous ce que nousvoudrons. »« Le commandant du cercle faisait sansdoute allusion à <strong>de</strong>s pressions que luimômele chef <strong>de</strong> <strong>la</strong> subdivision <strong>de</strong> Dédayonet le gouverneur, quelque tempsauparavant et notamment pendant <strong>la</strong> pério<strong>de</strong>électorale <strong>de</strong> juin <strong>de</strong>rnier, avaientvainement tenté d'exercer sur moi pourm'amener à renier le parti du rassemblementdémocratique africain.« En attendant il m'était signifié d'avoirh attendre jusqu'à nouvel ordre à Koudougou» — situé entre 70 et 80 kilomètres<strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>de</strong>meure du p<strong>la</strong>ignant — « avec interdictionformelle <strong>de</strong> me rendre dansmon canton et ordre <strong>de</strong> me présenter tousîes jours au bureau du cercle pour faireconstater ma présence. »Je vous fais remarquer avec quel arbitraire,dans les territoires, on peut disposerd'un notable, un chef <strong>de</strong> canton, pourle mettre en rési<strong>de</strong>nce obligatoire. Sane luireprocher aucune faute professionnelle, onlui-<strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> se présenter tous lés matinsafin <strong>de</strong> constater sa présence, exactementcomme s'il était prisonnier.M. Mamadou Konaté. Voilà <strong>la</strong> nouvelleforme <strong>de</strong> <strong>la</strong> liberté!M. Ouezzin Coulibaly. Le 26 juin au soirJe chef <strong>de</strong> subdivision M. Garat ayant àboid <strong>de</strong> sa camionnette le candidat NaziBoni vint à Bendokuy pour une réunionoù tous <strong>de</strong>ux prirent là parole eu présence<strong>de</strong> notre représentant Babou Ouattara, actuellementsecrétaire au bureau administratif<strong>de</strong> Bobo-Diou<strong>la</strong>sso.> Au cours <strong>de</strong> cette réunion électoraledans ce grand canton, le chef <strong>de</strong> subdivisionGarat le fou par<strong>la</strong>it ostensiblementsachant que c'était <strong>la</strong> manière opportuniste<strong>de</strong> monter en gra<strong>de</strong>. Si mon collègue NaziBoni avait été' présent aujourd'hui, je luiaurais <strong>de</strong>mandé s'il ne pouvait pas luimêmeavouer que le chef <strong>de</strong> subdivisionavait alors fait pression sur <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion,et s'il ne <strong>de</strong>vait pas reconnaître que cechef s'était promené en sa compagnie durantles cinq jours qui ont précédé les élections.Il pourrait au moins attester avoirété dans sa camionnette pour <strong>la</strong> campagneélectorale. Partout, dans ce canton, lespopu<strong>la</strong>tions ont eu à élire un candidat quileur avait été présenté par le chef administratifdirect.Voici enfin un fait vécu montrant l'interventiondélibéré <strong>de</strong> l'administrationdans les élections :Le 24 juin, entre vingt-<strong>de</strong>ux et vingttroisheures, à une distance appréciable<strong>de</strong> tout poste administratif, ma camionnetteéc<strong>la</strong>ira tout à coup un groupeétrange. Un Européen, les bras en croix, setenait au milieu <strong>de</strong> <strong>la</strong> route, face à <strong>la</strong> lumière<strong>de</strong> nos phares. Le chauffeur stoppa.! A notre droite, <strong>de</strong>ux camions étaient arrêtés.Des voyageurs sortaient <strong>de</strong> leurs poches<strong>de</strong>s papiers, <strong>de</strong>s cartes, qu'ils tendaientà un autre Européen dans <strong>la</strong> pénombre.A notre gauche, il y avait une camionnetted'où sortait <strong>la</strong> tête d'une dame et,<strong>de</strong>rrière elle, on apercevait six ou septchéchias rouges <strong>de</strong> gar<strong>de</strong>s du cercle.Le premier Européen était le capitaineLassalle, chef du îbureau militaire <strong>de</strong> ]aI<strong>la</strong>ute-Volta; le second, qui vint à nous,était M. Comte, alors chef <strong>de</strong> subdivision<strong>de</strong> Degoudou.Il <strong>de</strong>manda au chauffeur: « Quels sontles gens que tu portes ? Des propagandistesdu B. D. A. I Allez, tout <strong>de</strong> suite,| que tout le mon<strong>de</strong> <strong>de</strong>scen<strong>de</strong> ! »Les camara<strong>de</strong>s qui étaient dans <strong>la</strong> camionnettes'exécutèrent. Comme je n'étaispas encore <strong>de</strong>scendu, le capitaine vint mevoir et me reconnut. Se tournant versM. Comte, il lui dit: « Ils sont avec ledéputé Ouezzin ».M. Comte vint s'excuser et me <strong>la</strong>issa <strong>la</strong>route libre. Je lui <strong>de</strong>mandai <strong>de</strong> me dire aumoins ce qu'il comptait obtenir <strong>de</strong> moi ou<strong>de</strong> mon enauffeur. Il me répondit qu'ils'agissait d'une simple vérification <strong>de</strong> paipiersd'i<strong>de</strong>ntité.Je me suis enquis <strong>de</strong> l'objet <strong>de</strong> cettemission spéciale et nocturne effectuée par<strong>de</strong>s personnalités officielles. J'ai su quetous les camionneurs qui transportaient<strong>de</strong>s propagandistes <strong>de</strong> notre mouvementavaient été refoulés vers leur point <strong>de</strong> départ,sous prétexte que certains voyageursn'avaient pas <strong>de</strong> carte d'i<strong>de</strong>ntité.Le carnet <strong>de</strong> travail, le livret militaire,<strong>la</strong> carte d'électeur ne suffisaient pas. Ilfal<strong>la</strong>it une carte d'i<strong>de</strong>ntité ce jour-<strong>la</strong> — etce jour-là seulement — pour traverser lescercles, les vil<strong>la</strong>ges ou pour se promenersur les sentiers d'Afrique.Ceux qui sont allés dans les territoiresd'outre-mer savent très bien combien il*st difficile, pour les paysans <strong>de</strong> <strong>la</strong>| brousse, d'obtenir <strong>de</strong>s cartes d'i<strong>de</strong>ntité,J'insiste d'ailleurs sur le fait qu'elles n'ont4té exigées que ce jour-là !Cependant une circu<strong>la</strong>ire du ministre <strong>de</strong><strong>la</strong> France d'outre-mer étaii [parvenue au 'gouverneur et aux administrateurs, leur f<strong>de</strong>mandant <strong>de</strong> faire preuve <strong>de</strong> <strong>la</strong> neutralité<strong>la</strong> plus absolue.Ce document était explicite. Il était ainsilibellé:« Neutralité <strong>de</strong> l'administration en matièreélectorale.« Le ministre <strong>de</strong> <strong>la</strong> France d'outre-meraux hauts commissaires, commissaires, >gouverneurs et chefs <strong>de</strong> territoire, sauf Indochine.« J'ai dé»jà eu l'occasion, à diverses re- vprises, <strong>de</strong> vous préciser l'attitu<strong>de</strong> que doitprendre l'administration v.is-à-vis <strong>de</strong>s corn- •pétitions électorales. Je tiens à rappeler,une fois <strong>de</strong> plus, l'impérieuse obligationoù elle se trouve d'observer <strong>la</strong> plus strict©neutralité.« Il est c<strong>la</strong>ir que personne ne peut prétendrese présenter avec l'appui <strong>de</strong> monautorité. Au cas où un candidat affirmeraitbénéficier d'un appui officiel émanant domon département, je vous autorise etvous invite même à publier d'urgencemise au point nécessaire.« Il me paraît inutile d'insister sur l'attitu<strong>de</strong>qui doit être <strong>la</strong> vôtre en matière<strong>de</strong> luttes électorales. Mais il vous appartientd'exiger <strong>de</strong> vos subordonnés <strong>la</strong> mêmestricte neutralité gue vous manifestez.Toute pression officielle, <strong>de</strong> quelque échelonqu'elle émane, est condamnable et doitêtre suivie <strong>de</strong> sanctions administratives,sans préjudice <strong>de</strong>s sanctions judiciaireséventuelles. La police, en particulier, doit .recevoir <strong>de</strong>s instructions très strictes, luienjoignant <strong>de</strong> se limiter à son rôle <strong>de</strong>maintien <strong>de</strong> l'ordre et d'assurer celui-cisans <strong>la</strong> moindre considération <strong>de</strong> <strong>la</strong> cou- ,leur- politique <strong>de</strong>s perturbateurs éventuels.»Cette circu<strong>la</strong>ire qui était envoyée d^nsles territoires d'outre-mer <strong>de</strong>mandait donc ,bien aux gouverneurs et aux administrateurs<strong>de</strong> se tenir éloignés <strong>de</strong>s compétitionsélectorales.Les faits que je rapporte ici sur <strong>la</strong> participation<strong>de</strong> ces fonctionnaires à ces élections,sur l'influence et <strong>la</strong> pression mentaleexercée par eux sur <strong>de</strong>s popu<strong>la</strong>tionsqui viennent à peine <strong>de</strong> s'ouvrir à <strong>la</strong> politique,sont en contradiction avec <strong>la</strong> circu<strong>la</strong>iredu ministère <strong>de</strong>s colonies.Une circu<strong>la</strong>ire semb<strong>la</strong>ble a été adresséeaux chefs militaires.Il faut que l'Assemblée sache que lesformes les plus variées dont peuvent userun administrateur et un gouverneur dansun territoire ont été utilisees. A l'approche<strong>de</strong>s élections, M. Mouragues prit contactavec tous les hommes qu'il espérait dressercontre le rassemblement démocratiqueafricain. Il eut une entrevue avec le représentantdu mouvement républicain popu<strong>la</strong>irequi assumait, en même temps, lesfonctions <strong>de</strong> représentant <strong>de</strong> l'Union voiltaïqueà Bobo-Diou<strong>la</strong>sso. Cet homme, catholiquefervent, sur sa foi et sa conscience,nous a donné une attestation <strong>de</strong> <strong>la</strong>conversation qu'il a eue avec le gouverneurquelques jours avant les élections.M. Maurice Lucas. Vous faites état <strong>de</strong>conversations particulières.M. Ouezzin Coulibaly. Voici cette attestation:« Je, soussigné, — suit le nom <strong>de</strong> l'auteur<strong>de</strong> l'attestation — ancien représentantà Bobo-Diou<strong>la</strong>sso, du parti M. R.- P. et <strong>de</strong>l'union voltaïque, déc<strong>la</strong>re avoir eu une entrevueaux environs du 20 juin 1948 a^recle gouverneur Mouragues, dans le bureau<strong>de</strong> Bobo-Diou-<strong>de</strong> l'administrateur-maire<strong>la</strong>sso, M. Rouvillois.
a L'entretien portait principalement sur