JOURNAL OFFICIEL - Débats parlementaires de la 4e République

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1674 ASSEMBLEE NATIONALE — SEANCE DU 22 MARS 1949La majorité de votre dixième bureau enest absolument convaincue, et au surplus,si M. Ouezzin Coulibajy a fait état devantvous de certains résultats obtenus notammentdans les régions des Mossi, on vousdira que, devant l'insuccès certain rencontrédans diverses régions du territoire,les concurrents des trois étlus actuels duterritoire de la Haute-Volta n'ont mêmepa^ cru devoir déposer de bulletins devote.Mais il est une autre raison dont vousne pourrez pas sous-estimer l'importance.Au cours de son audition, M. OuezzinCoulibaly nous a déclaré que, dans les circonstancesactuelles, si les élections étaientannulées et si nous procédions à une nouvelleconsultation électorale, il n'est pasdouteux que celle-ci, assurée de toutes lesgaranties de sincérité désirables...M. Ouezzin Coulibaly. Ce n'est pas possible.M. le rapporteur. ...donnerait sûrementle même résultat.M. Ouezzin Coulibaly. Je n'ai pas ditcela.M. le rapporteur. Je sais que nous avonsentendu deux fois M. Ouezzin Coulibaly ;je sais qu'à -la première audition c'est cequ'il a déclaré.Mais à la seconde audition, il est revenusur ses premières déclarations...M. Charles Viatte. C'est l'habitude.M. le rapporteur. ...en disant : Deuxsièges iraient vraisemblablement à la listed'union pour la défense des intérêts de laHaute-Volta, mais nous pourrions très légitimementprétendre au troisième siège.Je crois qu'entre les deux auditions ona réfléchi. Je ne sais pas si l'on s'est faitmorigéner. Je n'ai pas à le savoir, maisje considère les déclarations absolumentspontanées de la première audition commeinfiniment plus valables que celles de laseconde.Ce sont ces faits d'évidence, mes cherscollègues, que je livre à votre appréciation.Sous réserve des observations quej'ai faites en ce qui concerne un certainnombre de faits, vous ne pouvez pas ne>as suivre votre dixième bureau qui, àÎ a majorité de 14 voix contre 7 et uneabstention, vous demande de valider purementet simplement les élections du territoirede la Haute-Volta. (Applaudissementssur certains bancs à gauche et au centre.)Mme la présidente. Dans la discussiongénérale, la parole est à M. Ouezzin Coulibaly.M. Ouezzin Coulibaly. Mesdames, messieurs,avant d'aborder le sujet, je voudraisfaire une mise au point, afin delaisser à M. Moisan l'entière responsabilitédes déclarations gratuites aux termesdesquelles j'aurais, selon, lui, reconnuque d'autres élections, même exemptesde pressions administratives, donneraientle même résultat.S'il a pu comprendre cela, c'est peutêtrequ'il est diiïciile de se faire comprendrelorsqu on a en face de soi quelqu'unqui ne demande qu'à ne pas vouscomprendre.Si des élections sincères avaient lieu,il est probable que les deux premiers dela liste adverse seraient élus ; mais lepremier de notre liste le serait incontestablementaussi. Je l'ai démontré par deschiffres indéniables au 10° bureau. Ausurplus, quel serait alors le but de la contestation?J'aborde maintenant le sujet et voudraisévoquer brièvement les circonstances,l'atmosphère où se situent les événements,cela dde parfois à comprendre certainespositions,.La Haute-Volta avait à compléter sonconseil général et, immédiatement après,devait élire ses représentants à l'Assembléenationale.Le premier tour des élections au conseilgénéral a eu lieu le 30 mai, ledeuxième tour le 20 juin. Les électionslégislatives eurent lieu le 27 iuin.Au premier tour, il y eut ballotage dansquatre circonscriptions, celles où l'administrationnous a opposé un candidat.Malgré cela, les candidats du rassemblementdémocratique viennent en tête.Dans la circonscription de Gaoua, le rassemblementdémocratique africain avaitobtenu 1591 voix, tandis que le candidatde l'administration ni» réunissait que568 voix. Dans la circonscription de Tou-- gan, notre candidat avait 2.074 voix,contre 1.739 au candidat de l'administration.Dans la circonscription de Léo, notrecandidat avait 757 voix, celui de l'administration700.Ces résultats furent communiqués à Dakar.Quelques jours après le deuxièmetour de scrutin, le chef du territoire étaitrelevé de ses fonctions. Il avait mal joué,sans doute.On en envoya un autre, M. Mouragues,qui venait, pour la circonstance, d'êtrenommé gouverneur. Il fut envoyé immédiatementpour relever la situation et ilarriva à Dakar sans que le haut commissairéait été avisé ni de son arrivée, nide son affectation. Ces déclarations nousont été faites par le haut commissaire luimême.Au passage de M. Mouragues, pour rejoindrela capitale, j'étais à Bobo-Diouiasso,où il devait faire escale. J'allais levoir, en compagnie de trois camarades.S'adressant a moi, il me dit: « Vous meconnaissez depuis longtemps, vous savezque je suis un M. R. P. notoire. Vousn'ignorez pas que le ministre de la Franced'outre-mer, lui aussi, est un M. R. P.,que j'occupais dans son cabinet une placede confiance, au premier plan. Vous savezaussi que le président du conseil estM. R. P... — à ce moment, le (présidentdu conseil était M. Schuman — « ... jeviens donc représenter le Gouvernement. »Puis, un long silence: « Je tâcherai de lereprésenter avec objectivité, sans, cependant,abandonner aucune des idées qui mesont chères. »Telles sont les déclarations faites par unreprésentant de la France, un représentantde la République française qui avajt missiondlobserver la neutralité politique etd'être au-dessus des partis.Entre le 30 mai et le 20 juin, la campagneélectorale du deuxième tour auconseil général se confond avec celle desélections législatives.M. Mouragues était gouverneur titulairede la Haute-Volta. Nous assistons alors,dès ce moment, à une sorte de mobilisationde l'administration. Le gouverneur,inquiet sans doute à cause des ordres quilui étaient donnés, à notre deuxième rencontre,au début de juin, me dit qu'ilavait été reçu par l'Union voltaïque, qu'ily avait fait très franchement des déclarationssur sa position vis-à-vis de nous. Ilparia des divisions ethniques en Mossis eteh non Mossis, de l'antagonisme qui existeentre les deux groupements et il ajouta:« La campagne électorale qui va venirsera dure et revêtira une certaine acuité.Les paroles d'apaisement ne ¡peuvent changerles caractères et nous devons comptersur nous pour que les frictions inévitablesqui vont avoir lieu ne rendent ¡pas imposablela collaboration des deux fractions.»Dans le pays non Mossi, se déclenchaalors £ontre le rassemblement démocratiqueafricain une campagne de terreurmenée par le Gouvernement lui-même,appuyé par tout l'appareil administratif.A Boromo, douze secrétaires de notremouvement furent arrêtés, ligotés, placéssur une camionnette, promenés à traversla région pendant deux jours, avec arrêtdans chaque village où l'on faisait unecommunication sur leur appartenance ¡politique,qui aurait motivé leur arrestation.Je tiens à la disposition de ceux de noscollègues qui désireraient les voir lesphotographies prises à ce moment. Ceshommes sont attachés à la corde, escortésde gardes et promenés dans les marchésafin que tous les électeurs, en les voyant,soient amenés à ne pas leur apporter leur?voix.M. Douala Manga Bel!. Me permettezvousde présenter une courte observation,mon cher collègue ?M. Ouezzin Coulibaly. Volontiers.M. Douala Manga Bell. Mon cher collègue,vous connaissez la sympathie sincèreque j'ai pour vous.Les représentants des territoires d'outremersavent, par expérience, que le simplefait pour l'adversaire du Gouvernementd'être victime de pressions administratives,est un gage de succès certain.Je citerai à l'appui de cette remarquele cas d'un de vos collègues de groupe,aussi sympathique que vous, M. Hou*phonet-Boigny. Combattu dans sa circóncription par le gouvernement local, qui 3employé tous les moyens légaux et illégaux,il a été triomphalement élu.La même remarque s'applique égalementà notre collègue du premier collègedu Cameroun, mon ami d'origine 'métropolitainele docteur Aujoulat, qui a étéaussi combattu par le Gouvernement. Moimême,votre ami sincère, j'ai été combattupar l'administration. Nous avons touspassé haut la main.Ainsi, le fait, pour l'administration,d'exercer une pression sur les électeurs estle moyen le plus certain d'assurer le succèsde celui qu'elle combat (Très bien?très bien! au centre.)M. Ouezzin Coulibaly. Les exemples quevous citez, mon cher collègue, ont été prisdans dos pays où la situation est particulière.Je les connais. Mais il est d'autresterritoires d'oulre-mer, que vous ne connaissezpeut-être pas, où la pression administrativeatteint exactement le but qu'ellevise. Pour que l'administration n aboutissepas au résultat escompté, il faut quela population soit déjà assez avancée aupoint de vue politique.M. Charles Viatte. Bien sûr! Au Camerounelle vote M. R. P.M. Charles Benoist. Avez-vous l'intentionde justifier les pressions? Vous les trouvez;donc normales ?M. Ouezzin Coulibaly. Vous apportez laune certaine justification de l'interventionde l'administration dans les affaires politiques.Cette intervention, si elle était admise etjustifiée, serait, mon cher collègue, à doubletranchant. Aujourd'hui, elle est contrenous, mais l'histoire avance et, demain,elle se retournerait contre vous.A Banfora, nos propagandistes sontarrêtés et conduits à Bobo-Dioulasso, sousescorte.A Nouma, le chef de subdivision immobilisenotre propagandiste et l'oblige à !rebrousser chemin. En même temps, lagouverneur entre en action.Le 7 juin, le gouverneur appela chez luiquelques dirigeants de l'Union voltaïque :€« Je sais, leur dit-il, gue vous n'êtes pascontents de la liste qui vous est souimsfr

ASSEMBLEE NATIONALE — 1« SEANCE DU 22 MARS 1949 1675Mais je vous demande de vous regrouperet de m'aiiler. Vous voyez, depuis monarrivée, le R. D. A. a peur. Il n'ose pas semontrer. Dans peu de temps, il n'existeraplus. Je vais l'anéantir. Aidez-moi danscette campagne qui va s'ouvrir. Je veuxqu'il soit écrasé.« Qu'est-ce que le R. D, A. ? Ce n'estrien. Je suis venu ici avec des pouvoirsétendus. J'ai ordre d'employer la forcearmée comme je le veux. Je ipuis, demain,faire saccager une région si cette région,obéissant au R. D. A., votait contrairementau>: ordres qui seront donnés ».Le 8 juin, c'était le tour des intellectuelsGourounsi d'être entretenus durant troisheures. Le gouverneur déclara que la lutteentre Mossis et non-Mossis était normaleet que ce n'était pas par des conseilsqu'on pouvait aplanir ce différend. Ilinvita les non-Mossis à né pas se mettreavec ceux qui entretiennent ces divisions.Il ieur dit de ne pas écouter certains parlementaires,restés trop longtemps à lacolonie, et qui ne sont plus du tout aucourant de la situation politique enFrance ; que, si ces parlementaires avaientété au courant de la situation politique,ils ne viendraient pas ici parler de rassemblementdémocratique, la politique enFrance ayant changé de tournure. Ilajouta:« La politique du R. D. A. doit être combattuenécessairement. Le rassemblementdémocratique africain doit disparaître.Sous peu, il y aura du changement dansla métropole! Ces parlementaires, déjàmarqués au fer rouge, seront arrêtés ; euxet leurs familles périront dans les torture?.11 est encore temps de vous en écarteret de vous joindre aux Mossis. Lesfonctionnaires n'ont pas à voir autrementque suivant les recommandations del'administration. Ceux qui ne me suivrontpas seront révoqués ou licenciés.r Je vous ai appelés parce que je saisqur vous avez un penchant pour le rassemblementdémocratique africain, et jevous demande de revenir sur cette attitude.Je vous demande de laisser ceshommes égarés aller leur chemin, et vous,de revenir avec les Mossis. Ce sera la voiela plus sûre pour que vous puissiez rester¡encore comme des fonctionnaires ».Le 9 juin, il envoyait son chef de bureaumilitaire, le capitaine Dorange, en propagandeofficielle, accompagné de l'interprèteofficiel, dans un camioi administratifchargé de denrées alimentaires contingentéesà distribuer aux anciens combattants,A Bobo-Dioulasso, la comionnetle administrativeCitroën n° C. 8045 était mise àla disposition des propagandistes del'union voltaïque. A Tougan, l'administratour.Touze fit des réunions publiques d'ancienscombattants et de chefs et y prit laparJ3. Il menaça de diminuer la pensionde ceiix qui s'obstineraient à voler R. D. A.Il appaela les chefs de canton d'une subdivisionsituée à plus de cent kilomètres etles menaça de révocation s'ils se montraientfavorables au R. D. A.A Po, le chef de subdivision et le douanieront distribué jusqu'à la veille desélections des bouteilles de rhum, de cognacet de gin aux chefs de canton pourles amener a voter pour les candidats del'administration.Le 26 au soir, veille des élections, ilsétaient encore chez un chef influent qu'ilsvoulurent intimider et sur lequel ils essayèrentde faire pression, lui disant gu'ilavait une contravention douanière qu'ilpourrait ne pas payer s'il acceptait dë votercontre le R. D. A. Le chef ayant réfusé,on lui fit payer quelques jours après, etsur fausse contravention, une amendedouanière de 63.500 francs. Le douanierajouta: « Voilà ce que cela coûte, l'amitiédu R. D. A. ».Le gouverneur lui-même a fait deuxréunions, l'une groupant les fonctionnaires,l'autre les chefs et les notables. J'auraisaimé que mes collègues de la Haute-Volta fussent présents à ce débat, car aumoins deux d'entre eux sont au courantde ces réunions et l'un d'entre eux y aassisté. Ils auraient pu apporter la preuveque le gouverneur a tout d'abord fait undiscours public aux chefs de canton, ipuisà tous les fonctionnaires qu'il avait réunisau bureau de l'administration. Il a déclaréà ces derniers qu'if y avait deux politiques,la sienne et celle du R. D. A., etqu'ils avaient à choisir entre les deux.Au cours de la première réunion, voicice qu'il a dit aux fonctionnants, d'aprèsle compte rendu que l'Un d'entre eux arédigé tant bien que mal et nous a transmis:« Vous êtes payés par l'administration,vous n'avez pas à faire d'autre politiqueque celle qu'elle vous indique, la nôtre.Le R. D. A. suit une politique étrangère.Si vous votez pour lui, vous votez contrela France. »Aux chefs, il dit : « Je dois vous apprendrequ'il y a deux politiques dans le pays:la nôtre et celle du R. D. A. Ceux qui suiventla seconde sont des anti-Français. »Il s'est trouvé un chef pour lui répondre: « Monsieur le gouverneur, je suis undes dirigeants de ce rassemblement. Allezvoir dans mon canton ! Adressez-vous àmes ressortissants I Vous n'entendrez aucuneplainte. J'ai conscience de ne pasêtre antifrançais en tant que membre durassemblement démocratique africain.Vous pouvez vous en assurer auprès ducommandant de cercle: je suis un deschefs les mieux notés. »'Et le gouverneur de lui répondre :« Si vous n'êtes pas antifrançais, votrevote du 27 juin me le montrera. Allez chezvous ! La moitié des électeurs de vojrecirconscription a voté la dernière fois, auxélections du conseil général, pour le rassemblementdémocratique africain. »Comme par hasard, le gouverneur passadans le canton de ce chef à la veille desélections. Dans un rapport qui a été déposéau parquet de Bobo-Dioulasso, aprèsavoir été transmis à l'administration, lechef de ce canton déclare:« Comme indiqué plus haut, j'avais étél'objet de pressions de la part des fonctionnairesque j'ai nommés... » — c'est-àdirele commandant de cerclé Toulza etle gouverneur Mouragues — « En ce quiconcerne en particulier le chef de la colonie,les faits se situent au début du moisde juin 1948, où, étant venu à Safané, ilréunit tous les chefs de canton et .tint unpalabre au cours duquel il exposa que lesélections annoncées mettaient en présencedeux partis politiques. L'un d'eux, le rassemblementdémocratique africain, est leparti de l'étranger qui le subventionne,l'autre est le par.ti français auquel il voudraitque tous adhèrent, ajoutant qu'il estdécidé à combattre le rassemblement démocratiqueafricain par tous les moyenset qu'il finirait par « avoir » les membresun a un jusqu'au dernier.« Me sentant particulièrement visé, jecrus devoir, en termes respectueux, procéderà une mise au point indispensable, faisantobserver que le mouvement politiqueauquel j'appartiens n'avait pas été introduiten Afrique par une nation étrangère,ni par l'Angleterre, ni par la Russie, nipar l'Allemagne, mais étai,t venu de Paris,capitale de la France; qu'en ce qui meconcernait personnellement, mon lovalismeenvers la France n'avait . jamais étémis en défaut.« D'autre part, la qualité de chef decanton qui me faisait participer à l'administrationdu territoire de mon canton meparaissait incompatible avec les sentimentsqu'on me supposait.* Par ailleurs,ai-je tenu à souligner, ma ligne deconduite était conforme à mon éducationfrançaise, et, notamment, mes rapports deservice avec mes chefs administratifsn'ont jamais donné lieu, que je sache, àdes observations de nature à justifier unesuspicion quelconque à mon sujet. Lesordres que je recevais étaient toujourstransmis ou exécutés sans à-coups et sansaucune faute. Enfin, si j'é.tais l'ennemi dela France, je n'aurais pas envové ma filledans ce pays pour la faire éduquer.A cela, le gouverneur me répondit: « Jesais très bien que vous avez joué votrerôle de chef, que vous avez travaillécomme vous deviez le faire ; mais je vousdemande encore de revenir sur la positionque vous avez prise de rester dansce rassemblement que je combats et qui,ai-je besoin de vous le dire, ne doit pasêtre soutenu dans mon territoire. »« Par la suite — c'est le chef de cantonqui s'exprime ainsi dans 6a plainte —il vint à passer à Safané le 26 juin, veilledes élections — Safané est un village,chef-lieu de canton — et m'ayant prisà part dans ma case, il me dit'en substance...».Je précise que lorsqu'un gouverneur vadans un canton visiter tout seul un chefde canton dans sa case et s'entretientavec lui, c'est incontestablement afind'avoir une influence quelconque sur luûcar ill sait que ce . chef de canton commandeà son tour tous les électeurs etque, le jour du vote, le chef de cantonest automatiquement le président du bureaude vote.Je reprends ma citation:« ...Il me dit en substance: « Je imrendais à Bobo à la rencontre du hauicommissaire. Mais je tenais à faire un crochetpour m'arrêter quelques instants dansvotre canton, afin de vous dire que, lorsde notre dernière rencontre, vous, m'avezinspiré la plus grande confiance et, dureste, c'est un peu grâce à moi que vousdevez votre place actuelle de chef de canton.Je me trouvais, ^en effet, à l'époque,Ouagadougou comme adjoint à l'administrateursupérieur. Sur le vu de votredossier qui était impeccable, j'ai été aussitôtfavorable à votre candidature.« Actuellement, vous êtes en train devous fourvoyer et je ne voudrais pasqu'un garçon intelligent comme vous mperde. Au contraire, je voudrais pouvoiraider à vous faire élire à un siège deconseiller de la République.« C'est pourquoi je suis venu exprèsm'entretenir avec vous sur cette questioaet si vous pouviez renoncer au R. D. A.*votre salut serait assuré.« Sur quoi je réponds que, venant déRouaké/où je faisais déjà partie du mouvementdémocratique africain, je me suistrouvé à Safané au milieu d'une populationentièrement acquise au R. D. A., il nem'appartenait donc pas de détourner me»administrés de leur idéal-politique.« Mais j'ai ajouté que je souscriraisvolontiers aux conseils qu'ii voulait bienme donner, si lui-même s'adressant directementà la population et obtenait d'ellequ'elle Tenonçât au R. D. A. au profit duparti politique adverse. M'étant ainsi exprimé,j'envoyais aussitôt un crieur pupuîMicannoncer à la population la présencedu chef dé la colonie et mon invitationà venir le saluer.

ASSEMBLEE NATIONALE — 1« SEANCE DU 22 MARS 1949 1675Mais je vous <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> vous regrouperet <strong>de</strong> m'aiiler. Vous voyez, <strong>de</strong>puis monarrivée, le R. D. A. a peur. Il n'ose pas semontrer. Dans peu <strong>de</strong> temps, il n'existeraplus. Je vais l'anéantir. Ai<strong>de</strong>z-moi danscette campagne qui va s'ouvrir. Je veuxqu'il soit écrasé.« Qu'est-ce que le R. D, A. ? Ce n'estrien. Je suis venu ici avec <strong>de</strong>s pouvoirsétendus. J'ai ordre d'employer <strong>la</strong> forcearmée comme je le veux. Je ipuis, <strong>de</strong>main,faire saccager une région si cette région,obéissant au R. D. A., votait contrairementau>: ordres qui seront donnés ».Le 8 juin, c'était le tour <strong>de</strong>s intellectuelsGourounsi d'être entretenus durant troisheures. Le gouverneur déc<strong>la</strong>ra que <strong>la</strong> lutteentre Mossis et non-Mossis était normaleet que ce n'était pas par <strong>de</strong>s conseilsqu'on pouvait ap<strong>la</strong>nir ce différend. Ilinvita les non-Mossis à né pas se mettreavec ceux qui entretiennent ces divisions.Il ieur dit <strong>de</strong> ne pas écouter certains <strong>parlementaires</strong>,restés trop longtemps à <strong>la</strong>colonie, et qui ne sont plus du tout aucourant <strong>de</strong> <strong>la</strong> situation politique enFrance ; que, si ces <strong>parlementaires</strong> avaientété au courant <strong>de</strong> <strong>la</strong> situation politique,ils ne viendraient pas ici parler <strong>de</strong> rassemblementdémocratique, <strong>la</strong> politique enFrance ayant changé <strong>de</strong> tournure. I<strong>la</strong>jouta:« La politique du R. D. A. doit être combattuenécessairement. Le rassemblementdémocratique africain doit disparaître.Sous peu, il y aura du changement dans<strong>la</strong> métropole! Ces <strong>parlementaires</strong>, déjàmarqués au fer rouge, seront arrêtés ; euxet leurs familles périront dans les torture?.11 est encore temps <strong>de</strong> vous en écarteret <strong>de</strong> vous joindre aux Mossis. Lesfonctionnaires n'ont pas à voir autrementque suivant les recommandations <strong>de</strong>l'administration. Ceux qui ne me suivrontpas seront révoqués ou licenciés.r Je vous ai appelés parce que je saisqur vous avez un penchant pour le rassemblementdémocratique africain, et jevous <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> revenir sur cette attitu<strong>de</strong>.Je vous <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong>isser ceshommes égarés aller leur chemin, et vous,<strong>de</strong> revenir avec les Mossis. Ce sera <strong>la</strong> voie<strong>la</strong> plus sûre pour que vous puissiez rester¡encore comme <strong>de</strong>s fonctionnaires ».Le 9 juin, il envoyait son chef <strong>de</strong> bureaumilitaire, le capitaine Dorange, en propagan<strong>de</strong>officielle, accompagné <strong>de</strong> l'interprèteofficiel, dans un camioi administratifchargé <strong>de</strong> <strong>de</strong>nrées alimentaires contingentéesà distribuer aux anciens combattants,A Bobo-Diou<strong>la</strong>sso, <strong>la</strong> comionnetle administrativeCitroën n° C. 8045 était mise à<strong>la</strong> disposition <strong>de</strong>s propagandistes <strong>de</strong>l'union voltaïque. A Tougan, l'administratour.Touze fit <strong>de</strong>s réunions publiques d'ancienscombattants et <strong>de</strong> chefs et y prit <strong>la</strong>parJ3. Il menaça <strong>de</strong> diminuer <strong>la</strong> pension<strong>de</strong> ceiix qui s'obstineraient à voler R. D. A.Il appae<strong>la</strong> les chefs <strong>de</strong> canton d'une subdivisionsituée à plus <strong>de</strong> cent kilomètres etles menaça <strong>de</strong> révocation s'ils se montraientfavorables au R. D. A.A Po, le chef <strong>de</strong> subdivision et le douanieront distribué jusqu'à <strong>la</strong> veille <strong>de</strong>sélections <strong>de</strong>s bouteilles <strong>de</strong> rhum, <strong>de</strong> cognacet <strong>de</strong> gin aux chefs <strong>de</strong> canton pourles amener a voter pour les candidats <strong>de</strong>l'administration.Le 26 au soir, veille <strong>de</strong>s élections, ilsétaient encore chez un chef influent qu'ilsvoulurent intimi<strong>de</strong>r et sur lequel ils essayèrent<strong>de</strong> faire pression, lui disant gu'i<strong>la</strong>vait une contravention douanière qu'ilpourrait ne pas payer s'il acceptait dë votercontre le R. D. A. Le chef ayant réfusé,on lui fit payer quelques jours après, etsur fausse contravention, une amen<strong>de</strong>douanière <strong>de</strong> 63.500 francs. Le douanierajouta: « Voilà ce que ce<strong>la</strong> coûte, l'amitiédu R. D. A. ».Le gouverneur lui-même a fait <strong>de</strong>uxréunions, l'une groupant les fonctionnaires,l'autre les chefs et les notables. J'auraisaimé que mes collègues <strong>de</strong> <strong>la</strong> Haute-Volta fussent présents à ce débat, car aumoins <strong>de</strong>ux d'entre eux sont au courant<strong>de</strong> ces réunions et l'un d'entre eux y aassisté. Ils auraient pu apporter <strong>la</strong> preuveque le gouverneur a tout d'abord fait undiscours public aux chefs <strong>de</strong> canton, ipuisà tous les fonctionnaires qu'il avait réunisau bureau <strong>de</strong> l'administration. Il a déc<strong>la</strong>réà ces <strong>de</strong>rniers qu'if y avait <strong>de</strong>ux politiques,<strong>la</strong> sienne et celle du R. D. A., etqu'ils avaient à choisir entre les <strong>de</strong>ux.Au cours <strong>de</strong> <strong>la</strong> première réunion, voicice qu'il a dit aux fonctionnants, d'aprèsle compte rendu que l'Un d'entre eux arédigé tant bien que mal et nous a transmis:« Vous êtes payés par l'administration,vous n'avez pas à faire d'autre politiqueque celle qu'elle vous indique, <strong>la</strong> nôtre.Le R. D. A. suit une politique étrangère.Si vous votez pour lui, vous votez contre<strong>la</strong> France. »Aux chefs, il dit : « Je dois vous apprendrequ'il y a <strong>de</strong>ux politiques dans le pays:<strong>la</strong> nôtre et celle du R. D. A. Ceux qui suivent<strong>la</strong> secon<strong>de</strong> sont <strong>de</strong>s anti-Français. »Il s'est trouvé un chef pour lui répondre: « Monsieur le gouverneur, je suis un<strong>de</strong>s dirigeants <strong>de</strong> ce rassemblement. Allezvoir dans mon canton ! Adressez-vous àmes ressortissants I Vous n'entendrez aucunep<strong>la</strong>inte. J'ai conscience <strong>de</strong> ne pasêtre antifrançais en tant que membre durassemblement démocratique africain.Vous pouvez vous en assurer auprès ducommandant <strong>de</strong> cercle: je suis un <strong>de</strong>schefs les mieux notés. »'Et le gouverneur <strong>de</strong> lui répondre :« Si vous n'êtes pas antifrançais, votrevote du 27 juin me le montrera. Allez chezvous ! La moitié <strong>de</strong>s électeurs <strong>de</strong> vojrecirconscription a voté <strong>la</strong> <strong>de</strong>rnière fois, auxélections du conseil général, pour le rassemblementdémocratique africain. »Comme par hasard, le gouverneur passadans le canton <strong>de</strong> ce chef à <strong>la</strong> veille <strong>de</strong>sélections. Dans un rapport qui a été déposéau parquet <strong>de</strong> Bobo-Diou<strong>la</strong>sso, aprèsavoir été transmis à l'administration, lechef <strong>de</strong> ce canton déc<strong>la</strong>re:« Comme indiqué plus haut, j'avais étél'objet <strong>de</strong> pressions <strong>de</strong> <strong>la</strong> part <strong>de</strong>s fonctionnairesque j'ai nommés... » — c'est-àdirele commandant <strong>de</strong> cerclé Toulza etle gouverneur Mouragues — « En ce quiconcerne en particulier le chef <strong>de</strong> <strong>la</strong> colonie,les faits se situent au début du mois<strong>de</strong> juin 1948, où, étant venu à Safané, ilréunit tous les chefs <strong>de</strong> canton et .tint unpa<strong>la</strong>bre au cours duquel il exposa que lesélections annoncées mettaient en présence<strong>de</strong>ux partis politiques. L'un d'eux, le rassemblementdémocratique africain, est leparti <strong>de</strong> l'étranger qui le subventionne,l'autre est le par.ti français auquel il voudraitque tous adhèrent, ajoutant qu'il estdécidé à combattre le rassemblement démocratiqueafricain par tous les moyenset qu'il finirait par « avoir » les membresun a un jusqu'au <strong>de</strong>rnier.« Me sentant particulièrement visé, jecrus <strong>de</strong>voir, en termes respectueux, procé<strong>de</strong>rà une mise au point indispensable, faisantobserver que le mouvement politiqueauquel j'appartiens n'avait pas été introduiten Afrique par une nation étrangère,ni par l'Angleterre, ni par <strong>la</strong> Russie, nipar l'Allemagne, mais étai,t venu <strong>de</strong> Paris,capitale <strong>de</strong> <strong>la</strong> France; qu'en ce qui meconcernait personnellement, mon lovalismeenvers <strong>la</strong> France n'avait . jamais étémis en défaut.« D'autre part, <strong>la</strong> qualité <strong>de</strong> chef <strong>de</strong>canton qui me faisait participer à l'administrationdu territoire <strong>de</strong> mon canton meparaissait incompatible avec les sentimentsqu'on me supposait.* Par ailleurs,ai-je tenu à souligner, ma ligne <strong>de</strong>conduite était conforme à mon éducationfrançaise, et, notamment, mes rapports <strong>de</strong>service avec mes chefs administratifsn'ont jamais donné lieu, que je sache, à<strong>de</strong>s observations <strong>de</strong> nature à justifier unesuspicion quelconque à mon sujet. Lesordres que je recevais étaient toujourstransmis ou exécutés sans à-coups et sansaucune faute. Enfin, si j'é.tais l'ennemi <strong>de</strong><strong>la</strong> France, je n'aurais pas envové ma filledans ce pays pour <strong>la</strong> faire éduquer.A ce<strong>la</strong>, le gouverneur me répondit: « Jesais très bien que vous avez joué votrerôle <strong>de</strong> chef, que vous avez travaillécomme vous <strong>de</strong>viez le faire ; mais je vous<strong>de</strong>man<strong>de</strong> encore <strong>de</strong> revenir sur <strong>la</strong> positionque vous avez prise <strong>de</strong> rester dansce rassemblement que je combats et qui,ai-je besoin <strong>de</strong> vous le dire, ne doit pasêtre soutenu dans mon territoire. »« Par <strong>la</strong> suite — c'est le chef <strong>de</strong> cantonqui s'exprime ainsi dans 6a p<strong>la</strong>inte —il vint à passer à Safané le 26 juin, veille<strong>de</strong>s élections — Safané est un vil<strong>la</strong>ge,chef-lieu <strong>de</strong> canton — et m'ayant prisà part dans ma case, il me dit'en substance...».Je précise que lorsqu'un gouverneur vadans un canton visiter tout seul un chef<strong>de</strong> canton dans sa case et s'entretientavec lui, c'est incontestablement afind'avoir une influence quelconque sur luûcar ill sait que ce . chef <strong>de</strong> canton comman<strong>de</strong>à son tour tous les électeurs etque, le jour du vote, le chef <strong>de</strong> cantonest automatiquement le prési<strong>de</strong>nt du bureau<strong>de</strong> vote.Je reprends ma citation:« ...Il me dit en substance: « Je imrendais à Bobo à <strong>la</strong> rencontre du hauicommissaire. Mais je tenais à faire un crochetpour m'arrêter quelques instants dansvotre canton, afin <strong>de</strong> vous dire que, lors<strong>de</strong> notre <strong>de</strong>rnière rencontre, vous, m'avezinspiré <strong>la</strong> plus gran<strong>de</strong> confiance et, dureste, c'est un peu grâce à moi que vous<strong>de</strong>vez votre p<strong>la</strong>ce actuelle <strong>de</strong> chef <strong>de</strong> canton.Je me trouvais, ^en effet, à l'époque,Ouagadougou comme adjoint à l'administrateursupérieur. Sur le vu <strong>de</strong> votredossier qui était impeccable, j'ai été aussitôtfavorable à votre candidature.« Actuellement, vous êtes en train <strong>de</strong>vous fourvoyer et je ne voudrais pasqu'un garçon intelligent comme vous mper<strong>de</strong>. Au contraire, je voudrais pouvoirai<strong>de</strong>r à vous faire élire à un siège <strong>de</strong>conseiller <strong>de</strong> <strong>la</strong> République.« C'est pourquoi je suis venu exprèsm'entretenir avec vous sur cette questioaet si vous pouviez renoncer au R. D. A.*votre salut serait assuré.« Sur quoi je réponds que, venant déRouaké/où je faisais déjà partie du mouvementdémocratique africain, je me suistrouvé à Safané au milieu d'une popu<strong>la</strong>tionentièrement acquise au R. D. A., il nem'appartenait donc pas <strong>de</strong> détourner me»administrés <strong>de</strong> leur idéal-politique.« Mais j'ai ajouté que je souscriraisvolontiers aux conseils qu'ii vou<strong>la</strong>it bienme donner, si lui-même s'adressant directementà <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion et obtenait d'ellequ'elle Tenonçât au R. D. A. au profit duparti politique adverse. M'étant ainsi exprimé,j'envoyais aussitôt un crieur pupuîMicannoncer à <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion <strong>la</strong> présencedu chef dé <strong>la</strong> colonie et mon invitationà venir le saluer.

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