JOURNAL OFFICIEL - Débats parlementaires de la 4e République

170£ ASSEMBLEE NATIONALE — 2* SEANCE DU 22 MABS 1949Ce pacte viole le traité d'alliance francosoviétiquedu 10 décembre 1944 qui, dansson article 5, stipule :« Les hautes parties contractantes s'engagentà ne pas conclure d'alliance et àne participer à aucune coalition dirigéecontre l ime d'elles. »Ce pacte viole également les articles 51et 52 de la charte des Nations Unies. Ilporte un coup à l'organisation des NationsUnies, comme l'a constaté le secrétaire généraido cet organisme lui-même,M. Trygve Lie.Et puis, il faut paner clairement. Je citeraià ce sujet ce qu'a écrit un historienaméricain, M. Nettets, professeur à l'universitéde Corne.1. M. Nettel a publié, dansle i\ew York Times, une lettre dans laquelleil proteste contre l'idée que le pactede l'Atlantique Nord est nécessaire à lasécurité militaire des Etats-Unis.Il démontre sans peine que l'élaborationdu pacte Atlantique-Nord contredit formellementl'alliance anglo-soviétique conclueen mai 1942 et par laquelle l'Angleterres'était engagée pour vingt ans à n'adhérerà aucune alliance ou coa,ilion tournée contrel'Union soviétique.Ensuite, al. Nettels, allant au bout du raisonnementdu département d'Etat, constateque le maintien de l'alliance anglosoviétique— c'est M. Nettels qui parle —« ne peut vouloir dir e que de deux chosesTune : la Russie n'a pas à se reprocher descrimes graves, ou alors l'Angleterre porteau même titre que la Russie la responsabilitédes crimes accomplis. Si la Russien'a pas commis de crimes graves, il n'ya, semble-t-il, nul motif probant de conclurele pacte Atlantique. Et si la Russieest coupable de crimes graves, l'Angleterredevrait répudier l'alliance qui l'unit à untel criminel. » (Applaudissements à l'extrêmegauche.)Ainsi, on peut dire que ce raisonnementrelatif à l'Angleterre de l'historien américainNettels est également valable pour laFrance.Quant au pacte lui-même, il provoquedes réactions défavorables jusqu'aux Etats-Unis.C'est ainsi que deux journaux américains,le Daily News et le Daily Mirror,écrivent en substance.L'idée selon laquelle une attaque contrelin pays pourrait être considérée commeune attaque contre tous les autres signatairesdu pacte, est considérée comme uneviolation pure et simple de la Constitutionaméricaine.Ce pacte détermine donc la violation deleur propre légalité par ceux qui le signent.Et qui soutient ce pacte ?Ne parlons ni de Salazar, ni de Franco,ni des nazis de l'Allemagne de l'Ouest: euxils le soutiennent; leur adhésion est acquiseet elb est hautement significative.Mais voici ce qu'écrit le fasciste pro-hitiérienanglais, M. Oswald Mosîey, qui a étéInterné pendant toute la guerre par legouvernement britannique, parce qu'il souhaitaitla victoire d'Hitler:« il faut accueillir avec satisfaction touteaction en vue de réaliser un front uni del'Europe et de l'Amérique contre le communisme.»C'est donc une guerre idéologique qu'onprépare contre des idées qui ne vous plaisentpas. (Applaudissements à l'extrêmegauche.)Mais, un autre Anglais a émis une opiniondifférente. Il s'agit du doyen de Canterbury, qui a écrit:« Le pacte atlantique est une alliancemilitaire. » « Le pacte atlantique conduit•j la guerre. » « Le pacte atlantique quisera suivi en temps donné par les pactesméditerranéen et. pacifique, tend à l'encerclementde l'Union soviétique. »II. a ajouté: « Mais ces alliances ne peuventpas durer. Ici aussi, une contre-alliancene peut manquer de se former. »C'est donc d'un pacte de guerre qu'ils'agit. On compte sur des pays européenspour faire la guerre. On se prépare d'ailleursà nous livrer de vieux matériels deguerre américains.C'est ainsi que le correspondant duDaily NeLVS à Washington a dit que lespays européens ne recevraient d'Amérique,au titre du prêt-bail, que des tanks et desavions « du type deuxième guerre mondiale». Les modèles plus récents resterontaux Etats-Unis.En outre, s'adressant aux journalistes —je n'étais pas présent à cette conférence depresse, mais j'en parle d'après ce quej'en ai lu et entendu — M. Robert Schumana laissé entendre, sans doute avec infinimentde prudence, mais il n'en a pasmoins laissé entendre qu'il y avait unéchange de lettres secrètes relatives à l'applicationde certains articles et que laFrance devrait faire, dans un proche avenir,d'importants efforts de réarmements.Tout cela va coûter cher au pays et vapeser de nouveau sur les épaules descontribuables français.De plus, il est question d'utiliser la contre-valeurdu plan Marshall pour des dépensesmilitaires. C'est la presse, en toutcas, qui en parle et peut-être sur ce pointle Gouvernement pourrait-il nous donnerdes explications. C'est une raison de plusqui motive le débat que je demande.Si donc la contre-valeur du plan Marshallest utilisée quasi exclusivement pourdes dépenses militaires, cela signifie quenous allons nous trouver en présence decharges financières encore plus lourdesdemain, qui vont peser sur la masse descontribuables français.C'est contre tout cela, monsieur le présidentdm conseil et monsieur le ministredes affaires étrangères, que nous élevonsnotre protestation. Nous pensons qu'avecle pacte Atlantique, tel qu'il est conçu,et avec le mécanisme de ce pacte,la guerre peut être déclenchée selon lebon plaisir des gouvernements parce qu unaccident surviendra soit à un avion, soit àun bateau, comme ce fut le cas du bateauMaine y lors de la guerre faite par les Etats-Unis à l'Espagne, pour'la conquête de Cubaet des Philippines.Heureusement les peuples sont là pouis'opposer à ccs plans.C'est pourquoi nous croyons qu'unjournal comme le Daily Mirror a le droitd'écrire:« Jusqu'à présent l'initiative, en fait deguerre, appartenait-exclusivement. selon laConstitution, au Congrès américain. Nouapouvons maintenant entrer en guerre à lasuite d'un éternuement. »C'est pourquoi nous demandons quel'ordre du jour soit modifié et que l'ondiscute l'interpellation que j'ai eu l'honnerde déposer sur le pacte Atlantique,afin que le peuple de France puisse jugerla politique faite en son nom, politique quenous considérons comme nous conduisantà la servitude et à la guerre.Si le Gouvernement n'accepte pas le ($ébat,il donnera ainsi la preuve qu'il veutcacher la vérité. ( * le peuple a droit à lavérité, et nous sommes certains que,même s'il n'aperçoit pas clairement tousles dangers qui le menacent à l'heure actuelle,il est décidé à défendre la paix detoutes ses forces.J'insiste sur la nécessité d'ouvrir undébat sur le pacte atlantique. Nous pouvons,ce soir et ail cours des séances dedemain, discuter utilement sur ce problèmecapital pour l'avenir de notre pays.Je prie l'Assemblée nationale de bien vouloirme suivre et je dépose une demandede scrutin ¡public à l'occasion du vote quiva intervenir. (Applaudissements à Vextrêmegauche.)M. le président. La parole est à M. le ministredes affaires étrangères.M. Robert Schuman, ministre des affairesétrangères. Le Gouvernement s'oppose àla modification die l'ordre du jour. Il comprendparfaitement l'intérêt que portentl'Assemblée et tout le pays à cette questiondu pacte Atlantique. Mais l'heuren'est pas venue d'instituer une discussionsur ce pacte qui, en vertu même de laConstitution, devra être soumis à la ratificationdu Parlement français et nepourra pas entrer en vigueur aussi longtempsqu'il n'aura pas ' été ratifié par lessept nations qui ont été à son origine.Le Gouvernement ne peut pas accepterla procédure envisagée par M. Jacques Duclos.car elle aboutirait à exiger que toutgouvernement désireux de conclure uutraité international en demande l'autorisationpréalable au Parlement. Or, la Constitutionne prévoit pas cette procédure, etle Gouvernement, qui est fermement attachéau respect de la Constitution, a ledroit et le devoir de sauvegarder les prérogativesdu pouvoir exécutif.Lorsque je me rendrai à Washingtonpour signer le pacte Atlantique, je saurai— et tout le monde saura, y compris mescosignataires que nia signature ne sauraitconstituer pour la France un engagementqui ne pourra résulter que de ladécision ultérieure du Parlement français.Cela dit, vous avez, monsieur JacquesDuclos. un moyen d'empêcher le Gouvernementde rrocéder à la signature dupacte Atlantique : il vous suffit de renverserce Gouvernement ; et vous savez quelsmoyens sont à votre disposition pour cela.En tout cas, le Gouvernement ne sedérobera en aucune façon à un débat quipourra se développer très amplement ici,Eh bien! nous ne voulons pas qu'on le moment venu; j'aurai alors l'occasionpuisse entrer e 1 guerre à la suite de l'éternuementd'un ministre. {Applaudissements arguments qui viennent d'être produitsde prouver l'inexactitude de tous lesà l'extrême gauche.)par l'auteur die la demande d'interpellation.Tous les arguments que je viens de développeravec, je crois, le maximum d'objectivité,soulignent la gravité du pro-à cet égard, mais je voudrais, dès main-Je n'entends pas entamer une discussionblème qui est posé devant nous.tenant, mettre en garde, non seulementM. le ministre des affaires étrangères l'Assemblée, mais encore l'opinion publiquede France contre la campagne ten-va partir pour Washington; il va donnerla signature de la France. '1 ne va pas dancieuse qui est engagée.s'engager seul; il va engager la France et Vous le savez, mes chers collègues, jele peuple de France. Par conséquent, nous suis un des représentants de cette régionavons le cliroit et le devoir de discuter le tant exposée aux risques de guerre, quipacte qu'il va aller signer.k a souffert plus qu'aucune autre en France