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JOURNAL OFFICIEL - Débats parlementaires de la 4e République

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ASSEMBLEE NATIONALE — 2» SEANCE M! 22 MARS 1949 ieer>cc Les masses africaines n'ont pas voté,on les a fait voter. Ce n'est pas <strong>la</strong> République,c'est une dictature, et c'est grave. »C'est signé : Maurice Voisin.M. Jean Félix-Tchicaya. Voulez-vous mepermettre <strong>de</strong> vous interrompre ?M f Ouezzin Coulibaly. Je vous en prie.M. Jean Félix-Tchicaya. L'avertissementest assez grave pour qu'on en tienne leplus grand compte.11 s'agit <strong>de</strong> savoir si les élections dansles territoires d'outre-mer doivent toujoursêtre dirigées par l'administration,si, à <strong>la</strong> faveur <strong>de</strong> ces élections, les fonctionnairescoloniaux doivent pouvoir espérerun avancement.Je ne pense pas que tel soit l'esprit <strong>de</strong><strong>la</strong> Constitution, qui a reconnu <strong>de</strong>s droitsaux popu<strong>la</strong>tions d'outre-mer et leur a offert<strong>de</strong>s possibilités par <strong>la</strong> création <strong>de</strong> l'Unionfrançaise.Notre qualité <strong>de</strong> membre d'une assembléesouveraine nous oblige dans ce casd'espèce à faire abstraction <strong>de</strong> nos intérêts<strong>de</strong> parti pour ne voir que l'intérêt généralqui est l'intérêt <strong>de</strong> <strong>la</strong> République et <strong>de</strong>l'Union française. C'est pourquoi nous <strong>de</strong>vonsnous rallier aux conclusions <strong>de</strong> notrecollègue. Ouezzin Coulibaly.M. Ouezzin Coulibaly. Si M. Mouragues aagi <strong>de</strong> cette façon, je crois qu'il n'a étéque l'outil dont s'est servi l'ouvrier. Etl'ouvrier, ce fut certainement M. Coste-Floret, ministre <strong>de</strong> <strong>la</strong> France d'outre-mer.Nous avons suivi cette machination,qui serait une comédie si elle n'avait étéune source <strong>de</strong> souffrances ¡pour les popu<strong>la</strong>tionsvoltaiques.M. Mouragues ne pouvait <strong>de</strong>venir gouverneurqu'à partir d'un certain gra<strong>de</strong>dans <strong>la</strong> hiérarchie administrative. Unavancement lui fut accordé pour pouvoirle nommer, immédiatement après, gouverneur<strong>de</strong> <strong>la</strong> Haqte-Volta. Lorsqu'il rejoignitson poste, tout se passa avec une rapiditételle qu'on peut penser qu'il est arrivé làliasayant en mains les ordres qu'il avaità exécuter.Si M. le ministre <strong>de</strong> <strong>la</strong> France d'outremeravait été présent sur ces bancs, j'auraispu lui citer <strong>de</strong>s attestations émanantd'administrateurs que nous avons pu voirpendant <strong>la</strong> campagne électorale. Il auraitpu <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r confirmation pour y répondre,lé cas échéant.Lorsque <strong>de</strong>s administrateurs déc<strong>la</strong>rentque le ministre est au courant <strong>de</strong> leursagissements et que le fait <strong>de</strong> lui écrire nechangera rien à l'affairé, je crois quec'est grave, car si <strong>de</strong> tels procédés électoraux<strong>de</strong>vaient se perpétuer dans ces territoires,nous en arriverions à <strong>de</strong>s extrémitésque vous ne soupçonnez pas.Des désordres survenant dans les territoires<strong>de</strong> l'Afrique noire peuvent aller assezloin, le mécontentement peut <strong>de</strong>venirtel,que l'on risque d'assister à ce que l'onvolt en Indochine, à <strong>de</strong>s inci<strong>de</strong>nts aussigraves que ceux qui se produisirent àMadagascar.Ces désordres auront été provoqués parceux-là mêmes qui ont été chargés par <strong>la</strong>France d'administrer les territoires.Dès <strong>la</strong> création du territoire <strong>de</strong> <strong>la</strong> Haute-Volta, M. le haut commissaire Béchard prononça<strong>de</strong>s paroles qui inspirèrent confianceà <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion et purent nous fairecroire qu'il al<strong>la</strong>it administrer le territoireavec l'impartialité désirable. Malheureusement,dès qu'il fût quèstion d'élections,on le vit se rendre à Ouagadougou,dans un avion frété tout exprès, poury dresser <strong>la</strong> liste <strong>de</strong>s candidats. Jedis bien tout exprès, puisque M. le hautcommissaire est arrivé à Ouagadougou le29 mai et que les élections au conseil généralétaient prévues pour le 30. Passantoutre aux traditions, il s'était d'ailleurs. fait accompagner du Moro Nafba <strong>de</strong> Ouadadougouet il tint conférence avec le MoroNaba d'Ouahigouva et avec M. Mouragues.A l'issue <strong>de</strong> cette conférence, on appritque le candidat mossi avait été écarté parM. Mouragues, au bénéfice <strong>de</strong> M. Guissou,dont <strong>la</strong> candidature avait été suggérée, aupied levé, ¡par Mgr Thevenoud, évêqued'Ouagadougou, auprès <strong>de</strong>' qui M. Mouraguesse rend tous les matins pour prendreles ordres.Quoi qu'il en soit, il est certain que <strong>la</strong>liste <strong>de</strong>s candidats aux élections légis<strong>la</strong>tivesa été dressée par le haut commissaireet par le gouverneur, ce qui explique quel'administration tout entière se soit mobiliséepour conduire cette liste à <strong>la</strong> victoire.Pour appuyer cette affirmation, je rappelleque M. Béchard, parti d'Ouagadougou,s'est rendu à Niamey où il forma un partipolitique dit « U. N. I. S, > dont il présida<strong>la</strong> première réunion.Je suis donc en droit <strong>de</strong> déc<strong>la</strong>rer que lesgouverneurs et les administrateurs obéissentaux ordres donnés par le ministre <strong>de</strong><strong>la</strong> France d'outre-mer, ce qui consacrel'ingérence officielle <strong>de</strong> l'administrationdans les affaires électorales. .M. Coste-Floret n'est pas là, je ne le chargeraipas davantage, mais j'aurais pu porterà son actif d'autres faits au sujet <strong>de</strong>squelsje lui aurais <strong>de</strong>mandé <strong>de</strong>s explications.Je constate d'ailleurs malheureusement,que le Gouvernement est toujours absentlorsqu'on parle <strong>de</strong> l'Union française.M. Fernand Grenier. Il se désintéresse <strong>de</strong>l'Union française !Mme <strong>la</strong> prési<strong>de</strong>nte. Le Gouvernementn'a pas à se faire représenter dans undébat portant sur <strong>la</strong> validation d'opérationsélectorales.M. Yves Fagon. Il est <strong>de</strong> coutume que leGouvernement ne participe pas à <strong>de</strong> telsdébats.M. Fernand Grenier, En réalité, on faitsemb<strong>la</strong>nt <strong>de</strong> donner un bulletin <strong>de</strong> voteaux popu<strong>la</strong>tions d'outre-mer, mais onprend toutes les précautions pour que lesintérêts <strong>de</strong>s colonialistes qui font « suerle burnous » n'en souffrent paslOn sait où ce<strong>la</strong> peut conduire. Aux événements<strong>de</strong> Madagascar, hier, à <strong>la</strong> guerreau Vieî Nam aujourd'hui, et peut être <strong>de</strong>mainaurez-vous l'Afrique noire sur .<strong>la</strong>conscience, si vous continuez à traiter lespopu<strong>la</strong>tions <strong>de</strong> ce pays en êtres inférieurs.D'ailleurs les faits parlent d'eux-mêmes :<strong>de</strong>s bureaux <strong>de</strong> vote où tous les électeurs,sans exception, votent pour <strong>la</strong> liste <strong>de</strong>l'administration, qui peut croire que ce<strong>la</strong>n'est pas truaué ? (Exc<strong>la</strong>mations aucentre.)M. Yves Fagon. Mais, monsieur Grenier,c'est pourtant bien ce qui s'était passépour <strong>la</strong> liste communiste à l'île <strong>de</strong> <strong>la</strong>Réunion. J'ai <strong>de</strong>mandé l'annu<strong>la</strong>tion (lecette élection. Vous vous y êtes refusé cependant.Quand il s'agit <strong>de</strong> candidats communistessans doute n'y a-t-il aucun motif <strong>de</strong>s'étonner ?M. le rapporteur. On fait beaucoupmieux du côté <strong>de</strong> l'Oural, monsieur Grenier.>M. Fernand Grenier. Sans le pays <strong>de</strong>l'Oural vous lie seriez pas aujourd'hui hvotre banc, monsieur Moisan ; notre paysserait encore sous le joug hitlérien.Mme <strong>la</strong> prési<strong>de</strong>nte. Veuillez gar<strong>de</strong>r lesilence, messieurs et permettre à l'orateur<strong>de</strong> poursuivre son exposé.M. Ouezzin Coulibaly. Des ordres ontdonc été donnés; certains présentent uncaractère conii<strong>de</strong>ntiel. Je tiens à citer notammentle télégramme chiffré suivant,adressé par le Gouvernement à tous lescercles <strong>de</strong> sa juridiction, <strong>de</strong>ux jourspeine avant les élections.Voici ce télégramme :« A tous cercles, le 25 juin 1948:« 148 c 32916 11731 16384 74959 3448701438 59333 60992 61640 06234 40468 6183005083 17093 01071 58653 16062 62743 0135912610 03150 57622 37643 46368 02937 6535401272 06847 Mouragues.« Sûreté Bobo:« 149 cab/c 64616 16772 .70287 16382 1714774978 08715 01272 12699 Mouragues. »M. Maurice Lucas. Alors ?M. Ouezzin Coulibaly. Alors, ceux quipourront se faire traduire ce télégramme,chiffré d'après le co<strong>de</strong> administratif, comprendrontqu'il ordonne expressément auxadministrateurs d'intervenir dans les élections.Si j'ai tenu à en faire connaître <strong>la</strong> teneurc'est, d'une part, pour que le gouverneurqui l'a signé et qui sait que ledébat sur les opérations électorales <strong>de</strong> iaHaute-Volta a lieu aujourd'hui à l'Assemblée,et d'autre ¡part, les autres gouverneurset les administrateurs qui possè<strong>de</strong>ntle co<strong>de</strong> <strong>de</strong> déchiffrement, sachent quenous avons percé à jour ces manœuvres.11 faut qu'on sache que le gouverneur amanqué A sa mission <strong>de</strong> »représentantofficiel <strong>de</strong> <strong>la</strong> France pour n'être plus qu'unhomme politique.M. le rapporteur. Ce n'est pas le gouverneurqui a fait inscrire ce débat àl'ordre du jour <strong>de</strong> l'Assemblée, mais <strong>la</strong>conférence <strong>de</strong>s prési<strong>de</strong>nts.M. Ouezzin Coulibaly. Certes, mais lesélections ont été truquées en Haute-Voltapar le gouverneur, qui s'est conduitcomme un chef <strong>de</strong> file ipolitique menantcampagne au heu <strong>de</strong> se cantonner dansson rôle administratif.M. Jean Félix-Tchicaya. Ce gouverneuraurait été plus loyal en faisant personnellementacte <strong>de</strong> candidature.M. Fernand Grenier. Ce<strong>la</strong> aurait étémoins hypocrite.M. Ouezzin Coulibaly. Je vous apportecette affirmation parce que je fiais

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