La trajectoire d’appr<strong>en</strong>tissage <strong>de</strong> la lecture chez les appr<strong>en</strong>ants <strong>adulte</strong>sLes résultats <strong>de</strong> cette étu<strong>de</strong> confirm<strong>en</strong>t que le niveau <strong>de</strong> r<strong>en</strong><strong>de</strong>m<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s appr<strong>en</strong>ants dans lesdiverses épreuves <strong>de</strong> lecture se situe typiquem<strong>en</strong>t sur un continuum asc<strong>en</strong>dant d’un niveaud’avancem<strong>en</strong>t à l’autre. Nous faisons égalem<strong>en</strong>t l’observation que les différ<strong>en</strong>ces <strong>en</strong>tre les niveauxadjac<strong>en</strong>ts sont rarem<strong>en</strong>t statistiquem<strong>en</strong>t significatives. Cette <strong>de</strong>rnière observation peut êtreattribuée à plusieurs facteurs et ceux-ci ne sont pas mutuellem<strong>en</strong>t exclusifs :• la taille <strong>de</strong>s groupes à chaque niveau d’avancem<strong>en</strong>t a pu être insuffisante pour nous permettre<strong>de</strong> détecter <strong>de</strong>s différ<strong>en</strong>ces fines <strong>en</strong>tre les niveaux adjac<strong>en</strong>ts;• le rythme <strong>de</strong> croissance <strong>de</strong>s habiletés <strong>en</strong> lecture a pu être particulièrem<strong>en</strong>t mo<strong>de</strong>ste dans cetéchantillon.Cette croissance a pu être réduite pour une variété <strong>de</strong> raisons :• <strong>de</strong>s différ<strong>en</strong>ces interindividuelles importantes <strong>en</strong>tre les appr<strong>en</strong>ants sur le plan <strong>de</strong> la languematernelle, la préparation à l’appr<strong>en</strong>tissage <strong>de</strong> la lecture, etc.;• la prés<strong>en</strong>ce dans l’échantillon d’individus qui prés<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s troubles <strong>de</strong> lecture ou <strong>de</strong> langage(ex. : la dyslexie, l’apraxie) et qui ont <strong>de</strong>s besoins particuliers;• l’abs<strong>en</strong>téisme <strong>de</strong>s appr<strong>en</strong>ants qui doiv<strong>en</strong>t répondre aux exig<strong>en</strong>ces d’un emploi pour gagnerleur vie;• l’interruption <strong>de</strong> la formation p<strong>en</strong>dant l’été qui pourrait <strong>en</strong>traîner un recul particulièrem<strong>en</strong>timportant chez les appr<strong>en</strong>ants <strong>adulte</strong>s.Une analyse fine <strong>de</strong> ces facteurs pourrait r<strong>en</strong>dre compte durythme d’appr<strong>en</strong>tissage actuel et conduire à <strong>de</strong>s stratégiesd’<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core mieux adaptées aux caractéristiques<strong>de</strong> cette population d’appr<strong>en</strong>ants. Cela dit, il est clair qu’ilfaut être pru<strong>de</strong>nt dans les comparaisons qui peuv<strong>en</strong>t êtrefaites <strong>en</strong>tre les jeunes écoliers et les appr<strong>en</strong>ants <strong>adulte</strong>s. Ces<strong>de</strong>ux populations font l’appr<strong>en</strong>tissage <strong>de</strong> la lecture dans <strong>de</strong>scontextes fort différ<strong>en</strong>ts.Il est clair qu’il faut être pru<strong>de</strong>ntdans les comparaisons quipeuv<strong>en</strong>t être faites <strong>en</strong>treles jeunes écoliers etles appr<strong>en</strong>ants <strong>adulte</strong>s.Pour suivre la trajectoire d’appr<strong>en</strong>tissage et assurer la maîtrise <strong>de</strong>s habiletés fondam<strong>en</strong>tales à lalecture flui<strong>de</strong>, on pourrait établir <strong>de</strong>s objectifs à atteindre dans un délai raisonnable et fournir auxformatrices les outils nécessaires pour s’assurer que ces objectifs ont été atteints. Cette stratégiepermettrait aux formatrices <strong>de</strong> s’assurer que les fon<strong>de</strong>m<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> la lecture sont maîtrisés et <strong>de</strong>savoir sur quoi elles peuv<strong>en</strong>t construire les savoirs plus avancés.Le ciblage <strong>de</strong>s interv<strong>en</strong>tions andragogiques <strong>en</strong> lectureD’<strong>en</strong>trée <strong>de</strong> jeu, l’<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> la lecture aux <strong>adulte</strong>s représ<strong>en</strong>te un défi <strong>de</strong> taille : cesappr<strong>en</strong>ants sont typiquem<strong>en</strong>t arrivés à maturité sur plusieurs plans, sauf celui <strong>de</strong> la lecture flui<strong>de</strong>.Ce décalage doit être pris <strong>en</strong> compte dans la conception du matériel andragogique et <strong>de</strong>s activitésd’appr<strong>en</strong>tissage. Il reste que l’échafaudage <strong>de</strong>s habiletés <strong>en</strong> lecture doit s’appuyer sur <strong>de</strong>s basessoli<strong>de</strong>s. Faisons un retour sur ces bases.36<strong>Appr<strong>en</strong>dre</strong> à <strong>lire</strong> à l’âge <strong>adulte</strong> – Considérations andragogiques
Consci<strong>en</strong>ce phonologique. L’écriture <strong>de</strong>s langues alphabétiquesL’i<strong>de</strong>ntificationest conçue pour représ<strong>en</strong>ter les sons <strong>de</strong> la parole : chaqueunité segm<strong>en</strong>tale <strong>de</strong> l’écrit (les graphèmes) se projette sur une et la manipulation duunité segm<strong>en</strong>tale <strong>de</strong> l’oral (les phonèmes). Pour effectuer cette phonème sont <strong>en</strong>coreprojection, il est impératif que les appr<strong>en</strong>ants différ<strong>en</strong>ci<strong>en</strong>teffectuées avec difficulté,nettem<strong>en</strong>t les sons propres à la langue orale. Les résultats <strong>de</strong> la même aux niveauxprés<strong>en</strong>te étu<strong>de</strong> donn<strong>en</strong>t à p<strong>en</strong>ser que les appr<strong>en</strong>ants arriv<strong>en</strong>t àd’avancem<strong>en</strong>t 4 et 5.bi<strong>en</strong> maîtriser la syllabe française : à l’i<strong>de</strong>ntifier et à la manipulerm<strong>en</strong>talem<strong>en</strong>t. Par contre, l’i<strong>de</strong>ntification et la manipulation duphonème sont <strong>en</strong>core effectuées avec difficulté, même aux niveaux d’avancem<strong>en</strong>t 4 et 5. Cettedifficulté est sérieuse, car elle a le pot<strong>en</strong>tiel <strong>de</strong> nuire à l’établissem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s correspondances <strong>en</strong>treles graphèmes et les phonèmes <strong>de</strong> la langue.Pour pallier cette faiblesse, on pourrait favoriser la maîtrise <strong>de</strong>s sons du français par <strong>de</strong>s activitésandragogiques qui conduis<strong>en</strong>t les appr<strong>en</strong>ants à faire <strong>de</strong>s distinctions fines <strong>en</strong>tre les phonèmes dufrançais. Bi<strong>en</strong> que les manuels <strong>de</strong> référ<strong>en</strong>ce courants s’adress<strong>en</strong>t aux <strong>en</strong>fants d’âge préscolaireou du primaire, les principes rest<strong>en</strong>t les mêmes (voir Torges<strong>en</strong> & Mathes, 2000, Section 3).Par exemple, les activités d’appr<strong>en</strong>tissage doiv<strong>en</strong>t être graduées sur le plan <strong>de</strong> la difficulté <strong>de</strong>différ<strong>en</strong>ciation <strong>en</strong>tre les unités segm<strong>en</strong>tales <strong>de</strong> la parole et rangées <strong>de</strong> la plus facile à la plus difficile.Le programme d’interv<strong>en</strong>tion doit compr<strong>en</strong>dre <strong>de</strong>s activités analytiques autant que <strong>de</strong>s activitéssynthétiques. Comme les phonèmes du français ne sont pas toujours faciles à différ<strong>en</strong>cier, lesformatrices doiv<strong>en</strong>t prononcer chaque phonème l<strong>en</strong>tem<strong>en</strong>t et distinctem<strong>en</strong>t. Et les appr<strong>en</strong>antsdoiv<strong>en</strong>t s’exercer à prononcer chaque phonème dans ces activités. Plusieurs ouvrages fourniss<strong>en</strong>t<strong>de</strong>s exemples d’activités conçues pour favoriser le développem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> la consci<strong>en</strong>ce phonologiqueet qui peuv<strong>en</strong>t, <strong>en</strong> principe, être adaptées aux appr<strong>en</strong>ants <strong>adulte</strong>s (ex. : Adam, Foorman, Lundberg,Beeler, & Stanké, 2000; Stanké, 2001).Maîtrise <strong>de</strong> l’alphabet. La capacité <strong>de</strong> nommer les lettres <strong>de</strong>l’alphabet est ess<strong>en</strong>tielle à l’épellation, une opération fort utile dansl’appr<strong>en</strong>tissage <strong>de</strong> l’orthographe. La capacité <strong>de</strong> fournir le sonassocié aux graphèmes fondam<strong>en</strong>taux du français est ess<strong>en</strong>tielleau décodage <strong>de</strong>s mots et <strong>de</strong>s mots nouveaux <strong>en</strong> particulier. Lesrésultats <strong>de</strong> la prés<strong>en</strong>te étu<strong>de</strong> indiqu<strong>en</strong>t que la dénominationrapi<strong>de</strong> <strong>de</strong>s lettres <strong>de</strong> l’alphabet est bi<strong>en</strong> maîtrisée. En revanche,le son <strong>de</strong>s graphèmes fondam<strong>en</strong>taux ne l’est pas. Le nombred’erreurs associées aux graphèmes simples ou complexes <strong>de</strong>meureélevé aux niveaux d’avancem<strong>en</strong>t 4 et 5.Les résultats <strong>de</strong> la prés<strong>en</strong>teétu<strong>de</strong> indiqu<strong>en</strong>tque la dénominationrapi<strong>de</strong> <strong>de</strong>s lettres <strong>de</strong>l’alphabet est bi<strong>en</strong> maîtrisée.En revanche, le son <strong>de</strong>sgraphèmes fondam<strong>en</strong>tauxne l’est pas.Pour pallier cette faiblesse, on pourrait favoriser la maîtrise <strong>de</strong>s graphèmes fondam<strong>en</strong>tauxdu français par <strong>de</strong>s activités d’appr<strong>en</strong>tissage appar<strong>en</strong>tées à celles associées à la consci<strong>en</strong>cephonologique. Les formatrices ont égalem<strong>en</strong>t la possibilité d’expliquer le fonctionnem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>slettres <strong>en</strong> français et leurs relations aux sons <strong>de</strong> la parole. Peu importe l’approche adoptée, on peuts’att<strong>en</strong>dre à <strong>de</strong>s gains très importants <strong>en</strong> lecture découlant d’un appr<strong>en</strong>tissage plus systématique etexplicite <strong>de</strong>s caractéristiques <strong>de</strong>s graphèmes du français.<strong>Appr<strong>en</strong>dre</strong> à <strong>lire</strong> à l’âge <strong>adulte</strong> – Considérations andragogiques37