la cour et la maison de l'ogre - Chroniques italiennes - Université ...

6C. JORIéchangée que comme base du rituel de consommation festif et collectifqu’est le banquet princier. C’est le lieu où le roi, déployant son éloquencedevant un auditoire occupé à mastiquer autant qu’à converser, exerce lajustice, démasque les imposteurs et les opposants, l’espace privilégié durétablissement de la vérité et de la justice. Un lien symbolique étroit se noueentre consommation de nourriture et dévoilement de la vérité 6 .Entre la situation initiale et le dénouement, c’est surtout commeélément central des épreuves auquel est soumis le héros que la nourriturejoue un rôle déterminant. L’offrande alimentaire est au cœur d’un systèmed’échange complexe de don/contre-don, où un même personnage fait tour àtour office de donateur ou de donataire. Il peut s’agir d’un objet magiqueoffert par un donateur surnaturel rencontré par hasard. Dattes à l’auraexotique, cédrats d’où sortent de sensuelles créatures féériques, fruits secssans doute liés à d’anciens cultes de fécondité permettent de déployer deseffets spectaculaires et d’émerveiller l’auditoire. Par une ironique loi decompensation, ces aliments magiques évitent souvent à leurs possesseursd’être dévorés par des ogres ou des bêtes féroces. Le système axiologiquequi détermine l’élargissement de ces faveurs n’est toutefois guèreunivoque : il peut s’agir clairement de récompenser le courage, la bonté, lapersévérance des héros, de réparer une injustice, une usurpation, mais aussid’une bienfaisance qui semble l’effet d’un caprice aléatoire et réversible dela part de créatures surnaturelles toutes-puissantes.Lorsque le héros se retrouve dans la position d’être lui même donateur,la dimension éthique sous-jacente se dessine plus clairement. Le donalimentaire sert souvent de pierre de touche pour jauger de vertus commel’humilité, la courtoisie, la générosité, qui sont souvent l’apanage depersonnages féminins. C’est le cas dans Le tre fate (III,10) et dans Le doiepizzelle (IV,7) : Marziella, fille cadette mal aimée de sa mère est envoyée au6Dans La Palomma (II,7) la jeune Filadoro, après avoir aidé le prince NardoAniello à dépasser les épreuves imposées par son ogresse de mère, est oubliée de lui àcause de la malédiction d’une vieille mendiante à qui celui-ci, par simple jeu, avait casséavec une pierre une marmite remplie de haricots (sorte d’ironique loi de contrappasso).Filadoro se rend au festin nuptial déguisée en homme et voilà qu’une colombe parlante sortd’une tourte panée à l’anglaise farcie de viande, spécialité locale que l’écuyer de bouche, lescarco, est en train de couper. L’animal magique rappelle son ingratitude au prince et leguérit de son amnésie, réhabilitant la fiancée légitime. Là encore, la nourriture est liée à untournant de la narration et à l'heureux dénouement.