la cour et la maison de l'ogre - Chroniques italiennes - Université ...

Modes de l’oralité dans le Cunto de li Cunti31serviette qui se remplit de victuailles et l’âne qui défèque de l’or) que lenigaud se fait systématiquement dérober justement parce qu’il est incapablede tenir sa langue. Faisant halte dans un auberge, il est victime d’un ostetrop rusé qui le gave de victuailles et de vin pour lui voler les objets maissurtout de sa tendance à l’incontinence verbale : il fait état du caractèremerveilleux des dons de l’ogre et, avec une naïveté enfantine, se trahit encommuniquant malgré lui la formule secrète qui permet d’activer les vertusmagiques des objets. Antuono transgresse ainsi l’interdit verbal posé par sonprotecteur qui l’a mis en garde par deux fois et lui a enjoint de garder lesecret. L’initiation et la résolution auront lieu avec le troisième cadeau, unbâton qui rosse celui qui prononce la formule magique. Déniaisé, Antuonoapprend dans sa troisième halte à l’auberge à maîtriser son flux de paroles, àmanipuler son discours et l’effet qu’il produit sur l’autre. C’est lui quiprendra ainsi le dessus sur l’antagoniste obligé de restituer les objetsdérobés pour échapper aux coups. Comme le souligne aussi N. Canepa,l’initiation d’Antuono par son maître et « padre surrogato » « consistesoprattutto nell’acquisizione di un uso sapiente e controllato dellinguaggio » 56 .Tous ces personnages sont donc représentés dans une relation dedépendance d’une figure qui incarne une certaine forme de pouvoir, deprotection symbolique, leur permettant d’assurer leur subsistancealimentaire, dont il s’agit en tout cas de solliciter la protection, l’hospitalitéet la bienfaisance. On pourrait y voir, en dernière instance, une mise enabîme de ce que représente, pour le poète courtisan, l’initiation à l’universinstable de la Cour : la nécessité de savoir adapter au contexte, aux codes,aux exigences de ses commanditaires ainsi qu’aux normes de la bienséance,non seulement sa conversation, mais la pratique même de la narrationd’intrattenimento… Peut-être ces paraboles donnent-elles aussi à voir, entreles lignes, ce qu’il peut y avoir de périlleux pour le conteur qui se hasardedans cette entreprise : le risque de disgrâce, de malheur qui guette lecourtisan maladroit, imprudent ou malchanceux qui produit un récit ambigu,ou pouvant être mal interprété. A la fin de la dernière et cinquième journée,la vieille Ciommetella raconte dans Le tre cetra une histoire exactementspéculaire à celle du récit-cadre, qui fait dangereusement allusion à la56p. 51.N. L. Canepa, « Basile e il carnavalesco », in AA.VV., Giovan Battista Basile…,