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la cour et la maison de l'ogre - Chroniques italiennes - Université ...

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C. JORI30une tira<strong>de</strong> à double <strong>de</strong>stinataire, un dis<strong>cour</strong>s double où il raconte uneanecdote fictive en dép<strong>la</strong>çant sur les éléments <strong>de</strong> <strong>la</strong> comparaison le cœur <strong>de</strong>son message (<strong>la</strong> nourriture cachée) : « m’è venuto pe li pie<strong>de</strong> no serpe, uhmamma mia ! (…) fa cunto, ch’era quanto l’anguil<strong>la</strong> c’hai posta drinto a lostipo » 54 . Et ainsi <strong>de</strong> suite. Le but est <strong>de</strong> démasquer par ce double <strong>la</strong>ngageCo<strong>la</strong> Iacovo caché sous <strong>la</strong> table, <strong>de</strong> lui montrer qu’il sait <strong>et</strong> <strong>de</strong> réc<strong>la</strong>mer sonrepas comme un dû. Or ce <strong>de</strong>rnier réadapte son comportement à c<strong>et</strong>tenouvelle infraction du parasite indiscr<strong>et</strong> : <strong>la</strong> provocation verbale l’autorise,en un sens, à rompre leur accord tacite <strong>et</strong> à lui adresser à son tour unelongue invective <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux pages afin <strong>de</strong> dénoncer son indiscrezione. Lecompère, piteux <strong>et</strong> confus, ne rem<strong>et</strong>tra plus les pieds dans le logis. C<strong>et</strong>tefacétie, à <strong>la</strong> manière d’un apologue, montre donc <strong>la</strong> disgrâce brutale qui peutrésulter d’un dis<strong>cour</strong>s mal adapté à <strong>la</strong> situation, qui transgresse les co<strong>de</strong>s <strong>de</strong>l’étiqu<strong>et</strong>te <strong>et</strong> les règles <strong>de</strong> <strong>la</strong> prise <strong>de</strong> parole en public. A l’ingestionvertigineuse <strong>et</strong> hyperbolique du parasite correspond son incapacité à ém<strong>et</strong>treun dis<strong>cour</strong>s bien réglé en accord avec les normes <strong>et</strong> les rôles sociaux dansune situation donnée, centrée ici sur les lois <strong>de</strong> l’hospitalité ; il s’agit en unsens d’une mauvaise utilisation d’un dis<strong>cour</strong>s narratif <strong>et</strong> codé, <strong>de</strong> l’anecdotefictive chargée du message à double sens. Entre le modèle positif <strong>de</strong> <strong>la</strong>chatte <strong>et</strong> l’exemplum négatif du compare, le tout premier conte inaugural,Lo cunto <strong>de</strong>ll’uerco (I,1), présente une véritable parabole d’apprentissageavec une figure d’ogre très atypique dans le rôle <strong>de</strong> l’agent <strong>de</strong> l’initiation.Antuono <strong>de</strong> Marigliano (un bourg à <strong>la</strong> périphérie <strong>de</strong> Naples), benêt <strong>et</strong>fainéant, est chassé par sa mère <strong>et</strong> rencontre par hasard, au pied d’unemontagne, un ogre difforme qui révèle néanmoins un noble cœur <strong>et</strong> uneforme <strong>de</strong> sagesse philosophique malgré son apparence monstrueuse. L’ogredéci<strong>de</strong> <strong>de</strong> prendre Antuono à son service justement parce qu’il est amusé parses raisonnements incohérents, les questions absur<strong>de</strong>s qu’il lui pose,l’inversion <strong>de</strong> <strong>la</strong> logique habituelle, le coq à l’âne : « L’uerco, che sent<strong>et</strong>testo trascurso da palo ’n perteca, se mese a ri<strong>de</strong>re e, pecché le piacqu<strong>et</strong>tel’omore <strong>de</strong> <strong>la</strong> vestia, le disse : "Vuoi stare a patrone ?"» 55 . Lorsqu’Antuonoa envie <strong>de</strong> revoir sa famille, l’ogre lui offre <strong>de</strong>s ca<strong>de</strong>aux magiques (<strong>la</strong>54Ibid., p. 426. [Un serpent est passé entre mes jambes, aïe ma mère ! Qu’il étaiténorme <strong>et</strong> effrayant ! Il était au moins gros comme l’anguille que tu as mise <strong>de</strong>rrière c<strong>et</strong>tecré<strong>de</strong>nce], Trad. F.D., p. 207.55Ibid., p.34. [L’ogre, en entendant ce dis<strong>cour</strong>s sans queue ni tête, partit d’un grandrire, <strong>et</strong> comme l’humeur <strong>de</strong> l’animal lui p<strong>la</strong>isait, il lui dit : « Veux-tu être mon serviteur ?»], Trad. F.D., p. 40.

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