la cour et la maison de l'ogre - Chroniques italiennes - Université ...

3Modes de l’oralité dans le Cunto de li Cunticollecte de matériaux perçus comme bruts et populaires – le conte de féeoral autant que le dialecte, connotés comme bas à la manière de cetteépaisse nourriture, choux, carottes, couennes et haricots dont se repaissentles personnages populaires des cunti – permet de vivifier les codes du genrede l’intrattenimento en une savante cuisine.Une première difficulté s’impose, qui tient à la complexité del’opération de contamination mise en œuvre par Basile, à sa réappropriationde matériaux mythiques et folkloriques qui portent inévitablement les tracessédimentées de rituels, croyances, peurs, savoirs archaïques autres parrapport à la culture de cour et académique ; la nourriture tient une placecentrale au sein de cet imaginaire, a fortiori dans la société napolitainemarquée par la pénurie et les grandes disettes qui sévissent au début duXVIIe. Les grandes peurs collectives liées à la famine trouvent une forme decompensation imaginaire et d’exutoire dans le rituel spectaculaire quipermet de matérialiser, à chaque Carnaval, le mythique pays de Cocagne,avec les pillages parfois sanglants de montagnes de victuailles, sous leregard bienveillant des vice-rois espagnols. L’obsession de la nourriturealimente les représentations de la commedia dell’arte naissante, avec seszanni à l’appétit gargantuesque, et le conte de fée d’origine populaire, par leregistre du merveilleux, se prête par essence à l’expression de fantasmesalimentaires de compensation (voir le topos de la nappe qui se remplit parmagie de nourriture dans le conte inaugural). Par ailleurs la centralité de lanourriture dans le genre merveilleux, par delà les époques et les zonesgéographiques, renvoie de toute évidence à la valeur symbolique decertaines catégories d’aliments et de rituels de consommation et d’échange.Ce phénomène, par-delà les variations contextuelles, a attiré l’attention despécialistes du folklore et donné lieu à des lectures anthropologiques (le lienentre certain fruits et légumes, fèves ou fruits secs, et d’anciens cultes de lafertilité, la fonction du don d’aliment dans l’échange social étudié par M.Mauss, le lien entre le banquet final et les fonctions du repas collectif desjeunes isolés dans la forêt dans certains rituels d’initiation…) ; la questionde l’oralité dans le genre merveilleux a également fait l’objet de lecturescomme celle de B. Bettelheim dans Psychanalyse des contes de fées (1976),qui se penche sur plusieurs des versions de Basile.Il nous faut donc trouver un angle de lecture complémentaire, une voieMulino, 1994.