la cour et la maison de l'ogre - Chroniques italiennes - Université ...

C. JORI28rupture et de rabaissement en pleine élégie, ce qui présuppose un publicsuffisamment cultivé pour pouvoir saisir ce jeu polyphonique de dialogueavec la tradition aulica 49 . L’insertion de comparants inédits (jambon ousaucisson au lieu de la pourpre ou du corail pour désigner le rouge deslèvres) au sein de la descriptio canonique des beautés du corps fémininsuscite également des effets comico-érotiques, comme lors de l’apparitionde la troisième fée sortie du cédrat dans Le tre cetra : « na figliola tennera eianca (…), co na ’ntrafilata de russo che pareva no presutto d’Abbruzzo o nasopressata de Nola…» 50 . La floraison d’allusions érotiques liées à la sphèreculinaire témoigne des habiles stratégies de Basile afin de flatter les goûtsde son auditoire courtisan et académique accoutumé à la sensualité raffinéedes madrigaux de Marino, en suscitant une forme de plaisir etd’émerveillement à la fois sensuel et intellectuel par ces images inédites.Dans un jeu raffiné et ingegnoso de glissements entre sens propre au sensfiguré, on passe de la consommation du repas à la consommation du corpsféminin (plus rarement masculin) sous le signe d’Eros : dans Petrosinella(II,1), le jeune fille confiée par sa mère à une ogresse, née avec un brind’herbe aromatique sur la poitrine, fait grimper sur ses longues tresses dansla tour où elle est enfermée un prince… qui se fait un plaisir de déguster dupersil à la sauce d’amour : « se fece no pasto de chillo petrosino de la sauzad’Ammore » 51 . Le registre merveilleux autorise aussi parfois la réificationd’une métaphore galvaudée de la tradition de la poésie d’amour profane :Betta, princesse très exigeante dans Pinto Smauto (V,3), fabrique de sespropres mains son futur mari, une poupée animée comestible, aux cheveuxd’or et aux lèvres de rubis, en pétrissant de la pâte d’amande et du sucreimbibés d’eau de rose, de musc et d’ambre. Enfin, certaines séquencesexaltent la richesse lexicale et l’expressivité des images du dialecte dans lesénumérations synonymiques ou le dense tissu de tournures proverbiales 52 .49G. Basile, Lo cunto..., p. 144. [Te reverrai-je un jour, toi dont les briques sont desucre et les murs de meringue royale ? (…) Adieu carottes et betteraves, adieu beignets etgalettes, brocolis et saucisses, (…) adieu Naples, splendeur de l’Italie (…), brocolis mesamis, je vous abandonne derrière moi], Trad. F.D., p. 85.50Ibid., 1002.51Ibid., p. 288.52Celles évoquant l’acte de manger sont légion, comme il nous est apparu dans LoCompare (I,10) ; quant au catalogue de spécialités et de mets typiquement napolitains de latirade de Lo Mercante, il vise aussi à créer un effet de pittoresque et de couleur locale, à