12.07.2015 Views

mondialisation def .qxd - Médecins du Monde

mondialisation def .qxd - Médecins du Monde

mondialisation def .qxd - Médecins du Monde

SHOW MORE
SHOW LESS
  • No tags were found...

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

AfghanistanAfrique <strong>du</strong> SudAlbanie Algérie AllemagneAndorre Angola Antigua-et-Barbuda Arabie saoudite ArgentineArménie Australie Autriche AzerbaïdjanBahamas Bahreïn Bangladesh Barbade BelauBelgique Belize Bénin Bhoutan BiélorussieBirmanie Bolivie Bosnie-Herzégovine BotswanaBrésil Brunei Bulgarie Burkina Burundi CambodgeCameroun Canada Cap-Vert Chili Chine ChypreColombie Comores Rép. dém. <strong>du</strong> Congo Îles CookCorée <strong>du</strong> Nord Corée <strong>du</strong> Sud Costa Rica Côte d'IvoireCroatie Cuba Danemark Djibouti Dominique Égypte Émiratsarabes unis Équateur Érythrée Espagne Estonie États-Unis Éthiopie Fidji Finlande France Gabon Gambie GéorgieGhana Grèce Grenade Guatemala Guinée Guinée-BissaoGuinée équatoriale Guyana Haïti Hon<strong>du</strong>ras Hongrie IndeIndonésie Iran Iraq Irlande Islande Israël Italie Jamaïque JaponJordanie Kazakhstan Kenya Kirghizistan Kiribati Koweït LaosLesotho Lettonie Liban Liberia Libye Liechtenstein LituanieLuxembourg ex-Rép. yougoslave de Macédoine MadagascarMalaisie Malawi Maldives Mali Malte Maroc Iles Marshall MauriceMauritanie Mexique Micronésie Moldavie Monaco MongolieMozambique Namibie Nauru Népal Nicaragua Niger NigeriaNiue Norvège Nouvelle-Zélande Oman Ouganda OuzbékistanPakistan Panama Papouasie - Nouvelle Guinée Paraguay Pays-Bas Pérou Philippines Pologne Portugal Qatar Républiquecentrafricaine République dominicaine République tchèqueRoumanie Royaume-Uni Russie Rwanda Saint-Christopheet-NiévèsSainte-Lucie Saint-Marin Saint-Siège Saint-Vincent-et-les Grenadines Iles Salomon SalvadorSamoa occidentales Sao Tomé-et-Principe SénégalSeychelles Sierra Leone Singapour SlovaquieSlovénie Somalie Soudan Sri Lanka Suède SuisseSuriname Swaziland Syrie Tadjikistan TanzanieTchad Thaïlande Togo Tonga Trinité-et-Tobago Tunisie Turkménistan TurquieTuvalu Ukraine Uruguay VanuatuVenezuela Viêt-nam YémenYougoslavie ZambieZimbabweMondialisationet santéNous luttons contre toutes les maladies. Même l'injustice.


Avant proposMédecins <strong>du</strong> <strong>Monde</strong> est une associationmédicale de solidarité internationale. Depuis22 ans, nous soignons les populations lesplus vulnérables dans les situations de criseet d’exclusion, dans différentes parties <strong>du</strong>monde y compris en France ; nous sommesactuellement présents dans quatre vingtpays, avec 150 programmes.Au-delà <strong>du</strong> soin, notre vocation est aussi letémoignage : faire état de ce que nousvoyons, dans le cadre de situations demenaces pour la santé, d’atteintes aux droitsfondamentaux, plus particulièrement le droità la santé, de violations <strong>du</strong> Droit internationalhumanitaire.Alerter, interpeller, faire pression pour que lasituation change…Ce sont ces valeurs fondatrices, qui ontcon<strong>du</strong>it Médecins <strong>du</strong> <strong>Monde</strong> à prendreposition, avec d’autres mouvements de lasociété civile internationale, sur le processusde <strong>mondialisation</strong>.En tant que Médecins-citoyens <strong>du</strong> <strong>Monde</strong>,nous sommes naturellement favorables àtout processus de mise en commun desrichesses et des savoir qui permet l’améliorationdes conditions de santé et de vie, et unmeilleur respect des droits fondamentaux.Nous sommes animés <strong>du</strong> devoir d’ingérence,c’est à dire que nous pensons que le principede non ingérence doit s’arrêter là où naîtle risque de non assistance.Nous sommes donc pour l’édification d’unespace public mondial qui met en tension lecadre étroit des souverainetés craintives,autoritaires et opaques des Etats.Tout cela pour la seule raison qui vaille : lebien être des populations.Pourtant, la <strong>mondialisation</strong> telle qu’elle sedéveloppe n’est pas seulement source debienfaits. Les rênes sont encore tenues pardes acteurs dont les intérêts convergent :Etats puissants, institutions financières internationales,organisation mondiale <strong>du</strong> commerce,sociétés transnationales. Il n’est doncpas surprenant que le modèle actuel sepréoccupe essentiellement d’objectifs financierset de règlements commerciaux ; qu’il nesoit que technique, fondé sur le profit ; que ceque nous appelons “dérégulation“ n’est pasune dérive mais un programme…Il y a des gagnants et des perdants, et le rôlede Médecins <strong>du</strong> <strong>Monde</strong> est évidemmentd’être au côté des seconds.Docteur Claude MoncorgéPrésident1


La “<strong>mondialisation</strong>”Ce qu’on désigne par le terme de <strong>mondialisation</strong>est un processus historique : depuis descentaines d’années, la <strong>mondialisation</strong> – contractionde l’espace et <strong>du</strong> temps - se construit ; elleest le fruit des voyages, <strong>du</strong> commerce, desmigrations, de l’expansion des cultures, de lapropagation <strong>du</strong> savoir et des découvertes. Maisla <strong>mondialisation</strong> dont on parle surtoutaujourd’hui se caractérise par le développementdes échanges de biens et servicesentre des économies de plus en plusouvertes et dépendantes. Les flux commerciauxont en effet connu une croissance annuellemoyenne spectaculaire sur la période 1945-1970, principalement grâce à la mise en placed’un système monétaire international stable(Bretton Woods, 1944), à la coopération mondialeen matière commerciale (rounds <strong>du</strong>GATT), au développement d’ententes régionales(CEE, ALENA, Mercosur) et à l’améliorationdes moyens de transport (baisse <strong>du</strong> coût<strong>du</strong> fret).Ce phénomène de <strong>mondialisation</strong> a connu unessor remarquable depuis une vingtained’années avec la fin <strong>du</strong> système de BrettonWoods et le nouveau système financier international,puis la diffusion <strong>du</strong> modèle libéral, suite àla chute <strong>du</strong> mur de Berlin en 1989. En 1974, lesEtats Unis impulsent la dérégulation générale del’économie c’est-à-dire l’absence de toutcontrôle sur les mouvements de capitaux ;celle-ci, accompagnée de la baisse <strong>du</strong> coût destransports et des communications, et de la tendanceà la privatisation, a entraîné un boomspectaculaire des échanges financiers. Avec ledéveloppement des réseaux électroniques quisuppriment les contraintes de temps et d’espace,on passe d’une économie internationaleà une économie mondialisée.La <strong>mondialisation</strong> se définit donc principalementpar ses flux transnationaux :- les flux d’in<strong>du</strong>strie car la pro<strong>du</strong>ction à l’échellemondiale passe désormais par la mise enplace de réseaux et la division internationaledes processus pro<strong>du</strong>ctifs.- les flux de capitaux qui ont fortement augmenté<strong>du</strong> fait <strong>du</strong> flottement généralisé desmonnaies et de la déréglementation boursière.Aujourd’hui, ce sont plus de 1 000 milliards dedollars qui circulent quotidiennement entreNew York,Tokyo, Londres et Paris.- les flux d’information : l’explosion desmoyens de communication et d’information estun puissant facteur d’unification de l’espacemondial. Internet en est le dernier exemple endate.- les flux d’indivi<strong>du</strong>s : le poids des migrationsest considérable. Dans son rapport de 2000, leFonds des Nations Unies pour la Populationévaluait à plus de 125 millions le nombre depersonnes vivant à l’étranger.La <strong>mondialisation</strong> a entraîné une interdépendancecroissante au niveau <strong>du</strong> globe.Désormais, toute crise politique, financière ouéconomique risque de se transformer en crisesystémique et se répercuter sur les autres pays.Le phénomène de contagion dans la crise financièreasiatique en 1997 en est l’illustration, et lefait que les organisations internationalescomme le FMI (Fonds monétaire international)et la Banque mondiale aient réagi immédiatementpour juguler la crise n’est pas anodin. Eneffet, l’interdépendance actuelle est telleque chaque problème se transforme rapidementen défi global. Parmi ces défis globaux,affectant tous les Etats, on trouve l’écologie,la drogue, le terrorisme, les conflits interethniques…mais aussi la maladie. Parce que cesproblèmes concernent chaque Etat, ils ontbesoin de réponses globales. Face à la maladiequi ne connaît pas de frontières, il faut mondialiserla santé. La <strong>mondialisation</strong> ne doit pas êtresimplement une <strong>mondialisation</strong> des échangescommerciaux, mais elle doit intégrer aussiune dimension éthique, politique, socialeet environnementale. C’est le point de vueadopté par Médecins <strong>du</strong> <strong>Monde</strong>.2


Mondialisation et santé :Quels liens ?Le processus de <strong>mondialisation</strong> économique acertes enrichi la planète <strong>du</strong> point de vue scientifiqueet culturel et profité économiquement à beaucoup,mais il a eu également pour effet d’augmenter la pauvreté,d’accentuer les inégalités, d’affaiblir les institutionset les systèmes de soutien social, d’aggraver lesatteintes aux droits économiques, sociaux et culturelsde nombreuses populations. La santé est l’un deces droits, et le Pacte de 1966 qui affirme le caractèrefondamental des droits économiques, sociaux etculturels (DESC, voir encadré p. X), peut être revendiquécomme un instrument de combat quand cedroit est violé. Les DESC sont en effet des droits fondamentaux,mais les Etats et les institutions internationalesleur ont accordé beaucoup moins d’importancequ’aux droits civils et politiques pendant desannées.Avec la <strong>mondialisation</strong> économique et financière denouveaux acteurs ont émergé sur la scèneéconomique internationale, à côté des Etats :les sociétés transnationales, les institutions financièresinternationales (FMI et Banque mondiale) etl’OMC (Organisation Mondiale <strong>du</strong> Commerce). Parconséquent, le bien-être des populations nedépend pas seulement des gouvernements,mais aussi des politiques menées par ces nouveauxacteurs.Aujourd’hui, Médecins <strong>du</strong> <strong>Monde</strong> identifie de nouvellescauses de déstabilisation sociale qui ontdes impacts négatifs sur l’état de santé de populationsvulnérables. Dans ce cadre, Médecins <strong>du</strong> <strong>Monde</strong>a décidé de travailler sur la problématique "<strong>mondialisation</strong>et impacts sur la santé" selon trois axesmajeurs :- Le commerce international et l’accès auxmédicaments : les règles <strong>du</strong> commerce internationalsont parfois incompatibles avec la protection desdroits de l’homme. Rappelons nous la bataille menéepar les laboratoires pharmaceutiques pour interdirela pro<strong>du</strong>ction de médicaments génériques contre lesida, au nom des droits de propriété intellectuelle, etau mépris <strong>du</strong> droit à la santé.- Les politiques macro-économiques et l’accèsaux services de base : soigner les populations fragiliséeslorsque l’accès aux services de base (eau,soins, é<strong>du</strong>cation, etc.) est limité par les restrictionsbudgétaires imposées par les politiques d’ajustementstructurel <strong>du</strong> FMI et de la Banque mondiale.- Le travail mondialisé et les risques sanitaires :secourir les populations affectées par les activités desociétés transnationales qui ne respectent pas au Sudles normes sociales et environnementales qui leursont pourtant imposées au Nord.Le phénomène de <strong>mondialisation</strong> économique permet aux nouveaux acteurs internationauxde violer le droit à la santé des populations, en toute impunité, dans des pays fragilesou instables, qui n’ont pas toujours les moyens ou la volonté politique de protéger leurpopulation ou leur environnement.GlossaireADPICAGCSDESCFMIIFIOMCSTNAccord sur les Aspects des Droits de PropriétéIntellectuelle qui touchent au CommerceAccord Général sur le Commerce des ServicesDroits économiques, sociaux et culturelsFonds monétaire internationalInstitutions financières internationales(principalement Banque mondiale et FMI)Organisation mondiale <strong>du</strong> commerceSociétés transnationales3


I - L’accès aux médicamentsle marchépharmaceutiquemondialAujourd’hui le marché pharmaceutiquedépend essentiellement pour la recherche et lapro<strong>du</strong>ction de firmes privées. Dans l'économiemondiale, le médicament est considéré comme unpro<strong>du</strong>it commercial comme les autres et se retrouvesoumis aux lois de l'offre et de la demande. Dansces conditions, le marché pharmaceutique est guidépar les intérêts financiers de l'in<strong>du</strong>strie et non parceux des malades. Les firmes pharmaceutiqueschoisissent de développer ou non un médicament,en fonction des bénéfices escomptés sur sa vente.Des millions de personnes meurent chaque annéede maladies infectieuses pour lesquelles les firmespharmaceutiques ne font plus de recherche car lemarché concerné, celui des pays en développement,est considéré comme non solvable ; certainsmédicaments ou vaccins efficaces dans le traitementde maladies tropicales ne sont plus fabriqués,faute de rentabilité. Sur les 1223 nouveaux médicamentsintro<strong>du</strong>its sur le marché entre 1975 et 1997,13 seulement concernent le traitement d'une deces maladies.Le paludisme tue un enfant africain toutes les 30 secondes. La recherche pour lutter contre cefléau est quasiment inexistante et l’on continue d’utiliser des traitements de moins en moins efficaces,comme la chloroquine mise au point en 1934.L'eflornithine est un traitement efficace contre la maladie <strong>du</strong> sommeil et c’est la seule solutionpour les patients insensibles aux traitements classiquement utilisés. Pourtant, la pro<strong>du</strong>ction de l'eflornithinea été arrêtée par la firme pro<strong>du</strong>ctrice en 1995 pour cause de non-rentabilité.A peine 8% des dépenses pharmaceutiques sont consacrées aux maladies qui sévissent dans lespays en développement, alors qu’ils représentent 75% de la population mondiale.Droit à la santé contredroits de propriété intellectuelleLes médicaments essentiels sont protégés pardes brevets de propriété intellectuelle et leursprix sont élevés. Un brevet accorde à la société quien est propriétaire des droits exclusifs de pro<strong>du</strong>ctionpendant 20 ans minimum. Cette exclusivitéconfère au pro<strong>du</strong>cteur un statut de monopole surle marché et lui permet de fixer le prix qu’il souhaitepour son médicament. Mais lorsqu’un brevetarrive à expiration, d’autres laboratoires peuventfabriquer des copies <strong>du</strong> médicament concernésous forme générique et la concurrence existantentre les fabricants permet de faire baisser les prix.5


L’accès aux médicaments en Afrique <strong>du</strong> Sud"Médecins <strong>du</strong> <strong>Monde</strong> a été présent enRépublique d’Afrique <strong>du</strong> Sud pendant plus de17 ans, soignant les populations et condamnantpubliquement l’apartheid. Cette année,Médecins <strong>du</strong> <strong>Monde</strong> a initié un programmedans le Kwazulu Natal pour fournir l’accès auxantirétroviraux aux populations rurale et urbainede cette région.Il y a eu pendant longtemps, une absence totalede prise en compte <strong>du</strong> problème <strong>du</strong> sida parle gouvernement sud-africain. La réalité même<strong>du</strong> caractère viral de l’infection à VIH était niéepar certains dirigeants <strong>du</strong> pays, de sorte que lespatients pris en charge dans le cadre de structuresde soins publiques n’avaient aucun accèsà ces médicaments. Malgré les recommandationsinternationales - les antirétroviraux figurentnaturellement dans la liste des médicamentsessentiels établie par l’OMS(Organisation mondiale de la santé) - le gouvernementrefusait toujours de fournir desantirétroviraux aux hôpitaux publics. En 2000,le chef de l’Etat sud-africain Thabo Mbecki s’estmême laissé aller à déclarer devant leParlement que ces médicaments étaient"toxiques" !La mobilisation de la société civile a réussi àfaire évoluer la position des autorités, notammentgrâce à des actions en justice. Ainsi, desjugements de la Cour Constitutionnelle ren<strong>du</strong>sen mars et juillet 2002 contraignent le gouvernementà fournir les traitements pour la préventionde la transmission materno-foetale dansle service public.En dépit de cette avancée et de quelques déclarationsofficielles récentes en faveur des antirétroviraux,la volonté réelle <strong>du</strong> gouvernementsud-africain d'accélérer l'accès aux médicamentsreste encore à prouver ; il oppose unecertaine résistance au changement et sesconcessions semblent surtout <strong>du</strong>es à la trèsforte pression interne et internationale qu'ilsubit"Dr Marie Limberger,coordinatrice Afrique <strong>du</strong> SudC’est l’accord sur les Aspects des Droits de Propriété Intellectuelle qui touchent auCommerce (ADPIC/ TRIPs en anglais), accord-cadre auquel adhèrent obligatoirement lesEtats membres de l’OMC, qui institue le brevetage non seulement des processus de pro<strong>du</strong>ction,mais aussi des pro<strong>du</strong>its eux-mêmes. Bien qu’il soit nécessaire de protéger la propriétéintellectuelle, les normes de l’accord ADPIC s’inspirent de celles des pays in<strong>du</strong>strialiséset ne sont pas toujours adaptées à la situation des pays en développement. Les impératifsde santé publique devraient donc être pris en considération lors de la mise en œuvrede l’accord.6


L’accès aux médicaments au Cambodge"Toutes les ONG internationales travaillantau Cambodge dans le domaine médicalpeuvent importer, sans taxes, tous les médicamentsnécessaires au fonctionnement deleurs programmes et cela même si lesmédicaments ne sont pas enregistrés. Unepetite restriction existe concernant les morphiniquesmais cela reste possible avecquelques procé<strong>du</strong>res supplémentaires. Parexemple il est très facile de commander lesantirétroviraux génériques en provenanced’Inde avec des prix très compétitifs.Nous n'avons aucune restriction pour l'importationde médicaments génériques saufsi le pays pro<strong>du</strong>cteur ne peut lui-même lesexporter officiellement. La raison de cettefacilité d’accès aux médicaments ? LeCambodge n’est pas encore membre del’OMC et n’est donc pas contraint par l’accordsur les ADPIC.La situation devrait changer prochainementcar le Cambodge pourrait bien accéder àl’OMC avant la conférence ministérielle deCancùn, en septembre 2003. Si leCambodge venait à intégrer l'OMC sansprendre de précautions concernant le droitd’importer des pro<strong>du</strong>its pharmaceutiques,les conséquences seraient catastrophiques.Il serait alors impossible d'importer desgénériques. Le prix prohibitif des médicamentsnon-génériques limiterait alorstoutes les actions médicales d'une certaineenvergure. Espérons que le Ministère <strong>du</strong>commerce et le Ministère de la santé seconcerteront avant de prendre une telledécision."Dr. Pierre-Régis Martin,coordinateur CambodgeEclairage : le sidaAujourd’hui plus de 42 millions de personnes sont porteuses <strong>du</strong> virus, dont90% dans les pays en développement et 75 % en Afrique sub-saharienne.Plus de 24 millions, dont 3 millions d’enfants, sont déjà morts depuis le débutdes années 1980.Plus de 13 millions d’enfants sont orphelins à cause <strong>du</strong> sida et ce chiffre pourraitatteindre 30 millions d'ici 2010.1,4 million d’enfants vivent avec le sida aujourd’hui. Plus de 90% de ces enfantssont nés de mères séropositives.Actuellement, près de 14 millions de femmes enâge de procréer sont séropositives.Source : OnusidaLe sida est la plus grande épidémie de tous les temps. La première cause de mortalitéen Afrique et bientôt dans le monde. La majorité de ceux qui sont atteintssont stigmatisés et n'ont accès ni à l'information, ni à la prévention, ni aux soins,ni aux médicaments. Malgré les conférences, les résolutions, les recommandationset les intentions affichées, la situation reste dramatiquement inchangée pourl'essentiel des 42 millions de personnes atteintes.7


Médicamentsau Nord,maladesau SudDes traitements spécifiquesexistent. Mais les brevetsdéposés par les firmes pharmaceutiquessur ces médicamentsrendent ces traitementsinaccessibles à lagrande majorité des populationsdes pays <strong>du</strong> Sud.Devant cette injustice, unemobilisation internationale s’est élevée pour imposerdes exceptions au droit des brevets. Lors de la conférenceministérielle de l’OMC à Doha (Qatar) ennovembre 2001, des amendements ont ainsi prévu lapossibilité pour les pays déclarant une situation d'urgencesanitaire de pro<strong>du</strong>ire des copies de médicament sousbrevet (les génériques) ; ils ont malheureusement laisséen suspens le cas des pays qui n’ont pas de capacité depro<strong>du</strong>ction. Le Conseil général de l’OMC qui s’est réunien décembre 2002 avait pour tâche de trouver une solutionpour les pays qui n’ont pas d’in<strong>du</strong>strie pharmaceutiquelocale, notamment en leur permettant d’acheterces médicaments auprès des pays qui peuvent en pro<strong>du</strong>ire.Les négociations n’ont pas abouti et ont étéreportées.Médecins <strong>du</strong> <strong>Monde</strong> condamne les blocages quifreinent la mise à disposition urgente de médicamentspour les malades <strong>du</strong> sida.A l'occasion de la dernière Journée mondiale de luttecontre le sida (1er décembre 2002), l'association ademandé qu'une cellule de crise spécifique soit crééeauprès <strong>du</strong> Secrétariat général des Nations Unies et quelui soient alloués sans délai, tous les moyens pourrépondre enfin au défi sans précédent que constituecette pandémie.L’accès aux médicaments en Tanzanie"La situation au niveau de l’accès aux médicaments est plutôtenviable en Tanzanie, comparée à celle de nombreux pays pauvres.Tous les antirétroviraux et même les génériques sont disponiblessur le marché privé ; le problème est qu’il n’en va pas de même surle marché public. Le défi majeur qu’affronte la Tanzanie est lemanque de volonté politique par le gouvernement pour élaborer etmettre en œuvre des solutions efficaces à la crise sanitaire.Pour le moment, le système de santé tanzanien est très centralisé.Toutes les décisions viennent <strong>du</strong> ministère de la santé à Dar esSalaam, dont le fonctionnement est souvent inefficace et opaque.Les gouvernements régionaux n’ont aucun pouvoir quand il s’agitde prendre des décisions fondamentales en matière de santé. Lespréjugés ont la vie <strong>du</strong>re, notamment l’idée qu’il est inutile et tropcoûteux de soigner les malades ; les autorités ne croient qu’auxprogrammes de prévention et refusent d’admettre qu’une politiquede santé, pour être efficace, doitcomporter aussi une véritable offre desoins.A l’échelle régionale, Médecins <strong>du</strong><strong>Monde</strong> agit actuellement dans la lutte contre la transmissionmaterno-infantile avec un programme basé à proximité de l’hôpitalrégional de Kagera. L’association est présente dans la région deBukoba depuis 1992, militant pour l’accès aux traitements de luttecontre le VIH-sida.Médecins <strong>du</strong> <strong>Monde</strong> est engagé dans un soutien actif <strong>du</strong> gouvernementtanzanien pour améliorer la capacité <strong>du</strong> système nationalde santé et initier des solutions concrètes face à la crise actuelle<strong>du</strong> sida.”Dr Anton Petter, coordinateur TanzanieL’accord de propriété intellectuelle1er janvier1996 : Entrée en vigueur de l’accord sur les Aspects des Droits de Propriété Intellectuelle qui touchent auCommerce (ADPIC) ou TRIPs en anglais, obligatoire pour tous les Etats membres de l’OMC.5 mars 2001 : début des audiences <strong>du</strong> procès intenté par 39 firmes pharmaceutiques de l’Union Européenne, des Etats-Uniset d’Afrique <strong>du</strong> Sud contre le gouvernement sud-africain. Ce dernier était accusé de violer les droits de propriété intellectuelleen permettantla fabrication et l’importation de médicaments génériques.19 avril 2001 : sous la pression de l’opinion publique internationale, les compagnies pharmaceutiques retirent leur plaintecontre le gouvernement d’Afrique <strong>du</strong> Sud.14 novembre 2001 : dans le paragraphe 6 de sa déclaration "ADPIC et santé publique", l’OMC réunie à Doha, Qatar, affirmeque les Etats pourront en cas d’urgence sanitaire pro<strong>du</strong>ire des médicaments génériques ; elle stipule que le Conseil desADPIC doit trouver avant fin 2002 une solution pour les pays qui n’ont pas de capacité propre de pro<strong>du</strong>ction.décembre 2002 : le Conseil Général de l’OMC suspend ses négociations devant l’impossibilité d’arriver à une solution decompromis. De nouvelles négociations sont programmées et malgré l’urgence sanitaire, le sort des pays qui ne peuvent paspro<strong>du</strong>ire les médicaments dont ils ont besoin n’est pas réglé.8


II - L’accès aux soinsLes conséquences sociales despolitiques macro-économiquesDepuis quelques années, une réflexion émerge surla prise en compte des droits de l'hommepar les acteurs de la <strong>mondialisation</strong> que sontles institutions financières internationales(IFI), notamment la Banque mondiale et le FMI.Cette évolution est très récente ; au milieu desannées 1990, les IFI ont commencé à reconnaîtreque la pauvreté, l’inégalité et la souffrance avaientaugmenté dans les pays soumis à des ajustementsstructurels, mais elles continuaient à voir ces problèmescomme transitoires, essentiellement limitésau secteur social et causés par d’autres facteursque les politiques d’ajustement elles-mêmes.Depuis 1999, la Banque mondiale et le FMI acceptentde remettre en cause le bien-fondé de leurspolitiques et les Nations Unies ont organisé pourla première fois, le 7 mai 2001, une consultationinternationale sur la question des droits économiques,sociaux et culturels et de leur place dansles politiques préconisées par le FMI, la Banquemondiale et l’OMC.Les Plans d'Ajustement Structurel (PAS)Les premiers PAS ont été mis en place en 1979 parle FMI, comme condition aux prêts concédés parl'institution aux pays connaissant des difficultés debalance des paiements. Ces programmes ont prisde l'ampleur avec la crise de la dette et le recoursplus fréquent des pays <strong>du</strong> Sud au FMI. Les PASvisent à rétablir les grands déséquilibresmacro-économiques ce qui se tra<strong>du</strong>it par unediminution des dépenses et une augmentation desrecettes de l'État. Les mesures prises privilégientles critères économiques et financiersau détriment des critères sociaux et environnementaux.En imposant aux pays <strong>du</strong> Sud uneré<strong>du</strong>ction des dépenses, le FMI a pour objectif dedégager de l'argent destiné au remboursement dela dette.L'effet réel sur la population est négatif : ce sont lesdépenses de santé, d'é<strong>du</strong>cation et de sécuritésociale qui diminuent. Au Viêt-nam, le PAS imposéen 1989 a contraint Hanoi à effectuer des coupessévères dans ses dépenses de santé et à stopperl’épandage de pro<strong>du</strong>its anti-moustiques dans leszones d’habitation, favorisant ainsi les flambées depaludisme.La santé <strong>du</strong> système de santé argentinEn Argentine, la brutale dévaluation de décembre2001 et l’effondrement qui a suivi, ont révélé l’étatcatastrophique <strong>du</strong> système de santé argentin -conséquence des politiques économiques décidéespar le FMI et menées par les gouvernements successifsdepuis une vingtaine d’années -."La santé est affectée par le processus de <strong>mondialisation</strong>de diverses manières. Peut-être que la plus importanteest l’impossibilité pour les citoyens d’accéder aux9services de base, c’est à dire, l’incapacité (sur le planquantitatif et/ou qualitatif) des institutions publiques àdonner une réponse aux problèmes sociaux, spécialementdans le domaine de la santé. Au cours des dernièresdécennies <strong>du</strong> 20ème siècle, une série de politiqueséconomiques de courant néo-libéral furent misesen œuvre depuis les pays centraux, ce qui se tra<strong>du</strong>isitpar la déréglementation de l’économie, ré<strong>du</strong>isant ainsiconsidérablement le rôle de l’Etat.


Dans une enquête menée par Médecins <strong>du</strong><strong>Monde</strong>Argentine, il est apparu que la première conséquencede la crise économique et financière fut la venuemassive de la classe moyenne à l’hôpital public, car elleétait désormais incapable de recourir au service privé, pluscher. En conséquence, les "clients" traditionnels de l’hôpitalpublic, c’est-à-dire les franges les plus pauvres de lapopulation, de même que les nouveaux pauvres, sont exclusd’un hôpital devenu de plus en plus hostile et inaccessibleavec l’arrivée de cette "concurrence" déloyale. Face à l’importancede la demande, l’augmentation des coûts <strong>du</strong>matériel majoritairement importé, et la ré<strong>du</strong>ction <strong>du</strong> budgetpour la santé ont ren<strong>du</strong> la situation particulièrementcritique.Ainsi, dans 90% des hôpitaux étudiés, nous avons observéune ré<strong>du</strong>ction drastique de la disponibilité de matérielsessentiels, à usage unique (seringues, aiguilles, gants).75% des centres de santé ont admis qu’ils re-stérilisaientce matériel à usage unique…Deux tiers des hôpitaux étudiés ont <strong>du</strong> fermer une partiede leurs services, et l’absence de crédits pour réparer certainséquipements médicaux détériorés a simplemententraîné leur abandon.Les opérations chirurgicales sont retardées ou annulées etles actes médicaux plus complexes ne sont plus assurés.Parmi les centres qui procèdent à des vaccinations, plus de70% d’entre eux confirment que le stock de vaccins estinsuffisant. Il y a une pénurie de médicaments et unefranche inexistence de pro<strong>du</strong>its de première nécessitécomme les traitements pour les personnes atteintes <strong>du</strong>VIH-Sida, ou les traitements antituberculeux.Bien que le système national de Sécurité Sociale couvre 11millions de personnes, la majorité des services sociaux setrouvent suspen<strong>du</strong>s. Le niveau de dégradation <strong>du</strong> systèmede santé apparaît au grand jour dans les hôpitaux de toutle pays, même dans les plus prestigieux de Buenos Aires."Dr. Silvia Quadrelli,présidente de Médecins <strong>du</strong> <strong>Monde</strong> ArgentineLe cas de l’Argentine est exemplaire. Dans quasiment tous les pays soumis à l’ajustement structurel, on observele même démantèlement progressif des services sociaux, de santé notamment : l’équipement médical manque,les conditions de travail sont dramatiques, le personnel est peu ou pas payé, la qualité des soins curatifs et préventifss’effondre.Les plus pauvres, pénalisés dans l'accès aux soinsComme les subventions disparaissent, le fonctionnement des services de santé est en partie compensé par l’exigencede frais de consultation : c’est le recouvrement des coûts. Ce système implique la privatisation partielledes services sociaux et surtout l’exclusion des pans les plus pauvres de la population, incapable de payer, surtoutdans les régions rurales.Au Kenya, l’intro<strong>du</strong>ction de frais pour les patients d’une clinique dédiée au traitement des maladies sexuellementtransmissibles (MST) a entraîné une baisse de fréquentation de 40% chez les hommes et 65% chez lesfemmes, sur une période de 9 mois. L’échec <strong>du</strong> traitement des MST peut augmenter de façon significative lesrisques de transmission <strong>du</strong> VIH-Sida.La fréquentation dans une clinique au nord-est <strong>du</strong> Zimbabwe a chuté de 1200 visites par mois en mars 1991à 450 en décembre de la même année, suite à l’instauration de frais.Au Mozambique, avec l'ajustement structurel, la gratuité des soins a pris fin : une consultation à l'hôpital centralde Maputo coûte désormais l'équivalent de 13% <strong>du</strong> salaire minimum. La moitié de la population n'a pasaccès aux services médicaux minimaux.Sources : Unicef, Structural Adjustment Program Information Alert Series-Globalization Challenge Initiative10


L’accès aux soins entravépar l’ajustement structurel au MaliMédecins <strong>du</strong> <strong>Monde</strong> est au Mali depuis 1985. En 1989, le FMI impose un ajustement structurel au pays quisubit un plan d’austérité sur fond de libéralisation économique. Le système de santé est particulièrementaffecté par les réformes imposées."Le Mali souffre d’un cruel manque de personnel médical. Lesressources humaines sont insuffisantes quantitativement etqualitativement à tous les niveaux et sont mal réparties géographiquement.Les utilisateurs des structures sanitaires debase sont peu nombreux, la moyenne nationale est à 0.17contact par an et par habitant. Cela témoigne <strong>du</strong> peu deconfiance que les populations ont dans le système en placecar la corruption est importante et la qualité des soinsmédiocre. Ceux qui en ont les moyens se tournent donc versles structures privées, de meilleure qualité, qui pratiquentdes tarifs élevés. Ce système exclut de fait les gens les pluspauvres de l’accès aux soins, c’est-à-dire la majorité de lapopulation : 40% de la population urbaine et 78,3% de lapopulation rurale vivent au dessous <strong>du</strong> seuil de pauvreté.Un effet pervers des politiques d’ajustement structurels estqu’ils imposent de ré<strong>du</strong>ire les ressources humaines et lamasse salariale. Dans un pays comme le Mali où il y a unmédecin pour 16 000 habitants, recruter davantage de soignantsserait-il un luxe ?La ré<strong>du</strong>ction de la dette accordée aux Pays Pauvres TrèsEndettés (PPTE) devrait permettre au Mali de renforcer lescapacités en ressources humaines et leurs prise en chargesalariale, cependant cette offre subit la concurrence de l’extension<strong>du</strong> secteur sanitaire privé.Dans ce contexte, une politique d’ajustement structurel quidemande à geler les salaires alors que le coût de la vie augmenteinexorablement ne peut qu’enclencher un cerclevicieux dont les victimes sont les usagers des services desanté puisque, autant le problème que la solution envisagée,se posent à leur détriment."Dr Jean Martin Zino, coordinateur Mali11


Eclairage :la "privatisation" de la santéDans le contexte actuel de <strong>mondialisation</strong> des économies, un constat s’impose : aujourd’huil’accès aux soins est de plus en plus restreint par la "privatisation" croissante dela santé, c’est-à-dire son retrait progressif <strong>du</strong> domaine de compétence de l’Etat, qui ade moins en moins de pouvoir de régulation sur ce secteur. Il y a peu de recherchepublique dans le domaine de la thérapeutique et l’in<strong>du</strong>strie pharmaceutique privéecible essentiellement les médicaments estimés rentables.Au-delà de cette privatisation <strong>du</strong> savoir médical, le risque d’une privatisationdes structures de santé elles-mêmes grandit. Dans les pays <strong>du</strong> Sud soumis à l’ajustementstructurel, le FMI et la Banque mondiale imposent aux gouvernements la cessiondes services publics à des firmes privées : quasiment toute la distribution de l’eauen Afrique est ainsi aux mains de multinationales occidentales ; après l’eau, les transports,les télécommunications, ce sont les systèmes de santé qui se trouvent menacéspar les privatisations. Ce processus risque en effet de s’accélérer avec les négociationssur l’AGCS (Accord Général sur le Commerce des Services, GATS en anglais) quireprennent en 2003.L’AGCS fait partie des accords instituant l’OMC conclus en 1994. Cet accord-cadrevise à livrer quasiment l’ensemble <strong>du</strong> secteur des services publics au marché mondial,en l’ouvrant à la concurrence internationale des firmes multinationales. En abandonnantla santé aux intérêts <strong>du</strong> privé, l’application de l’AGCS aboutirait à un démantèlement<strong>du</strong> service public ; les déséquilibres actuels, dans le champ de la santé, ne feraientque s’accentuer dramatiquement.Médecins <strong>du</strong> <strong>Monde</strong>-France a déjà beaucoup travaillé sur la question de l’accès auxsoins. La France dispose d’un service public de santé fondé sur l’égalité d’accès et lasolidarité, qui assure, théoriquement, à tout résidant, la prise en charge d’une partieimportante de ses dépenses de santé. Pourtant, nous avons constaté dans notre pratiquequotidienne depuis 1986, auprès des populations démunies, que l’inégalité d’accèsaux soins frappe encore les populations les plus vulnérables.2.4 milliards d’êtres humains n’ont aucun accès à une infrastructure sanitaireélémentaire.12


III - Les activités dessociétés transnationalesLa permanence <strong>du</strong>"double standard"Les sociétés transnationales (STN) sont avec lesEtats et les institutions financières internationales,les principaux acteurs de la <strong>mondialisation</strong>. En effet,depuis quelques années, leur rôle économique maisaussi politique ne cesse de croître. Sur les 100 plusgrandes économies <strong>du</strong> monde, seules 45 sont desEtats, les autres sont des STN. Les quinze plus puissantesd’entre elles ont des revenus bruts plusélevés que le pro<strong>du</strong>it national brut de 120 pays. Ellesont un poids démesuré à l’OMC où elles sont largementreprésentées, et disposent de réseaux formelset informels d’influence, capturant à leur profitles négociations interétatiques. Ce pouvoir s’accompagnede nombreuses violations des droits fondamentaux,notamment <strong>du</strong> droit <strong>du</strong> travail, <strong>du</strong> droitde l’environnement et <strong>du</strong> droit à la santé, en touteimpunité, car aucun régime juridique spécifiquen’existe encore à ce jour. Néanmoins une évolutions’amorce dans les esprits des gouvernants et de lasociété civile : des programmes d’études sur l’impactdes STN sur le développement social despopulations ont été entrepris et une réflexion sur lanécessaire réglementation de leurs activités estnée.Dégradation de l’environnement etconditions de travail indignesUne brève évaluation des atteintes aux droits fondamentauxcommises par les firmes multinationalesnous montre qu’elles ont lieu principalementdans les pays <strong>du</strong> Sud ; en effet, ceux-ci cumulent denombreux avantages pour ces STN : le manque deréglementations sévères, la main d’œuvre bon marché,la faiblesse des organisations locales de défensedes droits de l’homme, la connivence intéresséedes dirigeants politiques locaux. Toutes les conditionssont réunies pour permettre aux STN d’agirselon le principe <strong>du</strong> "double standard" : faire au Sudce qui est impossible, parce qu’interdit, au Nord.Accidents ou irresponsabilité ?On observe une relative prise de conscience, surtoutdepuis certaines catastrophes pour lesquellesla responsabilité des dirigeants de firmes n’a puêtre contestée, comme dans le cas de l’explosionde l’usine Union Carbide à Bhopal. Un tribunal californiena ren<strong>du</strong> justice à des ouvriers costaricienstravaillant dans des bananeraies appartenant à desfirmes américaines ; ils étaient frappés de stérilité àla suite de l’emploi <strong>du</strong> pesticide DBCP (dibromochloropropane)qui fut interdit aux Etats-Unis en1979 mais utilisé dans les pays d’Amérique latinejusqu’au milieu des années 1980.13


Quand la pollution <strong>du</strong> monde menace lespeuples <strong>du</strong> Nord : le problème des polluantsorganiques persistants (POPs)"C’est terrifiant de penser qu’une mère d’Amérique <strong>du</strong>Sud ou d’Afrique doit utiliser des pro<strong>du</strong>its chimiquesdangereux pour protéger son enfant <strong>du</strong> paludisme, etque notre santé et notre mode de vie, à nous Inuits,sont menacés par cela", affirmait Sheila Watt-Cloutier,présidente de l’Inuit Circumpolar Conference (Canada),organisation qui réunit les Inuits <strong>du</strong> monde entier(Canada, Alaska, Tchoukotka, Groenland), à la 12èmeconférence internationale des Etudes Inuits à Aberdeen(août 2000).C’est que les Inuits et l’ensemble des peuples <strong>du</strong> Nordsont particulièrement menacés par le problème despolluants organiques persistants (POPs). En effet, cessubstances chimiques dangereuses émigrent sousforme de molécules invisibles vers les pôles par voiemaritime et aérienne et se concentrent dans l’Arctique.Les POPs s’accumulent dans les organismes vivants etdans les tissus des espèces animales à tous les stadesde la chaîne alimentaire et menacent particulièrementles peuples <strong>du</strong> Nord vivant en grande majorité de chasseet de pêche : l’exposition, même à des doses trèsfaibles, peut provoquer des cancers, des dégâts auniveau des systèmes nerveux central et périphérique,une atteinte <strong>du</strong> système immunitaire, des désordres auniveau de la procréation et des interférences dans ledéveloppement <strong>du</strong> nourrisson et de l’enfant. (Source :“Bulletin des Négociations de la Terre” IIDD, N°21,1999)Le combat des Inuits contre les POPs s’appuie sur lelien existant entre environnement et droits de l’homme.Klaus Toepfer, directeur <strong>du</strong> PNUE (Programme desNations Unies pour l’Environnement) le soulignait enaffirmant : "Il est temps de reconnaître que ceux quipolluent ou détruisent l’environnement naturel ne commettentpas seulement un crime contre la nature, maisviolent les droits de l’homme également". La Conventionde Stockholm <strong>du</strong> 23 mai 2001 qui veut éliminer à l’échellemondiale la pro<strong>du</strong>ction et l’utilisation d’un minimumde 12 pro<strong>du</strong>its définis, appelés "les douze salopards",marque une grande avancée ; elle n’a cependantpas été signée par suffisamment de pays pourêtre ratifiée.L’essentiel des données scientifiques réunies aujourd'huiconcernent uniquement l’Amérique <strong>du</strong> Nord et en partiele Groenland. Aucune étude n’a été effectuée <strong>du</strong>côté sibérien, mais il serait illusoire de penser que leproblème est circonscrit à une partie <strong>du</strong> pôle. EnSibérie, l’intoxication aux polluants organiques persistantsvient s’ajouter à un grand nombre d’autres difficultés,en particulier économiques. La vie des autochtones<strong>du</strong> nord sibérien est de manière encore plusextrême liée aux ressources procurées par la nature.Depuis presque dix ans, Médecins <strong>du</strong> <strong>Monde</strong> soutientles peuples <strong>du</strong> nord sibérien. De 1994 à 2001, un programmedans le Iamal auprès des Nénètses, éleveursde rennes nomades, a permis la formation d’agents desanté primaire. De 1994 à 1996, l’association a participéà l’ouverture d’une école d’infirmières à Anadyr,capitale de la Tchoukotka, destinée à former essentiellementdes autochtones. Depuis 1999, Médecins <strong>du</strong><strong>Monde</strong> soutient une association locale et autochtonequi a pour objectif le soin et la prévention de l’alcoolisme,un autre grave problème qui touche les peuples <strong>du</strong>Nord.Virginie Vaté, responsable de missionTchoukotka14


Les zones franches, zones de non-droitIlots quasi sans fiscalité pro<strong>du</strong>isant pour l’exportation,qui prolifèrent dans le Tiers <strong>Monde</strong> et dont lamain d’œuvre est à 80% féminine et sous-payée, leszones franches ("maquiladoras", "free zones", "taxfree factories" selon les pays) sont nées sous l’impulsiondes organismes internationaux (Banquemondiale, FMI) pour faciliter les investissementsprivés étrangers. Selon les statistiques de l’OIT, àpeu près 27 millions de personnes (dont 18 enChine), travaillent dans quelques 850 zonesfranches dans le monde (124 en Chine). Leursconditions de travail sont difficiles, parfoisillégales et souvent dangereuses pour lasanté.En Chine par exemple, dans de nombreuses usines,de jouets, de textile, la journée normale est de 8heures, mais le quota des pièces à réaliser est telque les employés sont contraints de travailler entre10 et 16 heures par jour, 6 à 7 jours par semaine(enquête <strong>du</strong> Hongkong Christian In<strong>du</strong>strialComitee : "De quelle façon Hasbro, Mc Donald’s,Mattel et Disney fabriquent-ils leurs jouets ?",2001) ). Dans bien des cas, la santé et la sécuritédes travailleurs est en danger ; beaucoup seplaignent des odeurs fortes et nocives dans les ateliersde peinture, les problèmes respiratoires sontfréquents.En attendant que des comités d’experts mettent enplace les règles d’un encadrement juridique deces firmes, un effort est fait pour les responsabiliser.Car il s’agit bien d’un problème de responsabilité: tous les prétextes sont bons pour y échapper,et les FMN s’abritent souvent derrière le systèmede la sous-traitance pour se dégager de toute responsabilitéquand des droits fondamentaux sontviolés. Quelques actions intentées dans les paysin<strong>du</strong>strialisés où se trouvent les sièges de firmesmultinationales permettent de progressivementfaire reconnaître la responsabilité légale de cesfirmes.Aujourd’hui il n’existe pas de cadre juridique international spécifique et obligatoire pour les STN, alorsmême qu’elles sont des acteurs internationaux. La réflexion s’oriente donc vers la mise en place d’un ouplusieurs codes de con<strong>du</strong>ite ayant force obligatoire, et qui pourraient prendre la forme de conventionsinternationales.En 2002, le peuple birman a pu intenter une action aux Etats-Unis contre la compagnie pétrolière UNOCAL, accusée degraves violations de droits de l’homme perpétrées par les forcesde sécurités birmanes, pour déblayer le terrain et recourir autravail forcé afin de construire un gazo<strong>du</strong>c.Les familles de militants nigérians assassinés ont porté devantles tribunaux new-yorkais l’affaire de la compagnie pétrolièreShell, accusée d’avoir utilisé les forces de sécurité nationalesnigérianes pour réprimer les protestations des populationslocales contre ses activités dans le delta <strong>du</strong> fleuve Niger.Source : Oilwatch, GRESEA15


Les Indiens Yanomamis, victimes<strong>du</strong> "développement à tout prix"Quand le "miracle" brésilien cesse au milieu des années 1970, le gouvernement de Brasilia mise sur ledéveloppement de l’Amazonie pour sortir de la crise."Les investisseurs privés étrangers sont accueillis à brasouverts. Le pouvoir multiplie les incitations fiscales àleur intention, comme les facilités financières. La forêten prend un coup. Des domaines immenses sontconcédés à des firmes étrangères. Les coupes systématiques,la déforestation à grande vitesse s’imposentpour développer l’élevage bovin ;Volkswagen, Ford, ITT,Goodyear se lancent dans l’aventure. Puis changementde cap, les années 1980 sont dédiées au développementpar le minerai. La Banque Mondiale fait sonentrée avec le projet Gran Carajas : exploiter les 18 millionsde tonnes de minerai de fer de cette région etdévelopper un programme de charbon végétal. Ce planprévoit de créer 900 kms de voie ferrée, des barrages,24 usines sidérurgiques, des usines agro-alimentaires…Pour alimenter ce complexe destiné à pro<strong>du</strong>ire 2.5 millionsde tonnes d’acier par an, 1000 à 3500 km_ <strong>def</strong>orêts sont promis à l’abattage. Les Indiens payent leprix fort."Jacques Achouline, Jean Guerrini,responsables de mission BrésilLe Brésil compte alors 180 peuples indigènes qui représentent entre 215 000 et 220 000 personnes.Concentrés à 65% en Amazonie, les Indiens ont fait les frais des grands projets de développement. Entre1987 et 1989 la santé des Yanomamis s’est beaucoup dégradée : cas de paludisme multipliés par 5, infectionsrespiratoires aiguës multipliées par 3, infections intestinales multipliées par 2. La fuite <strong>du</strong> gibier <strong>du</strong>eau bruit assourdissant des travaux de terrassement est à l’origine, avec la pollution des cours d’eau parle mercure, des premiers cas de dénutrition chez cette population."Entre 1985 et 1987 toutes les ONG furent expulsées<strong>du</strong> territoire. Les offres de collaboration de Médecins<strong>du</strong> <strong>Monde</strong> furent rejetées par le gouvernement et lesautorités brésiliennes déclarèrent qu’aucun médecinétranger ne serait plus autorisé à rester sur le territoireyanomami. Elles affirmèrent que les médecins brésilienscontinueraient le travail entamé mais cela n’arrivajamais et, en 1987, le territoire fut complètementfermé, l’assistance sanitaire disponible devint rare etprécaire.L’invasion des "garimperos" (chercheurs d’or) fut massive: 400 vols quotidiens partaient de Boa Vista pour laforêt, où plus de 100 pistes d’atterrissage furentconstruites. Durant cette période, environ 40 000 chercheursd’or s’installèrent dans la forêt, ce qui fut pourle peuple yanomami la phase la plus sombre de cesdernières années. En effet, avec les chercheurs d’orarrivèrent la misère, les épidémies, la destruction del’environnement, la disparition de toute une culture, <strong>du</strong>lien social et beaucoup de souffrance."Dr Daisy Guerra Grindlay,coordinatrice BrésilDe retour auprès des Yanomamis depuis 1990, Médecins <strong>du</strong> <strong>Monde</strong> développe des programmes de préventionde la tuberculose et des maladies respiratoires, <strong>du</strong> paludisme, mène des actions de vaccination etforme des agents de santé yanomamis. L’association a contribué à l’obtention en 1994, après le sommetde Rio, de la délimitation <strong>du</strong> territoire indien yanomami.16


De la même façon, l’exploitation des ressources <strong>du</strong>sous-sol s’accompagne presque toujours de gravesviolations des droits humains fondamentaux etd’une dégradation de l’environnement. Les fuites depétrole, le brûlage de gaz à la torche et la mauvaisegestion des rési<strong>du</strong>s provoquent des émanationsnocives dangereuses et parfois mortellementtoxiques pour l’être humain. Ces déchets toxiquespolluent les nappes phréatiques, les sols agricoles,les cheptels et les ressources marines, c’est-à-diredes ressources vivrières vitales pour les populations.Au Nigéria, par exemple, plusieurs firmes multinationalessont présentes, notamment Shell, Elf, Agip,Chevron, Mobil et Texaco. Elles contrôlent 98% desréserves pétrolières et des réseaux de pro<strong>du</strong>ction<strong>du</strong> pays. Le delta <strong>du</strong> Niger représente avec plus de2 milliards de barils par jour le gros de la pro<strong>du</strong>ctionnationale, mais aucune des communautés de larégion n’a accès aux services les plus élémentaires(soins médicaux, eau, électricité, gaz). Aucours des dernières années, de nombreuses explosionsd’oléo<strong>du</strong>cs, <strong>du</strong>es aux tentatives de ponctionillicite, ont fait plus de 2000 victimes. Face aux protestationsémises par les populations qui réclamentla remise en état de leur environnement et descompensations pour les dommages subis, lesautorités nigérianes et les milices privées des STNréagissent par une répression violente et leharcèlement des communautés locales.Eclairage : la responsabilité sociale et environnementaledes entreprises (RSE)La RSE fait référence à des principes et des programmes que les entreprises adoptent volontairementpour répondre à des demandes sociales, environnementales et politiques de la part des consommateurs,des employés ou de la société civile.Sous la pression des associations de défense des droits de l’homme qui ont cherché à convaincre lesSTN de la nécessité de revoir leur image, certaines firmes ont souscrit à des "codes de bonnecon<strong>du</strong>ite" ou des "labels environnementaux". Sans aucune force coercitive particulière, cesensembles de principes sociaux ou environnementaux peuvent être appliqués aux sites de pro<strong>du</strong>ctionde l’entreprise, mais aussi à ses fournisseurs ou à ses clients. Levi Strauss exige ainsi que ses fournisseurs,toutes nationalités confon<strong>du</strong>es, respectent un cahier des charges précis en matière de conditions<strong>du</strong> travail ; de même, BP Amoco s’est engagé à ré<strong>du</strong>ire ses émissions de carbone sur chacun deses sites.Malheureusement l’expérience a montré que l’efficacité de ces mesures était limitée, voireéphémère ; les sociétés ne les adoptent la plupart <strong>du</strong> temps que pour des raisons de marketing (le"greenwash" ou comment laver son image), ces codes de con<strong>du</strong>ite correspondent souvent à des versionsé<strong>du</strong>lcorées des textes internationaux, et le contrôle de leur mise en œuvre est loin d’être garanti.17


ConclusionFaire reconnaîtrele droit à la santéLe droit à la santé c’est " le droit qu’a toute personne de jouir <strong>du</strong> meilleur état de santé physiqueet mentale qu’elle soit capable d’atteindre ", art. 12, Pacte International relatif aux DroitsEconomiques, Sociaux et Culturels.les Droits Economiques, Sociaux et Culturels(DESC)La Déclaration universelle des droits del'homme de 1948 est un texte dont la valeurmorale est évidente, mais qui n’est pas contraignant; elle n'implique pas, de la part des Etats signataires,d'engagement juridique précis, sauf pour lesEtats qui y font référence dans leur Constitution.La Déclaration a inspiré plus de soixante textesinternationaux qui, ensemble, constituent lesnormes internationales en matière de droits del'homme ; elle est l’élément central de la futureCharte des droits de l'homme, qui a, elle, forced'obligation. Le jour même de l'adoption de laDéclaration, le 10 décembre 1948, l'Assembléegénérale des Nations unies demandait à laCommission des droits de l'homme de préparerun projet de pacte relatif aux droits del'homme, étant enten<strong>du</strong> que "la jouissance deslibertés civiles et politiques et celle des droits économiques,sociaux et culturels [sont] liées entreelles et se conditionnent mutuellement" (1950).En 1951-52, l'Assemblée demandait à laCommission de rédiger deux pactes, aux dispositionssimilaires, l'un portant sur les droits civilset politiques, l'autre sur les droits économiques,sociaux et culturels. Il faudra encoreune quinzaine d'années pour que ceux-ci soientadoptés, le 16 décembre 1966, par l'Assembléegénérale des Nations unies. Et ce n'est qu'en 1976,vingt-huit ans après l'adoption de la Déclaration,que la Charte internationale des droits del'homme devint réalité avec l'entrée envigueur des deux pactes.Le Pacte international relatif aux droitscivils et politiques garantit le droit à la vie, à laliberté, à la sécurité, au respect de la vie privée, etinterdit la torture et les traitements cruels, inhumainsou dégradants. En outre, il reconnaît leslibertés de pensée, de conscience et de religion, deréunion pacifique, d'association, y compris le droitde constituer des syndicats, et de circulation. Enfin,il proclame les droits culturels des minorités.Le Pacte international relatif aux droits économiques,sociaux et culturels contraint lesEtats qui le ratifient à favoriser le bien-être généralde leurs habitants (article 4) et énumère les droitssuivants : le droit au travail, le droit à des conditionsde travail équitables et favorables, les droits syndicauxet le droit de grève, le droit à la sécuritésociale et aux assurances sociales, le droit à uneprotection particulière de la famille, de la mère etde l’enfant, le droit à un niveau de vie digne " ycompris à une nourriture, à un vêtement et à unlogement suffisants ", le droit de jouir <strong>du</strong> maximumde santé physique et mentale, le droit àla formation et à l’é<strong>du</strong>cation, le droit de participerà la vie culturelle et aux avancées <strong>du</strong> progrès scientifique.Ace jour, 145 Etats ont adhéré à ce pacte.Après avoir défen<strong>du</strong> et promu les droits civils et politiques des populations que nous soignonset milité pour la création de la Cour Pénale Internationale, nous nous engageonsaujourd’hui pour la reconnaissance des droits économiques, sociaux et culturels et leur justiciabilité.18


Justiciabilité des DESCUn Protocole facultatif se rapportant auPacte international relatif aux droits civils etpolitiques prévoit un mécanisme internationalpour donner suite aux plaintes de particuliersqui seraient victimes d'une violation desdroits énoncés dans le Pacte relatif aux droits civilset politiques.En revanche, il n’existe pas encore de mécanismede recours pour les DESC mais aujourd’hui ledébat est ouvert sur leur justiciabilité, c’est-àdirela possibilité de les faire valoir devant une instancejudiciaire. Le Comité des droits économiques,sociaux et culturels a pour objectif àmoyen terme l’adoption d’un protocole facultatifcomme il en existe un pour les droits civils,qui permette aux indivi<strong>du</strong>s, aux groupes, de venirdéposer des plaintes devant le Comité lorsqu’ilsestiment qu’un droit de cette nature aété bafoué. Le Comité en a été officiellementchargé en 1993 par la conférence de Vienne et unprojet a été rédigé en 1996, transmis en 1997 à laCommission des droits de l’homme qui devaitl’examiner. Depuis, il ne s’est pas passé grand-choseet on peut craindre de nombreuses réticences dela part des Etats, et donc qu’il faille attendre longtempsavant de voir ce projet aboutir. Toutefois,l’idée de pouvoir punir les auteurs de violationsdes DESC commence à être appréhendée par lesinstances internationales de défense des droits del’homme.L’adoption <strong>du</strong> Protocole facultatif permettrait auComité d’approfondir à partir de cas concrets lecontenu de chacun des droits garantis par le Pacteet donc de vérifier leur applicabilité ou non. Ainsil’article 14 <strong>du</strong> Pacte oblige tout Etat partie às’engager à établir et adopter en deux ans auplus, un plan détaillant les dispositions nécessairespour réaliser progressivement et sur un nombreraisonnable d’années, l’application <strong>du</strong> principede l’enseignement primaire gratuit et obligatoire.C’est le seul cas pour lequel le Pactefixe une obligation concrète et il doit y enavoir d’autres. Notamment pour le droit à lasanté.Depuis plusieurs mois, Médecins <strong>du</strong> <strong>Monde</strong> développedes actions de terrain et de lobbying, quis’inscrivent dans cette problématique. Récemment,nous nous sommes mobilisés pour la création d’unposte de Rapporteur spécial sur le droit à la santé; ce mécanisme de protection <strong>du</strong> droit existait pourla plupart des DESC (é<strong>du</strong>cation, logement, alimentation)mais pas pour la santé jusqu’à la dernièresession de la Commission des droits de l’homme.Enfin, Médecins <strong>du</strong> <strong>Monde</strong> milite pour l’adoption <strong>du</strong>Protocole facultatif au Pacte de 1966 relatif auxDESC afin de permettre leur justiciabilité.19


Médecins <strong>du</strong> <strong>Monde</strong> et le droit à la santé11 millions d’enfants meurent chaque année avant l’âge de 5 ans, demaladies pour lesquelles il existe des traitements.A quoi sert le droit de vote à l’enfant malade qui n’atteindra jamaisl’âge de voter ?A quoi serviront les années passées à défendre et à promouvoir lesdroits civils et politiques des peuples, si ces peuples ne sont pas enmesure de les exercer ?A rien.C’est pourquoi les Nations Unies ont déclaré que "la santé est undroit fondamental de l’être humain, indispensable à l’exercicedes autres droits de l’être humain".De nombreux instruments affirment ce caractère fondamental<strong>du</strong> droit à la santé, notamment l’article 25 dela Déclaration Universelle des Droits de l’Homme etl’article 12 <strong>du</strong> Pacte International relatif aux droitséconomiques, sociaux et culturels.Pourtant, depuis 22 ans, les équipes de Médecins <strong>du</strong><strong>Monde</strong> observent partout dans le monde que le droità la santé, comme beaucoup d’autres droits fondamentaux,n’est pas respecté.En Colombie par exemple, Médecins <strong>du</strong> <strong>Monde</strong> travailledepuis plusieurs années auprès des Indiens Apaporis,très isolés des postes de santé (en moyenne à 200kmpar rivière <strong>du</strong> premier poste de santé). Le travail denos équipes auprès de ces communautés consisteessentiellement en la formation de promoteurs desanté et la construction de postes de santé.L’association effectue aussi un véritable travail de lobbyingpour permettre l’intégration des populationsamérindiennes au système de sécurité sociale colombienet assurer la pérennité <strong>du</strong> projet. En dépit <strong>du</strong> peud’intérêt des autorités sanitaires pour les populationsindiennes, de la situation politique trouble et des problèmesde corruption, des progrès ont été faits en cequi concerne la reconnaissance <strong>du</strong> droit des Indiens àbénéficier d’une affiliation au système de protectionsociale colombien.Nous sommes conscients de la difficulté qu’il y a à réunirtoutes les conditions nécessaires à la pleine réalisation<strong>du</strong> droit à la santé ; les guerres, la pauvreté, lescatastrophes naturelles, sont des obstacles majeurs.Mais ce ne sont pas les seuls. En France par exemple,où il n’y a ni guerre, ni pauvreté structurelle, le mêmeaccès aux soins n’est pas reconnu pour tous. Depuis1986, Médecins <strong>du</strong> <strong>Monde</strong> tente par ses nombreusesmissions en France d’offrir des soins aux plus vulnérables: personnes sans abri ou sans papier, gens <strong>du</strong>voyage, migrants, habitants de quartiers relégués, usagersde drogue, détenus… tous sont en situation degrande précarité. Le droit à la santé est donc aussi unequestion de volonté politique.Au-delà des insuffisances des politiques nationales con<strong>du</strong>itespour respecter, protéger et mettre en œuvre le droit à lasanté, le phénomène de <strong>mondialisation</strong> économique multiplieles situations où ce droit est bafoué. C’est ce qui acon<strong>du</strong>it Médecins <strong>du</strong> <strong>Monde</strong> à s’engager dans ce nouveaucombat pour une <strong>mondialisation</strong> garante des droits indivisibles,civils et politiques, comme économiques, sociaux etculturels.20


Conception : Julie AncianMaquette : Dominique Bloch-BerthiéRemerciements :Marion Cohen,Alain Forgeot, Jean Guerrini,Marie Limberger, Pierre-Régis Martin,Wilkinson Nestor,Anton Petter,Silvia Quadrelli, Virginie Vaté,Jean Martin Zino.Contact :Julie AncianMondialisation et SantéTél. : +33 (1) 44 92 14 88Fax : +33 (1) 44 92 00 18julie.ancian@medecins<strong>du</strong>monde.netMédecins <strong>du</strong> <strong>Monde</strong>62, rue MarcadetF-75018 ParisTél. : +33 (0)1 44 92 15 15Fax : +33 (0)1 44 92 99 99http://www.medecins<strong>du</strong>monde.orgemail medmonde@medecins<strong>du</strong>mondeJanvier 2003

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!