<strong>TAS</strong> 2011/A/2433Amadou Diakite c. FIFA,sentence <strong>du</strong> 8 mars 201230l’admissibilité de la preuve n’est limité que par l’ordre public procé<strong>du</strong>ral. L’utilisation de preuves illicites nerelève par ailleurs pas automatiquement de l’ordre public suisse, car ce dernier est seulement atteint en présenced’une contradiction insupportable avec le sentiment de justice, de telle sorte que la décision apparaîtincompatible avec les valeurs reconnues dans un Etat de droit”.36. A la lumière de ces principes et des circonstances particulières <strong>du</strong> cas d’espèce, la formationarbitrale appelée à statuer dans l’affaire Valverde a considéré comme recevable une preuve (enl’occurrence un échantillon sanguin) qu’un juge espagnol de première instance a nonseulement qualifiée d’illicite mais en a expressément interdit l’usage dans une procé<strong>du</strong>rejudiciaire ou disciplinaire. De surcroit, il est à noter que l’ordonnance de ce juge a étéconfirmée par une décision subséquente de la Cour d’Appel de Madrid. En dépit de cela, laformation, dans l’affaire Valverde, s’est notamment fondée sur cette preuve illicite pourparvenir à la conclusion que l’athlète avait à tout le moins essayé de se livrer à des pratiques dedopage interdites. Elle l’a alors suspen<strong>du</strong> pour une <strong>du</strong>rée de deux ans. L’affaire Valverde a faitl’objet d’un recours porté devant le <strong>Tribunal</strong> fédéral, qui a rejeté ce dernier (arrêt <strong>du</strong> 29octobre 2010, 4A_234/2010, ATF 136 III 605).37. La Formation arbitrale relève que, dans la présente affaire, non seulement il n’y a pas uneordonnance d’un juge déclarant la preuve illicite et interdisant son exploitation mais, commeobservé plus haut, la question de savoir si les journalistes <strong>du</strong> Sunday Times ont agi de manièreillégale, peut demeurer ouverte. A la lumière des considérations qui précèdent et même enpartant <strong>du</strong> principe favorable à l’Appelant que les enregistrements ont été obtenus de manièreillégale (en violation <strong>du</strong> droit pénal et <strong>du</strong> droit civil suisses, de la loi suisse contre laconcurrence déloyale et de la loi suisse sur la protection des données), cela n’exclut pas leurutilisation comme preuve dans les procé<strong>du</strong>res disciplinaires instruites au sein d’une associationde droit privé.D. La réglementation applicable en matière de preuvea) Autonomie privée et réglementation suisse en matière de preuve38. En matière d’arbitrage international, le Chapitre 12 de la LDIP instaure une large place àl’autonomie privée puisque les parties sont libres de déterminer leurs propres règlesprocé<strong>du</strong>rales, notamment en matière de preuve. En particulier, l’article 182 al. 1 LDIP prévoitque “Les parties peuvent, directement ou par référence à un règlement d’arbitrage, régler la procé<strong>du</strong>re arbitrale;elles peuvent aussi soumettre celle-ci à la loi de procé<strong>du</strong>re de leur choix”.39. Cet article entérine la déclaration de la formation arbitrale dans l’Affaire Valverde, selonlaquelle “un tribunal arbitral n’est pas lié par les règles applicables à l’administration de la preuve devant lestribunaux civils étatiques <strong>du</strong> siège <strong>du</strong> tribunal arbitral” (voir para. 35, ci-dessus). Cela estparticulièrement vrai lorsque les parties font usage de leur autonomie privée pour mettre enplace des règles en matière de preuve.
<strong>TAS</strong> 2011/A/2433Amadou Diakite c. FIFA,sentence <strong>du</strong> 8 mars 20123140. En l’espèce, les parties ont fait usage de leur autonomie privée, la FIFA en adoptant saréglementation et l’Appelant en se soumettant à cette dernière lorsqu’il est devenu membreindirect et officiel de la FIFA. Elles ont donc accepté que les règles de la FIFA en matière depreuve soient applicables dans les procé<strong>du</strong>res disciplinaires les concernant. Ainsi, laFormation arbitrale estime que les questions de preuve doivent être analysées sur la base deces règles privées, acceptées par les parties et non sur la base des règles applicables devant lestribunaux civils ou correctionnels suisses.41. Par conséquent, la Formation arbitrale n’est pas liée par les conditions d’admissibilité despreuves retenues par le droit procé<strong>du</strong>ral civil et pénal suisse.42. Les règles applicables de la FIFA en matière de preuve se trouvent dans le CDF, qui prévoitdes dispositions en matière (i) de fardeau de la preuve, (ii) de degré et d’appréciation de lapreuve ainsi que (iii) d’admissibilité des preuves.b) Les règles de la FIFA en matière de fardeau de la preuve43. En ce qui concerne le fardeau de la preuve, l’article 99 al. 1 CDF prévoit ce qui suit:“Article 99 Fardeau de la preuve1. Le fardeau de la preuve des fautes disciplinaires commises incombe à la FIFA”.44. Cette disposition est conforme au principe général en matière de procé<strong>du</strong>re disciplinaire selonlequel le fardeau de la preuve incombe à l’accusateur. Ainsi, indépendamment <strong>du</strong> fait que laFIFA a la qualité d’intimée dans le présent arbitrage, il lui appartient de faire la preuve desaccusations portées à l’encontre de l’Appelant.c) Les règles de la FIFA en matière de degré et d’appréciation de la preuve45. Le siège de la matière se trouve à l’article 97 CDF qui dispose de ce qui suit:“Article 97 Libre appréciation des preuves1. Les autorités apprécient librement les preuves.2. Elles peuvent notamment tenir compte de l’attitude des parties au cours de la procé<strong>du</strong>re, notamment de lamanière dont elles collaborent avec les autorités juridictionnelles et le secrétariat (art. 110).3. Elles décident sur la base de leur intime conviction”.46. Cette disposition laisse une importante marge d’appréciation à la Formation arbitrale, laquellepeut librement se forger une opinion après avoir examiné toutes les preuves disponibles. LaFormation arbitrale doit décider sur la base de son “intime conviction”, étant précisé que laversion anglaise de l’article 97 al. 3 CDF (qui prévaut en vertu de l’article 143 al. 2 CDF) parlede “convictions personnelles” (“They decide on the basis of their personal convictions”).