,INFLUENCE DU PORTE-GREFFE ADAPTE ET ADULTE SUR UNJEUNE HYIBR1DE ENCORE TRES PLASTIQUEFruits du Poirier hybride Tolstobejka (Oussouri x Beurré Royal)— Greffé avant la première fructification sur un sauvageon adulte.2 — Greffé avant la première fructification sur Poirier Tonkovetk-aadulte (Fruit de la première récolte).3 — Le même (Fruit de la seconde récolte).4 — Non greffé (hybride sur ses propres racines).(D'après un dessin de <strong>Mitchourine</strong> )— 22 —• Bien entendu', au lieu d'employer le greffon comme mentor, onpeut faire l'inverse et choisir comme porte-greffe la variété éducatrice.Mais il est alors plus difficile de faire cesser par la suite l'action dumentor si on le désire.Quelques exemples montreront mieux l'extraordinaire simplicitédu procédé et sa remarquable efficacité.t. - Pour obtenir une bonne variété de Pommier résistant au froid,<strong>Mitchourine</strong> féconda les fleurs du Pommier «Bellefleur jaune», d'origineaméricaine, bien connu des arboriculteurs français, avec le pollendu Pommier « Kitaika » (Chinoise), originaire de la Chine du Nord etcapable de supporter plus de 42° au-dessous de zéro. L'hybride obtenuhérita de cette aptitude et donna de gros fruits d'excellente qualité,mais qui mûrissaient en août et ne se conservaient pas plus d'un mois.Pour éliminer ce défaut, <strong>Mitchourine</strong> greffa aux branches de lanouvelle variété 'quelques rameaux de Bellefleur Jaune, afin que s'exerçätune fois de plus l'influence de la variété-mère, prise oomme mentor.Dès la fructification suivante, les fruits augmentèrent de volumeet mûrirent plus tard, et en trois ans, l'hybride «Bellefleur-Kitaika» étaitdevenu un Pommier d'hiver.2. - <strong>Mitchourine</strong> a cite, parmi beaucoup d'autres, un cas où lerôle du mentor s'est manifesté comme transmetteur du pigment oolorant: «En croisant le cerisier précoce Vladimirskaia ranniaia rozovala(Cerisier rose de Vladimir) avec le Guignier blanc de Winkler, j'ai obtenuen 1884 le Cerisier hybride «Krassa sévéra» (Beauté du Nord),dont les fruits sont considérés l'heure actuelle comme étant les plusgros. Dans sa quatrième année, l'arbrisseau hybride donna des fruitsblancs très gros, ä maturité précoce ; au cours de la même année, cellede sa première fructification, on écussonna avec des rameaux de cethybride toute une plate-bande de pieds de Cerisier rouge ordinaire.A partir de la troisiPme année, les plants greffés ont commencé ä donnerdes fruits, dont la grosseur, la forme et le goût restèrent inchangés, seuleleur couleur était rosée et la maturité devint plus tardive.» (p. 66-67).Quant ä l'hybride non greffé, il continua ä donner des fruits blancs.3. - En France, ä la fin du siècle dernier, c'est par un moyenanalogue ä la méthode du mentor que fut obtenu le fameux hybride deVigne Baco n° 1, que connaissent tous les viticulteurs français. Suivantles conseils de Lucien Daniel, Professeur de Botanique ä l'Universitéde Rennes, Baoo réalisa un hybride de Riparia (Vigne américaine) et de- 23 -
Folle-Blanche (cépage français) qui était très résistant au Phylloxéra, auMildiou et ä l'Oïdium, mais qui était peu productif. Il greffa alors cethybride sur le Riparia jouent le rôle de mentor, (1), et c'est l'hybrideéduqué de cette façon qui devint le Baco n° 1.4. - En France également, mais tout récemment, le sélectionneurJules Grand, de Cavaillon (Vaucluse), oonnaissant la théorie du mentor,a greffé un Prunier Reine-Claude d'Oullins sur des jeunes Pêchera obtenuspar semis. Deux ans plus tard, ces Pêchers se révélaient absolumentindemnes de chlorose dans un sol contenant 25 % de calcaire,alors que les autres Pêchers du même semis mais non greffés, plantéscomme témoins lit quelques mètres dans le même terrain, étaient complètementchlorosés.On pourrait citer beaucoup d'autres exemples (2), dans lesquelsl'influence du mentor fut utilisée avec succès pour augmenter la résistanceau froid, pour hâter la mise ä fruit, etc..<strong>Mitchourine</strong> a signalé aussi des tentatives qui échouèrent et mêmedes cas où un mauvais choix du mentor produisit des effets néfastes.Car, il ne faut pas craindre de le répéter, la méthode du mentor estessentiellement une méthode d'éducation des hybrides et, comme touteméthode d'éducation, elle n'est évidemment profitable qu'à la conditiond'être maniée ä bon escient.L'hybridation entre espèces différentes' <strong>Mitchourine</strong> ne se borna pas ä croiser des plantes de variétés dif-`érentes, mais il eut recours aussi ä l'hybridation entre plantes appartenant ä des espèces différentes : Pommiers et Poiriers, Abricotiers etPruniers, Pêchers et Amandiers, Poiriers et Cognassiers, etc..Les botanistes considéraient autrefois ces croisements conime presqueimpossibles, et lorseexceptionnellement on réussissait iä obtenirun hybride de ce genre, on admettait qu'il était toujours stérile.<strong>Mitchourine</strong> démontra que, si l'hybridation d'espèces différentes esttrès difficile ä réaliser, il est possible de la rendre beaucoup plus facileen appliquant une technique appropriée, et de créer ainsi « un grandnombre d'hybrides qui, s'ils ne donnent pas de graines fécondes dans lespreMières années de leur fructification, améliorent peu ä peu leur struc-(I) Notons que Lucien DANIEL et BACO ne connaissaient pasépoque l'existence de <strong>Mitchourine</strong>, ni évidemment, le mot de mentor.(2) Voir l'annexe ä la fin de la brochure.— 24 —cetteture, au cours des années suivantes, et donnent enfin des graines parfaitementfécondes. » (p. 51).Pour atteindre ce but, il employait trois moyens :1. - La méthode de l'intermédiaire - Au lieu de prendre commeplante-mère une espèce pure, il prenait un jeune hybride ä sa premièrefloraison. jouant le rôle «d'intermédiaire». Par exemple, pour obtenir unPêcher capable de supporter les grands froids de la Russie centrale, ilvoulait procéder au croisement de cette espèce avec l'Amandier sauvage,mais il ne parvint ä aucun résultat, parce que les deux espècesétaient trop éloignées l'une de l'autre. Il créa alors le «maillon intermédiaire»qui lui manquait, en croisant d'abord deux espèces géographiquementéloignées, mais qui avaient plus d'affinité l'une pour l'autre :l'Amandier sauvage de Mongolie et le Prunier David (Prunus Davidiana),qui pousse ä l'état sauvage dans le Sud des Etats-Unis.L'hybride obtenu reçut le nom de Posrednik (Intermédiaire). Il semontra d'une exceptionnelle rtisistance au froid, et capable d'être fécondépar le pollen de Pêchers ä gros fruits, en transmettant sa résistance auxhybrides.2. - Le rapprochement végétatif préalable - Cette méthode consisteä agir par le greffage sur les caractères des deux espèces ä hybrider(ou tout au moins de l'une des deux espèces), afin de diminuer l'incompatibilitésexuelle qui existe entre elles. C'est une application du principedu mentor, dans laquelle l'éducation tend vers une affinité plus grandeentre deux espèces.Si par exemple on veut faire un hybride de Sorbier et de Poirier, oncroise d'abord entre elles deux espèces de Sorbier (ce qu'a fait <strong>Mitchourine</strong>avec Sorbus melanocarpa x Sorbus aucuparia) pour avoir un hybrideä hérédité ébranlée, donc plus facilement modifiable. Puis avant quecet hybride ait fructifié, on greffe ses rameaux sur les branches d'un jeunePoirier,Pendant les 5 ou 6 années suivantes, «ces rameaux se développentsous l'influence constante de toute la masse foliaire du porte-greffe et,peu ä peu, jusqu'à l'époque de la floraison, ils modifient partiellementleur structure, ce qui facilite ensuite leur croisement.» (p. 50-51).<strong>Mitchourine</strong> a réussi par ce procédé ä obtenir de nombreux hybridesItécondis : Pommier-Poirier, Amandier-Prunier, Abricotier-Prunier,Amandier-Pêcher, Cognassier-Poirier, Bigarreautier-Cerisier, Sorbier-Poirier, etc....— 25 —