11.07.2015 Views

N° 17 - 1993 - aspruj

N° 17 - 1993 - aspruj

N° 17 - 1993 - aspruj

SHOW MORE
SHOW LESS
  • No tags were found...

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

Attention : vous avez devant vous une reproduction partielle de l’ouvrage L’Hôtâ N° <strong>17</strong> – <strong>1993</strong>Si vous désirez prendre connaissance de l’intégralité des ses articles, vous avez la possibilité decommander ce numéro auprès du secrétariat : commandes@<strong>aspruj</strong>.chPour la table des matières complète de ce numéro, consultez notre site internet, rubrique archiveswww.<strong>aspruj</strong>.ch


SOMMAIREPêle-mêle de réflexions et de préoccupationspar Pierre Froidevaux..................................... 5Le costume campagnard jurassien, pendant la période française,<strong>17</strong>93-1815par Josianne Bataillard et Jeannine Jacquat ............….... 11L'inventaire des maisons rurales du canton du Jurapar Marcel Berthold...........................…....... 15Deux selliers jurassienspar Anne-Marie Steullet et Robert Fleury ......…............ <strong>17</strong>Une forme d'architecture différente aux Franches-Montagnes...par Paul Simon................................…........ 29Présentation d'un hameau des Franches-Montagnes :Le Peuchapattepar Maxime Jeanbourquin ........................…..... 37Le Jura et les moulins à ventpar Raoul Cap .......................................... 45L'irrigation des prés entre Grandgourt et Buixpar Germain Bregnard ...............................…..... 51Un contrat de construction de trois barques à fonds platspar Philippe Froidevaux .........................…........ 65Mystérieuse, la plus ancienne montre connue de FEvêché de Bâlepar Jacqueline Henry Bédat ....................…...…..... 67Les dernières glanespar Michel Babey ........................…............... 71L'horlogerie jurassienne au milieu du XIX e siècle:une fabrique rurale collectivepar François Kohler ...................................... 73Couverture : Bandinelli, François-Joseph (<strong>17</strong>50-1815) « Paisanne de Danvant » « Faisan deDanvant ». (Photo : Musée de l'Hôtel-Dieu, Porrentruy)L'Hôtâ est publié par l'Association pour la sauvegarde du patrimoine rural jurassien(ASPRUJ). La revue est remise sans supplément à chaque membre qui s'acquitte de la cotisation.Comité de rédactionLa responsabilité des articles incombe aux auteurs.Rédacteur responsable : Yves Gîgon, Beaupré, 2900 Porrentruy.Membres : Robert Fleury, employé d'Etat, 2802 Develîer ; Anne-Marie Steullet, journaliste, 2740 Moutier.Prix du numéro : Fr. 25.—.


PÊLE-MÊLE DE RÉFLEXIONS ET DE PRÉOCCUPATIONSPrix ASPRUJL'assemblée générale tenue à Eschertle 8 mai <strong>1993</strong> a décidé de créer le Prix AS-PRUJ. Il s'agit de récompenser par unemanifestation publique et un prix de Fr.2000.— la transformation réussie d'uneferme, d'une habitation, ou de toute autreconstruction rurale. Nous avons leplaisir de relever que des communes et denombreux propriétaires font de grandsefforts pour entretenir leur patrimoine,quitte à sacrifier parfois un peu de confortpour sauvegarder des espaces hérités d'unart de vivre révolu. Ces transformationsréussies méritent d'être citées commeexemples et servir de références ; l’AS-PRUJ souhaite pouvoir décerner ce prixchaque année ; le choix du lauréat seraétabli par un jury, dont les membres serontJurassiens.Rien n'arrêtera leur lente disparition sinous tous ne prenons pas conscience queles bâtiments ruraux sont des biens culturelsde valeur. Ces constructions nesont-elles pas le reflet d'une forme d'économieet de vie marquée de traditions,mais aussi du savoir-faire d'artisanspleins de génie? Elles sont un héritageprécieux de notre passé ; les plus authentiquesdevraient être conservées et transmisesà nos successeurs sans les avoirtrop mutilées.Sommes-nous des utopistes ?Il est parfois douloureux d'entendredire que des associations telles que la nôtresont rangées dans la catégorie demouvements utopistes, dépassés par lesréalités économiques et politiques. Si,aujourd'hui, personne ne conteste laconservation de tableaux, de sculptures,d'ouvrages littéraires, d'œuvres musicales,pourquoi n'en irait-il pas de même(…)Menacessur les constructions ruralesII n'y a plus de doute à avoir : l'agriculturetraditionnelle est soumise au chambardementdu siècle; depuis décembre1992 on sait que plus rien ne sera commeavant. Une très lourde menace pèse surles domaines agricoles, les fermes, les loges,les greniers. N'étant plus utilisés etrestant sans nouvelle affectation, ils neseront plus entretenus; ils s'écroulerontlentement sous les effets conjugués duchaud et du froid, de la pluie et du vent.Alle: Ferme Jaggi, sur la route de Courgenay. Rénovée 1992-<strong>1993</strong>.


LE COSTUME CAMPAGNARD JURASSIENPENDANT LA PÉRIODE FRANÇAISE <strong>17</strong>93-1815Je renverse tout, je fauche tout.Je suis fils d'un sans-culotte: jeporte en mon cœur la libertél'égalité et la fraternité.L'habit, porté aussi bien à la ville qu'àla campagne, est resté très longtemps lemême, de <strong>17</strong>40 à 1830 environ, soit durantprès d'un siècle. La période qui nousintéresse ici est celle où une partie duJura actuel se trouve réunie à la France de<strong>17</strong>93 à 1815. La Révolution n'a eu aucuneincidence majeure sur la forme et la coupedu costume, si ce n'est l'ajout de quel-Paysanne de Boncourt.ques éléments tels l'apparition de tissusrayés bleu, blanc, rouge, le port du bonnetphrygien ou la cocarde épinglée sur lerebord du chapeau ou de la coiffe.Les aquarelles de François-JosephBand dit Bandinelli (<strong>17</strong>50-1815), conservéesau Musée de l'Hôtel-Dieu à Porrentruy,constituent les principales référencesiconographiques du costume jurassien decette période. L'artiste bruntru-tain avécu la période révolutionnaire aux côtésdes patriotes. Quand bien même il inclutparfois les couleurs révolutionnaires, sesillustrations de costumes révèlent un sensaigu de l'observation. Certains colorisutilisés semblent néanmoins tropsoutenus. Le manuscrit autographed'Auguste Quiquerez « Nos vieilles gens,maisons, meubles, nourriture et costumesavant le XIX e siècle » autorise cetteremarque. Quiquerez note en effet, que «Les gens des campagnes sont fort simplementvêtus d'habits de couleurs sombresplutôt que de celles voyantes », maisen comparant avec une planche d'échantillonsde cotonnades du XVIII e siècle,on s'aperçoit que les coloris ont un certainéclat. Ainsi les costumes de Bandinelliont-ils une valeur documentaire.Costume du paysanLa blouse munie de manches longuesest ample, évasée sur les hanches. Elles'ouvre sur le devant par une échancrure,Paysan de Laufon.fermée par un unique bouton situé au rasdu cou. Le col le plus courant n'est en faitqu'un biais rapporté. Le pantalon droitest en grosse toile, de couleur foncée. Ilpeut être maintenu par un simple cordonnetou une fermeture à pont ou àboutons. Le paysan se coiffe soit d'unbonnet de meunier en coton blanc ou decouleur, soit d'un chapeau noir à largebord.(…)11


L'INVENTAIRE DES MAISONS RURALESDU CANTON DU JURALes relevés de l'inventaire des maisonsrurales du canton du Jura arrivent à leurterme. Ils sont destinés à servir de base àla rédaction du volume jurassien dans lacollection publiée par la Société suissedes traditions populaires « Les maisonsrurales de Suisse». Cet inventaire, communémentappelé « La Maison paysannejurassienne», met en évidence une grandediversité des constructions rurales denotre région. Cette diversité est devenueun peu le « leitmotiv » de la recherche, dumoins telle qu'elle peut être pratiquéedans la phase des relevés.L'appellation «La Maison paysannejurassienne» cache en effet une réalitébeaucoup plus riche et diverse que nelaisse supposer l'article défini simple,trop défini, trop simple...l'exploitation, comme l'accès aux bâtiments,le jardin, le verger. La prise encompte d'aspects souvent peu architecturaux,comme par exemple l'approvisionnementen eau, évidemment vital,permet une approche différente de latypologie architecturale, davantage centréesur la façon d'habiter et de vivre selondes modes traditionnels.A l'intérieur des genres de bâtimentsapparaissent des types différents en fonc-tion de certains facteurs, géographiques,historiques, socio-économiques, qui secombinent entre eux. Ainsi, il est un peuréducteur de parler de la ferme du Haut-Jura sans préciser de quelle époque onparle et de quel niveau socio-économiqueelle relève. De même, la ferme du milieudu XIX e siècle, par exemple, revêtdes formes différentes selon la région oùelle se trouve et selon les moyens financierset économiques du maître d'œuvre.(…)Le matériau d'inventaireLe champ d'investigation est vaste ets'étend à tous les genres de bâtiments quiconstituent le patrimoine rural bâti.Dans ce domaine, on s'est donc efforcéd'être attentif à la présence des constructionsqui, avec la ferme proprement dite,relèvent de l'exploitation agricole: grenier,remise, loge, pour citer les principales.Dans le même ordre d'idées, on aprêté attention au « cadre » de la ferme,c'est-à-dire tout ce qui l'entoure, quin'appartient pas à la construction ausens strict, mais fait partie intégrante deSoubey, Chercenay. Ferme abritée sous un toit à quatre pans, probablement du XVII e siècle,caractérisée par son harmonieuse volumétrie d'origine.15


Deux selliers jurassiensLE SELLIER DE DEVELIERArnold Gurtner,sellier à DevelierPratiquant un art séculaire, ArnoldGurtner exerce son métier de sellier dansl'odeur du cuir et le silence de son atelier.Décor démodé, outils qui font penser àun autre âge, rien ou presque n'a changédans cet atelier blotti dans les murs d'uneancienne demeure, en plein centre du villagede Develier. Ici, c'est un peu commesi le temps s'était arrêté à l'époque où M.Gurtner a acquis sa formation professionnelle.11 faut dire que depuis lors, lemétier de sellier a connu un déclin constantdû surtout à la disparition du chevalde nos exploitations agricoles.une attirance particulière. Pourtant, aufil des années, nous dit-il, j'ai appris à aimerma profession au fur et à mesure quej'en découvrais les secrets. Agé de 73 ans,M. Gurtner exerce aujourd'hui encoreson métier. Une activité réduite qui luipermet de garder le contact et de rendrede précieux services. (…)Un atelier presque séculaireC'est en 1904 que l'atelier de selleriefut mis en exploitation à Develier par M.Fritz Gurtner (sellier et agriculteur) quiavait accompli son apprentissage chezM. Friche, sellier à Vicques. Le fils deFritz, M. Arnold Gurtner, né en 1920,accomplit son apprentissage de sellierchez son père durant trois ans à partir de1936. Il suivit les cours de l'Ecole professionnelleartisanale de Delémont à raisond'un demi-jour par semaine avantd'obtenir son diplôme en 1939.Lors de notre rencontre, Arnold Gurtnernous a avoué que le choix de son métiers'est fait plus par nécessité que parLe sellier, précis et consciencieux.<strong>17</strong>


Deux selliers jurassiensLE SELLIER DE SOUBOZSouboz est un charmant village avecson école, ses maisons paysannes, sesfontaines, ses greniers. Si vous passez parlà, vous ne verrez pas l'atelier du selliercar il est logé derrière sa maison — coquettemaison, flanquée d'un jardin, lesdeux entretenus avec soin par Mme AnniePetitjean. Son mari, M. Reynold Petitjean,est sellier, il fêtera ses quatrevingtsans en décembre <strong>1993</strong>.« Rien n'a changé depuis l'époque demon père», fait remarquer le maître deslieux en ouvrant la porte de son atelier.Ça sent le cuir, dans l'antre de l'artisan,et d'emblée on s'aperçoit que l'endroitvit au rythme intense du labeur quotidien.Il y a là de grands morceaux depeaux de vache, des cuirs blonds, desblancs, des durs, des mous. Partout pendentdes lanières, des réserves de boucleset de mousquetons, des brides, des guides,des licols, des patrons en papier. Desgrelotières sont en cours de travail, desharnais attendent réparation. L'établi estcouvert d'outils bien rangés, des tiroirs àdemi-ouverts regorgent de cuirs, deplans, de chablons, de chanvre, de papiersanciens.Dans la pièce noire à force d'années etd'ouvrage, le jour pénètre par une largefenêtre ouvrant sur un verger, face à lamontagne. Le poêle ronronne, un prunier,dehors, prépare ses bourgeons, deschevaux s'ébattent sous la fenêtre. Noussommes au printemps.22« Hier, j'ai nettoyé les arbres », note enpassant M. Petitjean. Un seigneur, artisanà la mode ancienne, œuvrant pourson plaisir. Il a un bon regard franc, àpeine quelques rides au front, un béretsur la tête, qui lui donne un air de Franceprofonde comme ont les hommes ducôté du Pays basque.Longue histoirePourtant, il est né à Souboz; bourgeoisdu lieu, il est comme d'autres aubénéfice d'un droit d'affouage qu'onnomme ici les gaubes. « Nous, on n'avaitpas de vacances, on travaillait. »(…)Préparation du fil: le sellier l'enduit de poix et de cire d'abeille afin qu’il ne pourrisse pas à lapluie. Photo : Dominique Dumas.


UNE FORME D'ARCHITECTURE DIFFÉRENTE AUXFRANCHES-MONTAGNES ET PARTICULIÈREMENT ÀSAIGNELÉGIER : LA HALLE DU MARCHÉ-CONCOURS,L'HÔTEL DE VILLE ET L'ANCIEN HÔTEL DU SPIEGELBERGJusqu'au XIX e siècle, l'habitat traditionneldes Franches-Montagnes estavant tout constitué par la ferme duHaut-Jura. Son aire d'expansion correspondà une zone comprenant en gros leJura neuchâtelois et les Franches-Montagnes.A cette époque, les bâtiments construitsselon d'autres schémas, voire dansd'autres styles sont rares, les églises exceptées.De la ferme traditionnelleaux grands bâtimentsde la fin du XIX eDès le XVII e siècle, une bâtisse imposantedu centre de Saignelégier s'est démarquéedes autres maisons villageoisespar son apparence quasi « seigneuriale ». Ils'agit de l'ancienne résidence du représentantdu Prince-Evêque dans la Seigneuriede Spiegelberg. Appelée autrefoismaison de la châtellenie, elle est devenueen 1815, sous régime bernois, laPréfecture.Un bâtiment respectable que lesFrancs-Montagnards continuent d'appeler« Préfecture » malgré son changementd'affectation à l'entrée en souverainetédu canton du Jura et en dépit de la plaquetteapposée à droite de l'entrée principalerappelant aux habitants du districtqu'il s'agit du «Palais de Justice» desFranches-Montagnes.L'industrie horlogère fait son apparitiondans nos villages au cours du XIX esiècle: elle entraîne une modificationsensible du paysage architectural de la région.De grands bâtiments aux largesbaies vitrées — les fabriques d'horlogerie— s'implantent un peu partout.De Tramelan au Brassus en passantpar les Ponts-de-Martel, ces nouveauximmeubles arborent le même cachet.Dans la deuxième partie du XIX e siècleégalement, les communes franc-montagnardesconstruisent leur école selon desnormes architecturales souvent identiques.A Saignelégier enfin, une autre bâtisseaux dimensions imposantes voit lejour: l'hôpital Saint-Joseph à côté duquels'élève bientôt l'orphelinat.L'avènement des chemins de fer auxFranches-Montagnes détermine à Saignelégierun axe de circulation est-ouestle long duquel de grands bâtiments s'édifient:l'ancienne pharmacie Fleury, laBanque Populaire Suisse, l'ancienneBanque cantonale, le Café Fédéral (vasteédifice sacrifié au développement du villagedans les années 60), l'actuel Hôtel dela Gare ainsi que la villa — jadis propriétédes familles Viatte puis Bouchât —transformée en 1970 en résidence hôtelière.Toutes ces constructions attestentd'une relative prospérité économique dudébut du XX e siècle.Art nouveau (Jugendstil)ou style suisse (Heimatstil) ?Le début du XX e siècle est marqué, enEurope, par l'émergence, en architecturenotamment, d'un nouveau style plusconnu sous le vocable «Art Nouveau».II s'agit surtout « d'une réaction de natureesthétique contre la civilisation industrielle,réaction qui se réclamait des idéesdu symbolisme et d'une certaine approchedes formes naturelles» 1 . «L'ArtNouveau ou Style 1900 est une sorte derésurgence baroque et romantique essentiellementdécorative visant à mettre enrelief la valeur ornementale de la lignecourbe, qu'elle soit d'origine florale (Belgique,France, Espagne) ou géométrique(Angleterre, Ecosse, Allemagne). Parmaints côtés, il relève plutôt (…)29


PRÉSENTATION D'UN HAMEAU DES FRANCHES-MONTAGNES AU POINT DE VUE DU PATRIMOINE BÂTI :LE PEUCHAPATTEQuand j'étais enfant, une coutume incontournableconduisait les gens desBois à la chapelle du Peuchapatte pour yinvoquer la clémence météorologique dela Vierge Marie, à la veille d'une manifestation,fût-elle religieuse comme la Fête-Dieu ou le Sacré-Cœur, ou bien profane,comme une Fête jurassienne de gymnastiqueou des fanfares...Deux caractéristiques du Peuchapattese sont gravées dans ma mémoire pour neplus la quitter : premièrement, c'est qu'ilfaut bigrement monter pour accéder desBois au Peuchapatte ; deuxièmement, lesmaisons du Peuchapatte m'ont étonnédans leur architecture et leur disposition.Le Peuchapatte,peu d'histoire, vie paisibleAvant d'aborder notre essai de descriptiondu patrimoine bâti du Peuchapatte,esquissons quelques dates.Le lieu trouve sans doute son originedans le défrichement de la plus haute terrede la Montagne des Bois — 1184 mètresau Point de Vue — par un certainChapatte. Le peu, selon l'abbé Ami-PaulPrince, désigne un endroit défriché situéhabituellement sur un terrain en pente ousur une éminence. Le même auteur signalele transfert de la communauté duPeuchapatte de la paroisse de Montfauconà celle du Noirmont, en 1629. En1923, les habitants du Peuchapatte obtiennentleur rattachement à la paroissedes Breuleux, pour des raisons géographiquesévidentes.Côté population, Le Peuchapatte connaîtson apogée en 1860, avec 142 habitants.Ce hameau connaît une certaineprospérité au XIX e siècle. Le pasteur bâloisLutz, dans son Dictionnaire géographique-statistiquede la Suisse (183 7) y recensetoujours la centaine de personnescomptée en <strong>17</strong>97. Il y note l'importancede l'élevage, du tissage du lin pour la dentellerie,sans oublier « des travaux (…)37


LE JURA ET LES MOULINS À VENT :TOUT LE CONTRAIRE D'UNE HISTOIRE D'AMOURMoteurs d'antanDepuis quelques années, l'utilisationdes énergies renouvelables et non polluantesest à l'ordre du jour, même si lesprogrès effectués dans ce domaine restentrelativement modestes eu égard ànos besoins sans cesse acrrus.Dans cette optique, il n'est pas inutilede rappeler les mérites de nos ancêtres.Bien que vivant de manière quasi-autarciqueet ayant d'abord à cœur de satisfaireleurs besoins essentiels, ils n'en ressentirentpas moins la nécessité d'automatisercertains travaux pénibles. En effet, lecheval et, à plus forte raison, l'hommemanquent de puissance tout en consommantune nourriture coûteuse.Durant des siècles, la roue à eau demeurale principal moteur. On en établitpartout, sur les moindres filets d'eau,même si les installations ne pouvaienttourner que quelques semaines ou quelquesmois dans l'année. C'était souventle cas dans le haut Jura, pauvre en groscours d'eau en raison de son sous-sol calcaireextrêmement fissuré.En outre, cette région possédait denombreuses roues logées dans des emposieux,ces cuvettes ou gouffres où disparaissentles ruisseaux des hautes vallées.On profitait de la sorte d'une chute relativementimportante. L'exemple le plusconnu et le plus extraordinaire est lemoulin du Col-des-Roches, au Locle, oùl'on tirait parti trois fois de la même eaugrâce à des roues implantées dans le rocsur trois étages.Dans la plupart des cas, l'eau faisaittourner la meule supérieure d'un moulin àfarine. D'autres engins profitaient aussi decette énergie bon marché. Citons, parmi lesplus répandues, la scie à grumes, la rebatte(ou battoir), utilisée pour broyer lesfruits, les graines oléagineuses et lesfibres textiles végétales, la foule, qui battaitles draps de laine, et les martinets, oumarteaux à forger des taillanderies.Sur les traces des moulinsà vent neuchâteloisLe manque d'eau devait fatalement incitercertains habitants particulièremententreprenants des plateaux et des hautesvallées du Jura à établir des moulins muspar la force du vent. Contrairement à uneidée répandue, on voyageait passablementautrefois et on était donc informéde ce qui se faisait dans les autres contrées.Pour ne citer qu'un exemple, nombrede Montagnons servaient comme soldats laFrance et les Pays-Bas, où ils eurentl'occasion de voir tourner en maintsendroits les ailes des moulins.J'ai étudié la question en me limitantaux districts du Locle et de La Chauxde-Fonds,c'est-à-dire aux Montagnesneuchâteloises. Il s'agit d'un secteur relativementétendu (237 kilomètres carrés),dont l'altitude est voisine de mille mètreset qui était néanmoins très peuplé vu lemorcellement des terres et le développementde l'artisanat à domicile, dontl'horlogerie est l'exemple le plus connu.Le dépouillement de nombreuses sériesde documents d'archives m'a permis dedénombrer une douzaine de moulins,scieries et autres établissements tirantparti de la force du vent. Ils furent sûrementun peu plus nombreux car tousn'ont pas laissé de traces écrites. En outre,la localisation exacte est souvent impossible,ces petites usines ayant disparubien avant le levé des plans cadastraux.Les moulins à farinedes XVI e et XVII e siècles1. Le Communal de La Sagne Au débutdu XVI e siècle, le seigneur de ValangïnClaude d'Aarberg autorisa VuilleminVuillomier à construire un moulin àvent sur le pâturage commun de LaSagne. Peu après, pour ce que ledit molim(moulin) alloit en ruynne, celui-ci revintau seigneur, qui le remit en 1519 auxfrères Pierre et Biaise Bourquin. A leurtour, Biaise et Claude Bergier reprirentl'établissement en 1530, mais ils cessèrentdéjà de s'en servir vers 1533.2. Les Eplatures (La Chaux-de-Fonds)A la suite d'une concession octroyéeen 1607 (et peut-être déjà en 1556 (…)45


L'IRRIGATION DES PRÉS ENTRE GRANDGOURT ET BUIXGénéralitésL'arrosage artificiel des terres cultivablesest connu depuis des millénairesdans certaines régions, en Mésopotamie,par exemple. Dans notre pays, ce systèmed'amélioration des terres n'a été utiliséque très tard. Il s'agit d'une sorte de révo-lution dans l'agriculture, peut-être la première,survenue au début du XVIII e siècle.Elle fut très importante, tant par lesmoyens déployés pour la réaliser, qu'enconsidération des avantages obtenus.Cela exigeait de gros efforts, très coûteux,pour effectuer tous les travaux quenécessitait une telle entreprise. On est sai-si d'admiration devant ces ouvrages, surtoutsi l'on songe aux moyens techniques àdisposition à l'époque: creusage descanaux, construction des écluses en pierre,extraction et confection de ces élémentssouvent de masse considérable, dansdes carrières éloignées; transport deblocs très lourds et leur mise en place. Etc'est du solide... puisque «ça» tienttoujours !Les progrès intervenus dans l'agricultureont été à l'origine d'une augmentationmassive de la production. Les nouveauxmoyens ont détrôné dans une largemesure le système d'arrosage artificieldes prairies.Début de l'arrosage artificielet encouragementsde l'autoritéUn arrosement de prairie en plein fonctionnement ainsi qu 'il était pratiqué jusqu 'en 1950, au sud deBoncourt. On distingue très bien :a) le canal d'amenée, le plus large et recliligne;b) les canaux secondaires de répartition, parallèles ou perpendiculaires au premier;c) à partir de ces derniers, les rigoles en biais.L'eau qui assure l'arrosage doit couler sans arrêt. Quelques minutes après la fermeture des vannes, onne doit plus voir d'eau stagner sur le terrain. Sinon ce serait le début du marécage, néfaste auxplantes fourragères. (Carte postale, 1939)Dans la région considérée de Grandgourt- Buix, il est question de la présencede canaux dans la prairie, à la fin duXVII e siècle. Des anabaptistes venant del'Emmental, ont été attirés dans le Paysde Montbéliard à cette époque, car à lasuite de longues périodes de guerre, lapopulation avait beaucoup diminué. Leseigneur avait besoin de bras pour cultiverles terres abandonnées; les nouveaux-arrivésétaient exempts d'impôtsdurant quatre ans. C'est l'un d'eux, unSuisse, dont on ignore le nom, qui (…)51


UN CONTRAT DE CONSTRUCTION DE TROIS BARQUESÀ FOND PLAT, EN <strong>17</strong>45Dans le N° 9 de L’Hôtâ (1985, pages 7 à10), M. Paul Walker a décrit et illustré laconstruction d'une barque à fond platdestinée à la navigation sur le Doubs. Cetype d'embarcation doit être fort ancien ; enfouinant dans les papiers d'un vieuxnotaire et maître d'école de Saint-Ursanne,nous sommes tombé sur un contratde <strong>17</strong>45, transcrit ci-après. Les dimensionsne laissent aucun doute sur la naturedes bateaux : il s'agit bien de plates. Onappréciera le fait qu'un artisan de Saint-Ursanne travaille pour un client de Besançon.Sa maîtrise et sa réputation professionnelleslui ont assurément valu unetelle commande.Philippe FroidevauxFut present honnette Ignace Marchandm(ait)re menuisier et bourgeois de St. Ursanne,lequel s'est obligé et a promit, comm'il faitpar les présentes ; au s(ieu)r Godin marchand àBesançon à ce present stipulant; de luÿ construire,faire, et parfaire trois barques ou naviresentre dix huit a vint pieds de longueur, troispieds de largeur, et dix huit poulces de hauteur,qu'il a promit de faire de bon bois, les paracheverau dire de gens à ce connoissants pour lafin du mois d'aoust prochain, le tout a ses propresfrais et dépends; Et pour tel travail leditsieur Godin a promit et s'est obligé de payerau (dit) maitre Ignace Marchand la somme dequarante huit livres argent de France, sur laquellesomme a déjà réellement délivré cejourd'huÿaud(it) Marchand douze livres (…)L'exécution d'une barque nécessite relativement peu d'outillage, maisbeaucoup de connaissances. (Photo Laurent Lachat, Glovelier)Une barque en cours de montage. (Photo Laurent Lâchât, Glovelier)65


MYSTÉRIEUSE, LA PLUS ANCIENNE MONTRE CONNUEDE L'ÉVÊCHÉ DE BÂLELa plus ancienne montre connue confectionnéedans la Principauté épiscopa-lede Baie est signée « Himli Neuveville ».Elle date de la fin du XVII e siècle (vers1680) ou du début du XVIII e siècle. Peuimporte quelques décennies de plus oude moins est-on tenté de dire pour un objetde quelque trois cents ans! Or, enl'occurrence si elle a été faite après <strong>17</strong>07,elle est l'œuvre d'un horloger ayant apprisson métier chez Daniel JeanRichard.Si elle est antérieure à cette date, c'estalors un autre Himli qui lui a donné vie...Cette montre est un superbe oignon àune seule aiguille: celle des heures. Saboîte est en laiton doré. Son cadran, éga-lement en laiton doré et gravé, porte descartouches en émail avec des chiffresbleus. Son aiguille est en acier. Le remontagese fait par le centre du cadran. Cettemontre n'a pas de fusée ; le balancier àtrois bras est accouplé à un spiral court ;le coq est gravé. Les piliers, « égyptiens »,sont délicatement ornés tandis (…)Côté cadran.Côté mouvement. (Musée Beyer, Zurich)67


LES DERNIÈRES GLANESPour la plupart de nos contemporains,le mot «glanage» évoque d'abord unépisode biblique charmant (Ruth, 2) oùle fait de glaner va être le prologue dumariage de la pauvre Moabite avec le richeBooz. Certains évoqueront le tableaucélèbre de Jean-François Millet, qui,dans son romantisme, est néanmoins trèsfidèle à la réalité.Il y a longtemps qu'on ne glane plus.Cette activité fut toujours le fait des pauvresou, du moins, des gens qui n'avaientpas de terre. Et il n'y a plus de pauvresdans nos régions, c'est bien connu. Dansmon enfance, j'avais entendu parler deglane par ma mère qui s'y était exercéedurant la Première Guerre mondiale. Ladeuxième devait nous y mettre aussi.L'examen d'une carte de rationnementde 1943 nous apprend beaucoup de choses.Entre autres que chaque adulte avaitdroit, pour un mois, à 400 grammes defarine ou de semoule. Pas de quoi fairedes folies. A en perdre jusqu'au souvenirdes tartes, gâteaux, tourtes, biscuits etautres pieds-de-chèvre dont est si riche lacuisine jurassienne.Dans les sévérités du rationnement,deux sortes de citoyens s'en sortaient facilement: les habitants des villages où lapaysannerie était encore fort nombreuseet où l'on pouvait prendre des privautésavec la loi et, dans les villes même petites,les gens riches qui pouvaient recourir auxdérogations des marchés noirs ou gris.Nous ne faisions partie d'aucune de cesclasses privilégiées. Nous dûmes nousdébrouiller et c'est ainsi que nous en vînmesà glaner. Nous n'étions pas les seuls.A cette époque, les moissons se faisaientà l'aide de moissonneuses-lieuses,tractées par les chevaux, qui avalaientpar l'avant les épis et recrachaient sur lecôté des gerbes liées. La couverture deL'Hôtâ N° 16 montre un de ces enginsdéjà très performants. Les gerbes étaientensuite mises en moyettes, petites meulesprovisoires constituées d'une gerbe centraledebout, les épis tournés vers le ciel etde quatre gerbes latérales mises en croixet s'appuyant sur la gerbe centrale. Danscette situation, le blé attendait un jour oudeux en finissant de sécher au soleil.Les enfants allaient en reconnaissanceet savaient fort bien quels étaient leschamps en moyettes, susceptibles d'êtrerécoltés dans la journée. Pour charger leblé sur les chars, on piquait de la fourchela gerbe au-dessus de la ligature et elles'envolait pour choir sur la plate-forme,épis vers l'intérieur. Durant toutes cesopérations, des épis tombaient sur lesol.(…)7l


L'HORLOGERIE JURASSIENNE AU MILIEU DU XIX e SIÈCLE:UNE FABRIQUE RURALE COLLECTIVE«Notre pays manque complètementd'une histoire de son industrie principale,l'horlogerie», se plaignait GustaveChopard, fabricant à Sonvilier, dansl'Annuaire du Jura bernois pour l'année1873 ] : «Nous connaissons fort peu dechoses sur les diverses périodes par lesquellesa passé l'horlogerie, et il n'estguère question de ses progrès, de sesépreuves, de ses débouchés. A peine sestraditions sont-elles connues des ouvrierset même des chefs d'établissement.»Cent vingt ans après, nous n'en sommesplus là comme le montre la bibliographiede l'ouvrage L'homme et le tempsen Suisse J29J-1991 2 , en particulier grâceaux travaux de Robert Pinot, Marius Fallet-Scheurer,Alfred Chapuis, FrançoisJequier et David Landes 3 , pour ne citerque quelques-uns des chercheurs les plusmarquants. En ce qui concerne le Jura(ancien Evêché de Bâle), les études deRobert Pinot et Marius Fallet-Scheurerrestent deux ouvrages de référence incontournablesencore largement sollicitésaujourd'hui, tant par les monographieslocales que les publications commémorativesdes entreprises 4 .Il faut saluer les travaux universitairesrécents touchant à l'industrie horlogèrejurassienne, en particulier les mémoiresde licence de Christine Diacon sur lesdébuts de la Tavannes Watch Co (1890-1918) 5 , de Stéphane Zahno, sur ledéveloppement de l'industrie du tour au-tomatique à Moutier 6 et de ChristopheKoller sur quelques aspects du processusde modernisation industrielle à la fin duXIX e siècle 7 . Deux travaux, un peu décevants,mais non dépourvus d'intérêt,sur le développement de la commune deSaint-Imier au XIX e siècle en rapportavec l'essor de l'industrie horlogère méritentégalement d'être mentionnés 8 .Que nous apprend cette abondante littératureconsacrée à l'histoire de l'horlogeriedans le Jura sur la période qui précède1876, date symbolique du début dela révolution industrielle dans la productionde la montre? Appelée par certains«l'âge d'or de l’établissage» 9 les années1830-1880 constituent, dans l'évolutionéconomique et sociale du pays jurassien,une phase capitale, celle de la proto-industrialisation,un néologisme qui permetaux historiens « d'intégrer le phénomèneclassique d'industrialisation rurale àl'explication de la révolution industrielle»10 .Proto-industrialisationet fabrique rurale collectivePhase préparatoire de l'industrialisationproprement dite (mécanisation de laproduction et concentration dans les fabriques)et distincte de l'artisanat localtraditionnel, la proto-industrialisation secaractérise par le développement de nouvellesformes de travail et de revenus dansle cadre d'une activité économique toujoursplus orientée vers le marché extérieur.L'industrie à domicile en est la formela plus marquante ; son organisation estappelée établissage dans le Jura horloger,Verlagssysîem dans l'industrie textile enSuisse alémanique 11 . Le Français RobertPinot, auteur d'une remarquablemonographie sur L'horloger de Saint-Imier parue dans la revue La Science sociale(1888-1889) parlait lui de «confectionde la montre en fabrique collective»12 .Ce brillant représentant de l'Ecole sociologiquede Le Play est venu observerl'industrie horlogère à Saint-Imier en1885, soit à l'époque des premières fabriques,telle l'usine des Longines, fondéeen 1867 et occupant alors quelque centquatre-vingts ouvriers, dont unecinquantaine de femmes. Pinot distinguetrois régimes d'atelier dans la productionde la montre : la fabrique rurale collective,la fabrique urbaine collective et l'usine.Ces trois formes d'organisation, apparuessuccessivement, ont longtempscohabité. Trois types de travailleurs lessymbolisent: l'horloger-paysan, l'ouvrierd'atelier et l'ouvrier d'usine. Avantl'avènement de la production mécaniséeet centralisée dans le dernier quart duXIX e siècle, l'horlogerie jurassienne seprésente comme une fabrique collective àla fois rurale et urbaine.Pinot décrit ainsi la fabrique ruralecollective: «A la campagne on est (…)73

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!