Le tra<strong>du</strong>cteur français n’a pas fait ce choix. Si l’énoncé (5b’’) est intraphrastiquementbien formé, il ne va pas sans poser un léger problème interphrastique : le suj<strong>et</strong>, un jeunehomme, occupe la place initiale thématique alors qu’il est, <strong>du</strong> point de vue del’enchaînement phrastique, rhème ; <strong>et</strong> complémentairement, le verbe, officiait, occupe laplace terminale rhématique alors qu’il est, <strong>du</strong> point de vue de l’enchaînement phrastique,thème. Le clivage perm<strong>et</strong> de résoudre ce conflit entre ordre syntaxique (suj<strong>et</strong> / verbe) <strong>et</strong>ordre textuel naturel (thème / rhème), en gardant l’ordre suj<strong>et</strong> / verbe, mais enextrayant le suj<strong>et</strong> (le SN un jeune moine à barbe noire) à l’aide de la particule c’est… qu-, ce qui revient à le rhématiser :(5b) Le soir les moines firent entendre un chant harmonieux, inspiré, c’était unjeune moine à barbe noire qui officiait (Tchekhov, L’évêque)Ce type d’occurrence n’exploite pas – ou très peu - la potentialité dialogique de larhématisation. Le syntagme extrait un jeune homme à barbe noire ne semble s’opposerimplicitement à aucun autre syntagme, on n’ « entend » pas vraiment d’autre autre voixà qui serait imputé un énoncé <strong>du</strong> type : un vieux pope officiait, <strong>et</strong> la phrase clivée nepeut guère être précédée d’un marqueur d’opposition explicite comme « contrairement àce que l’on pourrait penser » :(5b’’’) Le soir les moines firent entendre un chant harmonieux,inspiré ; ?contrairement à ce que l’on pourrait penser, c’était un jeune moine àbarbe noire qui officiait1.2.3. Clivage, rhématisation, dialogismeMais le clivage peut exploiter la potentialité dialogique <strong>du</strong> rhème. L’opération textuelle derhématisation s’accompagne alors d’une opération interdiscursve de dialogisation, quipeut être d’ordre citatif <strong>et</strong>/ou responsif (Nowakowska 2004) :- dialogisme citatif : l’élément extrait par c’est … qu- s’oppose explicitement (cas<strong>du</strong> clivage complexe ce n’est pas x, mais/c’est y qu- z) ou implicitement (cas <strong>du</strong> clivagesimple c’est y qu- z) à un autre élément ayant été actualisé dans un autre <strong>discours</strong> oususceptible de l’être à sa place ;- dialogisme responsif : l’élément extrait contient la réponse à une questionexplicite ou implicite que se pose ou pourrait se poser l’énonciataire, eu égard au cotexteantérieur.Dans les deux cas, le clivage « dialogue », implicitement ou explicitement, avec un autreénoncé, en s’opposant à lui ou en lui répondant.Illustrons notre propos par l’occurrence de clivage canonique (6), qui peut être analyséen termes de dialogisme citatif <strong>et</strong> responsif. Il s’agit d’un extrait m<strong>et</strong>tant en scène unebagarre à laquelle participent plusieurs jeunes garçons :(6a) - Knebel ! Knebel ! Knebel wsadz ! Gapo ! Co siÍ gapisz ? Knebel ! ChusteczkÍ do nosa wsadz !To na mnie tak warczal. To ja mialem chusteczke wsadzic! Bo Myzdral i Hopek siedzieli okrakiem,kazdy na swoim arbitrze, (...). (Gombrowicz, Ferdy<strong>du</strong>rke)
To na mnie tak warczal(/pronom/ce/préposition/à/pronom/moi/adv/ainsi/verbe/criait)To ja mialem chusteczke wsadzic(/pronom/ce/pronom/moi/verbe/devais/nom/mouchoir/verbe/m<strong>et</strong>tre)C<strong>et</strong> énoncé est tra<strong>du</strong>it en français par :(6b) Un bâillon, un bâillon ! Imbécile, qu’est-ce que tu attends ? Bâillonne–le ! Prends ton mouchoir !C’était à moi qu’il criait cela. C’était moi qui devais enfoncer mon mouchoir en guise de bâillon, carMyzdral <strong>et</strong> Hopek ne pouvaient bouger, chacun étant assis à califourchon sur un témoin (Gombrowicz)C<strong>et</strong>te occurrence présente une succession de deux phrases clivées. Les deux relatives qu- z thématiques (qu’ilcriait cela, qui devais enfoncer mon mouchoir en guise de bâillon) reformulent <strong>des</strong> éléments cotextuelsantérieurs (la relative qu’il criait cela reprend la série d’exclamations qui précèdent ; la relative qui devaisenfoncer mon mouchoir en guise de bâillon reprend bâillonne-le ! prends ton mouchoir !). Le pronom personnelextrait moi, (c’était à moi, c’était moi) constitue l’apport d’information rhématique doublement dialogique :- citativement : l’actant identifié par la particule c’est… qu- s’oppose à tous les autres protagonistessusceptibles d’être pris en considération <strong>et</strong> employés à sa place dans un autre <strong>discours</strong>. Ainsi il est possible deparaphraser les énoncés clivés à valeur contrastive de ce type par : contrairement à ce que l’on pourrait penser /à ce que j’aurais souhaité, c’est seulement à moi qu’il criait cela ; contrairement à ce que l’on pourrait penser /à ce que j’aurais souhaité, c’est seulement moi qui devais bâillonner.- responsivement : l’élément extrait apporte une réponse aux questions implicitesque peut se poser le lecteur, tout comme les différents protagonistes de l’échangeromanesque (le je narrateur, Myzdral <strong>et</strong> Hopek) : « mais à qui criait-il cela ? mais quidevait prendre le mouchoir <strong>et</strong> bâillonner ? ».Le clivage, dans ce type d’exemple, est fortement dialogique car il rhématise contrastivement<strong>et</strong> responsivement un élément de la valence verbale, en l’occurrence ici l’actant suj<strong>et</strong>.En résumé, le clivage réalise une opération explicite de rhématisation d’un élément de lastructure syntaxique, qui peut exploiter (rhématisation dialogique, occurrence (6)) ou nepas exploiter (rhématisation simple, occurrence (5)) la potentialité dialogique de la partierhématique de l’énoncé.2. Clivage <strong>et</strong> passifLe développement que nous venons de présenter sur le clivage nous perm<strong>et</strong> de répondreà la première question que nous posions initialement dans l’intro<strong>du</strong>ction : qu’est-ce quifait que dans certains cas, mais pas dans tous, clivage <strong>et</strong> passif sont <strong>des</strong> tours en relationparaphrastique ?2.1. Clivage <strong>et</strong> rhématisation ; passif <strong>et</strong> thématisationPartons <strong>des</strong> faits. L’étude contrastive <strong>du</strong> corpus multilingue anglais, français, polonais <strong>et</strong> russefait apparaître que la phrase clivée française, lorsque le clivage porte sur le suj<strong>et</strong> d’un verb<strong>et</strong>ransitif direct, équivaut parfois au passif dans une autre langue. Ainsi c’est le cas dans latra<strong>du</strong>ction anglaise <strong>du</strong> russe de l’occurrence (7), présentant une interaction entre une jeunefemme a<strong>du</strong>ltère <strong>et</strong> son amant :(7a) -Ver’te, ver’te mne, umoljaju vas...-govorila ona -Ja ljublju chestnuju, chistuju rzizn’, a grexmne gadok, ja sama ne zanaju, chto delaju. Prostye ljudi govorjat : nechstyj poputal. I ja mogu teper’pro sebja skazat’, chto menja poputal nechistyj. (Tchekhov, La dame au p<strong>et</strong>it chien)prostye ljudi govorjat : nechistyj poputal
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non image, mais en efficacité » -
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