1. 2. Dialogique <strong>et</strong> monologiqueIl semble que, à la lecture <strong>des</strong> textes de Bakhtine, on puisse définir le dialogique commel’orientation de tout énoncé (au sens précédemment explicité de ‘tour de parole’),constitutive <strong>et</strong> au principe de sa pro<strong>du</strong>ction, (i) vers <strong>des</strong> <strong>discours</strong> réalisés antérieurementsur le même obj<strong>et</strong> de <strong>discours</strong>, (ii) vers le <strong>discours</strong>-réponse qu’il sollicite, (iii) vers luimêmeen tant que <strong>discours</strong>. C<strong>et</strong>te triple orientation se réalise comme interaction, ellemêm<strong>et</strong>riple :– le locuteur, dans sa saisie d'un obj<strong>et</strong>, rencontre les <strong>discours</strong> précédemment tenus pard'autres sur ce même obj<strong>et</strong>, <strong>discours</strong> avec lesquels il ne peut manquer d'entrer eninteraction ;– le locuteur s'adresse à un interlocuteur sur la compréhension-réponse <strong>du</strong>quel il necesse d'anticiper, tant dans le monologal que dans le dialogal.– le locuteur est son premier interlocuteur dans le processus de l’auto-réception.On parle de dialogisme interdiscursif, pour le premier type d’interaction ; de dialogismeinterlocutif, pour le second ; d’autodialogisme pour le troisième. C<strong>et</strong>te triple interactionse manifeste, au niveau <strong>du</strong> <strong>discours</strong> pro<strong>du</strong>it, comme dialogisation intérieure « trouv(ant)son expression dans une suite de particularités de la sémantique, de la syntaxe <strong>et</strong> de lacomposition » (1934/1975/1978 : 102). La dimension dialogique affecte donc (i) leniveau macro de l’énoncé-tour-texte, car c’est à ce niveau global qu’intervientl’orientation vers les autres <strong>discours</strong>, leur rencontre ; (ii) les différents niveaux inférieursqui composent c<strong>et</strong>te unité, notamment celui <strong>des</strong> énoncés-phrases, ou celui, encoreinférieur, <strong>des</strong> mots eux-mêmes.Les marques dialogiques sont fort variées, de par les niveaux discursifs qu’elles affectent,de par les outils linguistiques qu’elles m<strong>et</strong>tent en œuvre, <strong>et</strong> également de par la façondont elles font entendre la voix de l’autre, qui va de l’explicite – sa représentation dans lamention <strong>du</strong> <strong>discours</strong> direct, son affleurement dans les « îlots textuels », à l’implicite : sonenfouissement le plus profond, lorsque les signifiants font (presque) défaut, sans quepour autant l’autre voix cesse d’être perceptible.Dans l’étude que nous allons proposer comme exemple, nous travaillerons seulement lafaçon dont le dialogisme se marque au niveau de la syntaxe phrastique, sous la forme de« microdialogues ». Nous prenons à la l<strong>et</strong>tre c<strong>et</strong>te image bakhtinienne : si dialogue il y aà l’intérieur de l’énoncé-phrase dialogique, c’est qu’il est analysable en deux énoncés : unpremier énoncé, auquel répond un second énoncé. Mais précisément <strong>du</strong> fait que noussommes dans le dialogique <strong>et</strong> non dans le dialogal, dans le dialogue interne <strong>et</strong> non dansle dialogue externe, c<strong>et</strong>te interaction se marque non par une alternance de tours maispar la <strong>du</strong>alité énonciative, le deux dans l’un (Authier-Revuz 1995) d’un seul <strong>et</strong> mêmeénoncé syntaxique. Et c’est c<strong>et</strong>te <strong>du</strong>alité énonciative qui définit l’énoncé-phrasedialogique. Prenons un exemple dans le texte que nous allons soum<strong>et</strong>tre à <strong>analyse</strong> :(1) L’élection imminente <strong>du</strong> président <strong>du</strong> mouvement est-elle de nature à apporter undébut de solution à c<strong>et</strong>te crise ? (l. 4)On dira que c<strong>et</strong> énoncé interrogatif, que nous appellerons [E], est dialogique (i) en ce qu’il« rapporte » un autre énoncé, affirmatif, sans en mentionner la source, que nous appellerons[e], reconstructible comme :(2) L’élection imminente <strong>du</strong> président <strong>du</strong> mouvement est de nature à apporter un débutde solution à c<strong>et</strong>te crise.Et (ii), en ce qu’il le m<strong>et</strong> en débat par l’interrogation. Il nous semble de la sorte donner uncontenu précis – peut-être trop – à la notion bakhtinienne de « réaction-réponse » : l’énoncédialogique tout à la fois « rapporte » un autre énoncé <strong>et</strong> dans le même temps « dialogue » aveclui.
C<strong>et</strong>te approche nous a permis de définir précisément l’énoncé dialogique en termesd’actualisation. Nous reprenons à Bally (1934/1965 : 36-38) l'<strong>analyse</strong> del'actualisation phrastique comme application d'un mo<strong>du</strong>s à un dictum <strong>et</strong> la distinctionentre suj<strong>et</strong> modal <strong>et</strong> suj<strong>et</strong> parlant (que nous nommerons respectivement énonciateur<strong>et</strong> locuteur). L’actualisation phrastique se réalise par un ensemble d’opérations parmilesquelles on peut distinguer, entre autres, (i) les opérations d’actualisation déictique(temporelle, spatiale <strong>et</strong> personnelle) <strong>des</strong> différents éléments <strong>du</strong> dictum (ou contenupropositionnel) en vue de la référenciation ; (ii) les opérations d’actualisation modale,consistant à appliquer un mo<strong>du</strong>s au dictum (Bally 1934/1965 : 36-38) ; (iii) lesopérations d’actualisation phonétique ou graphique consistant à inscrire l’énoncé dansle mode sémiotique choisi, oral ou écrit. Les deux premiers types d’opération(actualisation déictique <strong>et</strong> modale) relèvent de la programmation de l’à-dire (Détrie <strong>et</strong>al. 2002) <strong>et</strong> sont mises au compte d’une instance que nous proposons de nommerénonciateur. Les opérations d’actualisation phonétique ou graphique relèvent de laréalisation <strong>du</strong> dire, <strong>et</strong> sont mises au compte d’une instance nommée locuteur. Dans leprésent travail, nous ne nous intéresserons qu’à la dimension d’actualisation déictique<strong>et</strong> modale, <strong>et</strong> donc ne parlerons que d’énonciateur(s).Dans l’énoncé monologique, un énonciateur e1 actualise déictiquement <strong>et</strong> modalementun dictum, pour en faire un énoncé [e]. Il en va différemment pour l’énoncé dialogiquecomme celui proposé en (1), dans lequel on distingue, à l’<strong>analyse</strong>, sous l’unité <strong>des</strong>urface, deux actes d’énonciation :– celui, enchâssant, correspondant à l’interaction <strong>du</strong> scripteur de c<strong>et</strong> article avec lelecteur, <strong>et</strong> qui se manifeste par l’énoncé [E], à savoir (1) ;– celui, enchâssé, correspondant à une autre interaction, antérieure, dont lesinteractants pas plus que le temps ni le lieu ne sont explicités, à laquelle correspondl’énoncé (reconstruit) [e], à savoir (2).Dans ce type d’énoncé, l’actualisation déictique <strong>et</strong> modale de l’énonciateur que nousnommerons E1 s’applique non pas à un dictum, mais à un élément présenté comme ayant déjàstatut d'énoncé, à savoir [e], qui en tant que tel a déjà fait l'obj<strong>et</strong> d’opérations d’actualisationpar un autre énonciateur (que nous appellerons e1). On distinguera en conséquence :– pour l’acte d’énonciation enchâssé, un énonciateur e1 (ici non explicité), actualisateur del’énoncé [e] reconstruit approximativement comme [L’élection imminente <strong>du</strong> président <strong>du</strong>mouvement est de nature à apporter un début de solution à c<strong>et</strong>te crise.] ;– pour l’acte d’énonciation enchâssant, un énonciateur E1, actualisateur de l’énoncé [E][L’élection imminente <strong>du</strong> président <strong>du</strong> mouvement est-elle de nature à apporter un début <strong>des</strong>olution à c<strong>et</strong>te crise ?] en tant qu’il résulte de l’application <strong>du</strong> mo<strong>du</strong>s d’interrogation àl’énoncé [e].On dira que l'énonciateur E1 attribue l'assertion [L’élection imminente <strong>du</strong> président <strong>du</strong>mouvement est de nature à apporter un début de solution à c<strong>et</strong>te crise ] à un autre énonciateur(e1), <strong>et</strong> se charge quant à lui de la m<strong>et</strong>tre en débat. Ajoutons que l’instance <strong>du</strong> scripteurcoréfère avec celle de l’énonciateur E1. Afin d’éviter de fastidieuses répétitions, nousemploierons parfois, dans le cours de l’<strong>analyse</strong>, le terme de scripteur en lieu <strong>et</strong> place de celuid’énonciateur E1.La <strong>du</strong>alité énonciative, si elle structure tout énoncé dialogique, peut le faire de façons fortvariées, qui tiennent notamment, nous l’avons dit, au mode de présence de l’énoncé enchâssé[e] dans l’énoncé enchâssant [E]. Nous désignerons par x la forme que prend l’énoncé [e]reconstruit dans l’énoncé observable [E], (<strong>et</strong>, complémentairement, par y, la partie de [E]relevant <strong>du</strong> seul E1).En appui sur les bases <strong>et</strong> la méthodologie que nous venons de présenter, nous avons entrepris,dans <strong>des</strong> travaux antérieurs, de répertorier <strong>et</strong> de décrire quelques-unes de ces « formes deréactions-réponses » (Bres 1998, 1999, Bres <strong>et</strong> Nowakowska 2004, Nowakowska 2004) :<strong>discours</strong> rapporté, modalisation autonymique, conditionnel, négation, comparaison,renchérissement, confirmation, concession, opposition, certaines subordination (puisque x, si
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Jacques Bres Le 1er septembre 2008B
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To na mnie tak warczal(/pronom/ce/p
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