3.4.1. AppositionL'apposition dilue l'assertion de e1 dans l'enchâssement qu'en opère E1. Soit, dansl'occurrence suivante, la relative 1 appositive :(16) Le président <strong>et</strong> le pouvoir, qui ont per<strong>du</strong> tout soutien <strong>du</strong> peuple, ne peuvent pas êtreà l'origine de la stabilité.La relative apparaît moins comme ayant fait l'obj<strong>et</strong> d'une assertion antérieure [le président<strong>et</strong> le pouvoir ont per<strong>du</strong> tout soutien <strong>du</strong> peuple.] que comme un fait acquis, qui ne saurait êtremis en balance, qu'on ne peut que constater. Son énonciateur e1, toujours récupérable, est, enl'absence de toute explicitation, perçu comme coréférant avec E1 (ou bien comme instancecollective enchâssant E1). L'hétérogénéité énonciative peut être cependant marquée, <strong>et</strong> e1explicitement posé comme différent de E1 , notamment par le conditionnel [qui auraientper<strong>du</strong>, selon X, tout soutien <strong>du</strong> peuple] (Cf. ici-même l'article de P. Haill<strong>et</strong>).3.4.2. NominalisationLa nominalisation pose de très intéressants problèmes énonciatifs, particulièrement biendécrits par Sériot 1986, dans le cadre plus général de la problématique <strong>du</strong> préconstruit (Henry1975 <strong>et</strong> 1977, Pêcheux 1975) :L'énoncé nominalisé est préconstruit, c'est-à-dire qu'il n'est pas pris en charge par lesuj<strong>et</strong> énonciateur, mais se trouve comme un obj<strong>et</strong> <strong>du</strong> monde « déjà là », préexistant au<strong>discours</strong>, qui va servir à instancier une place dans la relation : ses conditions depro<strong>du</strong>ction ont été effacées (Sériot 1986 : 24).C<strong>et</strong> effacement fait que la nominalisation se présente « tel le nom d'un obj<strong>et</strong> », « dansl'éternité de l'évidence » (ibid., p. 28). Et c'est bien là ce qui distingue la nominalisation <strong>des</strong>autres outils de dialogisation : dans ceux-ci, l'énoncé de E1 se présente comme modalisantune assertion antérieure (de e1), c'est-à-dire une unité qui a déjà fait l'obj<strong>et</strong> d'unemodalisation ; dans celle-là, le syntagme nominalisé se présente dans l'énoncé de E1 noncomme ayant fait l'obj<strong>et</strong> d'une assertion antérieure de la part de e1 (c'est-à-dire relevant <strong>du</strong><strong>discours</strong>), mais comme hors énonciation (c'est-à-dire relevant de la langue). Je définiraivolontiers la nominalisation comme un nom de <strong>discours</strong> se faisant passer pour un nom delangue. Soit :(15) L'aveuglement de l'Occident à l'égard de ce qui s'est passé, la naïv<strong>et</strong>é <strong>des</strong>explications <strong>et</strong> <strong>des</strong> positions adoptées par la majorité <strong>des</strong> gouvernements sontstupéfiants.On trouve en position de suj<strong>et</strong> grammatical thématisé deux SN nominalisés, qui seprésentent effectivement comme <strong>des</strong> noms renvoyant en tant que tels à <strong>des</strong> référents alorsqu'ils sont issus d'assertions antérieures 2 , que je reconstruis grossièrement de lasorte : [l'Occident s'est aveuglé sur ce qui s'est passé.] ; [la majorité <strong>des</strong> gouvernements ontaccepté <strong>des</strong> explications <strong>et</strong> adopté <strong>des</strong> positions naïves.]. La nominalisation peut servir1 Sur la question plus générale <strong>des</strong> relatives <strong>et</strong> <strong>du</strong> préconstruit, cf. Henry 1975.2Pour que la nominalisation soit dialogique, le procès de ladite assertion doit être envisagécomme passé ou contemporain. Je remercie P. Haill<strong>et</strong> de c<strong>et</strong>te remarque.
tactiquement à E1 à masquer 1 l'assertion de e1, ce qui est le cas dans l'occurrence (15). Qui ditassertion dit contestation possible : un argument nominalisé devient plus difficilementcontestable.C<strong>et</strong> ailleurs/antérieur énonciatif, s'il tend à se dissimuler, peut être montré. Il est toujourspossible de m<strong>et</strong>tre <strong>des</strong> guillem<strong>et</strong>s à une nominalisation (comme d'ailleurs à toute unitélinguistique), ou de la modaliser autonymiquement, par une glose <strong>du</strong> type pour reprendre lesmots de X, afin d'en expliciter la source énonciative. Remarquons cependant :— que e1, bien plus souvent qu'il ne réfère à un autre, co-réfère avec E1 ou réfère à uneinstance collective enchâssant E1 : le ON-vérité (Berrendonner 1976/1981.) ;— que lorsque e1 réfère à un autre, E1 ne peut qu'être d'accord avec c<strong>et</strong> autre. Cequ'illustre le fonctionnement différent <strong>des</strong> modalisations autonymiques comme dit X <strong>et</strong>contrairement à ce que dit X. Soit :(15a) "L'aveuglement de l'Occident" […], "la naïv<strong>et</strong>é <strong>des</strong> explications"[…], comme ondit aujourd'hui, sont stupéfiants.(15b) "L'aveuglement de l'Occident" […], "la naïv<strong>et</strong>é <strong>des</strong> explications"[…],contrairement à ce qu'on dit aujourd'hui, sont stupéfiants.Si en (15a) la modalisation autonymique comme on dit aujourd'hui s'applique bien,anaphoriquement, aux nominalisations (c'est-à-dire à l'énoncé de e1), en (15b) le syntagmecontrairement à ce qu'on dit aujourd'hui n'a plus valeur de modalisation autonymique <strong>des</strong>nominalisations qui le précèdent, mais désigne un énoncé autre contraire cataphoriquement dela prédication de E1 [sont stupéfiants].3.4.3. PrésuppositionSelon Ducrot, l'énoncé Pierre a cessé de fumer :présente deux énonciateurs, E1 <strong>et</strong> Eë, respectivement responsables <strong>des</strong> contenusprésupposé [Pierre fumait autrefois] <strong>et</strong> posé [Pierre ne fume pas maintenant] […].L'énonciateur E1 […] est assimilé à un certain on, à une voix collective, à l'intérieur delaquelle le locuteur lui-même est rangé (1984 : 231) 2 .C<strong>et</strong> ailleurs/antérieur énonciatif est difficilement "montrable". Soit :(17) […] les électeurs ne tomberont plus dans le piège <strong>du</strong> populisme <strong>et</strong> de la démagogie.C<strong>et</strong> énoncé en présuppose un autre : [les électeurs sont tombés dans le piège <strong>du</strong> populisme<strong>et</strong> de la démagogie.], assertion attribuable à e1, énonciateur co-référentiel à (ou incluant) E1 .Est-il possible de référer à c<strong>et</strong>te assertion ? Les marqueurs dialogiques comme cela(contrairement à ce qui) a été dit , si on les ajoute à (17) :(17a) […] les électeurs ne tomberont plus dans le piège <strong>du</strong> populisme <strong>et</strong> de ladémagogie, comme cela (contrairement à ce qui) a été dit,1 Il serait cependant erroné de voir dans toute nominalisation un marqueur de langue debois. La vertu première de la nominalisation semble bien plutôt tenir à l'économie de<strong>discours</strong> qu'elle perm<strong>et</strong> de réaliser : elle reprend, en économie d'opérationsactualisantes, un énoncé précédemment asserté cotextuellement dans le champénonciatif de l'énoncé en cours.2 Pour une critique de c<strong>et</strong>te <strong>analyse</strong>, cf. Rubbatel 1990.
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