l'ensemble <strong>des</strong> formulations auxquelles l'énoncé se réfère (implicitement ou non) soitpour les répéter, soit pour les modifier ou les adapter, soit pour s'y opposer, soit pour enparler à son tour ; il n'y a pas d'énoncé qui d'une manière ou d'une autre n'en réactualised'autres (ibid., p.130).L'énoncé dès lors ne peut plus être traité, selon la perspective de l'<strong>analyse</strong> structurale, dansses seules clôtures internes — qui apparaissent pour ce qu'elles sont : une dénégation del'hétérogénéité — mais doit être rapporté à de l'extérieur constitutif. Pêcheux 1975, en appuisur le marxisme <strong>et</strong> la psych<strong>analyse</strong>, théorisera c<strong>et</strong> « ensemble de formulations » commeinter<strong>discours</strong>, leur réactualisation comme intra<strong>discours</strong> (p.146). Les différentes équipes en<strong>analyse</strong> <strong>du</strong> <strong>discours</strong> qui s'organiseront autour de Michel Pêcheux approfondiront la question<strong>des</strong> relations <strong>du</strong> <strong>discours</strong> à c<strong>et</strong> extérieur constitutif <strong>et</strong> lui apporteront <strong>des</strong> réponsesd'importance, dont celles d'Authier-Revuz (1982,1995) qui pose de la sorte l'articulation <strong>du</strong><strong>discours</strong> à l'autre :tout <strong>discours</strong> s'avère constitutivement traversé par les "autres <strong>discours</strong>" <strong>et</strong> par le"<strong>discours</strong> de l'Autre". L'autre n'est pas un obj<strong>et</strong> (extérieur ; dont on parle) mais unecondition (constitutive ; pour qu'on parle) <strong>du</strong> <strong>discours</strong> d'un suj<strong>et</strong> parlant qui n'est pas lasource première de ce <strong>discours</strong> (1982 : 141).1.2. DialogismeQuelque quarante ans avant Foucault 1 , Bakhtine posait dans toute sa force l'autre en<strong>discours</strong> à travers le concept de dialogisme. La réalité langagière de la langue en <strong>discours</strong>,c'est le dialogue sous sa double forme de— dialogue externe, marqué par l'alternance <strong>des</strong> tours de parole référés à <strong>des</strong> énonciateursdifférents : il s'agit de la dimension dialogale, que réalisent les genres dialogaux (p. ex. laconversation) mais pas les genres monologaux (p. ex. l'article de presse ou le roman).L'<strong>analyse</strong> conversationnelle a décrit dans leur complexité les marqueurs dialogaux — gestion<strong>des</strong> places transitionnelles, phatiques, régulateurs… — qui font apparaître l'activité de parolecomme co-énonciation. L'autre n'est pas le simple récepteur de ma parole : il en est lemédiateur ; <strong>et</strong>, plus fondamentalement encore, dans la perspective praxématique, lacondition : je ne parle que pour (tenter de) répondre à l'appel toujours-déjà lancé par l'autre ;— dialogue interne, ou dimension dialogique, que réalisent tant les genres monologauxque les genres dialogaux. Le dialogisme est c<strong>et</strong>te dimension constitutive qui tient à ce que le<strong>discours</strong> ne peut pas ne pas se réaliser dans un dialogue implicite avec d'autres <strong>discours</strong> <strong>et</strong> cecidoublement :(i) par dialogisation interdiscursive : l'énonciateur, dans sa saisie d'un obj<strong>et</strong>, rencontreles <strong>discours</strong> précédemment tenus par d'autres sur ce même obj<strong>et</strong>, <strong>discours</strong> avec lesquels il nepeut manquer d'entrer en interaction 2 . « Le <strong>discours</strong> rencontre le <strong>discours</strong> d'autrui sur tous leschemins qui mènent vers son obj<strong>et</strong>, <strong>et</strong> il ne peut pas ne pas entrer avec lui en interaction vive<strong>et</strong> intense » (1934/1978 : 92).(ii) par dialogisation interlocutive : l'énonciateur s'adresse à un énonciataire sur lacompréhension-réponse <strong>du</strong>quel il ne cesse d'anticiper : « Tout <strong>discours</strong> est dirigé sur uneréponse <strong>et</strong> ne peut échapper à l'influence profonde <strong>du</strong> <strong>discours</strong>-réplique prévu. […] Seconstituant dans l'atmosphère <strong>du</strong> déjà-dit [= dialogisme interdiscursif], le <strong>discours</strong> est1 J'ignore si Foucault connaissait les écrits de Bakhtine.2 Par c<strong>et</strong> aspect, dialogisme recouvre quasiment le même sens qu'intertextualité. Il seraitcependant ré<strong>du</strong>cteur d'assimiler les deux notions, comme le fait Todorov : « Le caractèrele plus important de l'énoncé […] est son dialogisme, c'est-à-dire sa dimensionintertextuelle » (1981 : 8 ; cf aussi p. 95).
déterminé en même temps par la réplique non encore dite, mais sollicitée <strong>et</strong> déjà prévue »(1934/1978 : 103).Après avoir affirmé la différence de nature de ces deux 1 dialogisations, Bakhtine ajoutequ'elles « peuvent néanmoins s'entrelacer très étroitement, devenant difficiles à distinguerl'une de l'autre » (1934/1978 : 105) : c'est que la première tient à la rencontre <strong>des</strong> <strong>discours</strong>d'autrui, la seconde à la rencontre d'autrui comme <strong>discours</strong>. Rencontres de <strong>discours</strong>, c'est-àdiredialogue, fût-il interne :Toute énonciation, même sous forme écrite figée, est une réponse à quelque chose <strong>et</strong> estcontruite comme telle. Elle n'est qu'un maillon de la chaîne <strong>des</strong> actes de parole. Touteinscription prolonge celles qui l'ont précédée, engage une polémique avec elles, s'attendà <strong>des</strong> réactions actives de compréhension, anticipe sur celles-ci, <strong>et</strong>c. (Bakhtine1929/1977 : 105).Toute énonciation, quelque signifiante <strong>et</strong> concrète qu'elle soit par elle-même, neconstitue qu'une fraction d'un courant de communication verbale ininterrompu(ibid. : 136).Le fonctionnement de l'énoncé monologal est rapporté à celui <strong>du</strong> tour de paroledialogal : comme lui, il répond à <strong>des</strong> énoncés qui l'ont précédé <strong>et</strong> suscité <strong>et</strong> anticipe sur <strong>des</strong>énoncés ultérieurs qu'il suscite. Relevons dans les citations les termes de maillon <strong>et</strong> defraction : tout énoncé apparaît dans sa joyeuse incomplétude qui fait signe vers d'autresénoncés <strong>et</strong> invite à le replacer dans les dialogues internes (<strong>et</strong>, pour les genres dialogaux,externes) qui présidèrent à sa pro<strong>du</strong>ction, <strong>et</strong> peuvent seuls rendre compte de sa structure.L'autre en <strong>discours</strong> prend la forme de <strong>discours</strong> autres dont le <strong>discours</strong> procède, avec lesquels ilinteragit jusqu'à informer sa substance même. Ce qui con<strong>du</strong>it Authier-Revuz à poser que, dansla perspective dialogique bakhtinienne, l'autre « n'est ni le double d'un face à face, ni même le"différent", mais un autre qui traverse constitutivement l'un » (1982 : 103).Bakhtine prend soin de distinguer le dialogisme de la polyphonie : la polyphonie consisteen l'utilisation romanesque <strong>du</strong> dialogisme de l'énoncé quotidien 2 , utilisation dans laquelle lavoix <strong>du</strong> héros « résonne aux côtés de la parole de l'auteur <strong>et</strong> se combine d'une façonparticulière avec elle ainsi qu'avec les voix moins qualifiées <strong>des</strong> autres héros » (1961 : 11). Enconformité avec le champ musical auquel il est emprunté par métaphore, le terme depolyphonie pose ces différentes voix à égalité. Au contraire de l'énoncé quotidien qui (saufpeut-être dans le <strong>discours</strong> de l'aliéné), feuill<strong>et</strong>é par le dialogisme, présente les différentesinstances énonciatrices hiérarchiquement.2. Cadres de l'<strong>analyse</strong>La praxématique a radicalisé la remarque pédagogique de Tesnière selon qui « le nœudverbal […] exprime tout un p<strong>et</strong>it drame » 3 . La spectacularisation de la réalité peut être depremier degré :(1) les manifestants posent <strong>des</strong> questions sans apporter de réponses.1 Bakhtine pose un troisième type de dialogisme : « les rapports de dialogue entre lesuj<strong>et</strong> parlant <strong>et</strong> sa propre parole » (Bakhtine 1963/1970 : 212). Je ne traiterai pas dec<strong>et</strong>te dimension autodialogique.2C'est pourtant à partir <strong>du</strong> concept de polyphonie <strong>et</strong> non de celui de dialogisme que Ducrot1984 construit sa « théorie polyphonique de l'énonciation », en procédant à « une extension(très libre) à la linguistique <strong>des</strong> recherches de Bakhtine sur le littéraire » (p.173).3 Tesnière L., 1959/1982, Eléments de syntaxe structurale, Paris : Klincksieck, p. 102.
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