E1, en disant [si x], suspend l'assertion de la proposition x imputée à e1 (recul de la thèse àl'hypothèse) à la modalisation de y, le plus souvent pour en rej<strong>et</strong>er le bien-fondé.Remarquons, qui confirme notre <strong>analyse</strong>, que e1 est parfois explicité :(27) Si, comme certains nous le disent, le bon taux c'est le taux zéro, il faudra expliquerà l'épargne française mo<strong>des</strong>te qu'elle ne doit plus être rémunérée.8.4. ComplétiveUne phrase peut être nominalisée par que, infinitisation ou nominalisation au sens restreint.Je n'aborderai ici que le premier cas, <strong>et</strong> seulement lorsque la phrase nominalisée a la fonctionde suj<strong>et</strong> 1 . Soit [que x + SV] :(28) « Les banlieues » sont présentées comme un poids mort pour la collectiviténationale. […] Que 25% de la population active vaudaise soit au chômage est un purscandale contre lequel nous développons <strong>des</strong> efforts acharnés.E1, en disant [que x], « désasserte » (Danon-Boileau <strong>et</strong> al., ibid., p. 112), par le subjonctif,l'assertion de la proposition x [25% de la population active vaudaise est au chômage.],imputée à e1 (implicite ; contextuellement : l'agent, lui-même implicite, <strong>du</strong> verbe passif de laphrase précédente sont présentées) : en fait un dictum qui trouve son mo<strong>du</strong>s dans le SV.La subordination avec thématisation de l'élément subordonné fait partie de ces tours quiperm<strong>et</strong>tent à E1 de prendre en compte la parole de e1, même si c'est pour s'opposer à elle.ConclusionJe terminerai par deux remarques :— L'<strong>analyse</strong> <strong>du</strong> <strong>discours</strong> doit, plus qu'elle ne l'a fait jusqu'à présent, accorder toute sonimportance au concept de dialogisme <strong>et</strong> s'attacher à la <strong>des</strong>cription de ses marques. Quelsautres tel <strong>discours</strong> convoque-t-il 2 ? quelle place (en termes quantitatifs comme en termesqualitatifs) leur accorde-t-il ? Quel type de marqueur tend-il à privilégier ? Dis-moi quels sonttes autres <strong>et</strong> comment tu les traites <strong>et</strong> je te dirai qui tu es 3 … Au-delà, le dialogisme ne perm<strong>et</strong>ilpas de revisiter la linguistique textuelle ? On remarque que, aux trois niveaux emboîtés del'énoncé, <strong>du</strong> paragraphe <strong>et</strong> <strong>du</strong> texte lui-même, le dialogisme tend à marquer les éléments1 En position d'obj<strong>et</strong>, la nominalisation phrastique rejoint la question plus générale <strong>du</strong><strong>discours</strong> rapporté indirect (Pierre prétend que Sophie le trompe), qui pose <strong>des</strong> problèmesspécifiques de dialogisme liés au sémantisme <strong>du</strong> verbe intro<strong>du</strong>cteur, que je choisis de nepas aborder ici.2Ou essaie-t-il d'effacer. Un seul exemple : on sait que Benveniste a pris grand soin à ne passe référer à la théorisation de Guillaume — par ex. à la question de Ricœur, lors d'un débat,lui demandant de se situer par rapport à celle-ci, il ne sera pas fait réponse (Benveniste1967/1974, p. 236, in Problèmes de linguistique générale II, Paris : Gallimard) —, à (essayerde) gommer de ses textes toute trace d'intertextualité avec la psychomécanique. Peineper<strong>du</strong>e : chassé par la porte <strong>du</strong> <strong>discours</strong> rapporté, le <strong>discours</strong> de l'autre revient, par ex. par lafenêtre de la négation : « Du signe à la phrase il n'y a pas transition […] » (1969/1974, p. 65,ibid.). Une oreille avertie en psychomécanique ne peut manquer d'entendre dans transition unmot de Guillaume dans son questionnement de la transition de la langue au <strong>discours</strong>.3 « La manière indivi<strong>du</strong>elle dont l'homme construit son <strong>discours</strong> est, pour une partconsidérable, déterminée par la sensation personnelle qu'il a <strong>du</strong> mot de l'autre <strong>et</strong> par lesmoyens qu'il a d'y réagir » (Bakhtine 1963/1970, p. 229).
initiaux. Par exemple, au niveau textuel : les titres s'avèrent fréquemment frappés dedédoublement énonciatif, rarement les conclusions. Au niveau phrastique : le dialogismeaffecte particulièrement les subordonnées à l'initiale. Thématisation de la parole de l'autre : nepeut-on concevoir que la pro<strong>du</strong>ction discursive, aux trois niveaux <strong>du</strong> texte, <strong>du</strong> § <strong>et</strong> del'énoncé, va <strong>du</strong> dialogique (le thème) au monologique (le rhème) : de [E1(e1)] à [E1], <strong>du</strong>commun au propre (illusoire bien sûr) ? C<strong>et</strong> ordre ne nous montre-t-il pas la façon dont lemême tente de se dégager de l'autre, ce en quoi consisterait la pro<strong>du</strong>ction discursive ellemême?— L'importance quantitative <strong>du</strong> dialogisme n'atteste-t-elle pas que le suj<strong>et</strong> parlant est, plusencore qu'un « homme de paroles », un homme de dialogues ? Même si c'est ré<strong>du</strong>cteur, onpeut dire avec Bakhtine que le dialogisme est la façon pour le texte monologal de direl'interaction verbale dans un genre <strong>du</strong> <strong>discours</strong> qui ne peut l'accueillir sous sa formedialogale :Dans les limites d'un énoncé, le locuteur (ou le scripteur) pose <strong>des</strong> questions, y répondlui-même, oppose <strong>des</strong> objections que lui-même réfute, <strong>et</strong>c. Ces phénomènes ne sont quela simulation conventionnelle de l'échange verbal (Bakhtine 1979/1984, p. 278).On n'échappe pas au dialogue : humain, trop humain. Voilà qui a <strong>des</strong> conséquencesd'importance au niveau discursif : le dialogue pose fondamentalement — à travers laréversibilité de la personne — l'égalité <strong>des</strong> interlocuteurs. Le dialogisme se présente certescomme une hiérarchisation ([E1(e1)]). Mais citer la parole de l'autre, fût-ce pour la rej<strong>et</strong>ersans appel dans le tour le plus agonal, c'est se placer avec l'autre sur un pied d'égalitéinterlocutive. Le dialogue que perm<strong>et</strong> le dialogisme place le suj<strong>et</strong> parlant dans la mêlée <strong>des</strong><strong>discours</strong> à égalité de droits <strong>et</strong> de devoirs. Vouloir se placer au-<strong>des</strong>sus de c<strong>et</strong>te mêlée c'estpéché d'orgueil <strong>et</strong>, nous l'avons vu, peine per<strong>du</strong>e. Ce que ne dit pas le texte biblique, c'est queDieu châtia les hommes pour l'édification de la Tour de Babel non seulement par lamultiplication <strong>des</strong> langues mais aussi par l'imposition <strong>du</strong> dialogisme…— Bienheureux châtiment en tout cas : le principe dialogique, l'impossible clôture <strong>du</strong><strong>discours</strong> sur lui-même, c'est dans la perspective bakhtinienne le signe <strong>du</strong> joyeux inachèvementde l'humain, de la possibilité de l'histoire qui libère, à l'opposé de l'achevé de toute éternité <strong>du</strong>divin, de l'ordre monologique qui asservit. On ne peut qu'être frappé à la lecture <strong>des</strong> textes deBakhtine d'une part, de ceux <strong>des</strong> membres de l'équipe Pêcheux d'autre part, de la différence d<strong>et</strong>on, plus précisément encore de climat, dans la prise en compte de l'altérité constitutive <strong>du</strong><strong>discours</strong> à lui-même : enthousiasme <strong>et</strong> allégresse ici, dramatisation voire désespoir tragique là(l'humour de Michel.Pêcheux…). On peut certes en rendre compte par la différence de niveaude l'<strong>analyse</strong> : Bakhtine n'avait pas rencontré le grand Autre de l'insconscient qui construit lesuj<strong>et</strong> en totale extériorité à lui-même. Il me semble cependant y avoir plus : <strong>et</strong> si les <strong>analyse</strong>sde l'école Pêcheux s'inscrivaient historiquement dans le courant <strong>du</strong> « sérieux unilatéral <strong>et</strong> àsignification unique » (Bakhtine 1963/1970, p. 195) qui n'en finit pas de faire son deuil <strong>du</strong>cogito cartésien, alors que celles de Bakhtine s'inscrivent dans l'autre courant : celui <strong>du</strong>« comique-sérieux », « pénétré de sensibilité carnavalesque » (ibid., 125) qui fait <strong>du</strong> relatif <strong>et</strong><strong>du</strong> rire la mesure de toute chose ?Bibliographie
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