La <strong>du</strong>alité énonciative, si elle structure tout énoncé dialogique, peut le faire de façons fortvariées, qui tiennent principalement au mode de présence de l’énoncé enchâssé [e] dansl’énoncé enchâssant [E] (Bres 2005b). Qu’en est-il de l’énoncé clivé ?1.2. Clivage, rhématisation, dialogismeEn appui sur mes recherches antérieures – notamment mon travail de thèse –j’expliciterai les relations entre clivage, rhématisation <strong>et</strong> dialogisme.1.2.1. Rhématisation <strong>et</strong> dialogismeLa question <strong>des</strong> relations entre les notions de thème / rhème d’une part, <strong>et</strong> de dialogismed’autre part mérite à elle seule une réflexion spécifique. Je ne fais ici qu’effleurer lerapport entre rhème <strong>et</strong> dialogisme, pour les besoins de la mise en relation entre clivage<strong>et</strong> passif. La structure canonique de l’énoncé français est thème / rhème. La partierhématique d’un énoncé est potentiellement dialogique, en ce sens que l’ « apportd’information » avancé par un énonciateur E1 peut, suivant les contextes, être compriscomme venant se substituer au rhème d’un autre énonciateur e1 sur le même thème.Prenons l’énoncé suivant extrait d’un article de journal intitulé Le malaise <strong>du</strong> RPR 1 :(3) il aurait fallu situer la sortie de la crise sur le terrain <strong>des</strong> idées. (Le Monde, 20.11. 1999)La place terminale <strong>du</strong> SP « sur le terrain <strong>des</strong> idées » en fait un syntagme à valeurrhématique. On peut in<strong>du</strong>ire facilement de cela que le scripteur donne peut-être c<strong>et</strong>teprécision pour s’opposer à un autre <strong>discours</strong>, tenu par un autre énonciateur, qui situeraitla sortie de la crise par exemple « sur le terrain <strong>des</strong> personnes ».C<strong>et</strong>te potentialité dialogique de la partie rhématique de l’énoncé me semble parfoisexplicitement actualisée, comme dans le texte suivant, affiché dans le bureau de postede mon quartier. Quelques précisions pour sa compréhension : le facteur, lorsqu’il nepeut déposer un paqu<strong>et</strong> dans une boîte aux l<strong>et</strong>tres, laisse un document invitant le<strong>des</strong>tinataire à venir r<strong>et</strong>irer le paqu<strong>et</strong> en question le lendemain à partir de 10 heures. Lesclients viennent souvent le lendemain, mais dès 9 heures, ne peuvent entrer enpossession de leur courrier, ce qui entraîne parfois <strong>des</strong> interactions plutôt agonales…,comme j’en ai été à plusieurs reprises témoin. C’est sans doute pour éviter les échangesconflictuels que depuis quelque temps est apposé ce texte-ci, en grosses l<strong>et</strong>tres :(4)Avis à notre clientèleToutes les instances <strong>du</strong> jour sont à r<strong>et</strong>irer le lendemain aux guich<strong>et</strong>sAPRES 10 HEURES 2Pas à 9 heuresLe SP de temps après 10 heures, par sa place en fin d’énoncé, fonctionne comme rhème.Le fonds dialogique sur lequel, en tant que tel, il se pro<strong>du</strong>it, est ici doublement signifié :par l’insistance typographique (majuscules, soulignement, caractères gras), <strong>et</strong> par lesyntagme qui le suit : pas à 9 heures. La négation, en tant que marqueur dialogique,invite à présupposer un énoncé [e], approximativement quelque chose comme : « lesinstances peuvent être r<strong>et</strong>irées le lendemain à 9 heures ». C<strong>et</strong> énoncé, implicitementimputé à un énonciateur e1 (non explicité, mais récupérable discursivement : le client)est infirmé par le SP négatif pas à 9 heures, auquel le SP après 10 heures se substitue.Le soulignement typographique comme le SP négatif qui suit, actualisent explicitement lapotentialité dialogique <strong>du</strong> SP rhématique après 10 heures : le <strong>discours</strong> de l’institutions’affirme contre le <strong>discours</strong> de la clientèle, qu’il sous-entend (soulignement), présuppose(SP négatif), <strong>et</strong> auquel il se substitue par son énonciation.1 Que nous analysons dans Bres <strong>et</strong> Nowakowska 2005a.2 Les majuscules, le soulignement ainsi que les caractères gras sont ceux <strong>du</strong> document.
1.2.2. Clivage <strong>et</strong> rhématisationUne phrase clivée canonique a la forme c’est y qu-z (c’est Pierre qui est venu) oùl’élément c’est correspond, selon la grammaire générative <strong>et</strong> transformationnelle, auprésentatif, l’élément y constitue le focus, la partie z constitue la phrase tronquée,amputée <strong>du</strong> syntagme y, intro<strong>du</strong>ite par le pronom qu-, dont la forme est qui lorsque y ala fonction suj<strong>et</strong> <strong>et</strong> que pour les autres fonctions. La phrase clivée peut également avoirla forme complexe, auquel cas, elle comporte une négation prédicative : ce n’est pas xqu-z, c’est (/ mais) y. Le clivage consiste à extraire un syntagme d’une proposition àl’aide de la particule discontinue c’est… qu-. C<strong>et</strong>te opération, qui peut s’appliquer à laplupart <strong>des</strong> syntagmes de la structure phrastique 1 , revient, en termes de syntaxestrictement intraphrastique, à faire de l’élément extrait y, intro<strong>du</strong>it par la séquence c’est(c’est y qu- z), un attribut. Or l’attribut est par excellence une fonction rhématique. Desorte que l’on peut décrire le clivage comme une opération de rhématisation, quicomplémentairement <strong>et</strong> secondairement revient à thématiser l’élément z intro<strong>du</strong>it parqu-, qu- z fonctionnant comme une relative thématique. Et c’est bien c<strong>et</strong>te fonction derhématisation que l’on r<strong>et</strong>rouve dans tous les énoncés clivés en français, comme le faitapparaître la comparaison d’un énoncé russe avec la tra<strong>du</strong>ction françaisecorrespondante :(5a) Vecherom monaxi peli strojno, vdoxnovenno, slurzil molodoj ieromonax schernoj borodoj; (Tchekov, L’Evêque)sluzil molodoj ieromonax s chernoj borodoj(/verbe/officiait /adj./jeune /nom/moine /prép./avec /adj./noire /nom/barbe)(officiait jeune moine avec noire barbe)(5b) Le soir les moines firent entendre un chant harmonieux, inspiré, c’était unjeune moine à barbe noire qui officiait. (Tchekhov, L’Evêque)Le russe, langue dite à ordre <strong>des</strong> mots libre, peut placer en position initiale thématiquele verbe (sluzil : officiait), qui reprend par anaphore infidèle l’élément de la phraseprécédente ( Vecherom monaxi peli strojno, vdoxnovenno : le soir les moines chantaientharmonieusement <strong>et</strong> de façon inspirée) ; <strong>et</strong> en position seconde, rhématique, le suj<strong>et</strong>(molodoj ieromonax : jeune moine). Le français, sans s’interdire absolument l’ordreverbe / suj<strong>et</strong>, ce qui donnerait :(5 b’) Le soir les moines firent entendre un chant harmonieux, inspiré, officiait unjeune moine à barbe noire.est fortement adepte de l’ordre suj<strong>et</strong> / verbe. Soit donc :(5 b’’) Le soir les moines firent entendre un chant harmonieux, inspiré, un jeunemoine à barbe noire officiait.C<strong>et</strong>te solution possible est d’ailleurs celle choisie par le tra<strong>du</strong>cteur anglais :(5c) The monks sang melodiously that evening; a young, black-bearded priestofficiated.1 Toutes les catégories <strong>et</strong> fonctions faisant partie de la valence verbale peuvent être encadrés par c’est… qu-. Lesrestrictions pèsent sur les éléments extraprédicatifs, comme par exemple le complément <strong>du</strong> nom ou l’adverbe dephrase, ainsi que sur les éléments incompatibles avec l’opération d’identification (Nowakowska 2002) effectuéepar le clivage, par exemple les pronoms vi<strong>des</strong> sur le plan référentiel rien, personne, ou la subordonnée intro<strong>du</strong>itepar puisque, contenant une présupposition.
- Page 1 and 2: Jacques Bres Le 1er septembre 2008B
- Page 3: 1. Dialogisme syntaxique, clivage1.
- Page 7 and 8: To na mnie tak warczal(/pronom/ce/p
- Page 9 and 10: équivalence. Qu’est-ce qui justi
- Page 11: occurrences de clivage peuvent-elle
- Page 14 and 15: sieste, ce n’est pas contre le so
- Page 17 and 18: 3. Dialogisme. On peut considérer
- Page 19 and 20: Authier-Revuz J., 1995, Ces mots qu
- Page 21 and 22: La notion de dialogisme a été tir
- Page 23 and 24: 105, « dialogicheskoe vzaimodestvo
- Page 25 and 26: l'Allemagne sont antagonistes] à u
- Page 27 and 28: clivage, conditionnel, hypothèse,
- Page 29 and 30: al. (1985, chap. 1), ou de Kerbrat-
- Page 31 and 32: (13) FM16 - +++ ah ! // "affaire Ha
- Page 33 and 34: Elles ne sauraient non plus nous ma
- Page 35 and 36: 1999, « Vous les entendez ? Analys
- Page 37 and 38: présenté comme ayant déjà statu
- Page 39 and 40: La négation pose la relation E1/e1
- Page 41 and 42: supérieure à celle du terme compa
- Page 43 and 44: contradiction argumentative de w, p
- Page 45 and 46: services à la subordination énonc
- Page 47 and 48: initiaux. Par exemple, au niveau te
- Page 49 and 50: Jacques BresPraxilingUPRES-A 5475 :
- Page 51 and 52: déterminé en même temps par la r
- Page 53 and 54: dans laquelle E1 met en scène un a
- Page 55 and 56:
Que la saisie de l'interrogation so
- Page 57 and 58:
Le détachement [z, non x, y] 1 se
- Page 59 and 60:
tactiquement à E1 à masquer 1 l'a
- Page 61 and 62:
il pas de concevoir que le dialogis
- Page 63 and 64:
La dialogisation intérieure du dis
- Page 65 and 66:
Un énoncé est relié non seulemen
- Page 67 and 68:
Cette approche nous a permis de dé
- Page 69 and 70:
- du type de discours politique (no
- Page 71 and 72:
Une première lecture permet de rel
- Page 73 and 74:
L’énonciateur e1 n’est pas exp
- Page 75 and 76:
sur l’argument x [la réaffirmati
- Page 77 and 78:
l’avancée de son propre discours
- Page 79 and 80:
non image, mais en efficacité » -
- Page 81 and 82:
Plus généralement, le scripteur p
- Page 83 and 84:
Bres (J.) et Verine (B.), 2003, «