A1 - […] un embargo sur les exportations d’armes létalesB2 - c’est-à-dire ?A3 - mortellesPrécisons ce qui distingue le dialogisme responsif <strong>du</strong> dialogisme citatif : l’élément que nousanalysons comme responsif est, en termes conversationnels, le tour réactif qui forme avec le tourinitiatif sous-enten<strong>du</strong> une paire adjacente de type question / réponse (B2 / A3) ; l’énoncédialogique responsif ne « rapporte » pas sous forme x un énoncé [e], il n’est donc pas habité parune <strong>du</strong>alité énonciative ; à l’énoncé [e] <strong>du</strong> dialogisme citatif correspond dans le dialogismeresponsif, le tour B2, qui ne peut être que supposé. Dans le dialogisme interlocutif citatif,l’énonciateur « dialogue » avec les arguments imaginés comme pro<strong>du</strong>its par l’énonciataire dans lecours <strong>du</strong> texte, en réponse aux arguments qu’il avance ; dans le dialogisme interlocutif responsif,l’énonciateur anticipe sur la compréhension responsive de l’énonciataire, « dialogue » avec seséventuelles difficultés, en répondant par avance aux questions que son <strong>discours</strong> peut susciter.Le dialogisme responsif dispose de marqueurs spécifiques : parenthèses, mise entre tir<strong>et</strong>s, c’està-dire,glose, reformulation 1 , <strong>et</strong>c…Il peut également se marquer par certains outils <strong>du</strong> dialogismecitatif comme le clivage (Nowakoswska 2004a). Mais il peut également se signifier sans aucunoutil linguistique, notamment dans les explications. Prenons l’exemple suivant, tiré d’un article depresse, qui donne <strong>des</strong> conseils pour éviter un œdème <strong>du</strong> bras :(14) Ménager le bars touché : ne pas porter d’obj<strong>et</strong>s lourds, ne pas faire de mouvementsbrusques <strong>et</strong>/ou répétitifs comme tirer une porte lourde ou tricoter de longues heures.La première partie de l’énoncé, en caractère gras, formulée comme un ordre indirect à l’attention<strong>du</strong> lecteur, peut susciter une demande de précision de la part de ce dernier <strong>du</strong> type : que dois-jefaire ou ne pas faire pour ménager mon bras ? Les deux points perm<strong>et</strong>tent d’intro<strong>du</strong>irel’explicitation à c<strong>et</strong>te question présupposée, à laquelle répond la suite de l’énoncé.L’intro<strong>du</strong>ction de la notion de dialogisme responsif, si elle enrichit considérablement laproblématique, n’ouvre-t-elle pas grand la porte à de trop nombreux faits de <strong>discours</strong> ? N’est-cepas toute phrase d’un texte qui peut sembler répondre à une question <strong>du</strong> <strong>des</strong>tinataire ? N’est-cepas toute structure textuelle qui est analysable en termes de dialogisme responsif (songeons p.ex. à la façon dont Labov (1972 / 1978 : 307) montre que les différentes parties qu’il vient dedégager dans le récit oral sont autant de réponses à <strong>des</strong> questions implicites <strong>du</strong> narrataire) ?N’est-ce pas tout genre <strong>du</strong> <strong>discours</strong> qui peut être conçu comme le tour réactif apportant réponse àun tour initiatif sous-enten<strong>du</strong> (songeons p. ex. à la notice de montage qui répond par avance à laquestion : « Comment on fait pour assembler les différentes parties ? ») ?… Nous rejoignons ainsil’orientation de tout énoncé vers les autres <strong>discours</strong>, le dialogisme constitutif de tout actelangagier. A tout expliquer, la notion de dialogisme a-t-elle encore <strong>des</strong> vertus explicatives ?ConclusionLa notion de dialogisme nous paraît à l’heure actuelle aussi indispensable que… problématique.Problématique de par son articulation encore pas suffisamment claire à la notion de dialogal ;problématique, plus encore, par le fait que, une fois que l’on a exercé son oreille, on entend <strong>des</strong>voix partout pour paraphraser Bakhtine ; <strong>et</strong> que les harmoniques dialogiques ne se manifestentpas toujours sous formes de traces sonnantes <strong>et</strong> trébuchantes. Les terres <strong>du</strong> dialogismeapparaissent sans limite, <strong>et</strong> ce non-bornage est tout autant signe de faiblesse que de force.Pourtant, ces difficultés ne sauraient nous masquer son caractère heuristique : après tout, c’estpeut-être parce que le dialogisme est au principe de la pro<strong>du</strong>ction discursive que rentrent dansson champ <strong>des</strong> phénomènes aussi hétéroclites que la mise en paragraphe, le conditionnel oul’insistance intonative.1 Notre recherche sur ce point ne fait que commencer. Nous devrons l’articuler notamment aux travauxd’Authier-Revuz (1995) sur la modalisation autonymique, d’A. Steuckhardt <strong>et</strong> A. Niklas-Salminen 2003 sur laglose.
Elles ne sauraient non plus nous masquer que la notion de dialogisme, dans la lecture que nousen faisons, perm<strong>et</strong> de faire quelques pas au-delà <strong>du</strong> point où nous avaient con<strong>du</strong>its l’<strong>analyse</strong> <strong>du</strong><strong>discours</strong> d’une part, la problématique de l’énonciation de l’autre. Articulons pour finir dialogisme<strong>et</strong> énonciation : Si la notion d’énonciation en tant que « mise en fonctionnement de la langue parun acte indivi<strong>du</strong>el d’utilisation » (Benveniste 1970 / 1974 : 80) perm<strong>et</strong> d’articuler langue, <strong>discours</strong><strong>et</strong> subjectivité, <strong>et</strong> même intersubjectivité, le dialogisme perm<strong>et</strong> d’intro<strong>du</strong>ire de la profondeur sousl’à-plat de la surface énonciative : la parole de l’énonciateur en acte de langage interagit nonseulement avec l’énonciataire mais avec d’autres voix qu’il ne peut manquer de rencontrer <strong>et</strong> quile feuill<strong>et</strong>tent énonciativement.Références bibliographiquesAmossy R., 2000, L’argumentation dans le <strong>discours</strong>, Paris : Nathan.Amossy R., 2005, « De l'apport d'une distinction : dialogisme vs polyphonie dansl'<strong>analyse</strong> argumentative », in Bres <strong>et</strong> al. 2005 (à paraître).Anscombre J. –Cl., 1990, « Thèmes, espaces discursifs <strong>et</strong> représentationévénementielle » , in Anscombre J. –Cl. <strong>et</strong> Zaccaria G. (éd.), Fonctionnalisme <strong>et</strong>pragmatique, Milan : Ed. Unicopli, Testi e studi 76, 43-150.Anscombre J. –Cl., 2005, « Le On-locuteur : une entité aux multiples visages », in Bres<strong>et</strong> al. 2005, (à paraître).Authier-Revuz J., 1995, Ces mots qui ne vont pas de soi, Paris : Larousse.Bakhtine M., 1929/1977, Le marxisme <strong>et</strong> la philosophie <strong>du</strong> langage, Paris : Minuit.Bakhtine M., 1934/1975/1978, « Du <strong>discours</strong> romanesque », in Esthétique <strong>et</strong> théorie <strong>du</strong>roman, Paris : Gallimard, Tel, 83-233.Bakhtine M., 1952/1979/1984a, « Les genres <strong>du</strong> <strong>discours</strong> », in Esthétique de la créationverbale, Paris : Gallimard, 265-308.Bakhtine M., 1952/1979/1984b, « Les Carn<strong>et</strong>s 1970-1971 », in Esthétique de la créationverbale, Paris : Gallimard, 351-377.Bakhtine M., 1963/1970, Problèmes de la poétique de Dostoïevski, Lausanne : L'âged'homme.Bally (C.), 1934/1965, Linguistique générale <strong>et</strong> linguistique française, Berne : Francke.Barbéris J. –M., 2005, « Le processus dialogique dans les phénomènes de reprise enécho », in Bres <strong>et</strong> al. 2005, à paraître.Barbéris J.-M. <strong>et</strong> Bres J., 2002, « Ping<strong>et</strong>, Le Libera : <strong>analyse</strong> textuelle de l’incipit », in E.Roul<strong>et</strong> (éd.) Pragmatique <strong>et</strong> <strong>analyse</strong> textuelle. Actes <strong>du</strong> colloque de Champoussin,Nancy : Presses universitaires de Nancy, 83-124.Bell A., 1984, « Language style as audience <strong>des</strong>ign », Language un Soci<strong>et</strong>y 13, 2, 145-204.Benveniste E., 1970 / 1974, « L’appareil formel de l’énonciation », Problèmes delinguistique générale II, Paris : Gallimard, 79-88.Bres J., 1997, « Pro<strong>du</strong>ction de sens : interaction, dialogisme, actualisation », in BaggioniD. <strong>et</strong> Larcher P. (éds) Le contrôle social <strong>du</strong> sens, Aix-en-Provence : Pressesuniversitaires de provence, 105-111.Bres J., 1998, « Entendre <strong>des</strong> voix : de quelques marqueurs dialogiques en français », inBres J., Legrand R., Madray F. <strong>et</strong> P. Siblot (éd.), L'autre en <strong>discours</strong>, Montpellier III,Praxiling, 191-212.Bres J., 1999, « Vous les entendez ? De quelques marqueurs dialogiques », Modèleslinguistiques, XX, 2, 71-86.Bres J., 2005a, « Sous la surface textuelle, la profondeur énonciative. Ebauche de<strong>des</strong>cription <strong>des</strong> façons dont se signifie le dialogisme de l’énoncé » in P. Haill<strong>et</strong> (éd.),Actualité de Bakhtine (à paraître).Bres J., 2005b, « Savoir de quoi on parle : dialogal, dialogique, polyphonique », in Bres<strong>et</strong> al. 2005, à paraître.Bres J., Haill<strong>et</strong> P., Mell<strong>et</strong> S., Nølke H., Rosier L. (éd.), 2005, Dialogisme, polyphonie :approches linguistiques, Actes <strong>du</strong> colloque de Cerisy, sept 2004, à paraître.
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