2004, Cahiers de praxématique 43, 25-56Aleksandra NowakowskaPraxiling, ICAR UMR 5191 CNRS-Montpellier 3aleksandra.nowakowska@univ-montp3.fr<strong>Syntaxe</strong>, textualité <strong>et</strong> dialogisme : clivage, passif, si z c’est yIntro<strong>du</strong>ctionLe dialogisme peut être défini comme « l’orientation de tout <strong>discours</strong>, constitutive <strong>et</strong> auprincipe de sa pro<strong>du</strong>ction, vers d’autres <strong>discours</strong> : les <strong>discours</strong> réalisés antérieurementsur le même obj<strong>et</strong> de <strong>discours</strong>, le <strong>discours</strong>-réponse qu’il sollicite, lui-même en tant que<strong>discours</strong> » (Bres <strong>et</strong> Nowakowska 2005, voir également Moirand 2002). C<strong>et</strong>te orientationse marque notamment au niveau de la syntaxe de ses énoncés 1 . Ducrot 1984, Bres 1998<strong>et</strong> 1999, Nølke, Fløttum <strong>et</strong> Norén 2004, entre autres auteurs, ont répertorié <strong>et</strong> décritcomme dialogiques 2 le <strong>discours</strong> rapporté, la modalisation autonymique, le conditionnel, lanégation, la comparaison, le renchérissement, la confirmation, la concession,l’opposition, l’interrogation, le détachement, <strong>et</strong>c. J’ai moi-même (Nowakowska 2004)étudié le dialogisme <strong>du</strong> clivage (c’est y qu- z : c’est son insouciance qui me plaît) <strong>et</strong> <strong>du</strong>pseudo-clivage (ce qu- z, c’est y : ce qui me plaît, c’est son insouciance). La présentecommunication, après avoir précisé les cadres de l’<strong>analyse</strong> <strong>et</strong> le rapport entre clivage,rhématisation <strong>et</strong> dialogisme, étudiera deux tours qui, dans les tra<strong>du</strong>ctions d’un mêmeénoncé dans différentes langues, se présentent parfois en relation paraphrastique avec leclivage : le passif, <strong>et</strong> le tour si z, c’est y. Je tâcherai de répondre aux deux questionssuivantes : qu’est-ce qui perm<strong>et</strong> de rendre compte <strong>du</strong> fait que le clivage puisse avoircomme équivalent tra<strong>du</strong>ctif le passif dans certains cas, mais pas dans tous ? Commentexpliquer la place de l’élément si z qui, dans le tour si z, c’est y, figure plutôt enpremière position, alors que dans les tours hypothétiques sans présentatif (si P, Q), si Ppeut se présenter aussi bien en position initiale : si j’avais les yeux verts, jeressemblerais à Vittorio Gassman (Si P, Q) qu’en position finale : je ressemblerais àVittorio Gassman, si j’avais les yeux verts (Q, si P) ?Le corpus sur lequel je fonde c<strong>et</strong>te recherche est principalement celui de ma thèse : ils’agit d’un corpus littéraire, comportant plusieurs ouvrages : Les Nouvelles orientales deYourcenar, deux nouvelles de Tchékhov (La dame au p<strong>et</strong>it chien <strong>et</strong> L’évêque) <strong>et</strong>Ferdy<strong>du</strong>rke de Gombrowicz, tra<strong>du</strong>its en quatre langues 3 : anglais, français, polonais <strong>et</strong>russe. Les autres occurrences, peu nombreuses, proviennent d’un corpus de presse (LeMonde, Midi Libre) <strong>et</strong> d’un corpus d’interactions orales.1 Mais pas exclusivement : voir Moirand ici même, ou Bres 2005a.2 Ou polyphoniques : on sait que Ducrot – <strong>et</strong> à sa suite, les chercheurs qui prennent appui sur ses travaux –parlent non de dialogisme, mais de polyphonie (Cf. Nowakowska 2005).3 La présence d’une l<strong>et</strong>tre après le chiffre signifie qu’il s’agit d’une occurrence tirée <strong>du</strong> corpus littéraire <strong>et</strong>multilingue dans lequel la l<strong>et</strong>tre a précise la langue source, les autres l<strong>et</strong>tres (b, c, d) indiquent les tra<strong>du</strong>ctions.
1. Dialogisme syntaxique, clivage1.1. <strong>Syntaxe</strong> <strong>et</strong> dialogisme : énonciation, actualisationAu niveau de la syntaxe phrastique, le dialogisme se manifeste comme « dialogueinterne » (Bakhtine 1934/1975/1978 : 102) à l’énoncé, à savoir qu’il est analysable endeux unités : un premier énoncé, auquel répond un second énoncé. Mais précisément <strong>du</strong>fait qu’il s’agit de dialogue interne <strong>et</strong> non de dialogue externe, c<strong>et</strong>te interaction semarque non par une alternance de tours mais par la <strong>du</strong>alité énonciative, le deux dansl’un (Authier-Revuz 1995) d’un seul <strong>et</strong> même énoncé syntaxique. Et c’est c<strong>et</strong>te <strong>du</strong>alitéénonciative qui définit l’énoncé dialogique. Prenons un exemple de marqueur canoniquede dialogisme, la négation, comme dans l’énoncé suivant :(1) Washington n’a pas décidé de libérer le monde de ses dictatures. (Le Monde, 29. 12. 2001)On dira que c<strong>et</strong> énoncé négatif, que nous appellerons [E], est dialogique (i) en ce qu’il« rapporte » un autre énoncé, affirmatif, que nous appellerons [e] (sans en mentionner lasource), que l’on peut reconstruire comme :(2) Washington a décidé de libérer le monde de ses dictatures. (énoncé [e]) 1Et (ii), en ce qu’il l’infirme par la négation. On teste la présence effective de (2) dans (1)par l’enchaînement possible suivant :(1’) Washington n’a pas décidé de libérer le monde de ses dictatures, comme leprétend G. W. Bush.Le pronom personnel le anaphorise non l’énoncé (1), mais l’énoncé (2), à savoir [e],comme l’atteste le remplacement <strong>du</strong> pronom anaphorique le par l’unité qu’il remplace :G. W. Bush prétend que Washington a décidé de libérer le monde de ses dictatures.L’énoncé dialogique tout à la fois « rapporte » un autre énoncé <strong>et</strong> dans le même temps« dialogue » avec lui. C<strong>et</strong>te relation de « dialogue » peut être d’infirmation (comme en(1)), de confirmation, de mise en débat, de concession, de substitution, <strong>et</strong>c., en fonction<strong>du</strong> marqueur dialogique par lequel elle se signifie.C<strong>et</strong>te approche perm<strong>et</strong> de définir précisément l’énoncé dialogique en termesd’actualisation. Dans l’énoncé monologique 2 , un énonciateur e1 actualise déictiquement<strong>et</strong> modalement un dictum, pour en faire un énoncé [e], ce qui est le cas de (2).Dans l’énoncé dialogique, l’actualisation déictique <strong>et</strong> modale de l’énonciateur que nousnommons E1 s’applique non pas à un dictum, mais à un élément présenté comme ayantdéjà statut d'énoncé, à savoir [e], qui en tant que tel a déjà fait l'obj<strong>et</strong> d’opérationsd’actualisation par un autre énonciateur (que nous appelons e1) (Bres 1998). Dans cescadres, on dira que dans l’occurrence (1), l'énonciateur E1 attribue l'assertion[Washington n’a pas décidé de libérer le monde de ses dictatures] à un autreénonciateur (e1), <strong>et</strong> se charge quant à lui de l’infirmer.1 Nous simplifions quelque peu : il peut s’agir également, par exemple, d’un énoncé interrogatif :Washington a-t-il décidé de libérer le monde de ses dictatures ?2 Il est bien évidemment possible de contester l’existence de l’énoncé monologique, car le dialogisme est unprincipe constitutif de la pro<strong>du</strong>ction langagière. Cependant c<strong>et</strong>te distinction nous paraît nécessaire pour théoriserl’énonciation dialogique.
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