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l'impact des technologies de communication sur les ... - D'Dline 2020

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PRéSENTATION GéNéRALE■■Les partenariats <strong>de</strong> rechercheEn 2007, le département Étu<strong><strong>de</strong>s</strong> et Recherche <strong>de</strong> l’Apeca lancé un premier appel à projets auprès <strong><strong>de</strong>s</strong> laboratoireset centres <strong>de</strong> recherche. Cette démarche désormaisrenouvelée chaque année vise à renforcer <strong>les</strong> liens avec<strong>les</strong> milieux <strong>de</strong> la recherche en développant <strong><strong>de</strong>s</strong> partenariats<strong>sur</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> thématiques intéressant l’Apec, <strong>les</strong> partenairessociaux et <strong>les</strong> clients <strong>de</strong> l’Apec.Chaque recherche porte <strong><strong>de</strong>s</strong> sujets différents et l’apport<strong>de</strong> l’Apec varie selon <strong>les</strong> projets : apport financier pouroptimiser <strong><strong>de</strong>s</strong> travaux en cours, appui technique pour<strong><strong>de</strong>s</strong> enquêtes <strong>sur</strong> Internet, contrat CIFRE…L’objectif est <strong>de</strong> construire <strong>de</strong> véritab<strong>les</strong> partenariats :<strong>les</strong> chercheurs apportent leurs expertises pointues etspécialisées pour approfondir <strong>les</strong> sujets et étudier <strong><strong>de</strong>s</strong>méthodologies spécifiques, le département Étu<strong><strong>de</strong>s</strong> etRecherche <strong>de</strong> l’Apec apporte lui une connaissance approfondie<strong>de</strong> l’emploi cadre développée <strong>de</strong>puis plus <strong>de</strong> quaranteans.■■Le partenariat avec le GrepsDans <strong>les</strong> étu<strong><strong>de</strong>s</strong> auprès <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres que nous menons auDépartement Étu<strong><strong>de</strong>s</strong> et Recherche <strong>de</strong> l’Apec, nous avonspendant longtemps posé <strong><strong>de</strong>s</strong> questions <strong>sur</strong> <strong>les</strong> équipementsinformatiques dont disposent <strong>les</strong> cadres et enparticulier <strong>sur</strong> leur niveau d’équipement, d’abord enordinateur, puis en connexion Internet. Cela a permis,durant <strong>les</strong> années 90, d’en suivre la progression foudroyanteet, pour finir, la banalisation, du moins pourune partie <strong><strong>de</strong>s</strong> équipements.C’est cette banalisation que la recherche menée parl’équipe du GRePS s’est donnée pour mission d’examiner<strong>de</strong> plus près, littéralement au plus près <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres ensituation <strong>de</strong> travail. Car si le constat du « banal » n’estpas erroné, il conduit à évacuer <strong>les</strong> conséquences <strong>de</strong> cemaillage technologique qui est désormais omniprésent.Les Technologies <strong>de</strong> l’Information et <strong>de</strong> la Communication,qui ne sont plus Nouvel<strong>les</strong>, mais se renouvellenten permanence, ont profondément reconfiguré l’organisationdu travail, mais aussi son contenu.La recherche du GRePS éclaire aussi crûment leurs effets<strong>sur</strong> <strong>les</strong> conditions <strong>de</strong> travail, autrement dit <strong>sur</strong> <strong>les</strong> individusqui s’en servent. S’y adapter et « faire avec » ne sontplus en débat, ce qui <strong>de</strong>vient central, c’est l’i<strong>de</strong>ntification<strong><strong>de</strong>s</strong> compétences qu’el<strong>les</strong> ont fait émerger et toutparticulièrement cette capacité au méta-travail, le travail<strong>sur</strong> le travail, approche développée par l’équipe <strong>de</strong>recherche. Ce qui est également crucial, c’est la nécessaireréflexion <strong>sur</strong> leurs apports, que nul ne discute, maisaussi <strong>les</strong> risques qu’el<strong>les</strong> comportent, tant pour <strong>les</strong> individusque pour <strong>les</strong> organisations.Ce partenariat avec le GRePS a été signé en 2008. Ils’est construit <strong>sur</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> échanges et <strong><strong>de</strong>s</strong> réflexions communeset constantes pour sérier <strong>les</strong> problématiques àinvestiguer dans le cadre <strong><strong>de</strong>s</strong> enquêtes <strong>de</strong> terrain et pourconstruire certains outils méthodologiques, en particulierla conception, l’exploitation et l’analyse <strong>de</strong> l’enquêtequantitative (voir pages 35 et suivantes).Il convient aussi d’insister <strong>sur</strong> la méthodologie mise enœuvre pour ce travail. Systématique, pru<strong>de</strong>nte, précise,elle ne laisse rien au hasard. La recherche ne peut fairel’économie <strong>de</strong> ces étu<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong> terrain dont <strong>les</strong> auteurs ontétabli un récit détaillé, suivant un protocole rigoureuxet exigeant. De même, <strong>les</strong> écarts, voire <strong>les</strong> contradictions,i<strong>de</strong>ntifiés entre <strong>les</strong> entretiens, l’enquête quantitativeet <strong>les</strong> observations doivent nourrir la réflexion <strong>sur</strong><strong>les</strong> apports et <strong>les</strong> limites <strong>de</strong> chacune <strong>de</strong> ces métho<strong><strong>de</strong>s</strong> et<strong>sur</strong> leur incontournable complémentarité.Rapports publiés dans la collection Apec Les recherches en partenariat- La division internationale du travail dans <strong>les</strong> servicesinformatiques : Off shore et politiques <strong><strong>de</strong>s</strong> ressourceshumaines dans <strong>les</strong> gran<strong><strong>de</strong>s</strong> SSII, recherche menéepar le LISE (Laboratoire Interdisciplinaire pour laSociologie Economique, Unité Mixte <strong>de</strong> Recherche duCNRS et du CNAM).- Les mo<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong> gestion <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres en difficulté, recherchemenée par l’Institut <strong>de</strong> Recherche en Gestion et Economie(IREGE) <strong>de</strong> l’Université <strong>de</strong> Savoie.- Le rapport <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres à l’entreprise, recherche du Centre<strong>de</strong> Recherche en Management (CRM) <strong>de</strong> l’Université<strong>de</strong> Toulouse 1.- La promotion au statut <strong>de</strong> cadre <strong><strong>de</strong>s</strong> professions intermédiaires,recherche menée par le Centre d’Etu<strong><strong>de</strong>s</strong> et <strong>de</strong>Recherche <strong>sur</strong> <strong>les</strong> Qualifications (Céreq) dans le cadre<strong>de</strong> l’enquête E.P.I.E.© Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres3


PRéSENTATION DU PROJET DE RECHERCHE■■Les objectifs généraux <strong>de</strong> la rechercheL’objectif <strong>de</strong> cette recherche est <strong>de</strong> montrer en quoi etcomment l’usage <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> l’information et<strong>de</strong> la <strong>communication</strong> (TIC) par <strong>les</strong> cadres peut conduireà une reconfiguration <strong>de</strong> leurs pratiques professionnel<strong>les</strong>et, par voie <strong>de</strong> conséquence, à une redéfinition ducontour <strong>de</strong> leur métier.Il s’agit aussi <strong>de</strong> s’interroger pour savoir si ces dispositifsren<strong>de</strong>nt plus efficace l’activité <strong>de</strong> l’encadrement (enoptimisant leur capacité et efficience) ou au contraires’ils génèrent <strong>de</strong> nouvel<strong>les</strong> contraintes (ou accentuentcel<strong>les</strong> déjà existantes) <strong>de</strong> manière telle que <strong>les</strong> TICconduisent à une dégradation générale <strong><strong>de</strong>s</strong> conditionsd’exercice <strong>de</strong> leur activité.■■Le contexteLa fonction <strong>de</strong> cadreUne activité exigeanteLes cadres sont soumis à un mélange <strong>de</strong> droits et <strong>de</strong><strong>de</strong>voirs (Mintzberg, 1990) et sont confrontés à <strong><strong>de</strong>s</strong>problèmes d’éthique. Ils doivent obéissance à leur hiérarchiemais ils ont un <strong>de</strong>voir <strong>de</strong> respect <strong><strong>de</strong>s</strong> intérêts <strong>de</strong>l’ensemble <strong>de</strong> la société et <strong>de</strong> la clientèle. Les cadresressentiraient ainsi le besoin d’avoir un droit <strong>de</strong> véto,d’opposition à leur hiérarchie.Différents traits sont soulignés par <strong>les</strong> auteurs (Rogalskiet Langa, 1997 ; Bouffartigue & Bocchino, 1998 ; Dieumegard& Al. 2004 ; Karvar & Rouban, 2004 ; Groux &Cousin, 2005 ; Livian, 2006 ; Guilbert & Lancry, 2005).L’autonomie est ainsi une valeur essentielle chez <strong>les</strong>cadres (dans leurs horaires, dans leur organisation, voire<strong>sur</strong> leur lieu <strong>de</strong> travail). Mais <strong>les</strong> cadres payent cetteautonomie par un <strong>sur</strong>investissement <strong>de</strong> leur personne.Ainsi, ils travaillent en moyenne 44 heures et 50 minutespar semaine. Leur activité est très diversifiée, peurépétitive et parfois inédite, ce qui requiert <strong>de</strong> leur partune adaptation permanente aux contingences du travail.Leurs tâches se déroulent également à un rythme soutenuet se déclinent en chroniques d’activité très brèvescomprises entre 6 et 15 minutes (Minzberg, 1990). Lacharge <strong>de</strong> travail <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres est donc intense et débor<strong>de</strong>dans <strong>les</strong> sphères privées (porosité travail/hors travail).La <strong>communication</strong> occupe une place centrale dans cetteactivité, tout comme <strong>les</strong> dimensions réflexives (pourl’i<strong>de</strong>ntification, la délimitation et la résolution <strong>de</strong> problèmes)et décisionnel<strong>les</strong>, considérées comme par cescadres comme le cœur du métier.Les conditions <strong>de</strong> l’activité <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres se dégra<strong>de</strong>ntSelon certaines enquêtes, <strong>les</strong> cadres se déclarent plusfréquemment en état d’anxiété que <strong>les</strong> autres catégories<strong>de</strong> salariés. Les raisons invoquées sont souvent <strong>les</strong>mêmes : une charge <strong>de</strong> travail trop importante, le fait<strong>de</strong> <strong>de</strong>voir mener plusieurs tâches à la fois, le manque <strong>de</strong>moyens et <strong>de</strong> flexibilité… Les cadres déclarent souventse sentir seuls dans leur espace <strong>de</strong> travail et n’être pasassez soutenus ni assez rémunérés. De plus, avec la profusion<strong><strong>de</strong>s</strong> nouvel<strong>les</strong> <strong>technologies</strong> (mail, IPhone, télétravail…),certains cadres ten<strong>de</strong>nt à <strong>de</strong>venir joignab<strong>les</strong>24h/24 et ont le sentiment <strong>de</strong> ne plus pouvoir couper lecontact avec leur travail.© Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres5


PREMIèRE PARTIE : ENQUêTE QUALITATIVE PAR ENTRETIENS SEMI-DIRECTIFSSont ainsi créées <strong>les</strong> conditions d’un bureau permanentqui suit le cadre, quels que soient son lieu et son temps<strong>de</strong> travail ou <strong>de</strong> non travail (en déplacement, à sondomicile). Cela va avoir pour effet d’accentuer la porositéentre <strong>les</strong> sphères domestiques et professionnel<strong>les</strong>.Ainsi plus <strong>de</strong> la moitié <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres managers et près <strong>de</strong>40 % <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres dirigeants déclarent utiliser ces outils àdomicile, alors qu’un quart <strong><strong>de</strong>s</strong> experts se déclarent dansce cas <strong>de</strong> figure.Évaluation <strong><strong>de</strong>s</strong> usagesTous <strong>les</strong> cadres interviewés considèrent globalement <strong>les</strong><strong>technologies</strong> uti<strong>les</strong>, c’est-à-dire qu’el<strong>les</strong> répon<strong>de</strong>nt plutôtbien à leurs besoins professionnels, en permettant<strong>de</strong> travailler mieux.Les experts sont cependant légèrement moins unanimesque <strong>les</strong> cadres managers et dirigeants quant à la qualité<strong>de</strong> ces outils dans la me<strong>sur</strong>e : la majorité d’entre euxse prononce <strong>sur</strong> l’adéquation <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC à leurs besoins,mais une minorité <strong>sur</strong> leur utilisabilité (facilité d’utilisation).On peut expliquer cette position critique par lefait qu’ils sont généralement experts d’un domaine où<strong>les</strong> <strong>technologies</strong> ne conviennent jamais tout à fait parrapport aux attentes fonctionnel<strong>les</strong> très spécifiques. Ilssouhaiteraient en effet <strong><strong>de</strong>s</strong> outils plus flui<strong><strong>de</strong>s</strong> qui n’entraventpas le déroulement (rythme et articulation) <strong>de</strong>leur pratique.Cette critique <strong>sur</strong> <strong>les</strong> difficultés d’usages est d’autantplus prégnante qu’elle est accentuée par le déficit <strong>de</strong> formationaux outils. Il existe en effet un certain consensusentre <strong>les</strong> trois catégories <strong>de</strong> cadres pour critiquerl’inadéquation <strong><strong>de</strong>s</strong> formations : <strong>les</strong> séances proposées sedéroulent soit trop tardivement, soit trop en amont <strong>de</strong>la diffusion <strong><strong>de</strong>s</strong> outils. El<strong>les</strong> peuvent également être inadaptéespar rapport aux spécificités <strong>de</strong> l’activité ou auxbesoins <strong>de</strong> l’apprenant, ou tout simplement inexistantes.Le cadre doit alors se débrouiller et apprendre seul.La conséquence <strong>de</strong> ces carences <strong>de</strong> formation est lemésusage <strong>de</strong> ces outils ou leur utilisation incomplète ;ce qui peut finalement restreindre l’apport <strong>de</strong> ces systèmesdans l’activité et l’efficience.De plus, ces outils ont souvent été imposés, sans concertationni participation préalable <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres. La majoritéd’entre eux l’affirme, à l’exception <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres dirigeants.La position <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>rniers s’explique facilement car cesont généralement eux qui déci<strong>de</strong>nt <strong>les</strong> évolutions et <strong>les</strong>choix technologiques que leurs collaborateurs <strong>de</strong>vronts’approprier ensuite. Ils font donc logiquement preuve<strong>de</strong> davantage <strong>de</strong> bienveillance (au niveau <strong>de</strong> l’utilité etl’utilisabilité) à l’égard <strong><strong>de</strong>s</strong> outils choisis.Pour terminer, <strong>les</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong>s serventà maintenir ou à déployer <strong><strong>de</strong>s</strong> réseaux <strong>de</strong> travail,notamment :• Pour communiquer et échanger en interne <strong>de</strong> manièreverticale et transversale (entre <strong>les</strong> services et départements<strong>de</strong> l’organisation),• Pour maintenir <strong><strong>de</strong>s</strong> relations lorsque <strong>les</strong> cadres se trouventà l’extérieur <strong>de</strong> l’organisation (cadre mobile, enhome office) ou que <strong><strong>de</strong>s</strong> entités du groupe se trouventlocalisées dans <strong><strong>de</strong>s</strong> espaces géographiques distants,• Et pour as<strong>sur</strong>er une proximité virtuelle avec <strong><strong>de</strong>s</strong> partenaires<strong>de</strong> l’activité qui n’appartiennent pas directementà l’entreprise (client, fournisseur, tiers…), mais avec<strong>les</strong>quels <strong>les</strong> cadres sont en relation pour leur activitéprofessionnelle. C’est <strong>sur</strong>tout le cas pour <strong>les</strong> cadres encadrantset <strong>les</strong> cadres dirigeants.Nous allons à présent abor<strong>de</strong>r la manière dont ces <strong>technologies</strong>peuvent affecter favorablement ou négativementl’activité du cadre.Les dimensions touchéesPour repérer <strong>les</strong> répercussions que peuvent engendrer <strong>les</strong><strong>technologies</strong> <strong>sur</strong> l’activité <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres, et notamment <strong>les</strong>apports ou contraintes <strong>sur</strong> <strong>les</strong> pratiques professionnel<strong>les</strong>,nous nous sommes servis d’une matrice d’analyse<strong>de</strong> l’acceptation technologique (Bobillier Chaumon &Dubois, 2009).Ce modèle permet <strong>de</strong> repérer, dans une perspective systémique<strong>de</strong> l’activité, <strong>les</strong> principa<strong>les</strong> dimensions touchéespar l’utilisation <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong>, et <strong>de</strong> restituerla manière dont <strong>les</strong> usagers (cadres) ressentent, perçoiventet réagissent aux remises en cause possib<strong>les</strong> (voirle schéma page suivante).Quatre dimensions sont ainsi déclinées :1. Dimension individuelle : cette première dimensionrecoupe <strong>les</strong> différents facteurs qui peuvent représenterun coût (psychologique, affectif,…) pour l’individu etdonc affecter sa charge <strong>de</strong> travail. Ainsi, l’appropriationd’une technologie relève d’une première appréciation<strong><strong>de</strong>s</strong> contraintes (exigences) et <strong><strong>de</strong>s</strong> astreintes (coûts) quegénère le dispositif <strong>sur</strong> l’individu et son activité.2. Dimension socio-organisationnelle : cette dimensionrenvoie à la manière dont <strong>les</strong> organisations, via certaines<strong>technologies</strong>, cherchent à modifier le système <strong>de</strong>contrôle et d’autonomie <strong><strong>de</strong>s</strong> salariés (au niveau <strong>de</strong> leurmarge <strong>de</strong> manœuvre, <strong>de</strong> leur initiative, <strong>de</strong> leur prérogative,etc.) et à la façon dont ces <strong>de</strong>rniers réagissent(en termes <strong>de</strong> refus, <strong>de</strong> méfiance, <strong><strong>de</strong>s</strong> résistances loca<strong>les</strong>,etc.). Il est ainsi possible <strong>de</strong> distinguer <strong>de</strong>ux effetspossib<strong>les</strong> : (i) l’hétéronomie lorsque <strong>les</strong> règ<strong>les</strong>, <strong>les</strong> procédures,<strong>les</strong> manières <strong>de</strong> fonctionner sont édictées par<strong>les</strong> dispositifs techniques (el<strong>les</strong> sont donc extérieures àl’individu et lui sont imposées) ; (ii) l’autonomie quandil revient à l’individu <strong>de</strong> prendre seul l’initiative dansses démarches et ses actions <strong>de</strong> travail (en utilisant le© Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres11


PREMIèRE PARTIE : ENQUêTE QUALITATIVE PAR ENTRETIENS SEMI-DIRECTIFSSystème <strong>de</strong> travail impacté par <strong>les</strong> TICDimensionindividuelleDimensioncollectiveTICDimensionsocioprofessionnelleDimension socioorganisationnelleSystème <strong>de</strong> travaildispositif comme ressource <strong>de</strong> son activité).3. Dimension relationnelle, collective : une autrefacette <strong>de</strong> l’acceptation résulte <strong>de</strong> la manière dont <strong>les</strong>relations interpersonnel<strong>les</strong> au travail peuvent être affectéespar <strong>les</strong> <strong>technologies</strong>, et notamment la façon dont<strong>les</strong> collectifs et <strong>les</strong> réseaux <strong>de</strong> travail sont reconfigurés.4. Dimension i<strong>de</strong>ntitaire et socio-professionnelle :cette dimension i<strong>de</strong>ntitaire va conditionner l’acceptationà partir <strong>de</strong> l’estimation subjective <strong>de</strong> ce que latechnologie va reconnaître et/ou mettre en valeur dansla contribution <strong>de</strong> l’individu (en termes d’expériences,<strong>de</strong> qualifications, d’aptitu<strong><strong>de</strong>s</strong> mais aussi d’utilité socialeet professionnelle). Dans ce cadre, l’acceptation (ou lerefus) <strong>de</strong> la technologie est donc fondamentalement liéeà une affirmation d’i<strong>de</strong>ntité qui s’inscrit toujours dansune culture professionnelle (<strong>de</strong> métier) donnée mobilisant<strong><strong>de</strong>s</strong> savoir-faire, <strong><strong>de</strong>s</strong> savoir-être, <strong><strong>de</strong>s</strong> pouvoirs d’agirpréexistants. On ne s’approprie (et on n’accepte) que cedans quoi on peut finalement se reconnaître. Deux processussont potentiellement à l’origine <strong>de</strong> l’effritement<strong>de</strong> cette reconnaissance i<strong>de</strong>ntitaire : la perte <strong>de</strong> sens autravail associée à l’impossibilité d’exercer son « art » ouson activité et la déqualification professionnelle.L’analyse <strong><strong>de</strong>s</strong> résultats se fera à <strong>de</strong>ux niveaux : d’abordpar une comparaison générale entre <strong>les</strong> trois profils <strong>de</strong>cadres pour chaque dimension <strong>de</strong> l’activité abordée ;ensuite par une analyse plus approfondie qui portera <strong>sur</strong><strong>les</strong> apports et risques <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres.Dimension individuelleCe qu’il faut retenir : au niveau individuel, <strong>les</strong> cadresse sentent très dépendants <strong><strong>de</strong>s</strong> dispositifs technologiques,parce que leur performance en dépend. S’ilsont l’impression d’être plus efficaces, ils ont néanmoinsconscience que leur charge <strong>de</strong> travail (qualitativeet quantitative) augmente consubstantiellementà l’usage et à l’omniprésence <strong><strong>de</strong>s</strong> outils.L’analyse se fera à <strong>de</strong>ux niveaux : (i) d’abord <strong>sur</strong> unecomparaison <strong><strong>de</strong>s</strong> ressentis entre <strong>les</strong> 3 profils <strong>de</strong> cadres,puis (ii) <strong>sur</strong> <strong>les</strong> divers manifestations <strong><strong>de</strong>s</strong> apports vs exigencesrelatifs à l’usage <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC dans <strong>les</strong> sphères personnel<strong>les</strong>du travail.• Comparaison générale <strong><strong>de</strong>s</strong> trois profils <strong>de</strong> cadresDe manière globale, il y a une certaine divergence dansla manière dont <strong>les</strong> cadres ressentent <strong>les</strong> effets <strong><strong>de</strong>s</strong><strong>technologies</strong> <strong>sur</strong> leur charge <strong>de</strong> travail.Les cadres dirigeants déclarent être plus efficaces grâceaux TIC mais être aussi plus affectés par leurs effetspotentiellement négatifs puisque tous indiquent subirune détérioration importante <strong>de</strong> leurs conditions <strong>de</strong> travail.La porosité entre sphère professionnelle et sphère personnelleest plus ressentie par cette catégorie que par <strong>les</strong>autres cadres, et contribuerait d’une certaine manière àcette dégradation <strong>de</strong> l’activité. Un cadre dirigeant décritbien à la fois l’intérêt et la contrainte d’être constammentrelié à l’entreprise.12 © Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres


PREMIèRE PARTIE : ENQUêTE QUALITATIVE PAR ENTRETIENS SEMI-DIRECTIFSLes cadres experts sont <strong>les</strong> plus critiques et doutentdavantage <strong>de</strong> l’efficacité <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC dans leur travail. Cetteposition est à mettre en perspective avec leur appréciationpondérée <strong>de</strong> l’utilité et <strong>de</strong> l’utilisabilité <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC(cf. supra). Étant en effet très exigeants quant à la facilitéet aux services que doivent apporter <strong>les</strong> TIC dansleur travail, ils estiment que ces outils ne correspon<strong>de</strong>ntpas forcément à leurs attentes, et qu’ils doivent dès lorsredoubler d’effort pour travailler malgré tout avec eux(la gran<strong>de</strong> majorité perçoivent une intensification <strong>de</strong>leur l’activité). De plus, <strong>les</strong> nombreuses sollicitations etinterruptions qu’ils subissent dans le cadre <strong>de</strong> leur travail(via la messagerie notamment) contribuent à <strong>les</strong> éloigner<strong>de</strong> leur activité principale, et du coup, à leur faire penserqu’ils sont moins efficaces (puisque le travail n’avancepas). Ils sont alors obligés d’emporter du travail à lamaison ou d’y consulter leur messagerie professionnelleafin <strong>de</strong> dégager du temps <strong>de</strong> travail au bureau.La gran<strong>de</strong> majorité <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres managers ou encadrantsjugent <strong>les</strong> dispositifs technologiques comme <strong><strong>de</strong>s</strong> outilsnécessaires à l’efficacité personnelle, mais aussi commeétant une <strong><strong>de</strong>s</strong> sources <strong>de</strong> dégradation du travail. Pourautant, ils déclarent moins subir que <strong>les</strong> autres catégoriesl’intrusion <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> travail dans la sphèrepersonnelle.• Qu’apportent réellement <strong>les</strong> <strong>technologies</strong> à l’individu? Une hydre à <strong>de</strong>ux têtes : entre efficacité etexigencesa) Une plus gran<strong>de</strong> efficacitéDans leur très gran<strong>de</strong> majorité, <strong>les</strong> cadres se disentextrêmement dépendants <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC. Ils ne s’imaginent pasou plus travailler sans dans la me<strong>sur</strong>e où el<strong>les</strong> font partieintégrante <strong>de</strong> leur activité.Non seulement la réalisation <strong>de</strong> leur travail en dépend,mais il apparaît également que leur performance et leurefficacité au travail sont également <strong>de</strong> plus en plus tributaires<strong>de</strong> ces dispositifs. Ainsi, rapidité dans l’accèset le transfert <strong>de</strong> l’information, réactivité <strong><strong>de</strong>s</strong> personnes(disponibilité, accessibilité), immédiateté et instantanéité<strong><strong>de</strong>s</strong> échanges, traçabilité et contrôle <strong>de</strong> l’activité,capitalisation et mise à disposition du savoir… sont <strong><strong>de</strong>s</strong>atouts indéniab<strong>les</strong>, majoritairement reconnus par la plupart<strong><strong>de</strong>s</strong> cadres.Les <strong>technologies</strong> n’augmentent pas seulement <strong>les</strong> capacitéset ressources <strong>de</strong> l’individu au travail (en termes <strong><strong>de</strong>s</strong>tockage, <strong>de</strong> traitement, d’analyse, d’accès aux données),el<strong>les</strong> <strong>de</strong>viennent également le prolongement naturel <strong><strong>de</strong>s</strong>es actions au travail (pour communiquer, échanger, produire,présenter, collaborer…). Il est difficile d’imaginertravailler autrement.El<strong>les</strong> peuvent également prendre en charge <strong><strong>de</strong>s</strong> tâchesrépétitives ou rébarbatives qui permettent aux cadres <strong><strong>de</strong>s</strong>’investir <strong>sur</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> tâches à plus haute valeur ajoutée.El<strong>les</strong> sont enfin sources d’efficience dans la me<strong>sur</strong>e où<strong><strong>de</strong>s</strong> actions et procédures <strong>de</strong> travail peuvent être réalisées<strong>de</strong> manière plus économique (d’un point <strong>de</strong> vuecognitif), plus rapi<strong>de</strong> et plus fiable par leur intermédiaire.Les cadres sont donc conscients que ces dispositifsleur permettent <strong>de</strong> faire davantage <strong>de</strong> choses avecleur ai<strong>de</strong> qu’en leur absence.Pour autant, il s’avère que le <strong>sur</strong>croît d’activité auquelcontribuent <strong>les</strong> TIC <strong>de</strong>vient difficilement gérable dans lame<strong>sur</strong>e où il requiert un investissement et <strong><strong>de</strong>s</strong> ressourcestrès importantes à l’origine d’un accroissement <strong>de</strong> lacharge <strong>de</strong> travail.b) Des charges <strong>de</strong> travail <strong>de</strong> diverses originesOn peut distinguer <strong>de</strong>ux types <strong>de</strong> charges <strong>de</strong> travail quegénère l’usage <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC chez <strong>les</strong> cadres :– l’une quantitative liée à l’excès d’informations à traiteret aux multip<strong>les</strong> interruptions et digressions <strong>de</strong> travail(<strong>de</strong>nsification du travail),– l’autre qualitative en rapport avec <strong>les</strong> nouvel<strong>les</strong> aptitu<strong><strong>de</strong>s</strong>requises pour manipuler <strong>les</strong> outils et faire face à <strong>de</strong>nouvel<strong>les</strong> responsabilités (intensification du travail).– Surcharge quantitativeCette <strong>de</strong>nsification <strong>de</strong> l’activité (ou <strong>sur</strong>charge quantitative)provient <strong>de</strong> l’accumulation d’informations, <strong>de</strong> ladiversité et <strong>de</strong> la multiplication <strong><strong>de</strong>s</strong> tâches menées enparallèle (multi-activité) et <strong>de</strong> l’augmentation <strong><strong>de</strong>s</strong> sollicitationsprovenant principalement <strong><strong>de</strong>s</strong> messageries(instantanée, classique, portable… : certains cadresindiquent recevoir près <strong>de</strong> 100 mails par jour) ou encore<strong><strong>de</strong>s</strong> bases <strong>de</strong> données à compléter par <strong>de</strong> nombreuxreporting (E-CRM, ERP…).Les facteurs <strong>de</strong> <strong>sur</strong>charge sont <strong>les</strong> nombreuses interruptionsd’activité qui perturbent le cours normal <strong>de</strong>l’activité (pour traiter un mail, répondre au téléphone,réagir à une <strong>de</strong>man<strong>de</strong> d’un collègue en open-space…).Les fragmentations et digressions <strong>de</strong> tâches quiconduisent l’individu à <strong>de</strong>voir réaliser <strong><strong>de</strong>s</strong> traitementsqu’il n’avait pas prévus <strong>de</strong> faire (comme rédiger une offrecommerciale suite au mail d’un client ou un compterendu<strong>de</strong> réunion suite au message du chef <strong>de</strong> projetpour un complément d’information) et pour <strong>les</strong>quels ilfaut être capable <strong>de</strong> mobiliser instantanément du temps,<strong><strong>de</strong>s</strong> ressources et une organisation.Bien souvent d’ailleurs, ces transitions (entre tâches)provoquent l’oubli <strong>de</strong> l’activité en cours (son contexte,la problématique traitée, <strong>les</strong> étapes du raisonnement,<strong>les</strong> objectifs…) et requièrent une concentration supplémentairepour permettre à la personne <strong>de</strong> se remémoreroù elle se trouvait avant l’interruption. Ces (ré)ajustementsconstants se révèlent très coûteux d’un point <strong>de</strong>vue cognitif.© Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres13


PREMIèRE PARTIE : ENQUêTE QUALITATIVE PAR ENTRETIENS SEMI-DIRECTIFSDe plus, le fait <strong>de</strong> planifier et <strong>de</strong> commencer une activitésans pouvoir la terminer complètement en raison<strong><strong>de</strong>s</strong> digressions vers d’autres tâches se révèle très frustrantpour le cadre. Cela <strong>de</strong>vient d’ailleurs une source <strong><strong>de</strong>s</strong>tress lorsqu’il se rend compte qu’il n’a pas la capacité<strong>de</strong> respecter l’échéance qu’il s’était fixé en raison <strong>de</strong> ceséparpillements. Il faut alors revoir la priorité accordéeà chaque tâche et réajuster en permanence l’organisation<strong>de</strong> son travail. C’est un travail <strong>sur</strong> le travail (métatravail)qui se révèle tout aussi exigeant (et <strong>sur</strong> lequelnous reviendrons dans la dimension organisationnelle).La ca<strong>de</strong>nce du travail tend aussi à s’accélérer, avec uneactivité à flux tendu. L’activité est constamment portée,aspirée, rythmée par ces environnements médiatisés. Lestemps sociaux <strong>de</strong> discussion et d’échange, <strong>les</strong> temps <strong>de</strong>réflexion et <strong>de</strong> prise <strong>de</strong> recul (souvent considérés commeune phase prédominante chez ces salariés), <strong>les</strong> temps <strong>de</strong>repos s’amenuisent, voire disparaissent au profit d’interactionspermanentes avec <strong>les</strong> TIC.L’objectif du cadre n’est plus seulement <strong>de</strong> créer <strong>de</strong> lavaleur ajoutée dans et par son travail au moyen <strong>de</strong> cesoutils, c’est aussi - et c’est nouveau semble-t-il - <strong>de</strong> fairela chasse aux temps morts afin d’être le plus performantet le plus disponible possible. En effet, dans cette quête<strong>de</strong> l’immédiateté et du juste-à-temps, la prestation d’uncadre n’a <strong>de</strong> sens que si elle est rentable, c’est-à-direqu’il faut en exclure le non utile. L’impression dominantequi se dégage est que <strong>les</strong> cadres sont constamment dansl’action, la réaction (avec une certaine banalisation <strong>de</strong>l’acte, au détriment <strong>de</strong> la réflexion) et qu’ils disposent<strong>de</strong> moins <strong>de</strong> temps pour eux pour mettre en perspectivetout ce qui est à gérer.Du coup, d’aucuns viennent à espérer <strong><strong>de</strong>s</strong> pannes etautres dysfonctionnements techniques afin <strong>de</strong> pouvoirse focaliser pleinement <strong>sur</strong> l’activité et dégager ainsi dutemps pour ce qu’ils considèrent comme réellement prépondérantdans leur travail.En définitive, <strong>les</strong> cadres éprouvent le sentiment d’êtreconstamment débordés par <strong><strong>de</strong>s</strong> tâches concourantes,voire concurrentes et inachevées. Les auteurs parlentd’ailleurs <strong>de</strong> syndrome <strong>de</strong> débor<strong>de</strong>ment cognitif (ouCOS pour Cognitive Overflow Syndrom) pour décrire le fait<strong>de</strong> ne plus pouvoir faire face à ce trop plein d’activités(Lahlou, 2000 ; Truchot, 2004 ; Chanquoy, Tricot & Sweller,2007). Pour <strong>les</strong> cadres interviewés, cela induit uneperte <strong>de</strong> sens <strong>de</strong> leur activité qui se manifeste par ladifficulté <strong>de</strong> distinguer l’urgent <strong>de</strong> l’important, l’essentiel<strong>de</strong> l’accessoire, l’interlocuteur à privilégier du tiersà négliger (par exemple, lorsqu’ils sont en copie <strong>de</strong> messages).Pour autant, il leur est tout aussi difficile <strong>de</strong> ne pasêtre accessible et/ou <strong>de</strong> se rendre indisponible danscet environnement ultra-médiatisé dans la me<strong>sur</strong>e où la(<strong>sur</strong>)charge <strong>de</strong> travail, la disponibilité, l’accessibilité, lagestion <strong>de</strong> l’imprévisibilité sont présentées comme <strong><strong>de</strong>s</strong>valeurs cardina<strong>les</strong> et inhérentes à la fonction même <strong>de</strong>cadre. La pression n’est donc pas seulement technologique,elle est d’abord et avant tout sociale. L’environnementprofessionnel, l’encadrement et plus généralementl’institution elle-même exigent une présence, une disponibilité,une productivité, une réactivité et une créativitéplus importantes <strong>de</strong> la part <strong><strong>de</strong>s</strong> utilisateurs <strong>de</strong> cesoutils. Selon une sorte <strong>de</strong> déterminisme technologique,leur performance serait quelque sorte la contrepartielogique et attendue <strong>de</strong> leur équipement technique.• La <strong>sur</strong>charge qualitativeL’intensification <strong>de</strong> l’activité est ressentie lorsque l’utilisation<strong><strong>de</strong>s</strong> dispositifs et/ou la gestion <strong><strong>de</strong>s</strong> activités enlien avec l’outil réclament <strong><strong>de</strong>s</strong> compétences nouvel<strong>les</strong>ou différentes <strong>de</strong> cel<strong>les</strong> déployées jusqu’alors (dans <strong>les</strong>manières <strong>de</strong> penser et <strong>de</strong> faire son travail, au niveau<strong><strong>de</strong>s</strong> logiques d’activité, etc.). Bien que cela puisse êtreune source d’apprentissage et <strong>de</strong> développement personneldans certaines situations, cela peut égalementconduire – notamment pour <strong><strong>de</strong>s</strong> tâches diffici<strong>les</strong>, exigeantun haut niveau <strong>de</strong> compétence – à une <strong>sur</strong>chargequalitative. Cette <strong>sur</strong>charge peut aussi être accentuéepar la difficulté pour le cadre d’opérer <strong><strong>de</strong>s</strong> transferts <strong>de</strong>compétences entre ancien et nouveau dispositif, c’està-direréutiliser <strong><strong>de</strong>s</strong> savoir-faire, <strong><strong>de</strong>s</strong> mo<strong><strong>de</strong>s</strong> opératoires,<strong><strong>de</strong>s</strong> connaissances dans le cadre <strong>de</strong> sa nouvelle activitémédiatisée. Il lui faut donc tout réapprendre.Dans nos analyses, nous avons i<strong>de</strong>ntifié diverses sourcesd’intensification :En premier lieu, l’accès à <strong>de</strong> nombreuses données et leflux ininterrompu <strong>de</strong> messages (plus ou moins pertinents)contribuent à une inflation d’informations quele cadre doit trier, valoriser, archiver, récupérer. Il luifaut alors mobiliser <strong><strong>de</strong>s</strong> capacités pour gérer tout unensemble <strong>de</strong> ressources organisationnel<strong>les</strong> auxquel<strong>les</strong>le système permet d’accé<strong>de</strong>r : savoir sélectionner, agréger,synthétiser, enrichir… <strong><strong>de</strong>s</strong> informations hétérogènesprovenant <strong>de</strong> plusieurs bases <strong>de</strong> données, ou biendécrypter un message (son importance, ses enjeux, sonurgence, sa priorité…) et déterminer la réponse idoineà y apporter.C’est également être confronté à une diversité d’outilsà employer dans le travail. Rappelons que <strong>les</strong> cadresutilisent en moyenne une dizaine <strong>de</strong> TIC (<strong><strong>de</strong>s</strong> logicielsbureautiques aux logiciels <strong>de</strong> <strong>communication</strong> et <strong>de</strong> gestionen passant par <strong><strong>de</strong>s</strong> progiciels métiers) qui exigentchacun <strong><strong>de</strong>s</strong> logiques, <strong><strong>de</strong>s</strong> vocabulaires, <strong><strong>de</strong>s</strong> fonctionnalitésspécifiques. La transition fréquente entre ces diversenvironnements technologiques impose <strong><strong>de</strong>s</strong> re-contextualisationscognitives très sollicitantes (savoir quoi uti-14 © Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres


PREMIèRE PARTIE : ENQUêTE QUALITATIVE PAR ENTRETIENS SEMI-DIRECTIFSliser dans quel environnement technique, selon quellelogique et quelle procédure…).Le rythme <strong><strong>de</strong>s</strong> changements technologiques que subissent<strong>les</strong> cadres, en particulier experts, est également unesource <strong>de</strong> contrainte supplémentaire. En effet, leurs pratiques<strong>de</strong> travail et leurs compétences professionnel<strong>les</strong>sont fortement influencées par <strong>les</strong> progiciels <strong>de</strong> travail.Changer d’outils équivaut, en plus <strong>de</strong> la maîtrise dunouveau dispositif, à désapprendre d’anciennes métho<strong><strong>de</strong>s</strong><strong>de</strong> travail pour réapprendre <strong>de</strong> nouvel<strong>les</strong> pratiquesprofessionnel<strong>les</strong>. Avec <strong>les</strong> évolutions technologiques, lerythme <strong><strong>de</strong>s</strong> changements s’accélère et <strong>les</strong> réapprentissages<strong>de</strong>viennent plus fréquents. De plus, comme nousl’avions évoqué auparavant, la formation est souventdéfaillante et le cadre doit alors se débrouilleur seul.Le manque d’ergonomie <strong>de</strong> certains dispositifs obligepar ailleurs à redoubler d’efforts pour compenser <strong>les</strong> difficultés<strong>de</strong> compréhension (co<strong><strong>de</strong>s</strong> abscons, interface enanglais…) et <strong>de</strong> manipulation <strong><strong>de</strong>s</strong> outils (système peuintuitif, logique <strong>de</strong> fonctionnement du système incompatibleavec la logique d’utilisation du cadre), afin <strong>de</strong>pouvoir travailler malgré tout.Dans le même ordre d’idées, et en raison <strong><strong>de</strong>s</strong> changementstechnologiques souvent imposés sans concertationavec <strong>les</strong> utilisateurs, il arrive que <strong>les</strong> outils mis àleur disposition soient inadaptés ou inuti<strong>les</strong>. Il fautalors faire preuve d’imagination pour contourner oudétourner ces outils pour éviter qu’ils ne <strong>de</strong>viennent unevéritable entrave dans l’exercice <strong>de</strong> l’activité (<strong>sur</strong>toutpour <strong>les</strong> experts).En outre, compte tenu <strong>de</strong> la sophistication et <strong>de</strong> lacomplexité <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong>, et <strong>de</strong> leur mise en réseau,<strong>les</strong> défaillances et pannes techniques ten<strong>de</strong>nt à augmenter.Or l’activité et la performance <strong>de</strong> l’individu endépen<strong>de</strong>nt fortement. Cela nécessite <strong>de</strong> la part <strong>de</strong> l’utilisateur<strong>de</strong> savoir développer un fonctionnement dit « enmo<strong>de</strong> dégradé », c’est-à-dire <strong>de</strong> trouver <strong><strong>de</strong>s</strong> stratégiesalternatives lui permettant <strong>de</strong> continuer à remplir sesmissions, en dépit <strong>de</strong> ces aléas techniques.Une pression supplémentaire résulte <strong>de</strong> l’attention quele cadre doit accor<strong>de</strong>r à ses actions <strong>de</strong> travail et auxéventuel<strong>les</strong> répercussions <strong>de</strong> cel<strong>les</strong>-ci. Le cadre travailleen effet en réseau, dans un vaste système d’interdépendanceoù chaque décision, information mise àdisposition, aura <strong><strong>de</strong>s</strong> conséquences immédiates <strong>sur</strong> sonenvironnement socio-professionnel. Avec la numérisation<strong>de</strong> ses différentes modalités <strong>de</strong> travail (<strong>communication</strong>,diffusion et partage <strong>de</strong> l’information, traitementet production, gestion…), le cadre est confronté à uneprise <strong>de</strong> responsabilité démultipliée. Toute erreur– que ce soit une mauvaise saisie (<strong>sur</strong> <strong>les</strong> ERP, <strong>les</strong> outils<strong>de</strong> reporting), une réponse par e-mail adressée par inadvertanceau mauvais <strong><strong>de</strong>s</strong>tinataire – peut être dramatiquepour le cadre. Et cela d’autant plus que celui-ci est soumis,comme cela avait déjà été évoqué plus haut, à uneca<strong>de</strong>nce <strong>de</strong> travail élevée et à une obligation <strong>de</strong> rapiditédans ses interventions qui ne lui permettent pas d’avoirla prise <strong>de</strong> recul nécessaire.Une autre forme <strong>de</strong> pression s’exerce aussi par la possibilitélaissée à l’entourage d’accé<strong>de</strong>r et <strong>de</strong> visualiser <strong>les</strong>productions et contributions du cadre (<strong>sur</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> espacespartagés ou <strong><strong>de</strong>s</strong> blogs). Cela exige <strong>de</strong> sa part une plusgran<strong>de</strong> vigilance quant à la qualité et à la pertinence <strong><strong>de</strong>s</strong>informations mises en ligne, compte tenu <strong><strong>de</strong>s</strong> évaluationset jugements possib<strong>les</strong>.Dimensions organisationnel<strong>les</strong>Ce qu’il faut retenir : <strong>sur</strong> le plan organisationnel,<strong>les</strong> cadres ont l’impression <strong>de</strong> perdre le contrôle <strong>sur</strong> letravail en raison d’une transparence accrue et <strong>de</strong> sollicitationspermanentes issues/favorisées/accentuéespar <strong>les</strong> environnements médiatisés.L’inscription dans <strong>de</strong> multip<strong>les</strong> projets concurrents,voire concourants et menés à distance requiert parailleurs un méta-travail pour articuler le passage entre<strong>les</strong> divers contextes <strong>de</strong> travail (multi-activité et gestion<strong>de</strong> la polycontextualité).• Comparaison générale <strong><strong>de</strong>s</strong> trois profils <strong>de</strong> cadresDe manière générale, <strong>les</strong> trois profils <strong>de</strong> cadres ont uneperception <strong><strong>de</strong>s</strong> effets <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC <strong>sur</strong> <strong>les</strong> dimensions organisationnel<strong>les</strong><strong>de</strong> leur activité qui paraît plutôt négative.En effet, <strong>les</strong> cadres dirigeants indiquent tous êtretotalement tributaires/dépendants <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC dans leurtravail (hétéronome), comme s’il s’agissait d’un fil à lapatte dont ils ne peuvent se passer dans leurs diversesdémarches <strong>de</strong> travail (<strong>communication</strong>, décision, action,gestion…), et avec <strong><strong>de</strong>s</strong> répercussions importantes <strong>sur</strong>l’intensification du travail et <strong>les</strong> débor<strong>de</strong>ments vie autravail/hors travail. Ce sont également <strong><strong>de</strong>s</strong> outils quipermettent d’accroître le contrôle et la régulation <strong>de</strong>leurs équipes, et d’améliorer ainsi l’efficacité organisationnelle(traçabilité <strong>de</strong> l’activité, réactivité et mobilisation<strong><strong>de</strong>s</strong> collaborateurs, proximité du client…).Les cadres experts se disent eux-aussi pour la pluparttrès liés à ces outils qui fixent le cadre <strong>de</strong> leur travail etdéterminent <strong>les</strong> procédures à déployer, en leur laissant<strong>de</strong> faib<strong>les</strong> marges <strong>de</strong> manœuvre. Leurs bonnes connaissancestechniques permettent néanmoins à certains© Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres15


PREMIèRE PARTIE : ENQUêTE QUALITATIVE PAR ENTRETIENS SEMI-DIRECTIFSd’entre eux <strong>de</strong> « bidouiller » le système afin <strong>de</strong> contourner<strong>les</strong> prescriptions du dispositif et <strong>de</strong> l’ajuster à leursbesoins (en conséquence, certains affirment ainsi gagneren autonomie). Du coup, la régulation et le contrôleévoqués par <strong>les</strong> <strong>de</strong>ux tiers <strong>de</strong> ces experts correspond à lasupervision subie <strong>sur</strong> leur travail, et donc, pour beaucoupd’entre eux, à une moindre efficacité organisationnelle.Les cadres managers rejoignent <strong>les</strong> cadres dirigeantsquant à l’apport <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> dans la supervision<strong><strong>de</strong>s</strong> équipes et l’accroissement <strong>de</strong> leur efficacité organisationnellepour le management à distance. Comme<strong>les</strong> autres cadres, le déroulement <strong>de</strong> leur activité paraîtassez dépendant <strong>de</strong> l’outil technique et leur autonomiedans l’action leur semble <strong>de</strong> fait assez faible, en raisonprincipalement <strong><strong>de</strong>s</strong> sollicitations incessantes <strong>de</strong> leurscollaborateurs.• Les inci<strong>de</strong>nces organisationnel<strong>les</strong> perçuesComme pour <strong>les</strong> dimensions individuel<strong>les</strong>, <strong>les</strong> cadresinterrogés reconnaissent certains bénéfices dans ces<strong>technologies</strong>, notamment au niveau <strong>de</strong> la flexibilitéorganisationnelle.a) Une organisation plus flexibleAu niveau <strong>de</strong> la coordination entre salariés d’abord, <strong>les</strong><strong>technologies</strong> donnent une plus gran<strong>de</strong> visibilité <strong>sur</strong> l’activitéd’autrui. Chacun est ainsi capable <strong>de</strong> connaîtrela localisation, l’activité, l’emploi du temps <strong>de</strong> ses collèguespour <strong>les</strong> joindre plus facilement et rapi<strong>de</strong>ment.Les agendas partagés, la messagerie instantanée (unsignal indique instantanément à toute la communautéqui est connecté à son poste <strong>de</strong> travail dès l’ouverture<strong>de</strong> ce logiciel <strong>de</strong> <strong>communication</strong>), ou la messagerie plusclassique (lorsqu’un mail <strong>de</strong> réponse revient instantanémentà l’expéditeur) sont autant d’outils qui permettentà la fois <strong>de</strong> (re)tracer l’activité du cadre par <strong>les</strong> indiceset empreintes laissés, et d’en informer son entourage(sa présence, ses occupations, sa localisation, sa réactivité….).Cette transparence a ses limites puisqu’ellen’indique pas la disponibilité effective. On peut eneffet être occupé <strong>sur</strong> un projet important ou bien êtreen déplacement tout en répondant rapi<strong>de</strong>ment <strong>sur</strong> sonportable : certains déploient alors <strong><strong>de</strong>s</strong> stratégies alternativespour se protéger <strong>de</strong> ce qu’ils considèrent comme<strong><strong>de</strong>s</strong> intrusions.Cette flexibilité organisationnelle résulte également <strong>de</strong>la mise à disposition quasi instantanée <strong>de</strong> toutes <strong>les</strong>informations et <strong>de</strong> tous <strong>les</strong> documents <strong>de</strong> travail que <strong>les</strong>cadres accumulent et produisent. Outre la capitalisation<strong>de</strong> cette connaissance (par <strong><strong>de</strong>s</strong> bases <strong>de</strong> données, Intranet,espaces <strong>de</strong> travail partagés…), il s’agit d’être moinsdépendant <strong>de</strong> personnes dont l’absence, voire le départ(maladie, démission, mobilité interne) pourrait freinerou entraver l’activité du service. D’une certaine manière,la mise en réseau <strong><strong>de</strong>s</strong> connaissances permet donc d’as<strong>sur</strong>erla pérennité <strong>de</strong> l’organisation.Un autre avantage <strong>de</strong> ces outils se situe à un niveauplus structurel dans la me<strong>sur</strong>e où <strong>les</strong> TIC participentau décloisonnement <strong><strong>de</strong>s</strong> services et à la transversalité<strong>de</strong> l’organisation. C’est en particulier le cas au sein <strong><strong>de</strong>s</strong>grosses firmes, éclatées géographiquement et fonctionnellement.Par <strong>les</strong> échanges facilités entre services (vial’Intranet, <strong>les</strong> espaces partagés…), <strong>les</strong> collaborationsmédiatisées entre entités distantes (audio/visio-conférence),etc., <strong>les</strong> cadres ont l’impression d’être moinscompartimentés dans <strong><strong>de</strong>s</strong> unités distinctes <strong>les</strong> unes <strong><strong>de</strong>s</strong>autres, sans lien d’appartenance. Ces mises en relationscontribuent à donner une impression d’une structureplus intégrée et cohérente, réunie autour <strong>de</strong> référentielscommuns.D’un point <strong>de</strong> vue plus stratégique, <strong>les</strong> cadres managerset dirigeants évoquent clairement l’intérêt queces outils représentent dans le cadre <strong>de</strong> la gestion <strong><strong>de</strong>s</strong>emplois et <strong><strong>de</strong>s</strong> compétences. En prélevant et en capitalisantle savoir que détiennent certains cadres expertsvia <strong><strong>de</strong>s</strong> outils <strong>de</strong> gestion <strong>de</strong> connaissances (type Knowle<strong>de</strong>geManagement), il s’agit non seulement <strong>de</strong> limiter<strong>les</strong> pertes <strong>de</strong> savoirs et <strong>de</strong> savoir-faire liées aux mobilitéset aux départs <strong><strong>de</strong>s</strong> salariés (et ainsi plus facilementtransférab<strong>les</strong> vers <strong>les</strong> nouveaux recrutés), mais aussi <strong><strong>de</strong>s</strong>’affranchir <strong><strong>de</strong>s</strong> fonctions et expertises clefs <strong>de</strong> l’organisation,et donc du pouvoir que pouvait leur conférercette compétence.Enfin, ces <strong>technologies</strong> permettent <strong>de</strong> se libérer <strong><strong>de</strong>s</strong>contraintes temporel<strong>les</strong>, géographiques et physiquestraditionnel<strong>les</strong> <strong>de</strong> l’activité. En effet, certains <strong><strong>de</strong>s</strong> outilsprocurent un accès quasi permanent et immédiat auxautres personnes, quels que soient leur localisation, leuroccupation et le cadre temporel.Chacun <strong>de</strong>vient ainsi une ressource possible et disponiblepour l’activité <strong><strong>de</strong>s</strong> autres, qui peut être mobilisée à toutmoment en cas <strong>de</strong> besoin. La distance, l’éloignement,l’éclatement du travail ne sont donc plus une contrainteet au bureau réel se substitue un bureau virtuel, visitableet atteignable à tout moment, en tout lieu et entoute circonstance.Un cadre, ou un salarié en général, peut dès lors donnerl’impression d’être physiquement « ici », mais être virtuellement« là bas » dans une réunion pour échanger ouconsulter <strong>de</strong> manière confi<strong>de</strong>ntielle <strong><strong>de</strong>s</strong> informations.16 © Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres


PREMIèRE PARTIE : ENQUêTE QUALITATIVE PAR ENTRETIENS SEMI-DIRECTIFSb) Des cadres plus encadrés par <strong>les</strong> <strong>technologies</strong>(hétéronomie)Si certains cadres - en particulier managers et dirigeants– louent le contrôle et la supervision que permettentces <strong>technologies</strong>, il n’en <strong>de</strong>meure pas moins quecette transparence accrue et quasi-permanente dans letravail suscite <strong>de</strong> plus en plus <strong>de</strong> réticence.Dans leur très gran<strong>de</strong> majorité, <strong>les</strong> cadres rappellent eneffet qu’ils ont <strong>de</strong> moins en moins <strong>de</strong> contrôle <strong>sur</strong> leurtravail, en <strong>de</strong>venant plus tributaires <strong><strong>de</strong>s</strong> sollicitationsqui émanent <strong>de</strong> leur environnement médiatisé, <strong>les</strong>quel<strong>les</strong>réorientent et rythment constamment leur travail. Ils ontl’impression d’être davantage à la disposition d’autrui en<strong>de</strong>venant ce que nous avons appelé un cadre libre service,c’est-à-dire ouvert, réactif et constamment accessible.Les agendas et espaces partagés, <strong>les</strong> connexionspermanentes sont autant <strong>de</strong> moyens <strong>de</strong> contrôle et <strong>de</strong>traçabilité <strong>de</strong> son activité.Non seulement l’activité journalière se trouve réguléepar <strong>les</strong> <strong>de</strong>man<strong><strong>de</strong>s</strong> qui parviennent par mail, mais l’emploidu temps est également imposé par <strong>les</strong> créneauxfixés directement <strong>sur</strong> l’agenda électronique par <strong>les</strong> autressalariés. Le cadre semble dès lors avoir moins <strong>de</strong> prise<strong>sur</strong> son travail et être dépossédé <strong>de</strong> l’organisation <strong><strong>de</strong>s</strong>on activité.Ce sentiment <strong>de</strong> perte <strong>de</strong> contrôle se trouve renforcé par<strong>les</strong> multip<strong>les</strong> projets auxquels beaucoup <strong>de</strong> cadres participent,et pour <strong>les</strong>quels <strong>les</strong> nouvel<strong>les</strong> <strong>technologies</strong> vontencore jouer le rôle d’amplificateur, comme nous allonsà présent le voir.c) Un méta-travail <strong>sur</strong> un travail éclaté, morcelé…Les cadres gèrent/participent souvent à plusieurs projetsqui peuvent se dérouler en co-présence ou à distance,et pour <strong>les</strong>quels leur participation peut se résumer à <strong>de</strong>brèves interventions (réponse à une question par mail,apporter son expertise <strong>sur</strong> un domaine, participer à uneréunion) ou, au contraire, être beaucoup plus longue et<strong>de</strong>nse (prendre en charge le développement d’un aspect/module du projet, gérer une partie du projet). Chaque projetexige par ailleurs ses propres règ<strong>les</strong> et métho<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong>travail, ses propres principes et modalités <strong>de</strong> fonctionnement,implique divers partenaires (français ou étrangers)et requiert également divers outils <strong>de</strong> travail. Enfin, lerôle et la contribution du cadre peuvent également évolueren fonction du contexte et <strong><strong>de</strong>s</strong> exigences du projet(d’expert à opérationnel, <strong>de</strong> chef d’équipe à chef <strong>de</strong> projet…)et chaque projet peut également se dérouler dansun cadre temporel spécifique (en début ou fin <strong>de</strong> projetselon leur niveau d’avancement, mais aussi dans le cadre<strong>de</strong> collaborations internationa<strong>les</strong> selon différents fuseauxhoraires) et dans <strong><strong>de</strong>s</strong> lieux géographiques éclatés (dansle cadre d’équipe multiculturelle nécessitant <strong><strong>de</strong>s</strong> déplacementphysiques ou <strong><strong>de</strong>s</strong> interactions médiatisées).Les requêtes et sollicitations que le cadre reçoit par mailpeuvent ainsi l’amener à circuler entre ces divers universorganisationnels et requérir ce que l’on peut nommerun travail d’articulation entre ces divers contextes <strong>de</strong>travail (par une gestion <strong>de</strong> la polycontextualité). L’articulationpermet l’assemblage, le maintien ensembled’éléments séparés qui tout en restant distincts peuventse mouvoir aisément <strong>les</strong> uns par rapport aux autres. Si cetravail articulatoire est un travail invisible qui ne donnepas lieu à <strong>de</strong> la reconnaissance possible par ses pairs etresponsab<strong>les</strong>, il reste néanmoins un « vrai » travail qui<strong>de</strong>man<strong>de</strong> compétences, temps et reconnaissance.Outre la gestion <strong>de</strong> cette polycontextualité (transition entreprojets), le cadre doit aussi définir <strong>les</strong> priorités entre cesprojets, <strong>les</strong> évènements et <strong>les</strong> sollicitations, en définissantune hiérarchisation <strong><strong>de</strong>s</strong> tâches, selon divers critères.Au final, la gestion <strong>de</strong> ces transitions et <strong><strong>de</strong>s</strong> prioritésau travail requiert un méta-travail, c’est-à-dire un travail<strong>sur</strong> le travail, qui s’avère d’autant plus importantque l’omniprésence <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> génère <strong>de</strong> multip<strong>les</strong>fragmentations dans le travail, qu’il faut néanmoinsessayer <strong>de</strong> raccor<strong>de</strong>r et d’emboîter pour construire unecohérence d’ensemble.Ce méta-travail peut aussi avoir pour objectif <strong>de</strong> reprendreen main son activité afin <strong>de</strong> « dégager du temps »,pour se consacrer à ce que d’aucuns considèrent commedu « vrai travail », c’est-à-dire celui <strong><strong>de</strong>s</strong> tâches d’expertise,d’analyse, <strong>de</strong> décision ou <strong>de</strong> management <strong>de</strong> safonction (et moins à cel<strong>les</strong> <strong>de</strong> reporting, <strong>de</strong> manipulation<strong>de</strong> la messagerie, voire <strong>de</strong> réunions incessantes). Diversmoyens d’actions peuvent ainsi être entrepris :- Par <strong><strong>de</strong>s</strong> stratégies <strong>de</strong> contournement <strong><strong>de</strong>s</strong> contraintestechnologiques : certains cadres inscrivent <strong><strong>de</strong>s</strong> réunionsfictives dans leur agenda partagé pour pouvoir travailler<strong>sur</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> dossiers,- Par l’exploitation maximale <strong><strong>de</strong>s</strong> outils et <strong>de</strong> leurs fonctionspour optimiser le temps <strong>de</strong> travail, avec <strong><strong>de</strong>s</strong> risquesimportants d’intensification du travail (par exemple,traiter <strong>les</strong> courriels au fil <strong>de</strong> l’eau <strong>sur</strong> son smartphone :chez soi, en réunion, dans sa voiture…),- En jouant enfin <strong>sur</strong> <strong>les</strong> fail<strong>les</strong> du système, quand ce<strong>de</strong>rnier tombe en panne.© Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres17


PREMIèRE PARTIE : ENQUêTE QUALITATIVE PAR ENTRETIENS SEMI-DIRECTIFSDimensions relationnel<strong>les</strong> et collectivesCe qu’il faut retenir : au niveau relationnel, un doublephénomène est observé. D’une part, un renforcement<strong><strong>de</strong>s</strong> équipes <strong>de</strong> travail (par l’augmentation <strong><strong>de</strong>s</strong>collaborations médiatisées, <strong>de</strong> la transversalité au sein<strong><strong>de</strong>s</strong> organisations, <strong><strong>de</strong>s</strong> espaces partagés…), d’autrepart, un risque <strong>de</strong> délitement du collectif en raison <strong>de</strong>la déshumanisation <strong><strong>de</strong>s</strong> liens sociaux (la plupart <strong><strong>de</strong>s</strong>échanges passent par <strong>les</strong> TIC) et <strong>de</strong> la qualité médiocre<strong><strong>de</strong>s</strong> informations transmises (informations peu personnaliséeset pertinentes, symptomatiques <strong>de</strong> la faiblereconnaissance <strong><strong>de</strong>s</strong> individus entre eux).• Comparaison générale <strong><strong>de</strong>s</strong> trois profils <strong>de</strong> cadresAu niveau <strong><strong>de</strong>s</strong> dimensions relationnel<strong>les</strong> et interpersonnel<strong>les</strong>,<strong>les</strong> cadres ont une vision assez partagée <strong>sur</strong> l’impact<strong><strong>de</strong>s</strong> outils technologiques.– La plupart <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres experts perçoivent un risque <strong>de</strong>délitement/affaiblissement du collectif très importanten raison principalement <strong>de</strong> l’accroissement <strong><strong>de</strong>s</strong> interactionset du management à distance que favorisent <strong>les</strong><strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong>. Aussi est-ce très logiquementqu’ils doutent <strong>de</strong> leurs effets positifs <strong>sur</strong> le renforcementdu collectif par une formalisation 5 /régulation<strong><strong>de</strong>s</strong> échanges.– Les cadres managers/encadrants ont quant à eux uneposition assez paradoxale car, si d’un côté ils perçoiventaussi le risque <strong>de</strong> dislocation du collectif par <strong>les</strong> TIC, <strong>de</strong>l’autre ils déclarent aussi que ces outils peuvent renforcer<strong>les</strong> équipes <strong>de</strong> travail (par une mise en contact instantanéeet une proximité virtuelle avec <strong>les</strong> collaborateurs,dans <strong>les</strong> échanges et le partage <strong>de</strong> documents, dans lemanagement <strong><strong>de</strong>s</strong> collaborateurs) sans toutefois être tropprescriptifs dans la régulation <strong>de</strong> ces échanges.Cela est plutôt bien vécu quand c’est le cadre manager quicontrôle la situation, en fixant <strong>les</strong> règ<strong>les</strong> <strong>de</strong> ces échanges(top-down), mais cela <strong>de</strong>vient plus difficilement acceptablelorsque ces managers, assaillis <strong>de</strong> sollicitations, seretrouvent à la disposition <strong>de</strong> leurs subordonnés.– Les cadres dirigeants perçoivent aussi un risque d’atteinteau collectif <strong>de</strong> travail car <strong>les</strong> TIC n’amélioreraientpas spécialement son fonctionnement ni sa structurationinterne.• Les divers effets ressentis <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC <strong>sur</strong> <strong>les</strong> relationsinterpersonnel<strong>les</strong>a) Un renforcement du collectifLe renforcement du collectif ressenti par la majorité <strong><strong>de</strong>s</strong>cadres interviewés repose <strong>sur</strong> <strong>de</strong>ux phénomènes qui peuventparaître assez contradictoires.– Il s’agit en premier lieu d’un accroissement <strong><strong>de</strong>s</strong>échanges virtuels en raison <strong><strong>de</strong>s</strong> capacités <strong>de</strong> <strong>communication</strong>offertes par <strong>les</strong> TIC. En effet, <strong>les</strong> contacts àdistance (messagerie asynchrone et synchone, espacespartagés…), <strong>les</strong> collaborations médiatisées et <strong>les</strong> équipesvirtuel<strong>les</strong> (plateforme <strong>de</strong> travail collaborative, visio/audio-conférence…), et, <strong>de</strong> plus en plus, le managementà distance (par la décentralisation et l’externalisation <strong>de</strong>certains service ou fonctions : home office, télétravail,service RH externalisé et basé dans l’entité mère) tiennentune place très importante pour toutes <strong>les</strong> catégories<strong>de</strong> cadres. Les gains obtenus (frais <strong>de</strong> déplacement,temps <strong>de</strong> travail, fatigue liée au transport) font que <strong>les</strong>entreprises s’engagent <strong>de</strong> plus en plus dans cette voie.Ces canaux <strong>de</strong> <strong>communication</strong> sont également privilégiéscar ils offrent d’autres avantages, plus pragmatiques: par exemple, conserver la trace <strong><strong>de</strong>s</strong> échanges(que l’on pourra réutiliser en cas <strong>de</strong> conflit), stocker <strong>les</strong>informations et pièces jointes transmises (pour effectuer<strong><strong>de</strong>s</strong> recherches <strong>sur</strong> divers critères), accé<strong>de</strong>r plus rapi<strong>de</strong>mentet directement aux diverses ressources <strong>de</strong> travail(informations et personnes) sans <strong>les</strong> déranger ou en leurabsence.Il s’agit ainsi <strong>de</strong> renforcer la collaboration au sein <strong>de</strong>l’équipe en donnant la possibilité ou plutôt l’impressiond’une <strong>communication</strong> a priori plus précise, rapi<strong>de</strong>et immédiate.– Une autre cause, plutôt imprévue, qui joue en faveur<strong>de</strong> l’accroissement <strong><strong>de</strong>s</strong> liens sociaux, est liée aux conséquencesindirectes <strong><strong>de</strong>s</strong> dysfonctionnements techniques.En effet, la plupart <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres ne reçoivent pas oupeu <strong>de</strong> formation <strong>sur</strong> <strong>les</strong> <strong>technologies</strong> mises à disposition.L’assistance reçue en cas <strong>de</strong> panne est égalementtrès limitée. Ils sont alors amenés à se tourner vers <strong><strong>de</strong>s</strong>« tiers aidant » (collègues, assistants…) susceptib<strong>les</strong> <strong>de</strong><strong>les</strong> secourir dans l’apprentissage du dispositif, dans laréparation <strong>de</strong> pannes ou dans la récupération d’erreurs(cas <strong>de</strong> mauvaises saisies <strong>sur</strong> <strong>les</strong> outils <strong>de</strong> gestion, tell’ERP par exemple).5. Il faut entendre la formalisation <strong><strong>de</strong>s</strong> échanges comme la façon dont <strong>les</strong> TIC peuvent re<strong><strong>de</strong>s</strong>siner <strong>les</strong> circuits d’information, redéfinir <strong>les</strong> liens <strong>de</strong> subordination,réorganiser <strong>les</strong> réseaux <strong>de</strong> travail, et du coup, reconfigurer <strong>les</strong> places et rô<strong>les</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> salariés dans <strong>les</strong> organisations.18 © Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres


PREMIèRE PARTIE : ENQUêTE QUALITATIVE PAR ENTRETIENS SEMI-DIRECTIFSb) Délitement <strong><strong>de</strong>s</strong> liens sociauxPour autant, le délitement du collectif reste un risquemajeur que la plupart <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres souligne. D’abord, parle fait que <strong>les</strong> relations virtuel<strong>les</strong> prennent une part très(trop) significative dans <strong>les</strong> <strong>communication</strong>s au travail,que cela soit entre collègues <strong>de</strong> travail proches (localisés<strong>sur</strong> un même espace) ou entre partenaires <strong>de</strong> travailéloignés (coopérant <strong>sur</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> projets communs, mais étantdistant géographiquement). Le contact direct, en présentiel,s’amenuise au profit <strong><strong>de</strong>s</strong> interactions par médiasinterposés qui <strong>de</strong>viennent ainsi la règle (et ce, pour <strong>les</strong>raisons évoquées plus haut : traçabilité, stockage, réactivité,accessibilité…). Comme l’évoque assez bien cetteexpression, on peut dire que ces outils ten<strong>de</strong>nt « à éloigner<strong>les</strong> gens qui sont proches et à rapprocher <strong>les</strong> gens quisont éloignés ».Et quand bien même <strong><strong>de</strong>s</strong> réunions <strong>de</strong> travail se déroulenten présentiel (face à face), el<strong>les</strong> se trouvent <strong>de</strong> plus enplus parasitées et perturbées par <strong>les</strong> interactions à distanceeffectuées <strong>de</strong> manière plus ou moins clan<strong><strong>de</strong>s</strong>tinesdans ces temps <strong>de</strong> regroupements.Les cadres se déclarent également très sensib<strong>les</strong> à laqualité et à la pertinence <strong><strong>de</strong>s</strong> informations transmises,dans la me<strong>sur</strong>e où cel<strong>les</strong>-ci constituent la matière première<strong>de</strong> leur travail et l’orientent fortement. La fiabilité<strong>de</strong> ces données est en quelque sorte un indicateur nonseulement <strong>de</strong> la connaissance que <strong>les</strong> autres ont <strong>de</strong> leuractivité et <strong>de</strong> leurs besoins (selon le tryptique « bonneinformation à la bonne personne au bon moment »), maiségalement <strong>de</strong> l’attention qu’on leur porte.Toutefois, la facilité d’usage <strong><strong>de</strong>s</strong> outils <strong>de</strong> <strong>communication</strong>scontribue insidieusement à diminuer la valeur <strong>de</strong>l’information transmise : <strong>les</strong> informations sont diffuséesaux collaborateurs en temps réel, sans analyse préalable,ni traitement pour la valoriser et l’adapter. Aussi, laréception d’informations inadaptées, erronées, redondantesou superficiel<strong>les</strong>, requérant <strong><strong>de</strong>s</strong> tâches supplémentaires<strong>de</strong> traitement, est pour <strong>les</strong> salariés la manifestationdu peu d’intérêt que leur entourage professionnel leurporte. Ce qui accentue un peu plus la fracture relationnelle,en altérant la qualité <strong><strong>de</strong>s</strong> contacts humains.Les liens sociaux vont dès lors être réinvestis là où <strong>les</strong><strong>technologies</strong> <strong>de</strong> travail paraissent moins présentes, voirebannies : formation, réunion informelle en petits comités…C’est dans cette même logique que certains vont déci<strong>de</strong>rd’avoir une utilisation plus ciblée <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC en fonction<strong><strong>de</strong>s</strong> besoins et <strong><strong>de</strong>s</strong> contraintes <strong>de</strong> la situation. En l’occurrence,<strong>les</strong> réunions <strong>de</strong> travail à distance abor<strong>de</strong>nt diversesproblématiques qui ne peuvent toutes être traitéespar <strong>les</strong> biais <strong><strong>de</strong>s</strong> environnements <strong>de</strong> travail collaboratifs,compte tenu <strong><strong>de</strong>s</strong> enjeux et <strong>de</strong> la complexité <strong><strong>de</strong>s</strong> problèmes.Il faut donc adopter <strong>les</strong> modalités <strong>de</strong> coopération(en présentiel/à distance ; synchrone/asynchrone) selon<strong>les</strong> temps du projet.c) Formalisation du collectifCertains effets <strong>sur</strong> la réorganisation <strong><strong>de</strong>s</strong> équipes <strong>de</strong> travailont également été évoqués, en particulier par <strong>de</strong>nouveaux rô<strong>les</strong> ou fonctions assignés aux individus.C’est notamment le cas pour <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres qui vont être sollicitéspour intervenir <strong>sur</strong> <strong>de</strong> multip<strong>les</strong> projets (par mailou audio/visioconférence) et/ou qui peuvent être aussiresponsab<strong>les</strong> <strong>de</strong> communautés virtuel<strong>les</strong> ou d’espacespartagés. Selon <strong>les</strong> environnements et <strong>les</strong> sollicitations,ils peuvent ainsi alterner <strong>les</strong> rô<strong>les</strong> et <strong>les</strong> attributionsdans une journée <strong>de</strong> travail, en étant alternativement :• animateur <strong>de</strong> communautés virtuel<strong>les</strong>/espace partagé(qui filtre, commente, vali<strong>de</strong>… <strong>les</strong> contributions, propositions<strong><strong>de</strong>s</strong> dépositaires… y compris <strong>de</strong> leurs managers)ou chef <strong>de</strong> projet (qui coordonne et supervise l’activité<strong>de</strong> personnes à distance) ;• expert technique (qui apporte une analyse ou unecompétence spécifique <strong>sur</strong> un domaine particulier) oucoordinateur (d’une réunion qui se déroule à distance,<strong>sur</strong> une plateforme collaborative).Chaque contexte <strong>de</strong> travail (virtuel ou physique) exigeainsi un rôle différent, <strong><strong>de</strong>s</strong> aptitu<strong><strong>de</strong>s</strong> particulières et uneapproche spécifique <strong>de</strong> l’activité et <strong><strong>de</strong>s</strong> relations socioprofessionnel<strong>les</strong>(être à l’écoute, en coordination, enproposition, en coopération, en management…).On assigne également un rôle symbolique à ces <strong>technologies</strong><strong>de</strong> <strong>communication</strong>, en en faisant <strong><strong>de</strong>s</strong> marqueurssociaux <strong><strong>de</strong>s</strong> rapports professionnels. El<strong>les</strong> vont être utiliséespour représenter <strong>les</strong> liens <strong>de</strong> subordination, <strong>de</strong> hiérarchisationentre <strong>les</strong> individus. C’est donc une forme <strong>de</strong>reconnaissance ou <strong>de</strong> contestation implicite <strong>de</strong> la structureorganisationnelle existante.Dimensions professionnel<strong>les</strong> et i<strong>de</strong>ntitairesCe qu’il faut retenir : <strong>sur</strong> le plan i<strong>de</strong>ntitaire, <strong>les</strong> cadresévoquent une véritable perte <strong>de</strong> sens vis-à-vis d’un travailqui leur échappe <strong>de</strong> plus en plus, et pour lequel ilsont <strong><strong>de</strong>s</strong> difficultés à évaluer leur contribution et plusvalues effectives. De même, <strong>les</strong> TIC mobi<strong>les</strong> favorisent lenomadisme et l’éloignement <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres <strong>de</strong> l’entreprise,d’où un sentiment <strong>de</strong> perte <strong>de</strong> légitimité (pouvoir décisionnel…).Enfin, se pose le problème <strong>de</strong> l’évolution dumétier <strong>de</strong> cadre qui, pour certains, risque <strong>de</strong> se banaliserpar la dilution <strong><strong>de</strong>s</strong> compétences (partagées entre activitéd’expertises et tâches annexes administratives <strong>de</strong>bas niveaux), ou encore par la délégation et la perte <strong>de</strong>certaines responsabilités (prises en charge par <strong>les</strong> TIC ouconfiées à <strong><strong>de</strong>s</strong> non-cadres, voire à <strong><strong>de</strong>s</strong> entités distantesgrâce aux TIC).© Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres19


PREMIèRE PARTIE : ENQUêTE QUALITATIVE PAR ENTRETIENS SEMI-DIRECTIFSComme cela a déjà été mentionné, <strong>les</strong> <strong>technologies</strong>favorisent le nomadisme <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres, qu’il soit réel (dans<strong>les</strong> déplacements, trajets ou au domicile) ou virtuel (par<strong>les</strong> espaces <strong>de</strong> collaboration, <strong>les</strong> échanges virtuels, lemanagement à distance). Ces outils <strong>de</strong> <strong>communication</strong>procurent une certaine liberté/flexibilité spatio-temporellequi permet aux cadres <strong>de</strong> s’éloigner <strong>de</strong> l’entreprisepour effectuer leur activité (en home office, en mobilité…).Mais cette distanciation peut également contribuerà réduire leur pouvoir décisionnel ainsi que leurlégitimité au sein <strong>de</strong> l’organisation, n’étant plus physiquementprésents et n’ayant plus <strong>de</strong> points d’i<strong>de</strong>ntificationet/ou <strong>de</strong> rattachement à la structure. Ce sont <strong>les</strong>non-cadres (assistants) qui peuvent dès lors s’occuper<strong>de</strong> cette fonction.Une autre évolution notable qui peut déstabiliser lemétier <strong>de</strong> cadre (en particulier expert) concerne le risque<strong>de</strong> déqualification, voire <strong>de</strong> disqualification liée auxchangements d’outils.– La transition vers un nouvel outil s’accompagne généralementd’un glissement <strong><strong>de</strong>s</strong> compétences métiers. Ledispositif réclame <strong>de</strong> nouvel<strong>les</strong> façons <strong>de</strong> faire, <strong>de</strong> penseret d’organiser l’activité et requiert un ajustement <strong><strong>de</strong>s</strong>savoir-faire acquis. Ce qui peut poser problèmes pourceux dont <strong>les</strong> pratiques sont <strong>les</strong> plus ancrées et trèsspécifiques à un domaine d’activité, en l’occurrence <strong>les</strong>cadres experts et opérationnels.On peut ainsi citer l’exemple <strong>de</strong> cette ingénieure quiindique que le changement <strong>de</strong> son outil <strong>de</strong> CAO (ConceptionAssistée par Ordinateur) a conduit à la perte <strong>de</strong> sonexpertise (d’architecte technique) qui a été transmise à<strong><strong>de</strong>s</strong> consultants extérieurs. Ce nouvel outil se révélaitplus compliqué et moins performant que l’ancien. Parmanque <strong>de</strong> temps et <strong>de</strong> formation, elle n’est pas arrivéeà le maîtriser suffisamment pour être aussi efficaceque <strong>sur</strong> l’ancien. Elle s’occupe dorénavant <strong>de</strong> gérer <strong>les</strong>prestataires qui délivrent la compétence qu’elle as<strong>sur</strong>aitauparavant. Elle a eu l’impression <strong>de</strong> perdre la technique(son expertise) au profit du management.– D’un autre côté, l’expertise, la compétence du cadreet la reconnaissance que l’organisation lui accor<strong>de</strong> sont<strong>de</strong> plus en plus définies dans son rapport aux <strong>technologies</strong>,et dans sa capacité à s’approprier et à maîtriserces outils (inhérents au métier, à l’organisation, à la<strong>communication</strong>…). Être compétent, être qualifié revientdonc à savoir utiliser convenablement et correctementces outils dans son travail.Les cadres évoquent également la difficulté <strong>de</strong> sereconnaître dans le travail réalisé, lequel ne correspondplus totalement ou exactement à leur idéal du travail, ouen tout cas à la manière dont ils conçoivent un travailbien fait et respectueux <strong><strong>de</strong>s</strong> règ<strong>les</strong> <strong>de</strong> leur profession (entermes <strong>de</strong> valeurs, <strong>de</strong> rigueur, <strong>de</strong> qualité, d’exigences…).La principale raison avancée est qu’ils n’arrivent pas à seconsacrer efficacement et entièrement à ce qu’ils considèrentcomme le cœur <strong>de</strong> leur métier et qui peut êtretrès variable selon la catégorie <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres considérés.Ainsi :• Pour <strong>les</strong> managers, cela peut être la proximité, l’écouteet le soutien apporté à leurs collaborateurs (alors qu’ilsont davantage l’impression d’être dans une relation distanciéeet inter-médiée par <strong>les</strong> TIC) ou, au contraire, que<strong>les</strong> liens sont trop ténus.• Pour <strong>les</strong> experts, c’est le fait <strong>de</strong> pouvoir se consacrerpleinement à leur activité qui réclame implication et disponibilité(alors qu’ils sont constamment confrontés àdu multi-tâches, avec interruptions et dispersions dansl’activité).• Pour <strong>les</strong> cadres dirigeants, c’est avoir la possibilité« <strong>de</strong> se poser », <strong>de</strong> prendre du recul pour apprécier <strong>les</strong>situations et pouvoir prendre <strong>les</strong> bonnes décisions (alorsqu’ils travaillent en flux tendu et que le temps leur manque,tant <strong>les</strong> sollicitations sont nombreuses).La multicompétence semble aussi être un facteur quidéstabilise le référentiel traditionnel du cadre. L’élargissement<strong>de</strong> sa palette d’activités (multi-tâches, multiprojets)et <strong>de</strong> responsabilités (qui peuvent évoluer enfonction <strong><strong>de</strong>s</strong> contextes <strong>de</strong> travail) conduit à une dilution<strong><strong>de</strong>s</strong> compétences, voire pour certains à une perte d’expertise(dans la me<strong>sur</strong>e où celle-ci n’est plus entretenuepar <strong>les</strong> activités centra<strong>les</strong> mais dispersée <strong>sur</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> tâchespériphériques).Les cadres managers ont ainsi l’impression <strong>de</strong> perdre leursavoir originel au profit <strong>de</strong> compétences plus transverseset moins valorisantes. Ces managers notent d’ailleurs uncertain éparpillement fonctionnel dans leur activité, enétant à la fois la fois <strong><strong>de</strong>s</strong> secrétaires, <strong><strong>de</strong>s</strong> RH, <strong><strong>de</strong>s</strong> managers,<strong><strong>de</strong>s</strong> financiers…Ce sentiment <strong>de</strong> déperdition <strong>de</strong> savoir-faire est renforcépar la banalisation du métier du cadre dans la me<strong>sur</strong>eoù <strong>les</strong> <strong>technologies</strong> peuvent, soit prendre directementen charge certaines activités, soit permettre à d’autrespersonnes (assistants, non-cadres) <strong>de</strong> réaliser un certainnombre <strong>de</strong> prérogatives autrefois dévolues au cadre(transmissions et recherche d’informations et <strong>de</strong> données,évaluation et coordination <strong><strong>de</strong>s</strong> équipes, tâches <strong>de</strong> gestionet <strong>de</strong> planning…). Dans le même temps, <strong>les</strong> cadrespeuvent également récupérer <strong><strong>de</strong>s</strong> tâches administrativesannexes qui ne relèvent pas <strong>de</strong> leur domaine <strong>de</strong> compétences,mais qui vont néanmoins exiger du temps.b) Revalorisation apportée par <strong>les</strong> outilstechnologiquesLes <strong>technologies</strong> employées par le cadre n’ont pas que<strong><strong>de</strong>s</strong> effets préjudiciab<strong>les</strong>. El<strong>les</strong> peuvent aussi permettre,lorsqu’el<strong>les</strong> sont utilisées à <strong><strong>de</strong>s</strong>sein, <strong>de</strong> valoriser le cadre,© Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres21


PREMIèRE PARTIE : ENQUêTE QUALITATIVE PAR ENTRETIENS SEMI-DIRECTIFSson travail et sa fonction. Ainsi, la visibilité que <strong>les</strong> TICdonnent à l’activité peut se révéler bénéfique dans <strong>de</strong>grosses structures où l’anonymat domine. Les espacespartagés et <strong>les</strong> outils <strong>de</strong> capitalisation <strong>de</strong> la connaissancepermettent <strong>de</strong> rendre accessible son travail.Chacun <strong>de</strong>vient ainsi davantage transparent dans sesapports, dans ses compétences, dans ses qualités professionnel<strong>les</strong>et peut ainsi être plus facilement repéré,connu et reconnu (valorisé).Cette visibilité touche également la dynamique même<strong>de</strong> travail. Les <strong>technologies</strong> apportent davantage <strong>de</strong>réalité, <strong>de</strong> matérialité… à <strong><strong>de</strong>s</strong> processus qui peuventêtre difficilement formalisab<strong>les</strong>. Ainsi, le temps passé àréaliser certaines tâches, la nature et la décomposition<strong>de</strong> ces tâches peuvent être plus facilement précisées etjustifiées auprès <strong><strong>de</strong>s</strong> partenaires professionnels (clients,fournisseurs, collaborateurs, responsab<strong>les</strong>…) par undécompte du temps passé <strong>sur</strong> <strong>les</strong> projets et la présentation<strong><strong>de</strong>s</strong> documents <strong>de</strong> travail.■■CONCLUSIONCinq points se dégagent <strong>de</strong> cette étu<strong>de</strong>.• L’usage <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC <strong>de</strong>vient une activité à part entière,qui est fondatrice/structurante du travail du cadre. C’estdonc moins le déroulement <strong>de</strong> l’activité qui conduit à unusage « opportuniste » <strong><strong>de</strong>s</strong> outils que <strong>les</strong> <strong>technologies</strong>el<strong>les</strong>-mêmes qui vont rythmer et organiser le travail. Lecontenu du travail est en effet rarement donné a priori :il s’élabore et évolue avec la situation et <strong>les</strong> sollicitations<strong><strong>de</strong>s</strong> TIC et se répartit entre différents acteurs, partenaires,supports et artéfacts (technologiques) du travail.Paradoxalement, l’incertitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> cette activité qui évolueet change en permanence <strong>de</strong>vient en quelque sorte laseule certitu<strong>de</strong> et constante du travail <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres.• Les repères, <strong>les</strong> modalités, <strong>les</strong> références, <strong>les</strong> formes, lecontenu, <strong>les</strong> conditions <strong>de</strong> réalisation mêmes du travailten<strong>de</strong>nt également à évoluer et à se transformer.L’activité <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres <strong>de</strong>vient ainsi plus rapi<strong>de</strong>, plus saccadée,plus rythmée, plus distante aussi. Elle se dématérialiseégalement davantage dans ses productions etses interactions dans la me<strong>sur</strong>e où l’individu semble plusisolé socialement (en dépit d’une interconnexion et d’uneinterdépendance à un réseau <strong>de</strong> travail), et plus éloigné<strong><strong>de</strong>s</strong> processus <strong>de</strong> travail, voire <strong>de</strong> son organisation. Sontravail est aussi plus visible et moins contrôlable. Enfin,si l’individu est présenté (dans <strong>les</strong> discours au moins)comme plus autonome, cette autonomie semble sommetoute relative car régulée et encadrée d’une part par <strong>les</strong>systèmes techniques (cf. emplois du temps réglementésou paramétrés par <strong>les</strong> agendas partagés) et s’inscrivantd’autre part dans une relation <strong>de</strong> dépendance virtuelleavec ses supérieurs (mails en copie).• Les <strong>technologies</strong> révèlent, accentuent, voire accélèrent<strong><strong>de</strong>s</strong> dysfonctionnements, difficultés, contraintes quipesaient déjà <strong>sur</strong> cette catégorie <strong>de</strong> salariés en termes <strong>de</strong>fragmentation, <strong>de</strong> sollicitations, <strong>de</strong> ca<strong>de</strong>nce, <strong>de</strong> séquences<strong>de</strong> travail, <strong>de</strong> multi-activités, <strong>de</strong> polycompétences.Des qualités professionnel<strong>les</strong> plus spécifiques et transversessemblent être exigées. Par exemple : développer unméta-travail pour gérer la polycontextualité <strong><strong>de</strong>s</strong> projets,faire preuve <strong>de</strong> flexibilité cognitive pour alterner l’usage<strong>de</strong> différents logiciels, déployer <strong><strong>de</strong>s</strong> capacités en termed’attention partagée pour gérer la fragmentation et lamulti-activité, faire preuve <strong>de</strong> soup<strong>les</strong>se organisationnellepour ajuster son activité aux nombreuses sollicitations <strong><strong>de</strong>s</strong>on environnement, être réactif et proactif dans <strong>les</strong> prises<strong>de</strong> décision instantanées, être capable <strong>de</strong> faire la synthèsed’informations <strong>de</strong> différentes natures (orale, numérique,digitale…) provenant <strong>de</strong> multip<strong>les</strong> supports et canaux.• Certaines modalités et certains contextes <strong>de</strong> travail sevoient également renforcer dans l’activité <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres etpeuvent reconfigurer <strong>les</strong> pratiques existantes et exigerd’autres types compétences (qui seront abordées plusspécifiquement par <strong>les</strong> observations <strong>de</strong> terrain). Cesmodalités sont :- Le nomadisme et le « Home Office ».- Le management à distance.- Le travail coopératif à distance.- La multi-activité <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres sé<strong>de</strong>ntaires.• Une perte <strong>de</strong> sens semble être ressentie par une gran<strong>de</strong>partie <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres interrogés, qui ont l’impression d’assisterà la migration <strong>de</strong> leur activité vers quelque chose qui leuréchappe et <strong>sur</strong> laquelle ils ont <strong>de</strong> moins en moins <strong>de</strong> priseet <strong>de</strong> contrôle.22 © Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres


PREMIèRE PARTIE : ENQUêTE QUALITATIVE PAR ENTRETIENS SEMI-DIRECTIFSDe nouveaux principes <strong>de</strong> collaboration et <strong>de</strong> coordinationsont donc à inventer entre l’homme, son activitéet ses environnements technologiques, ce qui pose plusspécifiquement la question du rôle et <strong>de</strong> la place <strong><strong>de</strong>s</strong>outils dans l’activité productive du cadre. Comment etjusqu’à quel niveau la technologie doit se substituerou suppléer l’activité d’un cadre ? A quel moment doitel<strong>les</strong>e mettre en retrait (pour as<strong>sur</strong>er <strong><strong>de</strong>s</strong> liens sociauxacceptab<strong>les</strong>, un management efficace et reconnu…) ?Ce qui renvoie à la place et au rôle du cadre qui, commenous l’avons montré, semble se fragiliser, s’effacer.En termes <strong>de</strong> pistes <strong>de</strong> réflexion, le métier et <strong>les</strong> compétences<strong><strong>de</strong>s</strong> cadres paraissent évoluer selon trois profilsd’activité possib<strong>les</strong>. Ces profils ne sont pas nécessairementopposés et opposab<strong>les</strong> (dans la me<strong>sur</strong>e où ilspeuvent s’associer, se conjuguer et se compléter dansl’action) mais permettent sans doute <strong>de</strong> mieux comprendre<strong>les</strong> contraintes et <strong>les</strong> « épreuves » auxquel<strong>les</strong> cettecatégorie <strong>de</strong> salariés peut être confrontée, dans l’exercice<strong>de</strong> son activité et au contact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong>. Onpeut aussi voir en filigrane <strong>les</strong> compétences et aptitu<strong><strong>de</strong>s</strong>requises. Ces trois profils servent <strong>de</strong> trames dans <strong>les</strong>observations ultérieures, pour évaluer empiriquement <strong>les</strong>inci<strong>de</strong>nces <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC <strong>sur</strong> <strong>les</strong> pratiques professionnel<strong>les</strong>.1) Il s’agit tout d’abord d’un cadre dit « libre-service »qui est extrêmement tributaire <strong><strong>de</strong>s</strong> exigences et <strong><strong>de</strong>s</strong> sollicitations<strong>de</strong> son environnement socio-professionnel.L’organisation dispose en effet <strong>de</strong> puissants moyens<strong>de</strong> visibilité et <strong>de</strong> supervision <strong>de</strong> l’activité qui ren<strong>de</strong> lecadre totalement transparent, disponible et accessibleaux yeux <strong>de</strong> tous, en s’affranchissant <strong><strong>de</strong>s</strong> contraintesspatia<strong>les</strong> (où il est), organisationnel<strong>les</strong> (ce qu’il faitet comment il le fait), temporel<strong>les</strong> (quand il le fait) etfonctionnel<strong>les</strong> (qui il est). Ceci implique <strong>de</strong> la part ducadre <strong>de</strong> pouvoir développer un savoir-faire basé <strong>sur</strong> lagestion <strong>de</strong> ses disponibilités mais aussi <strong>de</strong> sa visibilitéau travail, afin <strong>de</strong> ne pas perdre totalement le contrôle<strong>de</strong> son activité. Plus précisément, c’est :- « Qu’est-ce qu’il faut rendre visible ou invisible dansmon activité ? » Avec <strong><strong>de</strong>s</strong> enjeux i<strong>de</strong>ntitaires forts portant<strong>sur</strong> la valorisation et la reconnaissance <strong>de</strong> ses qualitésprofessionnel<strong>les</strong> par la communauté (relationnel<strong>les</strong>,expertise, managérial…), mais aussi <strong>sur</strong> le risque <strong>de</strong>perte d’autonomie et <strong>de</strong> légitimité (par la connaissancedétenue…).- « Comment se rendre disponible ou indisponible à sonenvironnement ? » Par l’usage détourné <strong><strong>de</strong>s</strong> agendas partagéspar exemple ou <strong>de</strong> la messagerie instantanée, afin<strong>de</strong> préserver du temps pour son travail mais aussi – et<strong>sur</strong>tout – <strong>de</strong> se préserver face à d’éventuels débor<strong>de</strong>ments.2) Un cadre « décadré » (ou dispersé) dans la me<strong>sur</strong>eoù certaines références traditionnel<strong>les</strong> <strong>de</strong> métier sontremises en cause (dilution/glissement/perte <strong><strong>de</strong>s</strong> compétences,banalisation <strong>de</strong> sa fonction), et qui l’amène àse poser <strong><strong>de</strong>s</strong> questions <strong>sur</strong> le sens <strong>de</strong> son activité (sonapport, son utilité, sa contribution…).Il doit aussi essayer <strong>de</strong> retrouver <strong>de</strong> la cohérence faceun travail éclaté et morcelé. En effet, le travail du cadredans un environnement hyper-médiatisé se caractérisepar un émiettement accentué <strong>de</strong> son activité qui serépartit en <strong>de</strong> multip<strong>les</strong> « sous/micro »-tâches menées<strong>de</strong> manière plus ou moins parallèle, et dont l’importance,l’urgence et l’intérêt varient selon le contexte,<strong>les</strong> projets et <strong>les</strong> sollicitations auxquels il est soumis.Pour reprendre une expression <strong>de</strong> Carlson (datant déjà<strong>de</strong> 1951…), le cadre serait une sorte <strong>de</strong> marionnettedéterminée par son environnement, dont <strong>les</strong> fils <strong>de</strong> sonactivité seraient tirés par <strong>les</strong> différents artéfacts <strong>de</strong> sonsystème <strong>de</strong> travail (clients, projets, collaborateurs, responsab<strong>les</strong>,<strong>technologies</strong>…). Soumis à ce morcellement,le cadre est alors obligé <strong>de</strong> redéfinir constamment l’organisation,<strong>les</strong> priorités <strong>de</strong> son activité pour donner unsemblant <strong>de</strong> cohérence à cet ensemble.Il s’agit dès lors d’apprendre à gérer cette multi-activitéen développant un méta-travail, c’est-à-dire un travail<strong>sur</strong> le travail qui requiert flexibilité organisationnelle(réajustement constant <strong>de</strong> son travail) et soup<strong>les</strong>sementale (pour faire face aux fragmentations et interruptionsrégulières <strong>de</strong> l’activité).3) Un cadre « partagé » parce que celui-ci n’est plus unacteur permanent fixe <strong>de</strong> son entreprise : il <strong>de</strong>vient plusmobile physiquement et virtuellement. Il doit ainsi sanscesse s’adapter à divers contextes <strong>de</strong> travail : virtuelréel,présentiel-à distance, nomadisme – Home-Office(télé-travail) – sé<strong>de</strong>ntaire ainsi qu’à différentes modalités<strong>de</strong> travail (synchrone-asynchrone ; collectif-individuel; bureau permanent-équipement local). Il se trouveplongé dans <strong><strong>de</strong>s</strong> environnements qui ont chacun leursexigences propres et qui réclament <strong><strong>de</strong>s</strong> pratiques et <strong><strong>de</strong>s</strong>usages particuliers. Par exemple, ce n’est pas la mêmechose <strong>de</strong> collaborer en audio-conférence qu’en visioconférence(compte tenu <strong>de</strong> la visibilité que l’on a <strong>de</strong> lapersonne, et donc du rôle à tenir et à jouer dans chaqueenvironnement).De même, ces modalités peuvent se mélanger et s’entremêler,à charge pour l’individu <strong>de</strong> pouvoir articulerconvenablement ces situations. C’est que nous avonsappelé <strong>les</strong> activités glocalisées (contraction <strong>de</strong> « global» et <strong>de</strong> « local ») repérées d’abord dans certainesexpériences <strong>de</strong> collaboration relatées par <strong>les</strong> cadres etqui seront plus finement étudiées dans <strong>les</strong> observations<strong>de</strong> terrain. Il s’agit en l’occurrence <strong>de</strong> pouvoir combinerà la fois <strong><strong>de</strong>s</strong> mo<strong><strong>de</strong>s</strong> d’interaction à distance (avec© Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres23


PREMIèRE PARTIE : ENQUêTE QUALITATIVE PAR ENTRETIENS SEMI-DIRECTIFS<strong>les</strong> personnes éloignées) et en présentiel (avec une ouplusieurs personnes proches, pour se coordonner, s’informer…via divers registres <strong>de</strong> <strong>communication</strong>s : numériques[messagerie instantanée], non-verbaux [gestuel,regard], oraux [aparté], analogiques [papier]).Il s’agit d’être en quelque sorte ici et là-bas en mêmetemps. Cela rejoint le principe <strong>de</strong> la « mobiquité »(Badillo & Roux, 2009) qui correspond à être mobile touten gardant <strong>les</strong> avantages <strong>de</strong> la sé<strong>de</strong>ntarité, et ce grâceaux bureaux permanents dont sont <strong>de</strong> plus en équipés<strong>les</strong> cadres (ordinateur portable avec connexion Wifi,carte 3G, mise à jour et consultation à distance <strong>de</strong> laplupart <strong><strong>de</strong>s</strong> logiciels et base <strong>de</strong> données <strong>de</strong> l’entreprise,Smartphone …). Ces outils donnent la possibilité <strong>de</strong> seconnecter à un réseau sans contrainte <strong>de</strong> temps, <strong>de</strong> localisation,ou <strong>de</strong> terminal (Concept d’ATAWAD © 6 : AnyTime,AnyWhere, AnyDevice, ANR, 2009).Enfin, ce partage <strong>de</strong> l’activité du cadre s’entend/s’étendaussi dans la façon dont <strong>les</strong> <strong>technologies</strong> et <strong>les</strong> contextes<strong>de</strong> travail se conditionnent mutuellement. Ainsi :• Dans l’activité sé<strong>de</strong>ntaire, ce sont <strong>les</strong> <strong>technologies</strong>utilisées qui vont plutôt déterminer <strong>les</strong> espaces <strong>de</strong>travail (virtuels) dans <strong>les</strong>quels <strong>les</strong> individus vont être« projetés » (via l’audio/visio conférence, l’utilisation<strong>de</strong> la messagerie classique et instantanée, <strong>les</strong> espacespartagés).• Dans le travail noma<strong>de</strong>, ce sont plutôt <strong>les</strong> contextesphysiques dans <strong>les</strong>quels se trouve successivement l’individuqui vont orienter le choix <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong>, leursusages et <strong>les</strong> pratiques professionnel<strong>les</strong> qui en découlent.En effet, on ne fait pas n’importe quoi, n’importe où etn’importe comment. Par exemple, en voiture il n’est paspossible pour un cadre commercial noma<strong>de</strong> <strong>de</strong> consulterson ordinateur portable, ou <strong>de</strong> traiter un dossier stratégiqueavec un client ou un collaborateur par téléphone. Enrevanche, il peut très bien traiter <strong>les</strong> affaires courantesavec son assistante. Dans le train, il est difficile <strong>de</strong> travailler<strong>sur</strong> un sujet sensible, confi<strong>de</strong>ntiel <strong>sur</strong> le portableou <strong>de</strong> gérer une situation <strong>de</strong> crise par téléphone (étantexposé au regard et à l’écoute <strong><strong>de</strong>s</strong> autres voyageurs).En réunion chez le client, il sera difficile d’utiliser sonSmartphone pour consulter et répondre à ses messages.Au domicile, on travaillera davantage <strong>sur</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> tâchesqui réclament une certaine concentration (rédaction <strong>de</strong>compte-rendu ou <strong>de</strong> proposition) avec un accès rapi<strong>de</strong> etfiable aux réseaux <strong>de</strong> l’entreprise. Tout ceci réclame <strong><strong>de</strong>s</strong>compétences en termes <strong>de</strong> gestion <strong>de</strong> la mobilité.6. ATWAD : Concept proposé et déposé par Xavier Dalloz24 © Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres


CHAPITRE II : ENQUêTE QUANTITATIVE AUPRèS DES CADRES■■INTRODUCTIONCe chapitre présente <strong>les</strong> résultats <strong>de</strong> l’enquête réaliséegrâce au questionnaire mis en ligne par l’APEC. 7Au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> la présentation synthétique <strong><strong>de</strong>s</strong> résultatsobtenus avec le questionnaire, nous avons exploré, pardifférentes approches et outils statistiques, <strong>les</strong> logiquesqui permettent d’intégrer l’ensemble <strong>de</strong> ses résultatspour mieux comprendre :- Les TIC utilisées par <strong>les</strong> cadres ;- Leurs perceptions <strong>de</strong> ces outils ;- Les transformations induites par ces outils dans leursactivités ;- Les relations entre <strong>les</strong> différents types <strong>de</strong> TIC et <strong>les</strong>différents types <strong>de</strong> cadres ;- Les impacts <strong>de</strong> ces TIC <strong>sur</strong> <strong>les</strong> différents métiers querecouvre la catégorie <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres en entreprise.■■Le questionnaireForme du questionnaireLe questionnaire a été divisé en six parties correspondantà six axes différents.Les trois premières parties, intitulées « Votre profil »,« Votre entreprise et votre service » et « Votre poste »et la <strong>de</strong>rnière partie (« Fiche signalétique ») permettent<strong>de</strong> cerner le profil <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres interrogés. L’objectif est<strong>de</strong> répertorier <strong>les</strong> tendances généra<strong>les</strong>, <strong>les</strong> caractéristiquesredondantes,… Les questions présentées dans cesparties offrent également une vision globale <strong><strong>de</strong>s</strong> différentspostes occupés, <strong>de</strong> l’ancienneté et <strong><strong>de</strong>s</strong> fonctionsoccupées par <strong>les</strong> cadres, <strong>de</strong> leur statut, du profil <strong>de</strong> l’entreprise,<strong>de</strong> la formation initiale, etc. Par ailleurs, nousavons cherché à croiser <strong>les</strong> résultats <strong>de</strong> ces données avec<strong>les</strong> informations <strong>sur</strong> l’accès ou non aux <strong>technologies</strong>informatiques. Nous souhaitions savoir si tous <strong>les</strong> cadresutilisaient <strong>de</strong> la même façon <strong><strong>de</strong>s</strong> outils informatiques. Leprofil nous permet d’éviter <strong>les</strong> généralités en distinguantclairement <strong>les</strong> différents sous-groupes qui existent ausein <strong>de</strong> la classe socioprofessionnelle <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres.La quatrième partie du questionnaire traite <strong>de</strong> l’environnementinformatique <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres. Les questions poséesindiquent l’accès aux nouvel<strong>les</strong> <strong>technologies</strong>, que ce soit<strong>les</strong> ERP, <strong>les</strong> Workflow, <strong>les</strong> outils <strong>de</strong> gestion électronique<strong><strong>de</strong>s</strong> documents, <strong>les</strong> outils <strong>de</strong> gestion et entrepôt <strong>de</strong> données,...El<strong>les</strong> permettent aussi <strong>de</strong> connaître le ressenti<strong><strong>de</strong>s</strong> cadres quant à l’utilité, l’ergonomie, la sécurité, larobustesse, la fréquence d’usage... <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC.Il en ressort ce qui pourrait être une sorte d’indice <strong><strong>de</strong>s</strong>atisfaction générale <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres vis-à-vis <strong><strong>de</strong>s</strong> nouvel<strong>les</strong><strong>technologies</strong> informatiques.Ces données peuvent également être croisées avec cel<strong>les</strong>traitant <strong><strong>de</strong>s</strong> conséquences <strong><strong>de</strong>s</strong> nouvel<strong>les</strong> <strong>technologies</strong><strong>sur</strong> le travail <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres. Nous évaluons ainsi la satisfactionselon la fréquence d’usage. Cette partie renvoieégalement aux différentes tâches exercées par <strong>les</strong> cadres(production opérationnelle, travail administratif, relationsexternes,...). On cherche alors à déterminer quel<strong>les</strong> sont<strong>les</strong> <strong>technologies</strong> qui sont utilisées dans ces différentesmissions, mais aussi <strong>les</strong> diverses pratiques <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres enlien avec <strong>les</strong> TIC ainsi que <strong>les</strong> détournements possib<strong>les</strong>dans l’utilisation <strong><strong>de</strong>s</strong> outils.La cinquième partie traite <strong>de</strong> l’influence <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong>informatiques <strong>sur</strong> l’environnement professionnel.Les questions apportent <strong><strong>de</strong>s</strong> informations quant à l’autonomie<strong><strong>de</strong>s</strong> cadres, leur efficacité, le contrôle, la centralitéet le rythme <strong>de</strong> travail, <strong>les</strong> formations, <strong>les</strong> tâchesréalisées... L’objectif est <strong>de</strong> repérer <strong>les</strong> changementsopérés dans l’activité <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres suite à l’intégration <strong><strong>de</strong>s</strong><strong>technologies</strong> dans leur environnement professionnel ouen raison d’un usage régulier. On évalue par exemple <strong>les</strong>variations possib<strong>les</strong> <strong>de</strong> la charge <strong>de</strong> travail, du contrôle,<strong>de</strong> l’autonomie, <strong><strong>de</strong>s</strong> relations interpersonnel<strong>les</strong>... Celanous permet au final <strong>de</strong> mieux cerner <strong>les</strong> inci<strong>de</strong>nces possib<strong>les</strong><strong>de</strong> ces TIC <strong>sur</strong> différentes dimensions <strong>de</strong> l’activitédu cadre.7. Enquête réalisée en 2009. Équipe : Christine Michel (INSA <strong>de</strong> Lyon, Laboratoire LIESP (EA 4125), Philippe Sarnin, Marc-Éric Bobillier Chaumon etDorothée Fraisse (Université Lyon II – Institut <strong>de</strong> Psychologie Laboratoire GRePS (EA 4163).© Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres25


CHAPITRE II : ENQUêTE QUANTITATIVE AUPRèS DES CADRESMéthodologieLes cadres ont répondu à ce questionnaire <strong>sur</strong> Internet.Sur <strong>les</strong> 2412 retours, 1767 étaient complets et ont étéexploités.Les logiciels <strong>de</strong> traitement <strong>de</strong> questionnaire et d’analyse<strong><strong>de</strong>s</strong> données employés étaient <strong>les</strong> suivants : Sphinx,Excel, Exlstat et SPSS.Les métho<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong> traitement <strong><strong>de</strong>s</strong> données mises en œuvreont été unidimentionnel<strong>les</strong> (tri à plat), bidimentionnel<strong>les</strong>(tris croisés/Chi-2/dénombrement) et multidimentionnel<strong>les</strong>(ACP/AFC/Classification K-Means).Recodage et retraitement du questionnaire avantanalysesPlusieurs recodages ont été réalisés. D’abord un recodagemanuel <strong>de</strong> la qualification du poste selon <strong><strong>de</strong>s</strong> modalitésfermées « Manager/Expert/Deman<strong>de</strong>ur d’emploi » à partir<strong><strong>de</strong>s</strong> questions <strong>sur</strong> la fonction occupée et <strong>sur</strong> l’intitulédu poste.Nous avons aussi regroupé <strong><strong>de</strong>s</strong> classes pour certainesquestions fermées qualitatives ou quantitatives : <strong>les</strong>appréciations <strong>de</strong> type « Oui tout à fait » et « Plutôtoui » en « Oui » vs « Non pas du tout » et « Plutôtnon » en « Non », « Parfois » et « Rarement » en « Parfois», « Souvent » et « Fréquemment » en « Souvent ».Le nombre <strong><strong>de</strong>s</strong> classes <strong>de</strong> « temporalités », « d’âges »et <strong>de</strong> « nombre <strong>de</strong> personnes sous sa responsabilité »a également été réduit. Nous avons enfin converti <strong><strong>de</strong>s</strong>données qualitatives en format numérique (par exempled’accord/pas du tout d’accord => en 1,2, …, 5 - oui/non=>en 0/1) <strong>de</strong> manière à pouvoir tester <strong><strong>de</strong>s</strong> métho<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong>type ACP.Nous avons également créé <strong>de</strong> nouvel<strong>les</strong> variab<strong>les</strong> <strong>de</strong>« type d’accès » en procédant à une classification automatique(K-means) en 4 classes à partir <strong><strong>de</strong>s</strong> questionsportant <strong>sur</strong> <strong>les</strong> <strong>technologies</strong> à disposition. De même,pour construire l’échelle d’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC, nous avonsregroupé certaines modalités en 9 dimensions : Autonomie,Coopération, Simplification <strong><strong>de</strong>s</strong> tâches, Contrôle<strong><strong>de</strong>s</strong> autres…■■analyse <strong><strong>de</strong>s</strong> résultatsLes caractéristiques <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres• Profil-type <strong><strong>de</strong>s</strong> répondants à l’enquêteC’est un homme (70 %) <strong>de</strong> 30 à 39 ans (50 %) qui est<strong>sur</strong> son poste actuel <strong>de</strong>puis 1 à 4 ans (55 %), ayant unniveau <strong>de</strong> formation Bac +5 (56 %) obtenu à l’université(38 %). Ce cadre travaille dans une entreprise <strong>de</strong> plus <strong>de</strong>500 salariés (50 %) à dimension internationale (69 %).C’est un cadre autonome au forfait jour (44 %) qui n’apas la fonction <strong>de</strong> responsable d’un service (60 %) maisqui a pour mission d’encadrer <strong><strong>de</strong>s</strong> collaborateurs (57 %).Ses tâches principa<strong>les</strong> concernent la production opérationnelle(45 %) et le travail administratif à 19 %. Enrevanche, l’animation d’équipe tient une place moindre(14 %).• Niveau <strong>de</strong> motivationLes cadres interrogés se déclarent satisfaits <strong>de</strong> leur travail.La majorité d’entre eux estiment que le contenu<strong>de</strong> leur travail s’est enrichi <strong>les</strong> cinq <strong>de</strong>rnières annéesprécédant l’enquête. Ils se perçoivent comme <strong><strong>de</strong>s</strong> salariésautonomes et se considèrent comme libres dansl’organisation <strong>de</strong> leur activité. Cette perception semblerelativement contradictoire avec le fait qu’ils se déclarenttrès dépendants <strong>de</strong> leur environnement professionnel- <strong>les</strong> collègues, <strong>les</strong> collaborateurs, <strong>les</strong> clients… - etestiment pour la moitié d’entre eux n’être finalementque relativement libres dans leurs actions et prises <strong>de</strong>décision dans la me<strong>sur</strong>e où cel<strong>les</strong>-ci dépen<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> cetenvironnement socio-professionnel.Ainsi, si le sentiment d’autonomie est partagé par laplupart <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres interrogés, cette autonomie sembleen réalité partielle, en tout cas à nuancer. Autrementdit, elle appartient davantage à l’imaginaire <strong><strong>de</strong>s</strong> cadresqu’aux conditions réel<strong>les</strong> <strong>de</strong> l’activité. Tant que la questionreste générale et abstraite, <strong>les</strong> cadres mettent enavant la valeur symbolique <strong>de</strong> leur autonomie, mais lorsquel’analyse est plus fine et plus concrète, la réalitéreprend le <strong><strong>de</strong>s</strong>sus.• Accès aux TICLes <strong>de</strong>ux-tiers <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres ont à leur disposition <strong><strong>de</strong>s</strong> ordinateursfixes et plus fréquemment encore portab<strong>les</strong>. Ilsaccè<strong>de</strong>nt également pour la plupart à différentes <strong>technologies</strong>tel<strong>les</strong> qu’Internet, Intranet, <strong><strong>de</strong>s</strong> agendas partagés,<strong><strong>de</strong>s</strong> messageries électroniques pour <strong>les</strong> plus utilisées.Sont utilisés également, mais <strong>de</strong> manière moins répandue,<strong>les</strong> ERP, <strong><strong>de</strong>s</strong> outils <strong>de</strong> travail collectif à distance,l’audio-visio conférence), <strong><strong>de</strong>s</strong> outils concernant l’usage<strong><strong>de</strong>s</strong> réseaux sociaux et communautaires par un cadre <strong>sur</strong><strong>de</strong>ux.Les outils <strong>de</strong> Knowledge Management, <strong>de</strong> Workflow et <strong>de</strong>GED sont rarement utilisés. Il se peut qu’ils soient davantage<strong><strong>de</strong>s</strong>tinés aux fonctions opérationnel<strong>les</strong> et <strong>de</strong> sou-26 © Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres


CHAPITRE II : ENQUêTE QUANTITATIVE AUPRèS DES CADREStien, (tels <strong>les</strong> employés administratifs ou <strong>les</strong> assistants).La diversité <strong><strong>de</strong>s</strong> responsabilités et <strong><strong>de</strong>s</strong> activités <strong><strong>de</strong>s</strong> cadresexplique en partie le recours à un nombre important et<strong>sur</strong>tout diversifié <strong>de</strong> <strong>technologies</strong>. La plupart <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong>sont utilisées <strong>de</strong>puis plusieurs années, en fonctiondu rythme d’apparition dans <strong>les</strong> entreprises principalement,mais aussi <strong>de</strong> leur utilité dans <strong>les</strong> entreprises d’unepart, et pour <strong>les</strong> cadres d’autre part.En termes d’usages, <strong>les</strong> cadres se servent avant tout <strong>de</strong>TIC adaptées à leurs différentes tâches et missions professionnel<strong>les</strong>: progiciels métier pour <strong>les</strong> productions opérationnel<strong>les</strong>,TIC <strong>de</strong> gestion pour le travail administratif, TIC<strong>de</strong> collaboration pour l’animation d’équipe et <strong>les</strong> relationsavec <strong>les</strong> acteurs externes. Les <strong>technologies</strong> sont doncmajoritairement employées selon <strong>les</strong> finalités affichées etpour répondre aux besoins <strong>de</strong> leurs usagers.Toutefois, <strong>les</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> restent <strong>les</strong>outils <strong>les</strong> plus largement et diversement utilisés quel<strong>les</strong>que soient <strong>les</strong> tâches réalisées. Ces <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong>(messagerie classique ou instantanée, visio/audio-conférence…) paraissent être une sorte d’outil universel,<strong>de</strong> « couteau suisse » qui permet <strong>de</strong> répondre à laplupart <strong><strong>de</strong>s</strong> besoins et exigences <strong>de</strong> l’activité.Les <strong>technologies</strong> sont essentiellement employées pour<strong><strong>de</strong>s</strong> activités individuel<strong>les</strong> (production opérationnelle)et pour le travail administratif. El<strong>les</strong> sont plus rarementutilisées pour le travail qui nécessite <strong><strong>de</strong>s</strong> relations prochescomme <strong>les</strong> activités requérant <strong><strong>de</strong>s</strong> négociations, laprise d’information… <strong>les</strong> cadres préférant dans ce cas <strong>les</strong>relations en face à face.Ceci dit, une <strong><strong>de</strong>s</strong> missions <strong>de</strong> nombreux cadres est <strong>de</strong>coordonner et piloter le travail d’autres salariés, eninterne ou en relation client/fournisseur. La majorité<strong><strong>de</strong>s</strong> cadres interrogés encadrent une équipe, alorsque par ailleurs le travail collectif (réunion formelle,informelle, groupe <strong>de</strong> travail, projet d’équipe…)représente le tiers du temps <strong>de</strong> l’activité du cadre.Ces différentes caractéristiques <strong>de</strong> l’activité <strong>de</strong> nombreuxcadres exigent une <strong>communication</strong> quasi-permanenteavec <strong>les</strong> collaborateurs (et réciproquement).Perception générale <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC• Niveaux <strong>de</strong> satisfaction (ergonomie, robustesse,sécurité, …) vis-à-vis <strong><strong>de</strong>s</strong> TICGlobalement <strong>les</strong> cadres estiment que <strong>les</strong> outils qui sontmis à leur disposition sont ergonomiques (facilité d’utilisation).Les chiffres oscillent entre 61 %* 8 pour <strong>les</strong>outils <strong>de</strong> gestion <strong>de</strong> projets et 83 % pour l’usage <strong><strong>de</strong>s</strong>réseaux sociaux et communautaires (pourtant peu uti<strong>les</strong>selon <strong>les</strong> cadres). Les cadres sont plus mitigés quant àl’ergonomie <strong><strong>de</strong>s</strong> ERP puisque 52 %** 8 d’entre eux répon<strong>de</strong>ntpar la négative.Les réponses <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres montrent un niveau élevé <strong><strong>de</strong>s</strong>atisfaction <strong>sur</strong> la fiabilité <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC.En effet, ils indiquent pour tous <strong>les</strong> outils plus <strong>de</strong> 70 %<strong>de</strong> satisfaction quant à leur robustesse. Les <strong>technologies</strong><strong>les</strong> plus fiab<strong>les</strong> sont <strong>les</strong> outils <strong>de</strong> travail collectif à distance,<strong>les</strong> réseaux sociaux et communautaires, <strong>les</strong> GED,<strong>les</strong> outils <strong>de</strong> gestion et entrepôt <strong>de</strong> données, <strong>les</strong> logiciels<strong>de</strong> gestions <strong>de</strong> projet, <strong>les</strong> outils automatisés <strong>de</strong> processuset <strong>les</strong> outils <strong>de</strong> gestion <strong>de</strong> connaissances. Viennentensuite <strong>les</strong> ERP et <strong>les</strong> audio-visio-conférences.Les cadres ont confiance en la sécurité <strong><strong>de</strong>s</strong> nouvel<strong>les</strong><strong>technologies</strong>, tout particulièrement envers <strong>les</strong> outils<strong>de</strong> gestion <strong>de</strong> connaissances, <strong>les</strong> outils <strong>de</strong> gestion etd’entrepôt <strong><strong>de</strong>s</strong> données, <strong>les</strong> outils <strong>de</strong> travail collectif àdistance, <strong>les</strong> GED, l’audio-visio conférence, <strong>les</strong> logiciels<strong>de</strong> gestion <strong>de</strong> projets, <strong>les</strong> ERP et <strong>les</strong> outils <strong>de</strong> gestionautomatisée <strong>de</strong> processus. Les réseaux sociaux et communautairessont par contre <strong>les</strong> mauvais élèves <strong>de</strong> laclasse. Les cadres qui ont une fréquence d’usage importante<strong><strong>de</strong>s</strong> TIC estiment que <strong>les</strong> données sont fiab<strong>les</strong> etévitent ainsi <strong><strong>de</strong>s</strong> vérifications fastidieuses.Cette fiabilitéest significative pour <strong>les</strong> cadres qui utilisent fréquemment<strong>les</strong> outils <strong>de</strong> gestion automatisée <strong>de</strong> process, lee-learning et <strong>les</strong> progiciels spécifiques (test du Chi 2).• Les TIC comme pivot <strong>de</strong> l’activité du cadreLors <strong><strong>de</strong>s</strong> entretiens, on a pu voir que l’activité <strong><strong>de</strong>s</strong> cadresétait très fragmentée. Les TIC apparaissent donc commel’artefact qui permet d’articuler ces différents sous-systèmes<strong>de</strong> l’activité. En effet, <strong>les</strong> cadres estiment dansleur gran<strong>de</strong> majorité qu’ils sont plus réactifs et plusefficaces grâce aux <strong>technologies</strong> informatiques. Ces<strong>technologies</strong> sont fréquemment utilisées par <strong>les</strong> cadresafin <strong>de</strong> coordonner cette activité très éclatée. Mais el<strong>les</strong>sont aussi évoquées comme en étant à l’origine, commenous le verrons plus loin. Ainsi, <strong>les</strong> ERP, <strong>les</strong> outils <strong>de</strong>gestion automatisée <strong>de</strong> processus, <strong>les</strong> outils <strong>de</strong> gestionet d’entrepôt <strong>de</strong> données, <strong>les</strong> outils <strong>de</strong> travail collectifà distance, <strong>les</strong> GED sont utilisés régulièrement dansl’activité <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres. A contrario, <strong>les</strong> logiciels <strong>de</strong> gestion<strong>de</strong> projets, <strong>les</strong> outils <strong>de</strong> gestion <strong>de</strong> connaissances, <strong>les</strong>réseaux sociaux et l’audio-visio conférence paraissentêtre moins banalisés.8. *Chiffres obtenus en additionnant <strong>les</strong> réponses « Plutôt oui » et « Tout à fait d’accord »8. **Chiffres obtenus en additionnant <strong>les</strong> réponses « Plutôt non » et « Pas du tout d’accord ».© Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres27


CHAPITRE II : ENQUêTE QUANTITATIVE AUPRèS DES CADRESLes TIC qui répon<strong>de</strong>nt le mieux aux exigences et auxbesoins <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres sont cel<strong>les</strong> utilisées pour le travailcollectif et pour <strong>les</strong> activités d’animation avec la vidéoprojection et l’audio-visio conférence. Pourtant, ces <strong>de</strong>uxtâches ne représentent qu’une petite part <strong>de</strong> l’ensemble<strong>de</strong> l’activité du cadre.Autre incohérence apparente, <strong>les</strong> cadres estiment que <strong>les</strong>TIC répon<strong>de</strong>nt bien aux exigences <strong>de</strong> l’activité d’animationd’équipe mais ils considèrent en même temps qu’el<strong>les</strong> nesont pas essentiel<strong>les</strong> pour cette tâche dans la me<strong>sur</strong>e oùils préfèrent l’as<strong>sur</strong>er <strong>de</strong> manière directe. En revanche, <strong>les</strong>TIC paraissent indispensab<strong>les</strong> pour <strong>les</strong> productions opérationnel<strong>les</strong>et pour le travail administratif.Les <strong>technologies</strong> considérées comme <strong>les</strong> plus uti<strong>les</strong> sont,dans l’ordre décroissant : <strong>les</strong> outils <strong>de</strong> travail collectifà distance, <strong>les</strong> usages <strong>de</strong> l’audio-visio conférence, <strong>les</strong>outils <strong>de</strong> gestion et d’entrepôt <strong>de</strong> données, <strong>les</strong> outils <strong>de</strong>gestion automatisée <strong><strong>de</strong>s</strong> processus, <strong>les</strong> GED, <strong>les</strong> logiciels<strong>de</strong> gestion <strong>de</strong> projets, <strong>les</strong> ERP, <strong>les</strong> usages <strong>de</strong> réseauxsociaux et communautaires et enfin <strong>les</strong> outils <strong>de</strong> gestion<strong>de</strong> connaissances.Effets positifs <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC <strong>sur</strong> l’activitéDans un premier temps, <strong>les</strong> TIC semblent avoir allégéle travail d’une partie <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres. La moitié d’entre euxestiment en effet que leurs conditions <strong>de</strong> travail se sontaméliorées grâce aux TIC. 80 % se considèrent plus autonomes,plus efficaces (86 %), plus créatifs (67 %), plusperformants (75 %), plus accessib<strong>les</strong> (74 %), plus communiquant(79 %) et mieux informés (81 %).Les cadres qui utilisent le plus fréquemment <strong>les</strong> <strong>technologies</strong>informatiques sont davantage satisfaits <strong><strong>de</strong>s</strong>conséquences <strong>sur</strong> leur travail. Ainsi <strong>les</strong> cadres qui utilisentsouvent <strong>les</strong> TIC se sentent davantage reconnus dansleurs compétences, trouvent que le contenu <strong>de</strong> leur travails’est enrichi et que <strong>les</strong> conditions <strong>de</strong> travail se sontaméliorées.Les tests du Chi 2 montrent aussi que plus <strong>les</strong> cadresutilisent <strong>les</strong> ERP, <strong>les</strong> outils <strong>de</strong> gestion et entrepôts <strong>de</strong>données, <strong>les</strong> outils <strong>de</strong> gestion <strong>de</strong> projets et la vidéo-projection,plus leurs compétences sont reconnues et ce, <strong>de</strong>manière significative. Il en est <strong>de</strong> même avec le e-learninget l’amélioration <strong><strong>de</strong>s</strong> conditions <strong>de</strong> travail. En revanche,l’enrichissement du contenu du travail est significatif pour<strong>les</strong> cadres qui utilisent parfois <strong>les</strong> GED, <strong>les</strong> logiciels <strong>de</strong>gestion <strong>de</strong> projets et <strong>de</strong> la vidéo-projection.• Effets négatifs <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC <strong>sur</strong> l’activitéSi 52 % <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres estiment que <strong>les</strong> TIC ont permisd’améliorer <strong>les</strong> conditions d’exercice <strong>de</strong> leur activité,45 % considèrent au contraire que leurs conditions <strong>de</strong>travail se sont détériorées au cours <strong><strong>de</strong>s</strong> cinq <strong>de</strong>rnièresannées précédant l’enquête.Ces cadres se sentent en effet débordés dans leur travail. Les<strong>technologies</strong> amplifient <strong>les</strong> tâches urgentes et imprévues etrequièrent davantage <strong>de</strong> concentration et <strong>de</strong> vigilance, soitparce que <strong>les</strong> données sont jugées encore peu fiab<strong>les</strong>, soitparce que cela nécessite <strong><strong>de</strong>s</strong> traitements supplémentaires.Les TIC exigent aussi un rythme <strong>de</strong> travail plus rapi<strong>de</strong>, avecle traitement en parallèle <strong>de</strong> plusieurs tâches.L’instantanéité que permettent <strong>les</strong> TIC engendre également<strong><strong>de</strong>s</strong> interruptions fréquentes <strong>de</strong> l’activité, ce quiaccroît le sentiment d’urgence et <strong>de</strong> manque <strong>de</strong> tempset provoque un débor<strong>de</strong>ment du temps professionnel <strong>sur</strong>le temps privé : le travail doit malgré tout se faire et/oul’accès aux personnes est facilité en « s’affranchissant »<strong><strong>de</strong>s</strong> contraintes <strong>de</strong> temps et d’espace.Enfin, <strong>les</strong> cadres se sentent pour la plupart dépendants<strong><strong>de</strong>s</strong> TIC qui <strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt toujours plus <strong>de</strong> travail, <strong>de</strong> compétenceset <strong>de</strong> réactivité. Non seulement ils ne sont plusmaîtres <strong>de</strong> leur activité, mais ils sont aussi <strong>de</strong> plus enplus tributaires <strong><strong>de</strong>s</strong> aléas techniques, du flux <strong>de</strong> données,<strong><strong>de</strong>s</strong> sollicitations <strong>de</strong> ces environnements médiatiséset médiatiseurs.Les TIC engendrent ainsi une <strong>sur</strong>charge <strong>de</strong> travail.L’utilisation <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC exige <strong>de</strong> réaliser <strong>de</strong> nouvel<strong>les</strong> tâches,souvent complexes. El<strong>les</strong> nécessitent <strong>de</strong> se former régulièrementafin <strong>de</strong> pouvoir <strong>les</strong> maîtriser au mieux. El<strong>les</strong><strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt un travail cognitif plus important (pour larecherche, le tri, le traitement, l’analyse <strong><strong>de</strong>s</strong> données…en <strong><strong>de</strong>s</strong> temps <strong>de</strong> plus en plus restreints) et entraînentune <strong>sur</strong>charge <strong>de</strong> travail. Beaucoup <strong>de</strong> cadres ressententce <strong>sur</strong>croît <strong>de</strong> travail.Les TIC permettent techniquement <strong>de</strong> réaliser unepartie du travail à la maison, mais selon l’enquête,le temps <strong>de</strong> travail effectué au domicile représente enmoyenne <strong>de</strong> 7 % du temps total <strong>de</strong> travail. Certainscadres sont connectés en permanence, ce qui engendrepour eux une porosité entre <strong>les</strong> sphères professionnelleet privée, porosité qui rend impossible la me<strong>sur</strong>e dutemps <strong>de</strong> travail réel.Les TIC utiliséesLes outils <strong>les</strong> plus fréquemment utilisés sont <strong>les</strong> ERP,<strong>les</strong> outils <strong>de</strong> gestion et entrepôt <strong>de</strong> données, <strong>les</strong> outils<strong>de</strong> travail collectif à distance. En revanche, l’audio-visioconférence semble boudée par <strong>les</strong> cadres, mais beaucoupd’entreprises n’en sont pas équipées.Nous avons croisé <strong>les</strong> réponses <strong>sur</strong> l’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC avec<strong>les</strong> fréquences d’usage pour tenter <strong>de</strong> déterminer si el<strong>les</strong>pouvaient être liées à ces effets positifs ou négatifs.Pour la majorité <strong><strong>de</strong>s</strong> questions, <strong>les</strong> pourcentages <strong>de</strong> nonréponses <strong>sur</strong> <strong>les</strong> fréquences d’usage ne permettent pasd’induire un lien <strong>de</strong> causalité entre l’usage effectif <strong>de</strong>28 © Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres


CHAPITRE II : ENQUêTE QUANTITATIVE AUPRèS DES CADREScertaines <strong>technologies</strong> et l’appréciation d’un impactpositif ou négatif.• Lien entre l’accès aux TIC et l’activitéprofessionnelle : 4 profils d’utilisateursDe manière à déterminer si l’accès aux TIC s’organise<strong>de</strong> manière spécifique selon l’activité professionnelle,nous avons opéré une classification <strong>de</strong> type K-means<strong><strong>de</strong>s</strong> cadres selon <strong>les</strong> <strong>technologies</strong> auxquel<strong>les</strong> ils avaientaccès.L’analyse <strong><strong>de</strong>s</strong> questions consacrées au profil a ainsi permisd’i<strong>de</strong>ntifier 4 classes <strong>de</strong> volume équivalent. Nousavons opéré <strong><strong>de</strong>s</strong> tris croisés avec <strong>les</strong> autres variab<strong>les</strong>.L’observation du tableau montre clairement une oppositionentre <strong>les</strong> cadres noma<strong><strong>de</strong>s</strong> et sé<strong>de</strong>ntaires. L’observation<strong><strong>de</strong>s</strong> autres caractéristiques <strong>de</strong> l’environnementprofessionnels (type <strong>de</strong> fonction, type d’entreprise etniveau d’encadrement <strong><strong>de</strong>s</strong> cadre) nous permet <strong>de</strong> spécifierplus précisément <strong>les</strong> 4 classes : (1) noma<strong><strong>de</strong>s</strong>dirigeants, (2) noma<strong><strong>de</strong>s</strong> simp<strong>les</strong>, (3) cadres opérationnelssé<strong>de</strong>ntaires, (4) cadres moyens et managersencadrants sé<strong>de</strong>ntaires.1) Cadres moyens managers sé<strong>de</strong>ntaires : ils n’ont pas<strong>de</strong> traits caractéristiques forts en termes <strong>de</strong> fonction,d’encadrement ou <strong>de</strong> prise <strong>de</strong> responsabilité. On considèrequ’ils as<strong>sur</strong>ent <strong><strong>de</strong>s</strong> fonctions <strong>de</strong> manager encadrant ou <strong>de</strong>chefs <strong>de</strong> service. Ils sont plutôt équipés d’équipementsinformatiques non mobi<strong>les</strong>, l’accès à <strong><strong>de</strong>s</strong> ordinateurs portab<strong>les</strong>n’est pas systématique, peu ont <strong><strong>de</strong>s</strong> téléphonesportab<strong>les</strong> et <strong><strong>de</strong>s</strong> cartes <strong>de</strong> connexion 3G.2) Cadres opérationnels/experts sé<strong>de</strong>ntaires (nonencadrants) : ils exercent différents types <strong>de</strong> fonctions– autres que commercia<strong>les</strong> ou <strong>de</strong> direction – avec uneprédominance significative pour la R&D. Ils as<strong>sur</strong>entpeu <strong>de</strong> fonction d’encadrement ou <strong>de</strong> responsabilité. Ilsdisposent du même type d’accès aux TIC que <strong>les</strong> cadresmoyens sé<strong>de</strong>ntaires.3) Noma<strong><strong>de</strong>s</strong> managers : ils as<strong>sur</strong>ent <strong><strong>de</strong>s</strong> fonctions plutôtcommercia<strong>les</strong> avec <strong>de</strong> l’encadrement et appartiennent à<strong>de</strong> grands groupes. On inclura dans cette classe <strong>les</strong> chefs<strong>de</strong> projets. Ils n’ont ainsi quasiment pas d’ordinateursfixes et disposent <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> mobi<strong>les</strong>.4) Noma<strong><strong>de</strong>s</strong> dirigeants : ils as<strong>sur</strong>ent <strong>les</strong> fonctions <strong>de</strong>direction générale avec <strong>de</strong> l’encadrement et <strong><strong>de</strong>s</strong> fonctions<strong>de</strong> responsabilité dans <strong><strong>de</strong>s</strong> PME (moins <strong>de</strong> 20 salariés).À l’inverse <strong><strong>de</strong>s</strong> trois autres classes, ils disposent <strong>de</strong>toutes <strong>les</strong> <strong>technologies</strong>, en particulier cel<strong>les</strong> portab<strong>les</strong> etmobi<strong>les</strong> (3G, GPS, PDA, Smartphone …).Classe 1 Classe 2 Classe 3 Classe 4Cadres Sé<strong>de</strong>ntairesmanagersSé<strong>de</strong>ntaires experts(sans encadrement)Noma<strong><strong>de</strong>s</strong> managers Noma<strong><strong>de</strong>s</strong> dirigeants Total général380 425 479 483 1767• Impact <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC selon leur mo<strong>de</strong> d’accès et lafonction du cadreL’analyse statistique <strong><strong>de</strong>s</strong> résultats par classe précise <strong>les</strong>différentes perceptions qu’ont <strong>les</strong> cadres vis-à-vis <strong><strong>de</strong>s</strong>TIC. 9Au final, il ne ressort pas <strong>de</strong> variation très marquée, nientre <strong>les</strong> quatre types <strong>de</strong> cadres, ni pour chaque type<strong>de</strong> questions, la répartition « oui, non, pas <strong>de</strong> changement» étant globalement équilibrée.– Ainsi, concernant l’idée que « <strong>les</strong> <strong>technologies</strong> informatiquesrenforcent l’efficacité, l’information, la mobilité »,<strong>les</strong> sé<strong>de</strong>ntaires experts sans encadrement ne perçoiventgénéralement pas <strong>de</strong> changement, alors que <strong>les</strong> noma<strong><strong>de</strong>s</strong>dirigeants ont l’impression d’être plus autonomes, plusmobi<strong>les</strong>, <strong>de</strong> mieux communiquer, d’être mieux informés,d’avoir une meilleure connaissance <strong>de</strong> l’environnement.Si on compare <strong>les</strong> cadres moyens sé<strong>de</strong>ntaires et noma<strong><strong>de</strong>s</strong>,ces <strong>de</strong>rniers (noma<strong><strong>de</strong>s</strong> qui ont donc accès à plus<strong>de</strong> TIC mobi<strong>les</strong>) ont l’impression d’être plus autonomes,efficaces, davantage accessib<strong>les</strong>, plus facilement mobi<strong>les</strong>,<strong>de</strong> mieux informer/communiquer, <strong>de</strong> mieux suivrele travail <strong><strong>de</strong>s</strong> autres, d’avoir une meilleure connaissance<strong>de</strong> son environnement. Autrement dit, ces <strong>technologies</strong>leur permettent <strong>de</strong> compenser la distance et la mobilité,en leur donnant la possibilité <strong>de</strong> continuer à exercerleur responsabilité, malgré la distance géographique etl’éloignement professionnel.– Concernant l’idée que « <strong>les</strong> <strong>technologies</strong> informatiquespermettent <strong>de</strong> rendre le travail plus imaginatif, plus intéressant», si on cumule <strong>les</strong> réponses « non » et « pas <strong>de</strong>changement », l’ensemble <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres ne voient pas d’uti-9. Les tableaux détaillés <strong><strong>de</strong>s</strong> résultats par classe et par items ne sont pas restitués dans ce document.© Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres29


CHAPITRE II : ENQUêTE QUANTITATIVE AUPRèS DES CADRESlité aux TIC <strong>sur</strong> ce plan. Ils n’ont pas l’impression d’êtreplus créatifs, <strong>de</strong> faire un travail <strong>de</strong> meilleure qualité, <strong>de</strong>mieux apprécier leur travail, d’optimiser leur activité,d’éviter <strong>les</strong> vérifications fastidieuses, <strong>de</strong> favoriser le travailcollectif ou en groupe. Il est toutefois intéressant <strong>de</strong>noter que <strong>les</strong> cadres noma<strong><strong>de</strong>s</strong> qui ont accès à un grandnombre <strong>de</strong> TIC ont <strong><strong>de</strong>s</strong> avis globalement plus positifs <strong>sur</strong>ces divers points que <strong>les</strong> sé<strong>de</strong>ntaires.– Concernant l’idée que « <strong>les</strong> <strong>technologies</strong> accroissent lecontrôle <strong>sur</strong> son travail, le débor<strong>de</strong>ment <strong>sur</strong> sa vie privée »,on constate un écart entre la perception <strong><strong>de</strong>s</strong> sé<strong>de</strong>ntaireset <strong><strong>de</strong>s</strong> noma<strong><strong>de</strong>s</strong>, en particulier entre <strong>les</strong> experts et <strong>les</strong>dirigeants. En effet, le débor<strong>de</strong>ment <strong>de</strong> la sphère professionnellepar rapport à la sphère privée ainsi que l’accroissementdu niveau d’exigence sont plus importantspour <strong>les</strong> cadres noma<strong><strong>de</strong>s</strong> que pour <strong>les</strong> autres.– Concernant l’idée que « <strong>les</strong> <strong>technologies</strong> ren<strong>de</strong>nt le travailplus complexe », on n’observe pas <strong>de</strong> traits significatifs,tous <strong>les</strong> acteurs ayant <strong><strong>de</strong>s</strong> avis bien répartis.– Concernant <strong>les</strong> « changements d’organisation du travail», là aussi, <strong>les</strong> cadres qui ont accès à <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong>spécifiques (sé<strong>de</strong>ntaires experts avec <strong>les</strong> progicielsmétiers) et <strong>les</strong> noma<strong><strong>de</strong>s</strong> managers (avec <strong>les</strong> TIC mobi<strong>les</strong>)ont l’impression <strong>de</strong> mener plus <strong>de</strong> tâches en parallèle,d’avoir <strong><strong>de</strong>s</strong> interruptions plus fréquentes, <strong>de</strong> diminuer<strong>les</strong> temps <strong>de</strong> pause et réflexion (tendance statistique).Les noma<strong><strong>de</strong>s</strong> dirigeants semblent en revanche être <strong>les</strong>moins affectés par ces perturbations <strong>sur</strong> l’activité.– Si l’on s’intéresse enfin au fait que « <strong>les</strong> <strong>technologies</strong>permettent <strong>de</strong> gagner en responsabilité et reconnaissance», on trouve peu d’écart : <strong>les</strong> cadres dirigeants ontcependant l’impression que la nature <strong>de</strong> leur responsabilitéa changé (avec une évolution du côté managérial) etque cela a conduit à transférer une partie <strong>de</strong> leurs tâcheset prérogatives vers d’autres entités.Inci<strong>de</strong>nces <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC <strong>sur</strong> <strong>les</strong> différentes sphèresd’activitéLe travail <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres se déploie dans différentes sphèresd’activité plus ou moins indépendantes <strong>les</strong> unes <strong><strong>de</strong>s</strong>autres. Le développement <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC peut ainsi s’exprimerdifféremment selon la sphère concernée 10 . On retiendraen particulier <strong>les</strong> dimensions suivantes pour caractériserces sphères d’activité :- La dimension personnelle concerne <strong>les</strong> activités propresdu cadre, sa charge <strong>de</strong> travail, son efficacité,- La dimension métapersonnelle (ou organisationnelle)implique <strong>les</strong> rapports du cadre avec l’organisation et <strong>les</strong>prescriptions et procédures qui lui sont imposées,- La dimension transpersonnelle (ou i<strong>de</strong>ntitaire) exprime<strong>les</strong> connaissances, savoir-faire et leurs développementsà l’échelle d’un métier, d’une profession,- La dimension interpersonnelle (ou relationnelle) correspondaux activités relationnel<strong>les</strong>, au fonctionnementquotidien <strong><strong>de</strong>s</strong> collectifs <strong>de</strong> travail,- La dimension impersonnelle engage la perception quele cadre a <strong><strong>de</strong>s</strong> systèmes techniques qu’il utilise et, enconséquence, <strong>les</strong> comportements engendrés par la plusou moins gran<strong>de</strong> confiance qu’il a en eux.L’objectif <strong>de</strong> cette partie est donc d’examiner plus précisémentdans quel<strong>les</strong> me<strong>sur</strong>es <strong>les</strong> TIC utilisées modifient,transforment, réduisent ou accentuent ces différentessphères d’activité aux yeux <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres interrogés.• La dimension personnelle/individuelle : efficacitéau travail, charge <strong>de</strong> travailLes résultats montrent que <strong>les</strong> cadres apprécient la possibilité<strong>de</strong> réaliser, grâce aux TIC, un travail <strong>de</strong> meilleurequalité et d’être plus efficaces. Ils se sentent cependantplus dépendants <strong><strong>de</strong>s</strong> dysfonctionnements <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong>et sont très partagés <strong>sur</strong> le gain en créativité ou lapossibilité d’accroître <strong>les</strong> temps <strong>de</strong> pause et <strong>de</strong> réflexion.Près <strong>de</strong> 42 % estiment ainsi que ces moments <strong>de</strong> prise <strong>de</strong>recul existent moins ou n’existent plus.En ce qui concerne <strong>les</strong> tâches proprement dites, ils sontassez d’accord pour dire qu’ils sont conduits à menerplus <strong>de</strong> tâches en parallèle, que <strong>de</strong> nouvel<strong>les</strong> tâches sontapparues mais sont plus partagés quant à la complexité<strong>de</strong> ces tâches.Il s’agit aussi <strong>de</strong> se former régulièrement (76 %) pourutiliser convenablement <strong>les</strong> outils et <strong>les</strong> nouvel<strong>les</strong> tâchesafférentes.Les corrélations entre <strong>les</strong> différents items proposés nesont en revanche pas très élevées en général, mis à partquelques groupes d’items :- Un premier groupe comprend <strong>les</strong> items <strong>sur</strong> la complexité<strong><strong>de</strong>s</strong> tâches, <strong>les</strong> nouvel<strong>les</strong> tâches, le travail plusrapi<strong>de</strong> et la concentration.- Un autre groupe comprend le fait <strong>de</strong> mener plusieurstâches en parallèle et d’être interrompu.L’analyse hiérarchique fait également ressortir la différenciationentre <strong>les</strong> items positifs et ceux exprimant uneperception plus négative.10. Cf. BOBILLIER CHAUMON ME, DUBOIS M. (2009). L’adoption <strong><strong>de</strong>s</strong> Technologies en situation professionnelle : quel<strong>les</strong> articulations possib<strong>les</strong> entrel’acceptabilité et l’acceptation. In Le Travail Humain, 72/4, 355-382.30 © Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres


CHAPITRE II : ENQUêTE QUANTITATIVE AUPRèS DES CADRES• La dimension organisationnelle/métapersonnelle :autonomie, contrôle, marges <strong>de</strong> manœuvrePour cette dimension organisationnelle, <strong>les</strong> cadres reconnaissentaisément le gain apporté par <strong>les</strong> TIC en termesd’autonomie et <strong>de</strong> mobilité. Un peu plus <strong>de</strong> la moitiérépond aussi que le contrôle d’eux-mêmes et la possibilité<strong>de</strong> contrôler <strong>les</strong> autres se sont accrus. Le fait <strong>de</strong> se sentirplus dépendant <strong><strong>de</strong>s</strong> autres recueille tout <strong>de</strong> même 48 %d’accord. L’impression globale donnée par ces résultats estque, tout en reconnaissant <strong>les</strong> capacités <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC à accroîtrele contrôle <strong><strong>de</strong>s</strong> individus, <strong>les</strong> cadres retiennent avanttout leur apport sous l’angle <strong>de</strong> l’autonomie.• La dimension i<strong>de</strong>ntitaire et professionnelle/transpersonnelle : métier, compétencesPour cette dimension transpersonnelle, <strong>les</strong> cadres interrogéssoulignent l’apport <strong>de</strong> nouvel<strong>les</strong> compétences et lerenforcement <strong>de</strong> leur expertise, en lien avec l’usage <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC.C’est donc plutôt à un enrichissement du métier auquel onassiste du côté professionnel bien plus que du côté managérial.À leurs yeux, le poste <strong>de</strong> travail et <strong>les</strong> responsabilitésne semblent pas autant impactés que ce à quoi on aurait pus’attendre. Il en est <strong>de</strong> même pour d’éventuels glissements<strong>de</strong> tâches ou <strong>de</strong> responsabilités : <strong>les</strong> <strong>de</strong>ux tiers pensentque cela a peu changé (hormis pour la catégorie <strong><strong>de</strong>s</strong> cadresmobi<strong>les</strong> dirigeants évoqués précé<strong>de</strong>mment).• La dimension relationnelle/interpersonnelle :aspects relationnels du travail, collectifs <strong>de</strong> travailPour cette dimension interpersonnelle, ce sont <strong>sur</strong>toutl’accessibilité et la diffusion <strong>de</strong> l’information qui, auxyeux <strong><strong>de</strong>s</strong> répondants, ont progressé. Dans un <strong>de</strong>uxièmetemps ressortent la visibilité du travail et la possibilitépour <strong>les</strong> autres d’être plus exigeants vis-à-vis <strong>de</strong> celui-ci.Ils sont plus partagés <strong>sur</strong> l’amélioration du travail collectif.• La dimension impersonnelle : fiabilité, robustesse<strong><strong>de</strong>s</strong> systèmesCette dimension concerne la fiabilité, la robustesse etla confiance dans <strong>les</strong> systèmes d’information et <strong>de</strong> <strong>communication</strong>.Elle est étudiée pour <strong>les</strong> différents systèmesproposés aux cadres afin d’examiner <strong>les</strong> variations <strong>de</strong> cesperceptions selon <strong>les</strong> <strong>technologies</strong> en jeu.Ces différents aspects ont été étudiés plus haut dans cerapport. On retiendra à nouveau la perception plus critique<strong><strong>de</strong>s</strong> cadres <strong>sur</strong> <strong>les</strong> ERP (faible qualité ergonomique)et <strong>les</strong> réseaux sociaux (manque <strong>de</strong> sécurité). La robustesseleur paraît bonne dans l’ensemble avec une petitenuance pour <strong>les</strong> outils d’audio et vidéo-conférence.Échelle d’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC <strong>sur</strong> l’activité <strong><strong>de</strong>s</strong> cadresPlusieurs questions concernent <strong>les</strong> impacts <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC <strong>sur</strong>l’activité <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres. Nous avons regroupé <strong>les</strong> items enfonction <strong>de</strong> leur signification en termes d’impact <strong>sur</strong>l’activité, <strong>les</strong> relations, le pouvoir, la charge <strong>de</strong> travail,etc., <strong>de</strong> façon à pouvoir ensuite examiner en fonctiondu type <strong>de</strong> cadre et <strong>de</strong> ses caractéristiques la nature <strong><strong>de</strong>s</strong>éléments impactés.Les items d’une partie <strong><strong>de</strong>s</strong> questions me<strong>sur</strong>ent un effetsimilaire du type « ampleur <strong>de</strong> l’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC <strong>sur</strong> <strong>les</strong>cadres » : l’analyse factorielle appliquée à ces questionsdonne un coefficient alpha égal à 0.86, ce qui montreune bonne homogénéité <strong><strong>de</strong>s</strong> différentes questions <strong>sur</strong>ce phénomène. L’idée est alors <strong>de</strong> considérer ces itemscomme étant ceux d’une « échelle d’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC » <strong>sur</strong><strong>les</strong> cadres.Le sens <strong><strong>de</strong>s</strong> questions posées permet <strong>de</strong> regrouper <strong>les</strong>items selon neuf dimensions :- AUTONOMIE EN PLUS : « Être plus autonome dans votretravail », « Disposer <strong>de</strong> davantage <strong>de</strong> liberté dans l’organisation<strong>de</strong> votre travail », etc.- EMPOWERMENT : « Mieux contrôler, évaluer, appréciervotre propre travail », « Développer <strong>de</strong> nouvel<strong>les</strong> responsabilités», etc.- MEILLEURE COOPÉRATION : « Mieux informer, communiquerautour <strong>de</strong> vous », etc.,- SIMPLIFICATION DES TÂCHES : « Être plus efficace, performantet réactif », « Fiabilise <strong>les</strong> données et <strong>les</strong> traitementset évite <strong>les</strong> vérifications fastidieuses », etc.- MEILLEURE QUALITÉ DE TRAVAIL : « Être plus créatif etimaginatif », « Réaliser un travail <strong>de</strong> meilleure qualité »,etc.- CONTRÔLE DES AUTRES : « Mieux suivre le travail <strong><strong>de</strong>s</strong>autres (collaborateurs, entourage, fournisseur) », « Avoirune meilleure connaissance <strong><strong>de</strong>s</strong> activités, <strong><strong>de</strong>s</strong> services et<strong><strong>de</strong>s</strong> personnes <strong>de</strong> votre environnement professionnel »- DÉPENDANCE AUX AUTRES : « Être davantage contrôlépar <strong>les</strong> autres (hiérarchie, clients, collaborateurs) »,« Être plus dépendant <strong>de</strong> votre environnement professionnel(collègue, collaborateurs, clients) »,- DÉPENDANCE AUX TIC : « Devenir plus dépendant <strong><strong>de</strong>s</strong>dysfonctionnements <strong>de</strong> ces <strong>technologies</strong> (leur arrêt bloqueet/ou pénalise votre activité) »,- CHARGE DE TRAVAIL EN PLUS : « Conduit à <strong><strong>de</strong>s</strong> interruptionsplus fréquentes », « Exige <strong>de</strong> réaliser <strong>de</strong> nouvel<strong>les</strong>tâches », etc.© Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres31


CHAPITRE II : ENQUêTE QUANTITATIVE AUPRèS DES CADRESÀ partir <strong><strong>de</strong>s</strong> items sont calculés <strong><strong>de</strong>s</strong> scores pour <strong>les</strong> neufdimensions <strong>sur</strong> <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> a été réalisée une analyse factorielle- Le premier axe semble exprimer l’effet globalementpositif <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC <strong>sur</strong> l’activité <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres (empowerment,coopération, simplification, etc.).- Le <strong>de</strong>uxième axe oppose <strong>sur</strong>tout le thème du pouvoir(contrôle et dépendance) à celui <strong>de</strong> la qualité <strong>de</strong> travail.- Le troisième fait apparaître en contributions négatives<strong>les</strong> thèmes <strong>de</strong> la « dépendance aux TIC » et <strong>de</strong> la« charge <strong>de</strong> travail » qui varient <strong>de</strong> concert et correspon<strong>de</strong>ntaux impacts <strong>les</strong> plus négatifs.Des tests <strong>de</strong> Chi2 permettent <strong>de</strong> différencier l’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> TICselon <strong>les</strong> types/profils <strong>de</strong> cadres définis précé<strong>de</strong>mment.Pour <strong>les</strong> sé<strong>de</strong>ntaires experts, l’usage <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC permet <strong>de</strong>gagner en :- Autonomie,- Coopération,- Contrôle <strong><strong>de</strong>s</strong> autres.Pour <strong>les</strong> noma<strong><strong>de</strong>s</strong> dirigeants, le gain est plus modérépour l’autonomie et la coopération.On obtient peu <strong>de</strong> différences significatives entre catégoriespour <strong>les</strong> autres dimensions.- Production : charge <strong>de</strong> travail et simplification plusmodérés,- R&D : plus d’autonomie et <strong>de</strong> coopération.On observe peu <strong>de</strong> différences entre <strong>les</strong> différentes tail<strong>les</strong>d’entreprises. Le test du Chi2 est significatif uniquementpour <strong>les</strong> plus petites structures où <strong>les</strong> cadres soulignentune amélioration <strong>de</strong> la qualité <strong>de</strong> travail.L’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’impact selon l’âge du cadre montre pour <strong>les</strong>30-34 ans une dépendance aux TIC ressentie comme plusforte et pour <strong>les</strong> 35-39 ans une plus gran<strong>de</strong> dépendanceaux autres.Les 45-49 ans sont moins nombreux à penser que <strong>les</strong> TICleur ont apporté plus d’autonomie.Impact selon le sexe : <strong>les</strong> femmes se disent moins dépendantes<strong><strong>de</strong>s</strong> TIC que <strong>les</strong> hommes.Le contrôle <strong><strong>de</strong>s</strong> autres est proportionnel aux différentsniveaux <strong>de</strong> formation, ce qui peut également correspondreaux niveaux hiérarchiques. Les Bac+2 et Bac +3 sontainsi <strong>les</strong> plus nombreux à évoquer une simplification <strong><strong>de</strong>s</strong>tâches grâce aux TIC.Lorsque la localisation du siège <strong>de</strong> l’entreprise est àl’étranger, la perception d’une dépendance aux autressemble plus modérée.■■CONCLUSIONLa conclusion présente une synthèse <strong><strong>de</strong>s</strong> principa<strong>les</strong>conclusions du questionnaire, ainsi que <strong><strong>de</strong>s</strong> analyses/discussions complémentaires réalisées en confrontantces données avec une partie <strong>de</strong> cel<strong>les</strong> obtenues dans lechapitre 1 (analyse qualitative <strong><strong>de</strong>s</strong> entretiens).TIC utilisées et usages <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC : Les outils <strong>de</strong><strong>communication</strong> comme outil fédérateur et polyvalentLes cadres emploient un nombre très important et diversifié<strong>de</strong> <strong>technologies</strong> en raison même <strong>de</strong> la diversité et<strong>de</strong> la complexité <strong>de</strong> leur activité et ce, <strong>de</strong>puis plus <strong>de</strong> 5ans (en moyenne). Ainsi, et cela a été détaillé précé<strong>de</strong>mment,<strong>les</strong> progiciels-métier sont majoritairement <strong><strong>de</strong>s</strong>tinésà la production opérationnelle, <strong>les</strong> TIC <strong>de</strong> gestion pourfavoriser et encadrer le travail administratif, <strong>les</strong> outils <strong>de</strong>collaboration médiatisée servent à l’animation d’équipeet aux relations avec <strong>les</strong> acteurs externes. Ces outils sontdonc employés en conformité avec leurs finalités fonctionnel<strong>les</strong>,pour répondre aux divers besoins <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres(s’informer, se rendre accessible, accé<strong>de</strong>r aux autres, àl’information, traiter, analyser et gérer…).Il existe cependant un outil incontournable parmi tousces dispositifs, qui est constamment utilisé pour l’ensemble<strong><strong>de</strong>s</strong> tâches du cadre (cité en première ou secon<strong>de</strong>proposition), ce sont <strong>les</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong>(messagerie, messagerie instantanée…). El<strong>les</strong> s’intègrentet supportent parfaitement <strong>les</strong> fonctions et responsabilitésexercées par <strong>les</strong> cadres. Plus que <strong>de</strong> simp<strong>les</strong> outilsd’information, ces systèmes peuvent en effet s’adapteraux divers registres <strong>de</strong> travail en endossant plusieursrô<strong>les</strong> et en rendant <strong>de</strong> multip<strong>les</strong> services : contrôler,réguler, coordonner le travail <strong><strong>de</strong>s</strong> collaborateurs, etc.,mais aussi être utilisés pour partager, archiver/stocker/récupérer <strong>les</strong> données, pour accé<strong>de</strong>r instantanément auxpersonnes et aux ressources <strong>de</strong> travail, pour filtrer <strong>les</strong>sollicitations, pour travailler à distance…Compte tenu <strong>de</strong> la diversité <strong><strong>de</strong>s</strong> tâches à réaliser, <strong>de</strong> lamultiplicité <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC mises à disposition et du nombretrès important d’informations et <strong>de</strong> correspondants, cesoutils <strong>de</strong> <strong>communication</strong> paraissent d’ailleurs être le systèmefédérateur <strong>de</strong> l’activité du cadre, le pivot autourduquel s’articulent ses différents systèmes fragmentésd’activités.Il apparaît aussi que <strong>les</strong> cadres distinguent plutôt bien<strong>les</strong> atouts <strong><strong>de</strong>s</strong> limites <strong>de</strong> ces divers dispositifs :- en privilégiant par exemple plutôt la <strong>communication</strong> et32 © Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres


CHAPITRE II : ENQUêTE QUANTITATIVE AUPRèS DES CADRESl’animation par contacts directs auprès <strong>de</strong> leurs collaborateurset relations extérieures (clients, fournisseurs…),au détriment <strong><strong>de</strong>s</strong> supports médiatisés <strong>de</strong> collaboration(et ce, bien qu’ils <strong>les</strong> reconnaissent comme tout à faituti<strong>les</strong>, utilisab<strong>les</strong> et fiab<strong>les</strong>),- mais préférant employer <strong><strong>de</strong>s</strong> outils <strong>de</strong> gestion en raison<strong>de</strong> la rapidité et <strong>de</strong> l’efficacité que ceux-ci procurent, alorsmême qu’ils sont perçus comme peu ergonomiques (ERP),et, <strong>de</strong> façon plus pragmatique, parce que <strong>les</strong> données <strong>de</strong>travail sont accessib<strong>les</strong> uniquement par ces outils.Plus généralement, <strong>les</strong> chiffres fournis par <strong>les</strong> analysesstatistiques indiquent également que <strong>les</strong> cadres apprécientglobalement l’utilité (l’adéquation <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC aux besoinsprofessionnels), l’utilisabilité (la facilité d’utilisation, misà part <strong>les</strong> ERP), la robustesse (fiabilité <strong><strong>de</strong>s</strong> systèmes) etla sécurité (qualité, pertinence et fiabilité <strong><strong>de</strong>s</strong> donnéestransmises…) <strong>de</strong> ces outils, qui leur permet <strong>de</strong> gagner dutemps et d’être plus performants dans leur travail.On peut toutefois remarquer que cette quasi unanimitédans <strong>les</strong> appréciations (positives) est assez étonnantedans la me<strong>sur</strong>e où el<strong>les</strong> tranchent assez fortement avec<strong>les</strong> réactions plus nuancées que <strong>les</strong> cadres interrogés lors<strong><strong>de</strong>s</strong> entretiens semi-directifs avaient livrées (cf. la premièrepartie du rapport). Les cadres rencontrés mettaienten avant <strong>les</strong> nombreux dysfonctionnements et aléas techniques<strong>de</strong> ces systèmes. Pour autant, rappelons que lequestionnaire et ses résultats sont une photographie <strong>de</strong>ce que pensent <strong>les</strong> individus à un moment donné et dans<strong><strong>de</strong>s</strong> situations plutôt généra<strong>les</strong> et déconnectées <strong>de</strong> la réalité<strong>de</strong> leur activité.Les effets <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC <strong>sur</strong> le travail : entre ressources etcontraintes <strong>de</strong> l’activité• Dimension individuelleOutre <strong>les</strong> apports (positifs) <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC <strong>sur</strong> l’efficacité,l‘autonomie, la mobilité et la performance <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres,<strong><strong>de</strong>s</strong> effets plus préjudiciab<strong>les</strong> ont été également évoqués<strong>sur</strong> le travail (le contrôle, sa régulation) et <strong>sur</strong> l’individu(avec <strong><strong>de</strong>s</strong> débor<strong>de</strong>ments dans le travail et hors dutravail, une augmentation <strong>de</strong> la charge <strong>de</strong> travail due àla fragmentation et aux interruptions, aux sollicitationsplus fréquentes, à l’accélération du rythme du travail…).Les cadres sont conscients également d’être plus dépendantset tributaires <strong>de</strong> ces systèmes.Des compétences sont donc à déployer (comme nousl’indiquions déjà dans le chapitre 1) pour, à la fois, faireface à ces diverses contraintes et aléas professionnels,mais aussi pour gérer <strong>de</strong> nouvel<strong>les</strong> tâches et responsabilitésinduites par l’usage <strong>de</strong> ces dispositifs (recueil,analyse, mise à jour <strong><strong>de</strong>s</strong> informations, management <strong><strong>de</strong>s</strong>équipes à distance…).Cela est notamment apparu avec la <strong><strong>de</strong>s</strong>cription <strong><strong>de</strong>s</strong> 4profils <strong>de</strong> cadres-utilisateurs <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC : (1) noma<strong><strong>de</strong>s</strong> dirigeants,(2) noma<strong><strong>de</strong>s</strong> managers, (3) sé<strong>de</strong>ntaires opérationnels/experts,(4) sé<strong>de</strong>ntaires manager-encadrant.Pour rappel, <strong>les</strong> résultats montraient par exemple que <strong>les</strong>noma<strong><strong>de</strong>s</strong>-dirigeants (équipés en <strong>technologies</strong> mobi<strong>les</strong>)déclaraient significativement plus avoir à gérer <strong><strong>de</strong>s</strong> responsabilités(plus nombreuses et variées), notamment<strong>sur</strong> un volet managérial, tout en délaissant certainestâches vers d’autres. Ils sont également plus exigeants<strong>sur</strong> le travail à réaliser (compte tenu <strong><strong>de</strong>s</strong> ressources technologiquesmises à disposition <strong>de</strong> leurs collaborateurs).De même, <strong>les</strong> cadres sé<strong>de</strong>ntaires-experts et noma<strong><strong>de</strong>s</strong>managers présenteraient davantage <strong>de</strong> signes <strong>de</strong> perturbationliée à l’usage <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC.• Dimension relationnelleEn ce qui concerne <strong>les</strong> effets <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC <strong>sur</strong> la dimension relationnelleau travail, ce sont <strong>sur</strong>tout l’accessibilité et ladiffusion <strong>de</strong> l’information qui, aux yeux <strong><strong>de</strong>s</strong> répondants,ont progressé. Dans un <strong>de</strong>uxième temps, ressortaient lavisibilité <strong>de</strong> son travail et la possibilité pour <strong>les</strong> autresd’être plus exigeants vis-à-vis <strong>de</strong> celui-ci. Ils sont pluspartagés <strong>sur</strong> l’amélioration du collectif <strong>de</strong> travail.En clair, s’ils ont l’impression que le travail en groupe(et plus généralement ce qu’on appelle le travail collectif)se renforce par le partage d’informations, parl’accès aux données et aux personnes et par la mise àdisposition <strong>de</strong> ressources, le collectif <strong>de</strong> travail lui (ausens <strong>de</strong> partage, d’i<strong>de</strong>ntité collective, <strong>de</strong> vivre ensemble,d’entrai<strong>de</strong>, <strong>de</strong> sentiment d’appartenance) n’évoluepas forcément. Au contraire, il aurait même tendance às’affaiblir : travailler ensemble (par l’entremise <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC)revient à collaborer séparément (seul <strong>de</strong>vant son ordinateur).La <strong>communication</strong> serait augmentée sans pourautant construire la relation, qui se dégra<strong>de</strong>rait.Le faire ensemble (équipe <strong>de</strong> travail) se fait en effet entravaillant séparément, seul et <strong>de</strong> façon autonome faceà son ordinateur. L’illusion du « lien social » créé par le« collectif <strong>de</strong> travail » est donc mise en question.• Dimension professionnelle et organisationnelle autravailUne donnée intéressante montre que le niveau <strong><strong>de</strong>s</strong>atisfaction <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC est corrélé à leur fréquence d’utilisation: plus <strong>les</strong> cadres se servent <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong>,plus ils se déclarent satisfaits <strong><strong>de</strong>s</strong> conséquences <strong>sur</strong>leur travail (compétences reconnues, contenu du travailvalorisant, amélioration <strong>de</strong> leurs conditions <strong>de</strong> travail…).Tout se passe donc comme si <strong>les</strong> interactionsfréquentes avec ses outils conduisent à assimiler <strong>les</strong>dispositifs et à <strong>les</strong> considérer comme une extension<strong>de</strong> soi-même, <strong>de</strong> ses compétences, <strong>de</strong> son travail.Mais il semblerait aussi que la maîtrise <strong>de</strong> ces systèmes(par leur utilisation régulière) est à la fois une condition<strong>de</strong> leur compétence et une manifestation <strong>de</strong> leur valeur© Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres33


CHAPITRE II : ENQUêTE QUANTITATIVE AUPRèS DES CADRESprofessionnelle. En effet, ceux qui utilisent régulièrement<strong><strong>de</strong>s</strong> outils classés a priori comme assez complexeset peu ergonomiques (comme <strong>les</strong> ERP, <strong>les</strong> outils <strong>de</strong> gestion<strong>de</strong> projets) considèrent que leurs compétences sontsignificativement plus reconnues (idée que l’on pourraittraduire par le fait : « je suis le seul à maîtriser cet outilcomplexe et nécessaire pour le travail, ce qui procure uncertain avantage concurrentiel <strong>sur</strong> <strong>les</strong> autres… »). Enoutre, la possibilité d’adapter l’outil à ses rythmes età son organisation <strong>de</strong> travail améliorent également <strong>les</strong>conditions <strong>de</strong> travail. C’est le cas du e-learning qui est leplus souvent proposé par <strong>les</strong> entreprises pour une pratiqueaffichée comme discrétionnaire, c’est-à-dire selon<strong>les</strong> possibilités et en fonction <strong><strong>de</strong>s</strong> disponibilités ducadre, autrement dit en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> son temps <strong>de</strong> travail.Si cette métho<strong>de</strong> est peu utilisée, c’est d’abord parce que<strong>les</strong> cadres acceptent peu <strong>de</strong> voir la formation sortir <strong>de</strong>leur temps <strong>de</strong> travail.Si l’on croise <strong>les</strong> résultats du questionnaire relatifs auxdimensions professionnel<strong>les</strong> et organisationnel<strong>les</strong> avecceux <strong><strong>de</strong>s</strong> entretiens, on peut avancer que la généralisation<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> a, d’une certaine manière,participé au basculement d’une culture <strong>de</strong> métier versune culture <strong><strong>de</strong>s</strong> fonctions. Dans <strong>les</strong> métiers, il y a unsavoir-faire, une tradition, <strong><strong>de</strong>s</strong> compétences génériqueset transverses. Les métiers permettent une valorisationdu travail et une mise en pratique <strong><strong>de</strong>s</strong> savoirs. Le cadredispose <strong>de</strong> savoir-faire, <strong>de</strong> pratiques, <strong>de</strong> règ<strong>les</strong> liés à unmétier spécifique qui lui permettent <strong>de</strong> choisir, <strong>de</strong> créeret/ou d’adapter <strong>les</strong> outils, <strong>les</strong> techniques, <strong>les</strong> supportsnécessaires pour exercer son activité (par exemple, <strong><strong>de</strong>s</strong>contrôleurs <strong>de</strong> gestion qui développent <strong><strong>de</strong>s</strong> macros <strong>sur</strong><strong><strong>de</strong>s</strong> tableurs ou <strong><strong>de</strong>s</strong> ingénieurs qui déploient <strong><strong>de</strong>s</strong> outils<strong>de</strong> calculs dédiés à leurs besoins).Si auparavant c’était le métier et <strong>les</strong> compétences associéesqui conduisaient au choix <strong><strong>de</strong>s</strong> outils requis pourle travail, aujourd’hui, il semble que ce sont davantage<strong>les</strong> <strong>technologies</strong> qui créent la fonction et déterminenten partie <strong>les</strong> registres <strong><strong>de</strong>s</strong> compétences <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres. Lescadres gèrent <strong><strong>de</strong>s</strong> machines qui exécutent, qui font à leurplace ou qui <strong>les</strong> obligent à faire. Cela a profondémentmodifié l’image du cadre dans sa relation au travail (nousparlons <strong>de</strong> perte <strong>de</strong> sens chez certains cadres). C’est latechnologie qui d’une certaine façon crée la fonctionet détermine la compétence à appliquer. Tout au long<strong>de</strong> sa carrière, un cadre <strong>de</strong>vra changer <strong>de</strong> fonction, seformer et ne sera jamais véritablement reconnu commeun spécialiste par rapport à sa compétence métier dansla me<strong>sur</strong>e où celle-ci relève davantage <strong>de</strong> sa capacité àmaîtriser une technologie qui lui permet <strong>de</strong> travailler.Par la dispersion <strong>de</strong> leur travail, <strong>les</strong> cadres exercent aussi<strong><strong>de</strong>s</strong> micros-activités <strong>sur</strong> <strong>de</strong> nombreux logiciels et environnementstechniques différents qui fixent un cadre <strong>de</strong>travail et déterminent <strong>les</strong> actions à réaliser. Cette fonctionest provisoire et dépend éminemment <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC utilisées.Ils en réaliseront une autre, déploieront d’autresaptitu<strong><strong>de</strong>s</strong> « métier » dès lors que l’outil changera etfixera d’autres conditions et contraintes à l’activité.Au final, il apparait donc que <strong>les</strong> cadres se réapproprienttoujours <strong>les</strong> <strong>technologies</strong> par rapport aux besoins (cas<strong><strong>de</strong>s</strong> outils <strong>de</strong> <strong>communication</strong>s qui sont employés pourtoutes <strong>les</strong> dimensions <strong>de</strong> l’activité) et/ou à <strong><strong>de</strong>s</strong> enjeuxpersonnels et organisationnels (cas <strong>de</strong> l’ERP ou <strong><strong>de</strong>s</strong> progicielsmétiers utilisés comme une reconnaissance <strong>de</strong> sacompétence…). Malgré <strong>les</strong> dysfonctionnements et <strong>les</strong>difficultés rencontrés dans l’usage, en dépit <strong>de</strong> certainesinci<strong>de</strong>nces et effets négatifs <strong>sur</strong> le « bien-être » autravail, <strong>les</strong> cadres semblent donc accepter (avec une certainefatalité ?) ces systèmes dans la me<strong>sur</strong>e où ils ytrouvent un intérêt et un apport et/ou que ces environnementstechnologiques s’avèrent incontournab<strong>les</strong> pourla réalisation <strong>de</strong> leur activité.Pour travailler efficacement mais aussi pour existersocialement et être reconnu professionnellement, la pratiqueet la maîtrise <strong>de</strong> ces <strong>technologies</strong> se révèleraienten quelque sorte nécessaires.34 © Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres


CHAPITRE III : LES éTUDES DE TERRAIN■■INTRODUCTIONCette partie présente <strong>les</strong> résultats <strong>de</strong> onze analyses <strong>de</strong>terrains effectuées dans neuf entreprises. Nous avonsobservé finement l’activité <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres à l’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> différentesmétho<strong><strong>de</strong>s</strong> plus ou moins intrusives : observationdirecte (papier-crayon) ou participante, filmée parcaméra-Trepied ou sub-cam, autorelevé-d’activité… 11Nous avons suivi ces personnes <strong>sur</strong> plusieurs jours ou<strong>sur</strong> plusieurs heures afin <strong>de</strong> mieux comprendre leur activitéet <strong>de</strong> rendre compte du rapport qu’el<strong>les</strong> ont vis-à-vis<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> : comment <strong>les</strong> utilisent-el<strong>les</strong> ? Quelssont <strong>les</strong> usages réellement déployés ? Quel<strong>les</strong> en sont<strong>les</strong> conséquences <strong>sur</strong> <strong>les</strong> pratiques professionnel<strong>les</strong> et<strong>les</strong> conditions d’exercice du métier <strong>de</strong> cadre ? Autant <strong>de</strong>questions que nous nous proposons d’abor<strong>de</strong>r dans cechapitre.La gran<strong>de</strong> majorité <strong><strong>de</strong>s</strong> données traitant <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres estgénéralement issue d’enquêtes construites à partir <strong>de</strong>leurs déclarations mais très peu à partir <strong>de</strong> ce qu’ils fontréellement. C’est pourquoi, dans la perspective <strong>de</strong> mieuxsaisir <strong>les</strong> relations entre usage <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC et activité, nousavons élaboré <strong><strong>de</strong>s</strong> protoco<strong>les</strong> d’observation nous permettantd’aller au plus près <strong>de</strong> situations réel<strong>les</strong>. De longuesphases <strong>de</strong> préparation du terrain et d’immersion (enmoyenne <strong>de</strong> six mois) ont été nécessaires pour mettreen place ces démarches d’observation.Aussi, nos recherches <strong>de</strong> terrain sont l’aboutissement <strong>de</strong>plusieurs mois <strong>de</strong> négociation et d’étu<strong><strong>de</strong>s</strong> préalab<strong>les</strong> (parentretiens, par observations exploratoires, par la mise aupoint <strong><strong>de</strong>s</strong> outils <strong>de</strong> recueils <strong>de</strong> données) auprès <strong>de</strong> diversesentreprises pour nous donner accès aux activités etaux situations quotidiennes réel<strong>les</strong>.Sans le travail d’étudiants <strong><strong>de</strong>s</strong> masters 12 <strong>de</strong> Psychologiedu travail qui se sont activement impliqués dans ces étu<strong><strong>de</strong>s</strong>,il aurait été très difficile d’obtenir une telle diversité<strong>de</strong> terrains et d’analyses, ainsi que la confiance et laparticipation <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres qui ont acceptés d’être observésselon diverses méthodologies.Ces étu<strong><strong>de</strong>s</strong> sont en effet le moyen <strong>de</strong> mettre en situation<strong><strong>de</strong>s</strong> étudiants dans le cadre <strong>de</strong> la formation à la rechercheet par la recherche. Ils acquièrent ainsi <strong>de</strong> soli<strong><strong>de</strong>s</strong>compétences et savoir-faire qui leur seront uti<strong>les</strong> pourleur future activité <strong>de</strong> cadres-intervenants (en entrepriseou dans le domaine <strong>de</strong> la recherche).Pour faciliter la lecture et la compréhension <strong>de</strong> ces analyses,nous avons regroupé <strong>les</strong> étu<strong><strong>de</strong>s</strong> selon <strong>les</strong> troisgran<strong><strong>de</strong>s</strong> typologies <strong>de</strong> cadres qui avaient été déterminéesdans <strong>les</strong> chapitres précé<strong>de</strong>nts et qui nous ontpermis d’orienter nos enquêtes :1. Le cadre débordé, dépossédé et libre service,2. Le cadre décadré et dispersé,3. Le cadre dispersé et glocalisé.Pour simplifier la lecture <strong>de</strong> ce chapitre, <strong>les</strong> onze étu<strong><strong>de</strong>s</strong>sont exposées selon le même plan :1) Contexte <strong>de</strong> l’étu<strong>de</strong> et problème poséPrésente le contexte professionnel et organisationnel <strong>de</strong>l’étu<strong>de</strong> et précise la question que cette étu<strong>de</strong> s’est proposée<strong>de</strong> traiter, d’appréhen<strong>de</strong>r, d’expliquer :➔ « Ce que nous recherchions ».2) Principaux modè<strong>les</strong>/concepts théoriques mobilisésExpose très brièvement <strong>les</strong> concepts et théories utilisésafin, d’une part, <strong>de</strong> disposer d’une compréhensioncommune <strong><strong>de</strong>s</strong> phénomènes décrits et analysés et, d’autrepart, d’indiquer dans quel cadre conceptuel nous noussituons pour ces analyses spécifiques :➔ « Ce qui nous gui<strong>de</strong> dans nos réflexions ».3) Problématique et questions <strong>de</strong> recherchePrécise <strong>les</strong> questions <strong>de</strong> recherche qui nous ont permisd’orienter et d’encadrer nos analyses <strong>de</strong> terrain :➔ « Ce que nous voulons démontrer ».4) Démarches mises en œuvreDécrit <strong>les</strong> démarches et métho<strong><strong>de</strong>s</strong> déployées ainsi quel’échantillon étudié :➔ « Ce que nous utilisons comme métho<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong> recueil<strong>de</strong> données ».5) Principaux résultats obtenusDécrit d’abord l’activité <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres étudiés pour mieuxcerner leur travail, leurs contraintes et <strong>les</strong> conditionsd’exercice <strong>de</strong> leur activité,11. Marc-Eric Bobillier Chaumon et <strong>les</strong> membres <strong>de</strong> l’équipe <strong>de</strong> recherche (enseignants chercheurs et étudiants), Université Lyon II – Institut <strong>de</strong>Psychologie Laboratoire GRePS (EA 4163). Équipe <strong>de</strong> recherche : Emmie BOUVIER ; Bruno CUVILLIER ; Didier COTE ; Chloé DESSERT ; Nadia DOROMAS,Jéremy EYME, Pascale GARDE, Capucine GONNET, Nadine MONSANSON ; Jacqueline VACHERAND REVEL.12. Master <strong>de</strong> Psychologie sociale et du travail et Master 2 Recherche « Travail Coopératif-Travail en réseau »© Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres35


CHAPITRE III : LES éTUDES DE TERRAINExpose ensuite <strong>les</strong> principaux résultats <strong>de</strong> nos analysesavec <strong><strong>de</strong>s</strong> illustrations qualitatives et/ou quantitatives<strong><strong>de</strong>s</strong> phénomènes étudiés :➔ « Ce que nous obtenons comme données ».Pour appréhen<strong>de</strong>r <strong>les</strong> conditions et <strong>les</strong> modalités <strong>de</strong>travail médiatisées, nous avons donc choisi <strong>de</strong> saisir le« travail tel qu’il se fait ». Nous avons privilégié unedémarche ethnographique d’analyse <strong>de</strong> l’activité associantplusieurs métho<strong><strong>de</strong>s</strong> qualitatives. Nous avons eneffet la conviction que <strong>de</strong> tel<strong>les</strong> pratiques professionnel<strong>les</strong>ne peuvent être réellement comprises et analyséessans une pério<strong>de</strong> d’immersion <strong>sur</strong> le terrain et enfaisant l’économie d’une observation située du travail,dans le cours authentique <strong><strong>de</strong>s</strong> interactions et <strong><strong>de</strong>s</strong> actions<strong>de</strong> travail. Ces conditions permettent <strong>de</strong> saisir l’activitédans sa temporalité, le processus <strong>de</strong> sa construction, sesperspectives, ses ressources, ses contraintes, ses difficultésvoire ses empêchements. Ainsi, <strong>les</strong> références àla culture professionnelle, à l’histoire organisationnelle,<strong>de</strong> même que la question du sens que <strong>les</strong> acteurs donnentà leur action en situation ne sont pas occultées.Seule une approche <strong>de</strong> cette nature était en me<strong>sur</strong>e <strong>de</strong>restituer l’épaisseur <strong>de</strong> l’activité. Cette démarche est exigeanteet nécessite d’opérer en plusieurs phases pour lerecueil <strong><strong>de</strong>s</strong> observab<strong>les</strong>. C’est la raison pour laquelle laprésentation <strong>de</strong> ces différentes recherches <strong>de</strong> terrainspeut paraître assez <strong>de</strong>nse.Nos analyses <strong>de</strong> terrain ont ainsi porté <strong>sur</strong> onze terrains 13<strong>de</strong> neuf organisations différentes. Certaines entreprisesnous ont en effet permis <strong>de</strong> réaliser plusieurs étu<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>sur</strong>diverses problématiques. Ce fut dans une <strong><strong>de</strong>s</strong> entreprisesoù nous avons pu observer : (i) l’activité d’une équipe <strong>de</strong>projet multiculturelle en co-conception médiatisée, (ii)<strong>les</strong> inci<strong>de</strong>nces <strong>de</strong> la messagerie <strong>sur</strong> l’activité <strong>de</strong> cadresexperts, (iii) l’usage <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC en situation <strong>de</strong> mobilitépour <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres commerciaux.Le tableau présenté en annexe page 132 regroupe <strong>les</strong>terrains <strong>de</strong> nos interventions en précisant à chaque foisla typologie <strong>de</strong> cadres étudiés, <strong>les</strong> modalités <strong>de</strong> travailanalysées et <strong>les</strong> méthodologies déployées.NB : d’autres structures ont également fait l’objet d’étu<strong><strong>de</strong>s</strong>préalab<strong>les</strong>. Cependant, <strong>les</strong> difficultés <strong>de</strong> l’interventionliées à une conjoncture économique difficile(problématiques <strong>de</strong> restructuration, <strong>de</strong> réorganisation<strong>de</strong> service ou <strong>de</strong> cessation d’activité) ont rendu difficilela mise en place <strong>de</strong> démarches <strong>de</strong> recueil <strong>de</strong> données et<strong>sur</strong>tout l’implication <strong><strong>de</strong>s</strong> salariés. Pour ces raisons, nousn’avons pas retenu ces terrains.■■Terrains relatifs au profil « cadre dépossédé et débordé »Les processus d’articulation dans la gestion <strong><strong>de</strong>s</strong> activités fragmentées <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres :le cas <strong>de</strong> cadres responsab<strong>les</strong> <strong>de</strong> l’organisation <strong>de</strong> formationsRésumé : cette étu<strong>de</strong> rend compte <strong>de</strong> la manière dontle travail <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres s’organise entre différents projetsfragmentés et disséminés <strong>sur</strong> différentes journées <strong>de</strong>travail et à certains moments d’une même journée <strong>de</strong>travail, requérant l’articulation entre différentes sphères<strong>de</strong> travail et montrant l’apport ou la contrainte <strong><strong>de</strong>s</strong>TIC.Cette analyse montre aussi comment leur activité estégalement répartie entre <strong><strong>de</strong>s</strong> activités <strong>de</strong> collaboration(réunissant plus acteurs co-construisant un projet) et<strong>de</strong> coopération (chacun travaillant et œuvre seul àla réalisation d’un projet commun : ce sont alors <strong><strong>de</strong>s</strong>contributions individuel<strong>les</strong> à un projet collectif). Lesstratégies <strong>de</strong> régulation sont également présentées.Mots clefs : travail en mo<strong>de</strong> projet, travail en mo<strong>de</strong>réseau, activité fragmentée et médiatisée13. Pour <strong><strong>de</strong>s</strong> raisons <strong>de</strong> confi<strong>de</strong>ntialité, <strong>les</strong> noms <strong><strong>de</strong>s</strong> entreprises ne sont pas communiqués dans ce rapport.36 © Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres


CHAPITRE III : LES éTUDES DE TERRAINContexte <strong>de</strong> l’étu<strong>de</strong> et problème poséOn assiste <strong>de</strong>puis quelques années à <strong><strong>de</strong>s</strong> changements<strong>de</strong> mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> travail <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres. Le « mo<strong>de</strong> projet » s’estdéveloppé dans tout type d’organisation publique et privée.Les cadres n’échappent pas à ce mouvement général.Ils sont confrontés à <strong><strong>de</strong>s</strong> mutations dans leurs métierset dans leurs mo<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong> travail. Le changement <strong>de</strong> lanature <strong><strong>de</strong>s</strong> risques en entreprise leur impose <strong><strong>de</strong>s</strong> échangesavec d’autres disciplines et d’autres métiers. Ils sontpar ailleurs amenés à harmoniser leurs pratiques. Pourrépondre à cela <strong>de</strong> manière efficiente, ils utilisent leursréseaux sociaux qui se sont créés au fils <strong><strong>de</strong>s</strong> projets.Les techniciens et ingénieurs (cadres) <strong>de</strong> ce service réalisent:- <strong><strong>de</strong>s</strong> interventions directes en entreprise (visites <strong>de</strong>contrô<strong>les</strong> et <strong>de</strong> conseils et participation à <strong><strong>de</strong>s</strong> réunions) ;- <strong><strong>de</strong>s</strong> interventions en réseau (capitalisation <strong><strong>de</strong>s</strong> donnéeslors <strong><strong>de</strong>s</strong> interventions en entreprise au travers <strong>de</strong>brochures, documents, formations, développement etanimation <strong>de</strong> réseaux <strong>de</strong> partenaires <strong>de</strong> prévention) ;- <strong><strong>de</strong>s</strong> formations, <strong><strong>de</strong>s</strong> conférences et <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>communication</strong>s.Si <strong>les</strong> missions restent <strong>les</strong> mêmes, en 2008 sont <strong>sur</strong>venus<strong>de</strong> profonds bouleversements dans l’organisation du travaildu réseau. En effet, la transition d’une organisation,où l’on <strong>de</strong>mandait à chacun <strong>de</strong> traiter prioritairementcertains risques à celle où l’on <strong>de</strong>man<strong>de</strong> à l’ensemble <strong>de</strong>la structure <strong>de</strong> s’organiser pour optimiser l’action collective(apparition <strong><strong>de</strong>s</strong> « champs coordonnés »), changele travail et son exécution. Ainsi, là où l’interventiondirecte en entreprise était clairement le mo<strong>de</strong> dominantd’intervention, une forte tendance à privilégier l’interventionen réseau émerge.D’autre part, la mise en place <strong><strong>de</strong>s</strong> champs coordonnés aimpliqué un fonctionnement en mo<strong>de</strong> projet au niveaunational mais avec <strong><strong>de</strong>s</strong> répercussions au niveau régional.Ce mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> fonctionnement tend sinon à s’imposer,du moins à être valorisé. Parallèlement à cela, la complexificationdu travail induite par l’approche multidisciplinaireet la volonté d’harmonisation nécessite <strong><strong>de</strong>s</strong>coopérations nouvel<strong>les</strong>. Par ailleurs, le nombre <strong>de</strong> cadresspécialistes est évi<strong>de</strong>mment limité, alors que le nombred’entreprises visées est élevé. Il y a environ un cadrepour 3 000 entreprises et pour 20 000 salariés. Pour agir<strong>de</strong> manière plus efficiente, on recherche toujours plus« d’effet démultiplicateur » : cela implique <strong>de</strong> trouver<strong><strong>de</strong>s</strong> relais, <strong>de</strong> travailler en commun.En réponse à ces nouvel<strong>les</strong> exigences, le « mo<strong>de</strong> projet »est très fortement suggéré et <strong>les</strong> cadres sont formés àson usage. Des groupes <strong>de</strong> travail sont constitués eninterne à partir <strong>de</strong> l’existant en termes <strong>de</strong> ressourceset compétences. Le travail en réseau <strong>de</strong>vient égalementessentiel pour gar<strong>de</strong>r le contact avec <strong><strong>de</strong>s</strong> « préventeurs »qui ont été, sont ou seront acteurs dans <strong><strong>de</strong>s</strong> projets <strong>de</strong>prévention. Pour cela, <strong>de</strong> nouveaux temps, espaces etoutils d’échange sont nécessaires.Par exemple, trouver un intervenant en sociologie capable<strong>de</strong> présenter « comment i<strong>de</strong>ntifier <strong>les</strong> enjeux d’uneintervention terrain en entreprise » ou un ergonomespécialisé expérimenté dans la simulation <strong>de</strong> l’activitéfuture probable ; trouver un porteur financier, unrelais pour tel ou tel syndicat professionnel, connaître<strong><strong>de</strong>s</strong> préventeurs d’entreprises ayant réalisé <strong><strong>de</strong>s</strong> actionsexemplaires <strong>sur</strong> tel ou tel sujet pour réaliser un article,participer à une conférence, mobiliser <strong><strong>de</strong>s</strong> institutionspour le sujet X ou Y... Autant <strong>de</strong> <strong>de</strong>man<strong><strong>de</strong>s</strong> quinécessitent <strong>de</strong> mobiliser la bonne compétence au bonmoment pour répondre à un projet ou tout simplementune action, une intervention.Ces nouveaux mo<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong> travail, un hybri<strong>de</strong> « mo<strong>de</strong> projet»/ « réseaux intentionnels », ont <strong><strong>de</strong>s</strong> conséquences<strong>sur</strong> <strong>les</strong> conditions d’exercice du travail <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres : l’activité<strong>de</strong>vient plus fragmentée, avec un entremêlement<strong><strong>de</strong>s</strong> tâches et projets. Lors <strong>de</strong> notre étu<strong>de</strong>, la structurequi nous a servi <strong>de</strong> terrain était en pleine phase <strong>de</strong> mutationet il apparaissait intéressant <strong>de</strong> déterminer quel<strong>les</strong>étaient <strong>les</strong> conséquences <strong>de</strong> ces changements où l’usage<strong><strong>de</strong>s</strong> TIC apparaît prépondérant et quel<strong>les</strong> régulations semettaient en place.Principaux concepts mobilisésLe travail <strong><strong>de</strong>s</strong> équipes en mo<strong>de</strong> projet permet auxacteurs <strong>de</strong> travailler en équipes, co localisées ou non,<strong>sur</strong> un thème donné. Cette organisation en mo<strong>de</strong> projetvoudrait que <strong>les</strong> frontières soient clairement définiesavec <strong><strong>de</strong>s</strong> livrab<strong>les</strong>, <strong><strong>de</strong>s</strong> dates butoirs. Pour cela le chef<strong>de</strong> projet <strong>de</strong>vrait définir <strong>les</strong> ressources nécessaires pouratteindre l’objectif. Avant <strong>de</strong> lancer un projet, il faudraitdéterminer quels sont <strong>les</strong> moyens financiers, techniques,humains à mettre en œuvre. Enfin, lorsque l’équipe projetest constituée, que le rôle <strong>de</strong> chacun est défini, que<strong>les</strong> moyens à disposition sont déterminés, un planningcomplet est arrêté, il intègre notamment <strong>les</strong> dates <strong>de</strong>travail en commun, cel<strong>les</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> livrab<strong>les</strong>. Des organisationset moyens (bureau, salle <strong>de</strong> travail, audio ou/etvisioconférence) sont mis en œuvre pour répondre àce mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> travail, que <strong>les</strong> membres <strong>de</strong> l’équipe soient« radicalement co-localisés » ou éloignés. Ce mo<strong>de</strong> <strong>de</strong>travail a maintenant <strong><strong>de</strong>s</strong> caractéristiques connues et<strong><strong>de</strong>s</strong> conséquences <strong>sur</strong> le fonctionnement du collectif quicommencent à être i<strong>de</strong>ntifiées (Teasley, Covi, Krishnam& Olson, 2000, Mark ; 2001).Il diffère <strong>de</strong> celui <strong><strong>de</strong>s</strong> « réseaux intentionnels <strong>de</strong> travail »(Nardi, Whittaker & Schwatz, 2002) où le groupe <strong>de</strong> tra-© Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres37


CHAPITRE III : LES éTUDES DE TERRAINvail se compose non pas en fonction <strong><strong>de</strong>s</strong> besoins spécifiques,mais à partir d’un réseau social d’un ou plusieursacteurs du projet. Ici apparaît la partie « floue » <strong>de</strong> lanotion <strong>de</strong> réseau (Dodier, 1995) qui entre en conflit avecle côté « prédéfini du projet ». S’il y a <strong><strong>de</strong>s</strong> ressources et<strong>les</strong> coûts prédéfinis dans une équipe projet, ce n’est pasle cas dans l’activation d’une partie d’un réseau social :le coût est variable selon la situation, et si <strong>les</strong> dates <strong><strong>de</strong>s</strong>livrab<strong>les</strong> sont prédéfinies, cel<strong>les</strong> concernant <strong>les</strong> phases<strong>de</strong> travail communes se déci<strong>de</strong>nt au fil du projet.Ainsi, ce que l’on nomme « le groupe projet » n’en est pasun véritablement, car sa composition est à géométrievariable non prévue et peut fluctuer au cours du déroulementprojet avec <strong><strong>de</strong>s</strong> frontières inconnues, l’organisateurprincipal (le chef <strong>de</strong> projet) ne connaissant pasforcément <strong>les</strong> coopérations sollicitées par ses cooptés. Siune organisation en mo<strong>de</strong> projet avec une réelle équipeprojet n’exclut pas l’imprévu, l’incertitu<strong>de</strong>, <strong>les</strong> dérives,un groupe hybri<strong>de</strong> « projet-réseau intentionnel » comportebeaucoup plus d’inconnues car <strong>les</strong> acteurs, dateset attendus ne sont que partiellement anticipés, voirepas du tout prédéfinis.Problématique et questions <strong>de</strong> rechercheLe fait que ces cadres soient intégrés dans plusieurs projetsimpliquant <strong><strong>de</strong>s</strong> acteurs multip<strong>les</strong> <strong>les</strong> met en situation<strong>de</strong> multi-activité : ainsi, « le travailleur apparaîtcomme un entrepreneur en miniature, gestionnaire d’unportefeuille <strong>de</strong> projets multip<strong>les</strong> en évolution constante »(Datchary & Licoppe, 2007).Nous pouvons penser que l’ensemble <strong>de</strong> ces caractéristiques<strong>de</strong> travail (travail en mo<strong>de</strong> hybri<strong>de</strong> projet-réseauintentionnel, pratique collective distribuée, multi-activité)crée un travail fragmenté (G. Mark & al. 2005). Eneffet, contrairement au travail en mo<strong>de</strong> projet où <strong>les</strong>phases <strong>de</strong> travail collaboratives sont prédéfinies, lorsquel’on intègre dans son travail un réseau intentionnelon ne maîtrise pas <strong>les</strong> temps d’interactions. Les acteurs« activés » sollicitent leur « coopteur » dans leurs proprestemps disponib<strong>les</strong>, interrompant ainsi sa tâche.Selon le nombre <strong>de</strong> projets menés, selon l’importance<strong><strong>de</strong>s</strong> réseaux, la somme <strong><strong>de</strong>s</strong> interruptions pourrait amenerà une forte fragmentation <strong>de</strong> l’activité.Nous supposons donc que <strong>les</strong> individus mettent en placedifférentes stratégies adaptatives pour articuler <strong>les</strong> différentsprojets et <strong>les</strong> différentes étapes à l’intérieur du projet.Les « préventeurs » ont sans doute <strong><strong>de</strong>s</strong> techniques,<strong><strong>de</strong>s</strong> pratiques, pour « recoller » <strong><strong>de</strong>s</strong> fragments <strong>de</strong> tâches,pour raccrocher un mail, une discussion, à telle ou tel<strong>les</strong>phère <strong>de</strong> travail (V. Gonzalez et G. Mark 2004). Au travers<strong>de</strong> notre analyse, nous souhaitons mettre à jour <strong><strong>de</strong>s</strong> pratiques,usages et stratégies mises en œuvre et déterminer<strong><strong>de</strong>s</strong> éléments facilitateurs du travail collectif en réseau.Comment ce travail en « patchwork » peut tout <strong>de</strong> mêmeproduire <strong>les</strong> résultats proches <strong><strong>de</strong>s</strong> attendus, commentgérer la charge cognitive générée ?Nous pensons qu’il y a <strong><strong>de</strong>s</strong> stratégies qui permettent auxacteurs, individuellement et collectivement, dans le travailsynchrone et asynchrone, d’articuler leurs phases <strong>de</strong>travail entre el<strong>les</strong>, mais aussi avec cel<strong>les</strong> d’autres coopérants.Ainsi le patchwork peut malgré tout être collectivement« cousu ».Démarche mise en œuvre• Métho<strong><strong>de</strong>s</strong> déployéesObservation participanteLa première approche est <strong>de</strong> type ethno-méthodologiquedans la me<strong>sur</strong>e où il s’agissait d’une observation insitu <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres par une démarche <strong>de</strong> type « observationparticipante ».Un <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres (membre <strong>de</strong> l’équipe <strong>de</strong> recherche du GRePSet salarié <strong>de</strong> la structure) a informé ses collègues <strong>de</strong> ladémarche <strong>de</strong> recherche-action <strong>sur</strong> le thème du « travailen réseaux et <strong><strong>de</strong>s</strong> pratiques collectives <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres ». Aucours <strong>de</strong> sa propre activité, il a lui-même tenu un carnet<strong>de</strong> bord en notant ponctuellement <strong><strong>de</strong>s</strong> éléments <strong>sur</strong>ce thème pendant une semaine et <strong>de</strong>mi. Cette premièreétape a permis <strong>de</strong> confirmer un présupposé empiriqueconcernant <strong>les</strong> personnes dont le mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> travail étaitproche <strong>de</strong> notre thématique.Dans un <strong>de</strong>uxième temps, une population <strong>de</strong> cadres aété ciblée. Il s’agissait <strong>de</strong> personnes qui étaient amenéesà travailler en réseau et collectivement. Ce « Pôled’appui » a <strong><strong>de</strong>s</strong> missions transversa<strong>les</strong> dans <strong><strong>de</strong>s</strong> champspluridisciplinaires et a « l’obligation » <strong>de</strong> réaliser <strong><strong>de</strong>s</strong>actions collectives. Des observations <strong>de</strong> l’activité <strong>de</strong>bureau ont été alors menées. El<strong>les</strong> ont consisté à noter<strong>de</strong> manière systématique chaque action et à la relier sipossible à un projet.Cette phase a mis à jour un travail qui semble « décousu »,<strong>les</strong> projets étant traités partiellement : il y a du travail<strong>sur</strong> ordinateur avec <strong><strong>de</strong>s</strong> interruptions fréquentes (téléphone,personnes qui entrent et discutent, échangesentre collègues <strong>de</strong> bureau...).38 © Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres


CHAPITRE III : LES éTUDES DE TERRAINExemple <strong>de</strong> tableau d’auto-relevé d’activitéHoraires Sujet Support oral/mail/tel/seulNous avons par ailleurs <strong>de</strong>mandé à trois cadres <strong>de</strong> noter ledéroulement <strong>de</strong> leur journée selon une matrice que nousleur avons fournie en indiquant <strong>les</strong> actions et <strong>les</strong> TICmises en œuvre concernant un projet donné. Il s’agissaitpour eux <strong>de</strong> noter <strong>sur</strong> 17 jours <strong>les</strong> moments et durées <strong>de</strong>travail <strong>sur</strong> un projet (une « journée <strong>de</strong> sensibilisation <strong>sur</strong><strong>les</strong> TMS ») pour recomposer <strong>les</strong> journées <strong>de</strong> travail et lebasculement entre divers activités et projets.À partir <strong>de</strong> ce tableau, l’ensemble <strong><strong>de</strong>s</strong> tâches <strong>de</strong> la journéea été référencé. Les personnes <strong>de</strong>vaient classer leursséquences <strong>de</strong> travail selon l’appartenance à tel ou telprojet. Neuf relevés d’activité <strong>sur</strong> une journée ont ainsiété récoltés.Analyse <strong><strong>de</strong>s</strong> courriels échangésNous sommes également livrés à un recueil documentaire<strong>de</strong> l’ensemble <strong><strong>de</strong>s</strong> e-mails échangés. Nous avons ensuitepointé <strong>les</strong> dates d’envoi et d’arrivée <strong><strong>de</strong>s</strong> e-mails.Pour chaque e-mail, nous avons également pointé <strong><strong>de</strong>s</strong>éléments qui permettaient aux acteurs <strong>de</strong> réaliser un travaild’articulation par rapport au projet, <strong>de</strong> repositionnerl’e-mail et son contenu. Il s’agissait <strong>de</strong> déterminer ce quipermettait aux acteurs du projet <strong>de</strong> savoir dans le mailquel est le projet concerné, <strong>de</strong> quelle étape il s’agissait,quel<strong>les</strong> « sphères <strong>de</strong> travail » étaient abordées.Pour ce faire, nous avons élaboré une grille d’analysepermettant d’analyser pour chaque e-mail s’il était faitmention :- du contenu pour le projet,- d’information <strong>sur</strong> le contenu proprement dit,- d’information <strong>sur</strong> <strong>les</strong> contacts (autres acteurs du projet),- d’information pour organiser le travail collectif,- <strong>de</strong> stratégie <strong>de</strong> traçabilité dans <strong>les</strong> supports.• Terrain et personnes observéesNous avons choisi d’observer un groupe <strong>de</strong> troiscadres-« préventeurs » qui est déjà confronté à ces changements<strong>de</strong> mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> travail. Leur activité représentel’activité future probable <strong>de</strong> la population globale.Cette population est impliquée dans <strong><strong>de</strong>s</strong> projets quinécessitent d’interagir avec plusieurs autres services etsalariés <strong>de</strong> l’organisation mais aussi avec d’autres structures(entreprises, syndicats professionnels, cabinetsconseil, institutionnels…). Ces trois cadres fonctionnenten mo<strong>de</strong> hybri<strong>de</strong> projet-réseau intentionnels.Nous avons pris comme base d’analyse un projet <strong>de</strong> coconstructiond’une journée <strong>de</strong> formation qui nécessiteun travail à plusieurs personnes éloignées géographiquement.Plus précisément il y avait 8 intervenantsextérieurs et 3 intervenants <strong>de</strong> l’organisation, ce quireprésente 7 lieux <strong>de</strong> production répartis.Principaux résultats obtenusRappelons que nos observations proviennent <strong><strong>de</strong>s</strong> analysesréalisées <strong>sur</strong> la gestion d’un projet (préparationd’une séance <strong>de</strong> formation) où plusieurs interlocuteurscollaborent <strong>de</strong> manière ponctuelle et distanciée pourconstruire le dossier.• Le travail <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres étudiés et ses conditionsd’exercice : <strong><strong>de</strong>s</strong> éléments <strong>de</strong> compréhensionUne gran<strong>de</strong> part <strong>de</strong> l’activité <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres étudiés consiste àco-construire et coordonner <strong><strong>de</strong>s</strong> actions <strong>de</strong> formation enentreprise. Ces dispositifs nécessitent une constructioncommune <strong>de</strong> la part <strong>de</strong> plusieurs personnes. Les actionsd’ingénierie impliquent un travail collectif avec <strong><strong>de</strong>s</strong> acteursse mobilisant à <strong><strong>de</strong>s</strong> moments et <strong><strong>de</strong>s</strong> lieux variab<strong>les</strong>. Celagénère pour <strong>les</strong> coopérants une activité « éclatée dansl’espace», « en pointillée » et « entremêlée ».Depuis la mise en place <strong><strong>de</strong>s</strong> « champs coordonnés »(mission menée avec <strong><strong>de</strong>s</strong> collaborations interdisciplinaires,<strong>de</strong> multi-intervenants et en équipe éclatée), l’activitéet l’organisation du travail <strong>de</strong> ces cadres ont étéprofondément modifiées.Au niveau <strong>de</strong> l’activité d’abord, <strong>les</strong> cadres ont vu leurcharge <strong>de</strong> travail se <strong>de</strong>nsifier et <strong>les</strong> agendas se remplir àl’extrême <strong>sur</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> pério<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong> plus en plus longues. Trouver<strong><strong>de</strong>s</strong> dates communes pour un groupe d’acteurs pourréagir à <strong><strong>de</strong>s</strong> impondérab<strong>les</strong> <strong>de</strong>vient un exercice périlleux,le travail en mo<strong>de</strong> « synchrone » (en même temps) seraréfie et <strong>de</strong>vient précieux. Le recours au travail asynchrone(à <strong><strong>de</strong>s</strong> temps différents <strong><strong>de</strong>s</strong> autres acteurs) estune piste <strong>de</strong> solution pour répondre à ces difficultés. Ilfaut ainsi pouvoir partager <strong><strong>de</strong>s</strong> documents communs ettravailler durant <strong>les</strong> créneaux libres <strong>de</strong> chacun, et nonplus dans <strong><strong>de</strong>s</strong> temps communs.Au niveau <strong>de</strong> l’organisation du travail ensuite, il n’ya plus un supérieur hiérarchique attitré qui, grâce à<strong><strong>de</strong>s</strong> compétences métier, déci<strong>de</strong>, gère, et coordonneun ensemble <strong>de</strong> collaborateurs au fil <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong>man<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong>© Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres39


CHAPITRE III : LES éTUDES DE TERRAINproduction. La structure hiérarchique s’aplatit, laissantplace à une organisation plus transversale et labile,impliquant l’autonomie <strong><strong>de</strong>s</strong> salariés dans le travail.Apparaissent alors <strong><strong>de</strong>s</strong> équipes formées pour atteindreun objectif donné, avec <strong><strong>de</strong>s</strong> ressources données, dansun temps donné. La production <strong><strong>de</strong>s</strong> « livrab<strong>les</strong> » estcoordonnée par une personne ou un comité qui n’a pasforcement <strong>de</strong> lien hiérarchique ou <strong>de</strong> compétences <strong>sur</strong> lecontenu du projet lui-même, mais <strong>sur</strong> son organisationet son fonctionnement.Parallèlement à ce mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> fonctionnement, <strong>les</strong> acteursdu projet se ren<strong>de</strong>nt compte que la transmission <strong>de</strong> l’informationla plus pertinente à la cible la plus intéressanteest capitale, tout comme l’obtention <strong>de</strong> la bonne informationau bon moment est <strong>de</strong>venue incontournable. Pourcela il faut « avoir un réseau » efficace. Se substituant au« mo<strong>de</strong> système », le mo<strong>de</strong> réseau <strong>de</strong>vient, malgré l’impossibilitéà le modéliser, une référence (pour ne pas direun modèle) pour penser <strong>les</strong> échanges inter-acteurs.Dans ce type d’organisation, le travail se complexifie,<strong>les</strong> salariés ont souvent <strong><strong>de</strong>s</strong> compétences multip<strong>les</strong> etendossent <strong><strong>de</strong>s</strong> rô<strong>les</strong> différents selon <strong>les</strong> situations. Parailleurs <strong>les</strong> liens qui unissent <strong>les</strong> acteurs du réseau sontflous, tout comme <strong>les</strong> frontières du réseau.• Les caractéristiques <strong>de</strong> l’activité <strong><strong>de</strong>s</strong> cadresUn travail en pointilléSur une pério<strong>de</strong> d’observation <strong>de</strong> 34 jours <strong><strong>de</strong>s</strong> divers partenaires,on peut voir <strong>sur</strong> <strong>les</strong> diagrammes que la participation<strong><strong>de</strong>s</strong> 3 sujets étudiés au projet d’élaboration <strong>de</strong> lajournée <strong>de</strong> formation en projet est très sporadique.Ainsi, l’acteur A a émis <strong><strong>de</strong>s</strong> e-mails <strong>sur</strong> 5 jours, alors quel’acteur B l’a fait <strong>sur</strong> 3 jours et 8 jours pour l’acteur C. Laproduction se fait en moyenne tous <strong>les</strong> 5/7 jours mais <strong>les</strong>« durées inter-production » sont très variab<strong>les</strong> (soit 0 à 11jours sans production). La réception <strong><strong>de</strong>s</strong> e-mails se fait elleaussi <strong>de</strong> manière discontinue dans <strong><strong>de</strong>s</strong> volumes comparab<strong>les</strong>.Les premiers diagrammes réalisés montrent que <strong>les</strong>personnes produisent et reçoivent <strong><strong>de</strong>s</strong> e-mails <strong>de</strong> manièreirrégulière avec <strong><strong>de</strong>s</strong> pério<strong><strong>de</strong>s</strong> parfois importantes sans production.C’est un premier indice du travail en pointillé.Nous allons voir à présent ce qui se passe au cours <strong>de</strong> cesjournées <strong>de</strong> production relatives au projet. Nous avons<strong>de</strong>mandé <strong>de</strong> relever chaque phase <strong>de</strong> travail concernantce travail à un <strong><strong>de</strong>s</strong> acteurs du projet (métho<strong>de</strong> par autorelevé).Analyse <strong>de</strong> l’activité d’un cadre « préventeur »L’acteur C a ainsi évalué chaque pério<strong>de</strong> où il travaillaiteffectivement <strong>sur</strong> le projet : la durée et le moment <strong>de</strong>la journée. Ce relevé s’est déroulé <strong>sur</strong> <strong>les</strong> 17 jours duprojet.Ainsi, l’analyse détaillée <strong>de</strong> l’ensemble <strong><strong>de</strong>s</strong> moments<strong>de</strong> travail montre que le cadre a consacré 7 jours auprojet (<strong>sur</strong> la durée totale <strong><strong>de</strong>s</strong> 17 jours d’auto-observation)avec 39 séquences <strong>de</strong> travail relatives au dossier <strong>de</strong>« Formation » (envoi, réception, traitement <strong>de</strong> messages,édition <strong>de</strong> documents) ; soit une moyenne <strong>de</strong> 4,85séquences par jour (voir diagramme ci-<strong><strong>de</strong>s</strong>sous).Au total, cela représente une durée <strong>de</strong> 7h 48 mn <strong>de</strong> travail<strong>sur</strong> le projet (avec <strong><strong>de</strong>s</strong> écarts <strong>de</strong> temps qui vont <strong>de</strong> 2à 60 minutes). Le temps moyen <strong>de</strong> travail par séquenceest <strong>de</strong> 13,45 mn avec un écart-type <strong>de</strong> 12 mn. Plus <strong>de</strong> lamoitié <strong><strong>de</strong>s</strong> séquences font moins <strong>de</strong> 10 mn, ce qui montreque <strong>les</strong> séquences <strong>de</strong> travail sont non seulement trèsétalées, mais également plutôt <strong>de</strong> courte durée.Diagramme temporel général <strong><strong>de</strong>s</strong> séquences <strong>de</strong> travail consacrées au projet TMS par un préventeurMinutes7060504030201001 3 5 7 9 11 13 15 17 19 21 23 25 27 29 31 33 35 37 39Séquences40 © Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres


CHAPITRE III : LES éTUDES DE TERRAINPour avoir une idée plus précise du temps consacré auprojet, un diagramme temporel quotidien et circonstanciéa également été mené <strong>sur</strong> <strong>les</strong> 17 jours en autorelevé.Ce diagramme global montre que l’activité consacrée àun projet précis se fait en pointillé, avec <strong><strong>de</strong>s</strong> fragmentsd’activité (d’une dizaine <strong>de</strong> minutes en moyenne) répartis<strong>sur</strong> différentes journées et moments <strong>de</strong> la journée.En outre, ces séances <strong>de</strong> travail peuvent être déclenchéessoit par le cadre lui-même (qui va déci<strong>de</strong>r <strong>de</strong> se consacrerau dossier : cas <strong>de</strong> pério<strong>de</strong> assez longue <strong>de</strong> travail), soitprovoquées par son environnement professionnel (par <strong>les</strong>sollicitations <strong><strong>de</strong>s</strong> divers membres du projet) qui le sollicite(physiquement, verbalement, électroniquement) <strong>sur</strong><strong><strong>de</strong>s</strong> questions du projet.À présent, nous allons voir comment le travail s’entremêleet se répartit entre différents projets qui se succè<strong>de</strong>nt<strong>sur</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> pério<strong><strong>de</strong>s</strong> très courtes d’une même journéedans l’activité.Le travail entremêléÀ partir <strong><strong>de</strong>s</strong> relevés d’auto-activité et <strong><strong>de</strong>s</strong> observationsparticipantes <strong>de</strong> terrain, nous avons réussi à reconstituer<strong><strong>de</strong>s</strong> journées types <strong>de</strong> cadres.L’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> 9 chronogrammes <strong><strong>de</strong>s</strong> 3 cadres montre quel’ensemble <strong>de</strong> leurs journées <strong>de</strong> « bureau » sont composéesd’une multitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> séquences <strong>de</strong> travail où s’entremêlentplusieurs projets, tâches, menés <strong>de</strong> manièrecollective ou individuelle. Les chronogrammes montrentl’alternance <strong><strong>de</strong>s</strong> temps consacrés à chaque projet <strong>sur</strong> unejournée <strong>de</strong> travail.Les temps <strong>de</strong> travail différents peuvent eux-mêmes êtredivisés en plusieurs séquences <strong>de</strong> travail impliquantl’usage <strong>de</strong> média différents (téléphone, messagerie,bureautique…) et l’échange avec <strong><strong>de</strong>s</strong> acteurs différents.On remarque l’importance <strong><strong>de</strong>s</strong> interactions avec <strong>de</strong> nombreuxacteurs éloignés géographiquement. Au total, il ya ainsi eu <strong><strong>de</strong>s</strong> échanges avec douze personnes dont <strong>de</strong>ux<strong>de</strong> l’équipe projet, trois d’un autre service du siège, troisd’autres services localisés dans d’autres établissements,et quatre personnes externes à la structure.Souvent donc, le travail <strong>sur</strong> un même projet implique <strong><strong>de</strong>s</strong>échanges avec plusieurs personnes en mo<strong>de</strong> synchrone(téléphone, présentiel) et asynchrone (messagerie). Cesséances <strong>de</strong> travail collectives et éclatées alternent aussiavec <strong><strong>de</strong>s</strong> séquences <strong>de</strong> travail seul.Enfin, <strong>sur</strong> <strong>les</strong> 9 chronogrammes réalisés par <strong>les</strong> 3 cadres,nous avons noté qu’il y a systématiquement eu plusieursprojets coopératifs menés <strong>de</strong> manière concourante (<strong>de</strong> 3à 6 dans notre échantillon avec en moyenne 4,7 sujetsmenés <strong>de</strong> front dans une journée). Autrement dit, chaquedossier reste ouvert et potentiellement accessible<strong>sur</strong> la journée et le cadre peut y consacrer un temps plusou moins long selon <strong>les</strong> sollicitations.Une activité <strong>de</strong> digressionLes interruptions/digressions, <strong>les</strong> « switchs» ou <strong>les</strong> « zapping» entre diverses tâches ont <strong><strong>de</strong>s</strong> origines différentes.Durant nos observations <strong>de</strong> terrain, nous avons ainsi puremarquer qu’el<strong>les</strong> pouvaient provenir :- D’un collègue du pôle <strong>de</strong> travail qui interroge, sollicite,s’adresse à la cantona<strong>de</strong>, attire l’attention périphérique,« fait du lien social » avec un pair…,- D’un collègue du service qui entre dans le bureau interroge,sollicite, fait du « lien social » ou une « pause sociale »,- Du téléphone fixe ou mobile qui sonne,- Du post-it ou <strong>de</strong> la liste <strong><strong>de</strong>s</strong> tâches qui rappelle la tâcheen cours, <strong>les</strong> questions en suspens, <strong>les</strong> choses à faire,- De l’e-mail qui arrive dans la messagerie.- Etc.La messagerie et l’agenda sont littéralement un outilcentral <strong>de</strong> travail, mais cette application présente apparemment<strong><strong>de</strong>s</strong> limites puisque nous avons observé que <strong>les</strong>cadres notent à côté, <strong>sur</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> post-it, <strong>les</strong> tâches prioritairespour leur journée <strong>de</strong> travail. Peut-être ne trouvent-ilspas dans l’application informatique une métho<strong>de</strong> suffisantepour organiser leur travail et <strong>sur</strong>tout rappeler <strong>les</strong>tâches importantes (présence d’un listing ou planningsaillant et persistant pour reprendre l’expression <strong>de</strong> Datchary& Liccope, 2007 14 ).L’usage, dans le champ <strong>de</strong> vision, <strong><strong>de</strong>s</strong> post-it collés àproximité <strong>de</strong> l’ordinateur, <strong>de</strong> petites listes barrées aufur et à me<strong>sur</strong>e <strong><strong>de</strong>s</strong> réalisations, <strong><strong>de</strong>s</strong> e-mails conservésen messagerie ou encore <strong>de</strong> l’empilement <strong>de</strong> dossiers<strong>sur</strong> l’espace <strong>de</strong> travail sont <strong><strong>de</strong>s</strong> stratégies majoritairementadoptées par <strong>les</strong> cadres qui mènent <strong><strong>de</strong>s</strong> projets <strong>de</strong>manière concourante. Il s’agit sans doute <strong>de</strong> créer unesorte <strong>de</strong> « présence obstinée » qui leur permettrait <strong>de</strong>gar<strong>de</strong>r en mémoire <strong>les</strong> nombreux projets en cours. Lesobservations montrent d’ailleurs différentes conduitespour clôturer <strong>les</strong> phases <strong>de</strong> travail : ranger un dossier,jeter (parfois triomphalement !) un post-it, barrer unitem <strong>de</strong> sa liste, effacer (voire « tuer »…) un e-mail …Ce mo<strong>de</strong> d’aménagement <strong>de</strong> l’espace <strong>de</strong> travail se retrouve<strong>de</strong> manière assez régulière, que la personne travaille ouse soit absentée <strong>de</strong> son bureau quelques heures ou quelquesjours.14. Datchary C., Licoppe C. (2007). La multi-activité et ses appuis : l’exemple <strong>de</strong> la « présence obstinée » <strong><strong>de</strong>s</strong> messages dans l’environnement <strong>de</strong>travail. Activité, Vol 4, N° 1.© Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres41


CHAPITRE III : LES éTUDES DE TERRAINEn définitive, on a pu voir que le basculement entredivers projets ou sphères <strong>de</strong> travail peut être provoquépar <strong><strong>de</strong>s</strong> artéfacts ou <strong><strong>de</strong>s</strong> « distracteurs » périphériques àl’environnement immédiat du travail (qu’ils soient d’originehumaine ou matérielle), ou déclenché par un état<strong>de</strong> préoccupation ou d’intérêt du sujet qui le conduit àconsulter et à traiter un dossier en cours (une idée àcompléter, une information à vérifier, une vérification àfaire…). Dans tous <strong>les</strong> cas, cela requiert un état d’attentionet <strong>de</strong> vigilance partagé et permanent, pour pouvoirintégrer rapi<strong>de</strong>ment et efficacement <strong>les</strong> différentes sphères<strong>de</strong> travail.Mais comment le cadre gère-t-il l’articulation entre cesdifférentes sphères <strong>de</strong> travail ? C’est ce que nous allons àprésent examiner dans le cadre du méta-travail.• L’activité <strong>de</strong> méta-travail : <strong>les</strong> stratégiesd’articulation entre <strong>les</strong> différentes sphères d’activité.Pour comprendre comment s’articule la gestion <strong>de</strong> cesdifférentes sphères <strong>de</strong> travail (passage d’un projet à unautre), nous avons étudié plus spécifiquement le contenu<strong><strong>de</strong>s</strong> échanges électroniques adressés par <strong>les</strong> cadres <strong>de</strong> notreéchantillon à l’intérieur du projet <strong>de</strong> journée <strong>de</strong> formation.Notre analyse s’est portée plus précisément <strong>sur</strong> <strong>les</strong> courrielstransmis pour la co-conception <strong>de</strong> 3 documents <strong>de</strong>cette journée <strong>de</strong> formation. 22 e-mails ont été généréset chaque e-mail a été examiné à partir d’une mêmegrille. 21 avaient un ou plusieurs documents joints.Les informations contenues dans <strong>les</strong> messages électroniqueset <strong>les</strong> effets <strong><strong>de</strong>s</strong> informations <strong>sur</strong> l’objet dumessagePlus <strong>de</strong> la moitié <strong><strong>de</strong>s</strong> e-mails (soit 12 <strong>sur</strong> <strong>les</strong> 22) incluent<strong><strong>de</strong>s</strong> informations <strong>sur</strong> le contenu et l’objet <strong>de</strong> l’e-mail : sanature, sa vocation, son usage,… El<strong>les</strong> permettent <strong>de</strong>contextualiser son origine et <strong>de</strong> déterminer <strong>les</strong> actionsidoines <strong>de</strong> gestion à entreprendre : réponse rapi<strong>de</strong> oudécalée, suppression, message mis en attente, consultationimmédiate, suppression, ouverture et traitement.« Voilà le diaporama » ; « Ci-joint la nouvelle version<strong>de</strong> la trame » ; « Vous trouverez ci-joint <strong>les</strong> modifsque je vous propose » ; « Ci-joint le ppt que je penseutiliser » ; « Vous trouverez un <strong><strong>de</strong>s</strong>criptif sommaire<strong>de</strong> la journée » ; « Voici un premier jet <strong><strong>de</strong>s</strong> qq. questionset thèmes » ; « Voici une proposition <strong>de</strong> courrierd’invitation » ; « Ci-joint une trame <strong>de</strong> déroulé <strong>de</strong> lajournée ».Des informations <strong>sur</strong> <strong>les</strong> actions entreprises ou à entreprendrepar <strong>les</strong> acteursLes e-mails contiennent également <strong><strong>de</strong>s</strong> informations <strong>sur</strong> ceque font <strong>les</strong> autres acteurs ou informent <strong><strong>de</strong>s</strong> relations encours entre <strong>les</strong> acteurs du projet. Ce sont <strong><strong>de</strong>s</strong> e-mails <strong>de</strong>régulation et <strong>de</strong> coordination qui permettent à chacun <strong>de</strong>connaitre l’activité <strong><strong>de</strong>s</strong> partenaires et <strong>de</strong> se (re)positionneret/ou <strong>de</strong> s’articuler dans cet ensemble <strong>de</strong> tâches, et <strong>sur</strong> ceque chacun a fait ou fera. Ce sont aussi <strong><strong>de</strong>s</strong> informations<strong><strong>de</strong>s</strong>tinées à montrer que le travail se réalise normalement,<strong>de</strong> manière à ras<strong>sur</strong>er le groupe mais aussi à rendre visib<strong>les</strong>on activité, tout en préservant une certaine autonomie. Ilspeuvent donc être source <strong>de</strong> charge <strong>de</strong> travail supplémentairepar le traitement qu’ils réclament.« J’ai sollicité un expert pour le…» ; « Sinon, avecXXXXX on pense que » ; « Voici <strong>les</strong> présentations que jeviens <strong>de</strong> recevoir <strong>de</strong> l’expert » ; « Suite à <strong>de</strong> nouveauxéchanges avec le service xxx ».Nous avons ainsi relevé que la plupart <strong><strong>de</strong>s</strong> e-mails (19<strong>sur</strong> 22) :- Soit citaient un ou plusieurs autres acteurs du projet(7 e-mails <strong>sur</strong> 22),- Soit faisaient informellement référence au travaild’autres acteurs en faisant suivre un e-mail précé<strong>de</strong>mmentenvoyé (9 <strong>sur</strong> 22).Des informations relatives à l’organisation du travailcollectifUn quart <strong><strong>de</strong>s</strong> e-mails concerne l’organisation du travailcollectif (6 <strong>sur</strong> 21). Est indiqué ce qui est à faire, par quiet quand ou ce qui ne peut pas être fait dans le cadre <strong>de</strong>la gestion collective du travail. Cela permet aux membresdu groupe <strong>de</strong> se réajuster en temps réel et/ou <strong>de</strong> trouverun fonctionnement en mo<strong>de</strong> dégradé selon <strong>les</strong> aléas et<strong>les</strong> vicissitu<strong><strong>de</strong>s</strong> du déroulement du projet.« J’ai le regret <strong>de</strong> vous annoncer que je ne pourrai pasêtre parmi vous le jeudi » ; « Nous rediscuterons dudéroulé définitif » ; « On se rappelle lundi pour déterminerle contenu <strong>de</strong> cette journée » ; « Mon rdv du 8matin vient <strong>de</strong> sauter, je pourrai participer à l’ensemble<strong>de</strong> la journée ».Des informations <strong>sur</strong> la traçabilité et le versionningLes titres et contenus du message contiennent assez peud’informations faisant référence à la nature, au type oula version <strong>de</strong> la pièce jointe. Le titre se réfère davantageau nom du projet et le contenu décrit plus l’usage oula finalité du message. Les intitulés <strong><strong>de</strong>s</strong> pièces jointesdonnent en revanche <strong><strong>de</strong>s</strong> informations <strong>sur</strong> le contenu dufichier et <strong>sur</strong> <strong>les</strong> modifications dont il a pu faire l’objet(8 titres ou changements <strong>de</strong> titres adoptés <strong>sur</strong> 25 documentsjoints).Exemp<strong>les</strong> <strong>de</strong> nom <strong><strong>de</strong>s</strong> fichiers en pièces-jointes :« Trame questions.doc » ; « Trame questions avec propomodif xxxx.doc » ; « Journée Formation trame question.doc» ; « Trame question révision EA CB.doc ».42 © Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres


CHAPITRE III : LES éTUDES DE TERRAIN• L’articulation entre travail collectif et travailindividuelNous allons à présent voir comment l’activité est répartieentre <strong><strong>de</strong>s</strong> activités <strong>de</strong> collaboration (réunissant plusieursacteurs co-construisant un projet) et <strong><strong>de</strong>s</strong> tâches<strong>de</strong> coopération (où chaque membre concourt <strong>de</strong> manièreisolée à la réalisation d’un projet commun : ce sont <strong><strong>de</strong>s</strong>contributions individuel<strong>les</strong> à un projet collectif).Ainsi, à partir <strong><strong>de</strong>s</strong> e-mails et <strong><strong>de</strong>s</strong> chronogrammes (autorelevés)d’un cadre (A) et <strong>de</strong> journées d’observation,nous avons pu reconstituer l’enchaînement détaillé <strong><strong>de</strong>s</strong>différentes phases <strong>de</strong> travail coopératives et collaborativesimpliquant 3 cadres concepteurs du projet <strong>sur</strong> 7journées.L’analyse du schéma <strong><strong>de</strong>s</strong> relevés montre que la richessedu contenu <strong><strong>de</strong>s</strong> e-mails dépend <strong>de</strong> la place <strong><strong>de</strong>s</strong> phases <strong>de</strong>travail collaboratif. En effet, <strong>les</strong> e-mails envoyés suite àun échange ne contiennent que peu d’informations, alorsque <strong>les</strong> e-mails qui sont adressés après un travail coopératif(travail seul pour un même projet) sont beaucoupplus riches en informations pour permettre l’articulation.Il faut en effet davantage préciser et formaliser <strong>les</strong> chosespour informer <strong>les</strong> autres membres <strong>de</strong> ses actions et<strong>de</strong> l’état d’avancement <strong>de</strong> son travail. Dans le cadre <strong>de</strong>la collaboration (co-production simultanée), <strong>de</strong> tel<strong>les</strong>informations ne sont pas nécessaires dans la me<strong>sur</strong>e oùel<strong>les</strong> sont informel<strong>les</strong> et prélevées directement dans lasituation.Discussion <strong><strong>de</strong>s</strong> résultatsNous avons montré que ces cadres mènent plusieursprojets <strong>de</strong> manière concourante avec un mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> fonctionnement« hybri<strong>de</strong> », c’est-à-dire en mo<strong>de</strong> projet eten réseaux intentionnels. Ces modalités <strong>de</strong> travail avecune partie <strong><strong>de</strong>s</strong> temps <strong>de</strong> travail communs pré-définis etd’autres temps <strong>de</strong> travail imprévus ont pour conséquencenon seulement <strong>de</strong> générer une multi activité, mais aussi<strong>de</strong> produire un travail en patchwork : en pointillé etentremêlé.Pour pouvoir, malgré tout, réaliser le travail et mener leprojet à terme, <strong><strong>de</strong>s</strong> stratégies d’articulations sont misesen œuvre. Si l’on se pose la question <strong>de</strong> l’optimisation<strong><strong>de</strong>s</strong> situations <strong>de</strong> travail <strong>de</strong> ces cadres, et ceci, tant dansle champ <strong>de</strong> l’efficience du travail que dans celui <strong>de</strong> lacharge <strong>de</strong> travail et plus particulièrement <strong>de</strong> la chargementale, nous pouvons travailler <strong>sur</strong> <strong>les</strong> <strong>de</strong>ux partiesobservées : (i) limiter le travail en patchwork et (ii)optimiser <strong>les</strong> stratégies adaptatives.• Limiter le patchworkPour ces cadres, il y a un équilibre à trouver entre unmo<strong>de</strong> projet efficace, rigi<strong>de</strong> et structuré et un mo<strong>de</strong>réseau intentionnel efficient, souple et incontrôlé.On pourrait déci<strong>de</strong>r <strong>de</strong> « pousser » ces cadres à fonctionneruniquement en mo<strong>de</strong> projet « pur » pour que<strong>les</strong> temps <strong>de</strong> coopération soient prédéfinis, et <strong>de</strong> ce faitlimiter <strong>les</strong> interruptions par <strong><strong>de</strong>s</strong> acteurs du réseau intentionnel.Mais une gran<strong>de</strong> part <strong>de</strong> leur efficience repose<strong>sur</strong> leur capacité à faire du lien entre <strong>les</strong> personnes, à« activer » le bon acteur au bon moment, ce qui impliqueune forte réactivité et une soup<strong>les</strong>se qu’ils ne peuventmettre en œuvre dans un fonctionnement en réelmo<strong>de</strong> projet. Si finalement le fonctionnement en réseauintentionnel est indispensable, il serait intéressant <strong>de</strong>travailler <strong>sur</strong> l’organisation du travail et <strong>sur</strong> <strong>les</strong> moyensà disposition <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres.• Re-Penser <strong>les</strong> tempsDans l’activité <strong>de</strong> ces cadres, le travail en patchwork, <strong>les</strong>séquences <strong>de</strong> travail, <strong>les</strong> modalités <strong>de</strong> travail (travaillerseul, traitement <strong><strong>de</strong>s</strong> e-mails, téléphone, audio-conférences,échange entre collègues, échange entre pairs..) sont« mélangés », et il n’y a pas vraiment <strong>de</strong> temps dédiéspour chaque séquence et modalité <strong>de</strong> travail. On pourraittrès bien imaginer par exemple <strong>de</strong> dédier <strong><strong>de</strong>s</strong> temps, <strong><strong>de</strong>s</strong>moments pour réaliser tel ou tel type <strong>de</strong> tâche : commedisposer d’une pério<strong>de</strong> définie pour traiter ses e-mails,être en permanence téléphonique et ne pas être joignable.Ces temps dédiés pourraient limiter <strong>les</strong> digressions etla fragmentation <strong>de</strong> l’activité. Toutefois, comme nousl’avons montré dans l’étu<strong>de</strong>, ces me<strong>sur</strong>es pourraient avoir<strong><strong>de</strong>s</strong> effets contre-productifs dans la me<strong>sur</strong>e où tous cesinstruments <strong>de</strong> connexion et <strong>de</strong> <strong>communication</strong> sont <strong><strong>de</strong>s</strong>outils <strong>de</strong> travail à part entière qui ne <strong>sur</strong>ajoutent pas autravail mais qui doivent intégrer l’activité. En priver <strong>les</strong>cadres revient à limiter leur efficacité et leur efficienceau travail.• Penser <strong>les</strong> espacesDe la même manière, hormis <strong>les</strong> réunions planifiées,tout se déroule dans un même espace. Il s’agit <strong>de</strong> minibureaux paysagers <strong>de</strong> 4 à 8 personnes, que l’on soit entravail individuel, au téléphone ou en échange. Peutêtreserait-il intéressant d’inventer <strong><strong>de</strong>s</strong> espaces pour« échanger <strong>sur</strong> le vif », communiquer avec l’extérieur,ou, au contraire, pour s’isoler…On pourrait penser que le regroupement <strong><strong>de</strong>s</strong> personnesd’une même équipe n’a <strong>de</strong> l’intérêt que lorsqu’el<strong>les</strong> travaillent<strong>sur</strong> un même projet, et que le reste du tempsel<strong>les</strong> pourraient travailler <strong>de</strong> manière isolée. Cela pourraitlimiter <strong>les</strong> gênes et interruptions mutuel<strong>les</strong>, maislà encore il faudra être vigilant vis-à-vis <strong><strong>de</strong>s</strong> effets nonattendus ou <strong><strong>de</strong>s</strong> « pertes » qu’engendrent ces espaces<strong>de</strong> travail.Ainsi, quel serait l’impact <strong>sur</strong> <strong>les</strong> relations interpersonnel<strong>les</strong>et <strong>les</strong> mo<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong> gestion <strong><strong>de</strong>s</strong> relations : <strong><strong>de</strong>s</strong> espacesne pénaliseraient-il pas le mo<strong>de</strong> « conversationnel » ou© Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres43


CHAPITRE III : LES éTUDES DE TERRAINle mo<strong>de</strong> « connecté » ou inversement … Quelle serait laconséquence <strong>sur</strong> le collectif <strong>de</strong> travail et la construction<strong>de</strong> véritab<strong>les</strong> équipes <strong>de</strong> travail ?• Penser <strong>les</strong> outils et leurs usagesIl y a sans doute <strong><strong>de</strong>s</strong> usages <strong><strong>de</strong>s</strong> outils existants à définir.Laisse-t-on sa messagerie ouverte en permanence ?Doit-on être averti systématiquement <strong>de</strong> l’arrivée d’unnouveau message ? Doit-on systématiquement répondreau téléphone ? Quelle place donner à la messagerietéléphonique ? En quoi la visibilité <strong>de</strong> l’agenda est-ellepertinente ou pas ?Il y a sans doute <strong><strong>de</strong>s</strong> outils à mettre à disposition pourpermettre <strong>de</strong> limiter la fragmentation <strong><strong>de</strong>s</strong> tâches (parexemple dans le cadre <strong>de</strong> formations à la « gestion dutemps ». Une messagerie instantanée est-elle un plus ouun moins ? Un wiki peut-il être un support utile ? Deslogiciels collaboratifs pourraient sans doute davantageencadrer l’activité <strong>de</strong> coopération et <strong>de</strong> collaboration.Mais n’engendreront-ils pas d’autres difficultés et obstac<strong>les</strong>? S’ils peuvent susciter et optimiser le fonctionnement<strong><strong>de</strong>s</strong> « communautés » <strong>de</strong> travail, ils peuvent toutautant exacerber <strong>les</strong> clivages et favoriser la déliquescence<strong><strong>de</strong>s</strong> collectifs…Par ailleurs, comme nous l’indiquions auparavant, tousces dispositifs sont <strong>de</strong> vrais outils au service <strong>de</strong> l’individuet <strong>de</strong> son travail, qu’on ne peut supprimer ou modifiersans impacter <strong>les</strong> conditions <strong>de</strong> réalisation <strong>de</strong> l’activité,et donc sans affecter <strong>les</strong> usagers. Autant <strong>de</strong> réflexionsqu’il serait intéressant <strong>de</strong> mettre en débat.Les répercussions <strong>de</strong> la messagerie électronique <strong>sur</strong> la qualité <strong>de</strong> vie au travail<strong><strong>de</strong>s</strong> cadres : le cas <strong><strong>de</strong>s</strong> ingénieursCe qu’il faut retenir : cette étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> terrain a été menéeauprès <strong>de</strong> cadres ingénieurs qui se plaignaient <strong>de</strong> la <strong>sur</strong>charge<strong>de</strong> travail générée par l’usage intensif <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong><strong>de</strong> <strong>communication</strong>, en particulier la messagerieélectronique. Nous avons donc déployé une série d’analyses<strong>de</strong> terrain pour évaluer <strong>les</strong> répercussions effectives<strong>de</strong> l’utilisation <strong>de</strong> cet outil <strong>sur</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> ingénieurs et <strong>sur</strong> leurspratiques professionnel<strong>les</strong>. Nous avons également cherchéà dégager <strong>les</strong> stratégies mises en œuvre pour réguler cetteintensification <strong>de</strong> leur travail.Mots clefs : Cadre ingénieur, Intensification du travail,débor<strong>de</strong>ment cognitif, usages <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC.Contexte <strong>de</strong> l’étu<strong>de</strong> et problème poséCette étu<strong>de</strong> fait suite à la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cins du travaild’une gran<strong>de</strong> entreprise industrielle spécialisée dansla fabrication <strong>de</strong> véhicu<strong>les</strong>. Le service « santé au travail» était confronté aux plaintes répétées d’un nombrecroissant d’ingénieurs qui éprouvaient <strong><strong>de</strong>s</strong> difficultés àfaire face à l’usage <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC, et en particulier <strong>de</strong> la messagerieface à un afflux massif <strong>de</strong> courriers électroniques.Par <strong>les</strong> facilités mais aussi par <strong>les</strong> contraintes qu’elleexerce, il semble que la messagerie ait pris une placeprépondérante dans le travail : rythmant la journée etl’activité, accaparant plus ou moins fortement <strong>les</strong> salariéset débordant parfois <strong>sur</strong> leur vie personnelle.L’objectif <strong>de</strong> notre étu<strong>de</strong> est <strong>de</strong> saisir <strong>les</strong> répercussions<strong>de</strong> cette (<strong>sur</strong>)utilisation <strong>de</strong> la messagerie pour l’usager(charge <strong>de</strong> travail, articulation vie au travail-hors travail…)et dans ses pratiques professionnel<strong>les</strong> (ré-organisation<strong>de</strong> son activité, …). Nous tâcherons <strong>de</strong> dégageraussi <strong>les</strong> stratégies mises en œuvre pour réguler cetteintensification du travail.Principaux concepts théoriques mobilisésDifférentes enquêtes montrent que <strong>les</strong> salariés passentbeaucoup <strong>de</strong> temps à utiliser leur messagerie, y comprishors temps <strong>de</strong> travail. Ces <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong>ont diverses inci<strong>de</strong>nces : el<strong>les</strong> ont un côté « chronophage» pour Lasfargues (2006) car el<strong>les</strong> prennent untemps précieux qui pourrait être utilisé à effectuer beaucoupplus <strong>de</strong> tâches <strong>de</strong> fond. Ces outils <strong>de</strong> messageriesont également à l’origine <strong>de</strong> coûts cognitifs provoquéspar une gestion concomitante <strong>de</strong> plusieurs activités qu’ilfaut mener <strong>de</strong> front (syndrome <strong>de</strong> saturation et <strong>de</strong> débor<strong>de</strong>mentcognitif -COS- <strong>de</strong> Lalhou, 2000) et/ou par <strong><strong>de</strong>s</strong>interruptions et <strong><strong>de</strong>s</strong> digressions <strong>de</strong> tâches qui requièrentune re-contextualisation cognitive <strong>de</strong> la tâche (BobillierChaumon, 2003 ; Czerwinski & Al., 2004 ; Crepsy, 2004).Le débor<strong>de</strong>ment cognitif fait référence à un trop pleind’activités que le salarié n’arrive pas à maîtriser. Cestâches <strong>de</strong> digression sont suscitées par <strong><strong>de</strong>s</strong> attracteurscognitifs, c’est-à-dire par « un ensemble d’élémentsmatériels et immatériels qui participent potentiellementà une activité donnée, et qui sont simultanément présentsdu point <strong>de</strong> vue du sujet » (Lalhou, 2000 ; p. 75).Dès lors, la mobilisation <strong><strong>de</strong>s</strong> ressources attentionnel<strong>les</strong>que requièrent ces attracteurs cognitifs ainsi que le sentiment<strong>de</strong> débor<strong>de</strong>ment qui en résulte participent à la<strong>sur</strong>charge cognitive du sujet.Quand on parle d’interruption <strong>de</strong> tâches, se pose la question<strong>de</strong> la productivité du salarié. Lorsque ce <strong>de</strong>rnier est44 © Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres


CHAPITRE III : LES éTUDES DE TERRAINinterrompu dans une tâche, la possibilité <strong>de</strong> la reprendreet <strong>de</strong> l’achever peut être parfois reportée, ce quipeut provoquer <strong><strong>de</strong>s</strong> retards. Comme l’expliquent Assadiet Denis (2005), la réception d’un e-mail va entraîner<strong><strong>de</strong>s</strong> traitements non prévus par le salarié, jusqu’àoublier ce qui avait été commencé. Mark, Gonzalez etHarris (2005) expliquent d’ailleurs que la fragmentationtemporelle possè<strong>de</strong> <strong>de</strong>ux aspects : la durée passée <strong>sur</strong>une tâche continue et <strong>les</strong> interruptions <strong>de</strong> l’activité. Cesinterruptions (très sollicitantes d’un point <strong>de</strong> vue cognitif)sont présentes dans toutes <strong>les</strong> activités où il y atraitement d’information, et plus encore dans la gestion<strong><strong>de</strong>s</strong> e-mails.Problématique et questions <strong>de</strong> rechercheNotre hypothèse <strong>de</strong> travail repose <strong>sur</strong> l’idée que cettemessagerie peut être assimilée à un artéfact cognitif(Norman, 1991). Ce <strong>de</strong>rnier ne fait pas qu’augmenter <strong>les</strong>capacités <strong>de</strong> traitement, <strong>de</strong> production ou <strong>de</strong> <strong>communication</strong><strong><strong>de</strong>s</strong> individus ; il reconfigure également, et <strong>de</strong>manière plus ou moins importante et contraignante, <strong>les</strong>tâches et <strong>les</strong> relations. Cette TIC comporte donc un rôled’objet actant entre l’usager, son environnement (systèmed’activité) et <strong>les</strong> autres acteurs du système (entourage,client, hiérarchique…). Il s’agit donc <strong>de</strong> déterminernon seulement quel rôle joue concrètement cet outil <strong>de</strong>messagerie dans la détérioration <strong>de</strong> la qualité <strong>de</strong> vie autravail <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres, mais <strong>de</strong> comprendre aussi <strong>les</strong> effets<strong>sur</strong> eux.Démarche mise en œuvreL’étu<strong>de</strong> se déroule au sein du département « Étu<strong><strong>de</strong>s</strong> etRecherches » <strong>de</strong> l’entreprise où une précé<strong>de</strong>nte enquête<strong>sur</strong> le stress avait indiqué que <strong>les</strong> e-mails étaient un <strong><strong>de</strong>s</strong>facteurs significatifs <strong>de</strong> pénibilité professionnelle.Notre échantillon (<strong>de</strong> 18 personnes) est essentiellementcomposé <strong>de</strong> volontaires compte tenu <strong><strong>de</strong>s</strong> contraintesprofessionnel<strong>les</strong>, <strong>de</strong> disponibilité et <strong>de</strong> performance duservice. Pour évaluer <strong>les</strong> inci<strong>de</strong>nces effectives <strong>de</strong> l’usage<strong>de</strong> la messagerie <strong>sur</strong> <strong>les</strong> usagers et i<strong>de</strong>ntifier <strong>les</strong> stratégiesdéployées pour <strong>les</strong> utilisateurs, diverses techniquesont été employées :- Analyses thématiques et statistiques <strong><strong>de</strong>s</strong> messagesgérés quotidiennement par <strong>les</strong> ingénieurs,- Entretiens semi-directifs <strong>sur</strong> cet échantillon pour comprendreleur activité, leur rythme et l’organisation <strong>de</strong>leur travail, leur ressenti face à la messagerie, <strong>les</strong> stratégiesd’utilisation,- Observations et analyse <strong><strong>de</strong>s</strong> verbalisations simultanéespour comptabiliser <strong>les</strong> digressions et <strong>les</strong> ajustements<strong>de</strong> tâches <strong>sur</strong> une heure <strong>de</strong> travail (nature, fréquence,durée, ressenti…).Pour cerner <strong>les</strong> stratégies d’utilisation <strong>de</strong> la messagerie,<strong><strong>de</strong>s</strong> séances d’observation filmées <strong>de</strong> l’activité <strong>de</strong> cinqusagers <strong>sur</strong> une matinée <strong>de</strong> travail ont été mises en place.Une caméra (type webcam) a été positionnée <strong>sur</strong> le rebord<strong>de</strong> l’écran d’ordinateur. Relié à un microphone, ce dispositifaudio-vidéo enregistrait toutes <strong>les</strong> actions, réactionset <strong>les</strong> verbalisations spontanées <strong><strong>de</strong>s</strong> sujets au cours <strong>de</strong>leur matinée <strong>de</strong> travail. Nous avons par la suite confrontéces enregistrements à chaque individu pour qu’il puisseréagir à certains comportements ou attitu<strong><strong>de</strong>s</strong> déployésdurant ces séances (verbalisation consécutive).Ces observations accompagnées <strong>de</strong> verbalisations (simultanéesou consécutives) ont pour but <strong>de</strong> repérer <strong>les</strong> circonstances(quand ?), <strong>les</strong> stratégies (comment ?) et <strong>les</strong>raisons (pourquoi ?) du recours ou non à la messagerie.Des gril<strong>les</strong> d’observation ren<strong>de</strong>nt compte <strong>de</strong> ces tâchesd’interaction avec l’outil.Principaux résultats obtenus• Gestion <strong>de</strong> la messagerie et régulation <strong>de</strong>l’activité : <strong><strong>de</strong>s</strong> compromis d’actionNous allons d’abord présenter <strong>les</strong> usages <strong>de</strong> la messagerieavant <strong>de</strong> nous intéresser à sa gestion dans l’activité.a) Un usage à vocation essentiellement professionnelleUne première analyse statistique <strong><strong>de</strong>s</strong> e-mails traités par<strong>les</strong> 18 ingénieurs <strong>sur</strong> une journée <strong>de</strong> travail type conduità dresser trois gran<strong><strong>de</strong>s</strong> catégories :- E-mails personnels regroupant <strong>les</strong> e-mails familiaux,amicaux et non désirés (spams).- E-mails professionnels comprenant <strong>les</strong> e-mails dugroupe <strong>de</strong> travail, <strong>de</strong> sa hiérarchie ainsi que ceux <strong><strong>de</strong>s</strong>clients et fournisseurs.- E-mails divers/entreprise rassemblant <strong>les</strong> messagesd’informations généra<strong>les</strong> <strong>sur</strong> l’entreprise (comité d’entreprise,CHSCT, syndicats, repas, congés…).© Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres45


CHAPITRE III : LES éTUDES DE TERRAINNature <strong><strong>de</strong>s</strong> messages traités <strong>sur</strong> une journée <strong>de</strong> travail (Total 600)Messages Professionnels Messages personnels Messages diversSur 447 e-mails reçus 387 (87 %) 24 (5 %) 36 (8 %)Sur 153 e-mails envoyés 137 (90 %) 14 (9 %) 2 (1 %)La messagerie est <strong>sur</strong>tout utilisée dans un but professionnelpuisque <strong>sur</strong> <strong>les</strong> 600 gérés quotidiennement (avec 33e-mails en moyenne par personne), 87 % qui sont reçus et90 % envoyés relèvent <strong>de</strong> cette seule catégorie.b) Une messagerie essentiellement utilisée pour véhiculer,<strong>de</strong> manière asynchrone, <strong>de</strong> l’information dans legroupe <strong>de</strong> travailSi l’on s’intéresse plus spécifiquement à ces messages professionnels(524), l’analyse <strong><strong>de</strong>s</strong> BAL (boîtes aux lettres)indique que la majorité <strong>de</strong> ces e-mails concernent <strong>les</strong> membresdu groupe <strong>de</strong> travail (63 % reçus et 80 % envoyés).Ces messages concernent <strong>les</strong> informations relatives à lagestion du projet (aspects techniques, budgétaires) et dugroupe <strong>de</strong> travail (réunions, comptes rendus…).Origine <strong><strong>de</strong>s</strong> messages professionnels traités <strong>sur</strong> une journée <strong>de</strong> travailGroupe <strong>de</strong> travail Entreprise Clients/fournisseurs HiérarchieSur 387 e-mails reçus 243 (62 %) 99 (26 %) 12 (3 %) 33 (9 %)Sur 137 e-mails envoyés 110 (80 %) 20 (15 %) 6 (4 %) 1 (1 %)La messagerie est un véritable outil <strong>de</strong> travail dans l’activité(« tout le travail est basé là-<strong><strong>de</strong>s</strong>sus », « moi si jecoupe la messagerie, je ne peux plus travailler »). Elle aété instituée comme LE principal vecteur <strong>de</strong> <strong>communication</strong>et d’information professionnelle par <strong>les</strong> usagers :« c’est presque le principal moyen <strong>de</strong> <strong>communication</strong> avecl’extérieur ».Par rapport aux autres supports <strong>de</strong> travail, la messagerieprésente un intérêt <strong>de</strong> taille qui est <strong>de</strong> conserver la trace<strong>de</strong> l’échange professionnel (problèmes traités, questionset réponses apportées, échéances fixées…). Des e-mails<strong>de</strong> confirmation sont d’ailleurs <strong>de</strong> plus en plus souventexigés à la suite d’échanges verbaux : « quand je reçoisun coup <strong>de</strong> fil avec la <strong><strong>de</strong>s</strong>cription d’un problème, systématiquementje <strong>de</strong>man<strong>de</strong> qu’on m’envoie un mail … pourlaisser une trace ». Le mail est donc une sécurité qui,outre la rapidité <strong>de</strong> sa transmission, permet <strong>de</strong> se prémunircontre toute ambiguïté <strong>de</strong> <strong>communication</strong> (comme<strong>les</strong> interprétations erronées, <strong>les</strong> analyses abusives ouplus simplement, conserver la preuve <strong>de</strong> l’échange). Toutefois,cette stratégie s’avère à la longue contre-productivepuisque toute action ou <strong>communication</strong> informelleest immédiatement suivie d’un message d’information ou<strong>de</strong> confirmation à <strong><strong>de</strong>s</strong>tination non seulement <strong>de</strong> la cible,mais aussi du groupe <strong>de</strong> travail : « <strong>les</strong> gens ne savent pasforcément qui s’occupent <strong>de</strong> quoi et parfois on va être encopie d’un e-mail qui, à la limite, pour notre information,va nous servir mais pour notre travail pas vraiment… Celanous pollue ». C’est ce que nous avons désigné par l’effet« parapluie », c’est-à-dire rendre compte constamment<strong>de</strong> ses faits et gestes par <strong><strong>de</strong>s</strong> messages pour se couvrir.c) Des messages professionnels qui requièrent uneréponse immédiateOn note qu’un message reçu est dans la majorité <strong><strong>de</strong>s</strong> cas(83 %) consulté immédiatement (dès sa réception) etque 14 % sont consultés plus tardivement (au-<strong>de</strong>là d’uneheure). Il peut-être aussi jeté dans la poubelle sans êtrelu (2 %) ou classé sans être lu (1 %). La majorité <strong><strong>de</strong>s</strong>messages entraîne donc, dès leur réception, une réaction<strong>de</strong> traitement <strong>de</strong> la part l’usager : « un signal sonore, jeplante tout et je regar<strong>de</strong> ce qui se passe ».Ces messages professionnels reçus engendrent paradoxalementtrès peu <strong>de</strong> réponses écrites <strong>de</strong> la part <strong><strong>de</strong>s</strong> ingénieurs.Ce sont prioritairement ceux issus du groupe <strong>de</strong>travail qui génère un feed back faible (12 % <strong><strong>de</strong>s</strong> messagesreçus), puis ceux <strong>de</strong> l’entreprise (2 %) et <strong><strong>de</strong>s</strong> fournisseurs(1 %) ; mais aucune réaction aux e-mails <strong>de</strong>la hiérarchie. Cette relative apathie peut s’expliquer parla nature du message transmis (information générale,question…) qui peut susciter ou non une réaction, maisaussi par la volonté du salarié <strong>de</strong> réserver sa réponse - etses ressources - <strong>de</strong> façon opportune (principe <strong>de</strong> la suffisanceou <strong>de</strong> l’économie cognitive) : « Il ne faut pas qu’ils’attendre à ce que je répon<strong>de</strong> au quart <strong>de</strong> tour ! Je nepeux pas ». Il s’agit aussi <strong>de</strong> préserver <strong>les</strong> contacts inter-46 © Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres


CHAPITRE III : LES éTUDES DE TERRAINpersonnels directs lorsque c’est possible, notammentavec la hiérarchie (bureau à proximité) et le groupe <strong>de</strong>travail (open-space facilitant <strong>les</strong> interactions mais aussi<strong>les</strong> interruptions).Gestion <strong>de</strong> la messagerie et compétences dédiéesPar <strong><strong>de</strong>s</strong> techniques d’observation (filmée) et <strong>de</strong> verbalisationsimultanée (retranscrite), nous avons relevé unensemble <strong>de</strong> données concernant <strong>les</strong> interruptions <strong>de</strong>tâches en lien d’une part, avec la gestion <strong>de</strong> la messagerieet, d’autre part, avec <strong>les</strong> activités annexes quecelle-ci induit. Nous avons choisi d’observer la premièreheure <strong>de</strong> travail d’un ingénieur durant laquelle il déterminele plan d’action <strong>de</strong> sa journée. Il apparaît ainsi quegérer la messagerie mobilise un ensemble <strong>de</strong> connaissancestechniques et <strong>de</strong> compétences diverses (rédaction,décodage et tri) qui peuvent être considérées commeautant d’exigences qui pèsent <strong>sur</strong> le salarié.Détail <strong><strong>de</strong>s</strong> actions <strong>de</strong> gestion opérées par un ingénieur <strong>sur</strong> une heure <strong>de</strong> travailGestion <strong>de</strong> la messagerieType d'actions Trier Consulter Répondre Rédiger TotalOccurrence et fréquence 6 (35 %) 8 (47 %) 1 (6 %) 2 (12 %) 17Temps moyen par action(minutes)Temps total par action(minutes)1.18 1.29 0.5 1.217.50 (35 %) 11.52 (53 %) 0.5 (0,5 %) 2.43 (12 %) 22.30Une première analyse du tableau indique que <strong>sur</strong> une heure<strong>de</strong> travail, l’ingénieur prend plus du tiers <strong>de</strong> son temps (22.30min) à gérer sa messagerie dont 11.52 min sont consacréesplus particulièrement à la consultation <strong><strong>de</strong>s</strong> e-mails (avecen moyenne 1.2 min <strong>de</strong> temps passé pour chaque consultation)et 7.50 min au tri <strong>de</strong> la BAL (Boîte Aux Lettres).Cette <strong>de</strong>rnière action prend donc une place prépondérantedans la gestion <strong>de</strong> la messagerie (environ 35 %). Ce triporte d’une part <strong>sur</strong> tous <strong>les</strong> e-mails reçus durant la nuit(temps qui peut être très long – <strong>de</strong> 3 à 4 minutes – afin <strong>de</strong>commencer la journée avec une boîte vi<strong>de</strong>) et, d’autre part<strong>sur</strong> <strong>les</strong> e-mails qui s’affichent instantanément (temps pluscourt : quelques dizaines <strong>de</strong> secon<strong><strong>de</strong>s</strong>).Les observations montrent que le classement est <strong>sur</strong>toutréalisé à partir du nom <strong>de</strong> l’expéditeur, du sujet, <strong><strong>de</strong>s</strong>personnes en copie, du contenu du message et <strong>de</strong> lapièce jointe (intitulé, taille…). Les <strong>de</strong>ux premiers itemsdonnent d’ailleurs <strong><strong>de</strong>s</strong> indices très précieux <strong>sur</strong> la pertinenced’un e-mail, <strong>sur</strong>tout non-sollicité (spam). Desstratégies optimisées peuvent également être mises enplace par <strong>les</strong> usagers <strong>les</strong> plus aguerris. Ils paramètrentl’outil pour que <strong>les</strong> e-mails reçus soient rangés automatiquementdans <strong><strong>de</strong>s</strong> catégories selon <strong><strong>de</strong>s</strong> mots clefs prédéfinis(expéditeur, sujet…) ou bien soient associés à <strong><strong>de</strong>s</strong>couleurs spécifiques (étiquettes) selon ces mêmes motsclefs (bleu pour personnel, rouge pour client…). Un seulcoup d’œil permet ainsi <strong>de</strong> repérer <strong>les</strong> messages nécessitantun traitement (réponse ou lecture) plus approfondi.Pour autant, cette stratégie n’échappe pas à uneintervention humaine puisque <strong>les</strong> ingénieurs déclarentvérifier fréquemment la cohérence <strong>de</strong> ce tri automatisé.L’activité <strong>de</strong> classement, qu’elle soit automatisée oumanuelle, est effectuée avec d’autant plus d’acuité et <strong>de</strong>célérité que le salarié dispose d’une gran<strong>de</strong> expérienceprofessionnelle. En effet, <strong>les</strong> catégories prédéfinies doiventcouvrir <strong><strong>de</strong>s</strong> domaines assez larges et représentatifs<strong>de</strong> l’activité pour intégrer la majorité <strong><strong>de</strong>s</strong> e-mails reçus etfavoriser ainsi leur taxinomie puis leur récupération ultérieure.D’autre part, leur décryptage avant le classementrepose <strong>sur</strong> quelques repères : nom et origine (service) <strong>de</strong>l’expéditeur, sa fonction, son niveau hiérarchique, la formulationdu sujet, <strong>les</strong> références explicites ou implicitesdans le corps du texte, <strong>les</strong> abréviations utilisées, le titre<strong>de</strong> la pièce jointe…Les autres actions que sont « répondre » et « rédiger »prennent beaucoup moins <strong>de</strong> temps. Dans le premier cas,la réponse <strong>de</strong> 5 secon<strong><strong>de</strong>s</strong> correspond à la confirmation/remerciement d’une pièce reçue. Dans le second cas, c’estl’usager qui déci<strong>de</strong> d’adresser un message à un <strong><strong>de</strong>s</strong>tinataireen lien avec sa tâche <strong>de</strong> fond ou suite à la <strong>de</strong>man<strong>de</strong><strong>de</strong> ce <strong>de</strong>rnier (par téléphone ou par voix orale).Les réponses aux messages sont donc plus rapi<strong><strong>de</strong>s</strong> etsouvent faites dans la continuité <strong>de</strong> la consultation,d’après l’exigence exprimée (« merci <strong>de</strong> me confirmer auplus vite »). Mais el<strong>les</strong> dépen<strong>de</strong>nt <strong>sur</strong>tout du décodageque l’utilisateur en fait. Les critères <strong>de</strong> filtrage sont doncici à nouveau mobilisés pour apprécier le type <strong>de</strong> traitementà apporter aux e-mails reçus (réponse, tri, suppressionou inaction).© Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres47


CHAPITRE III : LES éTUDES DE TERRAINLe temps imparti pour la rédaction du message estplus long (1.21 min en moyenne) car il faut expliciterle contexte, la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> en respectant <strong><strong>de</strong>s</strong> normes <strong>de</strong>« sociabilité » (formule <strong>de</strong> politesse, style non-directif,neutralité) et d’écriture (syntaxe, grammaire, orthographe).Exercice qui peut être d’autant plus ardu s’il estréalisé dans une langue étrangère et/ou pour un <strong><strong>de</strong>s</strong>tinataireou un sujet important.Nous allons à présent revenir <strong>sur</strong> l’activité <strong>de</strong> consultationpuisqu’elle sollicite à elle seule plus <strong>de</strong> la moitiédu temps <strong>de</strong> gestion <strong>de</strong> la messagerie (soit 11.52 min).Elle peut être <strong>de</strong> trois types : (i) décidée par l’utilisateur(lorsqu’il ouvre ou rafraîchit sa messagerie), (ii) déclenchéepar la messagerie (suite à une alerte sonore ouvisuelle), (iii) ou encore suggérée par autrui (l’utilisateurrépond à l’invitation d’un tiers qui lui <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong>vérifier l’arrivée du mail).Détail <strong>de</strong> l’action <strong>de</strong> «consultation»Occurrence et fréquence <strong>de</strong>consultationTemps moyen <strong>de</strong> consultation(minutes)Temps total <strong>de</strong> consultation(minutes)Décidée parl'utilisateurDéclenchée paralerteConsultationSuggérée parautrui6 (75 %) 2 (25 %) 0 81,46 0.40 0Total10.33 (89 %) 1.19 (11 %) 0 11.52Les consultations spontanées <strong>de</strong> la messagerie sont plusnombreuses (6) et plus longues (1.46 min) que lorsqu’el<strong>les</strong>sont déclenchées par <strong>les</strong> alertes (2 lectures <strong>de</strong> 40 secen moyenne).Lorsqu’elle est décidée par l’utilisateur, cette consultationprend d’avantage <strong>de</strong> temps car elle porte <strong>sur</strong> plus <strong>de</strong>messages : ceux-ci ont pu être accumulés durant la nuit(cas <strong>de</strong> l’ouverture en début <strong>de</strong> journée) ou téléchargéslors <strong>de</strong> la réactualisation manuelle <strong>de</strong> la BAL par l’ingénieur.Cette consultation intentionnelle répond à <strong>de</strong>uxexigences d’anticipation :- l’une technique : la capacité mémoire <strong>de</strong> la messagerieétant limitée à 40 M0, un filtrage régulier est alorsnécessaire pour éviter que le logiciel soit bloqué par <strong><strong>de</strong>s</strong>pièces jointes volumineuses,- l’autre temporelle : l’ingénieur observé préfère traiter« au fil <strong>de</strong> l’eau » plutôt que <strong>de</strong> consacrer un temps <strong>de</strong>traitement plus long <strong>sur</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> messages amoncelés. Il al’impression d’être plus efficient avec cette technique.De plus, il déci<strong>de</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> moments propices pour lancer cettemise à jour (toutes <strong>les</strong> 6 minutes environ) en fonction<strong>de</strong> son état d’esprit et <strong><strong>de</strong>s</strong> tâches en cours. Cette techniqueproactive <strong>de</strong> consultation lui donne finalementl’impression <strong>de</strong> maîtriser davantage la messagerie et <strong>de</strong>réguler le flux d’e-mails : « Les e-mails s’empilent (…),on est très vite noyé sous une avalanche <strong>de</strong> e-mails ».Nous allons à présent décrire <strong>les</strong> tâches annexes que suscitel’utilisation <strong>de</strong> la messagerie.Tâches générées par la messagerie : <strong>de</strong> nouvel<strong>les</strong> exigences<strong>de</strong> travailCe tableau présente <strong>les</strong> différents types <strong>de</strong> tâchesannexes que l’utilisateur a initiées suite à la consultation<strong><strong>de</strong>s</strong> messages. Quatre gran<strong><strong>de</strong>s</strong> catégories ressortent: l’ingénieur recherche ou traite une information <strong>sur</strong>un (i) support papier (document) ou (ii) électronique(logiciel) ; (iii) il <strong>de</strong>man<strong>de</strong> un renseignement par voixorale ou (iv) met à jour le cahier <strong><strong>de</strong>s</strong> tâches.48 © Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres


CHAPITRE III : LES éTUDES DE TERRAINNature <strong><strong>de</strong>s</strong> tâches induites par la consultation <strong>de</strong> la messagerieType d'actions et <strong>de</strong> tâcheRecherched'information<strong>sur</strong> supportpapiersTâches annexes générées par la messagerieDeman<strong>de</strong> <strong>de</strong>renseignementRecherched'information<strong>sur</strong> supportinformatiqueMises à jourdu cahier <strong>de</strong>tâchesOccurrence et fréquence 3 (20%) 8 (53 %) 1 (7 %) 3 (20%) 15Temps moyen passé partâche (minutes)Temps total passé par tâche(minutes)1.37 1.00 0.17 0.11Total4.52 (35 ) 8.03 (58 %) 0,17 (2 %) 0,34 (4 %) 13.46Au cours <strong>de</strong> son heure <strong>de</strong> travail, l’utilisateur consacreprès <strong>de</strong> 14 minutes à <strong><strong>de</strong>s</strong> tâches annexes. Autrement dit,il cesse son activité principale pour traiter <strong>les</strong> tâchesinduites par la consultation <strong>de</strong> la messagerie : « c’estvrai que le mail change le cours <strong>de</strong> la journée par rapportà ce qu’on aurait dû faire. On est interrompu par <strong><strong>de</strong>s</strong>e-mails plus ou moins urgents et il y a <strong><strong>de</strong>s</strong> choses que l’onva traiter tout <strong>de</strong> suite car c’est hyper urgent ».Plus précisément, la consultation <strong><strong>de</strong>s</strong> e-mails génèrentdans la plupart <strong><strong>de</strong>s</strong> cas (58 %) <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong>man<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong> renseignementsauprès <strong><strong>de</strong>s</strong> collègues (<strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> précision,<strong>de</strong> confirmation ou d’approfondissement suite à une-mail reçu). L’architecture en open-space permet d’interpelertrès facilement le collègue proche, ce qui provoqueaussi une interruption dans l’activité <strong>de</strong> celui-ci. Ceque nous avons désigné par l’interruption à « rebond »ou en « écho ».La recherche d’information <strong>sur</strong> support papier (3 foisdans l’heure observée) est assez longue (1.37 min) etsollicitante d’un point <strong>de</strong> vue physique et cognitif puisquel’utilisateur est amené à se déplacer pour extraire<strong><strong>de</strong>s</strong> dossiers (souvent volumineux) <strong><strong>de</strong>s</strong> placards et <strong>les</strong>consulter pour i<strong>de</strong>ntifier la donnée souhaitée (recherche<strong>de</strong> plan par exemple).En revanche, l’unique recherche effectuée <strong>sur</strong> supportélectronique a été très courte (17 sec). Dans ce cas, ils’agissait <strong>de</strong> vérifier sa disponibilité pour une réunion<strong>sur</strong> l’agenda. Mais dans un autre contexte ou à un autremoment <strong>de</strong> la journée, cette recherche informatique auraitété plus importante puisque la plupart <strong><strong>de</strong>s</strong> dossiers et <strong><strong>de</strong>s</strong>outils <strong>de</strong> travail sont dorénavant centralisés <strong>sur</strong> informatique.Il faut alors jongler avec l’ouverture <strong>de</strong> différentesfenêtres et logiciels qui réclament chacun <strong><strong>de</strong>s</strong> co<strong><strong>de</strong>s</strong>, <strong><strong>de</strong>s</strong>comman<strong><strong>de</strong>s</strong> et <strong><strong>de</strong>s</strong> logiques spécifiques, ce qui est égalementcoûteux d’un point <strong>de</strong> vue cognitif.Enfin, <strong>de</strong>rnière tâche générée par la messagerie, celleen lien avec le cahier <strong><strong>de</strong>s</strong> charges que l’ingénieur metà jour. Il y répertorie <strong>les</strong> tâches à réaliser dans la journée(par exemple, passer un appel téléphonique, mettreà jour un tableau, poser une question à un collègueabsent..). Le recours à ce cahier <strong><strong>de</strong>s</strong> charges (3 fois)est symptomatique <strong>de</strong> cette accumulation <strong>de</strong> tâches encours – débutées dans l’activité principale et/ou déclenchéespar la consultation <strong>de</strong> la messagerie – mais jamaisvéritablement achevées.Pour ne rien oublier, il faut donc lister <strong>sur</strong> le papierce qui reste à faire, ce qui n’est pas encore fait maisqui <strong>de</strong>vrait ou qui aurait dû être fait… Il ne s’agit passeulement <strong>de</strong> marquer pour s’en rappeler, mais aussi <strong>de</strong>réduire sa charge mnésique (ou cognitive) et <strong>de</strong> contenirégalement l’angoisse d’oublier ce qu’il faut faire.Les stratégies <strong>de</strong> régulation <strong>de</strong> la messagerieFace à l’afflux <strong>de</strong> courriels et au sentiment <strong>de</strong> débor<strong>de</strong>mentqui peut en découler, <strong>les</strong> ingénieurs vont mettre enœuvre diverses stratégies <strong>de</strong> régulation qui dépen<strong>de</strong>nt<strong>sur</strong>tout <strong>de</strong> leur expérience professionnelle et <strong>de</strong> leurmaîtrise <strong>de</strong> l’outil <strong>de</strong> <strong>communication</strong>. Il s’agit :- D’organiser son temps afin <strong>de</strong> libérer <strong><strong>de</strong>s</strong> pério<strong><strong>de</strong>s</strong>propices à la consultation <strong><strong>de</strong>s</strong> messages : à partir <strong>de</strong>chez soi à raison <strong>de</strong> 2h en moyenne par semaine (le soir,le week-end, en fin <strong>de</strong> vacances), <strong>sur</strong> le lieu <strong>de</strong> travail endéfinissant <strong><strong>de</strong>s</strong> plages <strong>de</strong> consultation durant la journée(à raison <strong>de</strong> 30 minutes matin, midi et soir ; le reste dutemps, la messagerie est fermée). Certains choisissentd’arriver plus tôt et <strong>de</strong> repartir plus tard le soir pourgérer <strong>les</strong> messages à <strong><strong>de</strong>s</strong> pério<strong><strong>de</strong>s</strong> plus creuses. D’autresenfin réservent cette consultation durant <strong>les</strong> réunions <strong>de</strong>travail au détriment <strong>de</strong> leur participation.- Paramétrer sa messagerie et se focaliser <strong>sur</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> élémentsclefs du message : <strong>les</strong> plus aguerris vont associerautomatiquement une couleur d’après certains items(expéditeur, thème…). D’autres repèrent et interprètentd’un simple coup d’œil quelques indices clefs du messagereçu (le nom <strong>de</strong> l’expéditeur, le sujet, la pièce jointe…)et ne traitent que ceux qui correspon<strong>de</strong>nt à un profilbien particulier (construit <strong>sur</strong> l’expérience et fortementdépendant du contexte du travail : urgence, objectifs <strong>de</strong>travail…). Enfin, face à l’attracteur cognitif que représentel’alerte, d’aucuns préfèrent l’annuler et déterminer© Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres49


CHAPITRE III : LES éTUDES DE TERRAIN<strong>les</strong> plages <strong>de</strong> consultation.- Gérer la relance : il s’agit <strong>de</strong> ne pas répondre immédiatementaux e-mails en supposant que si le sujet estimportant et urgent, l’expéditeur <strong>les</strong> re-sollicitera. Maisc’est une technique anxiogène car <strong><strong>de</strong>s</strong> e-mails urgentspeuvent ne pas être traités.Discussion <strong><strong>de</strong>s</strong> résultatsNous avons cherché à i<strong>de</strong>ntifier quel<strong>les</strong> étaient <strong>les</strong> sourcespossib<strong>les</strong> <strong>de</strong> charge <strong>de</strong> travail ressenties par <strong>les</strong> ingénieursen lien avec l’usage <strong>de</strong> la messagerie.Nous avons déterminé par le décompte journalier <strong><strong>de</strong>s</strong>messages que la messagerie avait été instituée commele principal support <strong>de</strong> travail <strong><strong>de</strong>s</strong> ingénieurs, notammentparce que toutes <strong>les</strong> informations du groupe <strong>de</strong>projet sont véhiculées par ce vecteur <strong>de</strong> <strong>communication</strong>.Pour cette raison, sa consultation est donc fréquente etreprésente avec <strong>les</strong> autres actions <strong>de</strong> gestion <strong>de</strong> la messagerieplus du tiers du temps <strong>de</strong> travail (<strong>sur</strong> une heureobservée). À cela s’ajoutent encore <strong>les</strong> tâches annexesgénérées par la lecture <strong><strong>de</strong>s</strong> e-mails, qui portent à 35minutes le temps total lié plus ou moins directement àla messagerie.Malgré l’importance du recours à l’outil, <strong>les</strong> ingénieursont cherché à développer <strong><strong>de</strong>s</strong> stratégies pour optimiserau mieux l’usage <strong>de</strong> la messagerie afin qu’elle ne s’imposepas à eux ou ne s’interpose pas dans leur activité(sentiment <strong>de</strong> débor<strong>de</strong>ment). Ces stratégies <strong>de</strong> régulationdépen<strong>de</strong>nt éminemment <strong>de</strong> l’expérience <strong>de</strong> l’usageret <strong>de</strong> sa maîtrise technique <strong>de</strong> l’outil.Le coût cognitif se révèle alors très élevé pour diversesraisons : (i) s’organiser (réajuster son activité pour intégreret gérer <strong>les</strong> tâches <strong>de</strong> fond) tout en mobilisant <strong>les</strong>ressources nécessaires pour mener à bien à la fois <strong>les</strong>tâches annexes déclenchées par la messagerie, la gestion<strong>de</strong> cet outil (tri, réponse, consultation…) et <strong>les</strong>dossiers qui restent en suspend ; (ii) se souvenir <strong><strong>de</strong>s</strong>choses à faire pour ne rien oublier (le cahier <strong><strong>de</strong>s</strong> chargesen est l’illustration) ; (iii) réfléchir à <strong><strong>de</strong>s</strong> mo<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong>gestion optimisés <strong>de</strong> la messagerie pour pouvoir traiterau mieux le flux <strong><strong>de</strong>s</strong> messages (relance, séquences <strong>de</strong>consultation, paramétrage <strong>de</strong> l’outil...) ; (iv) enfin gérerla tension interne face à la crainte <strong>de</strong> ne pas pouvoirachever ses missions <strong>de</strong> travail ou <strong>de</strong> laisser passer <strong><strong>de</strong>s</strong>e-mails urgents.Par toutes ces inci<strong>de</strong>nces, on peut dire que l’usage <strong>de</strong>l’outil suscite <strong><strong>de</strong>s</strong> contraintes tel<strong>les</strong> qu’il est à l’origined’une intensification du travail (exigences temporel<strong>les</strong>,cognitives, relationnel<strong>les</strong>, structurel<strong>les</strong>…) et d’une certainedégradation <strong>de</strong> conditions <strong>de</strong> travail. Cette activitémédiatisée <strong>de</strong>vient <strong>de</strong> plus en plus fragmentée : tâchesvariées, rythme rapi<strong>de</strong>, temporalités croisées entre plusieurstâches (concurrentes/concourantes), <strong>de</strong>man<strong><strong>de</strong>s</strong> eninterférence, traitement d’événements imprévus et fréquents.La gestion <strong><strong>de</strong>s</strong> transitions entre ces différentesactivités (principa<strong>les</strong> et auxiliaires) <strong>de</strong>vient plus chaotiqueet exige <strong><strong>de</strong>s</strong> compétences nouvel<strong>les</strong> (anticipation,organisation, flexibilité, soup<strong>les</strong>se…). Les risques pourla santé sont relatifs à ces phénomènes <strong>de</strong> <strong>sur</strong>charge :sentiment d’urgence, dispersion, tension, fatigue, <strong>sur</strong>sollicitation <strong>de</strong> la mémoire… Certaines activités peuventenfin être empêchées ou suspendues – et susciter<strong>de</strong> l’anxiété car le salarié n’arrive pas à faire face et/ou à maîtriser une activité qui lui échappe (débor<strong>de</strong>ment)- et la mise en œuvre <strong>de</strong> stratégies <strong>de</strong> régulationou <strong>de</strong> contournement s’avère au final coûteuse <strong>sur</strong> leplan cognitif.La messagerie serait ainsi à l’origine <strong>de</strong> multip<strong>les</strong> <strong>sur</strong>chargesqui s’exerceraient <strong>sur</strong> le cadre : (i) une <strong>sur</strong>chargeinformationnelle d’abord, compte tenu du flux ininterrompud’e-mails qui lui parvient et auquel il faut répondresouvent dans l’urgence après <strong>les</strong> avoir lus, décryptéset triés ; (ii) une <strong>sur</strong>charge <strong>communication</strong>nelle ensuite,en raison <strong>de</strong> la nécessité d’adapter le message à la diversité<strong><strong>de</strong>s</strong> interlocuteurs et <strong><strong>de</strong>s</strong> canaux sollicités, et pour<strong>les</strong>quels <strong><strong>de</strong>s</strong> compétences variées sont déployées (ora<strong>les</strong>par téléphone, rédactionnel<strong>les</strong> pour la messagerie électronique,kinesthésiques et relationnel<strong>les</strong> en présentiel) ;(iii) une charge cognitive également par <strong>les</strong> multip<strong>les</strong>interruptions <strong>de</strong> travail, digressions d’activité et reprisesque requiert la consultation <strong>de</strong> la messagerie (requérantdiverses ressources) ; (iv) une charge organisationnelleenfin, car l’usager doit sans cesse réajuster son activitéafin <strong>de</strong> dégager du temps pour continuer à travaillermalgré <strong>les</strong> apparitions intempestives <strong><strong>de</strong>s</strong> e-mails. Descompétences idoines doivent alors être déployées pourgérer au mieux ces nouvel<strong>les</strong> contraintes.50 © Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres


CHAPITRE III : LES éTUDES DE TERRAINQuand la technologie rythme et structure le travail : le cas d’un cadre dirigeantRésumé : cette étu<strong>de</strong> se propose <strong>de</strong> montrer commentl’activité du cadre (ici dirigeant) peut se reconfigurersous l’influence <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC et <strong>de</strong> la dématérialisation <strong>de</strong>l’information. La démarche ethnographique d’analyse<strong>de</strong> l’activité développée permet d’apporter un regardtrès fin <strong>sur</strong> le réel du travail. Prise dans son ensemble,l’activité du cadre doit se comprendre comme un systèmed’activités interdépendantes et interconnectées.Nous mettons en évi<strong>de</strong>nce <strong>les</strong> stratégies développéespar le cadre pour gérer la variété d’activités, <strong>de</strong> tâcheset d’interlocuteurs. Nous chercherons également à rendrecompte <strong><strong>de</strong>s</strong> interactions complexes qui découlent<strong>de</strong> ces activités au regard <strong>de</strong> l’outil <strong>de</strong> messagerie.Il ressort que le cadre doit articuler <strong><strong>de</strong>s</strong> sphères temporel<strong>les</strong>à court terme (résolutions <strong>de</strong> problèmes) et àplus long terme (collecte d’informations, positionnementstratégique) en se positionnant entre un savoirfaireindividuel et un savoir-faire collectif qu’il acquiertau fur et à me<strong>sur</strong>e <strong>de</strong> l’expérienceMots clefs : TIC, cadre dirigeant, système d’activité,régulation, dynamique <strong>de</strong> l’activitéContexte <strong>de</strong> l’étu<strong>de</strong> et problème poséLe service informatique dans lequel s’est déroulée cetteétu<strong>de</strong> a pour vocation d’outiller la gestion et <strong>les</strong> différentestransactions <strong><strong>de</strong>s</strong> services <strong>de</strong> l’entreprise grâce à <strong><strong>de</strong>s</strong> logicielsadaptés aux besoins spécifiques <strong>de</strong> chaque entité.La DSI compte un département « Étu<strong><strong>de</strong>s</strong> et développements» en charge principalement <strong>de</strong> la conceptionet réalisation <strong>de</strong> logiciels pour <strong><strong>de</strong>s</strong> clients internes àl’entreprise. En particulier, le pôle « Étu<strong><strong>de</strong>s</strong> RessourcesHumaines » accompagne la Direction <strong><strong>de</strong>s</strong> RessourcesHumaines <strong>de</strong> l’entreprise dans ce domaine. En parallèle àla production <strong>de</strong> solutions informatiques pour ses clientsinternes (ERP, informatique <strong>de</strong> gestion), le service élaboreses propres sites Web qu’il met à disposition <strong>de</strong> sessalariés et <strong><strong>de</strong>s</strong> prestataires <strong>sur</strong> l’intranet <strong>de</strong> l’entreprise.Le service emploie une quarantaine <strong>de</strong> salariés et soustraitele reste <strong>de</strong> l’activité à <strong><strong>de</strong>s</strong> sociétés externes (unesoixantaine <strong>de</strong> prestataires) qui détachent leurs personnels<strong>sur</strong> le site.La hiérarchie comprend quatre niveaux : le Pôle, leniveau division, le niveau section, le niveau secteur.Chaque chef <strong>de</strong> section manage <strong><strong>de</strong>s</strong> responsab<strong>les</strong> <strong>de</strong>projets (chefs <strong>de</strong> secteurs) et eux-mêmes pilotent <strong>les</strong>projets qui leurs incombent grâce à <strong><strong>de</strong>s</strong> prestataires quidéveloppent <strong>les</strong> programmes. Si l’organisation hiérarchiquedéfinit clairement <strong>les</strong> tâches et <strong>les</strong> rô<strong>les</strong> <strong>de</strong> chacun,elle favorise également la transversalité dans le travailgrâce à une organisation en mo<strong>de</strong> projet. Le travail <strong><strong>de</strong>s</strong>managers consiste en la collecte d’informations nécessairesà la construction d’une représentation tangible <strong>de</strong>l’activité <strong>de</strong> leurs collaborateurs, qu’ils soient titulairesou prestataires, pour pouvoir <strong>les</strong> coordonner et <strong>les</strong> fairecollaborer. À chaque niveau hiérarchique <strong><strong>de</strong>s</strong> interfacessont créées permettant la transmission et l’enrichissement<strong><strong>de</strong>s</strong> informations uti<strong>les</strong> grâce aux TIC.Hyperconnecté, le manager développe son activité grâceaux TIC qui dématérialisent <strong>de</strong> l’information et qui accélèrentlargement son travail.Éminemment située, l’activité du cadre dirigeant etmanager articule différents systèmes d’activités interdépendantset interconnectés. Confronté à une variétéd’activités, <strong>de</strong> tâches et d’interlocuteurs, le cadre voitson activité se fragmenter et s’entremêler dans un mouvementaccéléré par l’utilisation <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC. S’il est doncacquis que l’activité <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres est multidimensionnelle,fortement rythmée et largement investie par <strong>les</strong> TIC(Dieumegard & al., 2004), on peut alors s’interroger <strong>sur</strong><strong>les</strong> stratégies que le cadre peut mettre en œuvre pourcoordonner <strong>les</strong> différents aspects <strong>de</strong> son activité. Commentcette activité est-elle effectivement impactée par<strong>les</strong> TIC ? Ce sont <strong>les</strong> questions auxquel<strong>les</strong> cette étu<strong>de</strong> vatenter d’apporter <strong><strong>de</strong>s</strong> réponses.Principaux concepts mobilisésLe modèle du système d’activités d’Engeström (1987) permetd’abor<strong>de</strong>r, en <strong>les</strong> analysant, <strong>les</strong> interactions complexesqui découlent <strong>de</strong> ces activités. En nous focalisant <strong>sur</strong>l’usage <strong>de</strong> la messagerie, nous soulignerons le poids <strong>de</strong>l’outil dans la gestion <strong><strong>de</strong>s</strong> projets. L’autonomie caractérisele métier du cadre qui définit et ajuste son activité et sontravail aux aléas <strong>de</strong> son environnement. Sous l’influence<strong>de</strong> l’évolution <strong><strong>de</strong>s</strong> formes d’organisations moins bureaucratiqueset plus organiques (Bouffartigues et Ga<strong>de</strong>a,2000), l’activité collective du cadre se développe, aveccomme corollaire, l’augmentation du nombre <strong><strong>de</strong>s</strong> sphères<strong>de</strong> travail, <strong><strong>de</strong>s</strong> interlocuteurs et <strong><strong>de</strong>s</strong> interactions potentiels.La polycontextualité (entendu comme l’immersiondans différents contextes et situation <strong>de</strong> travail) <strong>de</strong>vientalors la règle poussant le cadre à articuler différentessphères d’activités (Engeström, 1995 ; Gonzalez & Mark,2004). Les outils, pourtant nécessaires à la réalisationdu travail du cadre, viennent ajouter <strong>de</strong> la complexité àla gestion <strong>de</strong> cette activité multidimensionnelle. De nouvel<strong>les</strong>stratégies <strong>de</strong> gestion <strong><strong>de</strong>s</strong> différents projets doiventalors émerger pour permettre au cadre <strong>de</strong> réaliser sesobjectifs.Selon Mintzberg (1984) enfin, il est possible <strong>de</strong> catégo-© Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres51


CHAPITRE III : LES éTUDES DE TERRAINriser l’activité du cadre selon 10 rô<strong>les</strong> parmi <strong>les</strong>quels onretiendra ceux où le cadre a une préférence nette pourl’action et où il utilise cinq moyens <strong>de</strong> <strong>communication</strong> :le courrier (<strong>communication</strong> documentaire), le téléphone(purement verbal), la réunion non programmée (informelle,en face à face), la réunion programmée (formelle,en face à face) et la tournée (visuelle). Autonome, lecadre maintient un rythme soutenu, caractérisé par uneforte brièveté <strong><strong>de</strong>s</strong> actions, tout en restant centré <strong>sur</strong>l’utilisation importante <strong>de</strong> la <strong>communication</strong> verbale.ProblématiqueAu croisement <strong><strong>de</strong>s</strong> enjeux organisationnels et <strong>de</strong> l’usage<strong><strong>de</strong>s</strong> TIC, cette approche ne nous semble pas suffisantepour i<strong>de</strong>ntifier <strong>les</strong> mo<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong> régulations et <strong>les</strong> stratégiesd’ajustement que le cadre met en place pour maintenirson engagement au travail. En effet, <strong>les</strong> TIC augmententle volume et la rapidité du flux d’informations, en multipliantle nombre d’interlocuteurs qui se dispersent ouse trouvent à distance. Variée, fragmentée, assujettie àune faible planification, l’activité du cadre se déploie àun rythme soutenu pour réaliser une quantité élevée <strong>de</strong>tâches. Les risques <strong>de</strong> débor<strong>de</strong>ment et <strong>de</strong> pression augmententet <strong>les</strong> limites vie privée/professionnelle s’estompent.Entrer en <strong>communication</strong> à tout moment et en tous lieuxest une nécessité rendue possible par <strong>les</strong> outils <strong>de</strong> messagerieet <strong>de</strong> téléphonie mobile. Le cadre doit articuler<strong><strong>de</strong>s</strong> sphères temporel<strong>les</strong> à court terme (résolutions <strong>de</strong>problèmes) et à plus long terme (collecte d’informations,positionnement stratégique) en se positionnant entreun savoir faire individuel et un savoir faire collectif qu’ilacquiert au fur et à me<strong>sur</strong>e <strong>de</strong> l’expérience. Analyser cetteactivité complexe en s’appuyant <strong>sur</strong> une démarche ethnographiqueprend alors tout son sens. Elle nous permet<strong>de</strong> définir <strong>les</strong> systèmes d’activités et <strong>de</strong> comprendre leurinterdépendance pour caractériser <strong>les</strong> actions et montrerleurs enchâssements. (Gonzalez & Mark, 2004 ; Engeström,1987, 1995).Méthodologie : relever l’activité et construire unechronique d’activitéNous avons réalisé un travail ethnographique <strong>de</strong> suivi d’uncadre dirigeant, <strong>sur</strong> une journée <strong>de</strong> travail. Cette étu<strong>de</strong> cliniquea permis <strong>de</strong> dégager <strong>les</strong> stratégies mises en actiondans l’articulation <strong><strong>de</strong>s</strong> différents projets du cadre.Cette analyse est l’aboutissement d’un travail <strong>de</strong> fondd’une durée <strong>de</strong> 4 mois qui a consisté, au préalable, àmener <strong><strong>de</strong>s</strong> analyses exploratoires (entretiens semidirectifs,observations participantes, relevés <strong>de</strong> tracesd’activité…) dont l’objectif était <strong>de</strong> s’immerger et d’appréhen<strong>de</strong>rle contexte et la complexité <strong>de</strong> cette situation.Ces métho<strong><strong>de</strong>s</strong> nous ont également permis <strong>de</strong> mieuxnous faire accepter par le cadre observé.Au moment <strong>de</strong> l’étu<strong>de</strong>, il est âgé <strong>de</strong> 43 ans et a 17 ansd’ancienneté dans l’entreprise. Il est responsable d’uneentité <strong>de</strong> développement <strong>de</strong> logiciels informatiques etgère une équipe <strong>de</strong> 120 personnes composée <strong>de</strong> 40 titulaireset <strong>de</strong> 80 prestataires.Sur une journée <strong>de</strong> travail débutant à 7h30 et se terminant,au bureau, à 18h30, nous l’avons suivi pouranalyser et comprendre son activité. Nous avons réaliséune chronique d’activité précise, en nous appuyant <strong>sur</strong>le relevé fin <strong>de</strong> son travail, en chronométrant chacune <strong><strong>de</strong>s</strong>es actions et tâches. Nous avons intégralement retranscrit<strong>les</strong> actions, <strong>les</strong> remarques produites par le cadreen verbalisations simultanées (spontanées) au fur et àme<strong>sur</strong>e du déroulement <strong>de</strong> son cours d’action. Un débriefingen fin <strong>de</strong> journée avec lui a permis <strong>de</strong> confronter <strong>les</strong>différentes informations et représentations recueillies àchaud. Nous lui avons <strong>de</strong>mandé d’expliquer ou <strong>de</strong> commenterses actions.À partir du relevé d’activité, nous avons catégorisé <strong>les</strong>tâches réalisées par action en correspondance avec <strong>les</strong>outils utilisés et <strong>les</strong> interlocuteurs avec qui il était encontact. Des graphes temporels <strong><strong>de</strong>s</strong> tâches réalisées et<strong><strong>de</strong>s</strong> interactions ont été produits. Puis <strong><strong>de</strong>s</strong> graphiques <strong>de</strong>répartition <strong><strong>de</strong>s</strong> actions par activité nous ont permis <strong>de</strong>qualifier <strong>les</strong> différents contextes entrant en jeu dans cesactivités. Enfin, un calcul <strong><strong>de</strong>s</strong> temps moyens par tâchea affiné la représentation pour permettre <strong>de</strong> quantifierl’activité. Le croisement <strong>de</strong> ces informations permet alors<strong>de</strong> dégager <strong><strong>de</strong>s</strong> stratégies <strong>de</strong> régulation et d’articulation.Les résultats <strong>de</strong> cette analyse ont été présentés au cadrelui permettant <strong>de</strong> verbaliser <strong>sur</strong> notre travail. Agissantcomme une auto-confrontation, cette étape a consolidé<strong>les</strong> données pour rester au plus près du sens que l’acteurmettait <strong>sur</strong> son activité, tout en lui permettant <strong>de</strong> se laréapproprier.Principaux résultats <strong>de</strong> l’étu<strong>de</strong>Pour qualifier l’activité réalisée par le cadre, nous allonstout d’abord i<strong>de</strong>ntifier <strong>les</strong> différentes catégories <strong>de</strong> tâches.Ensuite, nous affinerons notre représentation pour montrerla fragmentation <strong>de</strong> l’activité et <strong>les</strong> stratégies misesen place pour l’articulation <strong><strong>de</strong>s</strong> différents projets.• L’activité ne se décrète pas, elle se construitQuatre catégories d’activités ressortent <strong>de</strong> la premièreanalyse : (i) la gestion <strong>de</strong> messagerie (54 % du temps),(ii) <strong>les</strong> réunions d’expertise et (iii) <strong>de</strong> management (38 %du temps) et (iv) la gestion opérationnelle (8 %).52 © Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres


CHAPITRE III : LES éTUDES DE TERRAINRépartition <strong>de</strong> l’activité du cadre <strong>sur</strong> une <strong>de</strong>mi-journéeRéunion d'expertise = 8 %Gestion opérationnelle = 8 %Traitement <strong><strong>de</strong>s</strong> e-mails = 54 %Réunions <strong>de</strong> management = 30 %Toutefois, cette catégorisation n’est pas suffisante pourqualifier et quantifier finement l’activité. Un calcul <strong><strong>de</strong>s</strong>temps moyens par tâche permet d’affiner notre représentation.Répartition du nombre <strong>de</strong> tâches <strong>de</strong> gestion <strong>de</strong> messagerie / temps moyen <strong>de</strong> réalisationTâches2001801601401201008060402001810:47Traitement<strong><strong>de</strong>s</strong> e-mails0:31Réunions<strong>de</strong> management1:0710125 25Gestionopérationnelle0:271:181:091:000:520:430:350:260:170:090:00Réunions d’expertiseTempsNombre <strong>de</strong> tâchesTemps moyen par tâche en minutesDu fait du nombre très élevé d’actions réalisées dans une<strong>de</strong>mi-journée (332/ ½ journée), le temps moyen allouépar tâche est très réduit : 47 secon<strong><strong>de</strong>s</strong> en moyenne partâche <strong>de</strong> messagerie recensée (181 au total) et 1 min.7 sec. en moyenne pour chaque tâche <strong>de</strong> réunion <strong>de</strong>management i<strong>de</strong>ntifiée (101). Cela corrobore l’hypothèsed’une activité fortement fragmentée, en lien avec <strong><strong>de</strong>s</strong>interlocuteurs multip<strong>les</strong>, rythmée par une successionimportante <strong><strong>de</strong>s</strong> tâches.L’outil <strong>de</strong> messagerie impose le rythmeL’outil impose son rythme au cadre, qui ca<strong>de</strong>nce sonactivité afin d’atteindre ses objectifs. Des graphes temporelsvont permettre <strong>de</strong> matérialiser la fragmentation<strong><strong>de</strong>s</strong> tâches ainsi que l’alternance <strong><strong>de</strong>s</strong> interlocuteurs encontact.© Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres53


CHAPITRE III : LES éTUDES DE TERRAINLes tâches variées, brèves s’enchaînent rapi<strong>de</strong>mentTâches réalisées pendant l’activité <strong>de</strong> messagerieCoordination/6Écoute/5Organisation/4Rédaction/3Lecture/2Planification/17h437h 7h50 538h 8h00 038h108h158h238h288h 8h37398h448h569h 9h 9h01 04 069h199h22Connecté en permanence, le cadre est en <strong>communication</strong>avec différentes personnes <strong>de</strong> son entourage (hiérarchie,collègues, collaborateurs). Ainsi, <strong>sur</strong> un cours d’actionsréduit (8 minutes), il produit une vingtaine <strong>de</strong> tâchespour <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> il consacre un temps moyen <strong>de</strong> 24 secon<strong><strong>de</strong>s</strong>(planification <strong>de</strong> ren<strong>de</strong>z-vous, lecture d’e-mails et/ou <strong>de</strong> documents, rédaction d’e-mails, organisation <strong><strong>de</strong>s</strong>on travail, réponse à <strong><strong>de</strong>s</strong> coups <strong>de</strong> téléphone, coordination<strong><strong>de</strong>s</strong> membres <strong>de</strong> son équipe). Sur le même coursd’action (8 mn), le cadre est en lien avec 3 interlocuteurspour la réalisation <strong>de</strong> ces 20 tâches.Interactions produites dans l’activité <strong>de</strong> messagerie6Hiérarchie/5Collèguemanagement/4Collègueexpertise/3Client/2Lui-même/17h437h 7h50 538h 8h00 038h108h158h238h288h 8h37398h448h569h 9h 9h01 04 069h199h22À chaque type d’interaction, le cadre mobilise une dimensiondifférente <strong>de</strong> son activité : l’expertise (lui-même,collègues), le management (collègues). La brièveté et laca<strong>de</strong>nce <strong><strong>de</strong>s</strong> échanges sont cognitivement exigeantes. Àla fin <strong>de</strong> la journée, l’activité <strong>de</strong> gestion <strong>de</strong> messagerie,très présente, laisse au cadre le sentiment <strong>de</strong> ne rienavoir produit <strong>de</strong> concret, ce qui le frustre. Les interactionssont qualifiées <strong>de</strong> « basiques » et « peu enrichissantes<strong>sur</strong> le plan intellectuel ».Le relevé <strong>de</strong> l’activité montre pourtant que <strong>les</strong> tâchesréalisées apportent une valeur ajoutée à l’activité. En sefiant au nombre d’interlocuteurs et aux occurrences produitesavec eux, nous repérons que le cadre intervientdans plusieurs sphères <strong>de</strong> son activité. Les actions à réaliserpour traiter <strong>les</strong> e-mails sont décidées <strong>de</strong> manièrequasi instantanée, sans prise <strong>de</strong> recul. Enfin, la simultanéité<strong><strong>de</strong>s</strong> tâches et <strong><strong>de</strong>s</strong> interlocuteurs encourage le cadreà utiliser d’autres outils que ceux mis à sa dispositionpour gérer son activité. L’outil <strong>de</strong> gestion <strong><strong>de</strong>s</strong> tâchesGTD (Getting Things Done) s’ajoute à l’outil <strong>de</strong> gestion<strong>de</strong> la messagerie dont il remplace avantageusement legestionnaire <strong>de</strong> tâches grâce à un in<strong>de</strong>xeur <strong>de</strong> tri pluspuissant. L’intérêt pour lui est d’attribuer « une pondération,un <strong>de</strong>gré <strong>de</strong> criticité à la tâche » en fonction <strong>de</strong>54 © Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres


CHAPITRE III : LES éTUDES DE TERRAINson importance, <strong>de</strong> son sujet, en déchargeant « sa tête<strong>de</strong> tâches ». Grâce à cet outil complémentaire, il peutaugmenter sa capacité <strong>de</strong> gestion <strong><strong>de</strong>s</strong> projets.Au moment du <strong>de</strong>briefing, le cadre exprime que cetteactivité est peu enrichissante, mais qu’elle constitue, enfait, le « véritable kit <strong>de</strong> <strong>sur</strong>vie du cadre ». Le travail est<strong>de</strong>venu tellement immatériel qu’il en perd <strong>de</strong> la substance: « globalement j’ai fait du boulot <strong>de</strong> facilitateur,c’est une journée frustrante. Quand on regar<strong>de</strong> le niveaud’énergie dépensé, il n’y a pas grand-chose à retenir <strong>de</strong> lajournée ! Il y a peu <strong>de</strong> marge <strong>de</strong> manœuvre qui reste. »Il reprend néanmoins le contrôle <strong>de</strong> son activité en privilégiant<strong>les</strong> activités <strong>de</strong> réunions plus centralisées <strong>sur</strong>la coordination. El<strong>les</strong> sont pour lui l’occasion <strong>de</strong> s’investirdans <strong><strong>de</strong>s</strong> interactions directes et focalisées à plushaute valeur humaine ajoutée et d’organiser son temps<strong>de</strong> travail.• Le cadre reprend le contrôle <strong>sur</strong> le rythme <strong>de</strong> sonactivitéDurant <strong>les</strong> réunions qui suivent la gestion <strong>de</strong> la messagerie,le rythme change et le cadre reprend le contrôledu cours <strong>de</strong> son activité. Les actions <strong>de</strong> coordination <strong>de</strong>réunions sont prédominantes et sont caractérisées par<strong><strong>de</strong>s</strong> relations en face à face avec ses interlocuteurs. Nousnotons toutefois <strong><strong>de</strong>s</strong> stratégies différentes selon qu’ils’agisse d’une réunion d’expertise (coordination d’expertstechniques pour <strong><strong>de</strong>s</strong> ajustements à venir) ou <strong>de</strong> management(soutien à la coordination d’objectifs <strong>de</strong> membres <strong>de</strong>l’équipe). Lors <strong><strong>de</strong>s</strong> réunions d’expertise, il y a peu d’utilisation<strong><strong>de</strong>s</strong> TIC contrairement à la réunion <strong>de</strong> managementoù le nombre d’actions avec la messagerie est un peu plusimportant. Les enjeux ne sont pas <strong>les</strong> mêmes et mobilisentdifféremment <strong>les</strong> ressources du cadre. Le rythme <strong><strong>de</strong>s</strong>actions reste soutenu mais <strong>les</strong> stratégies changent.La réunion d’expertiseDurant la réunion d’expertise, le cadre oriente exclusivementses tâches <strong>sur</strong> la problématique <strong>de</strong> la réunion.Les interactions sont uniquement à visée d’expertise. Ils’autorise à lire <strong>les</strong> e-mails qui ne concernent que <strong>les</strong>ujet <strong>de</strong> la réunion. Dans ce cas <strong>de</strong> figure, il n’y a pas<strong>de</strong> débor<strong>de</strong>ment <strong>de</strong> l’activité qui reste centralisée <strong>sur</strong> lethème fixé.Tâches réalisées pendant la réunion d’expertise7Coordination/6Planification/5Organisation/4Rédaction/3Lecture/2Planification/19h25 9h26 9h37 9h45© Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres55


CHAPITRE III : LES éTUDES DE TERRAINLa réunion <strong>de</strong> managementPour la réunion <strong>de</strong> management (soutien à la coordinationd’objectifs <strong>de</strong> membres <strong>de</strong> l’équipe), le cadre change ànouveau <strong>de</strong> stratégie. On observe une alternance entredifférentes tâches <strong>de</strong> gestion <strong>de</strong> réunion (organiser, planifier,rédiger, lire…) qui impliquent divers interlocuteurs,intervenants, présents ou non, sollicités à différentsmoments (collaborateurs, clients…). L’activité du cadreest principalement focalisée <strong>sur</strong> la coordination et l’articulation<strong>de</strong> ces différentes actions et interventions. Iln’utilise quasiment pas sa messagerie pour ne pas êtredéconcentré/ dispersé/ interrompu dans sa coordination.Tâches produites dans la réunion <strong>de</strong> management7Coordination/6Planification/5Organisation/4Rédaction/3Lecture/2Planification/110h08 10h1110h2310h3310h3911h1511h1811h2311h3512h00• Savoir dégager du temps pour <strong><strong>de</strong>s</strong> actionsimportantesEn fin <strong>de</strong> matinée, il dégage 20 minutes <strong>de</strong> son tempspour rédiger un mail : « Là il faut que je prenne du tempscar il y a <strong><strong>de</strong>s</strong> implications, cet e-mail a une dimensionpolitique et stratégique forte ». Ce fonctionnement trancheavec le mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> traitement <strong><strong>de</strong>s</strong> e-mails <strong>de</strong> la premièrephase <strong>de</strong> sa matinée. Comme pour la gestion <strong>de</strong>certaines réunions (expertise et management), le cadremaîtrise alors son temps.Discussion : être capable <strong>de</strong> jongler entredifférentes sphères <strong>de</strong> son activitéDans son activité coordonnée et accélérée par <strong>les</strong> TIC, lecadre gère différents contextes, sujets, interlocuteurs quientrent en liens dans une dynamique multidimensionnelle.La mise en évi<strong>de</strong>nce <strong>de</strong> la polycontextualité (Engeström,1995), c’est-à-dire la possibilité pour le cadre <strong>de</strong> gérer <strong><strong>de</strong>s</strong>articulations entre différents projets, permet d’appréhen<strong>de</strong>r<strong>les</strong> différentes dimensions <strong>de</strong> son activité.Obtenir l’information est <strong>de</strong>venu primordial et focalisel’activité du cadre. L’information <strong>de</strong>vient le vecteur<strong>de</strong> la connaissance distribuée <strong>sur</strong> le collectif. Dans cecontexte, elle <strong>de</strong>vient un enjeu stratégique. Le mésusage<strong><strong>de</strong>s</strong> outils <strong>de</strong> <strong>communication</strong> peut affecter le contenu <strong>de</strong>l’information et donc <strong>de</strong> la diffusion <strong>de</strong> la connaissance.La construction d’informations, la co-construction d’unsavoir dans le cadre d’interactions riches nécessitentl’appui <strong>sur</strong> un collectif multiple qu’il n’est pas toujoursévi<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> mobiliser à distance.Les résultats <strong>de</strong> l’analyse <strong>de</strong> l’activité (graphes temporelsconcernant le nombre <strong>de</strong> tâches et interactions produites)montrent que le cadre développe une activitéen lien constant avec d’autres, éloignés mais pourtantprésents par l’interface <strong>de</strong> l’outil. Le passage incessantd’une activité à l’autre, d’une tâche à l’autre, d’un interlocuteurà l’autre est frappant. Les stratégies <strong>de</strong> régulationqu’il met en place lui permettent <strong>de</strong> réaliser sontravail en restant disponible pour <strong>les</strong> autres. Totalement« glocalisé » (réunion <strong><strong>de</strong>s</strong> termes globalisé et localisé),il est présent à différents « endroits » en même temps(notion d’ubiquité). Les frontières physiques s’estompentpar configuration <strong>de</strong> l’activité par <strong>les</strong> outils. Ces<strong>de</strong>rniers lui permettent <strong>de</strong> faire son travail en différentslieux mais en restant localisé. Cette capacité du cadreà être en interaction permanente montre une compétenceà gérer une polycontextualité importante. L’outil<strong>de</strong> messagerie est pour lui un moyen et non un but, maisson usage peut induire un inconfort émotionnel et uneforte charge cognitive qu’il exprimera sans éclat. En seconsacrant à une palette d’activités plus large, il utilise<strong>de</strong> manière adaptée son espace temps et sa disponibilitépour son équipe. L’activité est donc nécessairement collective(physiquement ou virtuellement) et s’inscrit dansun contexte (matériel ou technologique) où le cadre metson temps à disposition.56 © Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres


CHAPITRE III : LES éTUDES DE TERRAINSelon <strong>les</strong> ressentis du cadre, son activité est vécuecomme frustrante. Le ca<strong>de</strong>ncement important et la fortefragmentation <strong>de</strong> l’activité donnent au cadre « le sentimentd’effectuer un travail à la chaîne ». Si l’outil estutile voire nécessaire, il contraint fortement l’activité encanalisant un flux continu d’informations. L’utilisation <strong>de</strong>l’outil et ses dérives d’usage (c’est-à-dire accroissement dumanagement à distance, <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>communication</strong>s lapidaires,<strong><strong>de</strong>s</strong> e-mails en copie…) ont un impact <strong>sur</strong> <strong>les</strong> relationsen risquant d’affaiblir le collectif. Les outils fonctionnenteffectivement comme autant <strong>de</strong> vecteurs possib<strong>les</strong>d’informations démultipliant le flux. Le sentiment d’êtresubmergé est réel et conduit le cadre à regretter que sescollègues ne prennent pas le temps <strong>de</strong> lui envoyer <strong><strong>de</strong>s</strong>informations dont le contenu a fait l’objet d’un traitementpréalable. Il exprime alors le sentiment d’être isolébien que connecté. Cette réalité exacerbe le risque d’unedéqualification <strong>de</strong> l’activité dans la me<strong>sur</strong>e où la valeurajoutée du cadre est <strong>de</strong> capitaliser l’information et d’enfaciliter la transmission, grâce à une réflexion <strong>de</strong> fond.L’opérationnel est traité rapi<strong>de</strong>ment et le cadre doit intégrerun flot d’informations important et continu, drainépar la messagerie : « je passerais peut être plus <strong>de</strong> tempsà réfléchir, ce n’est pas forcément un mal [si la messagerieétait moins présente, NDA 15 ]. »L’analyse <strong>de</strong> l’activité <strong>de</strong> ce cadre dirigeant montre quel’outil conditionne un fonctionnement et donc le produitdu travail effectué. Elle montre également que<strong><strong>de</strong>s</strong> stratégies/compétences sont nécessaires (savoirvaloriser l’information, savoir construire un réseau <strong>de</strong>compétences, savoir articuler <strong>les</strong> différentes sphères <strong>de</strong>l’activité, savoir travailler dans un environnement « glocalisé» pour lui permettre d’augmenter son efficience autravail et <strong>de</strong> conserver le contrôle <strong>sur</strong> certaines dimensions<strong>de</strong> son activité (réunions co-localisées ou temps<strong>de</strong> réflexion).Donner forme à ces activités immatériel<strong>les</strong> et intellectuel<strong>les</strong>est aujourd’hui un enjeu. Acteur <strong>de</strong> son tempset <strong>de</strong> son activité, le cadre ancre son action dans <strong>les</strong>outils et <strong>les</strong> objets qui l’entourent. Il construit l’histoire<strong>de</strong> son activité et son développement possible en négociantavec <strong>les</strong> contraintes qui lui donne le sentiment <strong>de</strong>ne pas déployer complètement ses compétences.15. NDA = Note De l’Auteur© Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres57


CHAPITRE III : LES éTUDES DE TERRAINÉtu<strong>de</strong> exploratoire <strong>sur</strong> l’usage du SmartphoneRésumé : à partir <strong>de</strong> l’étu<strong>de</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> usages du smartphonepar une équipe <strong>de</strong> cadres mobi<strong>les</strong> se déplaçantrégulièrement <strong>sur</strong> le terrain, cette étu<strong>de</strong> exploratoires’intéresse aux impacts (positifs ou négatifs) que cesmartphone peut avoir <strong>sur</strong> le travail <strong>de</strong> ces salariés etleur bien-être au travail.Dans quelle me<strong>sur</strong>e ce petit objet technique qui segénéralise <strong>de</strong> plus en plus chez <strong>les</strong> cadres peut-il compléterou se substituer à certaines pratiques médiatisées? Qu’apporte-t-il en plus dans le travail ? Quemodifie-t-il dans l’activité ? Quel<strong>les</strong> sont <strong>les</strong> limites etéventuellement <strong>les</strong> risques <strong>sur</strong> la vie au travail et horstravail ? Qu’exige-t-il ? C’est à ces diverses questionsque cette étu<strong>de</strong> va tenter d’apporter un certain nombre<strong>de</strong> réponses.Mots clefs : Smartphone, Cadres mobi<strong>les</strong>,Contexte <strong>de</strong> l’étu<strong>de</strong> et problème poséCette intervention s’est déroulée dans une entreprisecomprenant un siège et cinq établissements situés àproximité <strong>de</strong> la clientèle. 560 personnes travaillent danscette entreprise, dont un peu plus <strong>de</strong> la moitié <strong>sur</strong> leterrain.Deux ans après avoir doté le Comité <strong>de</strong> Direction (huitmembres) d’un smartphone, la Direction Générale aétendu cette me<strong>sur</strong>e à une vingtaine <strong>de</strong> cadres dirigeantsdans le but <strong>de</strong> <strong>les</strong> rendre joignab<strong>les</strong> en continu, notammenten pério<strong>de</strong> hors travail. Cela représente à la foisune contrainte (appel téléphonique du Directeur Généralle week-end) et une ressource (permettant <strong>de</strong> répondrerapi<strong>de</strong>ment aux divers courriels et sollicitations).Cette accessibilité continue permet d’étendre la firme au<strong>de</strong>là<strong><strong>de</strong>s</strong> frontières physiques <strong>de</strong> l’entreprise mais exigeaussi une réorganisation <strong>de</strong> la vie hors-travail, susceptibled’affecter l’équilibre socio-professionnel du cadre.Dans quelle me<strong>sur</strong>e ces nouveaux dispositifs amplifientla charge <strong>de</strong> travail <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres ? La qualité <strong>de</strong> vie estelleatteinte ? Comment l’usage du smartphone peut-ilreconfigurer l’activité <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres ? Quel<strong>les</strong> sont <strong>les</strong> compétencesrequises pour gérer ces nouveaux outils et<strong>les</strong> nouvel<strong>les</strong> pratiques associées (écrire <strong><strong>de</strong>s</strong> messages,savoir basculer entre différentes outils, dans différentscontextes et articuler différents systèmes <strong>de</strong> vie). Autant<strong>de</strong> questions qui vont orienter nos analyses et approchesdu terrain.Principaux concepts mobilisésNous pouvons dans un premier temps appréhen<strong>de</strong>r leSmartphone comme un objet frontière : c’est le mêmeobjet qui est utilisé pour <strong><strong>de</strong>s</strong> mon<strong><strong>de</strong>s</strong> différents (privé,professionnel, domestique, social). Il permet la <strong>communication</strong>entre diverses sphères afin <strong>de</strong> servir un objetcommun (Leig Star & Grisemer, 1989). Ce concept estintéressant car le smartphone, en tant qu’outil <strong>de</strong> <strong>communication</strong>navigant entre la sphère professionnelle etprivée, sert finalement toujours un <strong><strong>de</strong>s</strong>sin prioritaire, enl’occurrence celui <strong>de</strong> l’organisation.Ce concept d’objet frontière a dévié vers l’objet intermédiaire(Vinck, 1999). Ce sont <strong><strong>de</strong>s</strong> « objets » <strong>de</strong> toutesorte, textes, supports informatiques, échantillons biologiques,instruments, animaux qui circulent entre <strong>les</strong>membres d’un réseau. En situation <strong>de</strong> réunion, cet objetintermédiaire perd son objet <strong>de</strong> <strong>communication</strong> pour<strong>de</strong>venir un objet traduisant une intention dans l’action,avec force locutoire, en le manipulant et en le pointant<strong>de</strong>vant soi par exemple. Le second concept qui estintéressant pour cette étu<strong>de</strong> est l’awareness, observableen situation <strong>de</strong> réunion, c’est-à-dire la capacité <strong><strong>de</strong>s</strong>participants à rester sensib<strong>les</strong> à leurs conduites réciproques,alors qu’ils font <strong><strong>de</strong>s</strong> activités distinctes (Heath,1994 ; Grosjean, 2005). Quand le voyant lumineux dutéléphone clignote, il indique qu’un message est arrivéau détenteur du smartphone, mais n’indique pas la disponibilitéréelle <strong>de</strong> celui-ci à l’expéditeur. Ce signal faitaussi prendre conscience d’un autre environnement. Parcette multitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> signaux (en silencieux, vibreur, clignotant),le smartphone, qui est toujours présent dans<strong>les</strong> diverses situations <strong>de</strong> la vie professionnelle mais quis’impose aussi dans la vie privée, présente <strong>de</strong> véritab<strong>les</strong>signes d’attracteurs cognitifs (Lahlou, 2000). Autrementdit, une attraction « naturelle » vers toute sollicitationdu dispositif.Problématique et questions <strong>de</strong> rechercheDans cette organisation, la Direction Générale souhaiteque <strong>les</strong> cadres puissent répondre en cas d’urgence au<strong>de</strong>là<strong>de</strong> leurs heures <strong>de</strong> travail, cas d’urgence qui peut semanifester par un inci<strong>de</strong>nt et/ou le besoin d’une réponseimmédiate, en temps réel.L’usage du smartphone se déployant dans toutes <strong>les</strong>sphères <strong>de</strong> vie du cadre, cette intervention vise doncà comprendre comment il s’intègre à l’activité professionnelle? Quel<strong>les</strong> sont <strong>les</strong> difficultés rencontrées, <strong>les</strong>exigences nouvel<strong>les</strong> à gérer ? À quoi et pour quoi l’utilisent-ils? Dans quelle me<strong>sur</strong>e est-ce une ressource ouune contrainte pour le travail ?58 © Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres


CHAPITRE III : LES éTUDES DE TERRAINDémarche mise en œuvre – Métho<strong><strong>de</strong>s</strong> déployéesL’analyse et la <strong><strong>de</strong>s</strong>cription <strong>de</strong> l’activité <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres et <strong>de</strong>leurs usages <strong>de</strong> cette technologie ont été recueillies en<strong>de</strong>ux temps :- Dans un premier temps, <strong><strong>de</strong>s</strong> entretiens exploratoires etsemi-directifs ont permis <strong>de</strong> décrire l’activité <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres,leur usage <strong><strong>de</strong>s</strong> nouvel<strong>les</strong> <strong>technologies</strong> et du smartphoneen particulier. Ces entretiens ont été complétés par laremise <strong>de</strong> schémas d’association libre <strong>sur</strong> <strong>les</strong> thèmes <strong>de</strong>l’activité du cadre et autour <strong>de</strong> l’usage du téléphone,afin d’en dégager la symbolique que cela représente poureux.- Dans un second temps, nous avons déployé <strong><strong>de</strong>s</strong> outilsd’analyse <strong>de</strong> l’activité et d’utilisation du smartphone,notamment par l’élaboration (i) d’une grille d’auto-relevéd’activité (permettant <strong>de</strong> repérer où, quand et pour quelsusages/finalités et avec quel<strong>les</strong> difficultés le smartphoneétait utilisé, <strong>sur</strong> une durée <strong>de</strong> 8 jours du lever au coucher)et (ii) l’observation <strong>de</strong> 4 réunions <strong>de</strong> travail auxquel<strong>les</strong><strong>les</strong> cadres participaient. L’idée était <strong>de</strong> repérer<strong>les</strong> diverses utilisations du téléphone, notamment <strong>sur</strong> leplan comportemental (ce qui déclenche l’usage, ce qui <strong>les</strong>uspend, <strong>les</strong> difficultés rencontrées, la gêne éventuellemanifestée…). Ces conduites ont été recensées par <strong><strong>de</strong>s</strong>prises <strong>de</strong> note (<strong>de</strong> type <strong><strong>de</strong>s</strong>cription narrative).Suite à ces réunions, <strong><strong>de</strong>s</strong> verbalisations simultanées(auto-confrontation) ont été menées avec trois cadres.L’échantillon qui a participé à cette étu<strong>de</strong> est constitué<strong>de</strong> onze cadres dont : 2 cadres experts, 5 cadresencadrants et 4 dirigeants. 3 femmes en font partie, lamoyenne d’âge est <strong>de</strong> 39 ans, l’ancienneté moyenne est<strong>de</strong> 13 ans, le niveau d’étu<strong><strong>de</strong>s</strong> est supérieur à Bac + 2.Ces cadres sont plutôt à l’aise avec <strong>les</strong> nouvel<strong>les</strong> <strong>technologies</strong>.Principaux résultats obtenus• Quelques données <strong>sur</strong> l’activité <strong><strong>de</strong>s</strong> cadresParmi <strong>les</strong> cadres <strong>de</strong> notre échantillon, 8 cadres ont <strong><strong>de</strong>s</strong>fonctions directement opérationnel<strong>les</strong> <strong>sur</strong> le terrain.Deux autres exercent <strong><strong>de</strong>s</strong> responsabilités en ressourceshumaines et en <strong>communication</strong>. Pour la majorité d’entreeux, ils sont avant tout <strong><strong>de</strong>s</strong> managers d’équipe. Lescadres <strong>de</strong> proximité font ainsi un point tous <strong>les</strong> 15 joursavec leur équipe.Au niveau <strong>de</strong> l’organisation <strong>de</strong> leur travail, tous commencentleur journée par le traitement <strong><strong>de</strong>s</strong> e-mails, ceque certains nomment la « course au traitement <strong><strong>de</strong>s</strong>e-mails ». Leur activité passe par <strong><strong>de</strong>s</strong> temps <strong>de</strong> réunionsimportants. Cel<strong>les</strong>-ci sont toujours programmées le plussouvent à l’extérieur avec divers participants internes etexternes à l’entreprise. Le domaine d’activité <strong>de</strong> l’entreprisesuppose que quasiment tous <strong>les</strong> cadres (à part ceuxchargés <strong>de</strong> la <strong>communication</strong> et <strong><strong>de</strong>s</strong> RH) se déplacent <strong>sur</strong>site. Ce sont donc <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres mobi<strong>les</strong> qui alternent <strong>les</strong>réunions, <strong>les</strong> chantiers, <strong>les</strong> sessions <strong>de</strong> travail en extérieuret qui ont donc besoin d’être reliés à l’organisationpar le biais d’objets techniques (smartphone et ordinateurportable).• Leurs usages <strong><strong>de</strong>s</strong> TICLes cadres <strong>de</strong> notre échantillon utilisent <strong>sur</strong>tout leurordinateur portable couplé au téléphone. Ils consultentpeu Internet <strong>sur</strong> leur lieu <strong>de</strong> travail. Une partie délèguecertains travaux à leur assistante ou cadre collaborateur.L’agenda partagé est utilisé par 10 cadres <strong>sur</strong> 11 : <strong>les</strong>prises <strong>de</strong> ren<strong>de</strong>z-vous sont faites par eux-mêmes à 64 %,mais aussi par leur assistante.Ils utilisent <strong>sur</strong>tout le smartphone pour la messagerie,le téléphone, l’agenda, l’appareil photo (pour photographié<strong><strong>de</strong>s</strong> situations rencontrées <strong>sur</strong> le terrain), dans unemoindre me<strong>sur</strong>e le carnet d’adresse, le GPS, <strong>les</strong> SMS, lacalculette et le réveil.• L’usage du smartphone dans l’activité <strong><strong>de</strong>s</strong> cadresa) Le smartphone permet aux cadres <strong>de</strong> gérer leur mobilitéprofessionnelle, notamment <strong>les</strong> messages qui leurparviennent durant <strong>les</strong> trajets ou <strong>les</strong> réunions (<strong>les</strong> urgences,<strong><strong>de</strong>s</strong> e-mails avec <strong><strong>de</strong>s</strong> réponses rapi<strong><strong>de</strong>s</strong>), mais aussidans la sphère privée.Pour ces cadres, l’intérêt majeur <strong>de</strong> l’outil rési<strong>de</strong> dansle fait d’avoir l’impression <strong>de</strong> ne pas prendre <strong>de</strong> retar<strong>de</strong>t <strong>de</strong> gérer en temps réel le flux <strong><strong>de</strong>s</strong> messages qui leurparviennent, sans être <strong>sur</strong>chargé au retour du bureau.Ce mo<strong>de</strong> d’action et <strong>de</strong> régulation est également adoptéhors du temps travail durant <strong>les</strong> congés, <strong>les</strong> RTT ou <strong>les</strong>pério<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong> formation, <strong>les</strong> séminaires,… Cela leur permet<strong>de</strong> conserver un contact et un « regard » <strong>sur</strong> leuractivité professionnelle.Pour eux, l’usage du smartphone présente <strong><strong>de</strong>s</strong> avantagescertains comme la réactivité, l’information en continu,l’autonomie, la rapidité d’action… En somme « il facilitetout ». En revanche, ils ressentent comme une contraintele fait d’être toujours connectés ou plutôt <strong>de</strong> ne jamaispouvoir se déconnecter véritablement.En termes <strong>de</strong> facilité d’usage, le smartphone n’offre pasune bonne lisibilité <strong><strong>de</strong>s</strong> messages <strong>de</strong>nses et <strong>sur</strong>tout <strong><strong>de</strong>s</strong>pièces jointes. Cela oblige <strong>les</strong> cadres à re-consulter <strong>les</strong>courriels au bureau ou chez eux, ce qui constitue unecharge <strong>de</strong> travail supplémentaire. Des compétencesrédactionnel<strong>les</strong> sont également requises en matière <strong>de</strong><strong>communication</strong> écrite. Il faut faire preuve <strong>de</strong> synthèseet <strong>de</strong> pertinence dans la rédaction <strong>de</strong> messages courtset sobres, ainsi que <strong>de</strong> sens <strong>de</strong> l’organisation <strong>de</strong> ceux-ci(classement <strong><strong>de</strong>s</strong> e-mails).La majorité <strong><strong>de</strong>s</strong> personnes interrogées ne pourraient plus© Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres59


CHAPITRE III : LES éTUDES DE TERRAINse passer <strong>de</strong> cet outil. D’ailleurs lorsqu’ils est oublié oudéchargé, <strong>les</strong> cadres ressentent un manque ou un vi<strong>de</strong> etcela semble même affecter leur efficacité professionnelle.b) Le smartphone est-il un outil <strong>de</strong> management ?S’il peut ai<strong>de</strong>r à prendre <strong><strong>de</strong>s</strong> décisions rapi<strong>de</strong>ment, enconsultant ou en adressant <strong><strong>de</strong>s</strong> messages aux collaborateurs,cela s’avère plus difficile avec ceux qui ne disposentpas <strong>de</strong> ce genre d’outil.Si <strong>les</strong> cadres managers ont un rôle <strong>de</strong> « lien social » àjouer au sein <strong><strong>de</strong>s</strong> équipes qu’ils encadrent, l’usage dusmartphone peut toutefois limiter cette <strong>communication</strong>.En effet, <strong>les</strong> relations interpersonnel<strong>les</strong> directes peuvents’estomper, voire disparaître. Un autre type d’interactionse met en place, plus formelle et moins naturelle, mais,globalement, <strong>les</strong> cadres interrogés ont conscience du faitque l’usage <strong>de</strong> l’outil ne doit pas <strong>les</strong> couper <strong><strong>de</strong>s</strong> autres.Aussi, <strong>sur</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> sujets diffici<strong>les</strong> et sensib<strong>les</strong>, certains responsab<strong>les</strong>privilégient une <strong>communication</strong> directe partéléphone ou en présentiel.Pour terminer, l’usage du smartphone peut également<strong>de</strong>venir un facteur <strong>de</strong> <strong>sur</strong>charge <strong>de</strong> travail par <strong>les</strong> interruptionsqu’il suscite. Ces sollicitations intempestivescréent <strong>les</strong> conditions d’une <strong>sur</strong>charge.c) Qu’en est il du comportement <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres lorsqu’ilssont en réunion ?Pour certains <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres interrogés, consulter le smartphoneen réunion (pour écrire, lire, répondre aux e-mails,gérer son agenda, …) relève d’un manque <strong>de</strong> savoir-vivre.Pourtant, nous avons résumé <strong>les</strong> diverses manipulationset actions réalisées par <strong>les</strong> cadres avec leur smartphonelors <strong>de</strong> l’observation <strong>de</strong> trois réunions.Cadre D : 15 h 45, son téléphone vibre, il le prend dansla main, le consulte. Il le gar<strong>de</strong> dans la main droite,tourné à l’envers. Il le tourne et le retourne, et le place<strong>sur</strong> <strong>les</strong> feuil<strong>les</strong> <strong>de</strong>vant lui (<strong><strong>de</strong>s</strong> plans <strong>de</strong> l’immeuble).Le smartphone comme objet <strong>de</strong> plaisir, suscitant unesatisfaction par sa manipulation (sorte d’objet transitionnel)Cadre A : 11 h 15, il regar<strong>de</strong> le smartphone, se tourne<strong>sur</strong> le côté (n’est plus face à la table) et le repose après2 mn d’actions.Cadre D : 11 h 19, pose son téléphone dans la maingauche, avec son pouce droit actionne la mollette et lerepose (30 secon<strong><strong>de</strong>s</strong>), est concentré.Cadre F : 11 h 19, l’a sorti <strong>de</strong> son sac, est dans son étuiet le pose <strong>sur</strong> la table.Dans cette <strong>de</strong>rnière situation, voilà plus <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux heuresque la réunion a démarré, une nouvelle intervenantedémarre à 11h 15. Ces 3 personnes en profitent pouragir avec leur téléphone.Sur la base <strong><strong>de</strong>s</strong> auto-relevés d’activité remplis, 67 actionsont été répertoriées. L’amplitu<strong>de</strong> horaire moyenne <strong><strong>de</strong>s</strong>relevés est <strong>de</strong> 10 heures <strong>sur</strong> 8 jours. On notera un usageprivé non négligeable du smartphone (<strong>de</strong> l’ordre <strong>de</strong>21 %) qui place l’outil comme un objet frontière entre<strong><strong>de</strong>s</strong> sphères <strong>de</strong> vie personnelle et professionnelle. Celafavorise du coup la porosité et la dilution <strong><strong>de</strong>s</strong> frontières.Cadre A : consulte l’agenda <strong>de</strong> son smartphone pourvérifier une date <strong>de</strong> réunion et tout en le gardant ledans sa main droite écoute l’intervention d’une autrepersonne… Il pose le téléphone (toujours connecté <strong>sur</strong>l’agenda) <strong>sur</strong> ses feuil<strong>les</strong>, et explique la concomitance<strong>de</strong> <strong>de</strong>ux réunions à son assistante présente. Puis ilreprend son téléphone, regar<strong>de</strong> l’agenda.Dans ce cas, le smartphone est un outil <strong>de</strong> travail,60 © Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres


CHAPITRE III : LES éTUDES DE TERRAINSynthèse <strong><strong>de</strong>s</strong> usages du Smartphone par autorelevé d’activitéLibellés <strong>de</strong> la grille d’auto relevé % CommentaireLieu d’usage 57 %Les lieux <strong>de</strong> relevés sont dans le cadre du travail (bureau,transport professionnel, réunion, <strong>sur</strong> chantier)Type d’activité réalisée37 % Expertise21 % Activité privéeContexte d’usage 84 % SeulNiveau d’exigence requis par la tâche 60 % Pas exigeant ou pas du tout exigeantDéclencheur <strong>de</strong> l’usage 68 % Lui-mêmeNature <strong>de</strong> la tâche réalisée avec le BB 39 %Importante ou tout à fait importante (attente <strong>de</strong>décision par exemple)45 % téléphoneOutils intégrés au smartphone utilisés26 % e-mails10 % agenda5 % appareil photoOutils utilisés autres que smartphone 8 % Ordinateur (maison : 5 %, bureau : 3 %)42 % ConsulterType d’activité réalisée durant l’action36 % Parler9 % Écrire• Quelques stratégies <strong>de</strong> gestion du smartphonePour limiter <strong>les</strong> sollicitions excessives <strong>de</strong> l’outil et dégagerdu temps pour <strong><strong>de</strong>s</strong> tâches <strong>de</strong> fond, certains cadresn’hésitent pas à couper leur smartphone ou à se déconnecter<strong>de</strong> leur messagerie.Pour optimiser la gestion <strong><strong>de</strong>s</strong> e-mails, <strong>les</strong> cadres utilisent<strong><strong>de</strong>s</strong> intitulés <strong>de</strong> message « opératoires » censésfaciliter le traitement <strong><strong>de</strong>s</strong> e-mails par le <strong><strong>de</strong>s</strong>tinataire (<strong>de</strong>type « pour info », « faire suivre », « on en parle ») ouindiquent par une pastille « non lu » le mail à re-consulterultérieurement lorsqu’ils sont dans l’impossibilité<strong>de</strong> le traiter en contexte (réunion en clientèle, conduited’une voiture…). Pour contacter rapi<strong>de</strong>ment leur collaborateurqui n’a pas <strong>de</strong> smartphone, ils envoient <strong><strong>de</strong>s</strong> SMS.Certains mettent aussi en place <strong><strong>de</strong>s</strong> règ<strong>les</strong> personnel<strong>les</strong>dans le contexte <strong>de</strong> leur vie privée, comme couper le téléphone,choisir <strong>les</strong> moments <strong>de</strong> connexion. Cependant,pour éviter <strong>de</strong> se retrouver sans smartphone – et doncsans lien avec l’organisation –, <strong>les</strong> cadres disposent <strong>de</strong>plusieurs cordons ou chargeurs : à la maison, au bureau,ou prévoient <strong>de</strong> s’installer à proximité <strong><strong>de</strong>s</strong> prises électriquesdans le trajet <strong>de</strong> retour en train. Ce qui démontre lagran<strong>de</strong> dépendance vis-à-vis <strong>de</strong> ce dispositif et <strong>sur</strong>tout àquel point le dispositif structure, même <strong>de</strong> manière passive,<strong>les</strong> pratiques <strong>de</strong> vie <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres.Discussion <strong><strong>de</strong>s</strong> résultatsD’une façon générale, l’usage du smartphone par <strong>les</strong>cadres a <strong><strong>de</strong>s</strong> conséquences <strong>sur</strong> l’activité <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres, dansleurs sphères <strong>de</strong> vie professionnelle et privée.L’usage <strong>de</strong> ce téléphone semble reconfigurer l’activité dansl’espace-temps : le cadre est en « tension continuelle », i<strong>les</strong>t toujours en alerte et en veille, toujours joignable quelque soit le lieu, au travail ou hors travail.Le smartphone reste un outil <strong>de</strong> <strong>communication</strong> virtuelleet rapi<strong>de</strong>. Les cadres ont conscience <strong>de</strong> la nécessité <strong>de</strong>redonner <strong>de</strong> la valeur à ces interactions en provoquant <strong><strong>de</strong>s</strong>rencontres physiques. Par ailleurs, il augmente le niveaud’efficience à fournir et attendu par <strong>les</strong> autres.Pour certains, il permet <strong>de</strong> gagner du temps et <strong>de</strong> maintenirune charge <strong>de</strong> travail acceptable et gérable. Il évite larupture <strong>de</strong> l’activité pendant <strong>les</strong> congés. Et bien que celapuisse constituer un empiètement <strong>sur</strong> leur vie personnelle,cela reste acceptable et préférable dans la me<strong>sur</strong>e où celapeut éviter le sentiment <strong>de</strong> débor<strong>de</strong>ment.Des cadres indiquent aussi avoir changé leur façon <strong>de</strong>travailler <strong>de</strong>puis son utilisation et considèrent être plusperformants : ils ont l’impression <strong>de</strong> faire plus <strong>de</strong> chosesen même temps sans avoir l’obligation d’une présencephysique.Par exemple ce cadre qui gère 2 agences indique que <strong>les</strong>martphone lui a facilité la vie dans la me<strong>sur</strong>e où il n’aplus à repasser au bureau après <strong><strong>de</strong>s</strong> réunions pour consulterses e-mails mais peut le faire directement quel que soitl’endroit où il se trouve.La fonction <strong>de</strong> cadre peut également évoluer vers plus <strong>de</strong>délégation auprès <strong><strong>de</strong>s</strong> collaborateurs en transférant <strong><strong>de</strong>s</strong>messages en temps réel. Il pourra travailler à la maison,en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> son bureau.© Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres61


CHAPITRE III : LES éTUDES DE TERRAIN■■Terrains relatifs au profil « Cadre décadré et dispersé »Usage <strong><strong>de</strong>s</strong> Technologies et perte <strong>de</strong> sens au travail chez <strong>les</strong> cadres : le cas <strong><strong>de</strong>s</strong> cadresd’un service RHRésumé : cette étu<strong>de</strong> s’intéresse aux inci<strong>de</strong>nces que<strong>les</strong> TIC peuvent avoir <strong>sur</strong> la gestion <strong>de</strong> l’activité <strong><strong>de</strong>s</strong>cadres et <strong>sur</strong> le plaisir qu’ils en retirent et l’accomplissementqu’ils y trouvent. Le travail, valeur centralepour l’individu, est créateur d’i<strong>de</strong>ntité et peut être àce titre source <strong>de</strong> joie et <strong>de</strong> souffrance. Cette étu<strong>de</strong> sepropose dès lors d’effectuer un bilan <strong>sur</strong> trois types <strong>de</strong>cadres <strong>de</strong> la Fonction publique (dirigeant/encadrant/opérationnel) en situation professionnelle afin <strong>de</strong> percevoir<strong>les</strong> conséquences que peuvent avoir l’usage <strong><strong>de</strong>s</strong>TIC <strong>sur</strong> le sens que le cadre accor<strong>de</strong> à son travail.Mots clefs : Sens du travail, i<strong>de</strong>ntité professionnelledu cadre, Cadres <strong>de</strong> la Fonction publique, bien-être autravail.Contexte <strong>de</strong> l’étu<strong>de</strong> et problème poséCette étu<strong>de</strong> s’est déroulée au sein d’un service RH d’unétablissement public composé <strong>de</strong> 4700 personnes dont600 cadres. Différents éléments caractérisent cettestructure :- Rythmée par un plan <strong>de</strong> mandat,- Système hiérarchique imposant et générateur <strong>de</strong> lour<strong>de</strong>ursprocédura<strong>les</strong>,- Assorti d’un désir <strong>de</strong> compétitivité fort,- Tentative <strong>de</strong> structure matricielle.Pour ce qui est <strong>de</strong> la direction <strong><strong>de</strong>s</strong> ressources humainesdans laquelle nous avons réalisé l’étu<strong>de</strong>, celle-ci estdéconcentrée <strong>sur</strong> trois niveaux :- Un niveau qui définit la politique globale, conçoit etcommunique <strong>les</strong> règ<strong>les</strong> <strong>de</strong> RH et propose <strong><strong>de</strong>s</strong> outils <strong>sur</strong><strong>les</strong>quels <strong>les</strong> services ressources humaines (SRH) et <strong>les</strong>managers vont pouvoir prendre appui.- Un SRH affecté à chaque direction pour un meilleuraccompagnement et une gestion <strong>de</strong> proximité <strong><strong>de</strong>s</strong>agents.- Des managers dont le rôle est justifié par leur proximitéimmédiate avec ses agents, leur permettant unemeilleure détection <strong><strong>de</strong>s</strong> situations qui pourraient poserproblème.Depuis quelques années, cette organisation a étéconfrontée à <strong>de</strong> nombreuses évolutions, d’ordres professionnels,structurels et technologiques, qui ont eudiverses répercussions <strong>sur</strong> <strong>les</strong> périmètres d’action, <strong>les</strong>responsabilisations et la fonction <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres.Cet organisme a alors été amené à s’interroger d’unepart <strong>sur</strong> <strong>les</strong> risques psychosociaux que ces diverses réorganisationspouvaient engendrer et, d’autre part, <strong>sur</strong><strong>les</strong> répercussions au niveau du sens du travail chez <strong>les</strong>cadres. C’est <strong>sur</strong> ce <strong>de</strong>rnier registre que se situe notreintervention. Nous cherchons à repérer <strong>les</strong> indicateursqui permettent d’évaluer comment l’utilisation <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong><strong>de</strong> travail peut ou non conduire à une certaineperte <strong>de</strong> sens au travail et à une reconsidération <strong>de</strong>l’exercice <strong>de</strong> leur métier.Principaux concepts et modè<strong>les</strong> théoriques <strong>de</strong>référence mobilisésAfin <strong>de</strong> mieux saisir <strong>les</strong> inci<strong>de</strong>nces <strong>de</strong> l’usage <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC <strong>sur</strong>l’activité <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres et <strong>sur</strong> le sens qu’il donne à leur travail,il nous a semblé opportun <strong>de</strong> réinterroger la question<strong><strong>de</strong>s</strong> spécificités du statut <strong>de</strong> cadre dans la Fonction publiqueet ce que recouvre la notion <strong>de</strong> sens du travail.• La fonction <strong>de</strong> cadre dans la Fonction publiqueBien que cette étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> terrain porte <strong>sur</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres travaillantdans la Fonction publique et plus particulièrementdans une gran<strong>de</strong> collectivité territoriale, nous allons voirqu’il est néanmoins possible <strong>de</strong> trouver <strong><strong>de</strong>s</strong> similitu<strong><strong>de</strong>s</strong>avec le statut <strong>de</strong> cadre du privé. En effet, <strong>les</strong> différencesqui pouvaient exister entre public et privé <strong>sur</strong> le statut<strong>de</strong> cadre ten<strong>de</strong>nt à s’estomper en raison d’une certaineconvergence <strong><strong>de</strong>s</strong> rô<strong>les</strong>, <strong><strong>de</strong>s</strong> attributions et <strong><strong>de</strong>s</strong> fonctions.La fonction <strong>de</strong> cadre manager, encadrant ou dirigeantdu privé, se rapproche particulièrement <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres A,gra<strong>de</strong> (ou catégorie dans <strong>les</strong> collectivités territoria<strong>les</strong>)ayant massivement <strong><strong>de</strong>s</strong> responsabilités d’encadrants,<strong>de</strong> dirigeants ou <strong>de</strong> chefs <strong>de</strong> projets. Cette difficultéà pouvoir <strong>les</strong> nommer montre que l’encadrant n’a pasd’i<strong>de</strong>ntité institutionnelle. Desmarais (2006) s’est ainsiintéressée aux différences potentiel<strong>les</strong> entre <strong>les</strong> managersdu privé et ceux du public. Son étu<strong>de</strong> n’a relevéque <strong><strong>de</strong>s</strong> différences limitées <strong>de</strong> pratiques, le contenu <strong>de</strong>leurs missions étant semblable. Le manager du publicproduit un nombre d’heures <strong>de</strong> travail élevé, même sile niveau <strong>de</strong> pénibilité paraît significativement moindreque dans le privé. Ils sont toutefois touchés par uneaugmentation <strong>de</strong> l’importance du travail informationnelet cognitif, une augmentation <strong><strong>de</strong>s</strong> rô<strong>les</strong> <strong>de</strong> gestion, etune augmentation <strong><strong>de</strong>s</strong> temps <strong>de</strong> liaison et <strong>de</strong> <strong>communication</strong>(liés à l’usage <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC). Elle note aussi une62 © Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres


CHAPITRE III : LES éTUDES DE TERRAINsouffrance supplémentaire dans <strong>les</strong> transformations profon<strong><strong>de</strong>s</strong>que subissent <strong>les</strong> organisations publiques actuellement: réduction <strong><strong>de</strong>s</strong> moyens (humains, financiers) et<strong>de</strong>man<strong>de</strong> d’un service optimum leur créant <strong><strong>de</strong>s</strong> contradictionssupplémentaires dans l’exercice <strong>de</strong> leur activité.Les contraintes semblent globalement plus fortes, etnotamment dues aux ambiguïtés <strong>de</strong> l’organisation et àune pression temporelle croissante (Desmarais, 2008).Les cadres subissent, tout en étant acteurs, <strong>les</strong> nouvel<strong>les</strong>métho<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong> management, induisant performance, qualité,employabilité, etc., et assistent à une mutation <strong>de</strong>leur fonction (perte <strong>de</strong> leur fonction d’encadrement auprofit <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres B ou C, par exemple), tout en subissant<strong>les</strong> nombreuses règ<strong>les</strong> bureaucratiques. Toutefois, certainesstructures publiques placent l’encadrant au cœur <strong>de</strong>leurs réflexions et tentent <strong>de</strong> le placer en acteur pilote<strong>de</strong> l’innovation, cherchant ainsi à lui donner une i<strong>de</strong>ntitéau cœur <strong>de</strong> tant <strong>de</strong> diversités. Il convient également<strong>de</strong> soulever l’existence, à l’image du privé, d’une gran<strong>de</strong>disparité interne entre <strong>les</strong> cadres <strong>de</strong> la Fonction publique(encadrant, dirigeant, opérationnel/expert).• Le sens du travailDe manière générale, on peut définir le « le sens du travailcomme un effet <strong>de</strong> cohérence entre <strong>les</strong> caractéristiquesqu’un sujet recherche dans son travail et cel<strong>les</strong> qu’ilperçoit dans le travail qu’il accomplit » (Morin, 2006).Le sentiment <strong>de</strong> non-sens peut être décrit comme unétat <strong>de</strong> vi<strong>de</strong> dans l’existence qui crée <strong>de</strong> l’inquiétu<strong>de</strong>, larecherche <strong>de</strong> sens visant à éradiquer cet état d’anxiété.Selon Morin, il existe 6 caractéristiques qui donnentdu sens au travail chez <strong>les</strong> cadres (d’après une série <strong>de</strong>questionnaire et d’entretiens réalisés <strong>sur</strong> la population<strong>de</strong> cadres) :1) Une charge <strong>de</strong> travail adéquate et stimulante ➔ c’està-direni trop faible, ni trop forte, aussi bien au niveauphysique que cognitive ou émotionnelle. L’intensificationdu travail ou l’augmentation du travail (quel qu’en soit lemotif) entraîne une <strong>sur</strong>charge génératrice <strong>de</strong> stress.2) Un travail fait <strong>de</strong> manière efficiente et avec une finalité➔ <strong>les</strong> objectifs visés doivent être clairement énoncéset le travailleur doit pouvoir le faire rationnellement,c’est-à-dire en adéquation avec l’objectif visé.3) Un travail réalisé dans l’éthique ➔ ce qui impliqued’avoir cette latitu<strong>de</strong>. Or <strong>les</strong> cadres ont un <strong>de</strong>voir implicite<strong>de</strong> loyauté auprès <strong>de</strong> leur hiérarchie pouvant <strong>les</strong>placer dans l’embarras quant à leur éthique. C’est ce queLhuilier (2011) nomme « le sale boulot ».4) Un travail permettant <strong><strong>de</strong>s</strong> satisfactions intrinsèques,tel<strong>les</strong> que plaisir et sentiment d’accomplissement ➔ onrapproche ici <strong>de</strong> la notion <strong>de</strong> plaisir le fait <strong>de</strong> pouvoirexercer ses compétences et d’être autonome mais égalementla créativité, chère aux cadres.5) Des relations interpersonnel<strong>les</strong> satisfaisantes ➔ d’autantplus que nous avons vu précé<strong>de</strong>mment qu’el<strong>les</strong> occupaientune place importante dans le travail <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres.6) Des conditions <strong>de</strong> travail as<strong>sur</strong>ant la sécurité et la santé<strong><strong>de</strong>s</strong> travailleurs ➔ par exemple, l’hyper sollicitation neconstitue pas en ce sens <strong>de</strong> bonnes conditions <strong>de</strong> travail.Dans cette caractéristique, le salaire est égalementà prendre en compte.Clot (2008) parle <strong><strong>de</strong>s</strong> « activités empêchées » commed’une souffrance potentielle pour le salarié. Il rapprocheeffectivement le sens que l’on donne à son travailainsi que l’efficience résultante, aux activités que l’onfait, que l’on souhaiterait faire et que l’on ne peut pasfaire. « Le sens <strong>de</strong> l’activité concerne donc directement lepouvoir d’agir » (2008, p.15). La réalité <strong>de</strong> l’activité neressemble en rien à la prescription <strong>de</strong> la tâche, ni à ceque l’on aurait désiré faire. Cela est d’autant plus exactconcernant le travail <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres, soumis à la seule obligation<strong>de</strong> résultat. Le travailleur est donc potentiellementrempli <strong>de</strong> possibilités <strong>de</strong> travail : certaines iront jusqu’àl’exécution, d’autres, non. Mais le travail fini est le reflet<strong>de</strong> toutes ses potentialités. Ainsi, « <strong>les</strong> activités suspendues,contrariées ou empêchées, voire <strong>les</strong> contre-activitésdoivent être admises dans l’analyse. » Cette possibilitéd’innover donne du sens au travail du cadre, car en luilaissant <strong><strong>de</strong>s</strong> marges <strong>de</strong> manœuvre dans son action, celalui permet <strong>de</strong> s’approprier son travail. Le plaisir vient dèslors <strong>de</strong> la découverte dans ce que l’on a fait, <strong>de</strong> la multitu<strong>de</strong><strong>de</strong> possib<strong>les</strong> permettant d’être efficace : c’est ce queClot appelle « le travail bien fait ». Ainsi, ceux qui voientleur travail entravé par <strong>les</strong> contradictions <strong>de</strong> l’entreprise(obligation <strong>de</strong> résultat et pression temporelle) ou ceuxqui se sentent dépossédés <strong>de</strong> leur travail (résignation à<strong><strong>de</strong>s</strong> procédures préétablies) le vivent comme une souffrance.S’opère alors un « processus <strong>de</strong> dé-liaison » entrel’idée que l’on se fait du travail et la réalité <strong><strong>de</strong>s</strong> activitésquotidiennes. Processus pouvant entraver la créationd’un travail <strong>de</strong> qualité. Cela aura comme conséquenceune souffrance au travail importante, se soldant par une<strong>sur</strong>activité vaine ou encore un sentiment d’inutilité.Dans ces conditions, l’absence <strong>de</strong> sens résulte dans l’impossibilité<strong>de</strong> « <strong>de</strong> se reconnaitre dans quelque chose »,avec, dans cette auto-reconnaissance, une idée <strong>de</strong> sespropres valeurs, <strong>de</strong> son propre métier.• Problématique et questions <strong>de</strong> rechercheL’objet <strong>de</strong> cette recherche est <strong>de</strong> voir dans quelle me<strong>sur</strong>e<strong>les</strong> nouvel<strong>les</strong> <strong>technologies</strong> contribuent à une perte <strong>de</strong> senschez <strong>les</strong> cadres. Et si oui, comment cela se manifeste-t-il :y a t-il perte ou détérioration <strong>de</strong> leur autonomie, <strong>de</strong> leuri<strong>de</strong>ntité professionnelle, <strong>de</strong> reconnaissance, <strong>de</strong> plaisir,<strong>de</strong> collectif <strong>de</strong> travail, <strong>de</strong> compétences professionnel<strong>les</strong>,<strong>de</strong> pouvoir d’agir… ? On cherchera à comprendre quelsimpacts ont <strong>les</strong> nouvel<strong>les</strong> <strong>technologies</strong> <strong>sur</strong> le travail <strong><strong>de</strong>s</strong>cadres, impacts ayant comme conséquences secondairesd’altérer le sens que ces <strong>de</strong>rniers donnent à leur travail.© Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres63


CHAPITRE III : LES éTUDES DE TERRAINDémarche mise en œuvreAfin d’évaluer ces différentes dimensions, nous avonsdéployé différentes métho<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>sur</strong> le terrain.• Entretiens semi-directifsLe but était <strong>de</strong> recueillir <strong><strong>de</strong>s</strong> perceptions <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres<strong>sur</strong> l’usage et l’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC. Nous avons ainsi réalisé10 entretiens semi-directifs pour mieux comprendre<strong>les</strong> caractéristiques et le déroulement <strong>de</strong> leur activité(fonctions exercées et difficultés rencontrées, autonomie,avantages du cadre, avantage <strong>de</strong> la fonction publique), <strong>les</strong><strong>technologies</strong> utilisées (énumération, mo<strong>de</strong> d’introduction,attentes, besoins, difficultés, rapidité <strong>de</strong> changement) etleur perception quand à l’impact <strong>sur</strong> leur travail (gestion<strong>de</strong> l’activité, compétences professionnel<strong>les</strong>, rythme <strong>de</strong> travail,reconnaissance et visibilité du travail, sens au travail,stress).Les entretiens se sont tous déroulés dans <strong>les</strong> bureaux <strong><strong>de</strong>s</strong>interviewés. Leur durée était approximativement d’uneheure et <strong>de</strong>mie. Ils ont tous été enregistrés et retranscrits.Caractéristiques <strong>de</strong> l’échantillon ayant passé <strong>les</strong> entretiensFonction Désignation Âge Sexe AnciennetéOrdi.bureauSmartphoneOrdi.portableConnexion/ dom.Encadrant A 60 F 2006 oui non non ouiOpérationnel B 31 F 2009 oui non non nonEncadrant F 40 F Nov. 2008 oui non non ouiEncadrant H 41 F 2003 oui non non nonEncadrant J 38 MJuillet2009oui oui non ouiOpérationnel L 33 F 2009 oui oui non ouiDirigeante E 55 F 2008 oui oui oui ouiEncadrant D 45 M 2007 oui non oui nonDirigeant C 56 M 2004 oui oui oui ouiEncadrant G 36 M 2008 oui non non non• Phase d’observationAfin <strong>de</strong> compléter et <strong>de</strong> confronter <strong>les</strong> données issues durecueil <strong>de</strong> données par entretien, il nous a semblé primordial<strong>de</strong> mettre en place <strong><strong>de</strong>s</strong> observations <strong>de</strong> l’activité<strong><strong>de</strong>s</strong> cadres. Ces observations ont pris plusieurs formes :- Un journal <strong>de</strong> bord, tenu du premier jour au <strong>de</strong>rnier jour<strong>de</strong> la recherche et contenant <strong><strong>de</strong>s</strong> détails, <strong><strong>de</strong>s</strong> impressionsqui nous permettaient <strong>de</strong> retrouver <strong><strong>de</strong>s</strong> enchainementslogiques et cohérents aux événements mais également<strong>de</strong> pouvoir obtenir une sorte <strong>de</strong> <strong>de</strong>uxième lecture s’inscrivantdans une dynamique complète <strong>de</strong> recherche afin<strong>de</strong> s’approprier <strong>les</strong> principaux enjeux organisationnels.- Des observations directes instrumentées : il s’agissait<strong>de</strong> suivre quatre cadres <strong>sur</strong> <strong>de</strong>ux jours 16 , durant leur journée<strong>de</strong> travail. Ces observations ont été précédées d’unentretien et conduites à l’ai<strong>de</strong> d’une grille d’observationqui visait à repérer : <strong>les</strong> outils utilisés pour le travail,l’activité concernée (analyse, prise d’initiative, direction,<strong>communication</strong>), <strong>les</strong> interactions en relation avecle travail, le temps <strong>de</strong> l’action, l’activité en tant qu’actionou gestion d’une interruption, et enfin le caractèreentravant ou facilitant <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong>.Durant ces observations, le cadre pouvait gar<strong>de</strong>r le silenceou expliquer en ce qu’il faisait, ce qu’il voulait faire ou cequ’il ne pouvait pas faire. L’observation s’est égalementaccompagnée <strong>de</strong> la prise <strong>de</strong> notes <strong>de</strong> ces verbalisationssimultanées à l’activité ainsi que <strong><strong>de</strong>s</strong> données non verba<strong>les</strong>et situationnel<strong>les</strong> (nombreux papiers ; post-it <strong>sur</strong>l’ordinateur…) pouvant également donner sens à l’analyse.En fin <strong>de</strong> journée, une restitution était faite auprès<strong><strong>de</strong>s</strong> participants afin qu’ils complètent, commentent ougénéralisent <strong>les</strong> analyses réalisées.16. Ces observations <strong>sur</strong> <strong>de</strong>ux journées (avec <strong><strong>de</strong>s</strong> journées continues mais séparées l’une <strong>de</strong> l’autre) étaient nécessaire dans la me<strong>sur</strong>e où el<strong>les</strong> permettaientd’appréhen<strong>de</strong>r la diversité <strong><strong>de</strong>s</strong> tâches et la variabilité <strong>de</strong> l’activité au cours <strong>de</strong> la journée (changement <strong>de</strong> rythme, fragmentation…).64 © Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres


CHAPITRE III : LES éTUDES DE TERRAINNous avons également observé <strong><strong>de</strong>s</strong> réunions <strong>de</strong> travail(entre un encadrant et son équipe concernant la mise enplace d’un ERP <strong>de</strong> ressources humaines) ainsi que <strong><strong>de</strong>s</strong> réunionsinformel<strong>les</strong> et collectives permettant <strong>de</strong> recueillirune parole libre et <strong><strong>de</strong>s</strong> points <strong>de</strong> vue qui se confrontent.Ces différentes observations nous ont permis d’établir<strong><strong>de</strong>s</strong> chroniques d’activité et <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong>criptions narrativeset factuel<strong>les</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> situations étudiées.Caractéristiques <strong>de</strong> l’échantillon ayant participé aux observationsTrois types <strong>de</strong> cadres ont participés aux journées d’observations : dirigeant (1) - encadrant (1) et opérationnels (2).Fonction Nommé Sexe Age AnciennetéOrdinateurbureauSmartphoneOrdinateurPortableOpérationnel I Homme 34 2004 oui oui nonOpérationnel N Femme 38 2009 oui non ouiEncadrant G Homme 36 2008 oui non nonDirigeant M Femme 41 2008 oui oui nonPrésentation <strong><strong>de</strong>s</strong> résultats• Le travail <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres et <strong>les</strong> conditions d’exerciceLes cadres interrogés et observés ont <strong><strong>de</strong>s</strong> activités trèsdiversifiées et variées qui peuvent se répartir entre troisgrands groupes <strong>de</strong> tâches :1) Produire (dossier, réunion programmée…),2) S’organiser (bureautique, agenda),3) Informer/communiquer (contacts directs, réunionsimpromptues, relations par messagerie, téléphone…).a) Les cadres dirigeants.Dans ce service RH, <strong>les</strong> cadres dirigeants passent lamajorité <strong>de</strong> leur temps en réunions programmées (58 %)et nouent <strong><strong>de</strong>s</strong> relations <strong>de</strong> type informel (19 %) : réunionsimpromptues, apartés, interactions directes avecle collaborateur…). La gestion <strong>de</strong> la messagerie occupepar ailleurs 12 % <strong>de</strong> leur temps <strong>de</strong> travail et semble êtrepréférée au téléphone (4 %).Répartition <strong><strong>de</strong>s</strong> activités <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres dirigeantsBureautique/agenda = 5 %Contacts = 19 %Dossier = 2 %Messagerie = 12 %Téléphone = 4 %Réunions = 58 %© Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres65


CHAPITRE III : LES éTUDES DE TERRAINb) Les cadres encadrantsLes cadres managers d’équipe ont une activité qui paraîtplus diversifiée et homogène que <strong>les</strong> cadres dirigeants,partagée entre <strong><strong>de</strong>s</strong> réunions programmées (32 %), <strong><strong>de</strong>s</strong>relations et interactions par téléphone (18 %) ou parmessagerie (23 %) et <strong><strong>de</strong>s</strong> tâches <strong>de</strong> production et d’organisation(dossier : 9 % et agenda/bureautique : 12 %).En revanche, <strong>les</strong> contacts directs <strong>de</strong> type informel semblentmoins fréquents que chez <strong>les</strong> cadres dirigeants(6 %).Répartition <strong><strong>de</strong>s</strong> activités <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres encadrantsContacts = 6 %Dossier = 9 %Bureautique/agenda = 12 %Réunions = 32 %Messagerie = 23 %Téléphone = 18 %c) Les cadres opérationnelsLes cadres opérationnels tranchent par rapport à l’activité<strong><strong>de</strong>s</strong> cadres managers dans la me<strong>sur</strong>e où leur activitése déroule essentiellement par médias interposés (messagerie: 42 %, bureautique : 31 % et téléphone : 15 %).Au cours <strong>de</strong> nos observations, <strong>les</strong> cadres opérationnelsn’ont participé à aucune réunion planifiée.Répartition <strong><strong>de</strong>s</strong> activités <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres opérationnelsContacts = 7 %Dossier = 5 %Téléphone = 15 %Bureautique/agenda = 31 %Messagerie = 42 %66 © Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres


CHAPITRE III : LES éTUDES DE TERRAINd) L’usage <strong><strong>de</strong>s</strong> TICEn ce qui concerne l’usage <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC, ce <strong>de</strong>rnier graphiqueindique que, toutes fonctions <strong>de</strong> cadres considérées,c’est la messagerie (35 %) qui est la plus utilisée,le smartphone (par <strong>les</strong> cadres managers et dirigeants :11 %) puis <strong>les</strong> agendas et Internet : 9 %.Répartition <strong><strong>de</strong>s</strong> différentes TIC citéesLogiciel <strong>de</strong> gestion = 4 %Autres = 6 %Palm = 5 %Excell = 5 %Messagerie = 35 %Intranet = 8 %Internet/site = 9 %Téléphone portable = 5 %Smartphone = 11 %Connexion domicile = 3 %Agenda = 9 %Présentation <strong><strong>de</strong>s</strong> principaux résultats <strong><strong>de</strong>s</strong> analyses• Quels regards <strong>les</strong> cadres ont-ils <strong>sur</strong> leur activité et<strong>sur</strong> <strong>les</strong> TIC utilisées ?La perception <strong>de</strong> leur fonction <strong>de</strong> cadrePour comprendre comment <strong>les</strong> cadres voient et ressententleur travail, nous allons tout d’abord présenter lamanière dont ils perçoivent leur fonction au travers <strong><strong>de</strong>s</strong>résultats <strong><strong>de</strong>s</strong> entretiens réalisés.Parmi <strong>les</strong> fonctions prises en charge par le cadre (cf. grapheci-<strong><strong>de</strong>s</strong>sous), <strong>les</strong> premières citées sont l’animation etla coordination d’une équipe, suivie du relationnel et <strong>de</strong>la gestion /pilotage <strong>de</strong> l’activité. On retrouve la fonction<strong>de</strong> déci<strong>de</strong>ur, mais aussi la présence d’activités annexes,en relation avec <strong>les</strong> <strong>technologies</strong>, comme le traitement<strong><strong>de</strong>s</strong> e-mails (tri) et le passage d’informations. Ce quitend déjà à montrer que si l’animation <strong><strong>de</strong>s</strong> équipes et <strong><strong>de</strong>s</strong>projets reste un attribut cardinal <strong>de</strong> leur fonction, onvoit apparaître d’autres activités en lien avec la gestionet la maîtrise <strong>de</strong> dispositifs technologiques (gestion <strong><strong>de</strong>s</strong>e-mails et information).Perception <strong>de</strong> leur fonctions par <strong>les</strong> cadres (en % <strong>de</strong> cadres qui citent la fonction)50403020100Animer/coordonnerRelationnelPiloter/gérerRéflexion/productionMails etinformationRéunionsContrôle/décisionDivers© Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres67


CHAPITRE III : LES éTUDES DE TERRAINLe rythme <strong>de</strong> travailCette facette révèle l’impression d’un rythme soutenu,induisant pression et stress. Ils l’expliquent par uneaccélération du rythme, un <strong>de</strong>gré d’exigence qui ne cesse<strong>de</strong> monter et à <strong><strong>de</strong>s</strong> moyens qui ne semblent pas toujoursen adéquation.L’utilisation <strong><strong>de</strong>s</strong> nouvel<strong>les</strong> <strong>technologies</strong> n’est pas sansinci<strong>de</strong>nce <strong>sur</strong> cette accélération, ni <strong>sur</strong> le <strong>de</strong>gré d’exigenceimposé. Le temps effectif accordé aux activités <strong>de</strong>production et <strong>de</strong> réflexion ne leur semble pas suffisantpuisqu’el<strong>les</strong> sont reléguées le plus souvent à une placeultérieure, après la présence aux réunions et la gestion<strong><strong>de</strong>s</strong> affaires urgentes.La participation ou l’animation <strong>de</strong> réunions sont égalementtrès présentes dans cette organisation. L’explicationpeut être recherchée à la fois dans la mise en place<strong>de</strong> projets transversaux nombreux, par la fonction stratégiqueoccupée, mais également par la culture hiérarchiqueforte impliquant l’association <strong>de</strong> plusieurs acteursdans une prise <strong>de</strong> décision.• Les attentes <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres vis-à-vis <strong><strong>de</strong>s</strong> TICPour <strong>les</strong> cadres interviewés, <strong>les</strong> TIC utilisées doiventdavantage répondre à <strong><strong>de</strong>s</strong> fonctions <strong>de</strong> : <strong>communication</strong>et <strong>de</strong> collaboration permettant une action rapi<strong>de</strong>, efficaceet traçable dans un but <strong>de</strong> facilitation <strong>de</strong> leur travail.Ces attentes sont donc en réponse à leur activité.Ces outils étayent ainsi le travail relationnel et coordinateur<strong><strong>de</strong>s</strong> cadres. L’efficacité et la rapidité sont censées<strong>les</strong> soulager <strong>de</strong> la pression temporelle et <strong>de</strong> la charge <strong>de</strong>travail ressentie. Enfin, la traçabilité peut revêtir uneaction sécurisante au sein <strong>de</strong> leur masse <strong>de</strong> travail. Onreste dans une culture administrative, <strong>de</strong> l’écrit et <strong>de</strong> larègle.Par comparaison, nous avons également cherché à répertorier<strong>les</strong> termes que <strong>les</strong> cadres associaient spontanémentaux nouvel<strong>les</strong> <strong>technologies</strong> durant <strong>les</strong> entretiens.Il ressort que <strong>les</strong> propos tenus ne sont pas en adéquationavec <strong>les</strong> attentes puisqu’ils sont majoritairement négatifs(70 %) contre 21 % <strong>de</strong> positifs. Les cadres parlent ainsi« d’engrenage », <strong>de</strong> « cercle vicieux » impliquant quelquechose que l’on « subit », <strong>de</strong> « contraint » mais aussi <strong>de</strong>« quelque chose <strong>de</strong> compliqué », posant <strong>de</strong> « nombreuxsoucis et problèmes ».La conséquence majoritairement relevée serait le stress(16 %). Toutefois, l’arrivée <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> représente« une révolution » entraînant forcément une évolutiondu travail.Attentes vis-à-vis <strong><strong>de</strong>s</strong> NTIC (en % <strong>de</strong> cadres qui citent l’attente)50403020100Communication/collaborationTraçabilitéOrganisation/efficacitéFacilitationRéactivité/rapidité68 © Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres


CHAPITRE III : LES éTUDES DE TERRAIN• Le rapport du cadre à son activité médiatiséeDans un second temps, l’objet <strong>de</strong> nos analyses 17 a été <strong>de</strong>répertorier <strong>les</strong> indices qui témoignaient d’une évolutiondu rapport et donc du sens au travail par l’usage <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC.Perception par <strong>les</strong> cadres <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC <strong>sur</strong>…Visibilité et contrôle = 6 %Règ<strong>les</strong> du métier = 5 %Charge <strong>de</strong> travail = 18 %Collectif = 10 %Compétences = 11 %Pouvoir d'agir = 22 %Pression organisationnelle = 10 %Rythme <strong>de</strong> travail = 18 %Les thèmes majoritairement abordés sont le « pouvoird’agir », le rythme <strong>de</strong> travail et la charge <strong>de</strong> travail. Vientensuite ce que nous avons appelé « la pression organisationnelle» : l’affaiblissement du collectif <strong>de</strong> travail,le changement <strong>de</strong> compétences. Puis dans une moindreme<strong>sur</strong>e, la visibilité du travail et <strong>les</strong> règ<strong>les</strong> <strong>de</strong> métier.Mais s’il est possible <strong>de</strong> <strong>les</strong> isoler, chacun est une explicationou une résultante d’un autre.a) « Le pouvoir d’agir » : perdre le contrôle <strong>de</strong> sontravail, être dans l’incapacité d’agirCela prend en compte <strong>les</strong> tâches suspendues, contrariéesou empêchées qui font référence à une « perte <strong>de</strong>contrôle <strong>de</strong> son travail », « une situation d’incompétences» ou « à ce qui ne lui permet pas <strong>de</strong> pouvoir faire sontravail comme il le voulait ». Ces activités empêchéesont été rapportées 137 fois en liaison avec l’activité <strong><strong>de</strong>s</strong>nouvel<strong>les</strong> <strong>technologies</strong>. El<strong>les</strong> constituent donc, selonnous, une véritable source <strong>de</strong> préoccupations. Bien qu’ilsse déclarent majoritairement autonomes (9/10) à la foisdans la gestion <strong>de</strong> leur travail et dans la gestion <strong>de</strong> leurtemps, <strong>les</strong> cadres <strong>de</strong> l’organisation étudiée parlent pourle plus grand nombre d’une perte <strong>de</strong> marge <strong>de</strong> manœuvresavec l’utilisation <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong>.À titre d’exemple, le système d’agenda partagé estutilisé par tous <strong>les</strong> cadres pour la planification <strong><strong>de</strong>s</strong>réunions. Ces agendas leur permettent, d’une part, <strong>de</strong>consulter <strong>les</strong> plages horaires disponib<strong>les</strong> ou le planningcomplet <strong>de</strong> leurs collègues ou collaborateurs et, d’autrepart, <strong>de</strong> positionner <strong><strong>de</strong>s</strong> réunions <strong>sur</strong> ces plannings.Les collaborateurs ont donc tous l’impression <strong>de</strong> n’avoiraucun contrôle <strong>sur</strong> leur emploi du temps, d’autant plusque certains soulignent que même lorsqu’ils tentent <strong>de</strong>rétablir le contrôle <strong>sur</strong> leur journée <strong>de</strong> travail en marquantpar exemple « travail personnel », cela ne suffitpas.Autre exemple, l’activité <strong>de</strong> messagerie qui est égalementressentie comme une source importante d’intrusionet <strong>de</strong> perte <strong>de</strong> marge <strong>de</strong> manœuvre.17. Dans l’analyse <strong>de</strong> contenu qui a été réalisée, nous sommes partis du postulat que plus <strong>les</strong> interviewés parlaient <strong>de</strong> certains faits, plus ces sujetsavaient <strong>de</strong> l’importance pour eux.© Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres69


CHAPITRE III : LES éTUDES DE TERRAINLes e-mails arrivent en système push, silencieux oubruyants. Ils s’installent <strong>sur</strong> l’écran par une petite fenêtrequi signale le <strong><strong>de</strong>s</strong>tinataire et l’objet. Cette fonctionest déprogrammable mais cette manœuvre est alors àeffectuer tous <strong>les</strong> jours. Ensuite, dès « que vous cliquezpour l’ouvrir, vous savez qu’on attend une réponse.Tant qu’il est pas ouvert, finalement vous gar<strong>de</strong>z unepetite marge <strong>de</strong> manœuvre ». Ce qui est imposé oufortement en attente, c’est la réponse au mail reçu et<strong>de</strong> préférence rapi<strong>de</strong>ment.Par ailleurs, en raison <strong>de</strong> la capacité limitée <strong>de</strong> leurboîte mail, <strong>les</strong> cadres sont obligés <strong>de</strong> la vi<strong>de</strong>r régulièrementpour éviter la saturation. Sinon, ils ne peuventplus rien faire : ni émettre, ni recevoir <strong>les</strong> messages.Cette perte <strong>de</strong> pouvoir au profit <strong>de</strong> la technologie « toutepuissante » se traduit par la mise en place <strong>de</strong> stratégies<strong>de</strong> gestion comme cel<strong>les</strong> d’arriver tôt ou <strong>de</strong> repartir tardau travail afin d’accor<strong>de</strong>r un temps au tri <strong><strong>de</strong>s</strong> e-mails,pour ne pas se laisser dépasser, voire submerger parcette activité.Les cadres interrogés soulignent également le ressentid’une certaine incompétence face à la pléthore d’outils misà leur disposition. Et même ceux ayant participé à l’installation<strong>de</strong> logiciels intégrés estiment « ramer » lorsque ça nemarche plus. Les systèmes leur paraissent très complexeset fragi<strong>les</strong>.C’est pourquoi face aux nombreux dysfonctionnementstechniques et/ou à la méconnaissance <strong>de</strong> ces dispositifs,il est nécessaire <strong>de</strong> faire preuve d’ingéniosité, d’inventivité,<strong>de</strong> détournement pour arriver à travailler malgrétout (emploi <strong><strong>de</strong>s</strong> termes « bidouiller », « débrouiller »« trifouiller »).Un autre aspect <strong><strong>de</strong>s</strong> activités empêchées est celui dudomaine <strong><strong>de</strong>s</strong> interruptions qui sont très nombreuses dansle travail <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres, et accentuées par le recours aux<strong>technologies</strong>. « Le plus gros facteur <strong>de</strong> stress, c’est <strong>les</strong>wap, c’est-à-dire changer <strong>de</strong> sujets tout le temps, en traiterplusieurs en même temps… Les <strong>technologies</strong> augmententça, <strong>sur</strong>tout la messagerie. »Les différentes observations font état pour certainsd’une activité fréquemment interrompue et notammentpar le système push <strong>de</strong> la messagerie qui induitpour tous <strong>de</strong> répondre en urgence.Les interruptions peuvent également se manifester fortementhors du bureau, lors <strong><strong>de</strong>s</strong> réunions par exemple,par l’utilisation du smartphone.Face à ces nombreux débor<strong>de</strong>ments où le cadre a l’impression<strong>de</strong> se perdre et <strong>de</strong> perdre du temps, il va essayer<strong>de</strong> reprendre la main <strong>sur</strong> son travail en organisant sesjournées et en répartissant le temps accordé aux différentestâches, en fixant <strong><strong>de</strong>s</strong> priorités au cours <strong>de</strong> la journée.La préoccupation portera <strong>sur</strong> la qualité <strong><strong>de</strong>s</strong> relationset du travail et <strong>sur</strong> le manque <strong>de</strong> recul et <strong><strong>de</strong>s</strong> décisions« prises trop vite ».Le cadre doit aussi savoir négocier avec ses collèguespour justifier certaines conduites qui visent à reprendrele contrôle <strong>sur</strong> son activité. Par exemple ne pas répondredans l’immédiat aux e-mails, ne pas laisser <strong><strong>de</strong>s</strong> plageshoraires libres <strong>sur</strong> l’agenda, <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r systématiquementl’aval pour <strong>les</strong> réunions… S’opposer, c’est égalementprendre le risque <strong>de</strong> se mettre en difficulté.Ce besoin d’autonomie d’action semble d’autant plusdifficile à gérer qu’il se retrouve pris dans une pressionorganisationnelle faisant écho aux activités imposées.On le retrouve dans l’utilisation <strong>de</strong> termes impersonnelsdécrivant <strong><strong>de</strong>s</strong> situations « d’obligation, <strong>de</strong> <strong>de</strong>voirs, <strong>de</strong>vérité sans appels » qui font référence à une pressionhiérarchique ou induite par la compétitivité entre collaborateurs(via la visibilité).Les expressions comme « <strong>de</strong> fait », « il faut », « ondoit », « ça tombe » participent <strong>de</strong> ce que l’on pense<strong>de</strong>voir faire mais ne laissent donc pas beaucoup <strong>de</strong> placeau positionnement individuel puisqu’el<strong>les</strong> ne sont pasofficialisées. Le cadre semble donc perdre la maîtrise <strong><strong>de</strong>s</strong>on travail pour subir ce que le système (informatique /organisationnel) lui impose.b) Rythme <strong>de</strong> travail : <strong>de</strong> la réflexion au réflexe autravailAu niveau du rythme <strong>de</strong> travail, le discours <strong><strong>de</strong>s</strong> interrogésindique à quel point la gestion du temps <strong>de</strong> travai<strong>les</strong>t affectée par ces nouvel<strong>les</strong> <strong>technologies</strong> : le tempss’accélère pour aller vers celui <strong>de</strong> la machine (rapidité<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>communication</strong>s, immédiateté <strong>de</strong> la réponse et réactivité<strong>de</strong> la personne). Cette accélération est pour euxl’objet d’une préoccupation importante car elle s’imposeau dépend d’une activité <strong>de</strong> réflexion.Tout aussi paradoxal, la technologie qui peut faire gagnerdu temps peut en faire perdre également. Son utilisationest en effet consommatrice <strong>de</strong> temps. L’appropriationd’une technologie est aussi un investissement qui solliciteénormément le cadre au détriment d’autres activités.La volonté <strong>de</strong> partager l’information (par la simplicité etla rapidité qu’offrent a priori <strong>les</strong> dispositifs) accentue <strong>les</strong>temps <strong>de</strong> traitement (<strong>de</strong> lecture, <strong>de</strong> tri, <strong>de</strong> consultation,<strong>de</strong> rédaction).70 © Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres


CHAPITRE III : LES éTUDES DE TERRAINc) La pénibilité : une charge <strong>de</strong> travail en augmentationCette sensation est accentuée par l’impression <strong>de</strong> traiter<strong>de</strong> plus en plus <strong>de</strong> tâches jugées inuti<strong>les</strong> ou rébarbatives,notamment en lien avec la gestion <strong>de</strong> la messagerie(42 % <strong><strong>de</strong>s</strong> propos). En cause, à la fois la multiplication<strong><strong>de</strong>s</strong> messages et la « lour<strong>de</strong>ur » <strong>de</strong> certains courriels qui« tombent » parfois en fin <strong>de</strong> journée. La quantité d’emailsà gérer serait d’ailleurs consubstantielle au statutdu cadre. Plus on monte dans la hiérarchie, plus onaurait d’e-mails à gérer.L’intensification <strong>de</strong> la charge <strong>de</strong> travail est égalementdûe à l’exigence d’un travail <strong>de</strong> meilleure qualité grâce àla présence <strong><strong>de</strong>s</strong> outils dédiés : l’organisation attend unemeilleure connaissance <strong>de</strong> l’information mais égalementdu reporting, la création <strong>de</strong> tableaux, <strong><strong>de</strong>s</strong> présentationspower point, etc. Tout ceci a comme conséquence <strong>de</strong> sesentir perdu, submergé.Diverses stratégies peuvent être mises en place pourfaire face à cette <strong>sur</strong>charge et reprendre le contrôle <strong>sur</strong>cette activité qui échappe :- en amenant du travail chez soi ;- ou encore en « écrasant <strong><strong>de</strong>s</strong> e-mails » avec son smartphonependant <strong>les</strong> réunions ;- ou enfin, en faisant acter tout ce que l’on écrit et ceque l’on a reçu. Cette stratégie <strong>de</strong> gestion donne l’impressiond’une reprise <strong>de</strong> contrôle <strong>sur</strong> l’activité.d) Une fonction en nécessaire évolution : entredéqualification, requalification, disqualification…S’il semble évi<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> parler <strong>de</strong> requalification pour lecadre et <strong>de</strong> mutations <strong>de</strong> son travail, ce n’est pas forcémenten spécifiant la nature du changement mais plutôten abordant son caractère obligatoire lié à son statut<strong>de</strong> cadre.Ceci dit, un quart <strong><strong>de</strong>s</strong> propos portent <strong>sur</strong> une possibledéqualification du cadre <strong>de</strong>vant <strong>de</strong> plus en plus faire <strong><strong>de</strong>s</strong>tâches <strong>de</strong> basses valeurs ajoutées, à la fois en prenant letravail d’assistantes mais également en faisant du reporting,<strong><strong>de</strong>s</strong> tableaux <strong>de</strong> bord, etc.Ces nouvel<strong>les</strong> façons <strong>de</strong> travailler réduisent la plus valueque le cadre aime donner dans son travail en automatisant<strong><strong>de</strong>s</strong> processus <strong>de</strong> travail et permettant ainsi l’interchangeabilité<strong><strong>de</strong>s</strong> cadres entre eux. D’autre part, l’accession àl’information par tous le pousse à acquérir une nouvellecompétence à travers une plus gran<strong>de</strong> rapidité et <strong>sur</strong>toutun meilleur traitement <strong>de</strong> cette information.e) Des modalités collaboratives d’un nouvel ordre :entre collectif <strong>de</strong> travail et collection d’individusDans le même ordre d’idée et <strong>de</strong> me<strong>sur</strong>e (10 % <strong><strong>de</strong>s</strong> propos),le thème touchant au collectif a également étéabordé sous <strong>de</strong>ux ang<strong>les</strong> :- La possibilité qu’introduisent <strong>les</strong> nouvel<strong>les</strong> <strong>technologies</strong>d’un travail plus collaboratif facilitant la mise enplace <strong>de</strong> projets transversaux,- La possibilité <strong>de</strong> tempérer le nombre <strong>de</strong> réunions parl’usage du mail (ce <strong>de</strong>rnier prenant le pas <strong>sur</strong> le mo<strong>de</strong> <strong>de</strong><strong>communication</strong> oral).Toutefois, la majorité du discours pointe <strong>sur</strong> la mauvaiseutilisation <strong>de</strong> la messagerie qui induit <strong>de</strong> nombreusestensions dans le collectif <strong>de</strong> travail. En effet, l’écrit n’apas le même effet ni <strong>les</strong> mêmes exigences que l’oral et<strong>les</strong> distorsions <strong>de</strong> <strong>communication</strong> semblent nombreuseset rendues visib<strong>les</strong> (multiplication <strong><strong>de</strong>s</strong> copies <strong>de</strong> messages)au sein <strong>de</strong> la structure. Beaucoup soulignent l’obligationqu’ils se font <strong>de</strong> ne pas répondre « du tac au tac »afin <strong>de</strong> ne pas participer à ce processus. Sans compterl’utilisation abusive du mail appelé « patate chau<strong>de</strong> »,qui ne participe pas à un travail collectif mais plutôtau dédouanement <strong>de</strong> la responsabilité dans le travail.La messagerie, en ce qu’elle est un intermédiaire dansla relation avec l’autre peut permettre pour certains <strong><strong>de</strong>s</strong>e cacher et pour d’autres <strong>de</strong> filtrer leurs relations : ellene peut être alors que participative <strong>de</strong> la perte <strong>de</strong> liensdans le collectif. Ces tensions sont assez importantespour que certains se déclarent <strong>de</strong>voir être « comme ondit, modérateur <strong>de</strong> forums ».f) Le métier <strong>de</strong> cadre en ajustement : redéfinir <strong><strong>de</strong>s</strong>règ<strong>les</strong> et <strong><strong>de</strong>s</strong> bonnes pratiquesC’est ainsi que sont abordées majoritairement <strong>les</strong> règ<strong>les</strong>du métier puisque <strong>les</strong> différents discours font état <strong>de</strong> lavolonté <strong>de</strong> création <strong>de</strong> règ<strong>les</strong> soit individuel<strong>les</strong> (pour soiou pour son service), soit organisationnel<strong>les</strong>. La gestion<strong>de</strong> l’activité <strong>de</strong> messagerie est au centre <strong><strong>de</strong>s</strong> préoccupations<strong>de</strong> la mise en place <strong>de</strong> règ<strong>les</strong>, qu’el<strong>les</strong> soientlangagières ou encore techniques (maîtriser son fonctionnement,gérer <strong>les</strong> aléas…). L’arrivée massive <strong><strong>de</strong>s</strong><strong>technologies</strong> et, particulièrement, l’explosion <strong>de</strong> la messagerieexpliquent le flou <strong>de</strong> la situation dans laquelle<strong>les</strong> cadres communiquent entre eux ou avec leur équipe.On sent une volonté <strong>de</strong> vouloir remédier à cet état <strong>de</strong>fait, créateur <strong>de</strong> tensions au sein du collectif du travail.Leurs propos s’accor<strong>de</strong>nt à la fois <strong>sur</strong> la mise enplace <strong>de</strong> règ<strong>les</strong> touchant au statut du mail, à l’envoi dumail mais également aux arborescences permettant <strong><strong>de</strong>s</strong>tocker ce mail. Enfin, on peut également constater lavolonté <strong>de</strong> la mise en place <strong>de</strong> règ<strong>les</strong> plus techniquesà travers l’appropriation qu’ils ont <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> etnotamment lorsqu’ils « bidouillent », « trifouillent » ou« se débrouillent ». Les tensions autour <strong>de</strong> la messagerietraduisent donc en partie cette recherche <strong>de</strong> fixation <strong>de</strong>règ<strong>les</strong>.© Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres71


CHAPITRE III : LES éTUDES DE TERRAINg) Une plus gran<strong>de</strong> visibilité <strong>sur</strong> l’activité : autonomierégulée et contrôlée du travailEnfin la visibilité et le contrôle que cela peut induire <strong>sur</strong>le travail <strong><strong>de</strong>s</strong> autres est un thème également abordé par<strong>les</strong> différents cadres, notamment à travers l’utilisationd’agendas partagés, <strong>de</strong> la messagerie et <strong><strong>de</strong>s</strong> logiciels <strong>de</strong>gestion intégrés. Cette visibilité du travail est importantepour le cadre puisqu’elle permet <strong>de</strong> rendre public,un travail jusque là majoritairement invisible. Cette visibilitése révèle à double tranchant puisqu’elle permet àla fois la reconnaissance hiérarchique (jugement d’utilité),mais également <strong><strong>de</strong>s</strong> collaborateurs (jugement <strong>de</strong>beauté), et aussi le contrôle <strong>de</strong> son travail et <strong>de</strong> sescompétences (ou incompétences) que certain nomme un« regard ».Les cadres prônent massivement la transparence commeune réponse utilitaire à un travail toujours plus collaboratif.On peut alors se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r si le fait <strong>de</strong> se rendrevisible au travers <strong>de</strong> la messagerie et <strong><strong>de</strong>s</strong> agendasne constitue pas également une façon d’exister ou <strong>de</strong>faire exister son travail. Il ne faut toutefois pas oublierque même si la visibilité attachée à la messagerie estindividuelle, l’agenda, lui, est obligatoirement visible.Cette visibilité accroît le sentiment <strong>de</strong> pression ressentipar <strong>les</strong> cadres qui doivent être toujours à la hauteur <strong>de</strong>leur compétence et avoir un agenda rempli « comme uncadre ».Après avoir exploité <strong>les</strong> perceptions <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres <strong>sur</strong> cettethématique, nous allons à présent voir comment ces <strong>de</strong>rniersse comportent vis-à-vis <strong>de</strong> ces dispositifs dans lequotidien <strong>de</strong> leur activité professionnelle.Résultats <strong><strong>de</strong>s</strong> observationsCe tableau nous donne en pourcentage la part d’activitésque chaque type <strong>de</strong> cadres observé (dirigeant, opérationnel,manager) accor<strong>de</strong> à la gestion <strong>de</strong> tâches en lienavec <strong>les</strong> TIC <strong>sur</strong> une journée <strong>de</strong> travail.(en %)Activités / fonctions Dirigeant Encadrant OpérationnelDossier 5 9 4Agenda 2 12 26Messagerie/Bureautique 12 23 38Téléphonie 4 18 16Réunions 58 32 0Contacts 19 6 16Le parallèle peut être fait entre <strong>les</strong> activités <strong><strong>de</strong>s</strong> cadresopérationnels observés, pour <strong>les</strong>quels la part <strong>de</strong> réunionsest inexistante, alors qu’elle est prépondérante chezle dirigeant et assez importante chez l’encadrant. Enrevanche, bureautique et messagerie sont beaucoup plusdéveloppées dans le travail <strong><strong>de</strong>s</strong> chefs <strong>de</strong> projets, car ilsallient fortement travail <strong>de</strong> production dans un contexterelationnel (contacts souvent extérieurs). Le cadre dirigeantquant à lui, avec un rôle plus stratégique, prendune gran<strong>de</strong> part <strong>de</strong> son temps pour la réflexion lors <strong>de</strong>réunions et l’écoute lors <strong>de</strong> relations humaines. Il n’aque peu <strong>de</strong> travail <strong>de</strong> production à faire. Ce qui expliquesa faible utilisation <strong>de</strong> la bureautique. D’autre part, sonutilisation du mail pourtant non négligeable et pas toujoursvisible (lors <strong>de</strong> réunions ou en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> son travail),ne constitue pas son activité principale dans cetteorganisation. En <strong>de</strong>rnier lieu, le cadre manager a <strong><strong>de</strong>s</strong>activités plus diverses dans la journée avec un nombre<strong>de</strong> réunions plus important que le contact individuel.Nous allons nous attar<strong>de</strong>r maintenant <strong>sur</strong> la réalité <strong><strong>de</strong>s</strong>activités <strong>de</strong> chaque cadre, en s’appuyant <strong>sur</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> chroniquesd’activité. Ces chroniques décrivent le déroulement<strong>de</strong> l’activité <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres <strong>sur</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> pério<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong> 3 heures environ,en précisant le type <strong>de</strong> tâches, la durée <strong>de</strong> cel<strong>les</strong>-ciet leur articulation (quelle est celle qui précè<strong>de</strong> ou quisuccè<strong>de</strong> à l’autre).72 © Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres


CHAPITRE III : LES éTUDES DE TERRAINChronique d’activité du cadre dirigeant8765432109h1010h1011h2012h20Lecture :0 : pause1 : Contacts2 : bureautique/agenda3 : réunion4 : messagerie5 : téléphone6 : alarme messagerie7 : courriers8 : LectureComme le montre le graphique ci-<strong><strong>de</strong>s</strong>sus, l’activité messagerie(4) est centrée au milieu <strong>de</strong> la matinée après cequ’on appelle <strong>les</strong> « phases » et qui font référence à <strong><strong>de</strong>s</strong>temps <strong>de</strong> réception <strong><strong>de</strong>s</strong> e-mails. Mais elle est <strong>sur</strong>toutcalée entre <strong>de</strong>ux réunions, ce qui ne permet pas le traitement<strong>de</strong> ses e-mails dans le laps <strong>de</strong> temps disponible.C’est donc un temps assez long que la personne observéeconsacre à la fois aux phases <strong>de</strong> réunions et <strong>de</strong> traitement<strong><strong>de</strong>s</strong> e-mails. Toutefois, <strong>les</strong> temps liants sont trèsbrefs et donnent l’impression <strong>de</strong> ne pas pouvoir s’organiser,d’être happé. Les alarmes messagerie, en mo<strong>de</strong> push<strong>sur</strong> l’ordinateur, sont signalées par un pic bref à 6 et lafin <strong>de</strong> l’activité messagerie se fait en parallèle d’un pointoral avec l’assistante. L’après-midi, une autre réunion luia offert la possibilité <strong>de</strong> pouvoir consulter ses messages<strong>sur</strong> son smartphone. Tout se passe donc comme sicertaines réunions offraient un contexte plus ou moinsfavorable pour un travail <strong>de</strong> régulation (être présent à laréunion tout en gérant ses e-mails…).Cette cadre dirigeante participe d’ailleurs à <strong>de</strong> très nombreusesréunions qui sont donc plus ou moins sollicitanteset engageantes, que ce soit <strong><strong>de</strong>s</strong> réunions qu’elleanime ou pas, à plusieurs ou en binôme, en accompagnementd’un projet ou d’une personne. Elle dit elle-mêmene pas avoir <strong>de</strong> journées types mais décrit une situation« assez décousue ». Son activité messagerie constitueune part non négligeable <strong>de</strong> son activité, même si ellereste moins importante que <strong>les</strong> réunions. En verbalisationconsécutive, elle indique que le tri <strong><strong>de</strong>s</strong> messages quiconsiste à « faire du ménage » n’est pas très intéressant.Les <strong>de</strong>ux activités (réunion et messagerie) se chevauchentd’ailleurs souvent.La consultation <strong><strong>de</strong>s</strong> e-mails ne se fait pas toujours <strong>sur</strong>le lieu <strong>de</strong> travail. Elle se fait partout et à tout moment,car le fait <strong>de</strong> ne pas avoir terminé <strong>de</strong> traiter ses e-mailsne lui donne pas « le sentiment du travail accompli » etla renvoie à une inefficacité et un sentiment <strong>de</strong> « frustration». Mais la réactivité que <strong>de</strong>man<strong>de</strong> la messagerienuit à la qualité du travail et, selon ses propos, « laplus value qu’on apporte dans le travail, elle est beaucoupplus difficile à décrire ». Elle se sent autonome, aimela rapidité et la facilité que lui procurent <strong>les</strong> nouvel<strong>les</strong><strong>technologies</strong>, mais déplore cette même réactivité etle manque <strong>de</strong> règ<strong>les</strong> pour gérer une activité qui prendautant d’importance.© Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres73


CHAPITRE III : LES éTUDES DE TERRAINChronique d’activité pour un cadre manager8765432109h309h3010h3011h30Lecture :0 : pause1 : Contacts2 : bureautique/agenda3 : réunion4 : messagerie5 : téléphone6 : alarme messagerie7 : courriers8 : LectureExemple <strong>de</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong>cription narrative <strong>de</strong> l’activité ducadre manager9h30. Le manager commence par regar<strong>de</strong>r son agendapour voir s’il y a quelque chose <strong>de</strong> nouveau. Puis va rapi<strong>de</strong>ment<strong>sur</strong> sa messagerie repérer <strong>les</strong> messages importants.Il retourne ensuite <strong>sur</strong> son agenda pour pouvoir fixer unren<strong>de</strong>z-vous. Son ren<strong>de</strong>z-vous est refusé : il appelle doncla personne par téléphone. Après s’être mis d’accord, ilretourne <strong>sur</strong> sa messagerie pour finaliser le ren<strong>de</strong>z-vous,lit un message <strong>de</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> renseignement, déci<strong>de</strong>d’appeler sa collaboratrice, à 9h37. À ce moment là,alarme messagerie mais il n’y prête pas attention. À la fin<strong>de</strong> l’appel, il retourne <strong>sur</strong> sa messagerie. Nouvelle alarmemessagerie. Puis rentre son stagiaire dans son bureaupour une question, puis il jette un rapi<strong>de</strong> coup d’œil à sonagenda pour vérification d’une réunion et enfin, répond àl’alarme. Il s’occupe ensuite <strong>de</strong> notes <strong>de</strong> frais <strong>sur</strong> papier.Il déci<strong>de</strong> ensuite <strong>de</strong> faire un compte-rendu <strong>de</strong> réunions. Ilse rend compte qu’il a besoin pour son document <strong>de</strong> messagesqu’on lui a envoyés, va <strong>les</strong> chercher. Il appelle uncollaborateur pour faire son document et écrit en mêmetemps <strong>sur</strong> son document ce qu’on lui dicte par téléphone.Puis il se dit qu’il va envoyer le message, donc relecturemais ne sait pas s’il l’envoie à untel. Il appelle une autrepersonne pour avoir son avis : occupé. Donc, en appelleune autre pour <strong><strong>de</strong>s</strong> explications <strong>sur</strong> le document : à cemoment-là, il jongle entre sa messagerie, le traitement<strong>de</strong> texte et son échange au téléphone. Quand il raccroche,son stagiaire rentre pour une question. Puis son téléphonesonne (rappel <strong>de</strong> la personne occupée) : ils en profitentpour faire un point <strong>sur</strong> le document ensemble. Enmême temps que l’appel, il retravaille son document etson message à la fois. Il raccroche à 10h38. Une alarmemessagerie apparait, il l’éteint. Nouvel appel téléphoniqueà 10h39 pour le prévenir d’une absence. Il se remetensuite <strong>sur</strong> son document et l’envoie à 10h45 : « donc lecompte rendu, c’est bon. » Il envoie également un autremessage. Puis une autre alarme apparait : il s’arrête <strong>de</strong>uxsecon<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong>sus et la jette (pub). Il tente d’appeler <strong>de</strong>uxautres personnes, en vain. Puis téléphone à son stagiaire.Se remet <strong>sur</strong> sa messagerie <strong>sur</strong> laquelle il reste 2 minutes.Il s’occupe ensuite <strong>de</strong> son parapheur. Il appelle ensuiteune personne qui désirait <strong><strong>de</strong>s</strong> renseignements pendant2 à 3 minutes. Durant ce temps d’appel, il cherche <strong><strong>de</strong>s</strong>documents <strong>sur</strong> son ordinateur pour la renseigner. À lafin <strong>de</strong> l’appel, il retourne <strong>sur</strong> sa messagerie et répond àun message. Ensuite, il lance une requête pour vérifierun problème signalé par une collaboratrice, qu’il appellepour lui dire <strong>de</strong> vérifier <strong>de</strong> son côté. Après avoir raccroché,il retourne une <strong>de</strong>rnière fois <strong>sur</strong> la requête pour vérification.N’a aucun problème d’utilisation <strong>de</strong> l’ordinateur.À la fin <strong>de</strong> l’observation, ce manager était en vacances.74 © Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres


CHAPITRE III : LES éTUDES DE TERRAINLe cadre manager a une chronique différente dévoilant<strong><strong>de</strong>s</strong> activités nombreuses mais brèves. Ses activités <strong>les</strong>plus nombreuses se situent entre la ligne 4 et 5, c’està-direqu’il oscille entre téléphone et messagerie, avec<strong><strong>de</strong>s</strong> interruptions fréquentes (5 messages et 2 contactsphysiques) accentuées par le système push, lui <strong>de</strong>mandantd’être à la fois réactif et en mo<strong>de</strong> swap. Même si letravail prévu, à savoir la rédaction d’un document, a ététerminé, la matinée a été <strong>de</strong>nse en micro-tâches qui sesont chevauchées ne lui permettant qu’une concentrationfragmentée et que peu <strong>de</strong> temps pour la réflexion.Il respire quand il signe le parapheur, lorsqu’il fait sanote <strong>de</strong> frais ou qu’il appelle pour répondre à <strong><strong>de</strong>s</strong> renseignements.L’utilisation du téléphone est un véritablechoix, qui permet sans doute <strong>de</strong> se détacher <strong>de</strong> l’outilinformatique quand il ne peut pas être un soutien. Celal’ai<strong>de</strong> dans son travail <strong>de</strong> production. Il indique que cettematinée a été plutôt calme, qu’il a fait ce qu’il s’étaitfixé, sauf une chose qu’il se note pour plus tard.Le cadre opérationnel a une activité principalement <strong>de</strong>messagerie et <strong>de</strong> production <strong>de</strong> dossiers techniques,caractérisée par <strong>de</strong> multip<strong>les</strong> interruptions. Ses tâchessont donc brèves et morcelées, mais contrôlées par unemanipulation <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> qui ne lui pose pas <strong>de</strong>problème. Il gar<strong>de</strong> pour <strong><strong>de</strong>s</strong> moments ultérieurs (chezlui par exemple) <strong>les</strong> e-mails plus exigeants qu’il reçoitavec <strong><strong>de</strong>s</strong> pièces jointes nécessitant <strong>de</strong> la concentrationet du calme. La différence notable avec le cadre opérationnelvu précé<strong>de</strong>mment est que celui-ci manage égalementune équipe. La proportion <strong><strong>de</strong>s</strong> e-mails reçus peutvenir <strong>de</strong> cette double activité : technicien et managerpuisque nous avons vu que le mail peut faire faire l’économie<strong>de</strong> certaines réunions. D’autre part, <strong>les</strong> e-mailsenvoyés le sont en accusé <strong>de</strong> réception afin <strong>de</strong> vali<strong>de</strong>rsa lecture. Il souligne que par peur <strong>de</strong> « se noyer », ilconserve une gestion stricte <strong>de</strong> ses e-mails lui <strong>de</strong>mandant<strong>de</strong> la rigueur et du temps <strong>de</strong> concentration.Chronique d’activité pour un cadre opérationnel8765432109h1510h0012h00Lecture :0 : pause1 : contacts2 : bureautique/agenda3 : réunion4 : messagerie5 : téléphone6 : alarme messagerie7 : courriers8 : lectureDiscussion <strong><strong>de</strong>s</strong> résultatsAu niveau du ressenti et <strong><strong>de</strong>s</strong> pratiques, nous avons vuque <strong>les</strong> <strong>technologies</strong> par <strong>les</strong> cadres pouvaient induireune pression organisationnelle (hiérarchie et collaborateur)qui modifie :- Les capacités d’initiative et d’action du cadre (pouvoird’agir et marge <strong>de</strong> manœuvre),- Le rythme <strong>de</strong> son travail (accélération),- Les relations au travail (déshumanisation),- Un contrôle et une visibilité <strong>de</strong> son travail plus importantepar <strong>les</strong> autres.Ces inci<strong>de</strong>nces sont diversement ressenties par <strong>les</strong> cadresselon <strong>les</strong> fonctions et responsabilités occupées.Plus globalement, on peut dire que ces évolutions quitouchent le métier <strong>de</strong> cadre s’inscrivent dans <strong>les</strong> problématiquesplus larges <strong><strong>de</strong>s</strong> risques psychosociaux où lasanté et l’engagement (charge <strong>de</strong> travail/<strong>de</strong>gré d’autonomie/qualité<strong><strong>de</strong>s</strong> relations humaines) semblent être affectés.Si on ne peut pas trouver <strong>de</strong> lien direct et uniqueentre TIC et bien-être au travail, on peut néanmoins supposerque l’usage intensif <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> d’une part,et <strong>les</strong> pratiques spécifiques (re)déployées d’autre partpour gérer ces (nouvel<strong>les</strong>) exigences du travail médiatisé,peuvent accentuer, voire révéler <strong>les</strong> difficultés, <strong>les</strong>faib<strong>les</strong>ses et le mal-être ressentis par <strong>les</strong> cadres.En marge <strong>de</strong> la pression collective, le cadre opérationnel,spécialiste <strong>de</strong> son expertise, n’est pourtant pas épargné par© Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres75


CHAPITRE III : LES éTUDES DE TERRAIN<strong>les</strong> conséquences que peuvent avoir <strong>les</strong> <strong>technologies</strong> <strong>sur</strong>le plaisir <strong>de</strong> faire son travail. En effet, leur usage entraîneune déqualification par <strong><strong>de</strong>s</strong> métho<strong><strong>de</strong>s</strong> automatisées et uneperte <strong>de</strong> compétences <strong>sur</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> outils aujourd’hui indispensab<strong>les</strong>.Cette étu<strong>de</strong> ne permet pas <strong>de</strong> distinguer entre <strong>les</strong>conséquences <strong><strong>de</strong>s</strong> pratiques dues à une mauvaise utilisationet cel<strong>les</strong> dues à une utilisation rationnelle. Il seraitintéressant, à la fois pour la recherche et pour <strong>les</strong> organisations,d’axer un travail <strong>sur</strong> cette problématique afin <strong><strong>de</strong>s</strong>e tourner vers <strong><strong>de</strong>s</strong> solutions pratiques pour favoriser unmeilleur équilibre.Le rôle <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC dans la fragmentation et la dispersion <strong>de</strong> l’activité : le cas d’unecadre dirigeanteRésumé : à partir d’une analyse ethnographique <strong>de</strong>l’activité réelle d’une cadre dirigeante basée <strong>sur</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong>protoco<strong>les</strong> instrumentés (subcam et caméra-trépied),cette étu<strong>de</strong> se propose d’examiner la manière dont<strong>les</strong> TIC reconfigurent le travail et induisent une fragmentationimportante <strong>de</strong> son activité. L’objectif est <strong>de</strong>déterminer ce qui est mis en œuvre – en termes <strong>de</strong>compétences, <strong>de</strong> méta-travail – pour à la fois gérerl’articulation entre ces différentes sous-tâches disperséeset retrouver du sens dans un système d’activitééclaté. Cette organisation particulière réclame unecompétence spécifique et importante, un savoir-faire<strong>de</strong> dispersion-aptitu<strong>de</strong> cognitive à s’inscrire dans <strong>de</strong>multip<strong>les</strong> engagements.Mots clefs : Fragmentation <strong>de</strong> l’activité, savoir-faire<strong>de</strong> dispersion, cadre <strong>de</strong> <strong>communication</strong> ; observationfilmée par subcam.Contexte <strong>de</strong> l’étu<strong>de</strong> et problèmes posésCette étu<strong>de</strong> à été réalisée au sein d’une multinationalealleman<strong>de</strong> <strong>de</strong> la chimie. Les activités du groupe se divisenten trois sociétés opérationnel<strong>les</strong> qui bénéficient dusoutien <strong>de</strong> trois sociétés <strong>de</strong> services. Les sociétés opérationnel<strong>les</strong>et <strong>les</strong> sociétés <strong>de</strong> services travaillent sous leurpropre responsabilité et sont placées sous la direction<strong>de</strong> la holding, qui définit <strong>les</strong> valeurs, <strong>les</strong> objectifs et<strong>les</strong> stratégies communs à l’ensemble <strong>de</strong> l’entreprise. En2009, le groupe comptait un effectif <strong>de</strong> plus <strong>de</strong> 100 000salariés.En France, <strong>les</strong> activités <strong><strong>de</strong>s</strong> trois sociétés opérationnel<strong>les</strong>sont dispersées <strong>sur</strong> tout le territoire. Le groupe France aconnu en 2009 une fusion entre différentes entités : juridique,opérationnelle, RH et l’entité <strong>de</strong> la holding. De cecontexte, ont été déployés un projet <strong>de</strong> réorganisation<strong><strong>de</strong>s</strong> fonctions support du groupe France (Communication- Achat-Ressources Humaines…) ainsi que la mise enplace <strong>de</strong> communautés <strong>de</strong> travail afin <strong>de</strong> développer <strong>les</strong>synergies entre ces entités et <strong><strong>de</strong>s</strong> projets communs. Deslea<strong>de</strong>rs pour chaque fonction support ont été nomméspar le prési<strong>de</strong>nt du groupe France afin <strong>de</strong> coordonnerces communautés transversa<strong>les</strong>. Des projets transversauxont également vu le jour afin <strong>de</strong> favoriser la coopérationentre acteurs géographiquement distants, n’appartenantpas à la même entité juridique, ni à la même sociétéopérationnelle. C’est le cas <strong>de</strong> la cadre dirigeante qui aété le sujet <strong>de</strong> notre recherche.Ce contexte <strong>de</strong> travail en projet multi-sites exige l’utilisation<strong><strong>de</strong>s</strong> TIC afin <strong>de</strong> pouvoir mener <strong><strong>de</strong>s</strong> projets nécessitantune coopération avec <strong><strong>de</strong>s</strong> acteurs distants et éclatésgéographiquement.Comment s’organise <strong>les</strong> diverses activités <strong><strong>de</strong>s</strong> acteursdans ce contexte ? Quel rôle jouent <strong>les</strong> TIC <strong>sur</strong> cettearticulation <strong>de</strong> tâches, <strong>de</strong> rô<strong>les</strong> et <strong>de</strong> fonctions ? Quel<strong>les</strong>sont <strong>les</strong> compétences à développer au sein <strong><strong>de</strong>s</strong> organisationsafin que l’usage <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC et <strong>les</strong> mo<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong> gestion <strong><strong>de</strong>s</strong>activités sous forme <strong>de</strong> « projets transversaux » et <strong><strong>de</strong>s</strong>ressources ne soient pas une charge supplémentaire pour<strong>les</strong> acteurs du travail mais un potentiel pour le développement<strong><strong>de</strong>s</strong> activités professionnel<strong>les</strong> ?Principaux concepts théoriques mobilisésAfin <strong>de</strong> saisir cette complexité d’organisation, il estnécessaire <strong>de</strong> s’appuyer <strong>sur</strong> divers modè<strong>les</strong> théoriques <strong>de</strong>référence. D’une part, le contexte dans lequel se déroulel’activité (notion <strong>de</strong> système d’activité) et, d’autre part,<strong>les</strong> rapports entre TIC et activité (notion d’artefactscognitifs et <strong>de</strong> méta-travail).• Artefacts cognitifs et attracteurs cognitifsDans un cadre professionnel, nous pouvons reporter à lanotion d’artefact cognitif <strong>de</strong> Norman (1991) l’ensemble<strong><strong>de</strong>s</strong> supports matériels/technologiques présents, utilisésou non par l’acteur du travail pour réaliser son activité.Présenté comme autant <strong>de</strong> ressources et <strong>de</strong> contraintepour l’utilisateur, l’usage <strong>de</strong> ces artefacts cognitifs peutsusciter un coût cognitif. Ce <strong>de</strong>rnier aspect a été développépar Lalhou (2000) au travers <strong><strong>de</strong>s</strong> « attracteurscognitifs ».76 © Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres


CHAPITRE III : LES éTUDES DE TERRAIN• Système d’activitéPar là, nous entendons un système minimal à partirduquel on puisse analyser une activité professionnelle.Cette approche développée par Engeström (1987) meten avant l’idée que toute activité orientée vers un objetpasse par <strong><strong>de</strong>s</strong> artefacts et s’inscrit socialement dans ununivers <strong>de</strong> règ<strong>les</strong>, dans une communauté elle-même liéeà une division du travail.Système d’activité, Engeström (1987)Artefacts, outils, signesSujetObjetSignificationRésultatRèg<strong>les</strong> Communauté Division du travailD’après ce modèle, <strong>les</strong> cadres, grands utilisateurs <strong>de</strong> TIC(progiciels intégrés <strong>de</strong> gestion, espace et agenda partagés,outils collaboratifs …), se voient projeter, selon <strong>les</strong>usages et <strong>les</strong> dispositifs utilisés, dans une communautéspécifique et soumis à une certaine division du travailainsi qu’à un univers <strong>de</strong> règ<strong>les</strong> particulier.• Le métatravailGonzalez, V.M. & Mark, G. (2004) ont montré que <strong>les</strong> salariésqui réalisaient un travail intellectuel étaient souventconfrontés à <strong><strong>de</strong>s</strong> engagements multip<strong>les</strong> et à la gestion <strong>de</strong>nombreuses tâches à traiter en parallèle ou se succédantrapi<strong>de</strong>ment. Et c’est ce travail d’ajustement permanententre diverses « sphères d’activité » que <strong>les</strong> auteurs appellentle métatravail. Il permet au salarié d’organiser et <strong>de</strong>coordonner <strong>les</strong> différentes sphères. Les cadres sont doncpotentiellement sujets à ce méta-travail, et plus encoreavec l’accès à différents contextes technologiques.Problématique et questions <strong>de</strong> rechercheParce que le cadre est potentiellement confronté à unevariété d’activités, <strong>de</strong> tâches et d’interlocuteurs, il s’agit<strong>de</strong> montrer comment l’usage <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> peut susciteret/ou accentuer un mouvement généralisé <strong>de</strong> fragmentation<strong><strong>de</strong>s</strong> tâches. Nous cherchons à montrer aussi<strong>de</strong> quelle manière cette fragmentation requiert <strong>de</strong> la partdu cadre un méta-travail pour retrouver du sens et <strong>de</strong> lacohérence dans une activité éclatée.Quel est donc le rôle <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC dans la fragmentation <strong>de</strong>l’activité ? Quels en sont <strong>les</strong> impacts <strong>sur</strong> le travail ? Quel<strong>les</strong>sont <strong>les</strong> compétences et stratégies déployées à cause ougrâce à cette fragmentation ? C’est à ces différentes questionsque notre étu<strong>de</strong> va tenter d’apporter <strong><strong>de</strong>s</strong> réponses.Démarche méthodologique• Sujet <strong>de</strong> l’étu<strong>de</strong>La personne observée, Mme A., âgée <strong>de</strong> 52 ans, est cadredirigeante, directrice <strong>de</strong> la Communication. Elle est leprincipal relais en France pour la <strong>communication</strong> dugroupe. Madame A. est aussi lea<strong>de</strong>r <strong>de</strong> la communautéCommunication, regroupant <strong>les</strong> collaborateurs <strong>de</strong> différentsservices RH en France.• Techniques d’observation déployéesL’observation a paru la métho<strong>de</strong> la plus efficace pour rendrecompte <strong>de</strong> ce que font réellement <strong>les</strong> sujets et <strong>sur</strong>toutcomment et pourquoi ils le font. Pour cela, nous avonsélaboré trois protoco<strong>les</strong> d’observation (« Papier Crayon » ;« Caméra subjective = subcam » ; « Caméra <strong>sur</strong> pied »)susceptib<strong>les</strong> <strong>de</strong> nous apporter autant <strong>de</strong> points <strong>de</strong> vue que<strong>de</strong> types <strong>de</strong> données différentes. Aussi notre protocoled’étu<strong>de</strong> a été progressif. (i) Après un contact rapprochéet <strong><strong>de</strong>s</strong> entretiens semi-directifs réalisés avec le sujet, (ii)nous avons réalisé une série d’observations non instrumentées(papier crayon) dont l’objectif était <strong>de</strong> suivre<strong>sur</strong> une journée <strong>de</strong> travail l’activité du sujet et <strong>de</strong> notertout ce qu’il faisait. Après cette première phase exploratoire,(iii) nous avons réussi à faire accepter le principed’observation par caméras (protocole sub-cam et camératrépied).© Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres77


CHAPITRE III : LES éTUDES DE TERRAINLa subcam (ou caméra subjective) est une micro-caméraauto-portée par le sujet qui permet <strong>de</strong> filmer d’après sonpoint <strong>de</strong> vue. L’observation, d’une durée <strong>de</strong> 4h18, a permis<strong>de</strong> recueillir tout un ensemble <strong>de</strong> données visuel<strong>les</strong>et sonores, puisque le sujet était invité à penser à hautevoix (verbalisation simultanée).• Métho<strong>de</strong> <strong>de</strong> la verbalisation simultanéeIl était intéressant d’aller au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> l’observable et <strong>de</strong>pouvoir saisir la réalité cognitive du sujet en situation <strong>de</strong>travail. La technique <strong>de</strong> verbalisation simultanée (selonla consigne <strong>de</strong> ‘’penser à haute voix’’ durant la réalisation<strong>de</strong> l’activité) permet ainsi <strong>de</strong> s’approcher du fonctionnementcognitif du sujet étudié (stratégies, raisonnements,décisions, choix, difficultés, besoins d’informations…).• Traitement <strong><strong>de</strong>s</strong> donnéesL’analyse <strong><strong>de</strong>s</strong> données s’est faite selon <strong>de</strong>ux métho<strong><strong>de</strong>s</strong> :- Analyse qualitative : une première grille d’analyse a étéconstituée avec comme axes <strong>de</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong>cription : la dynamique<strong><strong>de</strong>s</strong> activités et leur temporalité, <strong>les</strong> actions etopérations réalisées, le type d’outil utilisé et son usagedédié. Le but était <strong>de</strong> répertorier la nature <strong><strong>de</strong>s</strong> différentestâches en lien avec <strong>les</strong> TIC ainsi que leur articulation.- Analyse quantitative: grâce aux enregistrements vidéo,un <strong>de</strong>uxième traitement <strong><strong>de</strong>s</strong> données a été réalisé àpartir du logiciel Captiv-L2100 v3.3 18 . Cet outil nous apermis d’annoter et <strong>de</strong> quantifier plus précisément <strong>les</strong>événements selon divers registres : fréquence, durée,répartition…Principaux résultats et analysesDurant <strong>les</strong> 4 heures d’observation, l’activité <strong>de</strong> Mme A.porte <strong>sur</strong> 4 grands domaines (informationnel, relationnel,opérationnel et transactionnel) qui recoupent 9 actions :- rédiger <strong><strong>de</strong>s</strong> courriers électroniques pour inviter <strong><strong>de</strong>s</strong> collaborateursinternes à <strong><strong>de</strong>s</strong> événements (act. 1 et 2),- contrôler le contenu d’une page intranet et échanger, àce sujet, avec J. (développeur basé à Lyon) (act. 3),- échanger avec J. <strong>de</strong> la présentation <strong><strong>de</strong>s</strong> organigrammes<strong>sur</strong> l’intranet (act. 4),- traiter un problème <strong>de</strong> facture avec son assistante (act.5),- traiter le sujet « journal interne » (act. 6),- réguler <strong>les</strong> messages et traiter différentes tâchesannexes (act. 7),- répondre aux sollicitations extérieures (act. 8), traiterun problème personnel (act. 9).À partir <strong>de</strong> l’analyse qualitative <strong><strong>de</strong>s</strong> données, nous avonspu mettre en évi<strong>de</strong>nce l’extrême fragmentation <strong>de</strong> l’activitédu sujet. Rapportée à un diagramme temporel,l’activité se décline en 54 séquences différentes quis’éparpillent entre une pério<strong>de</strong> qui va <strong>de</strong> 14h15 (début)et 18h15 (fin d’enregistrement) : soit un changementd’activité toutes <strong>les</strong> 4 minutes 30 en moyenne commel’indique le graphe ci-<strong><strong>de</strong>s</strong>sous.Diagramme temporel présentant la fragmentation <strong>de</strong> l’activité* 14H15 15H 16H 17H 18H 18H15Act. 9Act. 8Act. 7Act. 6Act. 5Act. 4Act. 3Act. 2Act. 1*Act. = actions 1 à 9, voir détail dans le texte18. http://www.teaergo.com/78 © Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres


CHAPITRE III : LES éTUDES DE TERRAIN• Une activité essentiellement médiée.L’activité <strong>de</strong> notre sujet s’effectue pour 87 % du temps(base d’observation <strong>de</strong> 4h18) à partir <strong>de</strong> l’utilisation <strong><strong>de</strong>s</strong>TIC (Cf. tableau ci-<strong><strong>de</strong>s</strong>sous). Si le téléphone reste l’outille plus utilisé en terme <strong>de</strong> temps (avec toutefois <strong><strong>de</strong>s</strong>résultats incertains : 5 tentatives échouées), la messagerieélectronique est l’outil qui nécessite le plus grandnombre d’opérations (208). Dans cet usage, le sujet vaalors alterner très rapi<strong>de</strong>ment diverses actions, passant<strong>de</strong> la lecture, à l’écriture, à la consultation <strong><strong>de</strong>s</strong> messages...Nombre et durée <strong><strong>de</strong>s</strong> états (logiciel Captiv)Outils Type d'Usage N Temps total% du tempstotalTemps moyenRépond 8 00:48:11 22,71 % 00:06:01TéléphoneAppelle 8 00:36:22 17,14 % 00:04:32Messagerie ElectroniqueOutils MessagerieIntranetConsultation 65 00:17:51 7,98 % 00:00:16Lecture 86 00:19:46 8,84 % 00:00:13Rédige 36 00:23:40 10,59 % 00:00:39Répond 21 00:13:58 6,25 % 00:00:39Agenda 8 00:01:41 0,75 % 00:00:12Recherche Msg 22 00:02:37 1,17 % 00:00:07Lecture 15 00:10:24 4,67 % 00:00:41Navigation 14 00:05:44 2,58 % 00:00:24Internet Recherche 7 00:06:43 3,22 % 00:00:57Archivage 4 00:01:01 0,46 % 00:00:15Système d’exploitation Lecture 38 00:21:08 9,45 % 00:00:33<strong>de</strong> l’ordinateurRecherche 35 00:06:28 2,89 % 00:00:11Logiciel 15 00:16:53 7,55 % 00:01:07• TIC et fragmentation <strong>de</strong> l’activitéPour appréhen<strong>de</strong>r plus finement la fragmentation, nousnous sommes intéressés à l’activité « 3 » (évaluation parle cadre d’une page intranet entrecoupée d’interactionsà distance avec un collaborateur), dans la me<strong>sur</strong>e oùcelle-ci témoigne bien du partage et d’un basculemententre diverses sphères d’activité : celle du cadre, cellepartagée et créée ad hoc avec son interlocuteur, celleenfin en lien avec <strong>les</strong> diverses TIC utilisées.aura fait du message <strong>de</strong> l’autre, dépendant <strong>de</strong> l’activité<strong>de</strong> régulation <strong>de</strong> chacune <strong><strong>de</strong>s</strong> parties. Le cours d’actiondu travail se trouve ainsi fragmenté en raison <strong><strong>de</strong>s</strong> interruptionsque rencontre Mme A., véhiculées par diversartefacts technologiques (téléphone, e-mails). Ces cé<strong>sur</strong>essont autant <strong>de</strong> contraintes pour l’activité en coursmais aussi <strong>de</strong> leviers pour la réalisation d’autres activités.La réalisation <strong>de</strong> l’activité 3 (« Podcast ») est dépendante<strong><strong>de</strong>s</strong> échanges entre Mme A. et son interlocuteur(J., Développeur web, membre <strong>de</strong> la communauté Communication).L’activité est structurée dans le temps enfonction du caractère asynchrone <strong><strong>de</strong>s</strong> interactions (paréchange d’e-mails) mais aussi du traitement que l’un© Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres79


CHAPITRE III : LES éTUDES DE TERRAINObservations réalisées par caméras <strong>sur</strong> la sous-tâche 3 Pod-cast (cf. représentation schématique ci-après) :Alors que Mme A. est investie dans son activité 1 (organisationd’une manifestation <strong>de</strong> golf), elle déci<strong>de</strong> <strong>de</strong> rechercherun message <strong>sur</strong> cette tâche dans <strong>les</strong> archives <strong>de</strong> la messagerieélectronique. Elle passe par l’interface <strong>de</strong> consultationet, <strong>de</strong> ce fait, se retrouve confrontée à l’envoi d’un nouveaumail par J. (Act. 3 « Podcast »). Mme A. traite instantanémentl’information, en mettant en suspend l’activité 1.Cependant, elle subira une minute après une interruption,cette fois-ci téléphonique, provenant <strong>de</strong> l’extérieur. MmeA. traitera la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> (Act. 8 « clients ») en mettanten suspend l’activité 3. Elle reviendra <strong>sur</strong> celle-ci une foisla <strong>de</strong>man<strong>de</strong> terminée (la figure ci-<strong><strong>de</strong>s</strong>sous représente <strong>les</strong>digressions entre ces diverses sous-tâches).On observe aussi que Mme A. se sert <strong>de</strong> son investissementdans l’activité 3 pour enclencher un autre sujet <strong>de</strong>discussion avec J. (Act 4. « Organigramme ») mais via unmo<strong>de</strong> d’interaction différent : le téléphone. Il apparaîttoutefois que la tentative <strong>de</strong> « rebond » échoue à cause<strong>de</strong> l’impossibilité d’établir le contact (J. ne répond pas).Cette action ratée sera réamorcée à partir <strong><strong>de</strong>s</strong> autresséquences <strong>de</strong> l’activité 3 mais échouera <strong>de</strong> nouveau. El<strong>les</strong>era alors enclenchée dans un troisième temps à partird’une activité <strong>de</strong> régulation <strong><strong>de</strong>s</strong> messages qu’effectueraMme A. Elle est en effet confrontée à un mail <strong>de</strong> J.,non fermé, maintenu volontairement dans l’espace <strong>de</strong> samessagerie électronique (sous forme d’onglet).Description d’une séquence <strong>de</strong> fragmentation <strong>de</strong> l’activitéClients14H30 15H20Téléphone :16HInterruptionMail : RégulationAttractionRégulationOrganigrammePodCastTéléphone :ÉchecTéléphone :ÉchecTéléphone :RéussiteManifestationGolfMail : Attraction/Interruption/OpportunitéCet e-mail persistant qui sollicite une action du sujetcorrespond à ce que nous avons appelé un « fragmentd’activité ». Il est la conséquence directe <strong>de</strong> la fragmentationdu travail. Ce sont <strong><strong>de</strong>s</strong> micro-tâches disséminéesdans l’activité, quelquefois esquissées, le plus souventinachevées, qui n’ont pas encore été traitées par le sujet(par manque <strong>de</strong> temps ou <strong>de</strong> ressources) et qui sont enattente d’une réalisation définitive. Ces fragments persistentnéanmoins dans l’espace mnésique, perceptif et/oumatériel du sujet (via <strong><strong>de</strong>s</strong> traces d’activité, <strong><strong>de</strong>s</strong> repères,<strong><strong>de</strong>s</strong> écrits, <strong><strong>de</strong>s</strong> artefacts…) et réorientent l’activité dusujet lorsqu’ils s’imposent <strong>de</strong> nouveau à lui. Autrementdit, <strong>les</strong> TIC contribuent à fragmenter le travail en générant<strong><strong>de</strong>s</strong> fragments d’activité qui sont autant d’indices quele sujet a la possibilité <strong>de</strong> réamorcer à différentes temporalitésdans une action afin d’arriver à l’aboutissement <strong>de</strong>l’activité. Toutefois, pour rendre cohérent cet ensemble,un métatravail s’avère nécessaire afin d’articuler <strong>les</strong> soustâcheséparpillées et <strong>de</strong> retrouver un sens global, au prixd’efforts cognitifs importants : basculer d’une tâche à uneautre en retrouvant le fil <strong>de</strong> son activité.Outre la charge <strong>de</strong> travail requise pour réarticuler cetensemble <strong>de</strong> sous-tâches disparates et dispersées en untout cohérent, le sujet doit également faire l’effort <strong>de</strong> seréajuster constamment à différents contextes <strong>de</strong> travail.80 © Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres


CHAPITRE III : LES éTUDES DE TERRAINEn effet, à cause <strong>de</strong> cette fragmentation, le cadre seretrouve projeté dans différents systèmes d’activité oùil endosse différents rô<strong>les</strong> et fonctions, il est associéà différentes communautés <strong>de</strong> travail et est soumis àdiverses règ<strong>les</strong> et divisions <strong>de</strong> travail, comme l’indiquela séquence d’analyse suivante.En effet, en analysant plus finement la séquence ci-<strong><strong>de</strong>s</strong>sus(cf. tâches réalisées ci-après) dans un cours d’action<strong>de</strong> 11 minutes, nous voyons que Madame C. réalise 4activités différentes (contact avec le client, gestion <strong>de</strong>l’organigramme, organisation <strong>de</strong> l’évènement Golf et gestiondu projet Golf), requérant à chaque fois une postureprofessionnelle particulière : tour à tour collaboratrice,experte, chef <strong>de</strong> projet, cliente, prestataire, directrice <strong>de</strong>la <strong>communication</strong>. Elle bascule aussi entre divers registres<strong>de</strong> <strong>communication</strong> (interactions écrites, ora<strong>les</strong>, physiques/virtuel<strong>les</strong>)en utilisant <strong><strong>de</strong>s</strong> supports techniquesadaptés aux exigences et finalités <strong>de</strong> la situation (voirTableau Fragmentation <strong>de</strong> l’activité et basculement entredivers systèmes d’activité page suivante). Chaque systèmed’activité exige aussi <strong><strong>de</strong>s</strong> procédures et <strong><strong>de</strong>s</strong> règ<strong>les</strong> spécifiques(<strong>de</strong> contrôle, <strong>de</strong> vérification, <strong>de</strong> suivi d’activité,d’information…), un vocabulaire et <strong><strong>de</strong>s</strong> connaissancesparticulières.Tâches réalisées11 minutes15H20ClientsOrganigrammePodCastGolf© Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres81


CHAPITRE III : LES éTUDES DE TERRAINTableau présentant la fragmentation <strong>de</strong> l’activité et le basculement entre divers systèmesd’activitéActivitésAct. 1« Golf »Act. 3« Podcast »Act. 4« Organigramme »Act. 8« Clients »Act. 1« Golf »Act. 3« Podcast »Act. 4« Organigramme »Act. 8« Clients »Positions professionnel<strong>les</strong>ExpertExpertCadre ResponsableCadre ManagerInterface client / Sourced’informationsExpertExpertCadre ResponsableCadre ManagerInterface client / Sourced’informationsRegistres <strong>de</strong><strong>communication</strong>Interaction écrite / Collaborateurs<strong>de</strong> l’entrepriseInteraction écrite / CollaborateurCommunauté <strong>de</strong>travailInteraction orale / Collaborateurcommunauté <strong>de</strong>travailInteraction orale / ClientsInteraction écrite / Collaborateurs<strong>de</strong> l’entrepriseInteraction écrite / CollaborateurCommunauté <strong>de</strong>travailInteraction orale / Collaborateurcommunauté <strong>de</strong>travailInteraction orale / ClientsUsages <strong><strong>de</strong>s</strong> TICMessagerie électronique :Archive / Canal <strong>de</strong> <strong>communication</strong>Intranet : Outil <strong>de</strong> travailMessagerie électroniqueOutil <strong>de</strong> <strong>communication</strong>asynchroneTéléphone : Outil <strong>de</strong> <strong>communication</strong>synchroneIntranet : Source d’informationsMessagerie électronique :Archive / Canal <strong>de</strong> <strong>communication</strong>Intranet : Outil <strong>de</strong> travailMessagerie électroniqueOutil <strong>de</strong> <strong>communication</strong>asynchroneTéléphone : Outil <strong>de</strong> <strong>communication</strong>synchroneIntranet : Source d’informationsDiscussionDans le cadre <strong>de</strong> cette étu<strong>de</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> conséquences <strong>de</strong> lafragmentation <strong>de</strong> l’activité liée aux TIC, nous avons purepérer trois types <strong>de</strong> risques pour l’individu.- D’abord, une charge cognitive élevée : cette fragmentationconduit à <strong><strong>de</strong>s</strong> va-et-vient incessants et épuisantsentre plusieurs sous-tâches qu’il faut réamorceret recoller à chaque fois pour retrouver un semblant <strong>de</strong>cohérence dans le travail. Cette mise en perspective <strong>de</strong>l’activité (méta-travail) est un travail supplémentairequi requiert <strong><strong>de</strong>s</strong> efforts importants (<strong>de</strong> concentration, <strong>de</strong>mémoire, <strong>de</strong> dé/re-liaison…), afin que l’activité fina<strong>les</strong>oit finalement plus que l’assemblage chaotique <strong>de</strong> fragmentsépars <strong>de</strong> travail.En l’absence d’un tel travail d’articulation, l’autre risqueest que l’activité per<strong>de</strong> <strong>de</strong> son sens, se vi<strong>de</strong> <strong>de</strong> sa substanceet décourage finalement le cadre confronté à unesérie d’activités inachevées ou empêchées…, bref à untravail qui lui échappe.- L’autre risque mis en lumière par nos analyses est le<strong>sur</strong>-travail, et donc le <strong>sur</strong>-coût requis par <strong>les</strong> (ré)engagementssuccessifs du cadre dans <strong>les</strong> différents systèmesd’activité auxquels le renvoient <strong>les</strong> sollicitations <strong>de</strong> sonenvironnement technologique. La gestion <strong>de</strong> cette polycontextualitéest très exigeante puisqu’elle nécessite,comme on l’a vu dans l’exemple précé<strong>de</strong>nt, <strong><strong>de</strong>s</strong> réajustementssocio-professionnels constants associés à unecertaine soup<strong>les</strong>se cognitive.- Au final, cette activité réflexive permet <strong>de</strong> « faire fonctionnermalgré tout le travail » (Schmidt, 2002). Elle estnon prévue, non programmée, non comptabilisée. El<strong>les</strong>’ajoute au travail et contribue bien souvent à sa pénibilitécar elle <strong>de</strong>meure largement invisible au sein <strong>de</strong>l’organisation, ne <strong>de</strong>venant visible qu’en creux, lorsque<strong>les</strong> travailleurs n’arrivent plus à la gérer.Liée à l’intensification du travail et au stress vécu par<strong>les</strong> cadres, la fragmentation <strong>de</strong> l’activité apparaît donccomme un élément majeur <strong>de</strong> leur activité. La capacité àsavoir réguler, coordonner et gérer ces divers fragmentsd’activité semble être une habileté professionnelleimportante du métier. Elle se double également d’unsavoir-faire <strong>de</strong> dispersion, aptitu<strong>de</strong> cognitive à s’inscriredans <strong>de</strong> multip<strong>les</strong> engagements. Indiscutablement, cesont <strong><strong>de</strong>s</strong> évolutions professionnel<strong>les</strong> notab<strong>les</strong> du métier<strong>de</strong> cadre.82 © Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres


CHAPITRE III : LES éTUDES DE TERRAINLe travail d’articulation dans le management à distance : le cas <strong>de</strong> cadres managersRésumé : dans un contexte très particulier <strong>de</strong> coopérationentre cadres (opérationnels et managers) pour l’élaboration<strong>de</strong> projets, cette étu<strong>de</strong> cherche à montrer commentcette activité collaborative se déroule et quel<strong>les</strong> sont <strong>les</strong>ressources matériel<strong>les</strong> (technologiques) et professionnel<strong>les</strong>(compétence d’articulation) nécessaires pour que cetravail puisse malgré tout se tenir et se dérouler <strong>sur</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong>temporalités et dans <strong><strong>de</strong>s</strong> espaces géographiques différents.L’étu<strong>de</strong> montre que <strong>les</strong> TIC sont <strong><strong>de</strong>s</strong> ressources nécessairesà ce travail d’articulation en permettant <strong>de</strong> partageret/ou gérer <strong><strong>de</strong>s</strong> données, <strong><strong>de</strong>s</strong> projets, <strong><strong>de</strong>s</strong> problèmes, et<strong><strong>de</strong>s</strong> préoccupations communes.Pour autant, si l’utilisation <strong>de</strong> TIC paraît indispensablepour soutenir l’activité, pour s’affranchir <strong>de</strong> la distanceou encore pour définir un cadre directif et <strong><strong>de</strong>s</strong> supportsà l’action et la coordination entre acteurs, elle n’esttoutefois pas suffisante.Il existe en effet un important travail peu conscientisé,informel, très relationnel, mais aussi cognitif et organisationnel,qui rend possible <strong>de</strong> « faire tenir l’ensemble» tout au long <strong>de</strong> son déroulement. Ces multip<strong>les</strong>niveaux d’articulation représentent un « travail supplémentaire» constant, délicat, souvent imprévu, quinourrit et établit le sens accordé au travail mais, dansle même temps, qui peut se révéler lourd et épuisant,<strong>sur</strong>tout s’il ne trouve pas sa reconnaissance.Mots clefs : Articulation, coopération, coordination.Le contexte <strong>de</strong> l’interventionCette étu<strong>de</strong> s’est déroulée dans un organisme <strong>de</strong> formationà <strong><strong>de</strong>s</strong>tination d’un public nombreux et varié. Nousnous sommes focalisés plus particulièrement <strong>sur</strong> le sitequi pilote l’ensemble <strong>de</strong> l’activité et en as<strong>sur</strong>e près <strong>de</strong> lamoitié. C’est aussi là que sont basées l’équipe <strong>de</strong> directionet la majorité <strong><strong>de</strong>s</strong> responsab<strong>les</strong> et <strong><strong>de</strong>s</strong> assistants. Autotal, 220 salariés travaillent pour cet organisme, mais,pour nombre d’entre eux, à distance.En effet, seu<strong>les</strong> vingt-trois personnes, cadres (directionet responsab<strong>les</strong> pédagogiques) et assistants, travaillentrégulièrement <strong>sur</strong> le site. Les trente-trois coordonnateurset <strong>les</strong> formateurs pilotes peuvent as<strong>sur</strong>er une partie <strong>de</strong>leur service <strong>sur</strong> <strong>les</strong> différents sites où ils disposent d’unespace <strong>de</strong> travail partagé qu’ils occupent plus ou moinsrégulièrement en fonction, notamment, <strong><strong>de</strong>s</strong> calendriers<strong>de</strong> formation ou <strong>de</strong> l’éloignement <strong><strong>de</strong>s</strong> lieux <strong>de</strong> formation.Enfin la majorité <strong><strong>de</strong>s</strong> salariés ne sont présents que trèsponctuellement <strong>sur</strong> l’un <strong><strong>de</strong>s</strong> sites. Ainsi, <strong>les</strong> formateurssont essentiellement basés <strong>sur</strong> <strong>les</strong> lieux <strong>de</strong> formation.D’autres travaillent, pour partie, <strong>de</strong>puis leur domicile :c’est le cas, par exemple, <strong>de</strong> la personne en charge <strong>de</strong>la coordination d’une <strong><strong>de</strong>s</strong> formations régulièrement programméesou encore du responsable informatique.Différentes responsabilités et fonctions <strong>de</strong> cadres managerset opérationnels sont également impliquées dans lagestion <strong>de</strong> ces formations : <strong><strong>de</strong>s</strong> responsab<strong>les</strong> pédagogiques(pilotent <strong><strong>de</strong>s</strong> dispositifs <strong>de</strong> formation), <strong><strong>de</strong>s</strong> coordinateurs(mettent en œuvre <strong>les</strong> cursus <strong>de</strong> formation dansun domaine d’activité et pour une qualification donnée),<strong>les</strong> formateurs-pilotes (animent et coordonnent un site<strong>de</strong> formation), <strong>les</strong> formateurs et leur assistant (s’occupent<strong><strong>de</strong>s</strong> sessions <strong>de</strong> formation).Problème posé et enjeuxL’élaboration, l’organisation et la mise en œuvre <strong>de</strong> formationsse déroulent dans <strong><strong>de</strong>s</strong> temporalités différenteset <strong><strong>de</strong>s</strong> espaces pluriels. Une planification <strong><strong>de</strong>s</strong> formationsselon <strong><strong>de</strong>s</strong> calendriers différents, <strong><strong>de</strong>s</strong> échéances et <strong><strong>de</strong>s</strong>durées variab<strong>les</strong> rythment et ca<strong>de</strong>ncent l’organisation<strong><strong>de</strong>s</strong> formations, parfois dans <strong><strong>de</strong>s</strong> enchevêtrements et<strong><strong>de</strong>s</strong> superpositions délicates, <strong>les</strong> formations ayant <strong><strong>de</strong>s</strong>durées variab<strong>les</strong> d’une semaine à dix-huit mois, avec <strong><strong>de</strong>s</strong>échelonnements <strong>de</strong> commencements et <strong>de</strong> fins. La gestion<strong><strong>de</strong>s</strong> emplois du temps <strong><strong>de</strong>s</strong> formés qui peuvent êtreen alternance avec <strong><strong>de</strong>s</strong> pério<strong><strong>de</strong>s</strong> en entreprise et celui<strong><strong>de</strong>s</strong> formateurs qui cumulent parfois plusieurs activitésprofessionnel<strong>les</strong> sont autant <strong>de</strong> conditions qui engagent<strong><strong>de</strong>s</strong> temporalités différentes qu’il faut coordonner avecefficacité.Le management se fait le plus souvent à distancepuisqu’au plan spatial, <strong>les</strong> différents acteurs œuvrentdans <strong><strong>de</strong>s</strong> lieux différents. Ils sont localisés <strong>sur</strong> différentssites en France, <strong>sur</strong> <strong>les</strong> lieux <strong>de</strong> formation, voire <strong>de</strong>puisleur domicile. La recherche d’espaces collectifs <strong>de</strong> travailpermettant un accueil intermittent <strong><strong>de</strong>s</strong> personnes et unecohérence topographique <strong><strong>de</strong>s</strong> fonctions et <strong><strong>de</strong>s</strong> domainesd’activités est une préoccupation constante <strong>de</strong> l’organisation.Outre la gestion <strong><strong>de</strong>s</strong> espaces et <strong>les</strong> temporalités omniprésentesdans l’activité, la gestion <strong><strong>de</strong>s</strong> formations s’appuie<strong>sur</strong> un ensemble complexe <strong>de</strong> ressources :- Humaines : avec <strong><strong>de</strong>s</strong> acteurs pluriels (ayant <strong><strong>de</strong>s</strong> métiers,<strong><strong>de</strong>s</strong> fonctions et <strong><strong>de</strong>s</strong> compétences diversifiés) dont certainssont amenés à coopérer étroitement en s’affranchissant<strong>de</strong> la distance géographique qui <strong>les</strong> séparent(par exemple : responsable pédagogique et coordonnateur).D’autres collaborent plus ponctuellement maistoutes <strong>les</strong> actions doivent être coordonnées.- Logistiques : concernent <strong>les</strong> lieux <strong>de</strong> formation, l’organisationadministrative avec différentes étapes pour© Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres83


CHAPITRE III : LES éTUDES DE TERRAINmettre en place <strong>les</strong> dispositifs <strong>de</strong> formation (<strong>communication</strong>,recrutement, gestion <strong><strong>de</strong>s</strong> dossiers, relations avec<strong>les</strong> stagiaires et institutions…) et l’ingénierie pédagogique(dossiers d’habilitations, élaboration du déroulementpédagogique, recrutement…).- Pédagogiques : la construction <strong><strong>de</strong>s</strong> contenus et <strong><strong>de</strong>s</strong>certifications.Les TIC et divers artefacts supports <strong>de</strong> l’activité (téléphonesfixes et mobi<strong>les</strong>, messagerie, intranet avec <strong><strong>de</strong>s</strong>logiciels dédiés) permettent <strong>de</strong> gérer <strong>les</strong> opérationstransversa<strong>les</strong> <strong>de</strong> l’ensemble <strong><strong>de</strong>s</strong> missions (tels <strong>les</strong> déplacementset leur remboursement). Parmi ces applications,<strong>de</strong>ux sont utilisés spécifiquement. Un logiciel est utiliséà la fois pour le suivi administratif et financier et par<strong>les</strong> responsab<strong>les</strong> pédagogiques et coordinateurs dans lecadre <strong>de</strong> la programmation et <strong>de</strong> la planification <strong>de</strong> leursactions (projection d’utilisation au moment <strong>de</strong> l’étu<strong>de</strong>).Un archivage électronique <strong>de</strong> type NAS (Network AttachedStorage) est utilisé, mais <strong>de</strong> façon inégale, par <strong>les</strong> responsab<strong>les</strong>pédagogiques et coordinateurs. Chaque domained’activité peut y retrouver ses données <strong>de</strong> fonctionnement,<strong>de</strong> programmation et planification, ses documentspédagogiques (cours, documents, dossiers). Il est misà jour plus ou moins régulièrement par <strong>les</strong> utilisateursainsi que par la responsable informatique du service. Ladirection souhaiterait que ce dispositif <strong>de</strong>vienne un vraiespace collaboratif actualisé pour l’ensemble <strong>de</strong> l’ingénierie<strong>de</strong> formation. Cependant, l’accès à l’intranet n’est,au moment <strong>de</strong> l’étu<strong>de</strong>, accessible que <strong>de</strong>puis <strong>les</strong> postesinformatiques fixes et portab<strong>les</strong> « maison » installés <strong>sur</strong><strong>les</strong> sites : ils ne sont donc pas accessib<strong>les</strong> aux formateurs<strong>sur</strong> <strong>les</strong> sites <strong>de</strong> formation. La question du choix <strong><strong>de</strong>s</strong>acteurs équipés d’ordinateurs portab<strong>les</strong> est récurrente etpas encore totalement résolue, même si la majorité <strong><strong>de</strong>s</strong>coordonnateurs dispose d’un poste portable. Nous avonsconstaté que plusieurs formateurs et formateurs-pilotesutilisaient leur ordinateur personnel.La coordination <strong>de</strong> ces différentes ressources est legarant <strong>de</strong> la construction, <strong>de</strong> la réalisation et du bondéroulement <strong><strong>de</strong>s</strong> formations <strong>sur</strong> l’ensemble du territoire.En regard <strong><strong>de</strong>s</strong> temporalités, <strong><strong>de</strong>s</strong> espaces <strong>de</strong> travail dunombre d’acteurs mobilisés et <strong>de</strong> leurs compétences spécifiques,c’est une activité complexe qui implique unecoopération <strong><strong>de</strong>s</strong> acteurs et une forte interdépendance<strong><strong>de</strong>s</strong> actions.À quoi tient l’efficacité dans la coordination d’un tel collectif<strong>de</strong> travail distribué qui mobilise différentes ressourcesdans un processus continu ?Concepts théoriques mobilisésPour tenter <strong>de</strong> comprendre ces modalités <strong>de</strong> la coordinationdans ce milieu spécifique <strong>de</strong> la formation, ainsique la façon dont se réalise le management à distanceentre ces différents cadres opérationnels et managers,nous avons eu recours principalement au concept d’articulation.Ce concept d’articulation défini par Anselm Strauss soulignecomment <strong>les</strong> personnes qui ne partagent ni <strong>les</strong>mêmes objectifs, ni <strong>les</strong> mêmes définitions <strong>de</strong> la situation,déploient « un travail supplémentaire pour que <strong>les</strong>efforts <strong>de</strong> l’équipe soient finalement plus que l’assemblagechaotique <strong>de</strong> fragments épars <strong>de</strong> travail » (Strauss, 1992,p.191).Ce concept d’articulation met en lumière tout le <strong>sur</strong>travailque doivent fournir ces acteurs pour faire faceà l’aléa, pour répondre aux engagements multip<strong>les</strong>, auxinterruptions incessantes, aux transformations organisationnel<strong>les</strong>.Il s’agit d’un travail réflexif <strong>de</strong> second ordrepour « faire fonctionner le travail » (Schmidt, 2002).C’est donc un travail non prévu, non programmé, noncomptabilisé qui s’ajoute au travail et contribue biensouvent à sa pénibilité, car il <strong>de</strong>meure largement invisibleau sein <strong><strong>de</strong>s</strong> organisations, ne <strong>de</strong>venant visible qu’encreux, lorsque <strong>les</strong> travailleurs n’arrivent plus à le gérer(Datchary, 2008).La coopération <strong><strong>de</strong>s</strong> différents acteurs <strong>de</strong> la formation etl’articulation du travail se construisent dans le cours <strong>de</strong>l’activité. L’articulation émerge pour maintenir et organiserl’effort <strong>de</strong> coordination. Elle se manifeste aussi àpropos du traitement <strong>de</strong> problèmes qui ne relèvent pasd’un acteur particulier, mais <strong>de</strong> plusieurs d’entre eux.Dans ce cas, elle vise moins la coordination que la cohérence<strong><strong>de</strong>s</strong> tâches <strong>de</strong> différents ordres.Problématique et questions <strong>de</strong> rechercheL’activité d’ingénierie <strong>de</strong> formation se déroule dans unedynamique et une réactivité constante qui implique laprise en compte <strong>de</strong> plusieurs éléments concomitants.En premier lieu, la mise en place d’un dispositif <strong>de</strong> formationà travers ses nombreuses étapes impliquent <strong>de</strong>composer avec différents niveaux <strong>de</strong> contraintes : lamobilité géographique <strong>de</strong> certains acteurs <strong>sur</strong> différentssites, le travail à distance mobilisant <strong>les</strong> TIC, le respect<strong><strong>de</strong>s</strong> procédures administratives, <strong>les</strong> exigences <strong>de</strong> recrutement<strong><strong>de</strong>s</strong> formés et <strong><strong>de</strong>s</strong> formateurs, <strong>les</strong> ouvertures<strong><strong>de</strong>s</strong> hébergements, le tout avec une prise en compte <strong>de</strong>calendriers très hétérogènes.En second lieu, il faut tenir compte et impliquer <strong><strong>de</strong>s</strong>partenaires multip<strong>les</strong> dans l’action (internes à l’associationou extérieurs) et concilier une multiplicité <strong>de</strong> points<strong>de</strong> vue. Ces différents partenaires autorisent, vali<strong>de</strong>nt,accueillent, remboursent, recrutent, enseignent, sélectionnent,contrôlent, apprennent dans une configurationpilotée par cet organisme <strong>de</strong> formation.Par ailleurs, il faut considérer, en arrière-plan <strong>de</strong> l’ac-84 © Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres


CHAPITRE III : LES éTUDES DE TERRAINtivité, <strong>les</strong> transformations institutionnel<strong>les</strong> importantesqui ont eu lieu dans le domaine <strong><strong>de</strong>s</strong> formations et <strong>de</strong>l’animation (réformes <strong><strong>de</strong>s</strong> diplômes, certifications etmodalités <strong>de</strong> validation). Les organismes <strong>de</strong> formationdoivent non seulement proposer <strong>les</strong> contenus qui s’insèrentdans <strong><strong>de</strong>s</strong> gril<strong>les</strong> rénovées <strong>de</strong> référentiels mais doiventégalement organiser <strong>les</strong> validations en respectant<strong><strong>de</strong>s</strong> procédures <strong>de</strong> contrôle <strong>de</strong> l’administration responsablerenforcées.Dans ce contexte spécifique, la réalisation <strong>de</strong> l’activitédoit nécessairement s’appuyer <strong>sur</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> éléments <strong>de</strong> procédureset <strong>de</strong> méthodologie, mobiliser <strong><strong>de</strong>s</strong> ressourcesdiverses mais aussi <strong>sur</strong> « quelque chose d’autre ». Querecouvre le travail d’articulation entre <strong>les</strong> différentespersonnes mobilisées pour mener à bien <strong>les</strong> activités <strong>de</strong>formation compte tenu <strong><strong>de</strong>s</strong> ressources à mobiliser et <strong><strong>de</strong>s</strong>contraintes qui pèsent <strong>sur</strong> l’activité ?Comment se réalise le management distant et médiatisélorsque <strong>les</strong> cadres ont à gérer plusieurs lieux d’activitédifférents avec <strong><strong>de</strong>s</strong> équipes dispersées ? Qu’« ajoutentils» pour faire fonctionner le système au-<strong>de</strong>là <strong><strong>de</strong>s</strong> procéduressachant que ces <strong>de</strong>rnières sont nombreuses,qu’el<strong>les</strong> ne sont pas homogènes ni totalement harmoniséesdans chacun <strong><strong>de</strong>s</strong> domaines d’activité et que pourautant tout cela semble fonctionner ?Démarche méthodologique et métho<strong><strong>de</strong>s</strong> déployéesPour comprendre l’activité <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres, nous avons privilégiéune démarche <strong>de</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong>cription et d’observationdirecte <strong>de</strong> terrain. La recherche s’est déroulée en plusieursétapes <strong>sur</strong> une pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> trois mois.- Une pério<strong>de</strong> d’immersion ethnographique d’une vingtaine<strong>de</strong> jours en continu <strong>sur</strong> site a permis <strong>de</strong> prendrela me<strong>sur</strong>e et <strong>de</strong> comprendre le contenu <strong>de</strong> l’activité <strong><strong>de</strong>s</strong>différents acteurs, <strong>de</strong> repérer leurs fonctions ainsi quel’organisation du travail et l’usage spécifique <strong><strong>de</strong>s</strong> artefactset <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC.Cette pério<strong>de</strong> a débuté par <strong><strong>de</strong>s</strong> entretiens exploratoires etsemi-dirigés auprès d’un ou <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux acteurs <strong>de</strong> chacune<strong><strong>de</strong>s</strong> fonctions. Les thèmes abordés dans ces entretiensavaient trait au parcours <strong>de</strong> la personne, à la <strong><strong>de</strong>s</strong>cription<strong>de</strong> son activité, aux outils qu’elle utilisait, à sa représentation<strong><strong>de</strong>s</strong> dimensions <strong>de</strong> coordination, <strong>de</strong> coopérationet au travail à distance qu’elle réalisait. En parallèle,nous avons mené <strong>de</strong> nombreuses observations directesdu travail réalisé et <strong><strong>de</strong>s</strong> observations participantes aucours <strong>de</strong> réunions d’équipe ou <strong>de</strong> groupes <strong>de</strong> travail quise présentaient au fil <strong>de</strong> notre présence.- Une secon<strong>de</strong> étape a consisté à repérer <strong>les</strong> acteurs cléset <strong>les</strong> moments clés <strong>de</strong> ces situations <strong>de</strong> collaboration.Nous avons d’abord choisi d’observer l’activité <strong><strong>de</strong>s</strong> responsab<strong>les</strong>pédagogiques dans quatre domaines différentset contrastés. Par ailleurs, malgré <strong>les</strong> différences entre<strong>les</strong> disciplines, notamment liées à la co-présence ou non<strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux acteurs <strong>sur</strong> le même site, à la dispersion<strong><strong>de</strong>s</strong> lieux <strong>de</strong> formation ou non, une constante apparaissaitdans chaque situation, à savoir la récurrence <strong><strong>de</strong>s</strong>entretiens, le plus souvent téléphoniques, quotidiensvoire à plusieurs reprises dans la journée, entre le responsablepédagogique et « son » coordonnateur. Véritablemoment <strong>de</strong> mise au point ou « juste pour se direbonjour/bonsoir » comme il nous a été dit, ces entretiensdébutent souvent <strong>les</strong> journées <strong><strong>de</strong>s</strong> uns et <strong><strong>de</strong>s</strong> autres,doublent <strong>les</strong> courriels et ne s’arrêtent pas aux frontières<strong>de</strong> la semaine <strong>de</strong> travail (qui apparaît d’ailleurs commeun temps souvent mal défini pour eux).- Une troisième étape a permis <strong>de</strong> choisir une activité <strong>de</strong>formation à observer.C’est une formation se déroulant <strong>sur</strong> un temps relativementcourt (entre huit et quatorze jours) qui a étéchoisie. Elle a permis d’observer un tan<strong>de</strong>m constituéd’un responsable pédagogique très expérimenté et d’unnouveau coordinateur dans la fonction qui était précé<strong>de</strong>mmentformateur-pilote.Nous avons utilisé <strong><strong>de</strong>s</strong> métho<strong><strong>de</strong>s</strong> variées pour le recueil<strong><strong>de</strong>s</strong> données et leur analyse.– Des observations spontanées et directes.– Des prises <strong>de</strong> notes manuscrites consignées dans uncarnet <strong>de</strong> terrain notamment au cours <strong>de</strong> la premièrepério<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’étu<strong>de</strong>.– Des enregistrements audio du verbatim <strong><strong>de</strong>s</strong> soliloquesprovoqués et <strong><strong>de</strong>s</strong> commentaires <strong>sur</strong> le cours <strong>de</strong> l’activitépar <strong>les</strong> acteurs à l’invitation <strong>de</strong> l’observateur.– Des reprises d’agendas et <strong><strong>de</strong>s</strong> analyses <strong>de</strong> courriels.– Des prises <strong>de</strong> notes doublées d’enregistrement audio<strong>de</strong> réunions <strong>de</strong> coordinations, d’entretiens téléphoniques<strong>de</strong> coordination que nous avons retranscrits sousla forme d’un corpus.– Des observations <strong>de</strong> l’utilisation <strong><strong>de</strong>s</strong> artefacts et <strong><strong>de</strong>s</strong>TIC en fonction <strong><strong>de</strong>s</strong> métiers (intranet dédié, rétro-plannings,listes <strong>de</strong> tâches, tableaux Excel, tableaux dynamiques…).Présentation <strong><strong>de</strong>s</strong> résultats• L’activité d’ingénierie : une activité complexeLa chronique d’activité (cf. tableau : Résumé <strong>de</strong> chroniqued’activité du manager) montre que cette activitéd’ingénierie d’une formation est complexe. En effet, el<strong>les</strong>uppose <strong>de</strong> gérer un ensemble considérable <strong>de</strong> données,<strong>de</strong> ressources et <strong>de</strong> relations :– Une temporalité à la fois « étirée » (la préparationse déroule <strong>sur</strong> au moins un an) et très <strong>de</strong>nse. Elle estcomplexifiée par <strong>les</strong> mises en œuvre échelonnées d’élaboration<strong><strong>de</strong>s</strong> contenus et d’exigences différents (cours© Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres85


CHAPITRE III : LES éTUDES DE TERRAIN<strong>de</strong> base/d’approfondissements avec <strong><strong>de</strong>s</strong> spécialités ounon).– Un nombre important d’interlocuteurs mobilisés à lafois en interne (centres <strong>de</strong> formation, siège, différentssites) et à l’externe (institutionnels, entreprises, fournisseurs).– Des finalités parfois variab<strong>les</strong> ou spécifiques poursuiviespar ces interlocuteurs multip<strong>les</strong> (pédagogiques,financières et commercia<strong>les</strong>, gestionnaires) qu’il fautprendre en compte et faire coexister.– La réalisation <strong>de</strong> nombreuses tâches et actions, <strong>de</strong> portéedifférente, mais nécessaires à la poursuite du déroulement<strong>de</strong> l’activité d’ingénierie.– Des outils très divers, imposés par le contexte d’actionou <strong>les</strong> partenaires (dossiers d’habilitation, PV, rapports)ou construits par <strong>les</strong> nécessités d’organisation et <strong>de</strong> suiviressenties. Ils peuvent donc être à la fois systématiqueset institutionnels (dossier d’habilitation), informatisés(intranet, plateforme d’inscription aux stages) maisaussi souvent « faits maison » par l’équipe gestionnaire<strong>de</strong> la formation (planning <strong><strong>de</strong>s</strong> sessions).Cette reconstruction confirme l’importance au sein <strong>de</strong>l’équipe <strong>de</strong> la coopération du tan<strong>de</strong>m Responsable Pédagogique/Coordonnateur.Certes, le rôle <strong>de</strong> l’assistanteest fondamental dans l’as<strong>sur</strong>ance <strong>de</strong> la faisabilité administrativeet financière <strong><strong>de</strong>s</strong> sessions, mais <strong>sur</strong> le plan quinous intéresse <strong>de</strong> l’articulation, c’est bien ce tan<strong>de</strong>m quifait figure <strong>de</strong> pivot central. Ils sont tour à tour, voireensemble, systématiquement pilotes <strong><strong>de</strong>s</strong> actions misesen œuvre.Pour réaliser leur mission, ils doivent mobiliser <strong><strong>de</strong>s</strong>partenaires multip<strong>les</strong> et le plus souvent distants. Eninterne, ils entrent en relation avec <strong>les</strong> administratifsau siège (DRH, chargé <strong><strong>de</strong>s</strong> transports et <strong><strong>de</strong>s</strong> déplacements,responsable <strong>de</strong> la plate-forme d’inscriptions), <strong>les</strong>accueillants dans <strong>les</strong> centres <strong>de</strong> formation (hébergementet matériel), <strong>les</strong> « pédagogiques » composés <strong><strong>de</strong>s</strong> directeurs<strong><strong>de</strong>s</strong> sessions et <strong><strong>de</strong>s</strong> formateurs. À l’extérieur, ilsétablissent <strong><strong>de</strong>s</strong> contacts avec <strong><strong>de</strong>s</strong> acteurs institutionnels(Ministère, administration centrale et échelons régionauxet départementaux) et <strong>les</strong> collectivités territoria<strong>les</strong>(Région, municipalités), <strong><strong>de</strong>s</strong> partenaires externes (parexemple, <strong><strong>de</strong>s</strong> comités d’entreprise), mais également avec<strong>les</strong> stagiaires et enfin avec <strong>les</strong> fournisseurs (notamment<strong>de</strong> matériel pédagogique).sous-jacents à cette articulation : s’agit-il <strong>de</strong> gérer <strong><strong>de</strong>s</strong>personnes différentes, <strong><strong>de</strong>s</strong> temporalités différentes, <strong><strong>de</strong>s</strong>finalités différentes, voire plusieurs <strong>de</strong> ces besoins enmême temps ? Il s’est agi également <strong>de</strong> relever ce quisous-tend la conversation, <strong>de</strong> ce que l’on pourrait qualifier« d’implicites partagés », ou <strong>de</strong> « connaissances d’arrièreplan» c’est-à-dire non seulement compris d’emblée parl’un et l’autre <strong><strong>de</strong>s</strong> protagonistes sans que ce soit expliqué,mais également admis par <strong>les</strong> <strong>de</strong>ux interlocuteurs.La situation <strong>de</strong> conversation téléphonique analyséeest d’une durée <strong>de</strong> 20 minutes environ et se situe pendant<strong>les</strong> congés <strong>de</strong> printemps, une pério<strong>de</strong> stratégiquependant laquelle <strong>les</strong> formations battent leur plein <strong>sur</strong>l’ensemble du territoire. Le coordonnateur visite unesession <strong>de</strong> type approfondissement qui se déroule dansun centre départemental. Il est arrivé le matin <strong>sur</strong> place,c’est l’avant-<strong>de</strong>rnier jour <strong>de</strong> la formation. Le responsablepédagogique est au siège, installé au poste <strong>de</strong> travailhabituellement occupé par le coordonnateur. L’ordinateurest ouvert <strong>sur</strong> la messagerie, le clavier est occupépar le planning <strong><strong>de</strong>s</strong> formations.Il ressort <strong>de</strong> l’analyse que <strong>les</strong> personnes évoquéesau cours <strong>de</strong> la conversation sont nombreuses (25) etconcernent presque toutes <strong>les</strong> catégories <strong>de</strong> partenaires,mais ce sont <strong>les</strong> formateurs qui sont le groupe le plusreprésenté. El<strong>les</strong> se trouvent toutes <strong>sur</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> sites géographiquesdifférents <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong>ux localisations <strong><strong>de</strong>s</strong> interlocuteurs.L’activité <strong>de</strong> coordination téléphonique s’appuie <strong>sur</strong>l’utilisation d’artefacts. Le plus utilisé est sans conteste,le planning <strong><strong>de</strong>s</strong> sessions (un « outil maison »). Cet outilpermet en un seul coup d’œil <strong>de</strong> savoir qui est où etquand, <strong>de</strong> pouvoir articuler <strong><strong>de</strong>s</strong> personnes, <strong><strong>de</strong>s</strong> tempset espaces. Mais il permet également d’avoir la visibilité<strong>sur</strong> l’historique <strong>de</strong> cet état <strong><strong>de</strong>s</strong> lieux, c’est-à-dire <strong>les</strong>différentes strates <strong><strong>de</strong>s</strong> changements qui se sont opérés(à partir <strong><strong>de</strong>s</strong> ratures et <strong><strong>de</strong>s</strong> corrections à la main). C’estdonc une représentation à plusieurs dimensions et ensimultané. Les post-it et la messagerie électronique sontégalement utilisés.• Le travail d’articulationLes ang<strong>les</strong> d’analyse <strong>de</strong> l’entretien téléphonique <strong>de</strong> coordinationretenus permettent <strong>de</strong> comprendre comment seconstruit l’articulation dans le cours <strong>de</strong> l’activité. Ils ontpour objectif <strong>de</strong> caractériser à la fois <strong><strong>de</strong>s</strong> plans prépondérantsd’articulation (relationnel, organisationnel, procédural,cognitif et partage <strong>de</strong> savoirs) et <strong><strong>de</strong>s</strong> besoins86 © Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres


CHAPITRE III : LES éTUDES DE TERRAINTableau : Résumé <strong>de</strong> chronique d’activité du managerTEMPORALITÉ Avant Pendant AprèsACTEURS ETINSTITUTIONSÉquipe :RP+CoordoAssistanteinterlocuteurs mobilisésPartenaires externesStagiairesFournisseursStagiairesAutres interlocuteurs internes:-institutionnels (services ausiège)-logistique et matériel pédagogiqueÉquipe :Coordo RP(Assistante) interlocuteursmobilisésAutres interlocuteurs-institutionnels (services ausiège)-logistique et matériel pédagogiqueStagiairesÉquipe :RP+ coordo(Assistante) interlocuteursmobilisésAutres interlocuteurs-institutionnels (services ausiège)-logistique et matériel pédagogiqueStagiairesACTIONSBilan/évaluation/statistiquesProgrammation.Création <strong><strong>de</strong>s</strong> sessions.Information aux publics, auxcentres, aux partenaires.Recrutement, constitution <strong><strong>de</strong>s</strong>équipes <strong>de</strong> formateursHabilitationsInscriptions <strong><strong>de</strong>s</strong> stagiairesPlanification <strong><strong>de</strong>s</strong> sessions etréservation <strong><strong>de</strong>s</strong> centresComman<strong><strong>de</strong>s</strong>, acheminement dumatériel pédagogiqueSuivi du remplissage <strong><strong>de</strong>s</strong>sessionsSuivi <strong>sur</strong> siteSuivi pédagogique <strong><strong>de</strong>s</strong> stagiaireset <strong><strong>de</strong>s</strong> formateursValidation et certificationsCoordination et Évaluations<strong><strong>de</strong>s</strong> formateursGestions <strong><strong>de</strong>s</strong> aléas matériels,administratifs, logistiques,relationnels, pédagogiques,Retour matérielBilans et PVRapports et enquête qualitéValidations et contentieuxSuivi budget, facturations,frais déplacementStatistiquesFormations et réunions avecle siègeOUTILS ETARTEFACTSTEL, MELBilan annuelPlans annuel et à 3 ansDossier d’habilitationDossier bilan J&SIntranet SURFTableau interne d’extraction<strong><strong>de</strong>s</strong> inscriptionsPlateforme stagesPlaquette infoDossier, diplômes et CV <strong><strong>de</strong>s</strong>formateursPlanning prévisionnelBibliothèque et liste matérielpédagogique standardClasseur stagiairesListes stagiairesProjet pédagogiqueTEL, MELPlanning actions en coursOutils pédagogiquesListes stagiaires et formateursDossiers stagiaires et formateursTEL, MELCR directeurs sessionCR directeur <strong>de</strong> centre PVCertificats (validations)Inventaire matérielEnquête qualitéFeuille <strong>de</strong> fraisÉtats contrôleur <strong>de</strong> gestionTableau Excel <strong>de</strong> suiviTableau Excel interneavec frais (dép.,formateurs, frais pédago.,chiffre d’affaire)© Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres87


CHAPITRE III : LES éTUDES DE TERRAINL’articulation se révèle indispensable pour :– Gérer <strong><strong>de</strong>s</strong> urgences et <strong><strong>de</strong>s</strong> priorités. La gestion <strong><strong>de</strong>s</strong>conflits relationnels et la nécessité <strong>de</strong> maintenir et d’entretenirune qualité relationnelle apparaissent comme<strong><strong>de</strong>s</strong> éléments fondamentaux <strong>de</strong> cette gestion. Pour cefaire, le partage d’informations détenues par l’un oul’autre <strong><strong>de</strong>s</strong> partenaires est crucial <strong>de</strong> même que la définitiond’une stratégie commune.– Ne pas passer à côté <strong><strong>de</strong>s</strong> questions <strong>de</strong> sécurité. L’acci<strong>de</strong>ntd’un stagiaire est une préoccupation toujours présentepour un organisme <strong>de</strong> formation d’autant plus qu’ilpropose <strong><strong>de</strong>s</strong> activités physiques durant la formation. Làencore l’actualisation réciproque <strong><strong>de</strong>s</strong> informations pourl’évaluation <strong><strong>de</strong>s</strong> risques est indispensable.– Vérifier le respect <strong><strong>de</strong>s</strong> procédures. Cette questionmobilise plus particulièrement <strong>les</strong> artefacts et TIC quisont à disposition dans le bureau du responsable pédagogique.Cette séquence illustre la difficulté <strong>de</strong> se coordonnerà l’ai<strong>de</strong> d’un artefact qui n’est pas simultanémentni visuellement partagé. C’est également un <strong><strong>de</strong>s</strong> momentsoù plusieurs plans d’articulation sont mobilisés simultanément: au départ l’échange concerne la vérification dusuivi <strong><strong>de</strong>s</strong> procédures, puis <strong>de</strong>vient l’occasion d’introduireun aspect relationnel à propos <strong>de</strong> la représentante <strong>de</strong>l’institution.– Pour s’organiser à distance et dans le temps quireprésente une difficulté supplémentaire du travail.– Pour prendre une décision difficile. S’accor<strong>de</strong>r pourélaborer une réponse qui n’est pas d’emblée évi<strong>de</strong>nte àprendre suppose <strong>de</strong> prendre le temps <strong>de</strong> vérifier au préalable<strong>les</strong> points <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> chacun, <strong>de</strong> mettre à plat l’ensemble<strong><strong>de</strong>s</strong> arguments susceptib<strong>les</strong> d’éclairer la décisionet <strong>de</strong> rechercher un consensus.Au final, nous constatons que sous une apparenced’échanges dont le cours n’était pas formalisé, avec <strong><strong>de</strong>s</strong>thèmes qui parfois semblent faire rupture avec ce quiprécédait, <strong>de</strong> nombreux plans <strong>de</strong> l’activité étaient enfait mobilisés alternativement, ou conjointement, voiresimultanément. Tout se passe comme si ces <strong>de</strong>ux interlocuteursavaient en tête une aire d’échanges commune,où <strong>les</strong> partenaires principaux, <strong>les</strong> tâches à réaliser, <strong>les</strong>temps dans <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> el<strong>les</strong> doivent l’être sont i<strong>de</strong>ntifiéset sont en quelque sorte « activab<strong>les</strong> ». Ce « balayage »ne suit pas une trajectoire linéaire mais semble rebondird’un aspect à l’autre, utilisant <strong><strong>de</strong>s</strong> plans différentset construisant ainsi petit à petit un véritable cadre àla coordination. Ce sont aussi ces allers et retours quiconstruisent l’épaisseur <strong>de</strong> l’articulation, un travail délicat,jamais achevé.Discussion <strong><strong>de</strong>s</strong> résultatsDans <strong>les</strong> échanges avec <strong>les</strong> dirigeants, la volonté d’améliorerl’utilisation <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC était très présente en particulierl’intranet et le site partagé. Au-<strong>de</strong>là <strong><strong>de</strong>s</strong> résistancesqui ont pu être constatées tout au long <strong>de</strong> l’étu<strong>de</strong> etdans <strong>les</strong> propos <strong><strong>de</strong>s</strong> uns et <strong><strong>de</strong>s</strong> autres, il faut admettreque ce dispositif est essentiellement un outil d’archivagemais pas un outil réellement collaboratif. Il permet<strong>de</strong> gar<strong>de</strong>r la trace du résultat fini (états) mais pas latrace du processus telle que l’on peut la retrouver dansle planning « maison » <strong>de</strong> l’équipe gestionnaire <strong>de</strong> laformation avec ses ratures et notes manuscrites. Il estreproché à ce dispositif <strong>de</strong> ne pas pouvoir prendre encompte <strong>les</strong> transformations <strong><strong>de</strong>s</strong> données, ce n’est qu’unemémoire du résultat et non <strong><strong>de</strong>s</strong> transformations, or lavisibilité <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>rnières est nécessaire et fait partie <strong>de</strong>l’articulation. La nécessité d’équiper chaque coordonnateurd’ordinateurs portab<strong>les</strong> avec un accès réseau semblecependant indispensable.Les responsab<strong>les</strong> pédagogiques avaient été signaléscomme <strong><strong>de</strong>s</strong> acteurs pivots <strong>de</strong> l’ingénierie <strong>de</strong> formation.L’observation montre que <strong>les</strong> coordonnateurs sont égalementtrès importants, particulièrement pour l’articulation<strong><strong>de</strong>s</strong> lieux <strong>de</strong> réalisation <strong><strong>de</strong>s</strong> formations et dans le rapportaux formateurs. Pour ces raisons, ils doivent égalementêtre associés à la définition <strong><strong>de</strong>s</strong> nouvel<strong>les</strong> fonctionnalités<strong><strong>de</strong>s</strong> TIC qui équiperont <strong>les</strong> collaborateurs.Plus globalement, ces résultats montrent que la mise enplace <strong>de</strong> projets <strong>de</strong> formation engendre une activité d’unegran<strong>de</strong> complexité car elle s’appuie <strong>sur</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> logiques à lafois variées, différentes et pourtant concomitantes. Ceslogiques ont <strong><strong>de</strong>s</strong> dimensions institutionnel<strong>les</strong> et politiques,géographiques, pédagogiques, matériel<strong>les</strong> mais<strong>sur</strong>tout humaines. Les procédures, <strong>les</strong> formalisations,l’utilisation d’artefacts et <strong>de</strong> TIC sont indispensab<strong>les</strong>pour soutenir l’activité, pour s’affranchir <strong>de</strong> la distanceou encore pour définir un cadre directif et <strong><strong>de</strong>s</strong> supports àl’action. Ils ne sont pour autant pas suffisants.Il existe ainsi un important travail peu conscientisé,informel, très relationnel mais aussi cognitif et organisationnel,qui rend possible <strong>de</strong> « faire tenir l’ensemble »tout au long <strong>de</strong> son déroulement. Ces multip<strong>les</strong> niveauxd’articulation représentent un « travail supplémentaire »constant, délicat souvent imprévu qui nourrit et établitle sens accordé à son travail mais qui dans le mêmetemps peut se révéler lourd et épuisant, <strong>sur</strong>tout s’il netrouve pas sa reconnaissance.88 © Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres


CHAPITRE III : LES éTUDES DE TERRAIN■■Terrains relatifs au profil ‘’Cadre partagé et glocalisé’’Le travail collaboratif médiatisé <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres : le cas d’une équipe multiculturelle etmultilocalisée concevant à distanceRésuméCette étu<strong>de</strong> examine <strong>les</strong> spécificités du travail coopératifmédiatisé d’une équipe <strong>de</strong> projet multiculturelleconcevant à distance dans une entreprise globalisée.Avec une démarche ethnographique et l’analyse d’uneréunion multi-localisée, nous montrons quel<strong>les</strong> sont <strong>les</strong>ressources et contraintes pour l’activité collective dansce contexte singulier et comment l’équipe distribuéeparvient à fonctionner.Ce mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> fonctionnement médiatisé génère en outre<strong><strong>de</strong>s</strong> modalités d’action et d’interaction très particulièresqui requièrent une adaptation constante <strong>de</strong> la part<strong>de</strong> l’animatrice (Cadre experte). Elle doit ainsi assumer<strong><strong>de</strong>s</strong> rô<strong>les</strong> et <strong><strong>de</strong>s</strong> missions spécifiques selon le déroulement,<strong>les</strong> exigences et <strong>les</strong> aléas <strong>de</strong> la situation <strong>de</strong>collaboration.Contexte <strong>de</strong> l’étu<strong>de</strong> et problème poséCette étu<strong>de</strong> s’est déroulée dans une entreprise internationale<strong>de</strong> conception et <strong>de</strong> production <strong>de</strong> véhicu<strong>les</strong>industriels. Au début <strong><strong>de</strong>s</strong> années 2000, l’entreprise a étéacquise par une firme concurrente.L’activité principale repose <strong>sur</strong> le développement <strong>de</strong> quatremarques <strong>de</strong> référence <strong>sur</strong> le marché mondial. Chaquemarque du groupe bénéficie <strong>de</strong> synergies, fruits <strong>de</strong> lacollaboration avec <strong><strong>de</strong>s</strong> entités transversa<strong>les</strong>.Ainsi <strong>les</strong> salariés <strong>de</strong> l’entité dans laquelle s’est dérouléecette étu<strong>de</strong> peuvent être amenés à travailler pourplusieurs « marques ». On y dénombre plus <strong>de</strong> 4 000personnes.C’est <strong>sur</strong> le milieu <strong>de</strong> la Recherche-Développement quenous nous centrons. C’est un milieu préservé et extrêmementconfi<strong>de</strong>ntiel pour éviter tout espionnage industriel.Le groupe est par ailleurs une organisation globalisée àl’échelle internationale, il déploie son activité dans plus<strong>de</strong> cent pays (conception, vente, production). Faire faceà l’exigence d’une concurrence mondialisée suppose <strong>de</strong>développer <strong><strong>de</strong>s</strong> modalités origina<strong>les</strong> <strong>de</strong> travail, capab<strong>les</strong>d’optimiser l’utilisation <strong>de</strong> différentes ressources dispersées: socia<strong>les</strong>, cognitives et informationnel<strong>les</strong>, en intégrantà l’activité collective une variété <strong>de</strong> <strong>technologies</strong><strong>de</strong> l’information et <strong>de</strong> la <strong>communication</strong>. Le travail enprojet est dès lors reconnu comme un véritable levier<strong>de</strong> compétitivité et le vecteur d’une stratégie associantefficacité, qualité et créativité.Dans un contexte économique marqué par la crise et avecl’objectif d’initier <strong><strong>de</strong>s</strong> collaborations intersites, un projet<strong>de</strong> conception d’envergure a été mis en place mobilisant<strong><strong>de</strong>s</strong> équipes situées dans <strong>de</strong>ux pays différents.Le projet se déroule <strong>sur</strong> quatre ans, <strong>de</strong> la pré-étu<strong>de</strong>jusqu’à la commercialisation en passant par <strong><strong>de</strong>s</strong> phases<strong>de</strong> conception et <strong>de</strong> développement. Pour conduirece projet, la constitution d’une équipe multi-localiséeet multiculturelle est le résultat d’une volonté délibérée<strong>de</strong> l’entreprise. L’enjeu stratégique est <strong>de</strong> favoriser<strong>les</strong> synergies entre compétences interdépendantes maisdispersées et d’éviter ainsi la duplication <strong>de</strong> ressourcesd’experts très coûteuses.Parvenir à établir une coopération et une collaboration<strong>de</strong> qualité se révèle être un défi <strong>de</strong> taille pour le groupepuisqu’il fait travailler ensemble et à distance <strong><strong>de</strong>s</strong> personnes,<strong><strong>de</strong>s</strong> métiers, <strong><strong>de</strong>s</strong> entités, <strong><strong>de</strong>s</strong> services, <strong><strong>de</strong>s</strong> marques,<strong><strong>de</strong>s</strong> entreprises et <strong><strong>de</strong>s</strong> pays différents. En outre, la réussited’une configuration <strong>de</strong> travail inter-entreprises n’est pasgarantie et <strong><strong>de</strong>s</strong> blocages <strong>de</strong> diverses natures (immaturité<strong>de</strong> l’entreprise dans sa pratique <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC, inadéquation <strong><strong>de</strong>s</strong>TIC avec <strong>les</strong> attentes <strong><strong>de</strong>s</strong> acteurs, inexistence d’une communautéd’intérêts, rapports asymétriques…) peuvents’opposer au développement du travail médiatisé.Pour gui<strong>de</strong>r ses employés dans le développement d’unproduit et l’exécution d’un projet, le groupe a donc établiune référence très structurée (appelée GDP = GlobalDevelopment Process) à laquelle tous doivent se conformer.Il a également imposé l’harmonisation <strong><strong>de</strong>s</strong> systèmestechniques, l’alignement <strong><strong>de</strong>s</strong> outils et <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong>et la création <strong>de</strong> fonctions analogues et <strong>de</strong> métierséquivalents. Ces restructurations se sont accompagnéespour <strong>les</strong> architectes du service étudié d’un sentiment <strong>de</strong>perte <strong>de</strong> légitimité et <strong>de</strong> visibilité, dont il faut avoirconscience pour <strong>les</strong> analyses à venir.Enfin, la mise en place d’équipes projets multiculturel<strong>les</strong>,concevant à distance, vient compléter ce dispositif<strong>de</strong> mise en synergie <strong><strong>de</strong>s</strong> ressources <strong>de</strong> l’organisation.L’objectif <strong>de</strong> cette étu<strong>de</strong> est alors :- De mieux comprendre l’activité <strong>de</strong> cette équipe distribuéeet multiculturelle en situation <strong>de</strong> conception lorsd’une réunion distante multi-sites.- D’appréhen<strong>de</strong>r <strong>les</strong> ressources et <strong>les</strong> contraintes <strong>de</strong> lamédiatisation <strong><strong>de</strong>s</strong> interactions en observant plus spécifiquementle rôle <strong>de</strong> l’animatrice (une cadre française)<strong>de</strong> la réunion.© Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres89


CHAPITRE III : LES éTUDES DE TERRAINPrincipaux concepts mobilisésUne équipe <strong>de</strong> projet distribuée peut être définie commeun groupe composé d’individus aux expertises variées (<strong>les</strong>métiers, disciplines puis rô<strong>les</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> membres sont déterminésen fonction <strong>de</strong> la spécificité <strong>de</strong> la mission), quitravaillent ensemble à la réalisation d’un objet communcomplexe (projet précis), et dont la durée <strong>de</strong> vie est liéeà celle du projet lui-même (l’équipe est constituée avanttout pour mener à bien ces tâches). Cependant <strong>les</strong> frontièresspatia<strong>les</strong> (lieux), temporel<strong>les</strong> (fuseaux horaires),culturel<strong>les</strong> (nationalités) et organisationnel<strong>les</strong> (entreprises)diffèrent (Langevin et Picq, 2001 ; Bobillier-Chaumon, 2003 ; Vacherand-Revel, 2007 ; Michinov,2008). « De tel<strong>les</strong> distances sont susceptib<strong>les</strong> d’affecterl’activité coopérative. Dès lors, le travail distribué a besoind’être soutenu par une médiatisation spécifique » (Vacherand-Revel,2007, p. 6). Ces personnes communiquent,échangent, partagent <strong>de</strong> l’information, organisent leurtravail, se coordonnent, coopèrent et collaborent, via<strong>les</strong> TIC. Une équipe distribuée <strong>de</strong> projet évolue dans unenvironnement technologique sophistiqué avec lequelelle doit composer. Les membres « doivent concevoir leurpropre organisation interne et gérer leur propre réseauexterne » (Bobillier-Chaumon, 2003, p.171) et ils sontdonc solidairement responsab<strong>les</strong> du résultat.Ce sont <strong>les</strong> théories <strong>de</strong> l’Activité (cognition distribuée etaction située) développées, notamment, dans le champ<strong>de</strong> recherche <strong>sur</strong> le Travail Coopératif Assisté par Ordinateurqui, en s’incarnant dans une approche compréhensive<strong><strong>de</strong>s</strong> processus <strong>de</strong> conception distribuée, nouspermettent <strong>de</strong> considérer ces points (Engeström, 2000 ;Kaptelinin et Nardi, 2006).L’action est dite située parce que <strong>les</strong> ressources et <strong>les</strong>contraintes <strong>de</strong> l’environnement vont la moduler. Nousconsidérons que l’activité <strong>de</strong> réunion <strong>de</strong> conception nepeut pas être étudiée séparément <strong>de</strong> l’environnementdans lequel elle s’enracine. De même, nous stipulons que<strong>les</strong> concepteurs adaptent leurs actions à la compréhensionqu’ils ont <strong>de</strong> la situation, aux contraintes humaineset socia<strong>les</strong> du travail coopératif, aux défis inédits qu’ilsrencontrent et qu’ils doivent relever.L’ambition <strong>de</strong> la cognition distribuée est <strong>de</strong> dépasser leniveau d’analyse individuelle en se plongeant à la foisdans l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> la répartition cognitive du travail à l’intérieurd’un groupe d’individus et la distribution <strong>de</strong> lacognition entre un individu et <strong><strong>de</strong>s</strong> artefacts (Laville,2000 ; Salembier, 2002). « La coordination entre <strong><strong>de</strong>s</strong>ai<strong><strong>de</strong>s</strong> cognitives externes <strong>de</strong> nature différente, sociale outechnique, pour accomplir une tâche est donc essentielledans l’hypothèse distribuée » (Conein, 2004, p.55).Ainsi, l’activité humaine <strong>de</strong> cette équipe est envisagéeen tant qu’activité médiatisée par <strong><strong>de</strong>s</strong> instruments matérielset symboliques. Elle est toujours dirigée vers unobjet, elle passe par <strong><strong>de</strong>s</strong> artefacts et s’inscrit dans unenvironnement social et culturel. Avec cette perspectiveà la fois systémique et développementale, <strong>les</strong> ancragesmatériels <strong>de</strong> l’activité, son déroulement dans le temps,son déploiement dans l’espace sont pris en compte.Problématique et questions <strong>de</strong> rechercheAu regard du contexte <strong>de</strong> l’entreprise que nous avonsprésenté et <strong>de</strong> ce que dit la littérature <strong><strong>de</strong>s</strong> équipes distribuées,nous avons voulu repérer comment, malgré <strong>les</strong>contraintes et <strong>les</strong> difficultés inhérentes à cette activité,<strong>les</strong> protagonistes arrivent à coopérer et collaborer à distancepour concevoir.En effet, dans la réunion observée :- Deux langues maternel<strong>les</strong> coexistent qui peuventengendrer <strong><strong>de</strong>s</strong> problèmes d’intercompréhension.- Deux cultures se rencontrent. Leurs attributs (co<strong><strong>de</strong>s</strong>,valeurs, références, croyance) peuvent donc être à l’origine<strong>de</strong> conflits et mêmes d’échecs dans la <strong>communication</strong>et la collaboration.- Deux marques se retrouvent en situation <strong>de</strong> « coopétition» (<strong>de</strong>voir collaborer tout en étant en compétition<strong>sur</strong> certains projets). En effet, alors que <strong>sur</strong> le marché<strong>les</strong> entreprises qui forment désormais le groupe sont enconcurrence, el<strong>les</strong> se retrouvent dans une situation oùel<strong>les</strong> doivent œuvrer ensemble afin <strong>de</strong> coopérer et collaborerau mieux. L’impression que <strong>les</strong> uns marchent <strong>sur</strong><strong>les</strong> plates-ban<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> autres est génératrice <strong>de</strong> tensions,voire <strong>de</strong> conflits.- Quatre zones d’expertise se côtoient. Toutefois, <strong>les</strong>experts <strong>de</strong> ces zones n’ont pas <strong>les</strong> mêmes intérêts ni<strong>les</strong> mêmes enjeux à défendre. C’est pourquoi ils sontsouvent amenés à argumenter, à défendre une opinion,à négocier pour que leurs points <strong>de</strong> vue soient pris encompte.- Trois métiers sont présents : <strong>les</strong> industriels, <strong>les</strong> ingénieurs-concepteursen CAO, <strong>les</strong> architectes. Si cettemulti-expertise permet <strong>de</strong> pallier ou d’anticiper <strong><strong>de</strong>s</strong> problèmes<strong>de</strong> conception, elle génère néanmoins quelquessoucis (divergences dans <strong>les</strong> terminologies, représentationset préoccupations liées au métier originel, dans<strong>les</strong> raisonnements…). Indubitablement, ces distancesprofessionnel<strong>les</strong> (divergences <strong>de</strong> connaissances, rô<strong>les</strong>,intérêts, motivations, espace <strong>de</strong> sens) sont sources <strong>de</strong>conflits d’objectifs, <strong>de</strong> priorités, d’investissements.- Cinq sites sont potentiellement connectab<strong>les</strong>. Lespartenaires <strong>de</strong> cette réunion multi-localisée sont doncdispersés dans <strong>de</strong>ux pays, mais aussi dans chacun <strong><strong>de</strong>s</strong>pays.Dans notre cas, la dispersion <strong>de</strong> configuration (c’est-àdiregéographique et temporelle) est assez importantepuisque <strong>les</strong> métiers sont en outre répartis <strong>sur</strong> différents90 © Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres


CHAPITRE III : LES éTUDES DE TERRAINsites et bâtiments. Cette configuration amplifie la distancegéographique existante car même s’ils sont dansla même ville, et pour ne pas perdre <strong>de</strong> temps en déplacement,<strong>les</strong> intervenants participent aux conférences enaudio.Ainsi, <strong>sur</strong> le site français, la réunion se déroule dansune salle spécialement équipée pour le projet. Lesautres sites, voire <strong><strong>de</strong>s</strong> personnes du même site, seconnectent <strong>de</strong>puis leurs bureaux respectifs ou dans <strong><strong>de</strong>s</strong>sal<strong>les</strong> <strong>de</strong> réunions.- Un nombre <strong>de</strong> participants non i<strong>de</strong>ntifié : la composition<strong>de</strong> ce groupe, sa géométrie et le cercle <strong><strong>de</strong>s</strong> participantssont variab<strong>les</strong> d’une réunion à l’autre et dans soncours d’action même en fonction <strong>de</strong> l’ordre du jour et <strong>de</strong>la disponibilité <strong><strong>de</strong>s</strong> acteurs.– Distances spatio-temporel<strong>les</strong> et conceptuel<strong>les</strong>S’affranchir <strong><strong>de</strong>s</strong> distances spatio-temporel<strong>les</strong> et conceptuel<strong>les</strong>(en termes <strong>de</strong> ressources, d’expériences, <strong>de</strong> perspectives)qui séparent <strong>les</strong> membres <strong>de</strong> l’équipe pourparvenir à satisfaire <strong>les</strong> objectifs du projet est un défimajeur. Les inci<strong>de</strong>nces <strong>de</strong> la pluriculturalité <strong>sur</strong> le travailsont encore peu explorées, c’est pourtant une questionessentielle au moment où ces équipes se constituent à<strong>de</strong> gran<strong><strong>de</strong>s</strong> échel<strong>les</strong> et rassemblent une pluralité <strong>de</strong> compétences.Essayer d’aligner, d’ajuster <strong><strong>de</strong>s</strong> perspectivesaussi hétérogènes passe par un travail important d’articulation(Grosjean & Lacoste, 1999), parfois en situationd’incertitu<strong>de</strong>, car l’équipe a souvent comme seul horizoncommun <strong>les</strong> engagements liés à la réussite du projet.– Environnement technologiqueUne équipe distribuée <strong>de</strong> projet évolue dans un environnementtechnologique sophistiqué avec lequel elledoit composer. Lorsque <strong>les</strong> relations sont médiatisées,l’interconnaissance entre <strong>les</strong> partenaires est faible. Il estainsi difficile <strong>de</strong> créer et <strong>de</strong> maintenir un soli<strong>de</strong> lien professionnelet d’établir une confiance mutuelle, pourtantindispensable à l’action commune.Dès lors, le type <strong>de</strong> médiatisation conditionne pourune part déterminante <strong>les</strong> interactions qui peuvent sedérouler au sein <strong>de</strong> la réunion. À l’épreuve <strong>de</strong> la réunionmulti-localisée synchrone, la capacité à co-construiredans le groupe et par le groupe <strong><strong>de</strong>s</strong> références communes,à créer une compréhension partagée du problème,à établir « une conscience mutuelle » <strong>de</strong> la situation <strong>de</strong>coopération et à percevoir <strong>les</strong> « effets <strong>de</strong> la présence <strong>de</strong>l’autre » est déterminante. Cet awareness joue un rôleessentiel pour maintenir la trajectoire <strong><strong>de</strong>s</strong> interactions àdistance (Grosjean, 2005).Notre problématique générale consiste à nous interroger<strong>sur</strong> ce qui permet, ai<strong>de</strong> cette équipe distribuée à constitueret maintenir cette conscience mutuelle et partagée ?Démarche mise en œuvreNotre démarche d’intervention s’est déroulée en plusieursphases.– Une fois <strong>les</strong> accords obtenus auprès du manager du service,une phase d’immersion exploratoire <strong>de</strong> quatre moisa pu s’engager <strong>sur</strong> ce site français. Le premier objectifétait <strong>de</strong> se familiariser avec ce service : ses activités, sesacteurs, le langage professionnel. Cette acculturation apermis d’acquérir une compréhension <strong>de</strong> la complexité<strong><strong>de</strong>s</strong> situations <strong>de</strong> travail. Le second objectif était <strong>de</strong> sefaire accepter du collectif, <strong>de</strong> <strong>les</strong> informer <strong><strong>de</strong>s</strong> modalités<strong>de</strong> l’étu<strong>de</strong> et d’obtenir leur accord pour <strong>les</strong> associer ànotre démarche d’investigation.Nous avons concrètement participé à plusieurs types <strong>de</strong>réunions (<strong>de</strong> projet, décisionnel<strong>les</strong>), observé <strong>de</strong> façonouverte le travail <strong><strong>de</strong>s</strong> acteurs et partagé <strong>les</strong> momentsinformels (repas, pauses café…). Ces observations ontété consignées sous forme <strong>de</strong> notes en associant le verbatimou <strong>les</strong> échanges entre <strong>les</strong> acteurs à propos <strong>de</strong> leuractivité. Nous avons ensuite ciblé notre action <strong>sur</strong> leprojet afin <strong>de</strong> définir <strong><strong>de</strong>s</strong> fenêtres d’observations pertinenteset <strong>de</strong> concevoir <strong>les</strong> outils ad hoc en regard <strong>de</strong>l’activité <strong>de</strong> conception et <strong><strong>de</strong>s</strong> contraintes du terrain.En complément, nous avons conduit dix-neuf entretienssemi-directifs individuels auprès <strong><strong>de</strong>s</strong> ingénieurs du service.D’une durée <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux heures environ, ils ont étéenregistrés en audio. Ces entretiens ont été indispensab<strong>les</strong>pour commencer à saisir la complexité du projet <strong>de</strong>conception. L’observation <strong>de</strong> cette activité s’est avéréedélicate car pour comprendre le travail <strong><strong>de</strong>s</strong> ingénieurs,nous <strong>de</strong>vions avoir un niveau <strong>de</strong> connaissances techniquespresque équivalent à celui <strong><strong>de</strong>s</strong> personnes observéeset maîtriser la terminologie (anglaise) correspondante.– La secon<strong>de</strong> phase du recueil fut consacrée à une observationinstrumentée qui visait à appréhen<strong>de</strong>r ce que fontréellement <strong>les</strong> co-équipiers en situation. Avec une caméragrand angle, nous avons réalisé l’enregistrement audiovisueld’une réunion <strong>de</strong> conception synchrone multilocalisée<strong>de</strong> <strong>de</strong>ux heures. Nous avons observé l’équipeen charge <strong>de</strong> la conception en numérique du véhicule,dispersée <strong>sur</strong> cinq sites géographiques distants dans <strong>les</strong><strong>de</strong>ux pays. L’équipe dans son ensemble rassemblait <strong><strong>de</strong>s</strong>cadres et <strong><strong>de</strong>s</strong> non-cadres coopérant à distance via <strong><strong>de</strong>s</strong>dispositifs d’audioconférence et <strong>de</strong> partage d’applications.Tous <strong>les</strong> échanges en anglais ont été enregistrés maisseuls <strong>les</strong> Français présents <strong>sur</strong> le site dans la salle IPAO© Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres91


CHAPITRE III : LES éTUDES DE TERRAINont été filmés. Pour <strong><strong>de</strong>s</strong> raisons <strong>de</strong> confi<strong>de</strong>ntialité <strong><strong>de</strong>s</strong>données partagées, nous n’avons pas été autorisés àfilmer l’écran qui en fournit la représentation visuelle(données CAO).et <strong>de</strong> l’activité professionnelle. Les interlocuteurs partagentla projection en 3D <strong><strong>de</strong>s</strong> composants du véhicule(via l’outil <strong>de</strong> messagerie instantané que l’on nommeraLivemeeting) et discutent en même temps en face-à-faceet en call-conférence <strong>sur</strong> ce matériel technique.Position 1caméra externegrand angleÉcranPosition 2caméra externegrand angleNos analyses ont porté plus particulièrement <strong>sur</strong> le travaild’ingénieurs-architectes responsab<strong>les</strong> <strong>de</strong> zone. Leuractivité est essentiellement une activité <strong>de</strong> liaison entreservices et d’animation <strong>de</strong> réunions <strong>de</strong> métiers. Ils sont<strong>les</strong> garants <strong>de</strong> la cohérence <strong><strong>de</strong>s</strong> pièces en termes d’installationet <strong>de</strong> géométrie. Ils distribuent <strong>les</strong> tâches auxdifférents métiers qui <strong>les</strong> exécutent pendant <strong>les</strong> phases<strong>de</strong> conception séparées. Et enfin, ils pilotent l’animation<strong><strong>de</strong>s</strong> groupes métiers et <strong><strong>de</strong>s</strong> revues <strong>de</strong> projet avec <strong>les</strong> scénaristes.Les scénaristes ont la responsabilité <strong>de</strong> la miseà disposition <strong><strong>de</strong>s</strong> environnements numériques et la miseà jour <strong>de</strong> la maquette numérique globale du produit àpartir <strong><strong>de</strong>s</strong> composants réalisés par <strong>les</strong> ingénieurs-concepteurs.Photo extraite d’une observation vidéo <strong>de</strong> la visioconférenceL’analyse a été effectuée par un relevé d’activité à l’ai<strong>de</strong>d’une grille d’observation construite a posteriori (quand,qui, où, fait/dit quoi, avec qui, comment, pour quoi faire,compétences requises). Elle cherchait à rendre compte<strong><strong>de</strong>s</strong> processus <strong>de</strong> coopération, <strong>de</strong> la nature <strong><strong>de</strong>s</strong> interactions,<strong><strong>de</strong>s</strong> registres et ressources <strong>de</strong> l’activité, <strong><strong>de</strong>s</strong> stratégiesloca<strong>les</strong> pour communiquer à l’insu <strong><strong>de</strong>s</strong> partenairesdistants, <strong><strong>de</strong>s</strong> difficultés rencontrées. Le tout avec unefocalisation <strong>sur</strong> le rôle <strong>de</strong> l’animatrice <strong>de</strong> cette réunionqui se révèle déterminant pour la progression collectivedu travail (construction d’une représentation commune<strong>de</strong> la tâche et instauration d’une confiance mutuelleentre <strong>les</strong> co-équipiers). Cette animatrice est cadre etresponsable <strong><strong>de</strong>s</strong> circuits dans le produit en projet.Principaux résultats obtenusPlace <strong>de</strong> l’observateur• L’activité <strong>de</strong> conception dans l’équipe projet pluriculturelleet multi-sitesLes membres <strong>de</strong> l’équipe travaillent séparément enconception assistée par ordinateur (CAO), c’est-à-dire<strong>sur</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> prototypes numériques en 3D, et se retrouventlors <strong>de</strong> réunions pour agréger leurs contributions individuel<strong>les</strong>au processus collectif et se coordonner.Cette réunion a pour objectif <strong>de</strong> vérifier la cohérenceentre <strong>les</strong> pièces du produit et <strong>de</strong> vali<strong>de</strong>r leur implantation.Les interactions se déroulent dans une salle IPAO(Ingénierie <strong>de</strong> Process Assisté par Ordinateur), équipée<strong>de</strong> différentes TIC, véritab<strong>les</strong> médiatrices <strong><strong>de</strong>s</strong> relations• Les partenaires en salle IPAO disposent d’unelarge palette <strong>de</strong> TIC.La réunion observée est prototypique d’une revue <strong>de</strong> projetdont <strong>les</strong> objectifs sont <strong>de</strong> rendre compte <strong>de</strong> la progressiondu travail une fois par semaine, <strong>de</strong> confronteret <strong>de</strong> synchroniser <strong>les</strong> avancées, <strong>de</strong> coordonner le travailindividuel.Livemeeting semble être <strong>de</strong>venu indispensable à l’activité<strong>de</strong> réunion. C’est un dispositif <strong>de</strong> partage d’applicationsynchrone qui permet à chacun d’avoir la mêmereprésentation visuelle projetable <strong>sur</strong> un grand écran et<strong>sur</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> ordinateurs.Le principal artefact partagé pendant une réunion estle modèle CAO (Conception assistée par Ordinateur),qui comprend certains composants du produit. Pendantla revue, <strong>les</strong> modè<strong>les</strong> sont manipulés par le scénariste.Disposer d’un bon système <strong>de</strong> partage synchrone <strong><strong>de</strong>s</strong>documents permet <strong>de</strong> focaliser l’attention <strong>sur</strong> le contenu<strong><strong>de</strong>s</strong> documents et <strong>les</strong> objectifs <strong>de</strong> la réunion et limite<strong>les</strong> possibilités <strong>de</strong> malentendus. Le système offre auxinterlocuteurs distants la possibilité <strong>de</strong> montrer avec lasouris <strong><strong>de</strong>s</strong> pièces dans le document partagé.En parallèle, ils communiquent via un système d’audioconférence.Ce double dispositif - Livemeeting plus audioconférence- présente <strong><strong>de</strong>s</strong> avantages forts. Il permet <strong>les</strong><strong>communication</strong>s en temps réel ; ensuite, bien qu’éloignés,<strong>les</strong> interlocuteurs peuvent intervenir à distance sans êtreprésents physiquement. Enfin, l’association <strong><strong>de</strong>s</strong> messagesverbaux et visuels permet en partie <strong>de</strong> retrouver la richessed’une <strong>communication</strong> en face à face (multimodalité).Ils utilisent également la messagerie (instantanée etasynchrone), un outil <strong>de</strong> partage <strong>de</strong> données asynchrone92 © Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres


CHAPITRE III : LES éTUDES DE TERRAIN(espace partagé), <strong><strong>de</strong>s</strong> logiciels <strong>de</strong> bureautique et unaccès Internet.Pourtant, au cours <strong>de</strong> cette réunion, <strong>les</strong> aménagementsspatio-temporels s’y révèlent flexib<strong>les</strong> mais contraignantset <strong>les</strong> difficultés d’ordre sociotechnique sont éprouvantes.L’équipe distribuée prend part à <strong><strong>de</strong>s</strong> activités glocalisées(contraction <strong>de</strong> global et local, Bobillier-Chaumon,2009). En effet, elle doit interagir simultanément dans<strong><strong>de</strong>s</strong> mon<strong><strong>de</strong>s</strong> sociaux distincts, selon <strong><strong>de</strong>s</strong> moyens, <strong><strong>de</strong>s</strong>canaux <strong>de</strong> <strong>communication</strong> et <strong><strong>de</strong>s</strong> langues différents(équipe en présentiel avec <strong><strong>de</strong>s</strong> apartés en français, dunon verbal et du numérique vs équipe en distantiel enanglais avec le seul canal verbal médiatisé), dans <strong><strong>de</strong>s</strong>lieux et <strong><strong>de</strong>s</strong> espaces mixtes (virtuels et physiques), <strong><strong>de</strong>s</strong>modalités différentes (synchrone et asynchrone), en utilisant<strong><strong>de</strong>s</strong> supports multip<strong>les</strong> (espaces numériques partagéset personnels). La pluralité <strong><strong>de</strong>s</strong> interactions quis’enchâssent et s’entremêlent est une source <strong>de</strong> difficultésaux plans cognitif et social.L’audioconférence contraint fortement <strong>les</strong> interactions ausein <strong>de</strong> ce collectif composite. Avec ce dispositif, la possibilitéd’établir « une conscience mutuelle » <strong>de</strong> la situation<strong>de</strong> coopération est difficile puisque seule la prise<strong>de</strong> parole atteste <strong>de</strong> la co-présence virtuelle <strong><strong>de</strong>s</strong> partenaires.L’inexistence <strong><strong>de</strong>s</strong> indices non verbaux comme <strong>les</strong>gestes, <strong>les</strong> regards ou <strong>les</strong> expressions facia<strong>les</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> individusporte préjudice au développement <strong>de</strong> la confiancenécessaire à un bon fonctionnement <strong>de</strong> l’équipe si sesmembres ne ressentent pas une certaine proximité. Ceciest renforcé si <strong>les</strong> membres <strong>de</strong> l’équipe ne se sont jamaisrencontrés <strong>de</strong> visu. Les équipiers ne partagent pas nonplus le même environnement physique <strong>de</strong> travail, ce qui<strong>les</strong> prive <strong>de</strong> toutes <strong>les</strong> socialités et <strong><strong>de</strong>s</strong> contextualités quile nourrissent. Les acteurs engagés dans <strong><strong>de</strong>s</strong> processuscoopératifs ont aussi besoin d’échanger <strong>de</strong> l’informationimmature, <strong>de</strong> faire <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong>criptions approximatives etincomplètes, <strong>de</strong> véhiculer <strong><strong>de</strong>s</strong> hypothèses et <strong><strong>de</strong>s</strong> décisionsprovisoires. Ces besoins induisent une part nonnégligeable <strong>de</strong> désaccord, <strong>de</strong> négociation, d’argumentation,<strong>de</strong> compromis, <strong>de</strong> persuasion. Or il n’est pas aisé,en l’absence d’image, d’apprécier le cercle <strong><strong>de</strong>s</strong> contributeurspotentiels, <strong>de</strong> <strong>les</strong> i<strong>de</strong>ntifier, <strong>de</strong> s’inscrire dans untour <strong>de</strong> parole ou <strong>de</strong> reconnaître <strong>les</strong> intentions supposéesdu partenaire, ce à quoi il se réfère dans l’action, nimême <strong>sur</strong> quoi elle porte, d’interpréter un silence.Au final, la glocalité <strong><strong>de</strong>s</strong>sine une reconfiguration sensible<strong><strong>de</strong>s</strong> pratiques qui se donne à voir ici à différents niveaux.L’attraction du présentiel est fort, en témoigne <strong>les</strong> nombreuxapartés observés ou l’oubli <strong>de</strong> partenaires distantsisolés, ce qui entraîne <strong><strong>de</strong>s</strong> régimes d’engagement trèsdifférents dans <strong>les</strong> tâches en cours. L’usage massif <strong><strong>de</strong>s</strong>LogicielsCAO dédiésAudio-conférencePartage d’applications(CAO, PPT) viaLiveMeetingE-mails, messagerie instantanée, agendaspartagés, logiciels coopératifs/TeamPlacePhoto-Vi<strong>de</strong>o : Salle IPAO et dispositifs technologiques synchrone/asynchrone co-localisé/distribué.TIC impose un rythme accéléré aux réapprentissagesconstants pour maintenir sa compétence. L’harmonisation<strong><strong>de</strong>s</strong> systèmes <strong>de</strong> CAO, prescrite par voie hiérarchiqueen faveur du système suédois, pose <strong><strong>de</strong>s</strong> problèmesrécurrents <strong>de</strong> conversion logicielle et s’accompagne d’unsentiment, côté français, <strong>de</strong> disqualification <strong><strong>de</strong>s</strong> compétencesmétiers.• La coopération multiculturelle à l’épreuve <strong><strong>de</strong>s</strong>différencesLa multi-culturalité <strong>de</strong> l’équipe constituée pour <strong>les</strong>besoins spécifiques <strong>de</strong> ce projet est radicale. Sur le plan<strong>de</strong> la <strong>communication</strong>, l’anglais est la langue officielle dugroupe. Les réunions se déroulent donc dans une langued’emprunt pour <strong>les</strong> <strong>de</strong>ux nationalités mais <strong>les</strong> niveaux <strong>de</strong>maîtrise <strong>de</strong> l’anglais sont très différents selon <strong>les</strong> participants.Ils entraînent <strong><strong>de</strong>s</strong> problèmes récurrents <strong>de</strong> compréhensionet d’interprétation d’où le risque permanent <strong>de</strong>malentendus.L’interactivité synchrone, <strong>sur</strong>tout quand elle s’inscritdans un environnement imprévisible, représente uneprise <strong>de</strong> risque i<strong>de</strong>ntitaire car elle implique une certaineobligation <strong>de</strong> performance, une mise en jeu <strong><strong>de</strong>s</strong> compétences,ici et maintenant.Dans une situation où la crainte <strong>de</strong> ne pouvoir tenir <strong>les</strong>engagements du projet est toujours présente, l’usage<strong>de</strong> l’anglais semble amplifier cette prise <strong>de</strong> risque. Desdécalages importants sont observés dans la capacité ànégocier et à débattre introduisant <strong>de</strong> fortes dissensionsdans <strong>les</strong> interactions entre <strong>les</strong> <strong>de</strong>ux cultures. Ces problèmes,insuffisamment considérés, ne sont pas mineurs carils mettent en jeu l’efficacité du travail et sa pénibilité.© Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres93


CHAPITRE III : LES éTUDES DE TERRAINEn l’absence d’habitu<strong><strong>de</strong>s</strong> et d’expériences partagées, <strong>les</strong>effets d’inter-culturalité se manifestent sous bien <strong><strong>de</strong>s</strong>formes. L’interdépendance <strong><strong>de</strong>s</strong> partenaires oblige à intégrerplusieurs univers <strong>de</strong> signification et <strong><strong>de</strong>s</strong> logiquesparfois antagonistes. Ils ne peuvent pas non plus s’appuyer<strong>sur</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> routines, se référer à <strong><strong>de</strong>s</strong> normes ou <strong><strong>de</strong>s</strong>conventions communes <strong>de</strong> travail. Pour pallier ces risques<strong>de</strong> malentendus, l’enjeu est <strong>de</strong> constituer une histoireet un langage partagés. C’est à ce prix que l’équipepourra développer <strong><strong>de</strong>s</strong> sentiments d’appartenance et <strong>de</strong>confiance, obtenir un véritable engagement <strong>de</strong> ses membresavec la réelle volonté <strong>de</strong> coopérer.L’arrière-plan contextuel et organisationnel éclaire aussicertaines <strong><strong>de</strong>s</strong> difficultés interactionnel<strong>les</strong>. La coopérationdistante et l’harmonisation (<strong><strong>de</strong>s</strong> processus, <strong><strong>de</strong>s</strong> outils) sontprésentées <strong>de</strong> façon idéale et stratégique, el<strong>les</strong> n’en sontpas moins imposées et sont la source d’insécurité professionnelle.Les stratégies concurrentiel<strong>les</strong> <strong>de</strong> marques et lacoopération décrétée s’opposent frontalement et peuventêtre vécues comme une injonction paradoxale.• Animer une réunion : un rôle cléMalgré le cadre très formalisé <strong>de</strong> la réunion, l’observationmontre qu’elle glisse rapi<strong>de</strong>ment vers la résolutioncollective <strong>de</strong> divers problèmes techniques. Le rôle <strong>de</strong>l’animatrice s’est révélé déterminant dans la progressiondu travail collectif et <strong>sur</strong>tout pour lever <strong>les</strong> points <strong>de</strong>blocage entre <strong>les</strong> participants. Nous ne nous arrêteronspas <strong>sur</strong> <strong>les</strong> missions qui sont classiquement dévolues àl’animateur d’une réunion (préparation et accueil <strong>de</strong> laréunion) pour nous focaliser <strong>sur</strong> ce qui particularise cerôle dans cette situation.Outre sa compétence technique qui lui permet d’avoir unevision globale du véhicule, elle a une excellente maîtriseIngénieur/concepteur CAOScénariste,architecteAnimatrice,architecteParticipants distantsSuédois & FrançaisIndustrielPhoto extraite d’une vidéo montrant la collaboration locale etmulti-sites (visio-conférence) entre différents ingénieurs.<strong>de</strong> l’anglais, une connaissance <strong>de</strong> tous <strong>les</strong> acteurs engagésdans le projet, <strong>de</strong> leur domaine précis d’expertise et<strong>de</strong> leur position hiérarchique. Au cours <strong><strong>de</strong>s</strong> interactions,elle forme avec le scénariste un binôme complice au plantechnique. Ce <strong>de</strong>rnier est expert <strong><strong>de</strong>s</strong> différents logiciels<strong>de</strong> CAO utilisés dans le projet. Sa mission est d’animerla projection synchrone partagée <strong>de</strong> la CAO en 3D, <strong>de</strong>la diriger <strong>sur</strong> <strong>les</strong> différents ordinateurs, <strong>de</strong> désigner <strong>les</strong>points visuels précis qui font l’objet <strong>de</strong> la discussion,d’actualiser <strong>les</strong> dossiers.Ce qui est remarquable chez l’animatrice, c’est la façon dontson activité prend appui continûment <strong>sur</strong> <strong>les</strong> artefacts etcomment elle instrumentalise la messagerie instantanée.Par ce moyen, elle étaie son activité pour s’engager dansla situation, instrumenter la mise en relation (inviter unnouveau participant en cours <strong>de</strong> réunion tout en vérifiantsa disponibilité), anticiper <strong>les</strong> sollicitations <strong>de</strong> son environnementpour y répondre <strong>de</strong> façon pertinente (activerson réseau pour requérir une expertise, une information),s’as<strong>sur</strong>er <strong>de</strong> la qualité <strong>de</strong> la coopération ou la réguler sinécessaire (rappeler à l’ordre un participant), as<strong>sur</strong>er latraçabilité <strong><strong>de</strong>s</strong> échanges importants, voire définir <strong><strong>de</strong>s</strong> stratégiesloca<strong>les</strong> (en chatant en aparté avec son équipe enprésentiel pour définir une réponse commune au momentoù un désaccord apparaît avec le distanciel) ou discuter àl’insu <strong><strong>de</strong>s</strong> partenaires distants.Elle mobilise différentes stratégies et registres <strong>de</strong> <strong>communication</strong>pour prévenir <strong>les</strong> incompréhensions liées àl’anglais, s’as<strong>sur</strong>er <strong>de</strong> l’ajustement et <strong>de</strong> l’alignementcognitif entre <strong>les</strong> différents experts et <strong>de</strong> l’engagement<strong>de</strong> tous. Elle explicite à haute voix ce qui ne peut êtrevu ou entendu <strong>sur</strong> <strong>les</strong> autres sites, ce qui est important,<strong>les</strong> points ambigus ou <strong>les</strong> questions qu’elle anticipe. Elleagit aussi comme un pont entre <strong>les</strong> participants. Grâce àses compétences et sa connaissance <strong><strong>de</strong>s</strong> acteurs, elle esten capacité <strong>de</strong> donner la parole à un expert <strong>sur</strong> un pointprécis, <strong>de</strong> reformuler un propos incompréhensible. Traduisanten anglais <strong>les</strong> échanges s’ils s’avèrent partageab<strong>les</strong>,en utilisant un langage non verbal explicite (simulationd’une claque en cas <strong>de</strong> désaccord), en baissant le sonou en expliquant un silence, toujours vécu à distancecomme un inci<strong>de</strong>nt critique ou une non-action.Elle favorise la construction d’une histoire commune enutilisant le langage créé par l’équipe <strong>de</strong> conception pourdésigner un objet en 3D. Elle a donc le souci constantd’instaurer et <strong>de</strong> faire vivre le dialogue interculturel enintégrant <strong>les</strong> points <strong>de</strong> vue <strong><strong>de</strong>s</strong> différents métiers en sefaisant leur porte-parole en leur absence. Elle instaureainsi la confiance en accordant une place à chaque membre.Pour maintenir la trajectoire <strong><strong>de</strong>s</strong> interactions lors <strong>de</strong> laréunion, l’animatrice a une pluralité <strong>de</strong> rô<strong>les</strong> et doit géreren conséquence <strong>de</strong> multip<strong>les</strong> tâches en simultané <strong>de</strong>94 © Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres


CHAPITRE III : LES éTUDES DE TERRAINnatures très différentes, qu’elle priorise selon la progression<strong>de</strong> la réunion dans la dynamique <strong><strong>de</strong>s</strong> interactionsmédiatisées. Dans le cours <strong>de</strong> la réunion, elle sembleengagée par <strong><strong>de</strong>s</strong> sollicitations multip<strong>les</strong> qui exigent uneforte réactivité. Elle parvient pourtant à maintenir à lafois un foyer d’attention soutenu <strong>sur</strong> <strong>les</strong> interactionssocia<strong>les</strong> - en présentiel et en distantiel - et un foyerd’attention périphérique <strong>sur</strong> <strong>les</strong> représentations visuel<strong>les</strong>qui matérialisent <strong>les</strong> états du travail. Cela exige unegran<strong>de</strong> flexibilité mentale et un travail constant d’articulationpour exploiter <strong>les</strong> ressources contextuel<strong>les</strong>.Discussion <strong><strong>de</strong>s</strong> résultatsFaire travailler ensemble <strong><strong>de</strong>s</strong> individus provenant <strong>de</strong>cultures et d’horizons professionnels très divers voireconcurrents, c’est confronter, dans la dynamique <strong><strong>de</strong>s</strong>interactions, <strong><strong>de</strong>s</strong> logiques d’action propres à ces espacesqui peuvent <strong>de</strong>venir <strong><strong>de</strong>s</strong> sources <strong>de</strong> conflits et peser<strong>sur</strong> l’activité. L’engagement dans l’action à distance,l’exposition collective du travail en l’absence <strong>de</strong> lienssociaux construits <strong>de</strong> longue date avec la seule ressourcelangagière verbale, sont un exercice difficile. Le travailcoopératif multiculturel et multi-localisé se révèle donctrès complexe.Dès lors nous souhaitions savoir comment cette équipeparvenait à fonctionner, comment la distance additionnéeaux multi-culturalités (nationa<strong>les</strong> et métiers) estellegérée ?<strong>de</strong> choses. Moi je sais que je suis plus stressée, fatiguéequ’à l’époque où j’étais <strong>sur</strong> notre ancien environnement<strong>de</strong> travail, où j’avais moins <strong>de</strong> réunions et où je pouvaisgérer une chose à la fois, on va dire. Là, ça fuse dans tous<strong>les</strong> sens, c’est tout le temps. C’est donc : tu vas répondreà la messagerie instantanée pour un problème, être à laréunion d’un autre et encore en troisième trier tes e-mailspour un autre problème, c’est constamment. Les TIC nouspermettent peut-être <strong>de</strong> faire un peu trop <strong>de</strong> choses enmême temps ».Or toutes ces activités d’articulation <strong>de</strong> travaux et d’événementsmultip<strong>les</strong> avec différentes <strong>technologies</strong> sontpeu visib<strong>les</strong> et <strong>les</strong> compétences développées sont rarementreconnues. Nos résultats révèlent que l’activité<strong><strong>de</strong>s</strong> cadres est à ce point complexe qu’elle mérite uneméthodologie particulièrement fine (entretiens et observations)qui va au plus près <strong>de</strong> l’activité réelle.On s’attendait à ce que <strong>les</strong> TIC soient <strong>les</strong> outils d’excellencepour médiatiser ces relations <strong>de</strong> conception.Cependant, <strong>les</strong> instruments dont dispose l’équipe ont<strong><strong>de</strong>s</strong> lacunes pour fournir <strong><strong>de</strong>s</strong> informations <strong>sur</strong> la tâche et<strong>sur</strong>tout ne permettent pas <strong>de</strong> partager <strong><strong>de</strong>s</strong> informations<strong>sur</strong> autrui. Nous avons donc proposé <strong>de</strong> considérer, enplus d’une assistance par <strong><strong>de</strong>s</strong> outils technologiques, etpar <strong><strong>de</strong>s</strong> règ<strong>les</strong>, une assistance <strong>de</strong> nature humaine. C’estpourquoi nous nous sommes attachés à décrire quelquesune <strong><strong>de</strong>s</strong> missions que s’est donnée l’animatrice.Dans un premier temps, cela consiste à dépasser <strong>les</strong>contraintes spatia<strong>les</strong> et <strong>sur</strong>passer <strong>les</strong> clivages classiquesentre unités, services, métiers, cultures nationa<strong>les</strong> etorganisationnel<strong>les</strong>.Dans un second temps, elle essaie d’établir <strong><strong>de</strong>s</strong> espaces<strong>de</strong> consensus à propos <strong>de</strong> problèmes techniques, <strong>de</strong>construire une représentation commune <strong>de</strong> la tâche, <strong>de</strong>créer une synergie entre participants et instaurer uneconfiance mutuelle entre <strong>les</strong> co-équipiers. Ceci est lerésultat d’une multi-activité, coûteuse en énergie etressources cognitives, et <strong>de</strong> tout un travail d’articulationpour cette cadre animatrice, qu’elle évoque dansce qui suit : « Je pense que c’est beaucoup plus fatigantpour le cerveau d’être obligée <strong>de</strong> se concentrer <strong>sur</strong> plus© Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres95


CHAPITRE III : LES éTUDES DE TERRAINLa gestion <strong>de</strong> la mobilité dans l’activité médiatisée <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres : Le cas <strong>de</strong> cadrescommerciaux en home-officeRésuméCette étu<strong>de</strong> a consisté à analyser le travail <strong>de</strong> cadrescommerciaux dont le bureau fixe a été supprimé suiteà une réorganisation <strong>de</strong> l’entreprise. Ces cadres travaillentdorénavant en « home office », c’est-à-direque leur bureau se trouve à leur domicile.Au <strong>de</strong>là <strong>de</strong> cette nouvelle organisation du travail, nousavons mis en évi<strong>de</strong>nce le fait que <strong>les</strong> cadres étaientaujourd’hui amenés à gérer au quotidien la mobilitéimpliquée par leur métier et également induite par laperte du bureau fixe. Cette nouvelle forme du « travailhors <strong>les</strong> murs » prend aujourd’hui plusieurs appellationstel<strong>les</strong> que le « home office », le « nomadisme »,le « travail à distance », le « télétravail ». En lien avecl’usage <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC, cette nouvelle forme d’organisation sedéveloppe sous <strong>les</strong> termes <strong>de</strong> mobilité et plus exactement<strong>de</strong> « mobiquité », avec l’idée que le bureaufixe habituel se transforme en bureau permanent viala connectivité permise par le micro-ordinateur et <strong>les</strong>téléphones mobi<strong>les</strong>. Le travailleur mobile reste ainsitoujours joignable. La particularité <strong>de</strong> cette nouvelleforme d’organisation du travail est que le salarié estamené à gérer <strong><strong>de</strong>s</strong> changements réguliers <strong>de</strong> contextes<strong>de</strong> travail. On peut dès lors parler d’un nouveau type<strong>de</strong> cadre : celui qui opère <strong><strong>de</strong>s</strong> réajustements en permanenceface aux différents contextes (géographiques,physiques, fonctionnels) <strong>de</strong> travail.Mots clefs : Home office, Nomadisme, Bureau permanent,Cadres commerciauxContexte <strong>de</strong> l’étu<strong>de</strong> et problème poséL’intervention s’est déroulée au sein d’une entreprise <strong>de</strong>l’industrie qui venait <strong>de</strong> mettre en place le projet LeanOrganisation. Ce projet avait pour objectif d’améliorerl’efficacité et <strong>de</strong> réduire <strong>les</strong> coûts administratifs et commerciauxgrâce à la mise en œuvre d’une nouvelle organisation<strong><strong>de</strong>s</strong> fonctions supports centra<strong>les</strong> et <strong><strong>de</strong>s</strong> fonctionscommercia<strong>les</strong>. Il s’agissait aussi <strong>de</strong> réduire ses coûts enoptimisant l’organisation et <strong>de</strong> redéployer <strong><strong>de</strong>s</strong> ressourcespour améliorer sa performance commerciale.Dans le cadre du projet, l’organisation en « hub »regroupe plusieurs fonctions qui sont communes à plusieurszones <strong>de</strong> ventes ou <strong>de</strong> pays. Chaque hub rassemble<strong>les</strong> fonctions supports (finance, ressources humaines<strong>communication</strong> et systèmes d’information) et <strong>les</strong> fonc-tions commercia<strong>les</strong> (vente, après-vente marketing opérationnel,développement réseau et produit). Les bureaux<strong><strong>de</strong>s</strong> Directions Régiona<strong>les</strong> Vente (soit 23 cadres ou managers19 commerciaux) et Après-Vente (19 cadres ou managerscommerciaux) ont été fermés physiquement. Seulsont été conservées en région <strong><strong>de</strong>s</strong> équipes <strong>de</strong> « supportà la vente » qui as<strong>sur</strong>ent une animation du réseau. Ceréseau est constitué <strong><strong>de</strong>s</strong> multip<strong>les</strong> antennes françaises.La localisation professionnelle <strong>de</strong> ces 42 managers (oucadres commerciaux) est dorénavant à l’extérieur <strong>de</strong> l’entreprise(à leur domicile) et ils sont gérés à distancepar une direction commerciale. Ce qui implique pour cesmanagers une plus gran<strong>de</strong> autonomie d’action, <strong>de</strong> responsabilitéet <strong>de</strong> décision.Des procédures <strong>de</strong> fonctionnement ont néanmoins étédéfinies pour suivre l’activité <strong>de</strong> ces cadres commerciaux« externalisés »:– Des points hebdomadaires individuels sont organiséslocalement en région (rencontre physique) ou à distancepar téléphone.– Des réunions mensuel<strong>les</strong> se tiennent dans <strong><strong>de</strong>s</strong> lieuxvariab<strong>les</strong>, el<strong>les</strong> réunissent <strong>les</strong> cadres commerciaux avecleur manager hiérarchique et le directeur du service.– Des rencontres trimestriel<strong>les</strong> sont organisées localementpour <strong>les</strong> 2 métiers. Cela leur permet <strong>de</strong> disposer <strong>de</strong>moments d’échanges.Le changement majeur dans cette nouvelle organisationrési<strong>de</strong> dans le fait que <strong>les</strong> cadres doivent dorénavant travaillerà leur domicile (en home-office) <strong>les</strong> jours où ils nesont pas <strong>sur</strong> le terrain, soit environ 2 jours par semaineà domicile. Des actions d’accompagnement individualiséet <strong>de</strong> formation ont été développées pour la gestion dutravail à domicile et <strong>sur</strong> la pratique informatique. Deséquipements informatiques ont également été affectéspour as<strong>sur</strong>er leur travail à distance :– Maintien <strong>de</strong> la connexion à distance permanente (Clef3 G),– Ouverture d’une ligne ADSL dédiée à domicile,– Équipement informatique adéquat (webcam),– Nouveaux logiciels <strong>de</strong> « reporting » et <strong>de</strong> <strong>communication</strong>,– Etc.La mise en place du home office chez <strong>les</strong> managers commerciauxétant récente, l’intervention avait pour objectifd’apporter un certain nombre d’indicateurs pour l’entre-19. Dans l’entreprise, un manager commercial est un cadre commercial qui anime et est responsable d’un réseau vente96 © Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres


CHAPITRE III : LES éTUDES DE TERRAINprise en termes d’organisation <strong>de</strong> l’activité et <strong>de</strong> gestion<strong>de</strong> la mobilité en lien avec <strong>les</strong> TIC. Il s’agissait enquelque sorte <strong>de</strong> faire un état <strong><strong>de</strong>s</strong> lieux <strong>de</strong> l’activité <strong>de</strong>ces managers après avoir expérimenté pendant quelquesmois le home office.Le projet Lean Organisation a pris effet en janvier 2010,nous sommes intervenus dans l’entreprise à partir dumois <strong>de</strong> mars 2010. L’intérêt était aussi pour l’entreprise<strong>de</strong> déterminer le besoin et l’usage que <strong>les</strong> managersavaient <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC pour adapter si nécessaire <strong>les</strong> outilset <strong>les</strong> formations proposés dans ce contexte d’activité.Ainsi, il s’agissait <strong>de</strong> traiter la question <strong>de</strong> l’usage <strong><strong>de</strong>s</strong><strong>technologies</strong> dans ce contexte <strong>de</strong> travail noma<strong>de</strong>, enmobilité constante.Principaux concepts mobilisésIl existe différents types <strong>de</strong> mobilité qu’un rapport publiépar la Commission Européenne 20 a recensés :Le travail médiatisé/informatisé ou (eWork) est untravail qui utilise <strong>les</strong> systèmes informatiques <strong>de</strong> l’entreprise,comme support et environnement <strong>de</strong> réalisation<strong>de</strong> l’activité.Le travail médiatisé en mobilité fait référence à toutessortes d’activité à fortes exigences professionnel<strong>les</strong>qui se déroulent en mobilité individuelle, c’est-à-dire en<strong>de</strong>hors <strong>de</strong> la maison et du bureau, et qui utilisent <strong>les</strong>TIC comme moyens <strong>de</strong> connexion à l’entreprise. Le travailmobile est donc lié à la possibilité qu’une personnepuisse exécuter <strong><strong>de</strong>s</strong> tâches en tout lieu et à tout moment.Dalloz (2009) 21 a introduit le terme <strong>de</strong> mobiquité pourdésigner, par la contraction <strong><strong>de</strong>s</strong> termes « mobilité » et« ubiquité », le fait qu’ « un usager a la possibilité <strong><strong>de</strong>s</strong>e connecter à un réseau sans contrainte <strong>de</strong> temps, <strong>de</strong>localisation, ou <strong>de</strong> terminal » (p.6).Cette activité mobile peut être classée selon plusieurscritères : le <strong>de</strong>gré <strong>de</strong> mobilité physique, le niveau <strong><strong>de</strong>s</strong>pratiques et <strong><strong>de</strong>s</strong> habitu<strong><strong>de</strong>s</strong>, le type <strong>de</strong> données échangéeset le <strong>de</strong>gré d’interaction.– Un salarié mobile est une personne qui travailleraitau moins dix heures par semaine loin <strong>de</strong> la maison et dulieu principal <strong>de</strong> travail et qui utiliserait <strong><strong>de</strong>s</strong> connexionsinformatiques en ligne pour télétravailler.– La micro-mobilité fait référence à la mobilité <strong>sur</strong>site et quasi-sé<strong>de</strong>ntaire (du « <strong>sur</strong> place »). Le salariése déplace dans <strong>les</strong> bâtiments environnants ou dans <strong><strong>de</strong>s</strong>lieux très proches <strong>de</strong> son espace <strong>de</strong> travail.– La multi-mobilité correspond à <strong><strong>de</strong>s</strong> déplacementsréguliers entre différents endroits.– La pleine mobilité (ou totale) correspond au mouvementcontinu/constant entre <strong>les</strong> différents emplacements(le salarié est toujours en mobilité).– Le travail multi-localisé est une activité effectuée àcertains endroits, souvent fixes, dont l’un peut être lamaison.– Un bureau instantané est un lieu <strong>de</strong> travail créé etoccupé temporairement par le salarié. Cela peut être unendroit qui n’est pas principalement conçu pour le travail<strong>de</strong> bureau (salle d’attente, train, voiture…).Au niveau <strong><strong>de</strong>s</strong> inci<strong>de</strong>nces, l’eWork mobile présente <strong><strong>de</strong>s</strong>effets négatifs <strong>sur</strong> <strong>les</strong> salariés impliqués (Richter, 2006),comme le déséquilibre entre vie professionnelle et viepersonnelle, la <strong>sur</strong>charge d’informations à traiter, <strong>les</strong>sollicitations permanentes, la disponibilité, l’amplitu<strong>de</strong>horaire, l’autonomie réduite, la pression au travail,le multitâche, la réduction du temps <strong>de</strong> réflexion. Auniveau <strong><strong>de</strong>s</strong> effets positifs, la mobilité permettrait unecertaine flexibilité pour remédier à l’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> déplacements(Shaffers, 2006).Problématique et questions <strong>de</strong> rechercheNotre recherche visait à répondre à <strong>de</strong>ux objectifs complémentaires:– Pour l’entreprise, celui d’appréhen<strong>de</strong>r <strong>les</strong> caractéristiques<strong>de</strong> l’activité <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres en home office. Il s’agissait<strong>de</strong> comprendre comment se déroulait effectivementcette expérience, comment elle était vécue.– Pour la recherche menée en partenariat avec l’Apec,notre objectif est d’i<strong>de</strong>ntifier le rôle <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong>dans cette activité noma<strong>de</strong>. Il s’agit d’i<strong>de</strong>ntifier <strong>les</strong> usageset inci<strong>de</strong>nces <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC <strong>sur</strong> l’activité <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres.Ces <strong>de</strong>ux objectifs sont complémentaires et permettent<strong>de</strong> répondre à un troisième objectif final, celui d’apporterun éclairage <strong>sur</strong> l’usage <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> dansce contexte <strong>de</strong> travail particulier : i<strong>de</strong>ntifier la place etl’usage <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC dans une activité noma<strong>de</strong> et <strong>de</strong> homeoffice ; comprendre comment cela se passe ; cerner <strong>les</strong>apports, <strong>les</strong> contraintes, le rôle <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC dans cette activitéparticulière.Dans cette perspective, nous nous sommes d’abord interrogés<strong>sur</strong> la question <strong>de</strong> l’usage <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> dans cecontexte <strong>de</strong> travail : est-ce que <strong>les</strong> outils utilisés sontappropriés à l’usage que <strong>les</strong> managers en ont ? Est-ce que<strong>les</strong> <strong>technologies</strong> facilitent la collaboration à distance ?Quels sont <strong>les</strong> pertes et gains majeurs dans ce nouveaucontexte <strong>de</strong> travail ? En quoi une activité noma<strong>de</strong> impliqueun usage particulier <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC ?20. The increasing use of portable computing and <strong>communication</strong> <strong>de</strong>vices and its impact on the health of EU workers, CEE, Déc. 2009.21. Cité par <strong>les</strong> Cahiers <strong>de</strong> l’ANR, n°1, Juin 2009.© Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres97


CHAPITRE III : LES éTUDES DE TERRAINDémarches mise en œuvre et métho<strong><strong>de</strong>s</strong> déployéesDans un premier temps, notre travail a consisté à passer<strong><strong>de</strong>s</strong> entretiens exploratoires avec <strong>les</strong> individus qui gravitentautour <strong>de</strong> l’activité <strong><strong>de</strong>s</strong> managers Vente et Aprèsvente.Ces entretiens se sont déroulés auprès <strong>de</strong> leurssupérieurs hiérarchiques, à savoir le directeur Aprèsvente,le directeur Vente et l’assistante. Ce temps d’immersionconsistait à comprendre le nouveau contexte<strong>de</strong> travail <strong><strong>de</strong>s</strong> managers (le projet <strong>de</strong> restructuration), àcomprendre comment il a été mené, par qui et commentil a été proposé aux managers. Le but était aussi <strong>de</strong> saisirle positionnement <strong>de</strong> chacun dans ce contexte <strong>de</strong> travail.Enfin, <strong><strong>de</strong>s</strong> observations <strong>de</strong> terrain ont été menéesauprès <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux managers commerciaux lorsqu’ils étaienten mobilité chez <strong><strong>de</strong>s</strong> distributeurs.Notre population d’étu<strong>de</strong> est composée <strong>de</strong> cinq managerset <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux directeurs adjoints pour <strong>les</strong> entretienssemi-directifs et <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux managers pour <strong>les</strong> observationsparticipantes La sélection s’est effectuée <strong>sur</strong> la base duvolontariat pour <strong>les</strong> entretiens semi-directifs ainsi quepour <strong>les</strong> observations participantes. La seule exigencea été que nos sujets <strong>de</strong>vaient tous travailler en situation<strong>de</strong> télétravail, ce qui n’était pas le cas d’un <strong><strong>de</strong>s</strong>directeurs adjoints. Les critères <strong>de</strong> l’âge, la fonction, oul’ancienneté n’ont donc pas été <strong><strong>de</strong>s</strong> critères retenus pourla sélection.Ces sept personnes travaillent au sein du service commercialqui se divise en <strong>de</strong>ux sous-services (cf. figuresuivante) : le service Vente et le service Après-vente.Quatre sont managers au sein du service Après-vente,un autre est manager au sein du service Vente. Les <strong>de</strong>ux<strong>de</strong>rniers sujets sont directeurs adjoints, l’un au servicevente, l’autre au service Après-vente. Ainsi, <strong>les</strong> managersdépen<strong>de</strong>nt directement du directeur adjoint <strong>de</strong> sazone (nord ou sud), qui lui même dépend du directeurdu service.Métho<strong><strong>de</strong>s</strong> déployées• L’entretien semi-directif et la métho<strong>de</strong>d’association libreDans le but <strong>de</strong> faire connaissance avec <strong>les</strong> managers etOrganigrammeDirecteur après-vente FranceDirecteur commercial FranceAssistanteAVAssistanteAVAssistanteCAssistanteCDirecteur adjoint AVzone nord (home office)Directeur adjoint AVzone sudDirecteur adjoint Czone nordDirecteur adjoint Czone sud11 managers AVen zone nord11 managers AVen zone sud9 managers Cen zone nord9 managers Cen zone sudhome officehome officehome officehome office98 © Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres


CHAPITRE III : LES éTUDES DE TERRAINd’avoir <strong>de</strong> premiers éléments concernant leur activité àdistance et <strong>les</strong> outils technologiques mis à leur disposition,sept entretiens semi-directifs ont été conduits.Différentes thématiques ont été ainsi abordées : le profildu manager ; <strong>les</strong> <strong>technologies</strong> utilisées dans l’activité,leurs usages et domaines d’application ; <strong>les</strong> modalités<strong>de</strong> diffusion <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC dans l’organisation ; <strong>les</strong> apports etinci<strong>de</strong>nces <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>sur</strong> le métier et <strong>sur</strong> l’activitédu manager en travail à distance ; <strong>les</strong> changementset évolutions majeurs dans le métier et la fonction dumanager.Chaque entretien a été enregistré et retranscrit mot àmot pour réaliser une analyse thématique. À l’issue <strong>de</strong>cet entretien, nous avons proposé aux participants unexercice d’association libre qui consiste à associer librementet spontanément <strong><strong>de</strong>s</strong> mots à d’autres, ce qui laisseentrevoir <strong>les</strong> représentations <strong><strong>de</strong>s</strong> individus concernant<strong><strong>de</strong>s</strong> mots-clés proposés. Ceux-ci étaient : « nouvel<strong>les</strong><strong>technologies</strong> », « travail à distance », « mon travail »,« cadre » et « manager ». Le recueil d’informations s’estfait <strong>sur</strong> trois niveaux :– En quantifiant l’occurrence d’apparition <strong><strong>de</strong>s</strong> différentstermes (regroupés par thèmes),– En évaluant <strong>les</strong> appréciations plutôt positives/négativesrattachées à ces termes,– En i<strong>de</strong>ntifiant l’ordre <strong>de</strong> classement <strong>de</strong> ces items.• L’observation participanteLa métho<strong>de</strong> d’observation participante a été privilégiéepour relever <strong><strong>de</strong>s</strong> données empiriques <strong>de</strong> terrain. En effet,l’utilisation d’une caméra ou d’un micro semblait tropintrusive pour <strong>les</strong> sujets, préférant alors un relevé d’activitéplus classique. Les observations se sont déroulées<strong>sur</strong> <strong>de</strong>ux journées complètes <strong>de</strong> travail. Cel<strong>les</strong>-ci correspondaient,selon <strong>les</strong> <strong>de</strong>ux sujets étudiés, à une pério<strong>de</strong>représentative <strong>de</strong> leur activité. Un gui<strong>de</strong> d’observation aété utilisé pour permettre <strong>de</strong> relever <strong>les</strong> diverses activités,<strong>les</strong> outils utilisés pour mener à bien <strong>les</strong> tâches et letemps mis pour réaliser chaque activité.Concernant <strong>les</strong> lieux d’observation, la première journées’est déroulée chez un investisseur. La secon<strong>de</strong> journées’est déroulée chez un concessionnaire. Pour un soucid’éthique mais aussi en raison <strong><strong>de</strong>s</strong> difficultés inhérentesà ce genre <strong>de</strong> procédure, nous n’avons pas effectué d’observationau domicile même <strong><strong>de</strong>s</strong> managers.Nous leur avons en revanche laissé une grille d’autorelevéd’activité pour qu’ils puissent noter tous leurs« faits et gestes » <strong>sur</strong> un tableau d’observation préétabli.Sur la base <strong>de</strong> ces différentes informations, il a alorsété possible <strong>de</strong> recenser et <strong>de</strong> comptabiliser <strong>les</strong> diversesactivités menées (par exemple : lecture, écriture,<strong>communication</strong>, etc.), <strong>les</strong> outils utilisés (par exemple :ordinateur, téléphone, rétroprojecteur, etc.), le temps <strong>de</strong>chaque activité, le thème <strong>de</strong> l’activité et <strong>les</strong> éventuel<strong>les</strong>observations.Principaux résultats obtenus• Caractéristiques <strong>de</strong> l’activité <strong><strong>de</strong>s</strong> managers– Données <strong>sur</strong> l’activité <strong><strong>de</strong>s</strong> managersDans un premier temps, nous avons noté un changement<strong>de</strong> métier et d’interlocuteurs avec la Lean Organisation.Les managers Après-vente ont vu leur métier changeravec la fusion <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux métiers. De même, ils travaillentdavantage avec <strong>les</strong> directeurs <strong>de</strong> concession et <strong>les</strong> investisseurs,alors que cette tâche était autrefois réservéeaux directeurs adjoints. Ensuite, le cœur du métier <strong><strong>de</strong>s</strong>managers commerciaux concerne le « management horizontal» du réseau. Cela touche non seulement l’animationcommerciale du réseau mais également tout ce quia trait à la gestion financière, au reporting <strong><strong>de</strong>s</strong> planningset <strong><strong>de</strong>s</strong> chiffres et au contact/prospection avec <strong><strong>de</strong>s</strong>clients. Une assistante est encore présente pour filtrer<strong>les</strong> e-mails, organiser <strong>les</strong> formations au siège, organiser<strong>les</strong> téléconférences, contacts réguliers. Enfin, le lundia été défini comme « Le jour » <strong>de</strong> programmation et<strong>de</strong> <strong>communication</strong> entre managers et responsab<strong>les</strong> viale téléphone.– Données <strong>sur</strong> <strong>les</strong> déplacements <strong><strong>de</strong>s</strong> managers.D’après nos observations et nos entretiens, ces <strong>de</strong>rnierspassent en moyenne :- Un à <strong>de</strong>ux jours à leur domicile (en l’absence <strong>de</strong> bureauprofessionnel en l’entreprise),- Trois à quatre jours en déplacement, essentiellementen voiture (<strong>de</strong> 30 min à 3h <strong>de</strong> trajet),- Deux à trois nuits à l’hôtel par semaine.– Données <strong>sur</strong> <strong>les</strong> outils mis à disposition <strong><strong>de</strong>s</strong> managers.Concernant <strong>les</strong> outils <strong>de</strong> travail <strong><strong>de</strong>s</strong> managers, nousavons i<strong>de</strong>ntifié quatre typologies d’usages que permettaientces outils.© Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres99


CHAPITRE III : LES éTUDES DE TERRAINTIC utilisées par <strong>les</strong> cadres noma<strong><strong>de</strong>s</strong>Produire et gérerCommuniquerGérer et organiserson tempsOrdinateur • •Stocker <strong><strong>de</strong>s</strong> informationsInternet (via clé 3G,domicile)• •Intranet•Pack Office • •Outlook•Partners Distribution•Mysite•Livemeeting•Communicator (messagerieinstantanée)•Téléphone (PDA) • •Kit main libre•Nous avons constaté que <strong>les</strong> managers disposaient d’uncertain nombre d’outils pour se rendre joignab<strong>les</strong> et disponib<strong>les</strong>et avoir accès aux informations dont ils ontbesoin tout en étant en déplacement. Ce qui équivaut àun bureau permanent. Nous allons à présent voir quelssont <strong>les</strong> effets <strong>de</strong> ces outils <strong>sur</strong> la gestion <strong>de</strong> l’activité.• La mise en place du home-office : réactions etperceptions <strong><strong>de</strong>s</strong> cadresLes entretiens semi-directifs nous ont permis <strong>de</strong> recenser<strong>les</strong> divers ressentis <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres vis-à-vis <strong>de</strong> l’installationdu home-office. Ils témoignent ainsi <strong>de</strong> diverses évolutionstouchant leur activité, l’organisation <strong>de</strong> celle-ci etleur place :– Une charge <strong>de</strong> travail qui augmente avec une augmentationsignificative <strong><strong>de</strong>s</strong> e-mails, du téléphone et dureporting.– Le cadre commercial semble être plus efficace dansson travail : la synchronisation du PDA avec l’ordinateurdonne ainsi davantage <strong>de</strong> facilité pour la gestion <strong><strong>de</strong>s</strong>e-mails.– Le suivi <strong><strong>de</strong>s</strong> responsab<strong>les</strong> hiérarchiques est égalementplus important, ce qui exige plus <strong>de</strong> réactivité <strong>de</strong> la part<strong><strong>de</strong>s</strong> commerciaux. La <strong>communication</strong> est également plussynthétique et rapi<strong>de</strong> : la connectivité étant permanente,l’immédiateté est exigée.– La frontière entre vie privée et vie professionnel<strong>les</strong>’estompe un peu plus encore. Non seulement par laprésence du bureau professionnel au domicile du cadre,mais également par l’usage <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC qui ne remplissentpas toutes leur fonction en mobilité. À titre d’exemple,certains outils censés faciliter <strong>les</strong> <strong>communication</strong>s à distancesont <strong>de</strong> mauvaise qualité et ne peuvent être utiliséspleinement en mobilité (kit main libre défectueux,connexion incertaine via la carte Edge ou 3 G, débit troplent…). Les managers préfèrent alors attendre d’êtrechez eux pour gérer leurs mails ou consulter <strong>les</strong> bases<strong>de</strong> données.– Le reporting quotidien du travail est également trèsexigeant. Ceci est perçu comme une charge <strong>de</strong> travailet un contrôle supplémentaires. Auparavant, la présencedu cadre dans <strong>les</strong> locaux <strong>de</strong> l’entreprise suffisait à renseignerl’entourage professionnel du niveau d’activitéet d’occupation du cadre et du respect <strong><strong>de</strong>s</strong> horaires <strong>de</strong>travail. En home-office, il s’agit <strong>de</strong> donner à l’organisation<strong><strong>de</strong>s</strong> gages et <strong><strong>de</strong>s</strong> « preuves » <strong>de</strong> son implicationprofessionnelle par ces reportings réguliers. Toutefois,ces tâches administratives, à faible valeur ajoutée, sontperçues comme <strong><strong>de</strong>s</strong> activités supplémentaires, qui affaiblissentle métier.– Les cadres doivent aussi apprendre à gérer régulièrementle flux <strong>de</strong> leur messagerie, car lorsque celle-ci estpleine, aucun autre nouveau mail ne peut leur parvenir,ce qui peut affecter la qualité <strong>de</strong> la relation clientèle ouhiérarchique.– Ils indiquent disposer d’une autonomie plus importantedu fait <strong>de</strong> pouvoir se connecter n’importe où, et <strong>de</strong>récupérer <strong><strong>de</strong>s</strong> documents <strong>sur</strong> l’intranet à tout moment.Un sentiment d’isolement, <strong>de</strong> déshumanisation <strong><strong>de</strong>s</strong> liens,pointe cependant chez ces cadres qui ont l’impression <strong>de</strong>perdre la proximité avec <strong>les</strong> équipes : « peu <strong>de</strong> partage »,« on travaille seul ».– Du coup, il faut savoir développer un réseau d’experts100 © Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres


CHAPITRE III : LES éTUDES DE TERRAINsusceptible d’être mobilisé à tout moment pour compensercette perte <strong>de</strong> collectif. Du fait <strong>de</strong> la distance avecl’entreprise, il faut alors repérer <strong>les</strong> bons interlocuteursqui seront choisis selon leur niveau d’expertise et leurcapacité à répondre au problème qui peuvent <strong>sur</strong>gir.– Par ailleurs, le « Lundi » est un jour à part qu’il fautintégrer dans le planning : <strong>les</strong> séances <strong>de</strong> <strong>communication</strong>(audio-conférence) avec la hiérarchie permettent <strong>de</strong>faire le bilan <strong>de</strong> la semaine passée et la programmation<strong>de</strong> celle à venir.• Quelques données complémentaires avec <strong>les</strong>associations libresLa métho<strong>de</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> associations libres nous a permis <strong>de</strong>recueillir <strong>les</strong> représentations <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres et leurs appréciations<strong>sur</strong> 5 mots :– Nouvel<strong>les</strong> <strong>technologies</strong> : <strong>communication</strong> et facteurd’efficacité / +,– Travail à distance : nécessite <strong>de</strong> l’organisation et solitu<strong>de</strong>/ +/-,– Mon travail : management (animation <strong>de</strong> réseau) etgestion financière /+,– Manager : lea<strong>de</strong>rship, esprit d’équipe et le terrain / +,– Cadre : responsabilités, reconnaissance et gain <strong>de</strong> compétences/ +.En somme, <strong>les</strong> cinq mots-clés (nouvel<strong>les</strong> <strong>technologies</strong>,travail à distance, mon travail, manager et cadre) sontappréciés positivement par <strong>les</strong> cadres, sauf le travail àdistance qui est apprécié à la fois positivement et négativement.Les termes en italique correspon<strong>de</strong>nt aux thématiques<strong>les</strong> plus fréquentes pour chaque mot-clé.Principaux résultats <strong><strong>de</strong>s</strong> observations menéesDiverses observations ont été menées <strong>sur</strong> le terrain pouri<strong>de</strong>ntifier <strong>les</strong> pratiques <strong>de</strong> mobilité <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres : où ils sedéplacent, ce qu’ils y font, <strong>les</strong> outils utilisés, <strong>sur</strong> quel<strong>les</strong>pério<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong> la journée.Deux diagrammes ont été réalisés pour détailler ledéroulement d’une journée en mobilité pour l’un <strong><strong>de</strong>s</strong>cadres observés. Pour <strong><strong>de</strong>s</strong> raisons <strong>de</strong> commodité <strong>de</strong> lecture,nous avons dû scin<strong>de</strong>r en <strong>de</strong>ux parties qui correspon<strong>de</strong>ntà <strong>de</strong>ux localisations <strong>de</strong> ses activité : (i) d’unepart, l’occupation <strong><strong>de</strong>s</strong> bureaux du chef <strong><strong>de</strong>s</strong> ventes et <strong>de</strong>l’assistance du concessionnaire visité et d’autre part (ii)l’occupation d’une salle vi<strong>de</strong> chez le concessionnairequ’il transforme en bureau improviséCaractéristiques <strong><strong>de</strong>s</strong> activités se déroulant dans <strong>les</strong> bureaux du chef <strong><strong>de</strong>s</strong> ventes et <strong>de</strong>l’assistante du concessionnaire visité (observation directe)ActivitéLectureÉcritureDialogueTéléphoneTéléconférenceGestion mails etmessagesSujetLes immatriculationsAnalyse <strong><strong>de</strong>s</strong>résultatsDiversBilanOutilTél. fixeTél. portableOrdinateurPapierLieuBureau chef <strong><strong>de</strong>s</strong>ventesBureau assistante10h30 10h45 10h50 11h 11h15 11h30 11h40 11h45 11h55 12h 12h05 12h15 14h05 15h 15h10 15h30© Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres101


CHAPITRE III : LES éTUDES DE TERRAINNature et organisation <strong><strong>de</strong>s</strong> différentes tâches qu’un cadre noma<strong>de</strong> déploie dans le bureauimprovisé chez son clientActivitéLecture, gestionmailsÉcriture mailTéléphoneLecture, écritureOutilTéléphoneOrdinateurLieuSalle vi<strong>de</strong>15h35 15h40 15h45 15h50 15h55 16h 15h05 16h10 16h15Différentes analyses peuvent être faites.Dans le bureau chef <strong><strong>de</strong>s</strong> ventes, le manager commercialse livre à <strong><strong>de</strong>s</strong> activités communes avec le chef <strong><strong>de</strong>s</strong> ventes(analyse <strong><strong>de</strong>s</strong> résultats, <strong><strong>de</strong>s</strong> chiffres) et réalise unetéléconférence à 3 via le téléphone fixe avec un clientdistant. Dans le bureau <strong>de</strong> l’assistante, il travaille avecl’assistante pour répondre à <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong>man<strong><strong>de</strong>s</strong> d’ai<strong>de</strong> plusopérationnel<strong>les</strong> – administratives ou commercia<strong>les</strong>, avecen parallèle une gestion <strong><strong>de</strong>s</strong> e-mails et <strong><strong>de</strong>s</strong> appels téléphoniques(<strong>sur</strong> ordinateur et/ou smartphone).En fin <strong>de</strong> journée, dans la salle <strong>de</strong> bureau improvisée, ilse livre à une activité importante <strong>de</strong> gestion <strong><strong>de</strong>s</strong> e-mailset du téléphone (en recontactant <strong><strong>de</strong>s</strong> clients, en prenant<strong><strong>de</strong>s</strong> RDV, en gérant <strong><strong>de</strong>s</strong> affaires courantes).En outre, nous avons essayé <strong>de</strong> reconstituer le déroulementd’une semaine <strong>de</strong> travail <strong>sur</strong> la base <strong><strong>de</strong>s</strong> autorelevésd’activité. Le diagramme suivant restitue cetteorganisation.relevé présentant l’organisation d’une semaine <strong>de</strong> travail avec <strong>les</strong> TIC utiliséesLieux/joursLundi Mardi Mercredi Jeudi VendrediEn concession•Domicile ou •hôtelDomicile (home office)En déplacement (automobile)OutilsMessageriePart. Distri.ExcelPower PointRétroprojecteurCarte EdgeInternetPDAKit main libreTél. fixeTéléconférenceVisioconférencePartage <strong>de</strong> documents102 © Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres


CHAPITRE III : LES éTUDES DE TERRAIND’après ce diagramme temporel <strong>de</strong> tâches, nous pouvonsvoir qu’une semaine <strong>de</strong> travail est segmentée entre <strong><strong>de</strong>s</strong>temps <strong>de</strong> travail au domicile ou à l’hôtel, <strong><strong>de</strong>s</strong> temps <strong>de</strong>travail en concession, <strong>sur</strong> le terrain et <strong><strong>de</strong>s</strong> temps <strong>de</strong>déplacements relativement fréquents. Le lundi est lejour fixe <strong>de</strong> home office <strong><strong>de</strong>s</strong> managers, afin <strong>de</strong> pouvoirconsacrer du temps aux diverses <strong>communication</strong>s entrecollègues. Ce jour-là, chacun s’efforce <strong>de</strong> rester joignablepour <strong>les</strong> autres afin <strong>de</strong> consacrer un temps privilégié pourdu travail collectif via <strong>les</strong> outils <strong>de</strong> <strong>communication</strong> et <strong>de</strong>partage <strong>de</strong> documents. Les cadres commerciaux profitentégalement <strong>de</strong> cette journée pour gérer <strong>les</strong> plannings, <strong>les</strong>suivis d’activité, donner un retour <strong>sur</strong> le réseau à la hiérarchie,gérer <strong>les</strong> e-mails en attente…, c’est-à-dire toutce qui correspond aux tâches opérationnel<strong>les</strong>. Enfin, <strong>les</strong>managers passent régulièrement <strong><strong>de</strong>s</strong> nuits à l’hôtel dansla me<strong>sur</strong>e où chacun a un certain nombre <strong>de</strong> concessionssous sa responsabilité (environ 5 à 6 concessions) quisont relativement éloignées <strong>les</strong> unes <strong><strong>de</strong>s</strong> autres. Ils enprofitent d’ailleurs pour mener <strong><strong>de</strong>s</strong> tâches administrativesdans la me<strong>sur</strong>e où ces lieux offrent <strong><strong>de</strong>s</strong> connexionsinternet correctes, à la différence <strong><strong>de</strong>s</strong> bureaux <strong><strong>de</strong>s</strong> clientsou <strong><strong>de</strong>s</strong> cartes type 3G <strong>de</strong> connexion à distance.Les temps <strong>de</strong> déplacement en voiture peuvent égalementêtre considérés comme du temps <strong>de</strong> travail dans lame<strong>sur</strong>e où <strong>les</strong> managers utilisent ce temps « libre » pourcontacter préférentiellement leurs collègues, hiérarchie,voire leur client en fonction <strong>de</strong> l’urgence, du besoin d’informationet <strong><strong>de</strong>s</strong> justifications/explications à apporter(recours à <strong><strong>de</strong>s</strong> dossiers, <strong><strong>de</strong>s</strong> archives informatiques difficilementconsultab<strong>les</strong> dans l’espace clos <strong>de</strong> la voiture).La mauvaise qualité du kit main libre limite cependantla nature et la qualité <strong><strong>de</strong>s</strong> échanges. Enfin, ce tableauindique également que <strong>les</strong> outils <strong>de</strong> visioconférence nesont pas utilisés par <strong>les</strong> managers. A contrario, le PDAsemble être l’outil le plus employé.Les <strong>technologies</strong> utilisées sont dans l’ensemble <strong><strong>de</strong>s</strong> outils<strong>de</strong> <strong>communication</strong> : Outlook pour la lecture et l’envoid’e-mails, le PDA, le téléphone fixe pour faire <strong>de</strong> la téléconférence,la carte EDGE pour une connexion Internet àdistance, le kit main libre et différents outils pour faire<strong>de</strong> la visioconférence (Mysite, Live meeting et Communicator).Les lieux d’utilisation <strong>de</strong> ces outils sont trèshétérogènes : le domicile, la voiture, l’hôtel, la concessionet le siège lorsque sont organisées <strong><strong>de</strong>s</strong> réunions ou<strong><strong>de</strong>s</strong> formations. Quant à leur usage, ils sont égalementtrès disparates puisque ces outils peuvent servir toutautant à (i) produire et gérer (archiver/consulter, rendrecompte, administrer…) ; (ii) à s’organiser et à planifier ;(iii) et à communiquer (informer, collaborer, se renseigner).Au final, ces différents relevés d’activité indiquent que :– D’une part, <strong>les</strong> cadres commerciaux se partagent entreplusieurs contextes <strong>de</strong> travail (l’entreprise, le client, lamaison, un hôtel) et espaces <strong>de</strong> travail (voiture, train,bureau, chambre d’hôtel…), ce qui <strong>les</strong> relierait à la catégorie<strong><strong>de</strong>s</strong> cadres en multi-mobilité avec un travail à lafois multi-localisé et en bureau improvisé.– D’autre part, <strong><strong>de</strong>s</strong> articulations se révèlent nécessairesentre ces diverses sphères <strong>de</strong> travail.Cette mobilité entre différents contextes <strong>de</strong> travailconduit dès lors à une nécessaire gestion <strong><strong>de</strong>s</strong> mobilitéscar on ne fait pas n’importe quoi n’importe où et avecn’importe qui.Ce type d’activité noma<strong>de</strong> est particulier car il exige<strong><strong>de</strong>s</strong> articulations entre divers espaces <strong>de</strong> travail et celareprésente un travail supplémentaire, <strong><strong>de</strong>s</strong> compétencesparticulières et <strong><strong>de</strong>s</strong> ajustements permanents en fonction<strong><strong>de</strong>s</strong> ressources et contraintes <strong>de</strong> chaque sphère <strong>de</strong> travail.En fonction <strong><strong>de</strong>s</strong> environnements <strong>de</strong> travail, le cadreva utiliser certains outils pour faire <strong><strong>de</strong>s</strong> tâches spécifiques.Ces contextes déterminent, orientent le choix <strong>de</strong>certains outils, leurs usages et <strong>les</strong> pratiques <strong>de</strong> travailassociées. À titre d’exemple, on a pu constater qu’envoiture, l’individu allait plutôt gérer <strong>les</strong> affaires courantesvia le téléphone portable/main libre car cela réclamepeu d’attention. En revanche, en home office, un travail<strong>de</strong> concentration est davantage possible et consisteraplus en <strong>de</strong> la prospection/ rédaction <strong>de</strong> dossiers, à réaliser<strong><strong>de</strong>s</strong> offres via l’ordinateur et <strong>les</strong> logiciels spécialisés.Alors que chez le client/concessionnaire, il s’agira plus<strong>de</strong> porter l’activité <strong>sur</strong> la négociation avec un accès à<strong><strong>de</strong>s</strong> bases <strong>de</strong> données distantes, la prise <strong>de</strong> notes/présentation<strong>de</strong> l’offre via Powerpoint.© Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres103


CHAPITRE III : LES éTUDES DE TERRAINRécapitulatif <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC utilisées et <strong>de</strong> leur usageNTIC Fréquence et durée d’usage Pour quoi faire ?Ordinateuravec WifiInternetIntranetCarte EdgeVPNPDAKit main libreImprimante,scanner, photocopieuseTeamplacePartners DistributionMysiteChaque jour <strong>de</strong> la semaine où lemanager est en concession“en permanence”, “le moinspossible sinon c’est trop”,“Accentuation du tel avechome office”, “on utilise <strong>les</strong> telFreebox parceque c’est gratuit”,(téléconférence)= “45 mn à 1hune fois par semaine”Produire et gérer (mettre à jour,rechercher, créer, analyser <strong>de</strong>l’information)Communiquer (informer, partager,collaborer)Produire et gérer (mettre à jour,rechercher, créer, analyser <strong>de</strong>l’information)Communiquer (informer, partager,collaborer)Avoir accès aux informationscommunes à tous <strong>les</strong> managers(plannings, résultats)Connexion internet à distanceSécurisation internet avec carteEdgeCommuniquer (informer, partager,collaborer)Gérer et organiser son temps(s’articuler, synchroniser)“Le lien quotidien pour communiqueret travailler”Téléphoner en voitureStocker <strong>les</strong> informations, partager<strong>les</strong> informationsRépondre aux <strong>de</strong>man<strong><strong>de</strong>s</strong> d’ai<strong><strong>de</strong>s</strong>financières <strong><strong>de</strong>s</strong> concessionsCommuniquer (informer, partager,collaborer)Avec qui <strong>les</strong>NTIC sontutiliséesLe central (siège ;<strong>les</strong> assistantes, <strong>les</strong>gestionnaires <strong><strong>de</strong>s</strong>teamplace, etc.)Les supérieurs pourmanagementLes collègues pourai<strong>de</strong> <strong>sur</strong> le réseauLieux <strong>de</strong> l’usageDomicile, voiture,hôtels, restaurants,le central, chezle client – pourceux qui sont entélétravail.Bureau au siège,domicile – pour ledirecteur adjointqui n’est pas entélétravailLive meetingCommunicatorPack OfficeOutlook(mails)“On a essayé Communicator maisça coupe”“Une matinée pour la saisie <strong><strong>de</strong>s</strong>plannings ou <strong><strong>de</strong>s</strong> chiffres <strong>sur</strong>Excel”“15 à 30 par jour”, “30 à 20mails par jour”, “consultation régulière”“Mais <strong>sur</strong>tout, <strong>les</strong> mailson en reçoit une quantité, c’estpesant, on est vraiment noyéssous <strong>les</strong> mails” “Accentuation dumail avec home office”Communiquer (informer, partager,collaborer)Communiquer (informer, partager,collaborer)Produire et gérer (mettre à jour,rechercher, créer, analyser <strong>de</strong>l’information)Gérer et organiser son temps(s’articuler, synchroniser)Communiquer (informer, partager,collaborer)Gérer et organiser son temps(s’articuler, synchroniser)104 © Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres


CHAPITRE III : LES éTUDES DE TERRAINLa gestion d’une équipe globalisée et éclatée : du rôle <strong>de</strong> la réunion <strong>de</strong> coordinationet du cadre managerRésuméCette étu<strong>de</strong> porte <strong>sur</strong> la manière dont <strong>les</strong> TIC peuventsoutenir l’activité d’une équipe globalisée et éclatée auniveau mondial.Dans ces nouvel<strong>les</strong> modalités <strong>de</strong> travail à distance, lacirculation <strong>de</strong> l’information et son relais <strong>de</strong>viennent <strong><strong>de</strong>s</strong>enjeux majeurs du travail coopératif. Ainsi, <strong>les</strong> acteurscaptent, centralisent, capitalisent <strong>les</strong> informations venant<strong>de</strong> toutes parts, transmises par <strong>les</strong> TIC. Des pratiques et<strong><strong>de</strong>s</strong> usages émergent pour permettre la coopération <strong><strong>de</strong>s</strong>équipes à l’échelle mondiale, grâce à une coordinationà distance médiatisée. Ce qui frappe alors, c’est la disparitionprogressive <strong><strong>de</strong>s</strong> lieux <strong>de</strong> travail dédiés, au profitd’espaces <strong>de</strong> travail contingents, ad hoc, qui réunissent<strong>les</strong> acteurs toujours plus distants géographiquement etculturellement autour <strong>de</strong> projets communs. Les réunionsà distance permettent <strong>de</strong> concrétiser le projet dans unmoment <strong>de</strong> travail. C’est <strong>sur</strong> ces pério<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong> travail singulièresque va porter l’analyse.Mots clefs : équipe éclatée, coopération médiatisée, travailglobalisé, management à distance, cadre managerContexte <strong>de</strong> l’étu<strong>de</strong> et problème poséLe terrain <strong>de</strong> l’étu<strong>de</strong> est celui d’une gran<strong>de</strong> entreprise<strong>de</strong> chimie <strong>de</strong> spécialité implantée dans le mon<strong>de</strong> entier,avec un siège social en France réparti <strong>sur</strong> <strong>de</strong>ux vil<strong>les</strong>distantes. Largement présente dans le mon<strong>de</strong> entier,elle propose <strong><strong>de</strong>s</strong> produits variés <strong>de</strong> haute technologie.Pour soutenir ses activités <strong>de</strong> production, l’entreprisea mis en place <strong><strong>de</strong>s</strong> fonctions supports tels que le service<strong><strong>de</strong>s</strong> ressources humaines, le service financier et <strong>les</strong>ervice informatique. Chacune <strong>de</strong> ces fonctions travaille<strong>de</strong> concert pour proposer à l’ensemble <strong>de</strong> l’organisationmondiale <strong><strong>de</strong>s</strong> services ad hoc. La transversalité <strong>de</strong> l’organisationfacilite <strong>les</strong> échanges inter-fonctions et permet<strong>de</strong> répondre le plus justement aux <strong>de</strong>man<strong><strong>de</strong>s</strong> émanant<strong><strong>de</strong>s</strong> sites <strong>de</strong> production.Au début <strong><strong>de</strong>s</strong> années 2000, l’entreprise a diminué seseffectifs <strong>de</strong> 33 000 à environ 13 000. Dans la mêmelogique, le service IT (service informatique) a, lui aussi,réalisé une forte diminution <strong>de</strong> ses effectifs pour <strong>les</strong>ramener à 380 salariés environ. Cette politique a étél’occasion <strong>de</strong> concevoir une organisation globalisée pource service dont l’objectif est <strong>de</strong> développer puis <strong>de</strong> maintenirun ERP (Entreprise Ressource Planning, ou Progiciel<strong>de</strong> Gestion Intégré) grâce à <strong><strong>de</strong>s</strong> expertises répartiesau niveau mondial. Cet outil logiciel permet <strong>de</strong> gérertoutes <strong>les</strong> transactions <strong>de</strong> gestion nécessaires au bonfonctionnement <strong>de</strong> l’entreprise (vente, achat, finance,ressources humaines, logistique, production…). L’intérêtd’un ERP CORE est <strong>de</strong> consoli<strong>de</strong>r à l’échelle mondiale <strong>les</strong>informations <strong>de</strong> l’entreprise et <strong><strong>de</strong>s</strong> sites <strong>de</strong> production.Dans le cadre <strong>de</strong> ce fonctionnement, un manager, situédans un pays, coordonne <strong>les</strong> actions d’équipes localiséesdans d’autres pays. Multilocalisées et multiculturel<strong>les</strong>,<strong>les</strong> équipes ont développé une forte mobilité géographiqueet virtuelle basée <strong>sur</strong> l’utilisation <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC.La globalisation <strong><strong>de</strong>s</strong> équipes et la distribution <strong><strong>de</strong>s</strong> compétenceset <strong><strong>de</strong>s</strong> acteurs au sein <strong>de</strong> l’organisation posentla question <strong>de</strong> la coordination et <strong>de</strong> la collaboration ausein du collectif. La globalisation <strong><strong>de</strong>s</strong> équipes oblige <strong>les</strong>collaborateurs à se coordonner à distance pour pouvoirréaliser leurs objectifs.Le travail du manager d’équipe globalisée est donc <strong><strong>de</strong>s</strong>avoir qui fait quoi, quand, pour mieux gérer le plan <strong>de</strong>charge <strong>de</strong> travail <strong>de</strong> ses collaborateurs. Mais, dans unenvironnement globalisé, la coordination et l’articulation<strong><strong>de</strong>s</strong> membres <strong>de</strong> l’équipe se confrontent à l’extrêmedistance qui sépare <strong>les</strong> acteurs et aux différents fuseauxhoraires. À cela s’ajoute la différence culturelle qui introduitune nouvelle complexité. Il est donc tout simplementimpossible <strong>de</strong> réunir chaque intervenant autour <strong>de</strong>la table, comme cela se ferait dans le cadre d’une équipeco-localisée. Une seule alternative s’offre au managerpour organiser le travail <strong>de</strong> son équipe : réunir ses collaborateursà distance autour d’une call-conf audio. En programmantà l’avance ce type <strong>de</strong> ren<strong>de</strong>z-vous, il est alorspossible pour chacun <strong>de</strong> pouvoir échanger et partagerson quotidien <strong>de</strong> travail et ses contraintes pour s’ajuster.Plus que la coordination <strong><strong>de</strong>s</strong> membres <strong>de</strong> l’équipe, il<strong>de</strong>vient intéressant <strong>de</strong> comprendre comment le managers’y prend pour capter <strong>les</strong> informations nécessaires à lagestion <strong>de</strong> son équipe au quotidien afin d’articuler <strong>les</strong>différentes perspectives.La DSI informatique s’organise autour <strong>de</strong> 4 niveauxhiérarchiques. Tout d’abord, le directeur du service <strong><strong>de</strong>s</strong>systèmes d’information, à l’origine <strong>de</strong> ce projet d’organisationdu travail ; ensuite, <strong>les</strong> membres du CODIR <strong><strong>de</strong>s</strong>on service partagent <strong>les</strong> décisions stratégiques avec ledirecteur <strong>de</strong> la DSI et managent également <strong>les</strong> équipes <strong>de</strong>responsab<strong>les</strong> intermédiaires. Ces <strong>de</strong>rniers sont en charged’équipes pouvant être composées <strong>de</strong> 30 personnesréparties dans le mon<strong>de</strong> et qui forment autant <strong>de</strong> pô<strong>les</strong><strong>de</strong> compétences. Ces équipes sont appelées « stream ».L’objectif d’un stream est <strong>de</strong> permettre l’évolution <strong><strong>de</strong>s</strong>fonctionnalités du système d’information et sa maintenance.Cela signifie que chacune <strong><strong>de</strong>s</strong> évolutions ou <strong><strong>de</strong>s</strong>actes <strong>de</strong> maintenance doit être conforme aux exigences<strong>de</strong> fiabilité et <strong>de</strong> robustesse préalablement établies. Le© Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres105


CHAPITRE III : LES éTUDES DE TERRAINnombre <strong>de</strong> transactions développées au sein du systèmeest particulièrement important et mobilise une forteexpertise <strong>de</strong> la part <strong><strong>de</strong>s</strong> différents intervenants. Mainteniret développer l’ERP est alors l’enjeu principal pour <strong>les</strong>collaborateurs du service informatique.Notre intervention s’est donc déroulée dans le serviceinformatique organisé mondialement et avait pourobjectif d’i<strong>de</strong>ntifier <strong>les</strong> freins et leviers <strong>de</strong> la pérennitéd’une organisation globale.Principaux concepts et modè<strong>les</strong> théoriques utilisésL’activité <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres s’insère dans un système élargid’actions et d’activités collectives qui s’entrecroisent ets’ajustent (Engeström, 1999). Les différents outils et <strong>les</strong>personnes présentes dans son environnement <strong>de</strong> travailvont lui permettre <strong>de</strong> réaliser son action. Cette <strong>de</strong>rnières’incarne donc dans et par <strong>les</strong> objets qui médient alors lapensée pour que le travail <strong>de</strong>vienne réalité. Quotidiennementréalisée, cette pratique s’inscrit dans une communautédont <strong>les</strong> usages élargis inspireront le « faire <strong>de</strong>chacun ».• La trajectoire comme tentative <strong>de</strong> rationalisation<strong>de</strong> l’activité ?Strauss (1992) voit le « travail <strong>de</strong> trajectoire » comme uneforme <strong>de</strong> rationalisation <strong>de</strong> l’activité débouchant <strong>sur</strong> unestratégie généralisée, régulée par <strong><strong>de</strong>s</strong> procédures standards,et intégrant <strong>les</strong> spécificités <strong>de</strong> chaque acteur pouratteindre l’objectif commun. Selon lui, définir une trajectoirecommune nécessite d’adapter le nombre <strong>de</strong> personnesaux besoins, qui sont alors calibrés. Cependant,augmenter le nombre <strong>de</strong> personnes signifie accroitre letravail <strong>de</strong> coordination et donc risquer <strong>de</strong> complexifierl’articulation, … dont l’objectif est <strong>de</strong> simplifier la relationau travail <strong>de</strong> chacun en donnant <strong><strong>de</strong>s</strong> repères !• Articuler <strong>les</strong> contradictions dans l’activité pourajuster la trajectoireEngeström (2005, 2008) envisage plutôt l’articulationcomme une réponse à une <strong>de</strong>man<strong>de</strong> ponctuelle eturgente qui, si elle n’est pas résolue, risque <strong>de</strong> mettreen difficulté la trajectoire collective <strong>de</strong> travail en cours.Il s’agit selon lui d’un moment qui réunit plusieurs personnesmutualisant leurs expertises pour solutionner leproblème en suspens. La réponse extrêmement rapi<strong>de</strong>apportée permet au « knotworking » (littéralement« travail en nœud ») <strong>de</strong> limiter <strong>les</strong> risques d’échec <strong>de</strong>la trajectoire en cours. Le knotworking s’affranchit donc<strong><strong>de</strong>s</strong> espaces et <strong><strong>de</strong>s</strong> règ<strong>les</strong> habituel<strong>les</strong> <strong>de</strong> fonctionnementpour se focaliser <strong>sur</strong> le temps. La négociation et l’adaptationdans l’urgence <strong>de</strong>viennent donc centra<strong>les</strong> danscette activité et permettent d’ajuster <strong>les</strong> trajectoires.En renégociant son activité par le biais <strong>de</strong> remédiationsliées aux artefacts et outils présents dans son environnement,l’acteur développe son activité.Problématique et questions <strong>de</strong> rechercheEn s’adaptant aux différentes transformations organisationnel<strong>les</strong>qui recomposent <strong>les</strong> relations entre <strong>les</strong> salariés- <strong>les</strong> équipes <strong>de</strong> travail et leur hiérarchie - <strong>les</strong> cadresont vu leur activité se modifier largement. En effet, trèsmédiatisée par l’utilisation <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC, cette activité s’estaccélérée pour faire face à une dispersion <strong><strong>de</strong>s</strong> flux d’informations,<strong><strong>de</strong>s</strong> interlocuteurs et <strong><strong>de</strong>s</strong> engagements dansle cadre <strong>de</strong> collectifs éclatés et distribués évoluant enmo<strong>de</strong> projet. Ce travail est alors passé d’une activité plutôtmono-centrée <strong>sur</strong> une ou plusieurs tâches conduitesdans un espace-temps délimité, à une activité éclatée où<strong>les</strong> interlocuteurs, <strong>les</strong> actions, la nature <strong><strong>de</strong>s</strong> informationset <strong>les</strong> outils se diversifient dans un espace-temps élastiqueet multidimensionnel s’affranchissant souvent <strong>de</strong> laplanification. « Travailler, ce n’est plus tant respecter <strong><strong>de</strong>s</strong>procédures que <strong>de</strong> s’engager à en as<strong>sur</strong>er la continuité,malgré toutes <strong>les</strong> perturbations qui viennent contester ledéroulement du processus » (<strong>de</strong> Terssac, 1992) cité par(Datchary, 2008).Dans cette activité largement médiatisée, comment lemanager d’équipe utilise-t-il <strong>les</strong> outils à sa dispositionpour construire son activité et y donner du sens ? Plusparticulièrement, est-ce que <strong>les</strong> outils <strong>de</strong> collaborationmédiatisée (call conf) utilisés lors <strong>de</strong> la réunion vont permettreau manager <strong>de</strong> limiter l’effet <strong>de</strong> distance induitpar l’organisation <strong>de</strong> travail pour créer <strong>les</strong> conditions <strong>de</strong>la coopération ? Mais également, est-ce que le cadre disposed’un nombre suffisant d’informations pour donnerdu sens à son activité ? Comment fait-il pour collecter<strong>les</strong> informations ?Démarche mise en œuvre• Les entretiens permettent d’avoir accès aucontexte <strong>de</strong> l’activitéLa population ciblée est constituée d’une soixantaine<strong>de</strong> personnes qui ont toutes un profil d’ingénieur avecun niveau d’étu<strong><strong>de</strong>s</strong> post-bac. Ils sont issus <strong>de</strong> différentesfilières <strong>de</strong> formation : chimie, informatique, management.Trois niveaux hiérarchiques sont représentés.Les entretiens ont été réalisés dans 3 zones géographiques(Europe, Brésil, USA). Des personnes <strong>de</strong> différentsniveaux hiérarchiques ont accepté <strong>de</strong> réaliser ces entretiens: 37 experts, 21 responsab<strong>les</strong> d’équipes localisésdans différentes zones, le responsable du service mon<strong>de</strong>et une responsable du service ressources humaines. Cesentretiens nous ont permis d’accé<strong>de</strong>r à une vision d’en-106 © Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres


CHAPITRE III : LES éTUDES DE TERRAINsemble du travail à distance dans <strong><strong>de</strong>s</strong> équipes globalisées.• L’analyse d’une vidéo <strong>de</strong> réunion <strong>de</strong> coordinationpermet <strong>de</strong> comprendre l’activité d’articulation ducollectifUne réunion <strong>de</strong> coordination a été filmée et impliquait<strong>les</strong> équipes françaises et asiatiques. Notre objectif était<strong>de</strong> capter l’activité émergente qui se déroule lors d’uneréunion <strong>de</strong> coordination entre <strong><strong>de</strong>s</strong> personnes distantesutilisant un outil <strong>de</strong> <strong>communication</strong> à distance pluscommunément appelé « pieuvre ».Pour nous permettre <strong>de</strong> rendre compte <strong>de</strong> l’activité ducollectif qui se déroulait sous nos yeux, ainsi que <strong>de</strong>celle du cadre qui se coordonnait à l’activité <strong>de</strong> la réunion,nous avons utilisé 2 caméras simultanément.La première, une caméra grand-angle, a permis d’enregistrerl’ensemble <strong>de</strong> la réunion et <strong><strong>de</strong>s</strong> interactions. Ellea été disposée au bout <strong>de</strong> la table <strong>de</strong> réunion et a étéoutillée d’un objectif grand angle.La <strong>de</strong>uxième, une caméra subjective, a été placée <strong>sur</strong>l’oreille du cadre qui animait la réunion.Les voix ont été enregistrées simultanément aux imagespar <strong>les</strong> <strong>de</strong>ux caméras. Nous avons ensuite procédéà la transcription <strong>de</strong> l’intégralité <strong><strong>de</strong>s</strong> échanges <strong>de</strong> cetteréunion en relevant le temps à chaque tour <strong>de</strong> parole.Ces éléments ont été reproduits dans un tableau Excelqui nous a servi ensuite <strong>de</strong> base <strong>de</strong> travail pour élaborer<strong>les</strong> différentes procédures et métho<strong><strong>de</strong>s</strong> d’analyses, permettant<strong>de</strong> décrypter l’activité <strong>de</strong> réunion <strong>de</strong> coordinationà distance, du point <strong>de</strong> vue du collectif et du point<strong>de</strong> vue du cadre animateur. Nous avons utilisé un seulfichier <strong>de</strong> tableur, composé <strong>de</strong> 8 onglets permettant <strong>de</strong>reproduire nos outils d’analyse en fonction <strong><strong>de</strong>s</strong> items <strong>de</strong>traitement.Nous avons ensuite procédé à une présentation <strong><strong>de</strong>s</strong>résultats au collectif et plus particulièrement au cadreanimateur <strong>de</strong> la réunion. Agissant comme une auto-confrontationpour le cadre (Clot, 1995), cette étape nousa permis <strong>de</strong> comprendre <strong>les</strong> difficultés qu’il rencontraitdurant l’exercice <strong>de</strong> son activité et aussi <strong>de</strong> mieux saisirla construction subjective <strong>de</strong> son activité en nous attachantà son point <strong>de</strong> vue.Principaux résultats obtenus• L’activité <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres managers (stream-lea<strong>de</strong>rs) encharge <strong><strong>de</strong>s</strong> projetsPositionnés entre une activité locale et globale, cesmanagers d’équipe doivent développer la performance<strong>de</strong> leurs collaborateurs et <strong>de</strong> leur équipe. Ils doivent secoordonner aux autres équipes du service afin d’as<strong>sur</strong>erla mise en place <strong>de</strong> l’ERP. Toute <strong>de</strong>man<strong>de</strong> d’évolutionou <strong>de</strong> maintenance <strong>de</strong> l’ERP qui émane d’une usine estcentralisée par un outil <strong>de</strong> workflow. Les <strong>de</strong>man<strong><strong>de</strong>s</strong> sontensuite distribuées dans <strong>les</strong> streams pour qu’el<strong>les</strong> soientprises en charge. Chaque équipe va se répartir le travailmondialement, en fonction <strong><strong>de</strong>s</strong> « pays » disponib<strong>les</strong> et<strong><strong>de</strong>s</strong> fuseaux horaires.Les collaborateurs vont alors se coordonner et se réguler<strong>de</strong> manière à produire un service qui suit la course dusoleil. Ce mo<strong>de</strong> d’organisation permettra à une <strong>de</strong>man<strong>de</strong>d’être traitée par <strong><strong>de</strong>s</strong> équipes qui se passeront le relaisafin <strong>de</strong> solutionner la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> le plus tôt possible. Lemanager interviendra en tout <strong>de</strong>rnier recours en cas <strong>de</strong>litige nécessitant un arbitrage. Le moment <strong>de</strong> la réunion<strong>de</strong>vient alors primordial pour permettre à chacun <strong>de</strong> partager<strong>les</strong> informations et <strong>les</strong> représentations concernantson travail. Les collaborateurs feront ensuite état <strong>de</strong> lacharge <strong>de</strong> leurs travaux et <strong>de</strong> leur avancée à leur managerlors <strong><strong>de</strong>s</strong> réunions <strong>de</strong> coordination qui ont lieu tous<strong>les</strong> 15 jours. L’activité <strong>de</strong> chaque collaborateur <strong>de</strong>vientalors un fil d’activité qu’il importe <strong>de</strong> pouvoir tricoterpour construire une représentation cohérente et communedu travail collectif. Si nécessaire, le cadre ajusteraet coordonnera certaines actions en fonction <strong><strong>de</strong>s</strong>indicateurs dont il dispose. Les évolutions et maintenancesréalisées par l’équipe permettront ensuite au SId’évoluer ou d’être maintenu en fonction <strong><strong>de</strong>s</strong> règ<strong>les</strong> <strong>de</strong>gouvernance établies.Dans cet environnement, <strong>les</strong> réunions à distance <strong>de</strong>viennentle seul moyen <strong>de</strong> coordination possible <strong><strong>de</strong>s</strong> activitéset le seul espace <strong>de</strong> collaboration possible. Pourparvenir à cet objectif, le cadre manager dispose d’unebatterie d’outils qui lui permettent <strong>de</strong> définir <strong><strong>de</strong>s</strong> indicateurspour le pilotage <strong>de</strong> l’équipe. Parmi ces outils, ceuxpermettant la mise en relation <strong>de</strong> personnes à distancetiennent une place importante. On citera notamment <strong>les</strong>outils <strong>de</strong> call et <strong>de</strong> web conf, <strong>les</strong> messageries, <strong>les</strong> smartphoneet <strong>les</strong> messageries instantanées.• Valoriser l’information collectée pour favoriserl’écologie <strong>de</strong> la coopérationDans un environnement <strong>de</strong> travail complètement distribué,le manager va créer <strong>les</strong> conditions <strong>de</strong> la coopérationet <strong>de</strong> la collaboration pour permettre à tous ses collaborateursd’atteindre <strong>les</strong> objectifs <strong>de</strong> l’équipe. Ainsi,d’après <strong>les</strong> observations, 52 % du temps <strong>de</strong> travail dumanager concerne la tenue <strong>de</strong> réunions <strong>de</strong> coordinationqu’il réalise avec l’ensemble <strong>de</strong> ses collaborateurs. Sonrôle est <strong>de</strong> gérer la charge <strong>de</strong> travail <strong>de</strong> ses collaborateurs,<strong>de</strong> <strong>les</strong> faire monter en compétences, <strong>de</strong> conduireet vali<strong>de</strong>r leurs appréciations annuel<strong>les</strong> et <strong>de</strong> gérer leplan <strong>de</strong> charge <strong>de</strong> travail. S’il est leur responsable hiérarchiquedirect, il n’est pas forcément leur donneur d’ordreexclusif en matière <strong>de</strong> travail. En effet, <strong>les</strong> équipiersrépartissent également leur temps <strong>sur</strong> d’autres projetset répon<strong>de</strong>nt aux <strong>de</strong>man<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> différents chefs <strong>de</strong> projets.Pour avoir une vision d’ensemble <strong>de</strong> l’activité <strong>de</strong>© Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres107


CHAPITRE III : LES éTUDES DE TERRAINses collaborateurs, le manager « bricole » <strong><strong>de</strong>s</strong> fichiers<strong>sur</strong> un tableur en positionnant <strong><strong>de</strong>s</strong> indicateurs personnels.Il croise ses informations avec cel<strong>les</strong> du ProjectManagement Optimisation qui globalise <strong>les</strong> informationset l’avancée <strong><strong>de</strong>s</strong> projets au niveau du service.Pour affiner son travail, il collecte également <strong><strong>de</strong>s</strong> informations<strong>sur</strong> le workflow <strong>de</strong> gestion <strong><strong>de</strong>s</strong> maintenanceset <strong><strong>de</strong>s</strong> évolutions à réaliser pour l’ERP. Sa position estcomplexe, car il doit mettre en place <strong>les</strong> conditions <strong>de</strong>la coopération sans maîtriser la charge <strong>de</strong> travail <strong>de</strong> sescollaborateurs, cette <strong>de</strong>rnière étant gérée par <strong>les</strong> différentschefs <strong>de</strong> projets avec <strong>les</strong>quels ils sont investis.Comment s’y prend-il pour favoriser une écologie <strong>de</strong> lacoopération ?• Laisser ses collaborateurs auto-réguler leursactionsLes premiers entretiens réalisés avec <strong>les</strong> managersavaient laissé entendre que leur rôle n’était pas trèsimportant dans le travail collectif et que, d’une certainemanière, <strong>les</strong> collaborateurs pouvaient sans problème travaillersans eux, leur rôle étant mineur.Une réunion <strong>de</strong> coordination a été filmée avec l’accorddu manager et <strong>de</strong> ses collaborateurs. Cette réunion étaitpilotée par le manager et réunissait ses quatre coordinateurset une collaboratrice localisés en France ainsi quecinq collaborateurs basés en Asie et un en Angleterre(via audioconf).L’objectif <strong>de</strong> cette réunion était <strong>de</strong> permettre à chacun<strong>de</strong> faire rapi<strong>de</strong>ment le point <strong>sur</strong> l’avancement <strong>de</strong> chacun<strong>de</strong> ses projets.Le manager a en charge une équipe d’une trentaine<strong>de</strong> personnes réparties <strong>sur</strong> 4 zones du globe (l’Europe,l’Asie, le Brésil, <strong>les</strong> USA). Pour faciliter <strong>les</strong> interactions,il a choisi <strong>de</strong> dupliquer la réunion à 3 reprises dans lecourant <strong>de</strong> la journée. Cela lui permet <strong>de</strong> s’adapter auxinterlocuteurs français ne parlant pas suffisamment bienl’anglais, mais aussi aux différents horaires. Une préparationpréalable à la tenue <strong>de</strong> ces réunions a lieu la veilleet réunit uniquement <strong>les</strong> coordinateurs. Le manager souhaiteque <strong>les</strong> informations techniques soient transmisespar <strong>les</strong> coordinateurs dans la me<strong>sur</strong>e où il <strong>les</strong> considèreplus légitimes que lui techniquement parlant.Durant notre entretien <strong>de</strong> préparation à notre intervention,le manager nous a expliqué que son rôle était <strong>de</strong>permettre à tous d’avoir <strong>les</strong> informations nécessairesdans la réunion. Il a cependant précisé qu’il n’intervenaitpas <strong>sur</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> sujets <strong>de</strong> fond, laissant la priorité à sescoordinateurs. Il lui semblait d’ailleurs que sa présencepouvait être supprimée tant <strong>les</strong> sujets techniques étaientmaîtrisés par ces <strong>de</strong>rniers. Sa valeur ajoutée, selon sespropos, est <strong>de</strong> permettre un échange dynamique se rapprochantle plus <strong><strong>de</strong>s</strong> situations courantes d’échanges enface à face. C’est, selon lui, une condition pour éviterl’ennui dans ce type <strong>de</strong> réunion qu’il considère fatiganteset peu stimulantes.Cette réunion se déroule dans une salle équipée pour <strong>les</strong>échanges à distance. La « pieuvre » (ou « l’araignée »)permet <strong>de</strong> réaliser une conférence téléphonique à plusieurs,à distance. Cette réunion, programmée à l’avancea duré une trentaine <strong>de</strong> minutes durant <strong>les</strong>quel<strong>les</strong>8 sujets différents ont été traités.Six minutes en moyenne ont ainsi été accordées à chaquesujet, la qualité sonore médiocre <strong>de</strong> l’outil compliquantla compréhension. À la fin <strong>de</strong> la réunion, chacundéplorait la qualité désastreuse <strong>de</strong> la ligne et le sentiment<strong>de</strong> fatigue qui en découlait. Les sujets abordésétaient cependant primordiaux pour permettre à chaquepersonne <strong>de</strong> s’ajuster par rapport à la trajectoire <strong>de</strong> travaildéfinie collectivement.• Définir <strong>les</strong> contours <strong>de</strong> l’activité commune lors <strong>de</strong>la réunion.L’analyse <strong>de</strong> la vidéo met en évi<strong>de</strong>nce qu’un tiers dutemps <strong>de</strong> la réunion est consacré aux interventions dumanager justifiant alors la place prépondérante <strong>de</strong> sesactions dans l’articulation <strong><strong>de</strong>s</strong> différents sujets. Grâce àla répartition <strong><strong>de</strong>s</strong> temps organisée par le manager, chacundispose d’un temps <strong>de</strong> parole quasiment équivalent,soit environ 10 % du temps <strong>de</strong> la réunion. Mais <strong>sur</strong>tout,<strong>les</strong> interlocuteurs vont échanger, entre eux, <strong><strong>de</strong>s</strong>informations sans forcément passer par l’intermédiairedu manager.Ce travail d’échanges permet à chacun <strong>de</strong> construire unereprésentation commune <strong>de</strong> la situation. Le collectif aalors une importance capitale dans la constitution <strong>de</strong>l’activité <strong>de</strong> chacun permettant une co-configuration <strong>de</strong>l’activité commune en articulant <strong>les</strong> perspectives <strong><strong>de</strong>s</strong>différents acteurs.• Favoriser <strong>les</strong> échanges et l’intercompréhensionmalgré <strong>les</strong> interférencesBien que <strong>les</strong> échanges entre collaborateurs soientencouragés, le manager gar<strong>de</strong> la main <strong>sur</strong> le pilotage <strong><strong>de</strong>s</strong>tours <strong>de</strong> parole pour imprimer une « dynamique propiceà la collaboration ». Cette dynamique permet alors uneco-configuration <strong>de</strong> l’activité commune en articulant <strong>les</strong>différentes perspectives malgré la qualité médiocre <strong>de</strong>certains moments <strong>de</strong> la réunion.Le tableau suivant reproduit un exemple d’interventioncollective pour limiter <strong>les</strong> effets <strong>de</strong> la mauvaise qualité<strong>de</strong> la <strong>communication</strong>. Une collègue qui, à distance,comprenait mieux <strong>les</strong> échanges qui se déroulaient avecun collègue asiatique, a pu retracer le sens <strong>de</strong> la <strong>communication</strong>pour la reverbaliser à l’attention <strong>de</strong> ses collègues.Le moment était particulièrement important car<strong><strong>de</strong>s</strong> délais étaient repoussés, ce qui allait impacter l’ensemble<strong><strong>de</strong>s</strong> activités <strong><strong>de</strong>s</strong> acteurs.108 © Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres


CHAPITRE III : LES éTUDES DE TERRAINRépartition <strong><strong>de</strong>s</strong> temps <strong>de</strong> parole <strong><strong>de</strong>s</strong> participants à la réunion, selon leur pays d’origineAsia 11 = 0 %Asia 10 = 0 %Asia 8 = 10 %England = 13 %France 1 = 11 %France 2 = 1 %France 3 = 0 %France 4 = 12 %Asia 7 = 11 %France 5 = 7 %Manager = 35 %À ce moment <strong>de</strong> la réunion, la <strong>communication</strong>, particulièrementmauvaise du fait <strong><strong>de</strong>s</strong> interférences, ne permetpas d’avoir accès au sens. Une interaction <strong>sur</strong> <strong>de</strong>ux estinterrompue du fait <strong><strong>de</strong>s</strong> interférences ou <strong><strong>de</strong>s</strong> incompréhensionsliées aux accents et aux niveaux <strong>de</strong> langueshétérogènes affectant le sens <strong><strong>de</strong>s</strong> interactions produites.Les échanges <strong>de</strong>viennent alors particulièrement exigeants<strong>sur</strong> le plan cognitif. Dans ces conditions, l’appuidu collectif est primordial et permet <strong>de</strong> pouvoir récupérerle sens dans un environnement dégradé.• Chercher l’appui du collectif local pour construiredu sensÀ la fin <strong><strong>de</strong>s</strong> interactions produites, chaque acteur s’estconcerté avec son collègue du regard pour s’as<strong>sur</strong>er dusens enfin retrouvé collectivement. Chacun s’accor<strong>de</strong>avec son collègue <strong>de</strong> proximité pour ajuster sa proprepratique. Dans le cas qui nous concerne, chaque acteur<strong>de</strong>vra tenir compte <strong>de</strong> cette modification <strong>de</strong> planningimposée par l’Asie pour remo<strong>de</strong>ler son fil d’activité dansla trajectoire <strong>de</strong> travail commune.Ce moment montre l’importance du collectif et le poids<strong><strong>de</strong>s</strong> échanges <strong>de</strong> proximité dans la formation du sensdans l’activité. Mais ce passage montre également quedans cette situation, le manager est dépendant <strong>de</strong> sescollaborateurs pour donner du sens au travail d’équipe.Même si cet enchaînement d’action permet au cadre <strong>de</strong>reprendre la main <strong>sur</strong> son activité, il exprimera l’extrêmeintangibilité <strong>de</strong> son activité lors <strong>de</strong> l’auto-confrontationque nous avons réalisée : « c’est quand mêmeun peu frustrant à la fin, qu’est-ce qui reste au final <strong>de</strong>l’intangibilité ? Comment peut-elle être reconnue cetteintangibilité ? » Il nous fera alors part <strong>de</strong> sa difficulté àconcrétiser son travail à la fin <strong><strong>de</strong>s</strong> réunions et à fortiorien fin <strong>de</strong> journée. De plus, aucun compte rendu ne seraréalisé à la fin <strong>de</strong> la réunion.De leur côté, <strong>les</strong> collaborateurs se sentent frustrés parces types d’échanges. En effet, bien que la réunion aitété préparée et balisée avec eux à l’avance, <strong>les</strong> participantsconsidèrent que la réunion et « <strong>les</strong> échanges ontété frustrants mais qu’il faut s’en contenter ». Cette frustrationest d’autant plus gran<strong>de</strong> que <strong>les</strong> échanges sontparticulièrement rapi<strong><strong>de</strong>s</strong> et <strong>de</strong>nses. Techniquement, laréunion <strong>de</strong> coordination à distance a cependant remplises objectifs en permettant d’abor<strong>de</strong>r <strong>les</strong> 8 sujets prévusdurant <strong>les</strong> 30 minutes <strong>de</strong> la réunion.Discussion <strong><strong>de</strong>s</strong> résultats• Développer une écologie <strong>de</strong> la coopérationL’activité du manager vise à limiter <strong>les</strong> risques d’erreursd’articulations qui se multiplient dans <strong>les</strong> organisationstrès décentralisées et extrêmement flexib<strong>les</strong>. Les acteurs(managers et collaborateurs) médiatisent alors leursdifférentes expertises et pratiques pour <strong>les</strong> « tricoter »ensemble dans <strong><strong>de</strong>s</strong> espaces <strong>de</strong> travail. L’objet commun<strong>de</strong> travail focalise donc <strong>les</strong> différentes activités et intentionsd’actions autour d’un outil simple d’utilisation, letéléphone.• Le travail d’articulation comme compétencemanagérialeL’activité <strong>de</strong> gestion <strong>de</strong> réunion nécessite <strong>de</strong> la part ducadre <strong>de</strong> réaliser un méta-travail qui consiste à articulerplusieurs perspectives, sphères d’activités, flux <strong>de</strong> travail,interlocuteurs pour permettre aux participants en© Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres109


CHAPITRE III : LES éTUDES DE TERRAINExemple d’interaction collective pour réguler <strong>les</strong> dysfonctionnements <strong>de</strong> la <strong>communication</strong> à distanceOk tt just before we split to Jessie follow up I would like to welcome <strong>de</strong>nise so <strong>de</strong>nise just join lyon as6 16:16 You know in the team so probably all of you know <strong>de</strong>nise in asia pack. I think you met every body twoyears ago (s’adresse à <strong>de</strong>nise)2 16:36 Yes I think so6 16:40so <strong>de</strong>nise will have probably some more opportunity where you are based in france to have discussionwith asia pac due to the time schedule, the time difference (fait le geste “un petit peu” avec <strong>les</strong> doigts)6 16:50so now <strong>de</strong>nise is located in lyon. It is expected for 2 years then maybe you will be more in contact thanpreviously (en s’adressant à <strong>de</strong>nise) so around the table you have james, will, leo and Stanley2 17:05 Hello every body2 17:116 17:11 so we will meet in la Rochelle thank you6 17:19 ok leo we take the phone7 17:25 ah ok7 17:25Yes after the (inaudible) the integration test and within this week we will have (inaudible) test. And in a(inaudible) to a (inaudible)6 17:25 Hhh pleaseKnowledge for wrap and (inaudible) pending issue. For Jessie ah last week the (inaudible) and (inaudible)in general ok it is ok. (inaudible) ha we have big training for the users and for the end of the traini7 17:50ng we are waiting for the (inaudible) for the because we need a process owner (inaudible). And that theprocess that (inaudible) un<strong>de</strong>r the session that is not confirmed yet (inaudible) for the process expert weare expect (incompréhensible : 19:04) much better ah for the Jessie plant expecting for the (inaudible etincomprehensible) service for (19:14)6 17:509 19:15In terms of this presentation leo I think everybody knew (incomprehension) discussion and to your pointof you everything is ok that is correct ?7 19:30Hummm yeah I think the process is more or <strong>les</strong>s clear. Maybe that (inaudible) file because of (inaudible)19:52 I think that approching to the (inaudible) machine to the9 20:00So for P2P there is one major issue that I had a quick through the presentation yesterday and I can seeany major problems am I correct leo ?7 20:10 Hum I think for P2P there iiis nnnot sso much effect9 20:17 ok7 20:20 Or a wether it should be more on the (incomprehensible)9 20:24 Ok it is more pity issue ok.Another point leo, I received an e mail from OTC stream from Jackie <strong>les</strong>eigneur and it was regarding9 20:27(inaudible) the shipment in the company flow. Do you know about this issue ? it is the fact that thebusiness do you know the fact (inaubible) invoiced or issued for each shipment (inaudible) or for oneinvoice. Do you heard about this issue ?7 21:00Mmm king of sentences that I am not <strong>sur</strong>e (inaudible). I think it was mentioned a discussion with thecompany (inaudible)9 21:23 Hum hum7 21:24 For the invocing9 21:28 Ok sorry which kind of flow is it ?Which with company flow is it referring to ? (4 secon<strong><strong>de</strong>s</strong>) Do you know ?7 21:40 Mmm I think it is the general question rather than9 21:44 ok7 21:48 So the (inaudible)9 21:49 Ok it might be more a general question for asia9 21:55 ok7 21:55 Yyyeahp9 21:57 Ok thank you7 21:58 You are welcome110 © Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres


CHAPITRE III : LES éTUDES DE TERRAINprésentiel et à distance, <strong>de</strong> s’ajuster. Ce travail intangibleet pourtant bien réel se déploie autour <strong><strong>de</strong>s</strong> contradictions<strong>de</strong> l’activité qui obligent à renégocier la trajectoire<strong>de</strong> travail.Il incombe <strong>sur</strong>tout au manager <strong>de</strong> développer la continuitédu travail <strong>de</strong> ses collaborateurs. Son travail consistenon seulement à pouvoir organiser, harmoniser, coordonner,conduire l’activité <strong>de</strong> son équipe, mais également àarticuler <strong>les</strong> perspectives en tenant compte <strong><strong>de</strong>s</strong> aléas <strong>de</strong>l’activité. Ce travail est d’autant plus complexe que lemanager ne connaît pas exactement toute l’activité <strong><strong>de</strong>s</strong>es collaborateurs. Collecter <strong>les</strong> informations aux bonsendroits pour reconstituer un sens commun à tous estalors un travail colossal. En s’appuyant <strong>sur</strong> <strong>les</strong> différentsindicateurs dont il dispose, le manager construit « l’arc<strong>de</strong> travail » collectif selon l’acception <strong>de</strong> Strauss. La trajectoire<strong>de</strong> travail va donc se construire en fonction dudéveloppement <strong><strong>de</strong>s</strong> projets et <strong>de</strong> besoins <strong>de</strong> l’entreprise.La gestion <strong><strong>de</strong>s</strong> contingences (expertise <strong>de</strong> chacun parexemple) et l’adaptation <strong><strong>de</strong>s</strong> participants aux aléas permettront<strong>de</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong>siner la trajectoire <strong>de</strong> travail commune.Le travail du manager est <strong>de</strong> savoir combiner <strong><strong>de</strong>s</strong> savoirsfaireet <strong><strong>de</strong>s</strong> savoirs-agir.Le rôle du manager est donc majeur dans le bon fonctionnement<strong>de</strong> l’équipe et la mise en place d’une cohésiond’équipe. Nous nous trouvons <strong>de</strong>vant un méta-travail (untravail fait <strong>sur</strong> son propre travail) réalisé par le cadrepour pouvoir construire le sens <strong>de</strong> son activité au travailet celui du sens donné à son équipe. Ce méta-travails’inscrit dans un processus logique et continu <strong>de</strong>déploiement <strong>de</strong> l’activité qui permet finalement à chaqueacteur <strong>de</strong> renégocier <strong>les</strong> termes <strong>de</strong> son engagementdans son activité en fonction <strong><strong>de</strong>s</strong> aléas qui <strong>sur</strong>gissentpour s’ajuster à la trajectoire.Mais au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> l’articulation <strong><strong>de</strong>s</strong> tâches construisantla trajectoire <strong>de</strong> travail, l’activité <strong>de</strong>vra également tenircompte <strong><strong>de</strong>s</strong> pratiques induites par l’outil. En effet, lemanagement à distance ne peut pas se résumer à l’applicationd’actions prédéterminées par <strong><strong>de</strong>s</strong> règ<strong>les</strong>. Lecontexte <strong><strong>de</strong>s</strong> call conf va introduire <strong><strong>de</strong>s</strong> contradictionssupplémentaires du fait <strong>de</strong> l’utilisation <strong>de</strong> l’outil (interférences,mauvaises compréhensions…). Ces contraintessupplémentaires vont affecter la confiance dans <strong>les</strong> liensà distance renforçant du même coup <strong>les</strong> collaborationsloca<strong>les</strong>. « Tu peux faire toutes <strong>les</strong> web conférences, toutes<strong>les</strong> call conférences que tu veux avec quelqu’un qui <strong>de</strong>toute façon va dire un peu ce qu’il veut… Ce n’est pasl’outil qui va changer grand-chose », selon le manager.« Le lien physique est important pour établir la confiancedans la relation. Et l’outil n’y change rien. L’outil ai<strong>de</strong> àun moment pour le visuel commun ou à partager, mais j’ail’impression que, bien évi<strong>de</strong>mment, il y a <strong><strong>de</strong>s</strong> sujets oùl’outil dégra<strong>de</strong> parce que ce serait mieux si on était autourdu même bureau, ça c’est une évi<strong>de</strong>nce ».• Les réunions <strong>de</strong>viennent <strong><strong>de</strong>s</strong> espaces <strong>de</strong> travail quiarticulent <strong>les</strong> activités multidimensionnel<strong>les</strong>Les réunions médiatisées par <strong>les</strong> outils <strong>de</strong> call conf et<strong>de</strong> web conf peuvent s’assimiler à <strong><strong>de</strong>s</strong> espaces <strong>de</strong> travailpermettant la coordination et l’ajustement <strong><strong>de</strong>s</strong> pratiques,grâce à leur mise en relation dans un réseau d’actionset d’activités. Ces réunions médiées par <strong>les</strong> outils<strong>de</strong> call conf vont mettre en relation <strong><strong>de</strong>s</strong> acteurs distants,en resituant et en décentrant l’espace <strong>de</strong> travail au gré<strong><strong>de</strong>s</strong> besoins. Les artefacts <strong>de</strong> toutes sortes <strong>de</strong>viennentalors <strong>les</strong> espaces <strong>de</strong> transit, d’échanges, <strong>de</strong> partage et<strong>de</strong> mutualisation <strong><strong>de</strong>s</strong> expertises <strong>de</strong> chaque participant.Ils permettent <strong>de</strong> distribuer, non plus la cognition,mais l’écoute et l’attention, permettant alors à chacun<strong>de</strong> s’ajuster à distance. Ce travail sans localisation précise,médié par <strong><strong>de</strong>s</strong> artefacts relationnels et cognitifs,centralise alors l’activité très fluctuante <strong><strong>de</strong>s</strong> acteurs, en« tricotant » <strong><strong>de</strong>s</strong> trajectoires <strong>de</strong> travail différentes et ens’affranchissant <strong><strong>de</strong>s</strong> normes culturel<strong>les</strong>, <strong><strong>de</strong>s</strong> i<strong>de</strong>ntités et<strong><strong>de</strong>s</strong> mémoires. « L’espace <strong>de</strong> distribution du travail nepermet pas <strong>de</strong> fixer <strong>les</strong> normes culturel<strong>les</strong>, <strong>les</strong> i<strong>de</strong>ntités et<strong>les</strong> mémoires car le travail bouge d’une place à l’autre ouintervient <strong>de</strong> manière invisible, il n’est pas possible queces normes <strong>de</strong> cultures, i<strong>de</strong>ntités et mémoires puissents’enraciner à un endroit <strong>de</strong> travail précis » (Nardi, 2007,p. 13).• Construire une i<strong>de</strong>ntité professionnelle ?Cependant, malgré <strong>les</strong> compétences que <strong>les</strong> managerssont en me<strong>sur</strong>e <strong>de</strong> mettre en œuvre, ils s’interrogent<strong>sur</strong> leur i<strong>de</strong>ntité professionnelle. Ce travail très immatérielet très intangible peut leur donner le sentimentd’être inefficaces dans leur activité <strong>de</strong> coordination quiest « finalement tellement bateau, c’est tellement simpleet tellement compliqué, car ça ne se modélise pas !!! ».La difficulté rési<strong>de</strong> dans l’augmentation <strong>de</strong> l’incertitu<strong>de</strong>concernant la <strong>communication</strong>, la qualité <strong><strong>de</strong>s</strong> informationstransmises, le partage <strong><strong>de</strong>s</strong> représentations quifinalement leur fait douter <strong>de</strong> la qualité <strong>de</strong> la relationmédiée par <strong>les</strong> outils : « moi je pense que <strong>les</strong> outils sontbien, mais que ça ne suffit pas, ça ne suffira jamais parcequ’il y a quand même une relation humaine à un momentdonné et <strong>les</strong> outils ça ne suffira pas ».Les outils <strong>de</strong> <strong>communication</strong> qui supportent l’activitédu cadre ne parviennent pas à soutenir son activité, ni<strong>de</strong> lui donner le sentiment <strong>de</strong> se trouver dans un environnementhabilitant. Il stigmatisera plus facilement <strong>les</strong><strong>communication</strong>s à distances l’éloignant encore plus <strong>de</strong>la collaboration globale et renforçant la collaborationlocale. Il s’interroge alors <strong>sur</strong> son avenir professionnel« à savoir si dans <strong>les</strong> années futures mon rôle est unrôle qui doit être technique et un peu d’animation ou lecontraire ».© Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres111


CHAPITRE III : LES éTUDES DE TERRAINLe management à distance avec l’ai<strong>de</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC : le cas d’un cadre manager encadrantune équipe <strong>de</strong> cadres dirigeantsRésuméL’avènement <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC a accompagné, voire accentuél’éclatement <strong>de</strong> l’activité professionnelle dans différenteszones géographiques, avec <strong>de</strong> nouvel<strong>les</strong> formes d’organisationsdu travail, comme le management à distanceet <strong>les</strong> équipes virtuel<strong>les</strong>. Si certains cadres exercent leuractivité professionnelle <strong>de</strong> leur domicile, d’autres sontplutôt noma<strong><strong>de</strong>s</strong> et travaillent dans différents lieux enexerçant un management <strong>de</strong> distance. Les managerssont ainsi séparés géographiquement <strong>de</strong> leurs collaborateurset utilisent <strong>les</strong> TIC comme moyen <strong>de</strong> gestion,d’animation et <strong>de</strong> coordination <strong><strong>de</strong>s</strong> équipes. L’objet <strong>de</strong>cette étu<strong>de</strong> s’intéresse aux conditions <strong>de</strong> réalisation <strong>de</strong>ce management à distance et à la façon dont il est ressentiet accepté par <strong>les</strong> divers collaborateurs.Ainsi nous avons pu mettre en avant différentes stratégiesqui sont : l’importance <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC dans le transfert <strong><strong>de</strong>s</strong>informations et le maintien d’une proximité virtuelle, ladéfinition <strong><strong>de</strong>s</strong> règ<strong>les</strong> du jeu <strong>de</strong> la coopération par lemanager, la responsabilisation <strong><strong>de</strong>s</strong> collaborateurs parle manager et une coordination <strong><strong>de</strong>s</strong> activités.Mots clefs : Cadres dirigeants, Management à distance,TIC,Contexte <strong>de</strong> l’étu<strong>de</strong> et problème poséCette étu<strong>de</strong> s’est déroulée dans une société <strong>de</strong> servicespécialisée dans la télé<strong>sur</strong>veillance, la sécurité <strong><strong>de</strong>s</strong> particulierset <strong><strong>de</strong>s</strong> entreprises.Pour cette étu<strong>de</strong>, nous avons été en contact avec uneéquipe <strong>de</strong> cinq personnes (tous cadres dirigeants) : leconseiller du prési<strong>de</strong>nt du groupe et quatre autres personneslocalisées dans une capitale étrangère, la directrice<strong><strong>de</strong>s</strong> ressources humaines, la directrice <strong><strong>de</strong>s</strong> ventes,la directrice financière et le directeur <strong><strong>de</strong>s</strong> opérations.Le conseiller du prési<strong>de</strong>nt a été chargé <strong>de</strong> manager <strong>les</strong>quatre top-managers travaillant à l’étranger. En 2007,mandat lui a été donné <strong>de</strong> relancer l’activité et d’augmenter<strong>les</strong> bénéfices <strong>de</strong> cette entité en manageantl’équipe <strong>de</strong> cadres dirigeants, qui elle-même encadre unecinquantaine <strong>de</strong> personnes. Depuis 2008, <strong>les</strong> résultatssont re<strong>de</strong>venus positifs.Dans ce mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> fonctionnement particulier, il est apparuintéressant d’étudier ce qui permet à ce management àdistance <strong>de</strong>, semble-t-il, plutôt bien fonctionner et <strong>de</strong>découvrir ce que le manager et <strong>les</strong> collaborateurs ontmis en place pour que cette situation acceptée, sinontolérée. Quels sont <strong>les</strong> ressorts et <strong>les</strong> leviers <strong>de</strong> ce mo<strong>de</strong>d’action ? Quel<strong>les</strong> sont <strong>les</strong> compétences en jeu ?Conseiller duprési<strong>de</strong>ntMétho<strong>de</strong> mise en oeuvrePar le relevé <strong>de</strong> traces d’activité, nous sommes orientés<strong>sur</strong> <strong>les</strong> supports <strong>de</strong> <strong>communication</strong> utilisés par le manageret ses collaborateurs belges : SMS (Short MessageService) et courriers électroniques.L’objectif était <strong>de</strong> voir si <strong>les</strong> membres <strong>de</strong> l’équipe (manageret collaborateurs) tentaient <strong>de</strong> faire passer <strong><strong>de</strong>s</strong>émotions, <strong><strong>de</strong>s</strong> sentiments par écrit, via par exemple,l’utilisation possible d’émoticônes 25 . En effet, <strong>les</strong> émoticônespermettent <strong>de</strong> pallier la déshumanisation <strong><strong>de</strong>s</strong> relationsà distance écrites, voire même ora<strong>les</strong> (téléphonequi empêche <strong>de</strong> voir le comportement non verbal). Parla prise en compte <strong>de</strong> ces supports, il s’agissait aussi<strong>de</strong> percevoir si <strong>les</strong> manières <strong>de</strong> communiquer, d’écrireétaient ou non régies par <strong><strong>de</strong>s</strong> règ<strong>les</strong> particulières pourla rédaction <strong>de</strong> ces divers messages dans <strong>les</strong> contextesprofessionnels. Les documents appartenant au manager,notamment <strong><strong>de</strong>s</strong> Powerpoint (<strong><strong>de</strong>s</strong> graphiques représentant<strong><strong>de</strong>s</strong> métho<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong> management) ont également étérecueillis.Principaux résultatsDRHDirectrice <strong><strong>de</strong>s</strong>ventesDirectricefinancièreDirecteur <strong><strong>de</strong>s</strong>opérationsDans <strong>les</strong> exemp<strong>les</strong> d’échanges d’e-mails entre le collaborateuret le manager, on voit que l’e-mail envoyé parle collaborateur reste très formel, rattaché au cadre professionnel,que ce soit dans son contenu (<strong><strong>de</strong>s</strong>criptionnarrative d’une liste <strong>de</strong> choses faites ou à faire et <strong><strong>de</strong>s</strong>répercussions <strong>de</strong> cel<strong>les</strong>-ci) ou dans sa forme (Emploi du112 © Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres


CHAPITRE III : LES éTUDES DE TERRAIN« Je » comme mise en action, formule <strong>de</strong> politesse « Cordialement»). Ce mail, très factuel, a pour but d’informerrapi<strong>de</strong>ment et <strong>de</strong> manière synthétique le managerdistant en rendant compte <strong><strong>de</strong>s</strong> actions effectuées et <strong>de</strong>cel<strong>les</strong> en cours. Cela permet non seulement <strong>de</strong> maintenirle contact en facilitant la supervision (consentie) <strong>de</strong> sonactivité mais aussi <strong>de</strong> préserver son autonomie. C’est <strong>les</strong>alarié qui prend en effet <strong>les</strong> <strong>de</strong>vants, avant toute sollicitation<strong>de</strong> son responsable.La réponse que le manager fait à ce collaborateur estbeaucoup moins formelle, puisqu’il emploie un styleplus familier et personnel comme « bises », « récap’ »,ou encore la phrase « très bon week-end prolongé ». Demême l’évaluation qu’il fait <strong>de</strong> l’exposé <strong><strong>de</strong>s</strong> tâches parla formule (« Très bonne réactivité et félicitations d’avoirfait vali<strong>de</strong>r ces décisions ») souligne et valorise la qualitéprofessionnelle du <strong><strong>de</strong>s</strong>tinataire.Ces divers éléments, plus amicaux et moins désincarnésque l’e-mail du collaborateur, ont pour but <strong>de</strong> susciterune émotion positive, un sentiment valorisant chez lecollaborateur (<strong>de</strong> proximité sociale, <strong>de</strong> gratification et<strong>de</strong> reconnaissance professionnelle) pour le motiver et luipermettre <strong>de</strong> trouver du sens, un accomplissement dansle travail réalisé. On pourrait dire qu’il y a, grâce à cecourriel, une véritable reconnaissance du travail effectué.De plus, son extrême brièveté (29 mots contre 113pour le mail du collaborateur) et la rapidité <strong>de</strong> l’envoi(renvoyé le matin même) témoignent aussi <strong>de</strong> la spontanéitéet <strong>de</strong> la sincérité <strong>de</strong> sa réaction.Exemple <strong><strong>de</strong>s</strong> e-mails échangés entre le manager et un collaborateurD’un collaborateur M. aumanager P.Le 19 mai 2010 à 17:48, M a écrit :P,J’ai déjà eu une réunion avec l’équipe T - vendredi nous serons présents et introduisons une présencejusqu’à 20H, 2 jours semaine à partir <strong>de</strong> lundi.J’ai également déjà dit qu’il y aurait un nouveau plan <strong>de</strong> commission. L’objectif étant <strong>de</strong> maintenir<strong>les</strong> revenus actuels mais en faisant un petit effort <strong>de</strong> vente. Un plus gros effort donnera même unavantage financier. Pas <strong>de</strong> grand tumulte à cette annonce.J’ai aussi <strong>de</strong>mandé à E ce qu’il pensait <strong>de</strong> la nouvelle approche en Hollan<strong>de</strong>. Il m’a tout <strong>de</strong> suiterépondu que ceci est la bonne approche et correspondait exactement ce à quoi <strong>les</strong> Hollandais réagissent.Peux-tu donc voir avec D pour le budget.Cordialement,MDu manager au collaborateurM.De : PDate : 20 mai 2010 08:08:28À : MObjet : Rép : Hollan<strong>de</strong>Bonjour M,Très bonne réactivité et félicitations d’avoir fait vali<strong>de</strong>r ces décisions.Merci <strong>de</strong> me faire un mail « récap » <strong>sur</strong> le budget <strong>de</strong> ce mailing Hollan<strong>de</strong>.Très bon Week-end prolongé.Bises PPar le contenu <strong>de</strong> ce mail, on peut également avancerque le manager tente <strong>de</strong> créer un lien d’affinité avecson collaborateur en lui montrant qu’il ne s’intéresse passeulement au travail fourni mais aussi à sa propre personne.On peut d’ailleurs se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r s’il tiendrait <strong>les</strong>mêmes propos face à son collaborateur. Ce qui tendraità montrer que la manière d’utiliser l’e-mail est aussi liéeà la fonction et aux attributions <strong><strong>de</strong>s</strong> utilisateurs ainsiqu’à leur rapport fonctionnel et hiérarchique : pour lecollaborateur, il s’agit d’informer et <strong>de</strong> rendre compte ;pour le manager, <strong>de</strong> suivre (à distance), d’évaluer et <strong>de</strong>motiver. Les e-mails ont alors une vocation essentiellement<strong>de</strong> validation, <strong>de</strong> reporting et <strong>de</strong> supervision.Exemple du SMSAutre moyen <strong>de</strong> <strong>communication</strong> utilisé, le SMS. Le managerreçoit chaque jour un texto avec <strong>les</strong> résultats <strong><strong>de</strong>s</strong>ventes. Celui-ci est très bref et évoque en quelquesmots <strong>les</strong> chiffres commerciaux <strong>de</strong> la veille. Il n’y a aucuncommentaire, aucune contextualisation ; il s’agit d’informationsbrutes que le manager consulte <strong>de</strong>puis sontéléphone portable à tout moment. Ces données sontactualisées chaque jour et lui permettent <strong>de</strong> suivre l’activité<strong>de</strong> la branche. Il a bien sûr la possibilité <strong>de</strong> réagiret d’interpeller ses collaborateurs s’il le juge nécessaire,par téléphone, mail ou lors d’une prochaine réunion.Mais pour que cette collaboration médiatisée par mail/SMS interposé puisse fonctionner dans <strong>les</strong> meilleuresconditions, il est nécessaire que <strong>les</strong> membres <strong>de</strong> l’équipe© Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres113


CHAPITRE III : LES éTUDES DE TERRAINpuissent maintenir entre eux un contact physique (parréunion hebdomadaire) et/ou verbal (contacts régulierspar téléphone entre le manager et chaque collaborateur,au moins une fois par semaine) afin <strong>de</strong> fixer <strong>les</strong> priorités/objectifs, <strong>de</strong> discuter <strong><strong>de</strong>s</strong> problèmes et <strong>sur</strong>tout <strong>de</strong> créerune proximité sociale suffisante permettant <strong>de</strong> maintenir<strong>les</strong> contacts et échanges même à distance.C’est à ces conditions que le management à distancepeut se réaliser : « du moment que <strong>les</strong> responsabilitéssont bien communiquées, transparentes et que vousavez bien négocié, et que vous avez eu un accord <strong>sur</strong> <strong>les</strong>moyens mis à votre disposition, et bien le managementà distance c’est 2 choses : d’abord <strong>de</strong> pouvoir toucher lepassé, ce qui avait été <strong>de</strong>mandé, donc est-ce que noussommes en train <strong>de</strong> faire, ce que tu avais <strong>de</strong>mandé […].Et puis, en <strong>de</strong>uxième lieu, <strong>de</strong> bien pouvoir sentir la stratégiedu futur. Est-ce que je t’entends, est-ce que tu m’asbien décrit pour faire le petit chemin pour arriver à ceque tu penses que nous autres nous <strong>de</strong>vons arriver ? »(Directeur <strong><strong>de</strong>s</strong> ventes).Discussion : Quels sont <strong>les</strong> préalab<strong>les</strong> nécessairespour un management à distance efficient et efficace.Sur la base <strong><strong>de</strong>s</strong> divers entretiens réalisés ainsi que <strong><strong>de</strong>s</strong>observations menées, il ressort que ce management àdistance est régi par certaines règ<strong>les</strong> :• Au niveau organisationnel :– Réunion hebdomadaire <strong><strong>de</strong>s</strong> collaborateurs entre eux.Cette réunion, positionnée le lundi et imposée par lemanager, est une occasion <strong>de</strong> parler <strong><strong>de</strong>s</strong> problèmes qu’ilsrencontrent, <strong>de</strong> se positionner par rapport aux objectifsà atteindre. Elle sert aussi à préparer la réunion avec leurmanager, en sélectionnant <strong>les</strong> données à évoquer. « Doncmoi en termes <strong>de</strong> management, ce que je souhaite, c’estque <strong>les</strong> 4 personnes se réunissent en début <strong>de</strong> semaine :qu’est-ce qui s’est passé la semaine <strong>de</strong>rnière ? Quel<strong>les</strong>sont <strong>les</strong> priorités <strong>de</strong> la semaine ? Voilà ! Qu’est-ce qu’ona comme perspectives … C’est d’échanger. Et puis dire si<strong>les</strong> problèmes ils sont là, ou là. C’est aussi <strong>de</strong> mettre enexergue ce qu’on va me transmettre ou pas ». (Manager)– Le but est aussi <strong>de</strong> créer plus qu’une simple équipe<strong>de</strong> travail : un véritable collectif <strong>de</strong> travail doté d’unfort sentiment d’appartenance et <strong>de</strong> valeurs collectivespartagées. Il s’agit <strong>de</strong> renforcer la cohésion, l’entrai<strong>de</strong> etle « vivre ensemble » du groupe. Il s’agit aussi <strong>de</strong> compenserd’une certaine manière la distance et l’absence dumanager : « Ça veut dire qu’on doit s’organiser très bien,définir ce dont on va parler au moment où le managerest ici, mais entre ces pério<strong><strong>de</strong>s</strong>, on doit s’informer aussibeaucoup (…) on <strong>de</strong>vient vraiment une équipe où onpeut alors parler entre nous <strong>de</strong> toutes <strong>les</strong> choses qui sepassent » (DRH).– Un management par objectif, où l’accent est mis <strong>sur</strong><strong>les</strong> objectifs à atteindre, la participation et le feedback<strong>sur</strong> le travail réalisé. Ce mo<strong>de</strong> d’organisation permet <strong>de</strong>contrôler le travail réalisé en donnant <strong><strong>de</strong>s</strong> objectifs àatteindre, parfois avec un délai à respecter. Il est doncparticulièrement bien adapté dans une situation où lemanager et ses collaborateurs sont dispersés géographiquement.Le manager fixe <strong>les</strong> objectifs et as<strong>sur</strong>e un suivi(à distance) pour vérifier le travail <strong><strong>de</strong>s</strong> collaborateurs. I<strong>les</strong>t aussi une ai<strong>de</strong> et une ressource en cas <strong>de</strong> problème.– Un compte-rendu rédigé est systématiquement transmisau manager. Ce document lui permet <strong>de</strong> suivre l’activité<strong>de</strong> ses collaborateurs.– Une rencontre au moins une fois par semaine avecl’ensemble <strong>de</strong> l’équipe en présentiel.• À un niveau plus personnel :– Une disponibilité complète du manager, assumée etsans cesse évoquée : « Toujours ! Tout le temps, jours etnuits, 24/24 (rires). Mais ça a toujours été ma philosophie,j’ai toujours été, je suis toujours présent, et qu’ilsn’hésitent pas à me déranger, voilà ! ».– La responsabilisation, l’autonomisation, la mise enconfiance <strong><strong>de</strong>s</strong> collaborateurs : pour le manager, le managementà distance consiste à « passer d’une logique <strong>de</strong>présence à une logique d’objectifs », autrement dit, <strong>de</strong>passer d’une logique d’encadrement <strong>de</strong> proximité à unelogique <strong>de</strong> délégation et <strong>de</strong> responsabilisation. « C’estune responsabilisation au quotidien avec la notion <strong>de</strong> feedback,c’est-à-dire que ce n’est pas mon chef qui va me<strong>de</strong>man<strong>de</strong>r mais c’est moi qui vais anticiper et le prévenir ;c’est une logique inversée » (Directrice financière). Cemo<strong>de</strong> <strong>de</strong> fonctionnement s’apparente à une activité discrétionnairedans la me<strong>sur</strong>e où le manager fixe un cadre(objectifs, moyens, temps) et ses collaborateurs disposent<strong>de</strong> marges <strong>de</strong> manœuvre pour parvenir à leurs fins :« on a un cadre dans lequel on a une certaine liberté (…)Ce type <strong>de</strong> management permet à chacun d’aller chercherle meilleur <strong>de</strong> soi-même » (Directrice <strong><strong>de</strong>s</strong> ventes).Il faut toutefois relativiser ces perceptions dans la me<strong>sur</strong>eoù <strong>les</strong> collaborateurs sont <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres dirigeants et ilsont donc déjà, <strong>de</strong> part leur position hiérarchique, unecertaine autonomie d’action et d’initiative. Néanmoins,on rappellera aussi qu’ils avaient été placés sous « <strong>sur</strong>veillance» en raison <strong><strong>de</strong>s</strong> mauvais résultats <strong>de</strong> leur branche.Aussi l’autonomie consentie s’entend plus commeun processus facilitant le management à distance.– Une bonne appréhension <strong><strong>de</strong>s</strong> forces et faib<strong>les</strong>ses <strong>de</strong> sescollaborateurs qui lui permet <strong>de</strong> développer un management« quasi-personnalisé » : ce qui peut leur être confiécomme responsabilité ou activité mais aussi être capabled’anticiper leur réaction en fonction <strong><strong>de</strong>s</strong> situations. « Lemanager a vrai rôle <strong>de</strong> chef d’orchestre. Les autres jouent<strong>de</strong> leur instrument à partir du moment où on leur a donnél’instrument, on leur a donné la formation pour jouer <strong>de</strong>l’instrument, on a vérifié que celui qui joue <strong>de</strong> l’accordéon114 © Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres


CHAPITRE III : LES éTUDES DE TERRAINn’a pas pris un saxophone (…) Je connais mes collaborateursparfaitement. Je sais quand il va déraper, je sais oùson naturel l’entraîne, voilà » (Manager).• Au niveau technologique, et <strong>sur</strong> la base <strong>de</strong> ces échangeset <strong><strong>de</strong>s</strong> objectifs discutés et partagés :– Reporting <strong><strong>de</strong>s</strong> activités et <strong><strong>de</strong>s</strong> objectifs par SMS quotidienou par courriel,– Consultation régulière <strong><strong>de</strong>s</strong> messages,– Formalisation particulière <strong><strong>de</strong>s</strong> messages selon l’objectifpoursuivi : formel et orienté tâche pour <strong>les</strong> collaborateurs,empathique et orienté personne pour le manager.Des savoir-faire discrets (non visib<strong>les</strong>) mis enœuvre par le managerL’ensemble <strong><strong>de</strong>s</strong> compétences et <strong><strong>de</strong>s</strong> me<strong>sur</strong>es déployéespar <strong>les</strong> membres <strong>de</strong> l’équipe (collaborateurs et manager)pour pouvoir travailler ensemble à distance relève d’untravail d’articulation et <strong>de</strong> savoir-faire discret, non visible.En effet, comme on l’a vu, <strong>les</strong> informations transmisesau manager portent <strong>sur</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> reporting <strong>de</strong> travail, <strong><strong>de</strong>s</strong>résultats financiers, <strong><strong>de</strong>s</strong> données brutes, <strong><strong>de</strong>s</strong> comptesrendus<strong>de</strong> réunion…Tout le travail <strong>de</strong> recueil, d’analyse, <strong>de</strong> préparation, <strong>de</strong>mise en forme, <strong>de</strong> synthèse ou <strong>de</strong> mise en cohérence<strong><strong>de</strong>s</strong> données n’est donc pas visible et ne fait l’objetd’aucune <strong>communication</strong> particulière auprès du responsable.Jamais ce <strong>de</strong>rnier ne <strong>de</strong>man<strong>de</strong> comment le travaila été réalisé, ni comment ils s’y sont pris pour parveniraux objectifs. Choses qui pourraient être observées si lemanager partageait quotidiennement le même espace <strong>de</strong>travail que ses collaborateurs. Il ne semble porter d’intérêtque pour le travail réalisé sans chercher à appréhen<strong>de</strong>r<strong>les</strong> moyens d’actions mis en œuvre. « Moi je nem’intéresse pas aux détails, <strong><strong>de</strong>s</strong> fois ça me pose <strong><strong>de</strong>s</strong> problèmes(rires), je m’en fous <strong>de</strong> savoir, moi ce qui m’intéressec’est d’avoir le chiffre, pas comment il est fabriqué,pff ».Tout le travail d’articulation mis en place par ses collaborateurspour se coordonner, gérer <strong>les</strong> problèmes et aléasqui <strong>sur</strong>viennent, échanger et diffuser <strong>les</strong> informations,trier et envoyer <strong>les</strong> bonnes informations et messages aumanager ne sont également pas formalisées ni explicitées.C’est un travail qui « va <strong>de</strong> soi » mais qui n’est pasvisible ni appréciable <strong>de</strong> loin, alors qu’il le serait trèscertainement en présence du manager (via <strong><strong>de</strong>s</strong> réunionsinformel<strong>les</strong> et formel<strong>les</strong>, <strong><strong>de</strong>s</strong> discussions impromptues,<strong><strong>de</strong>s</strong> échanges…).Cette opacité est encore accentuée pour certaines tâchesindividuel<strong>les</strong>, comme le montre le cas <strong>de</strong> la rédaction <strong><strong>de</strong>s</strong>SMS. Ceux-ci, envoyés chaque jour au manager par ladirectrice <strong><strong>de</strong>s</strong> ventes, requièrent un gros travail d’analyseet <strong>de</strong> synthèse <strong><strong>de</strong>s</strong> données pour transmettre en quelqueslignes compréhensib<strong>les</strong> <strong>les</strong> chiffres-clefs <strong>de</strong> l’entreprise(durée estimée entre 30 et 50 minutes/jour). Or, <strong>les</strong>entretiens effectués auprès <strong>de</strong> ses collègues et du managermontrent qu’aucun d’entre eux n’avait conscience <strong>de</strong>la procédure et du temps nécessaire pour élaborer cestextos. Ainsi, le manager croyait que c’était l’assistante<strong>de</strong> la directrice <strong><strong>de</strong>s</strong> ventes qui effectuait cette tâche ; leDRH supposait que c’était un programme informatiquequi générait automatiquement le texto ; le directeur <strong><strong>de</strong>s</strong>opérations : un template du progiciel <strong>de</strong> gestion…© Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres115


CHAPITRE IV – BILAN ET ENSEIGNEMENTS■■INTRODUCTIONL’intérêt porté aux compétences <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres pose préalablement<strong><strong>de</strong>s</strong> questions dont certaines se situent à unniveau social et politique, c’est-à-dire celui <strong>de</strong> la reconnaissance<strong>de</strong> la qualité professionnelle <strong><strong>de</strong>s</strong> acteurs. Nousn’abor<strong>de</strong>rons pas cet aspect mais il s’avère central danstoute démarche d’évaluation ou management par <strong>les</strong>compétences.L’autre niveau porte <strong>sur</strong> <strong>les</strong> transformations qui affectentle travail et <strong>sur</strong> <strong>les</strong> conséquences qui en découlentconcernant <strong>les</strong> compétences requises et <strong>les</strong> compétencesémergentes dans le travail. Nous évoquerons dans unpremier temps <strong>les</strong> changements du travail et son impact<strong>sur</strong> <strong>les</strong> professionnels.Enfin, le niveau <strong>sur</strong> lequel nous portons un regard davantagesoutenu est celui du développement cognitif personnel,c’est-à-dire comment se construisent chez <strong>les</strong>cadres <strong>les</strong> compétences aujourd’hui requises par l’évolutiondu travail.Évolution du travail et évolution <strong>de</strong> la notion <strong>de</strong>compétence : quelques rappels théoriquesLa notion <strong>de</strong> compétence est polysémique et est mêmequalifiée <strong>de</strong> «conceptualisation inachevée» (Cadin etalii, 1997). Elle suscite <strong>de</strong> nombreux débats, chez <strong>les</strong>chercheurs et praticiens. Nous renvoyons aux nombreuxartic<strong>les</strong> (Para<strong>de</strong>ise, 1987 ; Stroobans, 1993 ; Brangier& Tarquinio, 1997) qui abor<strong>de</strong>nt le développement<strong><strong>de</strong>s</strong> compétences au sein <strong><strong>de</strong>s</strong> entreprises et ses enjeuxsociaux. Si certains auteurs (Zarifian, 1999) voientdans la « logique compétence » une prise en compte<strong>de</strong> l’initiative et <strong>de</strong> la prise <strong>de</strong> responsabilité, d’autresy pressentent une contribution à l’individualisation <strong><strong>de</strong>s</strong>acteurs (Para<strong>de</strong>ise et Lichtenberger, 2001), à l’accroissement<strong>de</strong> la responsabilité <strong><strong>de</strong>s</strong> salariés à l’égard du résultat(Reynaud, 2001) ou encore une flexibilité accrue <strong>de</strong>la main-d’œuvre (Eustache, 2001 ; Monchatre, 2003).Elle tendrait également à accroitre la subordination dusalarié vis-à-vis <strong>de</strong> l’entreprise (Durand, 2000).Par ailleurs, une définition <strong>de</strong> la compétence se heurte àune forte sensibilité au contexte. Autrement dit, le sensqu’on lui attribue a évolué en même temps qu’évoluaitle travail. L’émergence du terme <strong>de</strong> compétence coïnci<strong>de</strong>avec un changement <strong>de</strong> regard <strong>sur</strong> le travail qui glisseprogressivement du poste <strong>de</strong> travail et <strong><strong>de</strong>s</strong> tâches qu’ilrequiert à la scrutation d’un professionnel à travers sonimplication subjective.Les observations marquantes <strong><strong>de</strong>s</strong> analyses <strong>de</strong> terrainDans le cadre <strong>de</strong> nos diverses interventions, nous avonsété amenés à interroger diverses typologies <strong>de</strong> cadres, àobserver différentes activités et conduites professionnel<strong>les</strong>menées par ces divers profils <strong>de</strong> cadres, occupantdifférentes fonctions et métiers au sein d’organisationspluriel<strong>les</strong>.Ainsi, nous avons suivi <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres experts ou opérationnels,<strong><strong>de</strong>s</strong> cadres managers ou encadrants et <strong><strong>de</strong>s</strong> cadresdirigeants. Leurs domaines d’activité pouvaient toucher :<strong>les</strong> secteurs <strong>de</strong> l’ingénierie, du conseil, <strong>de</strong> l’organisationet <strong>de</strong> la gestion, <strong>de</strong> la <strong>communication</strong>, <strong>de</strong> l’encadrementd’équipe ou <strong>de</strong> la direction <strong>de</strong> service.Les situations professionnel<strong>les</strong> médiatisées que nousavons étudiées touchaient 4 grands domaines :– L’usage et/ou l’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC dans <strong>les</strong> mobilités professionnel<strong>les</strong>(nomadisme, mobilité…),– Les collaborations médiatisées à distance (usage <strong><strong>de</strong>s</strong>TIC dans <strong>les</strong> équipes <strong>de</strong> travail virtuel<strong>les</strong>),– Les activités individuel<strong>les</strong>,– Le management à distance (gestion et encadrement<strong><strong>de</strong>s</strong> équipes <strong>de</strong> travail).■■BILANLes caractéristiques du travail et <strong>de</strong> son organisationse caractérisent par l’émergence <strong>de</strong> plusieurs dimensionssaillantes.Sur <strong>les</strong> activités individuel<strong>les</strong> et professionnel<strong>les</strong>La part d’information symbolique (en quantité et enqualité) dans le travail s’est accrue et touche toutes <strong>les</strong>fonctions <strong>de</strong> cadres.– Le travail s’est <strong>de</strong>nsifié (par la quantité d’informationsà gérer) et intensifié (par l’accélération du rythme et<strong><strong>de</strong>s</strong> séquences <strong>de</strong> travail : rapidité <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>communication</strong>s,immédiateté <strong>de</strong> la réponse et réactivité <strong>de</strong> la personne.– Le temps <strong>de</strong> travail <strong>de</strong>vient celui <strong>de</strong> la machine, leréflexe remplace la réflexion (pourtant dimension fondamentale<strong>de</strong> l’activité <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres).– La simultanéité <strong>de</strong>vient une conduite prégnante <strong>de</strong>l’activité médiatisée ; c’est-à-dire le fait <strong>de</strong> mener plusieurstâches <strong>de</strong> front, en parallèle… Cette multi-activitése révèle à la fois nécessaire et épuisante, tant lecadre est engagé dans diverses tâches concurrentes etconcourantes pour avancer dans le travail.© Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres117


CHAPITRE Iv : bilan et enseignements– L’environnement technologique gui<strong>de</strong>, structure, rythmele travail par <strong><strong>de</strong>s</strong> sollicitations fréquentes. Il interrompt letravail, détermine l’emploi du temps, oriente et réoriente<strong>les</strong> actions et <strong>les</strong> tâches… Les cadres se sentent dépossédés<strong>de</strong> leur capacité d’action et <strong>de</strong> décision. Face à cesinterruptions permanentes, le travail se morcelle et seréduit à <strong><strong>de</strong>s</strong> micro-tâches qu’il faut sans cesse recoller pourretrouver du sens. Ils ont l’impression <strong>de</strong> perdre la maîtrise<strong>de</strong> leur travail pour subir ce que le système leur impose.– Le travail consiste <strong>de</strong> plus en plus fréquemment à faireface à <strong><strong>de</strong>s</strong> aléas, <strong><strong>de</strong>s</strong> inci<strong>de</strong>nts, à <strong><strong>de</strong>s</strong> événements imprévuset non sollicités et requiert <strong>de</strong> la part du cadre unfonctionnement en mo<strong>de</strong> dégradé.Ils doivent également faire avec tout un arsenal <strong>de</strong> TICavec <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> ils ressentent un certain débor<strong>de</strong>ment :ils doivent s’y former, leur trouver une utilité, <strong>les</strong> intégrerà leur travail, <strong>les</strong> relier aux autres dispositifs existantset faire évoluer leurs pratiques. Ces désapprentissages/réapprentissages réguliers sont cognitivement épuisantset professionnellement très déstabilisants, tant <strong>les</strong>conduites et <strong>les</strong> règ<strong>les</strong> <strong>de</strong> travail sont étroitement associéesà la manipulation <strong><strong>de</strong>s</strong> outils.Il s’en suit également (et fort logiquement) <strong><strong>de</strong>s</strong> attentesplus fortes <strong>de</strong> l’organisation qui exigent <strong>de</strong> la part <strong><strong>de</strong>s</strong>salariés d’être en quelque sorte à l’image <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC qu’ilsutilisent : plus performants, réactifs, proactifs, résiliants,accessib<strong>les</strong>, disponib<strong>les</strong> (meilleure connaissance<strong>de</strong> l’information, reporting constants, synthèses, immédiateté<strong><strong>de</strong>s</strong> réponses…).Par cet environnement technologique panoptique omniprésent,le cadre doit également (se) rendre disponible,accessible, visible son travail, son activité, son emploidu temps, ses compétences… Il apprend aussi à gérercette visibilité excessive en trichant ou en contournantces outils, au risque <strong>de</strong> ne plus être joignable ou <strong>de</strong> passerà côté d’informations essentiel<strong>les</strong> et stratégiques.La connexion aux outils numériques est donc permanenteet fait partie <strong><strong>de</strong>s</strong> règ<strong>les</strong> implicites <strong>de</strong> travail :toute déconnexion, tout retard <strong>de</strong> réponse, tout manque<strong>de</strong> réactivité entraîne nécessairement <strong><strong>de</strong>s</strong> justifications.En définitive, il ressort que <strong>les</strong> risques pour la santé tiennentà ces phénomènes <strong>de</strong> <strong>sur</strong>charge : sentiment d’urgence,dispersion, tension, fatigue, <strong>sur</strong>-sollicitation <strong>de</strong>la mémoire… Les multip<strong>les</strong> interruptions, <strong>les</strong> fréquentesdigressions dans l’activité, la fragmentation <strong><strong>de</strong>s</strong> tâchessont à l’origine d’une <strong>sur</strong>charge informationnelle et <strong>de</strong>débor<strong>de</strong>ment cognitif. L’individu peut avoir le sentiment<strong>de</strong> ne plus pouvoir faire face. Il se sent dépassé par <strong>les</strong>multip<strong>les</strong> sollicitations et intrusions à réguler, par <strong><strong>de</strong>s</strong>décisions toujours plus urgentes et/ou importantes àprendre,… Au final, il peut avoir l’impression <strong>de</strong> ne pasréaliser son travail et/ou <strong>de</strong> ne pas se réaliser dans sontravail (mal fait, pas fait...). En somme, travailler dansce contexte, ce n’est plus tant respecter <strong>les</strong> tâches planifiéesque s’engager à en as<strong>sur</strong>er la continuité, malgrétoutes <strong>les</strong> perturbations qui viennent contester le déroulementdu processus.Sur <strong>les</strong> collaborations médiatisées à distanceUne autre caractéristique <strong>de</strong> l’activité <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres est letravail en mo<strong>de</strong> réseau, c’est-à-dire que leur efficiencerepose en gran<strong>de</strong> partie <strong>sur</strong> la capacité à faire du lienentre <strong>les</strong> personnes, à « activer » le bon acteur au bonmoment. Cela implique une forte réactivité et une soup<strong>les</strong>sequ’ils ne peuvent mettre en œuvre qu’avec <strong><strong>de</strong>s</strong>outils technologiques dédiés. Le recours aux TIC estd’autant plus marqué que <strong>de</strong> la plupart <strong><strong>de</strong>s</strong> collaborateurssont éloignés géographiquement.Dès lors, si <strong>les</strong> TIC accentuent la fragmentation et ladispersion dans le travail, el<strong>les</strong> offrent également <strong><strong>de</strong>s</strong>moyens pour gérer une activité qui paraît plus éclatée,en raison <strong>de</strong> nouveaux mo<strong><strong>de</strong>s</strong> d’organisation du travail(mo<strong>de</strong> réseau <strong>de</strong> type intentionnel, équipe éclatée, projetstransversaux). La collaboration entre interlocuteursse déroule ainsi <strong>sur</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> temporalités et dans <strong><strong>de</strong>s</strong> espacesgéographiques différents. Nos étu<strong><strong>de</strong>s</strong> montrent que <strong>les</strong>TIC sont <strong><strong>de</strong>s</strong> ressources nécessaires à ce travail collectifen permettant <strong>de</strong> partager et/ou gérer <strong><strong>de</strong>s</strong> données,<strong><strong>de</strong>s</strong> projets, <strong><strong>de</strong>s</strong> problèmes, <strong><strong>de</strong>s</strong> préoccupations communes,<strong>de</strong> coordonner <strong>les</strong> actions et <strong>les</strong> interventions.En somme, <strong>les</strong> TIC permettent <strong>de</strong> fonctionner ensembletout en étant dispersé et éloigné. En cela, <strong>les</strong> outilstechniques suivent et précipitent certaines évolutionsorganisationnel<strong>les</strong> : ils permettent <strong>de</strong> travailler efficacement,c’est-à-dire <strong>de</strong> mobiliser opportunément tout unensemble <strong>de</strong> ressources (matériel<strong>les</strong>, humaines, informationnel<strong>les</strong>…).Il ressort une autre spécificité i<strong>de</strong>ntifiée dans <strong>les</strong> étu<strong><strong>de</strong>s</strong>: certaines équipes <strong>de</strong> travail virtuel qui réunissent<strong><strong>de</strong>s</strong> salariés géographiquement éloignés, aux référentielsculturels multip<strong>les</strong>, doivent travailler ensemble sansjamais avoir eu <strong>de</strong> contacts préalab<strong>les</strong>. Dans ce cadre, si<strong>les</strong> TIC permettent <strong>de</strong> coopérer à distance - plus ou moinsefficacement selon nos observations (en raison <strong><strong>de</strong>s</strong> aléastechniques et du manque d’attention <strong><strong>de</strong>s</strong> membres…) -,el<strong>les</strong> requièrent <strong>sur</strong>tout <strong>de</strong> nouvel<strong>les</strong> responsabilités <strong>de</strong>la part <strong><strong>de</strong>s</strong> chefs <strong>de</strong> projets. Facilitateur, régulateur, animateur,mais aussi technicien <strong>de</strong> maintenance…, autant<strong>de</strong> rô<strong>les</strong> à endosser et <strong>de</strong> compétences à déployer pourgérer ces situations <strong>de</strong> travail particulières.Cela consiste ainsi à dépasser <strong>les</strong> contraintes spatia<strong>les</strong>et <strong>sur</strong>passer <strong>les</strong> clivages classiques entre unités, services,métiers, cultures nationa<strong>les</strong> et organisationnel<strong>les</strong>. Ils’agit aussi d’établir <strong><strong>de</strong>s</strong> espaces <strong>de</strong> consensus entre <strong>les</strong>participants, <strong>de</strong> construire une représentation commune<strong>de</strong> la tâche, <strong>de</strong> susciter <strong><strong>de</strong>s</strong> synergies et d’instaurer uneconfiance mutuelle entre <strong>les</strong> co-équipiers distants.118 © Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres


CHAPITRE Iv : bilan et enseignementsSur le management à distanceL’avènement <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC a accompagné, voire accentuél’éclatement <strong>de</strong> l’activité professionnelle dans différenteszones géographiques, avec <strong>de</strong> nouvel<strong>les</strong> formes d’organisationsdu travail, comme le management à distanceet <strong>les</strong> équipes virtuel<strong>les</strong>. Si certains cadres exercent leuractivité professionnelle <strong>de</strong> leur domicile, d’autres privilégientplutôt une activité noma<strong>de</strong> et travaillent dansdifférents lieux en exerçant ou en subissant un management<strong>de</strong> distance. Les managers sont ainsi séparés géographiquement<strong>de</strong> leurs collaborateurs et utilisent <strong>les</strong>TIC comme moyen <strong>de</strong> gestion, d’animation et <strong>de</strong> coordination<strong><strong>de</strong>s</strong> équipes.Dans cette activité <strong>de</strong> plus en plus dématérialisée, lecadre doit alors apprendre à articuler <strong><strong>de</strong>s</strong> sphères temporel<strong>les</strong>à court terme (résolutions <strong>de</strong> problèmes) et àplus long terme (collecte d’informations, positionnementstratégique) en se référant à un savoir-faire individuelet un savoir-faire collectif qu’il acquiert au fil <strong>de</strong>l’expérience. Le travail s’appuie <strong>sur</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> collaborationsmultip<strong>les</strong> qui mettent au cœur du process la <strong>communication</strong>entre <strong>les</strong> acteurs. L’enjeu n’est plus <strong>de</strong> faire circulerun flux informationnel mais <strong>de</strong> le rendre pertinent,<strong>de</strong> l’enrichir, <strong>de</strong> le filtrer pour <strong>les</strong> acteurs-collaborateursen situation <strong>de</strong> collaboration/coopération. Cet accaparementrisque <strong>de</strong> détourner le cadre <strong>de</strong> sa fonction <strong>de</strong>management <strong>de</strong> proximité.De même, dans certaines structures, on a remarqué que<strong>les</strong> relations interpersonnel<strong>les</strong> <strong>de</strong> proximité s’estompentet se déshumanisent au profit d’échanges virtuels, plusbrefs, plus rapi<strong><strong>de</strong>s</strong>, et davantage impersonnels, consacrantl’ère du management à distance. Deux effets ressortent:– On observe l’émergence d’équipes <strong>de</strong> travail désincarnées,dont le sentiment d’appartenance communautaire(d’intérêts, <strong>de</strong> valeurs), <strong>de</strong> partage d’expériences, <strong>de</strong>vivre ensemble s’étiole. Le collectif <strong>de</strong> travail se réduitalors à une collection d’individus exposés à l’isolement.Autrement dit, si <strong>les</strong> personnes travaillent effectivementdavantage ensemble par l’entremise <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC, el<strong>les</strong>collaborent néanmoins séparément, c’est-à-dire seu<strong>les</strong><strong>de</strong>vant leur ordinateur. On gère le travail collectif enjuxtaposant <strong>les</strong> individus au gré <strong><strong>de</strong>s</strong> besoins <strong>de</strong> l’activitéet <strong><strong>de</strong>s</strong> sollicitations numériques.– Mais ce management à distance peut s’avérer être unealternative acceptable pour le suivi <strong><strong>de</strong>s</strong> équipes <strong>de</strong> travail,à la condition, d’une part, qu’il complète <strong><strong>de</strong>s</strong> métho<strong><strong>de</strong>s</strong>classiques d’animation et lorsque, d’autre part, <strong>les</strong>circonstances l’exigent (éloignement <strong><strong>de</strong>s</strong> sites, activiténoma<strong>de</strong> du manager…). On a ainsi pu observer que <strong><strong>de</strong>s</strong>pratiques singulières <strong>de</strong> TIC (usage du SMS, la manière<strong>de</strong> rédiger <strong><strong>de</strong>s</strong> mails…) apportaient un certain niveaud’attention et <strong>de</strong> reconnaissance aux collaborateurs.Sur l’usage et/ou l’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC dans <strong>les</strong> mobilitésprofessionnel<strong>les</strong>Les outils techniques facilitent <strong>de</strong> nouvel<strong>les</strong> formes d’organisationet <strong>de</strong> gestion du travail, tout particulièrementle nomadisme. Si certains cadres exercent leur activitéprofessionnelle <strong>de</strong> leur domicile, d’autres privilégientplutôt une activité noma<strong>de</strong> et travaillent à différentsendroits. Les managers sont ainsi séparés géographiquement<strong>de</strong> leurs collaborateurs et utilisent <strong>les</strong> TIC commemoyen <strong>de</strong> gestion, d’animation et <strong>de</strong> coordination <strong><strong>de</strong>s</strong>équipes. Ces managers, noma<strong><strong>de</strong>s</strong> et dispersés, mènentune activité à la fois mobile mais aussi localisée dansdifférents environnements, qui requiert <strong><strong>de</strong>s</strong> usages spécifiquesd’outils.On a vu aussi que le cadre doit <strong>de</strong> plus en plus improviserdans <strong><strong>de</strong>s</strong> contextes <strong>de</strong> travail qui changent sans cesse,qui <strong>sur</strong>gissent au gré <strong><strong>de</strong>s</strong> exigences et <strong>les</strong> sollicitations<strong>de</strong> son environnement numérique. Le basculement entre<strong>les</strong> contextes <strong>de</strong> travail est également fortement présentdans <strong>les</strong> situations <strong>de</strong> mobilité professionnelle dans <strong>les</strong>quel<strong>les</strong><strong>les</strong> <strong>technologies</strong> maintiennent la connectivité etl’interactivité avec l’environnement professionnel (maison,déplacement, client, hôtel…).Ainsi, le nomadisme et la mobilité re<strong><strong>de</strong>s</strong>sinent largementle travail d’une partie <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres. Le lieu n’est plus undéterminant exclusif, ni même toujours majeur, du travail.Celui-ci s’exporte largement hors du site où il estcensé se réaliser. Les <strong>technologies</strong> accompagnent physiquementet virtuellement cette migration <strong>de</strong> l’activitéet la facilitent (par le bureau permanent technologiquedont on équipe <strong>les</strong> salariés).Du coup, la limite entre espace privé et professionnels’estompe un peu plus à chaque fois, sous <strong>les</strong> effetsconjugués <strong><strong>de</strong>s</strong> nouvel<strong>les</strong> modalités <strong>de</strong> travail (nomadisme,home-office) et la diffusion <strong><strong>de</strong>s</strong> équipementstechnologiques. Ces mêmes outils sont également utilisésdans la vie privée et professionnelle. On parle d’objetsfrontières (ordinateur portable, smartphone commele smartphone) où se mélangent usages professionnelset personnels, propices au débor<strong>de</strong>ment du temps <strong>de</strong> travail<strong>sur</strong> la sphère privée.Enfin, dans un travail mobile et noma<strong>de</strong>, l’activité <strong><strong>de</strong>s</strong>personnes <strong>de</strong>vient moins visible et plus difficilementme<strong>sur</strong>able. Elle échappe au contrôle et à l’évaluation <strong>de</strong>l’entreprise et <strong><strong>de</strong>s</strong> encadrants. L’évaluation passe alorspar la mise en place d’indicateurs numériques et <strong><strong>de</strong>s</strong>dispositifs <strong>de</strong> suivi d’activité (<strong>de</strong> type reporting) : mail,ERP, SMS, espace partagé <strong>de</strong> travail…© Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres119


CHAPITRE Iv : bilan et enseignements• Les spécificités <strong>de</strong> l’activité du cadreLe rôle <strong>de</strong> plus en plus important <strong>de</strong> l’événementiel, <strong>de</strong>l’aléa, dans le travail est ainsi le premier indicateur <strong>de</strong>l’évolution <strong>de</strong> la notion <strong>de</strong> compétence. Un <strong>de</strong>uxièmeindicateur est la crise <strong>de</strong> la prescription. Si l’on considèrela distinction, dorénavant classique en ergonomie,entre travail prescrit et travail réel, nous pouvons nousquestionner <strong>sur</strong> l’origine <strong>de</strong> la prescription. Qui sont <strong>les</strong>prescripteurs ? Traditionnellement, dans l’industrie, <strong>les</strong>prescripteurs sont <strong>les</strong> techniciens et ingénieurs qui travaillentdans <strong>les</strong> bureaux d’étu<strong><strong>de</strong>s</strong> et <strong><strong>de</strong>s</strong> métho<strong><strong>de</strong>s</strong>. Ilsorganisent le travail que réaliseront <strong>les</strong> personnels <strong>de</strong>production. Mais posons la question pour ces cadres :qui prescrit le travail d’un cadre? Son supérieur hiérarchique? À moins que ce ne soit le cadre lui-même, dansune démarche d’auto-prescription ?Il apparaît toutefois que le cadre est peu confronté àune prescription <strong><strong>de</strong>s</strong> procédures ou <strong>de</strong> ses mo<strong><strong>de</strong>s</strong> opératoiresmais plus spécifiquement à <strong><strong>de</strong>s</strong> résultats et délais.On peut qualifier cette tâche <strong>de</strong> discrétionnaire poursignifier une prescription fixant le but, mais laissant l’organisation<strong>de</strong> l’activité à la discrétion <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres. Cetteautonomie relative s’accompagne du développementd’une activité centrée <strong>sur</strong> la mobilisation <strong>de</strong> ressources(repérage, négociation) pour remplir la tâche confiée.Ce « travail » en amont, pour s’engager dans la tâche,est un préalable déterminant. Il ressort que l’activitédu cadre est difficilement appréhendable tant <strong>de</strong> multip<strong>les</strong>opérations réalisées en périphérie y contribuent.Faiblement encadrée par une prescription, elle sollicitedavantage l’intelligence <strong>de</strong> la situation.• Vers un essai <strong>de</strong> définition du point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> lapsychologie du travailAu niveau <strong>de</strong> la psychologie du travail, la compétence secaractérise par la capacité à s’adapter aux imprévus, etd’une façon plus générale aux événements dans sa dimensiond’inattendu. Dès lors, savoir exécuter ne suffit pluspour repérer la compétence. Celui qui est compétent estcelui qui sait adapter son action à l’extrême variété <strong><strong>de</strong>s</strong>situations qu’il peut rencontrer dans une même classe <strong>de</strong>tâches. Une <strong><strong>de</strong>s</strong> dimensions majeure <strong>de</strong> la compétenceporte <strong>sur</strong> la gestion <strong>de</strong> l’inédit.Enfin, l’évolution du travail a amené la notion <strong>de</strong> compétenceà évoluer dans sa signification : on est passéd’une compétence d’exécution à une compétence d’adaptation.Elle permet ainsi l’anticipation et l’adaptation àla variété <strong><strong>de</strong>s</strong> situations.Pour la clarté <strong>de</strong> l’exposé, nous distinguerons 3 pô<strong>les</strong><strong>de</strong> compétences liés, qui reprennent la classification <strong>de</strong>Gaudart & Weill-Fassina (1999) :– Un pôle « Système », qui se rapporte à la tâche : butset moyens disponib<strong>les</strong> (outils, matériel, équipement,règ<strong>les</strong>, structure hiérarchique) et que nous qualifieronségalement <strong>de</strong> macro ;– Un pôle « Autres » qui se rapporte aux aspects collectifsdu travail (collègues, hiérarchie) et à la vie privée,qualifié également <strong>de</strong> méso ;– Un pôle « Soi », qui se rapporte à l’opérateur lui-même,à ses buts, sa subjectivité, sa formation, ses possibilitésphysiologiques et psychologiques, qualifié également <strong>de</strong>micro.Ainsi la compétence ne se réduit pas aux exigences <strong>de</strong>la tâche, mais consiste à savoir gérer <strong>les</strong> ressources dusystème, à compenser <strong>les</strong> aléas <strong>de</strong> son fonctionnement,en élaborant <strong><strong>de</strong>s</strong> compromis qui satisfassent autant quepossible <strong>les</strong> trois pô<strong>les</strong> <strong>de</strong> l’activité.■■L’évolution <strong>de</strong> la compétence ou <strong><strong>de</strong>s</strong> compétences <strong><strong>de</strong>s</strong> cadresL’organisation du travail n’est pas seulement consommatrice<strong>de</strong> compétences, elle génère le développement<strong><strong>de</strong>s</strong> compétences. L’intégration <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC dans l’activité<strong><strong>de</strong>s</strong> cadres tend à la qualifier mais également à la complexifier.Elle s’enrichit aussi <strong>de</strong> nouvel<strong>les</strong> activités, <strong>de</strong>nouvel<strong>les</strong> procédures, <strong>de</strong> nouvel<strong>les</strong> exigences.Les différents chantiers présentés permettent <strong>de</strong> dégager<strong><strong>de</strong>s</strong> rapports différenciés aux TIC selon le type <strong>de</strong>cadre (dirigeant, manager, expert), qui tiennent probablement:– aux bénéfices escomptés,– au type d’asservissement perçu et à sa capacité <strong>de</strong> s’endégager,– au sentiment <strong>de</strong> compétence vis-à-vis <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC,– à l’enrichissement perçu <strong>de</strong> son activité et sa valorisation,– au positionnement institutionnel qui en découle,– aux modalités <strong>de</strong> gestion <strong>de</strong> l’activité (mo<strong>de</strong> projet,équipe virtuelle…),– aux types <strong>de</strong> relations interpersonnel<strong>les</strong> (managementà distance, collectif <strong>de</strong> travail…),– à la puissance d’agir que la personne tire <strong>de</strong> ses usages,– etc.120 © Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres


CHAPITRE Iv : bilan et enseignementsEn outre, la production et la maintenance <strong><strong>de</strong>s</strong> compétencesne sont pas <strong>de</strong> la seule responsabilité <strong>de</strong> l’individu.El<strong>les</strong> sont partagées avec leur contexte, en particulieravec le management. Ce point <strong>de</strong> vue nécessite d’envisagerl’évaluation <strong><strong>de</strong>s</strong> compétences comme une réflexion<strong>sur</strong> ce qui favorise ou freine leur construction en situation.Nous proposons à présent d’exposer <strong>les</strong> compétences quinous semblent prépondérantes pour l’activité médiatiséedu cadre, en se référant aux trois pô<strong>les</strong> mis en évi<strong>de</strong>ncepar Weill-Fassina : pôle Système, pôle Soi, pôle Autres.Le pôle Système : se doter <strong>de</strong> ressources suffisanteset pertinentesCe pôle système recouvre <strong>les</strong> transactions que le cadredoit engager avec l’organisation pour négocier <strong>les</strong> ressourcesqu’il mobilisera pour réaliser la tâche. Cet engagementdu professionnel suppose <strong>de</strong> développer diversescompétences.• Compétences <strong>de</strong> négociation…L’accès à la structure décisionnaire ou du moins au réseauefficace est une compétence d’autant plus sensible dansla réussite d’un projet qu’elle s’inscrit dans une pénurie<strong><strong>de</strong>s</strong> ressources. Outre l’argumentaire développé par lecadre et la pertinence du projet défendu, cette capacitéà négocier est plus ou moins facilitée par la reconnaissancedont il jouit. Si <strong>les</strong> ressources lui sont affectéessans qu’il soit consulté, cette compétence <strong>de</strong> négociationpeut prendre d’autres formes. Il peut ainsi œuvrerpour éviter <strong>de</strong> travailler avec telle ou telle technologie,ou faire en sorte que <strong>de</strong>ux professionnels diffici<strong>les</strong> à fairecollaborer, ne soient pas intégrés dans l’équipe projet.• Compétences d’i<strong>de</strong>ntification…Il s’agit d’i<strong>de</strong>ntifier <strong>les</strong> ressources à engager pour réaliserla tâche confiée.Cela suppose une phase <strong>de</strong> diagnostic, préalable pourapprécier la réalisation <strong>de</strong> la tâche. L’affectation <strong><strong>de</strong>s</strong> ressourcesexistantes et mobilisab<strong>les</strong> (disponibilité et possibilité<strong>de</strong> <strong>les</strong> intégrer) conditionnera gran<strong>de</strong>ment la bonneréalisation <strong>de</strong> la tâche (cf. aussi Compétences transversa<strong>les</strong>).Cette compétence débor<strong>de</strong> la seule connaissance<strong><strong>de</strong>s</strong> compétences <strong><strong>de</strong>s</strong> autres professionnels, mais comprendégalement une analyse <strong>sur</strong> le « vivre et travaillerensemble » <strong>de</strong> certains acteurs d’horizons professionnelsdivers. Elle intègre implicitement la propre capacité ducadre à faire un travail <strong>de</strong> régulation au sein du collectifvirtuel constitué (Voir aussi Compétences d’animation,<strong>de</strong> dynamisation <strong><strong>de</strong>s</strong> communautés virtuel<strong>les</strong>).• Compétences transversa<strong>les</strong>…Les <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> collaboration ou <strong>de</strong> partage <strong>de</strong> l’information,le fonctionnement en mo<strong>de</strong> réseau conduisentà un phénomène <strong>de</strong> décloisonnement entre <strong>les</strong>structures. Chaque membre d’une entité, d’un service,d’une fonction peut ainsi être amené à travailler avec <strong>les</strong>membres d’une autre organisation, d’un autre service,d’un autre métier, qu’il soit proche ou éloigné. Il s‘agitdonc <strong>de</strong> se tenir informé <strong>de</strong> ce qui se passe dans <strong>les</strong>autres entités <strong>de</strong> l’organisation afin d’être en me<strong>sur</strong>e <strong><strong>de</strong>s</strong>olliciter et/ou <strong>de</strong> répondre aux <strong>de</strong>man<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong> coopération,d’échange ou d’information.• Compétence d’articulation (méta-travail : travail<strong>sur</strong> le travail)…Cette activité médiatisée <strong>de</strong>vient <strong>de</strong> plus en plus fragmentée: tâches variées, rythme rapi<strong>de</strong>, temporalitéscroisées entre plusieurs tâches (concurrentes/concourantes),<strong>de</strong>man<strong><strong>de</strong>s</strong> en interférence, traitement d’événementsimprévus et fréquents. La gestion <strong><strong>de</strong>s</strong> transitionsentre différentes activités (principa<strong>les</strong> et auxiliaires),entre différents mon<strong><strong>de</strong>s</strong> professionnels sollicite alors <strong><strong>de</strong>s</strong>compétences particulières (contextualisation, anticipation,articulation, organisation, soup<strong>les</strong>se…) afin quel’activité finale soit finalement plus que l’assemblagechaotique <strong>de</strong> fragments épars <strong>de</strong> travail.En l’absence d’un tel travail d’articulation, le risque estque l’activité per<strong>de</strong> <strong>de</strong> son sens, se vi<strong>de</strong> <strong>de</strong> sa substanceet décourage finalement le cadre confronté à une séried’activités inachevées ou empêchées…, bref à un travailqui lui échappe et dans lequel il ne se reconnaît plus.• Compétence <strong>de</strong> dispersion…Elle renvoie à cette aptitu<strong>de</strong> cognitive qui consiste às’inscrire dans <strong>de</strong> multip<strong>les</strong> engagements, que sont <strong>les</strong>projets concourants (multi-activité), voire concurrents,requérant par ailleurs un méta-travail pour articuler lepassage entre <strong>les</strong> divers contextes <strong>de</strong> travail (gestion <strong>de</strong>la polycontextualité).Cela implique aussi <strong><strong>de</strong>s</strong> capacités <strong>de</strong> prise en charge <strong>de</strong>l’activité où il faut savoir faire face à un rythme <strong>de</strong> travailplus intense et une charge <strong>de</strong> travail plus <strong>de</strong>nse(travail à flux tendu).• Compétences <strong>de</strong> valorisation…L’activité <strong>de</strong> négociation prend son sens et peut aboutird’autant plus facilement que le cadre sera soucieux<strong>de</strong> valoriser le projet en cours mais aura préalablementfait connaître et reconnaître ses réalisations passées. Cetravail <strong>de</strong> « faire savoir » conditionne l’octroi <strong><strong>de</strong>s</strong> ressourcesmatériel<strong>les</strong> et humaines. Elle inscrit l’activité ducadre dans le temps pour simplifier ultérieurement <strong>les</strong>aspects périphériques <strong>de</strong> la tâche (négociation et i<strong>de</strong>ntification<strong><strong>de</strong>s</strong> ressources).• Compétences <strong>de</strong> discrétion…La compétence <strong>de</strong> « valorisation du travail » trouve soncorollaire opposé dans un savoir faire que l’on pourrait© Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres121


CHAPITRE Iv : bilan et enseignementsqualifier <strong>de</strong> « discrétion » et qui relève aussi d’une certainemanière <strong><strong>de</strong>s</strong> « compétences <strong>de</strong> protection» (abordéesplus loin).Dans une activité rythmée par <strong>les</strong> outils (mails, smartphone…), <strong>sur</strong>veillée par <strong>les</strong> instruments (outils <strong>de</strong>reporting, espace partagé…), organisée par <strong>les</strong> dispositifstechniques (agenda partagé…), il s’agit <strong>de</strong> savoirgérer sa disponibilité et <strong>sur</strong>tout son indisponibilité dansle travail : déci<strong>de</strong>r, choisir ce que l’on rend accessible,consultable, visible, disponible <strong>de</strong> son travail, <strong>de</strong> soi,<strong>de</strong> son activité… Derrière ces choix, il y a <strong><strong>de</strong>s</strong> enjeuxstratégiques (liés au partage <strong>de</strong> connaissances et d’informations),professionnels (dégager du temps à soi)et personnels (se préserver contre <strong>les</strong> intrusions et la<strong>sur</strong>-sollicitation) importants. Une discrétion et/ou uneprotection trop importante peut à l’inverse se révélercontre-productive (pour son statut, son rôle, sa légitimité).Il faut donc savoir gérer avec discernement cettevisibilité au travail (quoi, comment et avec qui).Le pôle « Soi » : prioriser son activité et fabriquerdu sensL’afflux <strong>de</strong> tâches tend à bouleverser la planification <strong><strong>de</strong>s</strong>tâches et contraint le cadre à faire <strong><strong>de</strong>s</strong> choix prioritairesdans l’urgence. Ces choix supposent <strong>de</strong> faire un diagnostic<strong>de</strong> la situation (conséquences par rapport à d’autreschoix et marges <strong>de</strong> négociation à l’œuvre) à partir d’indicateursqui doivent faire sens rapi<strong>de</strong>ment.• Compétences d’auto-organisation…Face aux nombreux débor<strong>de</strong>ments où le cadre a l’impression<strong>de</strong> se perdre et <strong>de</strong> perdre du temps, il doit savoirreprendre la main <strong>sur</strong> son travail en fixant <strong><strong>de</strong>s</strong> prioritésau cours <strong>de</strong> la journée. En fonction d’urgences qui viennentbousculer la planification <strong><strong>de</strong>s</strong> tâches, il adapte sonemploi du temps qui intègre un temps important pourla gestion <strong><strong>de</strong>s</strong> mails. Il doit développer une stratégie <strong>de</strong>reprise en main <strong>de</strong> cette activité qui parfois lui échappe,en s’appuyant <strong>sur</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> instruments (listes, post-it,…).Cette capacité qui faisait déjà partie du référentiel <strong>de</strong>compétences emblématique du métier <strong>de</strong> cadre tend àse renforcer et à s’accentuer, comme l’est également lamulti-activité (abordée plus haut).Par ailleurs, cette compétence d’auto-organisation seretrouve également dans <strong>les</strong> situations <strong>de</strong> nomadisme et<strong>de</strong> mobilité, familières à certains cadres. Ils <strong>de</strong>viennentplus responsab<strong>les</strong> <strong>de</strong> leur activité et doivent déployer <strong><strong>de</strong>s</strong>métho<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong> gestion et d’organisation <strong>de</strong> travail pour àla fois atteindre <strong>les</strong> objectifs <strong>de</strong>mandés et le faire savoir(cf. Compétences <strong>de</strong> valorisation) mais aussi conserver<strong><strong>de</strong>s</strong> sphères personnel<strong>les</strong> et privées hermétiques (cf.Compétences <strong>de</strong> conciliation entre vie professionnelle etvie personnelle).• Compétences réflexives…La gestion du flux informationnel met le cadre sous tensionpermanente, propice à privilégier la réactivité (mo<strong>de</strong>réflexe) pour respecter <strong>les</strong> délais, en prenant toutefoisle risque <strong>de</strong> se priver d’un temps <strong>de</strong> réflexion, pourtantindispensable à l’exercice du métier. Cette prise <strong>de</strong> recu<strong>les</strong>t ainsi revendiquée par <strong>les</strong> cadres exerçant <strong><strong>de</strong>s</strong> fonctionsstratégiques. Elle est une position pour tenter <strong>de</strong>faire le point et d’orienter efficacement son activité.La course à une optimisation du temps disponible està la fois une quête et une entrave qui ne laisse pluscours à une « aptitu<strong>de</strong> à se disperser ». Il s’agit alors<strong>de</strong> savoir utiliser stratégiquement <strong>les</strong> outils à sa disposition(messagerie, agenda partagé) pour dégager dutemps et se préserver <strong><strong>de</strong>s</strong> moments à soi <strong>de</strong> travail et<strong>de</strong> prise <strong>de</strong> recul (cf. Compétences <strong>de</strong> protection ou <strong>de</strong>déconnexion).• Compétences <strong>de</strong> réactivité…En contrepoint d’une compétence à la prise <strong>de</strong> reculprécé<strong>de</strong>mment évoquée, le cadre doit afficher une réactivité,voire une pro-activité, qui le désigne aux yeux<strong>de</strong> ses collaborateurs comme un professionnel dans lacourse et soucieux <strong>de</strong> faire avancer <strong>les</strong> projets. Ce signalrenvoyé aux « Autres » vise à as<strong>sur</strong>er un positionnementdans l’organisation, participe <strong>de</strong> sa reconnaissance maiscontribue également à susciter <strong><strong>de</strong>s</strong> sollicitations multip<strong>les</strong>.L’efficience passe par une réactivité qui laisse doncplace, par moment, à une prise <strong>de</strong> recul, indispensablepour agir efficacement et se protéger psychiquement.• Compétences <strong>de</strong> « protection » ou <strong>de</strong>déconnexion…Le cadre doit aussi savoir négocier avec ses collèguespour justifier certaines conduites qui visent à reprendrele contrôle <strong>sur</strong> son activité. Ainsi, il s’abstiendra <strong>de</strong>répondre dans l’immédiat aux mails, ou <strong>de</strong> laisser <strong><strong>de</strong>s</strong>plages horaires <strong>de</strong> l’agenda libres. Cette mise en retraitpartielle <strong>de</strong> l’activité tumultueuse peut passer par unenégociation plus ou moins ardue qui affiche un positionnementau sein <strong>de</strong> l’organisation et vis-à-vis <strong><strong>de</strong>s</strong>collègues.En somme, il doit savoir se déconnecter au bon momentpour se protéger, pour mieux travailler et pour conserveraussi un équilibre socio-professionnel (cf. sphère Compétences<strong>de</strong> conciliation entre vie professionnelle et viepersonnelle).• Compétence d’auto-formation…L’acquisition <strong>de</strong> compétences professionnel<strong>les</strong> résulteégalement <strong>de</strong> l’autoformation du sujet apprenant.Confronté régulièrement à <strong><strong>de</strong>s</strong> nouvel<strong>les</strong> versions <strong><strong>de</strong>s</strong>TIC, il doit être en me<strong>sur</strong>e <strong>de</strong> s’engager ou <strong>de</strong> prolongerune formation visant la seule prise en main <strong>de</strong> l’instrument.Dans <strong>les</strong> témoignages recueillis, la formation dis-122 © Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres


CHAPITRE Iv : bilan et enseignementspensée (formelle ou informelle) se limite fréquemment àune présentation <strong><strong>de</strong>s</strong> nouvel<strong>les</strong> fonctionnalités. Le cadreconsoli<strong>de</strong> alors ses acquis grâce à une démarche personnellequi s’appuie le cas échéant <strong>sur</strong> un groupe <strong>de</strong> pairs.Elle recouvre la position <strong>de</strong> praticien réflexif, attaché àprendre sa propre activité <strong>de</strong> travail comme objet <strong>de</strong> sonquestionnement.• Compétence <strong>de</strong> transfert d’apprentissage (<strong>de</strong>requalification)…Cette compétence dépasse la seule aptitu<strong>de</strong> à se formerà <strong>de</strong> nouveaux outils : compétence pourtant nécessaire,comme on vient <strong>de</strong> le voir, dans un environnementmédiatisé qui s’enrichit sans cesse, et qui voit apparaître<strong>de</strong> nouveaux dispositifs sans que <strong>les</strong> cadres n’y aient étéassociés.Il s’agit aussi d’apprendre et <strong>de</strong> désapprendre <strong><strong>de</strong>s</strong> conduiteset <strong>les</strong> savoir-faire <strong>de</strong> travail associés à l’utilisation <strong>de</strong>ces TIC, tant l’exercice du métier, <strong>de</strong> la fonction, <strong>de</strong> l’expertisedu cadre sont liés, voire déterminés par la maîtrise<strong><strong>de</strong>s</strong> TIC. Changer d’outil revient aussi à changer <strong>de</strong> compétences,d’activité, voire <strong>de</strong> repères professionnels.Le pôle « Autres » : réguler l’activitéLes compétences mises en œuvre portent <strong>sur</strong> <strong>les</strong> relationsau sein <strong><strong>de</strong>s</strong> sphères professionnel<strong>les</strong> et extra-professionnel<strong>les</strong>et leur équilibre.• Une compétence d’intelligence <strong><strong>de</strong>s</strong> rapportssociaux…Dans un environnement social particulier, cette compétenceatteste <strong>de</strong> la compréhension <strong>de</strong> la dimensionla plus relationnelle du « savoir-être » : communiqueravec son collègue ou avec son supérieur, savoir à quidonner une information, quand et comment, savoircomment l’obtenir (cf. Compétences en gestion <strong><strong>de</strong>s</strong>informations). Ainsi, la maîtrise <strong>de</strong> cette configurationsociale dépend d’une légitimité que l’on acquiert dansson univers professionnel (collaborateurs, supérieurs).Elle est le fruit du développement d’habitus, structuressusceptib<strong>les</strong> d’orienter le comportement à tenir avec unepersonne en fonction <strong>de</strong> la situation. Cette <strong>de</strong>rnière estporteuse d’enjeux spécifiques qui font également l’objetd’un repérage par le cadre. Cette compétence <strong>de</strong> « l’agiravec discernement en situation » s’appuie <strong>sur</strong> la maîtrise<strong><strong>de</strong>s</strong> rapports sociaux. Elle intègre également l’analyse <strong>de</strong>l’information stratégique qui ne circule pas comme uneressource libre, susceptible d’être captée, mais fait l’objet<strong>de</strong> filtres par <strong><strong>de</strong>s</strong> réseaux au sein <strong><strong>de</strong>s</strong>quels il faut êtrereconnu. Cette compétence fon<strong>de</strong> en partie la légitimitédu cadre qui peut revendiquer appartenir à un groupedont il peut obtenir <strong><strong>de</strong>s</strong> manifestations <strong>de</strong> reconnaissance(<strong><strong>de</strong>s</strong>tinataire d’informations sensib<strong>les</strong>, confi<strong>de</strong>nces,intégration dans une équipe,…).Aussi, la gestion « raisonnée » <strong><strong>de</strong>s</strong> outils <strong>de</strong> <strong>communication</strong>set d’information dans le management <strong><strong>de</strong>s</strong> équipes<strong>de</strong> travail est un élément prépondérant et valorisé <strong>de</strong> lacompétence du cadre (cf. Compétence d’auto-régulationdans l’usage <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC).• Une compétence <strong>de</strong> traduction…Si dans le cadre <strong><strong>de</strong>s</strong> activités collaboratives et <strong><strong>de</strong>s</strong> équipeséclatées, l’utilisation <strong>de</strong> TIC paraît indispensablepour soutenir l’activité, s’affranchir <strong>de</strong> la distance et dutemps, ou encore pour définir un cadre directif et <strong><strong>de</strong>s</strong>supports à l’action et la coordination entre acteurs, ellen’est toutefois pas suffisante.Il existe en effet un travail important <strong>de</strong> traduction, peuvisible, informel, très relationnel mais aussi cognitif etorganisationnel, qui rend possible <strong>de</strong> « faire tenir l’ensemble» tout au long <strong>de</strong> son déroulement. La traductionvise à contextualiser <strong>les</strong> besoins et contraintes <strong>de</strong> chaquepartenaire dans la sphère d’activité <strong><strong>de</strong>s</strong> autres. Cerôle <strong>de</strong> passeur ou <strong>de</strong> facilitateur d’un environnement àun autre participe <strong>de</strong> la construction d’une vision commune<strong>de</strong> la tâche à réaliser.• Une compétence <strong>de</strong> régulation…Dans la réalisation d’une tâche qui engage <strong>de</strong> multip<strong>les</strong>professionnels, il est nécessaire <strong>de</strong> développer une compétence<strong>de</strong> régulation qui se décline <strong>sur</strong> <strong>les</strong> versants :– cognitif, à travers la prise en compte <strong>de</strong> chacun pourses compétences. Il doit être en me<strong>sur</strong>e <strong>de</strong> solliciter àbon escient une personne, mettre en avant un point <strong>de</strong>vue qui resterait au second plan ou tempérer l’omniprésence<strong>de</strong> tel autre professionnel.– affectif, à travers <strong>les</strong> signes <strong>de</strong> reconnaissance qu’ilenverra à certains, pour favoriser ou développer l’implication,s’attacher à réduire <strong>les</strong> tensions du groupe et lefaire fonctionner <strong>sur</strong> la durée (cf. Compétences relationnel<strong>les</strong><strong>de</strong> type virtuel).L’usage <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC, si ces <strong>de</strong>rnières augmentent <strong>les</strong> capacités<strong>de</strong> traitement, <strong>de</strong> production ou <strong>de</strong> <strong>communication</strong><strong><strong>de</strong>s</strong> individus, tend à reconfigurer également, et <strong>de</strong>manière plus ou moins importante et contraignante, <strong>les</strong>tâches et <strong>les</strong> relations. La fonction régulatrice du cadre,chef <strong>de</strong> projet, sera d’autant plus sensible.• Une compétence relationnelle <strong>de</strong> type virtuel…Bien que le management à distance se déploie <strong>de</strong> manièrerapi<strong>de</strong>, il faut donc aussi être en capacité <strong>de</strong> maintenir<strong><strong>de</strong>s</strong> relations interpersonnel<strong>les</strong> à un niveau acceptableet bénéfique. Il en va non seulement <strong>de</strong> l’efficacité ducadre dans son travail (c’est-à-dire mobiliser rapi<strong>de</strong>mentun réseau <strong>de</strong> personnes – compétentes, faib<strong>les</strong>, réactives– face à <strong><strong>de</strong>s</strong> questions et difficultés), mais également<strong>de</strong> son bien être (se sentir moins seul, mieuxépaulé…) quand on travaille à distance et <strong>de</strong> manièreplutôt solitaire (en home office ou en mobilité).© Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres123


CHAPITRE Iv : bilan et enseignementsPar ailleurs, pour le cadre qui exerce ce management àdistance, cela passe également par le développementd’un savoir-faire <strong>de</strong> traitement <strong>de</strong> la correspondancenumérique. Il ne doit pas être un simple passeur d’informationni un superviseur qui exige <strong><strong>de</strong>s</strong> comptes rendusréguliers <strong>de</strong> la part <strong>de</strong> ses collaborateurs éloignés. Sonrôle consiste à filtrer, enrichir et réorienter <strong>les</strong> donnéesaux bonnes personnes (cf. Compétences <strong>de</strong> traitement<strong><strong>de</strong>s</strong> informations). De plus, dans <strong>les</strong> courriels échangés,et pour compenser la distance, il doit aussi fait preuve<strong>de</strong> certaines qualités rédactionnel<strong>les</strong> pour faire tenir, viadu contenu émotionnel, une relation sociale distante.Enfin, l’usage <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC doit être raisonné et pragmatique.Autrement dit, el<strong>les</strong> doivent répondre à <strong><strong>de</strong>s</strong> nécessitéstrès particulières sans pour autant se substituer auxliens <strong>de</strong> proximité (par exemple utiliser la messageriepour gérer un conflit) (cf. Compétence d’auto-régulationdans l’usage <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC).• Une compétence en gestion <strong><strong>de</strong>s</strong> informations…L’information n’a <strong>de</strong> valeur que si elle est traitée et valorisée.Bien souvent, <strong>les</strong> cadres n’ont soit pas le temps<strong>de</strong> la gérer correctement, soit pas <strong>les</strong> capacités (comptetenu du flux et <strong>de</strong> la <strong>de</strong>nsité <strong>de</strong> données) <strong>de</strong> la transmettreconvenablement.Savoir évaluer, filtrer, sélectionner, enrichir, (re)contextualier,orienter… <strong>les</strong> informations selon le triptyque« bonne information à la bonne personne au bonmoment » sont sans nulle doute <strong><strong>de</strong>s</strong> compétences àaccentuer dans cet environnement <strong>de</strong> travail.• Une compétence d’organisation <strong>de</strong> son espacenumérique…Si <strong>les</strong> systèmes techniques accroissent la mémoire virtuelle<strong><strong>de</strong>s</strong> individus, ils exigent aussi <strong><strong>de</strong>s</strong> capacités <strong>de</strong>mémorisation plus importantes (pour localiser et récupérertoutes <strong>les</strong> données disponib<strong>les</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> multip<strong>les</strong>supports).Face également à la <strong>de</strong>nsité <strong><strong>de</strong>s</strong> informations reçues etaux multip<strong>les</strong> activités en attente (liées la fragmentationdu travail), il faut savoir organiser son propre environnementnumérique <strong>de</strong> travail pour retrouver le fil <strong><strong>de</strong>s</strong>on activité, retisser <strong>les</strong> liens entre <strong>les</strong> diverses tâchesentamées et suspendus, ou encore pour se souvenir <strong><strong>de</strong>s</strong>choses à faire en laissant traîner opportunément <strong><strong>de</strong>s</strong>indices. Cela peut par exemple porter <strong>sur</strong> le fait <strong>de</strong> savoirarchiver et gérer ses messages, leur associer <strong><strong>de</strong>s</strong> couleursparticulières, maintenir ostensiblement ouvert un messagepour se rappeler d’actions à réaliser…Ce savoir-faire d’organisation <strong>de</strong> l’espace numérique doitaussi l’ai<strong>de</strong>r à basculer plus rapi<strong>de</strong>ment et facilemententre divers projets et contextes <strong>de</strong> travail générés parla multi-activité.• Une compétence d’auto-régulation dans l’usage<strong><strong>de</strong>s</strong> TIC…Si le cadre subit bon nombre d’intrusions, <strong>de</strong> sollicitations,<strong>de</strong> fragmentations et <strong>de</strong> dispersion dans sontravail… génératrices d’une charge cognitive élevée, ilen est aussi à l’origine par une utilisation irraisonnée,impulsive, voire compulsive <strong>de</strong> certains outils.Pour ces raisons, il doit savoir gérer ces usages en établissant<strong><strong>de</strong>s</strong> règ<strong>les</strong> <strong>de</strong> « bonne conduite » ou <strong>de</strong> « bonusage » <strong>de</strong> ces <strong>technologies</strong> : le mail en copie est-ilnécessaire ? Les <strong><strong>de</strong>s</strong>tinataires sont-ils bien i<strong>de</strong>ntifiés ?Cette information est-elle pertinente ? Ai-je besoin <strong>de</strong> meconnecter compte tenu <strong>de</strong> la priorité <strong>de</strong> mon activité ?Cette sollicitation est-elle urgente ou importante ?…Bien évi<strong>de</strong>mment, cela passe par un accompagnementet un soutien organisationnel. Rappelons que <strong>les</strong> messageries<strong>de</strong> certaines organisations se bloquent dès lorsqu’el<strong>les</strong> dépassent un certain seuil <strong>de</strong> courriels non traités,ou que la distribution <strong><strong>de</strong>s</strong> smartphones ou d’ordinateursportab<strong>les</strong> aux cadres implique insidieusement unedisponibilité quasi-permanente <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>rniers.• Une compétence <strong>de</strong> conciliation entre vieprofessionnelle et vie personnelle…La contagion <strong>de</strong> la vie personnelle par la vie personnelleest potentiellement augmentée avec l’utilisation massive<strong><strong>de</strong>s</strong> TIC (ordinateurs portab<strong>les</strong>, smartphone, gestion<strong><strong>de</strong>s</strong> mails au domicile faute <strong>de</strong> temps <strong>sur</strong> le lieu <strong>de</strong> travail,..).En revanche, si le recours facilite et assouplitla tâche, il contribue à « flouter » <strong>les</strong> frontières entrevie professionnelle et personnelle. Ce phénomène tend àaccroître un travail « invisible » rarement comptabilisépar <strong>les</strong> organisations. En s’immisçant dans la vie personnellevia <strong>les</strong> TIC, le travail se déconnecte d’une temporalitéi<strong>de</strong>ntifiée et contribue à créer <strong><strong>de</strong>s</strong> tensions. Savoirse prémunir contre <strong>de</strong> tel<strong>les</strong> intrusions et sollicitationsdans <strong>les</strong> sphères privées, sans pour autant se couper <strong><strong>de</strong>s</strong>on environnement professionnel dans certaines situations<strong>de</strong> mobilité hors travail, requiert un savoir-faire <strong>de</strong>protection/déconnexion et <strong>de</strong> discrétion particulier.• Une compétence pour travailler en mo<strong>de</strong>dégradé…Compte tenu <strong>de</strong> la place et <strong>de</strong> l’ampleur prises par <strong>les</strong> TICdans le travail, il serait difficilement envisageable pour<strong>les</strong> cadres <strong>de</strong> travailler sans le support et l’ai<strong>de</strong> actifs <strong>de</strong>tels outils. Pour autant, <strong><strong>de</strong>s</strong> pannes, <strong><strong>de</strong>s</strong> aléas techniques<strong>sur</strong>viennent (lors <strong><strong>de</strong>s</strong> collaborations médiatisées, du blocageautomatique <strong>de</strong> la messagerie <strong>sur</strong>chargée, du smartphonedéchargé…) et il faut alors continuer à travaillermalgré tout dans cet environnement défaillant. Le travailen mo<strong>de</strong> dégradé consiste alors à fonctionner sans <strong>les</strong>ressources habituel<strong>les</strong> – matériel<strong>les</strong>, humaines, informationnel<strong>les</strong>– fournies par l’environnement. Il est nécessaire<strong>de</strong> préparer <strong>les</strong> utilisateurs à faire face à <strong>de</strong> tel<strong>les</strong>124 © Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres


CHAPITRE Iv : bilan et enseignementssituations et envisager <strong><strong>de</strong>s</strong> solutions intermédiaires.• Une compétence d’efficience…L’augmentation du nombre <strong><strong>de</strong>s</strong> sphères <strong>de</strong> travail, <strong><strong>de</strong>s</strong>interlocuteurs et <strong><strong>de</strong>s</strong> interactions potentiel<strong>les</strong> amène lecadre à gérer un dilemme <strong>de</strong> taille : rendre l’informationpertinente, fiable au sein <strong>de</strong> collectifs éphémères quin’ont pas eu le temps <strong>de</strong> développer <strong><strong>de</strong>s</strong> habitu<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong>travail en commun, ni <strong>de</strong> relation <strong>de</strong> confiance. Cettedifficulté est accentuée par le recours croissant aux TIC,susceptible d’accroître le risque <strong>de</strong> délitement du collectifen raison <strong>de</strong> la déshumanisation <strong><strong>de</strong>s</strong> liens sociaux.En effet, l’efficience au travail n’est pas seulement unegestion flui<strong>de</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> informations mais doit permettre àchaque professionnel intégré au projet <strong>de</strong> produire unecontribution, digne d’intérêt et <strong>de</strong> reconnaissance.• Une compétence d’animation, <strong>de</strong> dynamisation <strong><strong>de</strong>s</strong>communautés virtuel<strong>les</strong>…Dans <strong>les</strong> réunions <strong>de</strong> travail médiatisées à distance,<strong>les</strong> nombreux aléas techniques, l’absence <strong>de</strong> feed-backvidéo (si <strong>communication</strong> audio), le décalage vidéo/son,la multiplicité <strong><strong>de</strong>s</strong> intervenants et <strong><strong>de</strong>s</strong> cultures, la variété<strong><strong>de</strong>s</strong> sujets traités, l’utilisation d’une langue étrangère…peuvent très vite perturber et fatiguer <strong>les</strong> équipiers enco-présence, et entraver le processus <strong>de</strong> coopération.Aussi, la valeur ajoutée du cadre manager est <strong>de</strong> faireen sorte que <strong>les</strong> échanges soient <strong>les</strong> plus dynamiques etconstructifs possib<strong>les</strong> afin <strong>de</strong> maintenir l’implication etl’attention <strong>de</strong> chacun et <strong>sur</strong>tout d’éviter que <strong>les</strong> participantsne décrochent (en présentiel et à distance).Cette écoute flottante requiert <strong><strong>de</strong>s</strong> qualités particulières: conscience mutuelle, attention partagée et distribuéevis-à-vis du collectif. Ces capacités permettentd’instaurer entre <strong>les</strong> partenaires distants <strong><strong>de</strong>s</strong> effets <strong>de</strong>présence et une conscience mutuelle <strong><strong>de</strong>s</strong> situations,indispensab<strong>les</strong> à la progression <strong>de</strong> leur travail commun.• Une compétence dans la gestion <strong>de</strong> la pluriactivitéen mo<strong>de</strong> noma<strong>de</strong>…L’activité noma<strong>de</strong> consiste à alterner <strong><strong>de</strong>s</strong> lieux sociauxet professionnels très variés (client, maison, bureau,hôtel, voiture, train, salle d’attente…). Ce sont autant<strong>de</strong> contextes qui vont réclamer <strong><strong>de</strong>s</strong> usages et <strong><strong>de</strong>s</strong> pratiquesparticulières <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC ainsi qu’un type <strong>de</strong> travailspécifique.Le cadre doit donc savoir s’intégrer rapi<strong>de</strong>ment à cesdifférents contextes et être capable <strong>de</strong> mobiliser instantanémentla technologie adaptée à ces espaces physiquessinguliers et au travail susceptible d’y être réalisé.Savoir articuler, jongler, s’adapter à ces divers contextes<strong>de</strong> travail est un savoir faire en développement.■■Conclusion généraleLes compétences émergentes consistent à faire face à unflux informationnel croissant, le traiter (prioriser l’information,lui donner du sens et y ajouter le cas échéantune plus-value) et l’inscrire dans un réseau opératifcommun. Ainsi, le seul traitement efficient <strong>de</strong> l’informationne suffit plus mais nécessite son partage au seind’un collectif, pour développer une vision commune <strong>de</strong>la tâche. Cette co-construction dans le groupe et par legroupe <strong><strong>de</strong>s</strong> références communes pour créer une compréhensionpartagée du problème est déterminante.Or l’intervention d’une multiplicité d’acteurs dans l’ici etmaintenant, mais également dans l’ailleurs oriente l’activitédu cadre vers une fonction « d’accordage ». Nousla définissons comme une tentative <strong>de</strong> mise en « dialogue» d’acteurs multip<strong>les</strong> et diversement impliqués dansla tâche à réaliser. Il s’agit pour le cadre <strong>de</strong> rendre expliciteet utilisable par tous <strong>les</strong> partenaires d’un projet, <strong>les</strong>apports <strong>de</strong> chacun. Dans ce rôle, la production d’indicesà <strong><strong>de</strong>s</strong>tination <strong><strong>de</strong>s</strong> acteurs en interaction vise à la foisau positionnement <strong>de</strong> chacun dans le processus <strong>de</strong> coopérationmais également participe <strong>de</strong> son implication.L’i<strong>de</strong>ntification <strong><strong>de</strong>s</strong> apports spécifiques <strong>de</strong> chaque acteurtraduit une compétence « sensible » qui se décline selontrois dimensions :– Une dimension cognitive (une gestion/intégration <strong><strong>de</strong>s</strong>informations).– Une dimension collaborative (i<strong>de</strong>ntification et développement<strong><strong>de</strong>s</strong> réseaux).– Une dimension implicative (mobilisation <strong>de</strong> la subjectivité<strong><strong>de</strong>s</strong> partenaires à travers <strong><strong>de</strong>s</strong> manifestations <strong>de</strong>reconnaissance).Dans plusieurs terrains présentés dans ce rapport, la compétencedu cadre débor<strong>de</strong> la seule délégation <strong>de</strong> tâcheque l’on dénomme parfois un « savoir faire faire », pourse déployer plus spécifiquement à travers un « savoirfaire ensemble ». La mobilisation en situation <strong><strong>de</strong>s</strong> ressourcescognitives nécessite un engagement subjectif<strong><strong>de</strong>s</strong> contributeurs.Une <strong>sur</strong>-adaptation qui relève <strong>de</strong> la responsabilitédu cadre ?Le tableau d’un cadre engagé dans une activité d’adaptationpermanente, assailli d’informations à trier, traduireet insérer dans un contexte, n’est pas sans donner letournis. L’efficacité <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres relèverait-elle d’une courseeffrénée à donner du sens dans un environnement mou-© Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres125


CHAPITRE Iv : bilan et enseignementsvant, en lien avec <strong><strong>de</strong>s</strong> acteurs engagés dans <strong><strong>de</strong>s</strong> tâchesmultip<strong>les</strong> ? Lui assigner la responsabilité <strong>de</strong> cette hyperadaptation,c’est occulter le rôle <strong><strong>de</strong>s</strong> organisations dans<strong>les</strong> ressources qu’el<strong>les</strong> allouent aux salariés. Il ressortdans <strong>les</strong> étu<strong><strong>de</strong>s</strong> centrées <strong>sur</strong> le travail tel qu’il se fait unengagement subjectif qui débor<strong>de</strong> la seule sphère professionnelle.Le recours croissant aux TIC, outils d’efficacité,et dans le même temps, lien quasi permanent avec la préoccupationprofessionnelle, mérite d’être questionné. Siel<strong>les</strong> participent par <strong>les</strong> multip<strong>les</strong> sollicitations ou appelsau débor<strong>de</strong>ment cognitif, el<strong>les</strong> contribuent également àla colonisation <strong>de</strong> la vie personnelle. Cette dissolution<strong><strong>de</strong>s</strong> frontières entre vie au travail et vie hors travail estune caractéristique majeure <strong>de</strong> l’évolution du travail <strong><strong>de</strong>s</strong>cadres. Les TIC font-el<strong>les</strong> office <strong>de</strong> « Cheval <strong>de</strong> Troie »dans cette guerre <strong>de</strong> colonisation du temps libre ? Cettetendance est d’autant plus pernicieuse qu’aux dires <strong>de</strong>nombreux cadres, elle facilite la tâche. Elle contribuepourtant également au renforcement d’une i<strong>de</strong>ntité professionnellepar le pouvoir qu’elle confère en marquantune distinction avec <strong>les</strong> non-détenteurs <strong>de</strong> ces objetstechniques (signes extérieurs <strong>de</strong> positionnement). Laposition du « tout communicant » doté <strong>de</strong> son arsenaltechnologique pose une question sensible : est-ce suffisantpour bien communiquer ?Les résultats <strong><strong>de</strong>s</strong> recherches présentées dans ce rapportmontrent qu’il n’y a pas <strong>de</strong> travail efficace sans intentionnalité<strong><strong>de</strong>s</strong> acteurs sous-tendue par une constructionpermanente <strong>de</strong> sens en situation. L’utilisation <strong><strong>de</strong>s</strong> TICn’éclipse pas tout, au contraire, comme le suggéraitLéontiev (1958) : « L’homme n’est jamais seul en faced’un mon<strong>de</strong> d’objets qui l’environne. Le trait d’union <strong><strong>de</strong>s</strong>es rapports avec <strong>les</strong> choses, ce sont <strong>les</strong> relations avec <strong>les</strong>hommes ». Aussi, plus <strong>les</strong> équipes recourent aux TIC,plus el<strong>les</strong> doivent penser <strong>les</strong> relations entre individus etintégrer <strong><strong>de</strong>s</strong> temps <strong>de</strong> régulation.Un développement <strong><strong>de</strong>s</strong> compétences en lien avec <strong>les</strong>ressourcesAinsi, la question du développement <strong><strong>de</strong>s</strong> compétences<strong><strong>de</strong>s</strong> cadres est intrinsèquement liée aux ressourcesallouées (moyens techniques), ou du moins cel<strong>les</strong> dontle cadre peut disposer ou négocier. L’environnement(diversité, réseaux <strong>de</strong> savoirs,…) contribue à une propensionà créer <strong><strong>de</strong>s</strong> compétences comme le suggère LeBoterf (1998). Il est ainsi préférable <strong>de</strong> raisonner dansun « univers <strong>de</strong> propension » et non dans un univers<strong>de</strong> simp<strong>les</strong> possibilités personnel<strong>les</strong>. En revanche, lecontexte, c’est un champ <strong>de</strong> possib<strong>les</strong> pour <strong>les</strong> compétences.En confrontant ce cadre à un environnement,au sein duquel il bénéficie <strong>de</strong> ressources techniques etcollectives pour produire du sens à son activité, il est enme<strong>sur</strong>e <strong>de</strong> tirer son épingle du jeu. Il revient toutefoisaux organisations d’accompagner ce développement <strong><strong>de</strong>s</strong>compétences en veillant à :– Limiter l’utilisation <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC à la seule sphère professionnelle.Il paraît important <strong>de</strong> faire œuvre <strong>de</strong> dissuasionpour as<strong>sur</strong>er la protection du salarié. Sans unmessage clair émanant <strong>de</strong> l’organisation <strong>de</strong> travail, ce<strong>de</strong>rnier peut rapi<strong>de</strong>ment verser dans une escala<strong>de</strong> d’engagementsusceptible <strong>de</strong> créer <strong><strong>de</strong>s</strong> tensions fortes ausein <strong>de</strong> la vie familiale et privée.– Limiter <strong>les</strong> phénomènes <strong>de</strong> <strong>sur</strong>charge (sentiment d’urgence,dispersion, tension, fatigue) auxquels peuventse greffer <strong>les</strong> activités empêchées ou suspendues – etsusciter <strong>de</strong> l’anxiété car la personne n’arrive pas à faireface et/ou à maîtriser une activité qui échappe (débor<strong>de</strong>ment).Dans la sphère professionnelle, le traitement d’uneinformation pléthorique, ne doit pas se substituer àune position réflexive. Faire <strong>de</strong> son travail un objet<strong>de</strong> pensée participe à la fois <strong>de</strong> l’efficience (dimensionproductive du travail) et du développement <strong>de</strong> ses proprescompétences (dimension constructive du travail).Ce développement <strong><strong>de</strong>s</strong> compétences combine le rôle <strong>de</strong>l’apprentissage par l’action et celui <strong>de</strong> l’apprentissagepar l’analyse <strong>de</strong> l’action (Weill-Fassina & Pastré, 2004,pp.226-229). Ces retours réflexifs peuvent s’inscrire dans<strong><strong>de</strong>s</strong> dispositifs plus ou moins formalisés (réunions autour<strong>de</strong> situations critiques, échanges <strong>de</strong> pratiques, sollicitationdu regard d’autrui pour bénéficier d’un point <strong>de</strong> vueextérieur, capitalisation <strong>de</strong> l’expérience,…) et facilitentune distanciation avec l’agir dans l’urgence à tout prix.L’implication subjective croissante requise par <strong>les</strong> organisations,peut provoquer à terme <strong><strong>de</strong>s</strong> risques d’épuisementprofessionnel (burn-out, désengagement, retrait,…).Compétences individuel<strong>les</strong> ou collectives ou …s’entendre pour agir !En mettant la focale <strong>sur</strong> l’analyse <strong>de</strong> l’activité du cadre,nous relevons une augmentation <strong><strong>de</strong>s</strong> collaborationsmédiatisées, une transversalité accrue <strong><strong>de</strong>s</strong> espaces partagés,qui tend à brouiller la distinction entre compétencesindividuel<strong>les</strong> et collectives. Nous serions tentés <strong>de</strong>penser que cette distinction perd <strong>de</strong> sa pertinence, tant<strong>les</strong> compétences individuel<strong>les</strong> sont à resituer au sein <strong>de</strong>la compétence collective d’une équipe ou d’un réseau.L’efficacité rapportée à l’efficience et au sens (Clot,1995) passe par une réponse collective, faisant appelà une mobilisation <strong>de</strong> ressources hybri<strong><strong>de</strong>s</strong> (connaissancespratiques, savoirs objectivés, personnes ressources,bases <strong>de</strong> données et <strong>de</strong> connaissances, dictionnairestechniques…). On peut ainsi parler <strong>de</strong> compétences <strong><strong>de</strong>s</strong>réseaux sociotechniques (Callon, 1989).Certains auteurs tels Rabar<strong>de</strong>l et Mayen vont jusqu’à opérerune distinction entre le développement professionnelet le développement <strong><strong>de</strong>s</strong> compétences professionnel<strong>les</strong>.Le premier relèverait d’un pouvoir d’agir, qui serait transversalà toutes <strong>les</strong> compétences, et permettrait <strong>de</strong> rendrecompte <strong>de</strong> la capacité, plus ou moins développée selon126 © Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres


CHAPITRE Iv : bilan et enseignements<strong>les</strong> acteurs, d’adapter son répertoire <strong>de</strong> compétences auxchangements <strong>de</strong> situation, aux ruptures, aux mutations.La compétence présente <strong>de</strong>ux dimensions intrinsèquementliées : elle a une dimension spécifique (on estcompétent pour une classe <strong>de</strong> tâches), qui rend l’actionefficace dans un secteur délimité ; mais elle a aussi unedimension générique, qui permet au professionnel <strong>de</strong>pouvoir évoluer et s’adapter. Elle est à la fois un acquiset un pouvoir d’agir et <strong>de</strong> s’adapter.Enfin, il ne faudrait pas sous-estimer <strong>les</strong> difficultés auxquel<strong>les</strong>doivent faire face <strong>les</strong> cadres pour mobiliser cescompétences techniques et adaptatives, qui ne s’inscriventdans aucune tradition professionnelle. C’est probablementlà un <strong><strong>de</strong>s</strong> paradoxes <strong>de</strong> leur activité : construireun genre professionnel à partir <strong>de</strong> collectifs éphémèresconstitués d’i<strong>de</strong>ntités multip<strong>les</strong>.© Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres127


Annexes■■annexe 1 – Gui<strong>de</strong> thématique d’entretien utilisé pourmener <strong>les</strong> entretiens semi-directifsA. Consigne inaugurale– Rappel du contexte <strong>de</strong> l’étu<strong>de</strong> (durée, projet <strong>de</strong> rechercheAPEC) / présentation <strong><strong>de</strong>s</strong> chercheurs et <strong><strong>de</strong>s</strong> partenairesscientifiques (Lyon2, ECL, INSA, Grenoble 2, Lyon 3)– Thème <strong>de</strong> l’entretien. Entretien exploratoire qui s’inscritdans la problématique suivante«Dans quelle me<strong>sur</strong>e <strong>les</strong> TIC viennent modifier/reconfigurer/affecterle métier <strong>de</strong> cadres ➔L’objet <strong>de</strong> l’entretien est d’appréhen<strong>de</strong>r l’activité etla fonction du cadre, <strong>de</strong> déterminer <strong>les</strong> <strong>technologies</strong>utilisées dans le travail, d’évaluer leurs usages et <strong>de</strong>repérer leurs inci<strong>de</strong>nces (positives et négatives) <strong>sur</strong>diverses dimensions <strong>de</strong> l’activité… ».– Durée : 90 minutes– Modalités : Entretien enregistré et retranscrit– Confi<strong>de</strong>ntialité et anonymat garantisNB : Pour faciliter l’entretien, <strong><strong>de</strong>s</strong> axes thématiques et<strong><strong>de</strong>s</strong> questions (plus précises) sont proposés pour lancer/relancer l’entretien et explorer chaque dimension <strong>de</strong> laproblématique.Ne pas oublier <strong>de</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r <strong><strong>de</strong>s</strong> exemp<strong>les</strong> et illustrationsprécis pour chaque situation décrite.B. Profil du cadreConsigne : Présentation rapi<strong>de</strong> du cadreDescription <strong>de</strong> son entreprise, <strong>de</strong> l’activité, présentation<strong>de</strong> son serviceÂge, formation, expériences, ancienneté…Responsabilité, fonction, statut, rôle, missions, spécialité…Son parcours au sein <strong>de</strong> l’entreprise, du service etéventuellement avant d’intégrer l’entrepriseNombre <strong>de</strong> personnes qui dépen<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> luiAvec qui travaille-t-il (services, établissement, international/international,clients….)De qui dépend-il (sous la responsabilité <strong>de</strong> qui est-ilplacé) ?C. Domaines d’activité et <strong>de</strong> responsabilitéConsigne : cherche à déterminer en quoi consiste sonactivité ? Sur quoi porte son travail ? Quel<strong>les</strong> sont sesprincipa<strong>les</strong> tâches ?Que fait-il ? Description <strong>de</strong> son travail, ses missions,ses responsabilités ?Préciser <strong>les</strong> taches <strong>les</strong> plus fréquentes/récurrentes ?<strong>les</strong> plus délicates ? <strong>les</strong> plus importantes ? Les pluscontraignantes, difficultés ? <strong>les</strong> plus fastidieuses ?Y a-t-il <strong><strong>de</strong>s</strong> pério<strong><strong>de</strong>s</strong>, <strong><strong>de</strong>s</strong> tâches exceptionnel<strong>les</strong> ?Part <strong>de</strong> travail individuel/collectif dans l’activité ?Quel<strong>les</strong> sont ces activités collectives et individuel<strong>les</strong> ?Part <strong>de</strong> déplacement/mobilité dans son activité (fréquence,nécessité, objet…). Pourquoi faire ?Compétences requises, nécessaires pour effectuer sontravail ?Langue utilisée pour le travail ?Etc.D. Les <strong>technologies</strong> utilisées dans l’activité : leursusages et domaines applicationConsigne : abor<strong>de</strong> <strong>les</strong> différents dispositifs technologiquesemployés dans l’activité et en définir <strong>les</strong> usages(la manière dont ils <strong>les</strong> utilisent)Nature <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> employées …Nature et types <strong>de</strong> <strong>technologies</strong> mis à sa dispositionpour son activité ?Quel<strong>les</strong> sont cel<strong>les</strong> qu’il utilise réellement et pourquoi?Quel<strong>les</strong> sont cel<strong>les</strong> qu’il considère comme réellementuti<strong>les</strong> et nécessaires pour son travail ?Modalités et conditions d’usagePar qui/avec qui ces <strong>technologies</strong> sont utilisées : accèslimités, réservés ? Utilisés par certains cadres, fonctions,responsabilités, par tous…,Pourquoi/pour quels objectifs <strong>de</strong>vaient-ils <strong>les</strong> utiliser? ➝ par exemple, nécessaire pour accé<strong>de</strong>r àcertaines données, pour entrer en relation avec <strong><strong>de</strong>s</strong> personnesdistantes, rendues obligatoires par l’entrepriseou par une procédure quelconque (qualité, ISO…).Plus généralement : quel était le projet initial associé àleur diffusion ? Qu’est-ce qu’el<strong>les</strong> <strong>de</strong>vaient permettre <strong>de</strong>faire, <strong>de</strong> faciliter, d’améliorer ?À quoi sont-el<strong>les</strong> utilisées (réellement) ? ➝ Pour quelstypes <strong>de</strong> tâches sont-el<strong>les</strong> mises en œuvre vous effectivement? Pour faire quoi/pour quel domaine d’activité ?Quand ces <strong>technologies</strong> sont-el<strong>les</strong> utilisées/À quelmoment (au travail/hors travail) ? Dans quel contexte,pour quelle situation ? Fréquences <strong>de</strong> leur usage (ponctuelle,régulière) ?Sentiments, appréciations généra<strong>les</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong><strong>technologies</strong> utilisées dans le travailTechnologies trop nombreuses/Pas assez nombreuses ?Technologies bien adaptées/insuffisamment au tra-© Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres129


annexesvail à faire ? ➝ Répon<strong>de</strong>nt-el<strong>les</strong> globalement à sesbesoins professionnels ? (en termes d’utilité)Technologies adaptées au profil <strong>de</strong> l’usager (à seshabitu<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong> travail, à ses pratiques, à sa logique personnelle?)(en termes <strong>de</strong> convivialité, <strong>de</strong> facilité d’utilisation,d’apprentissage…)Possibilité <strong>de</strong> <strong>les</strong> utiliser pour d’autres finalités/usages/objectifsque ceux prévus initialement ? (idée <strong>de</strong><strong>les</strong> adapter par rapport à ses besoins particuliers, à <strong><strong>de</strong>s</strong>contextes : évaluer la pluralité d’usages par rapport àune même technologie)Difficultés rencontrées le plus souvent dans leurusage ? Donner <strong><strong>de</strong>s</strong> exemp<strong>les</strong> ?Niveau <strong>de</strong> Fiabilité, <strong>de</strong> fonctionnement <strong><strong>de</strong>s</strong> systèmes?Quelle est la confiance accordée à ces systèmes ?Besoin d’autres <strong>technologies</strong> : <strong>les</strong>quel<strong>les</strong>, pourquoifaire ?E. Gestion du projet <strong>de</strong> diffusion <strong><strong>de</strong>s</strong> TICConsigne ➝ Préciser <strong>les</strong> modalités <strong>de</strong> diffusion <strong><strong>de</strong>s</strong> projetsTIC dans l’organisation : plutôt imposés ou négociésProjet <strong>de</strong> diffusion <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC : participation au projet ?TIC Imposée ?Rémunération/Gratification liée à leur diffusion <strong><strong>de</strong>s</strong>TIC ?Formation dispensée pour leur utilisation ?F. Les apports et inci<strong>de</strong>nces <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>sur</strong> lemétier et <strong>sur</strong> l’activité du cadreConsigne ➝ chercher à déterminer quel<strong>les</strong> sont <strong>les</strong>conséquences (en termes <strong>de</strong> bénéfices/apports ou aucontraire contraintes/coûts) <strong><strong>de</strong>s</strong> diverses <strong>technologies</strong><strong>sur</strong> son activité (organisation du travail/autonomie/responsabilité/charge <strong>de</strong> travail…)En particulier….1) Sur la gestion <strong>de</strong> l’activité et son efficacité autravailApport <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC dans son travail en termes <strong>de</strong> :Efficacité et <strong>de</strong> performance au travail (notions <strong>de</strong>rapidité, réactivité, créativité, imagination, innovation)Autonomie, individualisation ou interdépendancedans le travail (capacité/obligation <strong>de</strong> se débrouillerseul, d’agir soi même selon ses propres règ<strong>les</strong>, capacitéà agir et à choisir seul, <strong>de</strong> son propre chef…, prendre<strong><strong>de</strong>s</strong> initiatives dans le travailAccessibilité, information, <strong>communication</strong> (être joignableet joindre <strong>les</strong> autres…)Gestion <strong>de</strong> son travailEtc.2) Sur l’organisation <strong>de</strong> son activitéEffet <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC <strong>sur</strong> (donner <strong><strong>de</strong>s</strong> exemp<strong>les</strong>) :L’organisation <strong>de</strong> son propre travail ➝ TIC +/- contraignante<strong>sur</strong> le travail – Activité plus flexible, plus souple,plus <strong>de</strong> marge <strong>de</strong> manoeuvre)Le contrôle, la supervision qu’il pratique <strong>sur</strong> l’activité<strong><strong>de</strong>s</strong> autres ➝ <strong>de</strong> ses collaborateurs, <strong>de</strong> ses fournisseurs/clientsLe contrôle que <strong>les</strong> autres exercent <strong>sur</strong> son travail(supérieurs hiérarchiques, collaborateurs)Le sentiment <strong>sur</strong> la dépendance à l’outil technique età ses ressources, et aux autres (besoins d’information,<strong>de</strong> saisie…)Etc.3) Sur sa charge <strong>de</strong> travailEffet <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC <strong>sur</strong> (donner <strong><strong>de</strong>s</strong> exemp<strong>les</strong>) :Évolutions <strong>sur</strong> la Nature <strong><strong>de</strong>s</strong> tâches à effectuer : ennombre, en fréquence, en complexité, en difficulté, enqualité et intérêt (plus ou moins intéressante, valorisantestimulante ? et <strong>les</strong>quel<strong>les</strong>)Évolutions <strong>sur</strong> <strong>les</strong> Modalités <strong>de</strong> travail : rythme, rapidité,disponibilité, immédiateté,Évolution <strong>sur</strong> la Gestion <strong>de</strong> l’activité : +/- multitâche,interruptions, réorganisation incessante du travail VSPauses, réflexion…Évolution <strong>sur</strong> le Niveau <strong>de</strong> concentration et <strong>de</strong> vigilanceexigé,Évolution <strong>sur</strong> <strong>les</strong> liens entre vie au travail et hors travail(favorise le débor<strong>de</strong>ment du travail dans la sphèreprofessionnelle)Jugement <strong>sur</strong> <strong>les</strong> apports <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC pour le travail (simplification,suppression <strong>de</strong> tâches répétitives, automatisationd’autres…)Dans quelle me<strong>sur</strong>e <strong>les</strong> TIC ont accentué ou réduit <strong>les</strong>difficultés liées à la gestion <strong>de</strong> ces tâches.4) Sur <strong>les</strong> relations professionnel<strong>les</strong>,Effet <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC <strong>sur</strong> (donner <strong><strong>de</strong>s</strong> exemp<strong>les</strong>) :Sur le travail collectif (à distance) ➝ évolution, intensificationamélioration…) : quel<strong>les</strong> modalités ? Quel<strong>les</strong>fréquences, quel<strong>les</strong> difficultés …Sur <strong>les</strong> niveaux d’exigence que le cadre a <strong>sur</strong> le travail<strong><strong>de</strong>s</strong> autres (collaborateurs, clients…)/que <strong>les</strong> autrespeuvent avoir <strong>sur</strong> son propre travail (responsab<strong>les</strong>, collaborateursclients…) (pressions, attentes…)Sur la visibilité/connaissance <strong><strong>de</strong>s</strong> autres services, <strong><strong>de</strong>s</strong>autres activités et personnes <strong>de</strong> l’organisationSur la gestion <strong><strong>de</strong>s</strong> diverses <strong>de</strong>man<strong><strong>de</strong>s</strong>, requêtes venant<strong>de</strong> l’entourage professionnelle (collaborateurs, clients,fournisseurs, équipe projet…) ➝ au niveau <strong>de</strong> la priseen compte <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>man<strong><strong>de</strong>s</strong>, <strong>de</strong> leur traitement, <strong><strong>de</strong>s</strong>130 © Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres


annexesrelations avec cet environnement mais aussi dans lefonctionnement interne du serviceetc…5) Sur <strong>les</strong> compétences professionnel<strong>les</strong> et le métierEffet <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC <strong>sur</strong> (donner <strong><strong>de</strong>s</strong> exemp<strong>les</strong>) :Les tâches et missions à effectuer ➝ Redistribution/transfert/perte vers d’autres entités, acquisition <strong>de</strong> nouvel<strong>les</strong>missions, renforcement <strong>sur</strong> d’autres : <strong>de</strong> quellenature et pourquoi faire ?Les compétences (acquisition/pertes/adaptation <strong><strong>de</strong>s</strong>avoir-faire…) : <strong>de</strong> quelle nature et pourquoi faire ?Les responsabilités et rô<strong>les</strong> (enrichissement/appauvrissementAccroissement/pertes..) : <strong>de</strong> quelle nature etpourquoi faire ?Le cœur du métier ➝ +/- expert, +/- management…Le renforcement/affaiblissement <strong>de</strong> certaines tâchesà haute/basse valeur ajoutée ➔ <strong>de</strong> type opérationnelle,administrative, reporting, coordination d’équipe, management…Etc.G. Les changements & évolutions majeurs dans lemétier et la fonction du cadreH. Métho<strong>de</strong> d’association libreInstructions :➝ Notez spontanément ce que chacun <strong><strong>de</strong>s</strong> mots-cléscités ci-<strong><strong>de</strong>s</strong>sous, (« cadre » « nouvel<strong>les</strong> <strong>technologies</strong> »et « activités du cadre») évoque pour vous : adjectifs,noms ou citations…➝ Faites-le rapi<strong>de</strong>ment et librement, utilisant la placedisponible autour du mot clé, en commençant par lechiffre 1.➝ Si un mot vous fait penser à un autre, utilisez <strong>les</strong>branches secondaires.➝ Regar<strong>de</strong>z <strong>les</strong> mots que vous avez écrits et indiquezpour chacun la valeur que vous leur attribuez : positive(+) ou négative (-) selon la signification que ce terme apour vous et dans votre contexte.➝ Pour finir, regar<strong>de</strong>z le réseau d’association que vousavez fait et classez <strong>les</strong> mots par ordre d’importance enécrivant A, B, C...• Mots Inducteurs : Nouvel<strong>les</strong> <strong>technologies</strong> ; Activités ;Statut/fonction <strong>de</strong> Cadres, c’est quoi ?• Qu’est-ce qui est positif ?• Qu’est-ce qui est négatif ?Consigne : chercher à évaluer <strong>les</strong> évolutions futures <strong>sur</strong>le métier et <strong>les</strong> contours professionnels <strong>de</strong> l’activité ducadre.123À travers votre parcours dans l’organisation et comptetenu <strong>de</strong> la diffusion <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC, comment caractériseriezvous<strong>les</strong> changements marquants <strong>de</strong> votre activité ?– en termes <strong>de</strong> relation avec l’environnement externe(client, fournisseurs, concurents…)– en termes <strong>de</strong> relation avec l’environnement interne(collaborateurs, hiérarchiques, autres services <strong>de</strong> l’entreprise,proches ou éloignés…)– en termes <strong>de</strong> mo<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong> fonctionnement internes,– en termes <strong>de</strong> structures, d’organisation– en termes <strong>de</strong> travail…8761Cadre2543Sentiment <strong>sur</strong> l’évolution du métier cadre dans lefutur, avec tous ces outils ?Place, importance que joueront <strong>les</strong> TIC dans cetteactivité future ?Enjeux, freins et limites <strong>de</strong> la diffusion <strong><strong>de</strong>s</strong> TIC dansl’activité876Nouvel<strong>les</strong><strong>technologies</strong>54Projection ➝ Place du cadre et nature <strong>de</strong> son activitédans l’entreprise ?© Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres131


annexes■■annexe 2 – Description <strong><strong>de</strong>s</strong> terrains étudiésEntreprises et terrainsIndustrie- Cadre expert(commerciaux) /Étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> la mobilitéIndustrie - Cadre expert(Ingénieurs)Intensification et rythme<strong>de</strong> travailIndustrie- Cadre manager (ingénieurs)Travail médiatisé àdistance dans <strong><strong>de</strong>s</strong> équipesmulticultuel<strong>les</strong>Services - Cadre Encadrant(RH)Coordination à distanceConseils - Cadre dirigeantModalité <strong>de</strong> gestion/ managementà distanceIndustrie - Cadres experts& encadrantÉquipe virtuelle multiculturelleTransports - Cadre dirigeantFragmentation du travailServices - Cadres opérationnels-encadrant-DirigeantTIC & sens au travailIndustrie - Cadre dirigeantFragmentation du travailServices - Cadres experts(Préventeurs)Fragmentation du travailServices - Cadres dirigeantsUsage du SmartphoneTypologie <strong>de</strong> cadres étudiésCadredécadré/disperséCadrepartagé /glocalisé• •Modalités <strong>de</strong> travail analyséesCadre Dépossédé/débordé/libre serviceHome-Office NomadismeManagementàdistanceTravailcollaboratifmédiatiséMultiactivitésé<strong>de</strong>ntaire• • •• •• • •• •• • •• • •• • •• • •• • •• • •Méthodologiesd’observationDirecte(autorelevésd’activité)Instrumentée(filmée)Instrumentée(filmée)Directe /participanteDirecte/ Traced’activitéInstrumentéeDirecte /participanteDirecte /participanteInstrumentéeObservationparticipante,filmée.Observationparticipanteetdirecte132 © Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres


Knotworking : Littéralement « travail en nœud ». Leknotworking est une autre manière <strong>de</strong> penser le traannexes■■annexe 3 – GlossaireActivité : le travail, c’est l’activité déployée par <strong>les</strong>hommes et <strong>les</strong> femmes pour faire face à ce qui n’est pasdéjà donné par l’organisation prescrite du travail (Davezies,1991).Analyse du travail : métho<strong><strong>de</strong>s</strong>, modè<strong>les</strong> et techniquespour observer, décrire et expliquer l’activité réelle <strong><strong>de</strong>s</strong>travailleurs.Artefact cognitif : correspond à l’ensemble <strong><strong>de</strong>s</strong> supportsmatériels/technologiques présents, utilisés ou non parl’acteur du travail pour réaliser son activité. Présentéscomme autant <strong>de</strong> ressources et <strong>de</strong> contrainte pour l’utilisateur,« Un artéfact cognitif est un outil artificiel conçupour conserver, exposer et traiter l’information dans lebut <strong>de</strong> satisfaire une fonction représentationnelle» (Norman,1993, p. 18).Articulation : ce concept souligne comment <strong>les</strong> personnesqui ne partagent ni <strong>les</strong> mêmes objectifs, ni <strong>les</strong>mêmes définitions <strong>de</strong> la situation, déploient « un travailsupplémentaire pour que <strong>les</strong> efforts <strong>de</strong> l’équipe soientfinalement plus que l’assemblage chaotique <strong>de</strong> fragmentsépars <strong>de</strong> travail » (Strauss, 1992, p.191).Attracteurs cognitifs : correspon<strong>de</strong>nt à un « ensembled’éléments matériels et immatériels qui participentpotentiellement à une activité donnée, et qui sont simultanémentprésents du point <strong>de</strong> vue du sujet » (Lalhou,2000, p 75).Autonomie : l’autonomie correspond aux marges <strong>de</strong>manœuvre dont dispose un individu pour choisir <strong>les</strong>règ<strong>les</strong> <strong>de</strong> sa conduite, l’orientation <strong>de</strong> ses actes et <strong>les</strong>risques qu’il est prêt à courir pour <strong>les</strong> assumer. Par opposition,l’hétéronomie relève d’un respect et d’une conformitéaux règ<strong>les</strong> et prescriptions extérieures.Awareness : se définit comme la capacité <strong><strong>de</strong>s</strong> membresd’une équipe à rester sensib<strong>les</strong> et attentifs aux autres,à leurs conduites réciproques, aux événements et auxobjets <strong>de</strong> l’activité tandis qu’ils sont engagés dans <strong><strong>de</strong>s</strong>activités distinctes (Heath, 1994 ; Grosjean 2005).Collectif <strong>de</strong> travail : le collectif <strong>de</strong> travail est lecadre indispensable pour réguler <strong>les</strong> contraintes <strong>de</strong>travail. Ce collectif fait référence à une communautéd’action et <strong>de</strong> pensée qui est essentielle dansla relation entre l’individu et la situation <strong>de</strong> travail.Le collectif <strong>de</strong> travail correspond au partage <strong>de</strong> règ<strong>les</strong> et<strong>de</strong> valeurs communes permettant <strong>de</strong> créer un sentimentd’appartenance à une communauté professionnelle. Lecorps professionnel va offrir aux membres <strong><strong>de</strong>s</strong> possibilitésd’i<strong>de</strong>ntifications et d’élaborations collectives. Il vaégalement permettre d’accé<strong>de</strong>r à une reconnaissancedans le travail située dans un espace <strong>de</strong> confiance etd’échanges. En effet, ce collectif doit donner la possibilité<strong>de</strong> discussions, <strong>de</strong> controverses à l’intérieur <strong>de</strong>l’organisation <strong>de</strong> travail. C’est dans le collectif que vontpouvoir se dégager <strong><strong>de</strong>s</strong> possibilités d’actions collectivespermettant la transformation <strong><strong>de</strong>s</strong> situations <strong>de</strong> travailvécues comme contraignante (Lhuilier, 2011).Compétences : désignent une adaptation entre <strong>les</strong>moyens <strong>de</strong> la personne et <strong>les</strong> objectifs visés (commenton fait fonctionner dans <strong>les</strong> conditions présentes). Lescompétences sont donc développées dans, par et pourune situation <strong>de</strong> travail donnée, et sont donc éminemmentdépendantes <strong><strong>de</strong>s</strong> circonstances <strong>de</strong> l’activité (LeBoterf, 1998).Efficacité : atteinte <strong><strong>de</strong>s</strong> objectifs.Efficience : économie dans <strong>les</strong> moyens par <strong>les</strong>quels <strong>les</strong>objectifs sont atteints. D’après Leplat (1989), « une activitésera dite d’autant plus efficiente qu’elle permettrad’atteindre à moindre coût le même niveau d’efficacité ».La qualité <strong>de</strong> la performance est me<strong>sur</strong>ée au travers <strong>de</strong>plusieurs variab<strong>les</strong> : le taux et la nature <strong><strong>de</strong>s</strong> erreurs, letemps pour exécuter la tâche, le nombre d’opérationsrequises et <strong>les</strong> éventuel<strong>les</strong> déviations.Épuisement professionnel : forme extrême <strong>de</strong> stressrencontrée chez <strong>les</strong> travailleurs dont le métier repose<strong>sur</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> interactions avec <strong><strong>de</strong>s</strong> personnes (mala<strong><strong>de</strong>s</strong>, usagers)et se manifestant par une saturation face à leurs<strong>de</strong>man<strong><strong>de</strong>s</strong>, la déshumanisation <strong><strong>de</strong>s</strong> rapports avec autruiet le sentiment <strong>de</strong> ne plus pouvoir s’accomplir dans sonmétier.Équipe <strong>de</strong> travail : une équipe <strong>de</strong> travail se distingued’un collectif <strong>de</strong> travail par le fait qu’il s’agit d’un groupeformel exigé par l’organisation et dont <strong>les</strong> membresassument conjointement la responsabilité du résultat– même s’il existe généralement un lea<strong>de</strong>r chargé dureporting hiérarchique. (D’après Bourdon ,1994)I<strong>de</strong>ntité professionnelle : ce qui permet au sujet <strong><strong>de</strong>s</strong>’inscrire dans une collectivité avec ses repères, ainsique <strong>de</strong> s’affirmer en tant qu’individu singulier dans samanière d’être et <strong>de</strong> faire. L’i<strong>de</strong>ntité est une constructionpermanente qui permet <strong>de</strong> se définir et <strong>de</strong> définir <strong>les</strong>autres <strong>sur</strong> le plan professionnel.© Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres133


annexesvail collectif transversal. Il illustre la capacité pour <strong>les</strong>acteurs, <strong>de</strong> répondre <strong>de</strong> manière extrêmement rapi<strong>de</strong>au client. En s’affranchissant <strong><strong>de</strong>s</strong> espaces et <strong><strong>de</strong>s</strong> règ<strong>les</strong>habituels <strong>de</strong> fonctionnement, le knotworking se focalise<strong>sur</strong> le moment et <strong>les</strong> besoins concrets. Il autorise alors<strong>de</strong> nouvel<strong>les</strong> coopérations propices à créer <strong><strong>de</strong>s</strong> innovationsou <strong>de</strong> nouvel<strong>les</strong> solutions en créant <strong>de</strong> nouveauxpartenariats (Engeström, 2005).Métatravail : <strong>les</strong> salariés qui réalisent un travail intellectuelsont souvent confrontés à <strong><strong>de</strong>s</strong> engagements multip<strong>les</strong>et à la gestion <strong>de</strong> nombreuses tâches à traiter enparallèle ou se succédant rapi<strong>de</strong>ment. Et c’est ce travaild’ajustement permanent entre diverses « sphères d’activité» que <strong>les</strong> auteurs appellent le « métatravail ». Ainsi,il s’agit d’activités quotidiennes qui ne sont pas reliées àune sphère spécifique, mais qui ont pour objet d’en organiserl’ensemble et <strong>de</strong> <strong>les</strong> coordonner. Il s’agit d’activitésquotidiennes qui ne sont pas reliées à une sphère spécifique,mais qui ont pour objet d’en organiser l’ensembleet <strong>de</strong> <strong>les</strong> coordonner (Gonzalez et Mark, 2004).Métier : à la fois « un savoir-faire hautement élaborémobilisé pour la réalisation <strong>de</strong> la tâche » et une « activitésocialement reconnue » (F. Osty, 2002).Mobiquité : terme introduit par Dalloz (2009) ; c’estune contraction <strong><strong>de</strong>s</strong> termes « mobilité » et « ubiquité ».Dalloz entend par cette notion le fait qu’ « un usager a lapossibilité <strong>de</strong> se connecter à un réseau sans contrainte<strong>de</strong> temps, <strong>de</strong> localisation, ou <strong>de</strong> terminal » (p.6), autrementdit, il s’agit <strong>de</strong> l’ « ATAWAD » (AnyTime, AnyWhere,AnyDevice 23 ).Multiactivité : l’activité est rythmée par <strong><strong>de</strong>s</strong> engagementsdans <strong>de</strong> multip<strong>les</strong> activités coopératives avecun nombre important <strong>de</strong> tâches différentes à traiter enparallèle ou dans une succession rapi<strong>de</strong> (Czerwinski,Horvitz et Wilhite, 2004).Nomadisme : <strong>les</strong> travailleurs noma<strong><strong>de</strong>s</strong> sont <strong><strong>de</strong>s</strong> personnesdont l’activité ne s’exerce pas dans <strong>les</strong> lieux maîtriséspar l’employeur, mais « <strong>sur</strong> place » (pour <strong>les</strong> travauxpublics et le bâtiment par exemple) ou « itinérants »pour certains métiers <strong>de</strong> commerciaux, ou encore « chezle client » pour <strong><strong>de</strong>s</strong> responsab<strong>les</strong> <strong>de</strong> projets du mon<strong>de</strong><strong><strong>de</strong>s</strong> applications informatiques.Objet frontière : lorsque c’est le même objet qui estutilisé pour <strong><strong>de</strong>s</strong> mon<strong><strong>de</strong>s</strong> différents (privé, professionnel,domestique, social). Il permet la <strong>communication</strong>, l’articulationentre <strong><strong>de</strong>s</strong> mo<strong><strong>de</strong>s</strong> différents afin <strong>de</strong> servir unobjet commun (Leig Star & Grisemer, 1989).Performance : on entend par performance le résultatobtenu suite à la mise en œuvre d’une technique, d’uneconnaissance pratique. La performance est plus ou moinsreconnue selon le jugement qui est effectué <strong>sur</strong> la compétence<strong>de</strong> la personne qui a produit le résultat.Qualification : typologie, classification donnée par l’entrepriseou par <strong>les</strong> conventions, liée au poste <strong>de</strong> travail(« exige un certain niveau <strong>de</strong> qualification »).Sens du travail : peut se définir comme un état <strong>de</strong> satisfactionengendré par la perception <strong>de</strong> cohérence entre lapersonne et le travail qu’elle accomplit. Le travail a doncdu sens lorsque le sujet lui accor<strong>de</strong> <strong>de</strong> la valeur et <strong>de</strong>l’importance, (Isaksson, 2000).Sphères <strong>de</strong> travail : <strong>les</strong> individus sont impliqués dans<strong><strong>de</strong>s</strong> contextes <strong>de</strong> travail (requérant <strong><strong>de</strong>s</strong> règ<strong>les</strong>, <strong><strong>de</strong>s</strong> métho<strong><strong>de</strong>s</strong>,<strong><strong>de</strong>s</strong> communautés, <strong><strong>de</strong>s</strong> représentations spécifiques)et qui s’entrelacent au cours d’une journée, (Gonzalez etMark, 2005).Syndrôme <strong>de</strong> saturation cognitive (COS) : on parle <strong>de</strong>COS lorsque « <strong>les</strong> acteurs s’épuisent dans une séquence<strong>de</strong> petites tâches urgentes, au détriment <strong><strong>de</strong>s</strong> gros chantiers» ( Autissier & Lahlou, 1999).Système d’activité : cette approche développée parEngeström (1987) met en avant l’idée que toute activitéorientée vers un objet passe par <strong><strong>de</strong>s</strong> artefacts et s’inscritsocialement dans un univers <strong>de</strong> règ<strong>les</strong>, dans une communautéelle-même liée à une division du travail.Travail fragmenté : la fragmentation temporelle possè<strong>de</strong><strong>de</strong>ux aspects : la durée passée <strong>sur</strong> une tâche continueet <strong>les</strong> interruptions <strong>de</strong> l’activité (Mark, Gonzalez etHarris, 2005).Usage : l’usage <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> constitue un ensemble<strong>de</strong> pratiques, c’est-à-dire une façon particulière d’utiliserquelque chose, un ensemble <strong>de</strong> règ<strong>les</strong> partagéessocialement par un groupe <strong>de</strong> référence et construitedans le temps (Docq et Daele, 2001). L’usage renvoiedonc au cadre social, et notamment organisationneldans lequel se déroule l’utilisation <strong><strong>de</strong>s</strong> outils. L’usage estdonc une construction individuelle, mais aussi socialeet collective. Ce cadre social oriente, détermine l’usage<strong><strong>de</strong>s</strong> TIC en même temps que <strong>les</strong> TIC affectent ce systèmesocial et organisationnel.23. Traduction : n’importe quand, n’importe où, n’importe quel dispositif.134 © Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres


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140 © Greps/Apec – L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadres


ISBN 978-2-7336-06278L’impact <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> <strong>de</strong> <strong>communication</strong> <strong>sur</strong> <strong>les</strong> cadresAssociation Pour l’Emploi <strong><strong>de</strong>s</strong> Cadres51, boulevard Brune – 75689 Paris Ce<strong>de</strong>x 14EDdobsa0123-12.11www.apec.fr142 © Greps/Apec – L’impact Centre <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>technologies</strong> relations clients <strong>de</strong> <strong>communication</strong> : 0810 805 805* <strong>sur</strong> <strong>les</strong> du cadres lundi au vendredi <strong>de</strong> 9h00 à 19h00*prix d’un appel local

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