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Delacroix : portrait de l'artiste en jeune homme - Art Absolument

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hiver 2007/08 • no 23 • (artabsolum<strong>en</strong>t) page 69


Théodore Géricault.Cheval attaqué par un lion.Huile sur toile, 54 x 65 cm. Paris, musée du Louvre, départem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s Peintures.dans le mon<strong>de</strong>, mais ruiné, qui embrasse la carrièreartistique. Avec l’obligation, très vite, d’<strong>en</strong> tirer sasubsistance. Et avec une ambition et une faim <strong>de</strong>gloire non dissimulées. Sa correspondance juvénile,son Journal comm<strong>en</strong>cé <strong>en</strong> 1822, <strong>en</strong> témoign<strong>en</strong>t. “Priele ciel pour que je sois un grand <strong>homme</strong>”, écrit-il à sonami Piron <strong>en</strong> décembre 1815. Ils témoign<strong>en</strong>t aussid’un culte <strong>de</strong> l’amitié qui s’exprime alors avec unear<strong>de</strong>ur passionnée, et qui ne se dém<strong>en</strong>tira pas, tout aulong <strong>de</strong> son exist<strong>en</strong>ce. Les amis les plus proches sontd’abord les condisciples du Lycée impérial : FélixGuillemar<strong>de</strong>t, dont le père, ami et collègue <strong>de</strong> Charles<strong>Delacroix</strong>, fut <strong>portrait</strong>uré par Goya alors qu’il étaitambassa<strong>de</strong>ur à Madrid (c’est par les Guillemar<strong>de</strong>tque <strong>Delacroix</strong>, très tôt, eut connaissance <strong>de</strong>s gravures<strong>de</strong> Goya) ; Achille Piron, qui <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>dra employé <strong>de</strong>sPostes et sera, après la mort du peintre, son exécuteurtestam<strong>en</strong>taire et son premier biographe ; Jean-BaptistePierret, quant à lui, <strong>de</strong>vait faire toute sa carrière auministère <strong>de</strong> l’Intérieur.Les amis avai<strong>en</strong>t l’habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> se réunir le soir <strong>de</strong> laSaint-Sylvestre. C’était le r<strong>en</strong><strong>de</strong>z-vous sacré <strong>de</strong>l’amitié. Dans l’album sur lequel ils jetai<strong>en</strong>t <strong>de</strong>rapi<strong>de</strong>s <strong>de</strong>ssins <strong>en</strong> souv<strong>en</strong>ir <strong>de</strong> ces fêtes, un lavis <strong>de</strong><strong>Delacroix</strong> recrée merveilleusem<strong>en</strong>t l’ambiance : lefeu flambe dans la cheminée, donnant à la scène unaspect fantasmagorique, les verres sont pleins <strong>de</strong>punch, on joue <strong>de</strong> la guitare (le peintre avait appris àjouer <strong>de</strong> cet instrum<strong>en</strong>t), et sans doute parle-t-onpage 70 (artabsolum<strong>en</strong>t) • no 23 • hiver 2007/08


Théodore Géricault.Main gauche <strong>de</strong> l’artiste.Aquarelle. Paris, musée du Louvre, départem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s <strong>Art</strong>s graphiques.littérature et peinture jusqu’au lever du jour.L’importance <strong>de</strong> l’amitié est d’autant plus gran<strong>de</strong>pour le <strong>jeune</strong> <strong>Delacroix</strong> que ses relations avec lesfemmes rest<strong>en</strong>t hésitantes. Il connaît <strong>de</strong>s idylles, <strong>de</strong>srapports plus charnels avec ses modèles, plus tard ilaura <strong>de</strong>s liaisons durables. Mais il se méfie <strong>de</strong>sdésordres <strong>de</strong> la passion, auxquels il n’est que trop<strong>en</strong>clin, et dont il redoute les effets négatifs sur sontravail. Il refusera toujours les <strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>ts tropcontraignants et restera célibataire.Et puis sa santé est fragile. “Je suis toujours possédéd’une petite fièvre qui me dispose facilem<strong>en</strong>t à uneémotion vive”, confie-t-il à son Journal <strong>en</strong> avril 1824.La “petite fièvre”, qui l’accompagnera toute sa vie,résulte d’une affection du larynx qui s’aggravera danssa vieillesse. Cette braise mal éteinte qui le consumel<strong>en</strong>tem<strong>en</strong>t est peut-être aussi le symptôme d’un malplus vague, qui affecte l’âme, et le jette tour à tourdans <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s exaltations et un total abattem<strong>en</strong>t. >Double page suivante :À gauche : Eugène <strong>Delacroix</strong>.Femme <strong>de</strong>bout vêtue d'un costume chamarré. Projet <strong>de</strong> costumepour la reine Élisabeth d'Amy Robsart <strong>de</strong> Victor Hugo créé à l'Odéon<strong>en</strong> 1828. Aquarelle, mine <strong>de</strong> plomb. Paris, musée du Louvre.À droite : Richard Parkes Bonington.François I er et la duchesse d'Étampes.Huile sur toile, 35 x 27 cm. Paris, musée du Louvre.hiver 2007/08 • no 23 • (artabsolum<strong>en</strong>t) page 71


Eugène <strong>Delacroix</strong>.Dante et Virgile aux Enfers, dit aussi La barque <strong>de</strong> Dante.1822, huile sur toile, 189 x 246 cm. Paris, musée du Louvre.Dès sa <strong>jeune</strong>sse, il <strong>de</strong>vra appr<strong>en</strong>dre à cont<strong>en</strong>ir cesforces excessives, le goût <strong>de</strong>s femmes et <strong>de</strong> la mondanité,la fièvre, l’exaltation, le dégoût.Guérin, maître <strong>de</strong>s rai<strong>de</strong>urs néoclassiques, étaitaussi un <strong>en</strong>seignant suffisamm<strong>en</strong>t souple pour queson atelier <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>ne le vivier <strong>de</strong> la génération romantique.<strong>Delacroix</strong> y fait une r<strong>en</strong>contre capitale <strong>en</strong> lapersonne <strong>de</strong> Théodore Géricault. Plus âgé que lui <strong>de</strong>sept ans, celui-ci s’était déjà fait remarquer, <strong>en</strong> 1812et 1814, par ses tableaux d’officiers à cheval. Pour<strong>Delacroix</strong>, Géricault est à la fois un camara<strong>de</strong> généreux,n’hésitant pas à lui cé<strong>de</strong>r une comman<strong>de</strong> pourlui v<strong>en</strong>ir <strong>en</strong> ai<strong>de</strong>, et un maître admiré. Il assiste àl’élaboration du Ra<strong>de</strong>au <strong>de</strong> la Méduse et pose pourune <strong>de</strong>s figures du tableau. La découverte <strong>de</strong> l’œuvreachevée sera un choc : “L’impression que j’<strong>en</strong> reçusfut si vive qu’<strong>en</strong> sortant je revins toujours <strong>en</strong> courantet comme un fou jusque dans la rue <strong>de</strong> la Planche.”L’asc<strong>en</strong>dant <strong>de</strong> Géricault sur son ca<strong>de</strong>t déterminera<strong>en</strong> partie les premiers chefs-d’œuvre du <strong>jeune</strong>peintre, il se fera s<strong>en</strong>tir jusqu’à La Liberté guidant lepeuple, exposé au Salon <strong>de</strong> 1831. Avec ses cadavresau premier plan et son drapeau flottant au sommet<strong>de</strong> la composition, avec l’impérieux soulèvem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>sa vague humaine, c’est une sorte <strong>de</strong> Ra<strong>de</strong>au <strong>de</strong> laMéduse à l’<strong>en</strong>vers.Parmi les amis proches, Charles Soulier ti<strong>en</strong>t luiaussi une place importante dans la vie <strong>de</strong> <strong>Delacroix</strong>.Ce <strong>jeune</strong> anglophile lui <strong>en</strong>seigna l’anglais et l’initia àla technique <strong>de</strong> l’aquarelle, qu’il avait apprise <strong>en</strong>Angleterre. C’est par l’intermédiaire <strong>de</strong> Soulier que<strong>Delacroix</strong> fit la connaissance <strong>de</strong>s frères Thalès etNewton Fielding, aquarellistes <strong>de</strong> grand tal<strong>en</strong>t, quihabitai<strong>en</strong>t rue Jacob. Il se lia d’amitié avec Thalès, quil’<strong>en</strong>traîna <strong>en</strong> Angleterre <strong>en</strong> 1825, et avec Bonington.On sait l’impact que la peinture d’outre-Manche,page 74 (artabsolum<strong>en</strong>t) • no 23 • hiver 2007/08

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