JOURNAL OFFICIEL - Débats parlementaires de la 4e République

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Déjà, les jeunes agissent.A la S. O. M. U. A., à Saint-Ouen, ils ont formé un comitéd'unité d'action de la jeunesse pour la défense de leurs revendications.Leur exemple sera suivi.Les femmes, les travailleurs émigrés engagent également lalutte. Tous reçoivent l'appui de la classe ouvrière, qui ne selaisse pas ainsi diviser.Nous proposerons à nouveau, au cours de la discussion duprojet, que le minimum garanti soit applicable à tous les travailleurs,sans distinction d'âge, de sexe ou de nationalité.Nous serons, non seulement animés du souci de la justicesociale, mais encore fidèles à la tradition du mouvement ouvrier,car notre proposition tend à éliminer un élément deconcurrence et de division entre les salariés. Elle est, de plus,une garantie de l'application d'une véritable échelle mobiledes salaires. (Applaudissements à l'extrême gauche.)M. le président. La parole est à Mme Poinso-Chapuis.Mme Germaine Poinso-Chapuis. Mes chers collègues, nous"tenons à affirmer une fois de plus dans ce débat, que nousvoterons l'échelle mobile sans arrière-pensée et sans hésitation,non point comme un idéal en 6oi ni comme une panacée uniyerselle.Peut-être, en ia votant, éprouverons-nous dans notre cœurquelque regret que les circonstances économiques et les structuressociales nous obligent aujourd'hui à le faire.Mais ces conjonctures économiques et ces structures socialesétant ce qu'elles sont, nous estimons en conscience ne paspouvoir ne pas la voter.Ceux qui refusent l'échelle mobile, ce sont ceux, en réalité,qui 4en bénéficient et qui défendent leurs avantages par desarguments tirés de l'intérêt général. Ces arguments, nous neméconnaissons pas leur valeur apparente et "même leur valeurréelle. C'est au nom du péril d'inflation, c'est pour défendrela sauvegarde de la stabilité monétaire que, sur certains bancsde cette Assemblée, on combat avec obstination l'échellemobile.Celle-ci est-elle véritablement créatrice d'inflation ? Partiellementpeut-être, mais force nous est bien de constater qu'ellene crée pas cette inflation. Elle la constate, elle la subit, ellela suit.M. Raymond Boisdé. Elle l'accélère, elle l'aggrave et la rendincurable !Mme Germaine Poinso-Chapuis. Contribue-t-elle du moins àl'alimenter ? Dans une certaine conjoncture, peut-être. Maissi la fixité des salaires peut apparaître comme un frein à l'inflation,du moins sommes-nous obligés de reconnaître que cefrein est terriblement injuste et qu'il n'est humainement pasacceptable.Si c'était le seul frein, nous n'aurions évidemment pas lechoix.M. Francis Leenhardt. Il faudra en trouver un autre.Mme Germaine Poinso-Chapuis. Mais est-il le seul frein ? Ilest le seul à la vérité qu'on ait employé.L'inflation a ses profiteurs et elle a ses victimes. Ce sont'en réalité les revenus mobiles qui sont les profiteurs de l'inflationet ce sont les revenus fixes qui en sont les victimes.Pourquoi faut-il que les revenus fixes soient précisément ceuxIdes classes laborieuses, soient précisément, d'une manièregénérale, les petits revenus, par conséquent les plus intéressants,ceux des p'.us faibles d'entre nous ? De telle sorte quel'inflation joue contre eux avant de jouer contre les autreset qu'il importe de les défendre plus que d'autres contre lesconséquences de cette inflation dont ils ne sont pas lescréateurs.On me dira que l'inflation accentuera encore cette injustice.Je voudrais, une fois de plus, que nous nous demandionsd'abord en quoi consiste véritablement l'inflation et que nousnous entendions sur les termes.11 y a incontestablement inflation lorsque la nation consommeplus qu'elle ne produit. Alors, on me répondra qu'il suffit destériliser le pouvoir d'achat pour adapter la consommation àla production. Mais pourquoi est-ce justement toujours et uniquementle pouvoir d'achat des salariés qu'il s'agit de stériliser? Pourquoi est-ce sur celui-ci que doit porter le seuleffort d'équilibre afin de réduire la consommation pour l'ajusterà la production 1Par surcroit, est-il tellement sage de chercher perpétuellementà adapter la consommation à la production et ne vaudrait-ilpas mieux que ce soit cette production qui « colle »à la consommation, par une consommation accrue, pour donnerà la production le marché dont elle a besoin pour se placerelle-même dans des perspectives d'expansion qu'on ne. luilûuxaH pas gulïi§amment 2Nous devons bien constater que tout freinage sur les salaire»joue en réalité dans le sens d'une sous-consommation dontnous payons le prix à plus ou moins longue échéance. iUne expérience est sur ce point frappante. En 1948, lessalaires ont été bloqués. En octobre 1948, le Gouvernement aiautorisé une hausse des salaires de 15 p. 100. Or, en 1949.!les prix cependant demeurent stables pendant toute l'année:ia production augmente elle-même de 15 p. 100, les stocks sesreconstituent et pompent la production. ,iMais, à brève échéance, les salaires n'étant plus revalorisésjla mévente commence, les commandes s'arrêtent. Les produc-jteurs ne produisent pas pour stocker, mais pour vendre et,'par conséquent, ils arrêtent la production.jAu début de 1950, une chute de la production est consécutiveà la sous-consommation créée essentiellement par le bloWcage des salaires. .jNous touchons là véritablement à ce qu'est le cycle production-consommationet à l'erreur qu'il y a de croire qu'on peutnormaliser l'économie uniquement en créant une sous-consommation,pour éviter une surproduction absolument factice,!alors qu'il faudrait simplement créer du pouvoir d'achat pour;« éponger » cette production et pour encourager cette expansionet cet accroissement.Lorsqu'on parle d'assainir l'économie, non seulement on netse soucie pas de stériliser le pouvoir d'achat excessif autre!ue celui des salaires, mais on ne se soucie pas non plus'agir sur les autres facteurs de la hausse des prix. On ne se,soucie pas — ou on s'est peu soucié jusqu'à ce jour, semblet-il— d'arrêter les hausses par des interventions autoritaires, 1de stériliser le pouvoir d'achat excédentaire des revenusmobiles, d'augmenter les biens de consommation et d'orienterla production dans le sens du développement des biens deconsommation.On ne se soucie pas d'agir sur ces fauteurs de troubles enfmatière de fixation de prix que sont les ententes économique^qui décrètent les hausses avant même qu'elles ne soient une!réalité dans la structure des prix. Ce sont elles qui alimententavec le plus de vigueur la tendance à l'inflation. N'avons-nouspas constaté ces jours-ci,, dans de multiples secteurs, qu'il a''suffi de voir en perspective des hausses d'impôts pour qu'immédiatementces hausses futures et problématiques se répercutent,en se multipliant, sur les prix à la consommation, si bienque le consommateur en a d'ores et déjà fait les frais ? N'y,a-t-il pas là une action première et énergique qui doit êtremenée, à savoir une action efficace sur les prix ? 1Tout ceci, voyez-vous, nous conduit à dire qu'il est impossible,dans une économie comme la nôtre, de se refuser $l'échelle mobile qui représente simplement une clause de»garantie pour les plus défavorisés.Mais nous verrons que cette échelle mobile simplementajustée aux prix et à leur valeur nominale ne représente pasun progrès dans la voie de la justice sociale. Nous avons eul'honneur de le dire à cette tribune et nous tenons à le répéter,aujourd'hui avec plus de force encore au nom du groupe du !mouvement républicain populaire. ,Nous avons dit et proclamé que nous étions partisans deSréformes de structure afin de réaliser une économie plushumaine. Dans le même temps, et par un paradoxe invraisemblable,les exigences de vie des travailleurs nous condamnentà nous dire les défenseurs du minimum vital. U y a là unesorte de dérision: Nous défendons le minimum vital, c'est-à^dire le niveau au-dessous duquel l'homme mourrait de faim.Nous parlons de réformes de structure et nous en rêvons..L'heure ne serait-elle pas venue, à la faveur de débats commeceux d'aujourd'hui, d'amorcer ces réformes de structure ? Nousl'avions cru, nous l'avions pensé, nous n'avons pas été suivis.!Il faudra pourtant qu'on réalise cette nécessité et qu'on laconcrétise.Défendre les conventions collectives, soit. Mais elles ne sonfpas une solution, elles ne constituent pas l'amorce d'un progrès.Sur le marché du travail, elles transposent tout au plusdu plan de l'individu au plan de la collectivité professionnelle,-la loi de l'offre et de la demande. Nous laissons, à traverselles, force d'arguments à la grève et au lock-out, d'autant:plus que nous avons refusé l'arbitrage obligatoire à l'instancesupérieure. )Ce n'est donc pas dans cette voie que nous trouverons 1$progrès social et les réformes de structure dont nous rêvons,!mais c'est dans la voie d'une autre échelle mobile, d'uneéchelle mobile qui tendrait, celle-là, non pas à stabiliser unminimum au-dessous duquel on ne saurait descendre, non pasà jouer le rôle de clause de garantie indispensable certes,-mais insuffisante pour ce minimum, mais à assurer véritablementau travail, qui est l'un des facteurs décisifs et prédominantsde la production, sa part dans cette production, une partJauitable. et fixe.

i Nous le disions tout à l'heure: dans l'inflation, il y a enréalité une prime aux revenus mobiles et une pénalité auxrevenus fixes.J'avais cité, à cette tribune, des chiffres; je veux les redire,car ils ont une éloquence devant laquelle il faut s'incliner.Alors que le coût de la vie est passé de 100 à 280 en deux»ns et demi, nous sommes obligés de constater que, clans lemême temps, les facteurs du revenu national ont varié de lafaçon suivante: la part des impôts a augmenté de 20 points;la "part des profits de 70 points; tandis que la part des salairesdiminuait, elle, de 70 points.En effet, il est bien évident que dans une hausse des prix, sile salaire demeure un élément fixe, le profit s'accroît de toutela proportion qui est refusée au salaire.Nous ne saurions donc admettre que le salaire soit seulementlié à une valeur nominale et qu'il ne soit pas associé à cetieréalité qu'est l'accroissement de la production et de la richessenaliona'e. Autrement dit, sr demain dans un effort de production.que nous désirons de tous les facteurs de l'économie dansce pays, nous obtenions une production de masse telle qu'ilpuisse y avoir un abaissement des prix, il ne serait pas admissibleque le salaire lié aux prix subisse — et ce serait dans lalogique des choses — un abaissement proportionnel à ces prix,car, ainsi, cet acroissement de la production ne mettrait pasà la disposition des classes laborieuses une unité de plus etprofiterait uniquement aux classes les plus favorisées. (Applaudissementsau centre et à gauche.)• Nous pensons que si la production doit s'accroître, c'est pourmettre à la disposition de ceux qui ont le plus besoin le plusgrand nombre possible de biens de consommation, et cela nepeut se faire que si le pouvoir d'achat s'accroît en même tempsque celte production et demeure fonction de celle-ci. (Applaudissementssur les mêmes bancs.)Je pense qu'il est inutile d'insister davantage. Nous touchonslà au cœur du problème. Tant que nous n'aurons pas résoluce problème, nous en serons réduits aux palliatifs. Du moinstenons-nous à dire que le palliatif dont il est question aujourd'huiest un palliatif nécessaire.Nous renoncerons, volontiers, à l'échelle mobile des salairesle jour où l'on pourra nous assurer que l'échelle 'mobile desmarchés, l'échelle mobile des prolits et l'échelle mobile desprix ont, elles aussi, disparu de l'horizon économique. (Applaudissementsau centre et à gauche.)M. le président. La parole est à M. Saucr. (Applaudissements àl'extrême gauche.)M. Raoul Saucr. Mesdames, messieurs, je voudrais attirervotre attention sur la nécessité de faire bénéficier les travailleursagricoles des avantages accordés aux autres salariés, etdans les mêmes conditions.Il est temps die faire cesser, en effet, la différence injuste quiexiste entre le régime appliqué aux travailleurs de la terre etrelui dont bénéficient les travailleurs de l'industrie et ducommerce.J'appartiens à un département qui compte de très nombreuxouvriers agricoles dont la misère n'est plus à démontrer.Actuellement, les salaires do base dans celle corporationvarient entre 60 et 70 francs de l'heure; ils subissent un abattezones,par rapport aux salaires des autres catégories professionnelles.Vous savez aussi que les lois sociales ne sont pas appliquéesdans leur intégralité aux travailleurs agricoles.Celle différence de régime ne se justifie aucunement pourles raisons suivantes: les travailleurs de l'agriculture doiventfaire preuve, dans l'accomplissement de leur tache, de connais-,sances professionnelles identiques à celles exigées des ouvriers"des autres professions. Leur travail est des plus pénibles. Usuffit, pour s'en rendre compte, d'assister aux travaux saisonniersau moment de la moisson ou du binage des betteraves.Pour justifier les salaires réduits accordés à ces travailleurs,on a souvent jirétendu qu'ils bénéficient à la campagne d'avantagesparticuliers. Rien n'est plus faux, et cela se traduit toujours,l'été, par des journées de travail de douze à quinzeheures.Enfin, les travailleurs des campagnes subissent, du fait deleur éloignement. des centres, de nombreux inconvénients. Siles enfants veulent poursuivre leurs études, ils sont obligés des'en séparer pour les mettre en pension. S'ils veulent faire unachat important, ils doivent se déplacer pour aller à la ville laplus proche et perdre, de ce fait, une journée de travail.La situation faite à ces travailleurs ne se justifie en aucunefaçon. On ne peut donc continuer plus longtemps à considérerqu'il existe deux catégories de salariés : les travailleurs agricoles,d'une part; ceux du commerce et de l'industrie, d'autrepart. Tous les travailleurs doivent être égaux, puisque leurpavail et leurs besoins sorit les mêmes.Celle situation dramatique a amené les travailleurs deschamps à prendre en main la défense de leurs revendications.La corporation des ouvriers agricoles a déjà un long passé deluttes victorieuses qui ont obligé le patronat et le Gouvernementà lui donner certaines satisfactions. C'est d'ailleurs dansl'unité la plus complète que ces travailleurs ont mené leursbatailles revendicatives, ce qui explique les succès qu'ils ontremportés.Devant la carence gouvernementale en face du problème destravailleurs agricoles, l'Assemblée nalionaie a tout de même,elle aussi, son mot à dire. C'est pourquoi nous lui demandons,su cours de c-e débat, d'affirmer sa volonté de voir les ouvriersde l'agriculture bénéficier de la parité des salaires avec leurscamarades des villes, du minimum interprofessionnel garantiei de tous les avantages de notre système .de sécurité sociale.(Applaudissements à l'extrême gauche.)M. le président La parole-est à M. Guérard.M. Pierre Guérard. Le projet en discussion étant relatif à lavariation du salaire minimum interprofessionnel garanti, il ya lieu de rappeler que les allocations familiales ne sont pasliées à ce salaire minimum et qu'elles sont théoriquement liéesau salaire horaire du manœuvre de ia métallurgie parisienne,qui est actuellement de 101 francs.Puisqu'il n'y a pas connexion entre les allocations familialeset le salaire minimum interprofessionnel garanti, il y a risqueque les allocations familiales demeurent en retrait par rapportà l'augmentation éventuelle du coût de la vie.M. Bouxom a d'ailleurs rappelé cet après-midi que la loi du22 août 1946 n'était pas respectée. En effet, la base de calculdes allocations familiales est actuellement de 17.250 francspour les salariés du régime général. Nous sommes donc loindes prévisions de la loi de 1956: 225 fois le salaire horairede 101 francs, ce qui ferait 23.400 francs.C'est pourquoi j'estime que ie projet d'échelle mobile, s'ilest adopté, risque de jouer contre les intérêts légitimes desfamilles. ,M. Bouxom a déclaré qu'il déposerait une proposition de. loià ce sujet. Mon intervention a pour but d'inviter le Gouvernementà préciser sa position et de lui demander s'il prend l'engagementd'établir ou d'accepter que soit établie une liaisonmathématique entre le salaire minimum interprofessionnelgaranti et les allocations familiales.La même question se pose, et je la pose, en ce qui concerneles économiquement faibles. (Applaudissements à droite et aucentre.)M. le président. La parole est à M. le président de la commission.M. Henri Meck, président de la commission. Mesdames, messieurs,je voudrais répondre en quelques mois à quelques exagérationsqui ont été le fait, ce soir, de certains de nos collègues.Je rappelle d'abord à ceux qui critiquent le texte que vousprésente la majorité de la commission que si l'échelle mobileavait été appliquée, par exemple, depuis septembre 1919, nousaurions aujourd'hui, non pas une majoration de 65 p. 100 dusalaire minimum interprofessionnel garanti, comme c'est lecas, mais seulement une majoration de 40 p. 100, car, depuisseptembre 1949, le coût de la vie, selon ies indications duchiffre indice, n'a augmenté que de 40 p. 100.La comparaison de ces deux chiffres est bien instructive.Elle devrait êlre de nature à modérer certain langage.Non, l'échelle mobile n'est pas un facteur d'inflation. M. Titeuxa déjà rappelé la manifestation de la confédération généraledes petites et moyennes entreprises. J'ai sous les yeux unebrochure intitulée: Contribution aux éludes sur les salaires. —L'échelle ordonnée des salaires.M. Gingembre qui, certes, n'est pas suspect d'être un révolutionnaire,écrit en toutes lettres dans cette brochure relatantsa conférence: « Cet agent régulateur, c'est l'échelle mobiledes salaires. »Aux citations qu'a failes M. Titeux, j'ajoute celles-ci:« Ces termes « échelle mobile » font peur. En réalité, l'échellemobile des salaires existe depuis trois ans; mais c'est uneéchelle désordonnée >\M. Gimgembre parle ensuite des majorations successives destraitements des fonctionnaires et poursuit en ces termes:« Les entreprises privées sont alors obligées, à leur tour,elles aussi, tous les six ou sept ans, à une cadence qui va«'accélérant, de reconsidérer la question des salaires et dans desconditions de discussion pénible, alors que l'appréciation deséléments qui conslituent véritablement la base de ces prixmêmes lui échappent d'une façon totale. »Je continue à citer:« Echelle mobile, dans un régime de stabilité économique et_de libéralisme égale, erreur. Echelle, mobile dans un régime

Déjà, les jeunes agissent.A <strong>la</strong> S. O. M. U. A., à Saint-Ouen, ils ont formé un comitéd'unité d'action <strong>de</strong> <strong>la</strong> jeunesse pour <strong>la</strong> défense <strong>de</strong> leurs revendications.Leur exemple sera suivi.Les femmes, les travailleurs émigrés engagent également <strong>la</strong>lutte. Tous reçoivent l'appui <strong>de</strong> <strong>la</strong> c<strong>la</strong>sse ouvrière, qui ne se<strong>la</strong>isse pas ainsi diviser.Nous proposerons à nouveau, au cours <strong>de</strong> <strong>la</strong> discussion duprojet, que le minimum garanti soit applicable à tous les travailleurs,sans distinction d'âge, <strong>de</strong> sexe ou <strong>de</strong> nationalité.Nous serons, non seulement animés du souci <strong>de</strong> <strong>la</strong> justicesociale, mais encore fidèles à <strong>la</strong> tradition du mouvement ouvrier,car notre proposition tend à éliminer un élément <strong>de</strong>concurrence et <strong>de</strong> division entre les sa<strong>la</strong>riés. Elle est, <strong>de</strong> plus,une garantie <strong>de</strong> l'application d'une véritable échelle mobile<strong>de</strong>s sa<strong>la</strong>ires. (App<strong>la</strong>udissements à l'extrême gauche.)M. le prési<strong>de</strong>nt. La parole est à Mme Poinso-Chapuis.Mme Germaine Poinso-Chapuis. Mes chers collègues, nous"tenons à affirmer une fois <strong>de</strong> plus dans ce débat, que nousvoterons l'échelle mobile sans arrière-pensée et sans hésitation,non point comme un idéal en 6oi ni comme une panacée uniyerselle.Peut-être, en ia votant, éprouverons-nous dans notre cœurquelque regret que les circonstances économiques et les structuressociales nous obligent aujourd'hui à le faire.Mais ces conjonctures économiques et ces structures socialesétant ce qu'elles sont, nous estimons en conscience ne paspouvoir ne pas <strong>la</strong> voter.Ceux qui refusent l'échelle mobile, ce sont ceux, en réalité,qui <strong>4e</strong>n bénéficient et qui défen<strong>de</strong>nt leurs avantages par <strong>de</strong>sarguments tirés <strong>de</strong> l'intérêt général. Ces arguments, nous neméconnaissons pas leur valeur apparente et "même leur valeurréelle. C'est au nom du péril d'inf<strong>la</strong>tion, c'est pour défendre<strong>la</strong> sauvegar<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> stabilité monétaire que, sur certains bancs<strong>de</strong> cette Assemblée, on combat avec obstination l'échellemobile.Celle-ci est-elle véritablement créatrice d'inf<strong>la</strong>tion ? Partiellementpeut-être, mais force nous est bien <strong>de</strong> constater qu'ellene crée pas cette inf<strong>la</strong>tion. Elle <strong>la</strong> constate, elle <strong>la</strong> subit, elle<strong>la</strong> suit.M. Raymond Boisdé. Elle l'accélère, elle l'aggrave et <strong>la</strong> rendincurable !Mme Germaine Poinso-Chapuis. Contribue-t-elle du moins àl'alimenter ? Dans une certaine conjoncture, peut-être. Maissi <strong>la</strong> fixité <strong>de</strong>s sa<strong>la</strong>ires peut apparaître comme un frein à l'inf<strong>la</strong>tion,du moins sommes-nous obligés <strong>de</strong> reconnaître que cefrein est terriblement injuste et qu'il n'est humainement pasacceptable.Si c'était le seul frein, nous n'aurions évi<strong>de</strong>mment pas lechoix.M. Francis Leenhardt. Il faudra en trouver un autre.Mme Germaine Poinso-Chapuis. Mais est-il le seul frein ? Ilest le seul à <strong>la</strong> vérité qu'on ait employé.L'inf<strong>la</strong>tion a ses profiteurs et elle a ses victimes. Ce sont'en réalité les revenus mobiles qui sont les profiteurs <strong>de</strong> l'inf<strong>la</strong>tionet ce sont les revenus fixes qui en sont les victimes.Pourquoi faut-il que les revenus fixes soient précisément ceuxI<strong>de</strong>s c<strong>la</strong>sses <strong>la</strong>borieuses, soient précisément, d'une manièregénérale, les petits revenus, par conséquent les plus intéressants,ceux <strong>de</strong>s p'.us faibles d'entre nous ? De telle sorte quel'inf<strong>la</strong>tion joue contre eux avant <strong>de</strong> jouer contre les autreset qu'il importe <strong>de</strong> les défendre plus que d'autres contre lesconséquences <strong>de</strong> cette inf<strong>la</strong>tion dont ils ne sont pas lescréateurs.On me dira que l'inf<strong>la</strong>tion accentuera encore cette injustice.Je voudrais, une fois <strong>de</strong> plus, que nous nous <strong>de</strong>mandionsd'abord en quoi consiste véritablement l'inf<strong>la</strong>tion et que nousnous entendions sur les termes.11 y a incontestablement inf<strong>la</strong>tion lorsque <strong>la</strong> nation consommeplus qu'elle ne produit. Alors, on me répondra qu'il suffit <strong>de</strong>stériliser le pouvoir d'achat pour adapter <strong>la</strong> consommation à<strong>la</strong> production. Mais pourquoi est-ce justement toujours et uniquementle pouvoir d'achat <strong>de</strong>s sa<strong>la</strong>riés qu'il s'agit <strong>de</strong> stériliser? Pourquoi est-ce sur celui-ci que doit porter le seuleffort d'équilibre afin <strong>de</strong> réduire <strong>la</strong> consommation pour l'ajusterà <strong>la</strong> production 1Par surcroit, est-il tellement sage <strong>de</strong> chercher perpétuellementà adapter <strong>la</strong> consommation à <strong>la</strong> production et ne vaudrait-ilpas mieux que ce soit cette production qui « colle »à <strong>la</strong> consommation, par une consommation accrue, pour donnerà <strong>la</strong> production le marché dont elle a besoin pour se p<strong>la</strong>cerelle-même dans <strong>de</strong>s perspectives d'expansion qu'on ne. luilûuxaH pas gulïi§amment 2Nous <strong>de</strong>vons bien constater que tout freinage sur les sa<strong>la</strong>ire»joue en réalité dans le sens d'une sous-consommation dontnous payons le prix à plus ou moins longue échéance. iUne expérience est sur ce point frappante. En 1948, lessa<strong>la</strong>ires ont été bloqués. En octobre 1948, le Gouvernement aiautorisé une hausse <strong>de</strong>s sa<strong>la</strong>ires <strong>de</strong> 15 p. 100. Or, en 1949.!les prix cependant <strong>de</strong>meurent stables pendant toute l'année:ia production augmente elle-même <strong>de</strong> 15 p. 100, les stocks sesreconstituent et pompent <strong>la</strong> production. ,iMais, à brève échéance, les sa<strong>la</strong>ires n'étant plus revalorisésj<strong>la</strong> mévente commence, les comman<strong>de</strong>s s'arrêtent. Les produc-jteurs ne produisent pas pour stocker, mais pour vendre et,'par conséquent, ils arrêtent <strong>la</strong> production.jAu début <strong>de</strong> 1950, une chute <strong>de</strong> <strong>la</strong> production est consécutiveà <strong>la</strong> sous-consommation créée essentiellement par le bloWcage <strong>de</strong>s sa<strong>la</strong>ires. .jNous touchons là véritablement à ce qu'est le cycle production-consommationet à l'erreur qu'il y a <strong>de</strong> croire qu'on peutnormaliser l'économie uniquement en créant une sous-consommation,pour éviter une surproduction absolument factice,!alors qu'il faudrait simplement créer du pouvoir d'achat pour;« éponger » cette production et pour encourager cette expansionet cet accroissement.Lorsqu'on parle d'assainir l'économie, non seulement on netse soucie pas <strong>de</strong> stériliser le pouvoir d'achat excessif autre!ue celui <strong>de</strong>s sa<strong>la</strong>ires, mais on ne se soucie pas non plus'agir sur les autres facteurs <strong>de</strong> <strong>la</strong> hausse <strong>de</strong>s prix. On ne se,soucie pas — ou on s'est peu soucié jusqu'à ce jour, semblet-il— d'arrêter les hausses par <strong>de</strong>s interventions autoritaires, 1<strong>de</strong> stériliser le pouvoir d'achat excé<strong>de</strong>ntaire <strong>de</strong>s revenusmobiles, d'augmenter les biens <strong>de</strong> consommation et d'orienter<strong>la</strong> production dans le sens du développement <strong>de</strong>s biens <strong>de</strong>consommation.On ne se soucie pas d'agir sur ces fauteurs <strong>de</strong> troubles enfmatière <strong>de</strong> fixation <strong>de</strong> prix que sont les ententes économique^qui décrètent les hausses avant même qu'elles ne soient une!réalité dans <strong>la</strong> structure <strong>de</strong>s prix. Ce sont elles qui alimententavec le plus <strong>de</strong> vigueur <strong>la</strong> tendance à l'inf<strong>la</strong>tion. N'avons-nouspas constaté ces jours-ci,, dans <strong>de</strong> multiples secteurs, qu'il a''suffi <strong>de</strong> voir en perspective <strong>de</strong>s hausses d'impôts pour qu'immédiatementces hausses futures et problématiques se répercutent,en se multipliant, sur les prix à <strong>la</strong> consommation, si bienque le consommateur en a d'ores et déjà fait les frais ? N'y,a-t-il pas là une action première et énergique qui doit êtremenée, à savoir une action efficace sur les prix ? 1Tout ceci, voyez-vous, nous conduit à dire qu'il est impossible,dans une économie comme <strong>la</strong> nôtre, <strong>de</strong> se refuser $l'échelle mobile qui représente simplement une c<strong>la</strong>use <strong>de</strong>»garantie pour les plus défavorisés.Mais nous verrons que cette échelle mobile simplementajustée aux prix et à leur valeur nominale ne représente pasun progrès dans <strong>la</strong> voie <strong>de</strong> <strong>la</strong> justice sociale. Nous avons eul'honneur <strong>de</strong> le dire à cette tribune et nous tenons à le répéter,aujourd'hui avec plus <strong>de</strong> force encore au nom du groupe du !mouvement républicain popu<strong>la</strong>ire. ,Nous avons dit et proc<strong>la</strong>mé que nous étions partisans <strong>de</strong>Sréformes <strong>de</strong> structure afin <strong>de</strong> réaliser une économie plushumaine. Dans le même temps, et par un paradoxe invraisemb<strong>la</strong>ble,les exigences <strong>de</strong> vie <strong>de</strong>s travailleurs nous condamnentà nous dire les défenseurs du minimum vital. U y a là unesorte <strong>de</strong> dérision: Nous défendons le minimum vital, c'est-à^dire le niveau au-<strong>de</strong>ssous duquel l'homme mourrait <strong>de</strong> faim.Nous parlons <strong>de</strong> réformes <strong>de</strong> structure et nous en rêvons..L'heure ne serait-elle pas venue, à <strong>la</strong> faveur <strong>de</strong> débats commeceux d'aujourd'hui, d'amorcer ces réformes <strong>de</strong> structure ? Nousl'avions cru, nous l'avions pensé, nous n'avons pas été suivis.!Il faudra pourtant qu'on réalise cette nécessité et qu'on <strong>la</strong>concrétise.Défendre les conventions collectives, soit. Mais elles ne sonfpas une solution, elles ne constituent pas l'amorce d'un progrès.Sur le marché du travail, elles transposent tout au plusdu p<strong>la</strong>n <strong>de</strong> l'individu au p<strong>la</strong>n <strong>de</strong> <strong>la</strong> collectivité professionnelle,-<strong>la</strong> loi <strong>de</strong> l'offre et <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong>. Nous <strong>la</strong>issons, à traverselles, force d'arguments à <strong>la</strong> grève et au lock-out, d'autant:plus que nous avons refusé l'arbitrage obligatoire à l'instancesupérieure. )Ce n'est donc pas dans cette voie que nous trouverons 1$progrès social et les réformes <strong>de</strong> structure dont nous rêvons,!mais c'est dans <strong>la</strong> voie d'une autre échelle mobile, d'uneéchelle mobile qui tendrait, celle-là, non pas à stabiliser unminimum au-<strong>de</strong>ssous duquel on ne saurait <strong>de</strong>scendre, non pasà jouer le rôle <strong>de</strong> c<strong>la</strong>use <strong>de</strong> garantie indispensable certes,-mais insuffisante pour ce minimum, mais à assurer véritablementau travail, qui est l'un <strong>de</strong>s facteurs décisifs et prédominants<strong>de</strong> <strong>la</strong> production, sa part dans cette production, une partJauitable. et fixe.

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