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JOURNAL OFFICIEL - Débats parlementaires de la 4e République

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t M. Lucien Dégoutté. M. Gaborit est absent, mais M. Leenhardtbc-onnaîtra, je crois, que notre collègue ne l'a pas mis en cause.IL a cité exactement <strong>de</strong>s extraits d'un <strong>de</strong> ses discours.• Nous sommes bien d'accord ?M. Francis Leenhardt. Nous sommes tout à fait d'accord, mais,ce<strong>la</strong> s'appelle quand même mettre quelqu'un .en cause.M. le prési<strong>de</strong>nt. La parole est à M. Gabriel Paul. (App<strong>la</strong>udissementsà l'extrême gauche.)M. Gabriel Paul. Mesdames, messieurs, lors <strong>de</strong> <strong>la</strong> discussiondu premier texte re<strong>la</strong>tif à l'échelle mobile, nous avions présenté<strong>de</strong>vant l'Assemblée quelques observations sur les sa<strong>la</strong>ires <strong>de</strong>sjeunes travailleurs, <strong>de</strong>s femmes et <strong>de</strong>s travailleurs immigrés.Nous entendions obtenir que, pour un travail égal, ces travailleursbénéficient d'un sa<strong>la</strong>ire égal à celui <strong>de</strong> leurs compagnonsd'atelier.L'Assemblée n'avait pas cru <strong>de</strong>voir nous suivre.Depuis, nous avons repris notre position en commission lors<strong>de</strong> <strong>la</strong> discussion <strong>de</strong> l'échelle mobile nouveau modèle. Par25 voix contre 8 et 2 abstentions, nous avons été battus.Quels sont les arguments qu'on nous oppose ? Ils sont <strong>de</strong><strong>de</strong>ux sorles.M. Vialte et ses amis du groupe du mouvement républicainpopu<strong>la</strong>ire disent: Nous ne pouvons accepter <strong>de</strong> modifier <strong>la</strong> légis<strong>la</strong>tionen <strong>la</strong> matière à <strong>la</strong> faveur d'un texte qui n'a pas <strong>de</strong> rapportavec le problème <strong>de</strong>s sa<strong>la</strong>ires <strong>de</strong>s jeunes ou <strong>de</strong>s femmes.M. Coûtant et ses amis socialistes déc<strong>la</strong>rent: La proposition,si elle était appliquée, aggraverait <strong>la</strong> situation <strong>de</strong>s jeunes gens«t <strong>de</strong>s femmes.M. Francis Leenhardt. Nous n'avons jamais dit ce<strong>la</strong>.M. Gabriel Paul. Vous pouvez reprendre, monsieur Leenhardt,le Journal officiel du 9 septembre. Vous y retrouverez les propos<strong>de</strong> M. Coûtant.Ce sont là <strong>de</strong>s arguments <strong>de</strong> peu <strong>de</strong> valeur,i 11 n'est pas vrai qu'à <strong>la</strong> faveur <strong>de</strong> ce texte, nous entendionsmodifier <strong>la</strong> légis<strong>la</strong>tion. Notre souci, bien au contraire, est <strong>de</strong> <strong>la</strong>faire respecter.b La loi du 11 février 1950 précise, en effet, que les conventionscollectives nationales doivent comporter obligatoirement <strong>de</strong>sdispositions concernant les modalités d'application du principe :à travail égal, sa<strong>la</strong>ire égal, pour les femmes et les jeunes.[Très bien! très bien! à l'extrême gauche.)î Le Gouvernement ne veut pas en tenir compte et il se trouvejtjue c'est à <strong>la</strong> faveur <strong>de</strong> <strong>la</strong> fixation du sa<strong>la</strong>ire minimum garantiqu'il a dénoncé ce principe.. U s'agit donc <strong>de</strong> savoir, pour nous, s'il se trouvera dans cetteAssemblée une majorité qui entérinera les vio<strong>la</strong>tions <strong>de</strong> <strong>la</strong> loiipt dira au Gouvernement: continuez, ne tenez pas compte <strong>de</strong>ce que nous avons voté. Vous avez les mains libres. Mais alors,he venez plus nous dire que vous défen<strong>de</strong>z les intérêts <strong>de</strong>stravailleurs les plus défavorisés.' En effet, que fait le Gouvernement ? Il invite, après avoirdonné l'exemple, le patronat à réduire le sa<strong>la</strong>ire <strong>de</strong>s jeunes etjïe ceux dont les aptitu<strong>de</strong>s physiques sont réduites.La circu<strong>la</strong>ire du 25 août 1950 précise, en effet:« 1° Les jeunes travailleurs ont droit à une rémunérationtninimum, obtenue en pratiquant les abattements suivants surle sa<strong>la</strong>ire minimum national interprofessionnel garanti:« De 14 à 15 ans, 50 ip. 100; <strong>de</strong> 15 à 16 ans, 40 p. 100; <strong>de</strong> 16 àil ans. 30 p. 100 ; <strong>de</strong> 17 à 18 ans, 20 p. 100.i « 2° Les sa<strong>la</strong>riés dont les aptitu<strong>de</strong>s physiques sont réduitesont une rémunération qui ne peut être inférieure <strong>de</strong> plus d'undixième au minimum garanti, sous réserve <strong>de</strong> dispositions prises,pour certains cas particuliers, par l'inspecteur divisionnairedu travail. »Allez-vous permettre plus longtemps une telle surexploitation? Je dis bien surexploitation, car, dans <strong>la</strong> majorité <strong>de</strong>s cas,les travailleurs visés par votre circu<strong>la</strong>ire accomplissent le mêmetravail que leurs camara<strong>de</strong>s d'atelier déjà exploités,(î Est-il utile <strong>de</strong> rappeler les exemples que nous avions déjàcités ? Nous nous bornerons à en ajouter quelques autres.pDans les ateliers <strong>de</strong> confection, pour aggraver encore lesabattements, le patronat prétend imposer <strong>de</strong>s contrats d'apprentissage<strong>de</strong> trois ans alors que le travail se fait à <strong>la</strong> chaîne etqu'une mise en route suffit souvent pour être au courant <strong>de</strong>l'opération et <strong>de</strong> <strong>la</strong> ca<strong>de</strong>nce <strong>de</strong> travail.A <strong>la</strong> Société parisienne d'habillement, les ouvrières sont obligées<strong>de</strong> travailler aux pièces. Elles arrivent péniblement àgagner 100 francs l'heure. Mais si elles ont moins <strong>de</strong> 18 ans,pour le même travail elles ne percevront que 78 francs.Chez Renault, chez Citroën, aux postes où il faut beaucoup<strong>de</strong> souplesse et d'agilité, ce sont <strong>de</strong>s jeunes et <strong>de</strong>s femmes quisont employés. Mais leurs sa<strong>la</strong>ires ne correspon<strong>de</strong>nt pas autravail rendu.Dans les usines <strong>de</strong> conserves, <strong>de</strong>s hommes, <strong>de</strong>s femmes, <strong>de</strong>sjeunes travaillent à une même tâche, mais leurs sa<strong>la</strong>ires sontdifférents.Tout ce<strong>la</strong> se passe avec votre approbation tacite.Comment prétendre qu'une telle situation s'aggraverait —comme l'a fait M. Coûtant — si, pour un même travail, cesouvriers et ouvrières avaient le même sa<strong>la</strong>ire .que leurs compagnons?J'entend bien le raisonnement <strong>de</strong> M. Coûtant et <strong>de</strong> ses amissocialistes. 11 signifie : si vous leur donnez le même sa<strong>la</strong>ire, ilsne trouveront pas <strong>de</strong> travail.Une fois <strong>de</strong> plus, vous essayez <strong>de</strong> faire valoir <strong>la</strong> politique dumoindre mal et, en agissant ainsi, votre but est <strong>de</strong> tenter <strong>de</strong>freiner <strong>la</strong> lutte <strong>de</strong>s jeunes et <strong>de</strong>s femmes pour obtenir <strong>de</strong> meilleurssa<strong>la</strong>ires. (App<strong>la</strong>udissements à l'extrême gauche.)Vous agissez en toute occasion en gérants lo'vaux du capitalisme.Votre attitu<strong>de</strong> tend à permettre au patronat <strong>de</strong> spéculersur une éventuelle division <strong>de</strong>s travailleurs.M. Francis Lenhardt. Nous sommes au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> vos insultes!M. Gabriel Paul. La c<strong>la</strong>sse ouvrière se rend compte chaquejour <strong>de</strong> votre rôle. Lorsque le jeune travailleur atteint dixnuitans et qu'il ne trouve pas <strong>de</strong> travail, il sait que c'estparce que vous permettez l'embauche à bas prix <strong>de</strong> ses camara<strong>de</strong>splus jeunes ; ceux-ci comprennent alors d'autant mieuxque leur intérêt est <strong>de</strong> toucher un sa<strong>la</strong>ire qui correspon<strong>de</strong> àleur travail s'ils ne veulent pas <strong>de</strong>main être licenciés à leurtour.Vous savez pourtant que c'est ainsi que les choses sepassent.Au cours <strong>de</strong> <strong>la</strong> précé<strong>de</strong>nte légis<strong>la</strong>ture, vous avez— députéssocialistes et M. R. P. — voté <strong>la</strong> suppression <strong>de</strong>s abattementsd'âge. On était à <strong>la</strong> veille <strong>de</strong>s élections et ceci explique ce<strong>la</strong>.Vous avez changé <strong>de</strong>puis. Vous n'avez plus, sans doute, pourl'instant, à craindre <strong>de</strong>s élections nouvelles qui vous amèneraientà vous expliquer <strong>de</strong>vant les électeurs, y compris <strong>de</strong>vantles jeunes et <strong>de</strong>vant les femmes. (App<strong>la</strong>udissements à l'extrêmegauche.)Si vous persistez aujourd'hui à vous opposer à l'applicationdu principe : à travail égal, sa<strong>la</strong>ire égal, ce<strong>la</strong> signifieratout simplement que vous enten<strong>de</strong>z maintenir <strong>de</strong>s sa<strong>la</strong>ires <strong>de</strong>misère pour les catégories ies plus défavorisées <strong>de</strong>s travailleurs.Cependant vous ne faites pas <strong>de</strong> différence <strong>de</strong> sexe, d'âgeou <strong>de</strong> nationalité quand vous parlez d'augmenter <strong>la</strong> productivité.Vous n'enten<strong>de</strong>z pas épargner les ca<strong>de</strong>nces infernales àqui que ce soit. Bien au contraire, et je rappelle ce qu'a dit,à ce propos, l'ancien secrétaire d'Etat à l'enseignement technique,M. Lemaître: « 11 faut tenir <strong>de</strong> plus en plus compte,pour l'apprentissage, <strong>de</strong> <strong>la</strong> productivité ».Et dans quel esprit, selon lui ? Tout simplement pour faire<strong>de</strong>s robots <strong>de</strong> nos jeunes gens auxquels on juge inutile <strong>de</strong>donner une véritable qualification.Ainsi les portes <strong>de</strong>s usines se ferment-t-elles <strong>de</strong>vant lesjeunes travailleurs qualifiés; et si elles ne se ferment pas,elles ne s'ouvrent que si les jeunes acceptent le rôle <strong>de</strong> manœuvresspécialisés.M. Pierre <strong>de</strong> Léotard. Allons donc!M. René Camphin. Vous n'avez jamais travaillé <strong>de</strong> votre vie,monsieur <strong>de</strong> Léotard.M. Pierre <strong>de</strong> Léotard. Et vous, vous avez une mine <strong>de</strong> repu!Soyez sérieux. (Rires à l'extrême droile.)M. Charles Benoïst. Directeur <strong>de</strong> sociétés!M. Gabriel Paul. Un seul exemple.A <strong>la</strong> robinetterie <strong>de</strong> Quimper, après avoir effectué leur apprentissage,les jeunes ouvriers sont immédiatement licenciés.Vous ne négligez donc rien pour créer les pires difficultésà <strong>la</strong> jeunesse. Et ce n'est, pas seulement sa surexploitation quevous visez, vous enten<strong>de</strong>z aussi spéculer sur <strong>la</strong> misère <strong>de</strong>sjeunes travailleurs en les appâtant, par ailleurs, par <strong>de</strong>s primessubstantielles pour les amener à s'engager dans <strong>la</strong> guerre d'Indochine.Vous espérez encore utiliser les jeunes et les femmes commemasse <strong>de</strong> manœuvre afin d'exercer une forte pression sur lessa<strong>la</strong>ires <strong>de</strong> leurs aînés, auxquels le patron pourrait dire:acceptez 10 ou 15 francs horaires <strong>de</strong> moins, sinon j'emploierai<strong>de</strong>s jeunes que je payerai encore moins.Avec <strong>de</strong> tels procédés, dites-nous alors comment pourraitfonctionner normalement l'échelle mobile <strong>de</strong>s sa<strong>la</strong>ires et àplus forte raison, votre caricature d'échelle mobile ?En refusant <strong>de</strong> donner le sa<strong>la</strong>ire qui revient à chacun selonson travail, vous donnerez <strong>de</strong>s armes tau patronat pour liqui<strong>de</strong>rpar avance le principe <strong>de</strong> l'échelle mobile.Mais, quelle que soit votre position, ce sont, en définitive,les ouvriers qui déci<strong>de</strong>ront.

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